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Le Protestantisme et Marie Introduction Ce bref exposé, qui ne prétend pas rapporter un message complet de ce que dit l'Eglise Protestante au sujet de Marie, cherche à montrer les grands enjeux œcuméniques, et permet - je l'espère - d'éclairer le lecteur de l'une ou de l'autre Eglise sur les différences réelles, pour avancer ainsi sur le chemin de l'Unité des Chrétiens, et peut-être éviter quelques préjugés. Pour ce qui concerne le terme Protestantisme, je me suis basé sur des théologiens de diverses époques provenant de la Communion Anglicane, de l'Eglise Luthérienne et de l'Eglise Réformée, soit les grandes Eglises de la Réforme du XVIème siècle. Mais il est fort probable qu'il n'est guère de différence sur la question mariale dans les Eglises Evangéliques et autres mouvements liés directement ou indirectement à la Réforme. Si dans le malheureux passé des guerres religieuses, des exactions ont été commises du côté Protestant contre des statues - ce qui a d'ailleurs été vivement refusé par les Réformateurs eux- mêmes - c'était aussi pour honorer Marie, l'humble Marie de l'Evangile, opposée à une Marie objet de Culte. 1 Le Protestantisme évoque souvent Marie comme figure de l'Eglise, celle qui reçoit la Grâce et qui en vit, une Eglise pauvre, humble et consciente de son péché. 2 Elle est exemplaire au même titre que tous les témoins de la foi. 3 "La condition et l’état de cette femme sont connus par une autorité divine ; c’est la plus heureuse de toutes les femmes qui soient nées ; on est pleinement assuré qu’elle jouit de la vision de Dieu et de la gloire que son Fils lui a acquise. Et s’il était permis d’adorer la créature, il est incontestable que cette Mère de Dieu mériterait de l’être préférablement à une infinité de saints." 4 1 Le Protestantisme et la Vierge Marie, par Jean Bosc, Pierre Bourguet, Pierre Maury, Hébert Roux, Editions « Je sers », Paris, collection « Protestantisme », 1950, p. 10 2 Giovanni Miegge La Vergine Maria, Saggio di storia del dogma, Torino, Edizioni Claudiana, 1982 (terzera edizione), p.321 3 Le Protestantisme et la Vierge Marie, p.88 4 Idem, p. 15 1

erstagreve.files.wordpress.com · Web viewLe Concile de Trente ne formule pas de dogme spécifique à Marie. Le pape Pie V, dans le bréviaire romain de 1568, donne la totalité de

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Le Protestantisme et Marie

Introduction

Ce bref exposé, qui ne prétend pas rapporter un message complet de ce que dit l'Eglise Protestante au sujet de Marie, cherche à montrer les grands enjeux œcuméniques, et permet - je l'espère - d'éclairer le lecteur de l'une ou de l'autre Eglise sur les différences réelles, pour avancer ainsi sur le chemin de l'Unité des Chrétiens, et peut-être éviter quelques préjugés.

Pour ce qui concerne le terme Protestantisme, je me suis basé sur des théologiens de diverses époques provenant de la Communion Anglicane, de l'Eglise Luthérienne et de l'Eglise Réformée, soit les grandes Eglises de la Réforme du XVIème siècle. Mais il est fort probable qu'il n'est guère de différence sur la question mariale dans les Eglises Evangéliques et autres mouvements liés directement ou indirectement à la Réforme.

Si dans le malheureux passé des guerres religieuses, des exactions ont été commises du côté Protestant contre des statues - ce qui a d'ailleurs été vivement refusé par les Réformateurs eux-mêmes - c'était aussi pour honorer Marie, l'humble Marie de l'Evangile, opposée à une Marie objet de Culte.1

Le Protestantisme évoque souvent Marie comme figure de l'Eglise, celle qui reçoit la Grâce et qui en vit, une Eglise pauvre, humble et consciente de son péché.2 Elle est exemplaire au même titre que tous les témoins de la foi.3

"La condition et l’état de cette femme sont connus par une autorité divine ; c’est la plus heureuse de toutes les femmes qui soient nées ; on est pleinement assuré qu’elle jouit de la vision de Dieu et de la gloire que son Fils lui a acquise. Et s’il était permis d’adorer la créature, il est incontestable que cette Mère de Dieu mériterait de l’être préférablement à une infinité de saints."4

Et si le Protestantisme, de par l'Histoire, et par la vision d'un Catholicisme qui a son goût a fortement exagéré les attributs de Marie5, a souvent parlé à la négative, il était heureux - et urgent - qu'à l'heure actuelle il dise clairement et positivement ce qu'il croit au sujet de Marie.6 Cela était d'ailleurs nécessaire pour une critique honnête et constructive de l'Eglise Catholique,7 et revenait

1 Le Protestantisme et la Vierge Marie, par Jean Bosc, Pierre Bourguet, Pierre Maury, Hébert Roux, Editions « Je sers », Paris, collection « Protestantisme », 1950, p. 10

2 Giovanni Miegge La Vergine Maria, Saggio di storia del dogma, Torino, Edizioni Claudiana, 1982 (terzera edizione), p.321

3 Le Protestantisme et la Vierge Marie, p.884 Idem, p. 155 Idem, p. 106 "Il conviendrait que l’Eglise Réformée, se dégageant de son complexe antiromain, prît la

peine de formule de façon positive les affirmations bibliques fondamentales sur la Vierge Marie et établît clairement le pourquoi de ses réserves et de son refus. On s’apercevrait peut-être alors que si la pensée réformée s’exprime de façon critique ou négative, et s’en tient à des « non » catégoriques quant à la Vierge Marie telle que la confesse et la vénère l’Eglise catholique romaine, c’est à cause même du « oui » fondamental qu’elle prononce quant à cette même Vierge Marie, telle que la lui révèle l’Ecriture Sainte." Idem, p. 70

7 Idem, p.261

d'une certaine manière aux origines même de la Réforme, si l'on pense au commentaire de Luther du Magnificat.8

Cela dit, est-ce Biblique de présenter Marie sans Joseph? S'il est moins présent qu'elle dans les Ecritures, n'oublions jamais qu'il participe, en tant que père de droit, à la famille dans laquelle Dieu vient au monde. Le Oui de Marie s'accompagne du Oui de Joseph, chacun selon sa mission respective.

A travers ces quelques pages, ce qui apparaîtra des différences entre le Catholicisme Romain et le Protestantisme au sujet de Marie nous renverra en réalité aux différences de fond: le Sola Scriptura (l'Ecriture Seule est la norme de notre Foi), le Sola Gratia (nous sommes sauvés par pure Grâce, sans aucune coopération de notre part), le Soli Deo Gloria (A Dieu Seul la Gloire).

I) les Saintes Ecritures.

1) Marie dans l'Ancien Testament?

Marie est-elle présente dans l'Ancien Testament? D'une certaine manière oui, si l'on se souvient d'Esaïe:

Esaïe VII, 14 : C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe, voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, et elle lui donnera le nom d'Emmanuel.

Cela dit, les diverses reprises de l'Ancien Testament dans les textes Pontificaux, et notamment pour le dogme de l'Assomption (1er novembre 1950, Constitution Apostolique Munificentissimus Deus de Pie XII) ne nous apparaissent en rien liés à Marie.

Dès le Christianisme antique, Marie est vue comme la "nouvelle Eve", de même que Jésus-Christ est le nouvel Adam (d'après I Corinthiens XV, 45). Marie "répare" la faute d'Eve9. Nous ne nous associons pas à cette

8 "Reconnaissons-le avec repentir, c’est-à-dire avec combat pour le changement, à la différence de Luther, la tradition du protestantisme a trop souvent oublié la louange de Marie. Nous ne louons pas assez Marie, dans nos prédications, nos liturgies, nos prières et nos cantiques, par peur et par refus de toute mariologie. Peut-être y a-t-il là, en tradition réformée plus qu’en tradition luthérienne, l’une des raisons d’une certaine sécheresse dans l’exclamation de la louange. Ici, nous avons beaucoup à apprendre et des orthodoxes, et des catholiques." André et Francine Dumas, Marie de Nazareth, Labor et Fides, Entrée Libre n°3, Genève, 1989, pp. 86-87

9 "Ensuite signalons que c’est un réflexe masculinisant parallèle à la misogynie du judaïsme postérieur de rapprocher Marie d’Eve, ou de faire d’Eve la contre-image de Marie ; Eve porterait donc la plus grande responsabilité dans la faute originelle (ce qui en contrepoint amènerait Marie à porte la plus grande responsabilité dans notre salut). Rappelons alors :

1) que ce n’est que tardivement que la théologie juive, par misogynie, déplacera la responsabilité originelle du couple pour l’imputer surtout, sinon uniquement à la femme (Sirac. 25, 24) ;

2) que lorsqu’en Rom 5, 12 ss, Paul veut mettre en parallèle la perdition originelle et universelle avec le salut (infiniment plus vaste : cf. « A plus forte raison… » apporté par le Christ, il ne parle que d’Adam, « modèle (type)-de-celui-qui-venait » ; ensuite 2 Cor 11, 3 montre que si Paul a connu la tradition « Eve première séduite », cela n’a pas pour lui l’importance théologique d’un théorème qui figerait la femme en un statut d’éternelle et principale coupable ; qui ne voit que l’équation devient alors (si l’on fait de Marie le double salutaire d’Eve) : « Puisque la perdition est venue (prioritairement) par une femme, le salut ne peut venir (prioritairement) que par une autre femme » ? "A. Maillot, Marie ma sœur, la femme dans le Nouveau Testament (et

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compréhension, d'abord parce que le Nouveau Testament n'en dit rien, et par ailleurs, cela rapproche grandement les mérites de Marie à ceux du Christ, seul Rédempteur, et seul Médiateur…

2) Marie dans le Nouveau Testament

a) Récits de la Nativité   : Mt I, Lc I et II.

Matthieu I

18. Voici de quelle manière arriva la naissance de Jésus Christ. Marie, sa mère, ayant été fiancée à Joseph, se trouva enceinte, par la vertu du Saint Esprit, avant qu'ils eussent habité ensemble.

19. Joseph, son époux, qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle.

20. Comme il y pensait, voici, un ange du Seigneur lui apparut en songe, et dit: Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient du Saint Esprit;

21. elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus; c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.

L'Annonciation faite à Joseph confirme celle à Marie. Ce passage nous indique que si Joseph n'a aucune part dans la naissance de l'enfant (Primauté Divine), il devra, en tant que "père de droit", lui donner un nom, le nom le plus adéquat, "Dieu sauve". Ni Joseph, ni Marie, ne participent en tant que tels au Salut, mais, choisis, et humblement fidèles à la Parole de Dieu, ils participent tous deux à l'Histoire du Salut, comme premiers disciples du Christ qu'ils vont élever.

Luc I

26. Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth,

27. auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie.

28. L'ange entra chez elle, et dit: Je te salue, toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi.

29. Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation.

30. L'ange lui dit: Ne crains point, Marie; car tu as trouvé grâce devant Dieu. 31. Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui

donneras le nom de Jésus. 32. Il sera grand et sera appelé Fils du Très Haut, et le Seigneur Dieu lui

donnera le trône de David, son père. 33. Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n'aura

point de fin. 34. Marie dit à l'ange: Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point

d'homme?

au début du christianisme), Letouzey et Ané, éditeurs, Paris, 1990, p. 80

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35. L'ange lui répondit: Le Saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu.

36. Voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois.

37. Car rien n'est impossible à Dieu. 38. Marie dit: Je suis la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon ta

parole! Et l'ange la quitta. 39. Dans ce même temps, Marie se leva, et s'en alla en hâte vers les

montagnes, dans une ville de Juda. 40. Elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Élisabeth. 41. Dès qu'Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit

dans son sein, et elle fut remplie du Saint Esprit. 42. Elle s'écria d'une voix forte: Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de

ton sein est béni. 43. Comment m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès

de moi? 44. Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille,

l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon sein. 45. Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la

part du Seigneur auront leur accomplissement. 46. Et Marie dit: Mon âme exalte le Seigneur, 47. Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur, 48. Parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Car voici,

désormais toutes les générations me diront bienheureuse, 49. Parce que le Tout Puissant a fait pour moi de grandes choses. Son nom

est saint, 50. Et sa miséricorde s'étend d'âge en âge Sur ceux qui le craignent. 51. Il a déployé la force de son bras; Il a dispersé ceux qui avaient dans le

cœur des pensées orgueilleuses. 52. Il a renversé les puissants de leurs trônes, et il a élevé les humbles. 53. Il a rassasié de biens les affamés, et il a renvoyé les riches à vide. 54. Il a secouru Israël, son serviteur, et il s'est souvenu de sa miséricorde, - 55. Comme il l'avait dit à nos pères, - envers Abraham et sa postérité pour

toujours. 56. Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois. Puis elle retourna chez

elle.

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L'Ange salue Marie (littéralement "Réjouis-toi" en grec), et la joie10 est vraiment fondamentale dans cette histoire où la Grâce particulière de mettre au monde le Messie est donnée à Marie. Il y a d'ailleurs en grec une proximité entre les mots "joie" et "grâce".

Marie est celle à qui une grâce a été accordée (et non pas "pleine de grâce", d'après la traduction latine de Jérôme en 400: gratia plena). Ce qui peut être traduit dans le Nouveau Testament par "plein de Grâce" est lié au Verbe ou à l'Esprit.11

Marie apparaît comme une jeune femme croyante, acceptant sa mission dans la joie, dans un simple étonnement, mais qui ne va pas à l'encontre à la Parole et de la Grâce de Dieu témoignée à travers les paroles de l'Ange.12

En venant au monde (l'Incarnation) en dehors de la conception humaine normale, Dieu signifie sa primauté, son acte créateur.

Dans sa visite à Elisabeth, l'enfant est encore une fois au centre, car c'est à partir de lui que réagit l'enfant d'Elisabeth, le futur Jean-Baptiste. C'est aussi à partir de lui que Marie est bénie entre toutes les femmes13.

Le Cantique de Marie ("Magnificat") est un chef d'œuvre de louange, à la suite des croyants et croyantes de l'Ancienne Alliance qui ont glorifié l'Eternel. Marie est dans la plus pure tradition Juive, dans la continuité d'Israël. Elle est d'ailleurs un peu Israël qui enfante le Messie.

Luc II10 "Or si Marie reçoit une grâce unique (une fois pour … toutes et tous), celle d’enfanter le

Christ, elle ne reçoit pas une autre grâce, parallèle à celle qui est faite à tous ceux qui croient et qui deviennent, par la venue du Christ chez eux, la famille et les enfants de Dieu : Jean 1, 13-13 ; Rom 8, 14-17, etc. Or nul chrétien qui se sait appartenir à la famille de Dieu et détenir l’héritage du Père, ne voudra jamais empêcher la grâce de rejaillir de lui jusqu’aux autres. Nul chrétien, devenu fils au même titre que le Christ (Rom 8, 17), ne voudra enfermer la grâce qui lui a été faite, pour la détenir tout seul. Nul chrétien-fils ne peut refuser de vivre comme propagateur de la grâce de Dieu. Aucun ne pourra s’approprier la grâce pour la geler en quelque sorte, la thésauriser pour éventuellement la distribuer quand bon lui semble.

Marie est ainsi un relais privilégié de la grâce. Jamais elle n’en sera la cause. Le « impossible aux hommes (et aux femmes !) » du v. 37, est irréfutable. D’ailleurs Gabriel place ainsi (v. 37) les deux naissances impossibles (Jean-Baptiste : v. 36, et Jésus : v. 34) sous la seule promesse de Dieu." A. Maillot, Marie ma sœur, la femme dans le Nouveau Testament (et au début du christianisme), Letouzey et Ané, éditeurs, Paris, 1990, p. 87

11 "L’expression « pleine de grâce » est bien employée plusieurs fois dans le Nouveau Testament mais justement pas là, dans ce texte qui concerne Marie ! « Pleine de grâce » se trouve dans Jean I, 14 pour désigner le Verbe fait chair et aussi dans Actes VI, 5, pour désigner la plénitude du Saint Esprit agissant dans le diacre Etienne." Le Protestantisme et la Vierge Marie , pp. 77-78

12 "La question de Marie : « Comment cela arrivera-t-il ? » ne manifeste pas, comme c'est le cas dans le texte parallèle de l'annonciation à Zacharie, l'incrédulité, pas même une objection tirée du fait de sa virginité, mais plutôt, semble-t-il, une attente, celle d'un événement qui n'est justement pas en son pouvoir, puisqu' « elle ne connaît pas d'homme », et qui ne peut être que l’œuvre même de Dieu, précisément une action créatrice à laquelle elle ne peut avoir aucune part active." Hébert Roux Le Concile et le dialogue œcuménique. Editions du Seuil, Paris, 1964, p.130

13 "C’est à cause de Jésus-Christ et lui seulement que Marie est bénie, et la bénédiction rejaillit ainsi sur toutes celles qui enfanteront. Cependant la grâce est tellement dynamique qu’il est ridicule de vouloir délimiter avec précision son domaine d’intervention. Il n’en reste pas moins que si Marie est la première de toutes, c’est en tête de toutes, non au-dessus de toutes." A. Maillot, p. 88

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6. Pendant qu'ils étaient là, le temps où Marie devait accoucher arriva, 7. et elle enfanta son fils premier-né. Elle l'emmaillota, et le coucha dans

une crèche, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans l'hôtellerie. 19. Marie gardait toutes ces choses, et les repassait dans son cœur. 21. Le huitième jour, auquel l'enfant devait être circoncis, étant arrivé, on

lui donna le nom de Jésus, nom qu'avait indiqué l'ange avant qu'il fût conçu dans le sein de sa mère.

22. Et, quand les jours de leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur, -

34. Siméon les bénit, et dit à Marie, sa mère: Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction,

35. et à toi-même une épée te transpercera l'âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient dévoilées.

39. Lorsqu'ils eurent accompli tout ce qu'ordonnait la loi du Seigneur, Joseph et Marie retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville.

40. Or, l'enfant croissait et se fortifiait. Il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

41. Les parents de Jésus allaient chaque année à Jérusalem, à la fête de Pâque.

42. Lorsqu'il fut âgé de douze ans, ils y montèrent, selon la coutume de la fête.

46. Au bout de trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant.

47. Tous ceux qui l'entendaient étaient frappés de son intelligence et de ses réponses.

48. Quand ses parents le virent, ils furent saisis d'étonnement, et sa mère lui dit: Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous? Voici, ton père et moi, nous te cherchions avec angoisse.

49. Il leur dit: Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père?

50. Mais ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait. 51. Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth, et il leur était soumis.

Sa mère gardait toutes ces choses dans son cœur.

Marie recevra, à travers la Prophétie du vieillard Siméon, une parole terrible qui se concrétisera au moment de la croix ("Une épée te transpercera l'âme"). Dans d'autres circonstances, cette parole peut évoquer les distances familiales (au sens large du terme) avec le Maître (Seigneur) Jésus, comme à Cana. Certains rares exégètes ont compris cette prophétie dans le sens littéral, à savoir donc que Marie serait véritablement tuée par l'épée14. Cela ne peut être évidemment accepté en Théologie Catholique, car contradictoire avec le Dogme

14 "Ed Epifanio che ha difeso altrettanto severamente la verginità di Maria dice letteralmente : « O la sante vergina è morta e seppellita – allora la sua morte è stata un onore e ha significato il coronamento della purezza e della verginità. Oppure fu uccisa, come è scritto : « Una spada ti trapasserà l'anima », allora la sua gloria è fra i martiri e il suo santo corpo è benedetto, perchè per lei è spuntata la luce." Rivista Protestantesimo, Gennaio-Marzo 1951 (Anno VI – N.1), p.7

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de l'Assomption. Et cela ne peut être avéré et pris trop au sérieux du côté Protestant, puisqu'il n'en est pas question dans le Nouveau Testament.

Marie garde toutes ces choses dans son cœur. Littéralement, elle les "symbolise", les réunit, les coordonne. Jésus a confirmé à ses parents que sa véritable paternité est Divine. Déjà commence à se dessiner une distance entre le Christ et sa famille, car désormais, sa véritable famille sera constituée des disciples, ce qui est un appel permanent à tous, et ainsi Joseph et Marie.

b) La Vierge dans le ministère de Jésus   : Jean II, 1-11 (noces de Cana)   ; Mt XII, 46-50 et //, Mt XIII, 53-57 (nous trouvons aussi les // en Marc 3, 21s et 31-35   ; Lc XI, 27-28.

Jean II, 1-11 (les noces de Cana)

1. Trois jours après, il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là,

2. et Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples. 3. Le vin ayant manqué, la mère de Jésus lui dit: Ils n'ont plus de vin. 4. Jésus lui répondit: Femme, qu'y a-t-il entre moi et toi? Mon heure n'est

pas encore venue. 5. Sa mère dit aux serviteurs: Faites ce qu'il vous dira. 6. Or, il y avait là six vases de pierre, destinés aux purifications des Juifs, et

contenant chacun deux ou trois mesures. 7. Jésus leur dit: Remplissez d'eau ces vases. Et ils les remplirent jusqu'au

bord. 8. Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en à l'ordonnateur du repas. Et ils

en portèrent. 9. Quand l'ordonnateur du repas eut goûté l'eau changée en vin, -ne

sachant d'où venait ce vin, tandis que les serviteurs, qui avaient puisé l'eau, le savaient bien, -il appela l'époux,

10. et lui dit: Tout homme sert d'abord le bon vin, puis le moins bon après qu'on s'est enivré; toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent.

11. Tel fut, à Cana en Galilée, le premier des miracles que fit Jésus. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

Il y a tout à la fois une incompréhension de la part de Marie à la mission de Jésus-Christ, qui lui répond non pas comme un fils, mais en tant que le Seigneur s'adressant à une humaine-femme pour lui signifier qu'Il décide; et en même temps, comme pour l'Annonciation ("Qu'il me soit fait selon ta parole") une obéissance et un appel à l'obéissance ("Faîtes ce qu'il vous dira").

Ce passage rappelle un peu celui de la Cananéenne, car une femme incite Jésus-Christ à faire quelque chose qu'il n'avait pas prévu, et il agit en conséquence.15

15 "Cependant Jésus va quand même céder à la demande de sa mère ; pour comprendre cela, il faut se référer à cette autre insistance féminine, celle de la Cananéenne de Mt 15, 21, qui va contraindre Jésus, par son entêtement confiant, à « accélérer son heure », à ne plus être uniquement le Rabbi des seules brebis juives, mais déjà le Sauveur de tout le monde et même des « chiots-qui-traînent-sous-les-tables ».

Le rôle de Marie est donc ici à mettre en parallèle avec celui de la Cananéenne qui, elle-même, joue un rôle comparable à celui du centenier de Mt 8, 5-13 (où il faut traduire au v. 7 :

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Matthieu XII, 46-50, la "famille" de Jésus

46. Comme Jésus s'adressait encore à la foule, voici, sa mère et ses frères, qui étaient dehors, cherchèrent à lui parler.

47. Quelqu'un lui dit: Voici, ta mère et tes frères sont dehors, et ils cherchent à te parler.

48. Mais Jésus répondit à celui qui le lui disait: Qui est ma mère, et qui sont mes frères?

49. Puis, étendant la main sur ses disciples, il dit: Voici ma mère et mes frères.

50. Car, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère.

Matthieu XIII, 53-57

53. Lorsque Jésus eut achevé ces paraboles, il partit de là. 54. S'étant rendu dans sa patrie, il enseignait dans la synagogue, de sorte

que ceux qui l'entendirent étaient étonnés et disaient: D'où lui viennent cette sagesse et ces miracles?

55. N'est-ce pas le fils du charpentier? n'est-ce pas Marie qui est sa mère? Jacques, Joseph, Simon et Jude, ne sont-ils pas ses frères?

56. et ses sœurs ne sont-elles pas toutes parmi nous? D'où lui viennent donc toutes ces choses?

57. Et il était pour eux une occasion de chute. Mais Jésus leur dit: Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie et dans sa maison.

La véritable parenté de Jésus est Divine, et sa véritable famille ses disciples. Cette opposition marque sans doute que sa propre famille "de sang" n'était pas, toujours et partout, dans une attitude de disciple à son égard.

Cela signifie-t-il que Jésus avait des frères et sœurs, dans le sens où Joseph et Marie, vivant normalement leur vie de couple marié, auraient eu des enfants après sa propre naissance? Les théologiens Protestants de l'époque contemporaine vont plutôt dans cette direction. Cela dit, certains dialogues œcuméniques montrent l'attachement des Eglises Protestantes à la semper virgo (Marie toujours vierge). Pour ma part, les arguments exégétiques me semblent laisser la place aux deux interprétations. Aussi, je préconise de ne pas rejeter l'idée d'enfants de Joseph et Marie, malgré un souci - certes louable - d'œcuménisme, et ne de ne pas refuser non plus le semper virgo par des vues a priori négatives envers l'Eglise Catholique, ou par l'utilisation d'une seule

« Et moi (tu crois que) j’irais la guérir ? ») C’est un refus (le centurion est païen) dont la foi va vaincre et convaincre le Christ (vts. 10-11).

Mais pas plus qu’on ne pourrait l’accorder à la Cananéenne, on ne peut sur cet épisode de Cana accorder à Marie une place spécifique et unique d’intercession perpétuelle. Tout au plus, toujours comme la Cananéenne, femme elle aussi, obtient-elle que Jésus fasse avancer l’Horloge de l’histoire du salut. Tout comme chaque chrétien (ne) devrait par sa prière hâter l’heure de la venue du Royaume : « Seigneur, viens bientôt ! ».

Cana prouve tout au plus (mais ce n’est pas si mal) que Jésus n’est pas indifférent à la prière et qu’il peut même bousculer ses projets, hâter son plan salutaire à cause d’elle. Jésus attend notre prière pour faire un pas vers notre monde." A. Maillot, p. 94

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méthode exégétique (notamment "historico-critique") qui ne laisserait pas de place au mystère, à la surprise, et donc - d'une certaine manière - à la Foi.

Luc XI, 27-28

27. Tandis que Jésus parlait ainsi, une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit: Heureux le sein qui t'a porté! heureuses les mamelles qui t'ont allaité!

28. Et il répondit: Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent!

Si Marie est bénie entre toutes les femmes, et si toutes les générations la diront bienheureuse, c'est justement parce qu'elle a écouté le Parole de Dieu, l'a gardée, méditée, et proclamé sa louange envers l'Eternel par son Cantique, à la suite d'autres femmes illustres de l'Ancienne Alliance.

Bien évidemment, ce passage a été utilisé, dans le passé, dans le Protestantisme, pour dire combien le Catholicisme déviait, en se tournant vers Marie (les mamelles qui ont allaité Jésus), plutôt que vers Dieu qu'elle proclamait haut et fort dans son Cantique. La critique constructive permet aujourd'hui des discussions plus apaisées.

c) La Vierge au Calvaire   : Jean XIX, 25-27.

25. Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala.

26. Jésus, voyant sa mère, et auprès d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère: Femme, voilà ton fils.

27. Puis il dit au disciple: Voilà ta mère. Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui.

L'Eglise, fort peu présente à la croix, est une communauté où l'un porte l'autre, l'un est confié à l'autre. C'est désormais très clair pour Marie qui sera confiée à "Jean" (on attribue toujours l'attribut "disciple bien aimé" à Jean l'Apôtre, bien que cela ne soit pas totalement sûr), et inversement.

Les disciples, les premiers Chrétiens, les Apôtres, ne se sont pas bousculés pour venir soutenir leur Maître en ce moment si terrible! Jésus le fils ne laisse pas tomber sa mère (il ne veut pas qu'elle demeure sans protection), Jésus le Christ ne laisse pas tomber cette disciple.

d) Dans le Cénacle   : Actes I, 14.

14. Tous d'un commun accord persévéraient dans la prière, avec les femmes, et Marie, mère de Jésus, et avec les frères de Jésus.

Marie appartient à l'Eglise. Elle persévère dans la foi, avec ses frères et sœurs en Christ, et les frères de Jésus. Ce passage est notamment utilisé, dans les Eglises de la Réforme, pour "prouver" que Jésus avait bien des frères, et non pas des "cousins" ou "demi-frères".16

16 Des traditions Catholiques et Orthodoxes rapportent que Joseph était veuf, avec des enfants d'un premier mariage. Ainsi, les "frères" de Jésus seraient tout simplement ces enfants que Joseph aurait eu avant de vivre avec Marie. Le problème, d'un point de vue Protestant, n'est

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II) Conciles, Tradition et piété jusqu'à la Réforme.

1) Les Symboles de Foi.

Les trois grands Symboles de Foi de l'Eglise Chrétienne (Symbole des Apôtres, Symbole de Nicée-Constantinople et Symbole de Saint Athanase), que les Eglises Luthériennes, Réformées et Anglicanes déclarent comme faisant partie véritablement de leur identité et conformes aux Saintes Ecritures (cela est indiqué dans les grandes Confessions de Foi du XVIème siècle de ces Eglises), évoquent Marie.

Nous reprenons à notre compte cette Foi de l'Eglise universelle, qui nous rappelle la conception de Jésus-Christ par le Saint-Esprit, et sa naissance par la vierge Marie.

Un Protestant , s'il tient aux Saintes Ecritures (normalement! en n'oubliant pas qu'il n'est pas le seul!), à l'Eglise Universelle, et à sa propre identité Confessionnelle, confesse la conception de Jésus-Christ par le Saint-Esprit, et sa naissance par la vierge Marie.

Les véritables raisons, passées ou présentes, qui tendent à penser autrement, ne sont fondées que sur une aversion envers l'Eglise Catholique, comme si tout ce qu'elle disait était à rejeter. Ce sont ainsi des raisons stupides, et non fondées sur les Ecritures (donc non-Protestantes). En l'occurrence, il s'agit ici d'une partie de ce que croit et enseigne normalement toute l'Eglise.

Les frères et sœurs Catholiques doivent du même coup savoir que nous partageons la même Foi explicitée dans le Symbole des Apôtres et le Symbole de Nicée-Constantinople notamment.

2) La Theotokos

La Θεοτόκος ("Theotokos", littéralement "qui a enfanté Dieu") est un titre donné par le Concile17 d'Ephèse en 431 à Marie.

Il s'agissait de condamner l'hérésie de Nestorius et d'affirmer ainsi que Jésus-Christ étant totalement humain et divin (la double nature du Christ), et Dieu étant né dans le monde par une femme - la vierge Marie - en conséquence Marie est Mère de Dieu, Théotokos.

Même si la piété mariale existe déjà à cette époque, et même si le déesse Artémis se "christianise"18 dans la piété populaire et - peut-être - influence un peu ce dogme, on ne peut le laisser de côté car il évoque l'incarnation de Dieu

pas que ces traditions existent, mais que ces traditions non-Bibliques soient utilisées afin d'expliquer la virginité perpétuelle de Marie (semper virgo), qui n'est pas claire a priori dans le Nouveau Testament.

17 Il s'agit du troisième Concile "œcuménique" ou "général", permettant de préciser la Foi Chrétienne à travers des dogmes, en luttant contre les déviations ou "hérésies". Les quatre premiers Conciles "œcuméniques" (Nicée I, 325; Constantinople I, 381; Ephèse, 431; Chalcédoine, 451), ont reçu, au moment de la Réforme - comme pour les grands Symboles de Foi déjà évoqués - l'assentiment, comme étant conformes aux Ecritures. L'Eglise Orthodoxe reconnaît les 7 Conciles généraux du premier millénaire, et l'Eglise Catholique 21, en comptant ceux (les siens) du deuxième millénaire.

18 "Il est à présent tenu pour acquis que Marie a pris la place, à Ephèse, de la déesse Artémis."Elisabeth Parmentier, Les Filles prodigues, défis des théologies féministes, Labor et Fides, Lieux théologiques n° 32, Genève, 1998, p. 32

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par la vierge Marie19, et non pas - comme dans le Paganisme - l'idée selon laquelle une femme, par elle-même, mettrait au monde un dieu, ou un demi-dieu.

La vierge Marie n'est pas au centre, mais Jésus-Christ!20 C'est pourquoi ce dogme, bien évidemment expliqué avec les mots d'aujourd'hui, comme le faisait déjà Calvin en parlant de la mère du Seigneur par souci pédagogique, est lui-aussi présent dans la Dogmatique Protestante21.

III) Les Réformes du XVIème siècle.

1) Les Réformateurs

La thématique mariale de pose pas de questions fortes au moment de la Réforme. Elle n'est pas un point de focalisation. Elle le deviendra lorsque certaines croyances (Immaculée Conception et Assomption) présentes à l'époque mais non obligatoires, deviendront des dogmes.

Les trois grands Réformateurs croyaient à la semper virgo (virginité perpétuelle) et, pour Luther et Calvin, à la Θεοτόκος (Theotokos: Marie mère de Dieu), même si Calvin préférait évoquer "la mère du Fils de Dieu".

a) Martin Luther (1483-1546)

Sa théologie est évolutive, et sa piété mariale - notamment rencontrée dans son commentaire du Magnificat - deviendra "Protestante", c'est-à-dire reprendra Marie comme modèle de Foi, de Joie, d'exaltation pour le Seigneur, d'humilité, de pauvreté.

Voici quelques extraits de son commentaire du Magnificat (1521), l'année-même où il est excommunié par Léon X:

19 "Ce nouveau-né et couché dans une mangeoire, les Eglises l’adorent. Dans la fragilité, la pauvreté et l’abaissement de la crèche, elles lui confèrent toute la magnificence des titres divins : il est Seigneur à la gloire de Dieu le Père. Lorsque les conciles œcuméniques du V° siècle appelleront Theotokos, Mère de Dieu, la servante du Seigneur qui l’a mis au monde, ce ne sera pas pour la glorifier, elle, mais d’abord pour confesser que celui qui selon la chair est né d’elle est son Seigneur et son Dieu." Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des Saints I) Dans l’histoire et l’Ecriture, Bayard Editions/Centurion, Paris 1997, p.84

20 Le Concile d’Ephèse est entièrement centré sur Jésus-Christ, sans aucun développement mariologique sur la Marie de Nazareth du Nouveau Testament. Elle est appelée Mère de Dieu à cause de la réalité de l’Incarnation du Verbe éternel dans la chair humaine. C’est pourquoi il semblerait plus approprié de parler de Marie, Mère de Dieu le Fils, pour rappeler le cadre trinitaire. André et Francine Dumas, Marie de Nazareth, Labor et Fides, Entrée Libre n°3, Genève, 1989, p.71

21 "En 431, le Concile d’Ephèse conféra à Marie le titre de theotokos, titre christologique adopté par l’Eglise indivise qui reste toujours pour toutes les confessions". Elisabeth Parmentier, Les Filles prodigues, Idem.

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"Pour bien comprendre ce saint cantique, il faut remarquer que la bienheureuse vierge Marie parle après avoir fait une expérience personnelle, dans laquelle le Saint-Esprit l'a illuminée et enseignée."22

"Le mot "magnificat" est donc comme le titre d'un livre; il indique aussitôt le contenu. De même, Marie indique par ce mot quel va être le contenu de son cantique, à savoir les hauts faits et les grandes œuvres de Dieu, propres à fortifier notre foi, à consoler tous les humbles et à effrayer tous les grands de la terre. C'est ce triple usage et bénéfice que nous devons reconnaître comme étant le but de ce cantique, car la vierge ne l'a pas chanté seulement pour elle, mais pour nous tous, afin de nous entraîner à le chanter à sa suite.23

"Ne trouves-tu pas merveilleux ce cœur de Marie? Elle se sait mère de Dieu, élevée au-dessus de tous les hommes, et elle demeure pourtant si simple et calme que tout cela ne lui aurait pas fait considérer une humble domestique comme son inférieure."24

"Marie confesse que la première œuvre de Dieu en elle est le regard jeté sur elle; c'en est aussi la plus grande, car toutes les autres ont contenues dans celle-là et découlent d'elle. En effet, là où les choses en viennent au point que Dieu tourne son visage vers quelqu'un pour le regarder, là il n'y a que grâce et fidélité, et tous les dons et les œuvres suivent nécessairement."25

"Il est bien nécessaire aussi de garder la mesure pour ne pas trop gonfler son nom au point de l'appeler reine du ciel, ce qui est bien vrai, mais elle n'est pas pour autant une idole capable de donner ou d'aider, comme le pensent certains qui l'invoquent et se confient en elle plus qu'en Dieu."26

L'évolution du Réformateur - fondée sur les Ecritures - expliquera son rejet de titres mariaux comme ceux de Corrédemptrice, Médiatrice ou Reine du Ciel.27

A partir de 1523, il ne prêchera plus lors de fêtes mariales non-explicitement bibliques.28

Dans un traité de 1523, intitulé Que Jésus-Christ est Juif de naissance, Luther évoque de manière énergique son attachement à la semper virgo:

22 Martin Luther, le Magnificat, Nouvelle cité, Montrouge, 1983, p. 3323 Idem, pp.49-5024 Idem, p.5525 Idem, p.8326 Idem, p.9727 "Lutero ne accetta solo due [dei quattri pilastri di cui si compone la mariologia cattolica]  :

la Theotokos e la semper virgo, oscilla nei riguardi della dottrina dell'immacolata concezione, respinge, viceversa, quella dell'Assunta e ancor più fermamente, quella sulla Correntrice, Mediatrice e Regina del Cielo." Rivista Protestantesimo, 1986 (n°3, Anno XLI, terzio trimestre), p.157

28 Marie dans la théologie et la piété de Luther, dans Théologie, histoire et piété mariale. Actes du Colloque, Université catholique de Lyon, 1-3 octobre 1996, sous la direction de Jean Comby. PROFAC, Lyon, 1997, p.247

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"Un nouveau mensonge a été lancé à mon sujet; j'aurais prêché et écrit que Marie, la mère de Dieu, n'était pas vierge avant et après la naissance de Jésus, mais elle aurait eu le Christ de Joseph ainsi que d'autres enfants après lui."29

La question de l'Assomption n'intéresse que peu Luther, qui considère par ailleurs qu'il est évident que Marie soit auprès de Dieu, dans la communion des saints.30

Pour Luther, il ne s'agit pas de vénérer Marie, mais de l'honorer.31

b) Ulrich Zwingli (1484-1531).

Le Réformateur de Zurich, Ulrich Zwingli, insiste encore plus que Luther au sujet de la virginité perpétuelle (semper virgo) de Marie, qu'il rattache au mystère de l'Incarnation. Marie est toujours restée pure. On n'est pas loin de l'Immaculée Conception.32

Il rapproche Marie de la tâche caritative et sociale de l'Eglise: Marie est figure de la diaconie.33

c) Jean Calvin (1509-1564).

Le Réformateur Français s'exprime le moins sur Marie. Il garde la croyance de la virginité perpétuelle34 et parle de Marie comme la "Mère du Fils de Dieu", même s'il adhère à l'affirmation (Theotokos / Mère de Dieu) du Concile d'Ephèse.35

Il vit la deuxième génération du Protestantisme, et sera grand polémiste face à l'Eglise Catholique Romaine. Il promet même la vengeance de Marie contre les "papistes", au jugement dernier, pour l'avoir trop louée pour elle-même.36

Marie refuse pour elle-même la louange, car elle est un modèle d'obéissance, de foi, de témoignage et de louange à Dieu.37

2) Le Concile de Trente (1545-1563) et (saint) Pie V.

Le Concile de Trente ne formule pas de dogme spécifique à Marie. Le pape Pie V, dans le bréviaire romain de 1568, donne la totalité de la prière ave Maria,

29 Martin Luther, Œuvres, Labor et Fides, Genève, 1958, p.5530 " Pour lui, il est évident que Marie est auprès de Dieu, dans la communion des saints."

Groupe des Dombes, p. 4131 Marie dans la théologie et la piété de Luther, p.25132 "Elle est toujours restée pure, car non soumise au péché originel. Elle ne saurait

cependant accepter l’honneur qui revient à son Fils. Pour ces raisons, Zwingli s’oppose à la vénération religieuse de Marie et repousse son invocation et son adoration." La mère du Seigneur dans la théologie protestante, André Birmelé, in Lumière & Vie n° 189, Marie mère de Jésus-Christ, novembre 1988, Tome XXXVII, p. 36

33 Groupe des Dombes, pp. 43-4434 Groupe des Dombes, p.4435 André et Francine Dumas, p. 8536 Idem, p.8637 La mère du Seigneur dans la théologie protestante, p.37

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38 c'est-à-dire avec l'invocation mariale qui n'était pas obligatoire à l'époque des Réformateurs.

IV) Du XVIIème au XIXème.

Ces périodes sont assez silencieuses, dans le Protestantisme, en règle générale39, au sujet de Marie, même si l'on trouve ça et là quelques traités, pour rappeler l'honneur dû à Marie, dans la mémoire et la louange, sans l'invoquer comme protectrice, médiatrice, car cela-même serait l'offenser.40

V) Les deux dogmes mariaux

Aux yeux du Protestantisme, les dogmes mariaux ont pour origine lointaine, en grande partie, la piété populaire, soit encouragée, soit tolérée dans l'espérance d'une piété à l'avenir plus épurée.

38 Aujourd'hui: Je vous salue, Marie pleine de grâce ; Le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant, et à l'heure de notre mort. Amen.

39 La mère du Seigneur dans la théologie protestante, p.3940 "Le théologien réformé Charles Drelincourt (mort en 1669) en fournit une illustration

exemplaire : loin d’être un marginal, ce pasteur de l’Eglise réformée de Paris est l’un des hommes les plus respectés et les plus en vue de sa génération ; controversiste redoutable, il connaît une notoriété qui dépasse les rangs de son Eglise confessionnelle. En 1633, il publie un petit traité (réédité en 1643), intitulé De l’honneur qui doit être rendu à la sainte et bienheureuse Vierge Marie. Note : Le théologien français André Rivet (mort en 1651), doyen de la Faculté de théologie de Leyde (Pays-Bas) et gardien reconnu de l’orthodoxie réformée, publie en 1639 un ouvrage latin sur la Vierge Marie dans lequel il développe les mêmes lignes que Drelincourt, Apologia pro santissima virgine Maria matre Domini, adv. Veteres et novos antidicomarianitas, Collyridianos et Christiano-categoros, Lib. II absoluta. Etant donné l’audience de son auteur, la doctrine qu’il présente peut être considérée comme la pensée autorisée des théologiens et de la population réformés de son temps. Drelincourt veut répondre à « la calomnie la plus ordinaire de laquelle on nous diffame, que nous déshonorons la Bienheureuse Vierge, et que nous en parlons avec mépris ».

Selon Drelincourt, les réformés confessent en Marie la « Vierge », la « Bienheureuse », « demeurée Vierge en l’enfantement même et après l’enfantement ». Les mêmes réformés reconnaissent « avec les Anciens » qu’elle est « la Mère de Dieu », « bénie éternellement, « toute rayonnante de vertus ». Elle est « favorisée plus que tous les patriarches, prophètes et apôtres, exaltée par-dessus tous les anges et les séraphins ».

Quant à la piété que doit lui vouer tout chrétien réformé, il « appert que la Sainte et Bienheureuse Vierge doit être chérie et honorée de tous les chrétiens », qu’on doit « vénérer sa mémoire, célébrer ses louanges avec un singulier plaisir », louer Dieu « pour le don reçu en elle », « suivre tous les enseignements que le Saint-Esprit nous a laissé par cet organe de grâce », « exalter son bonheur et sa félicité ».

Face à la théologie romaine, le controversiste Drelincourt récuse en revanche les qualités d’ »Infante », de « Reine », d’ « Impératrice », de Régente du paradis » attribuées à Marie. Le « crime de lèse-majesté », c’est de lui « rendre les honneurs qui n’appartiennent qu’au roi ». Lui seul est « la vraie porte, notre avocat, l’unique médiateur entre Dieu et les hommes ». La critique protestante se situe là, dans ce risque de dérapage christologique : « Non seulement nous offenserions notre Seigneur Jésus-Christ, mais aussi nous outragerions la Sainte Vierge. »

L’extrême sobriété de la piété mariale réformée veut être un garde-fou contre l’idolâtrie. Car, selon Drelincourt, les protestants ne célèbrent pas les fêtes mariales, ne prononcent pas l’Ave Maria, même si « les paroles en sont excellentes », car « l’application en est mauvaise ». Ce serait « offenser très grièvement la Sainte Vierge de croire qu’elle peut prendre plaisir aux cérémonies que de pauvres idolâtres ont jadis inventées pour le service de leurs fausses divinités ». Dieu « ne nous a pas dépêchés vers elle », nous ne devons pas la prier, non pas implorer son secours, mais la saluer. Et Drelincourt de conclure : « En tous nos maux, nous avons notre refuge dans la très sainte Trinité. »" Groupe des Dombes, , p.54

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Les deux dogmes, de l'Immaculée Conception, puis de l'Assomption, sont devenus le centre des réactions Protestantes face au Catholicisme Romain, avec une compréhension Catholique de Marie - officielle et obligatoire - plus éloignée encore de la Bible qu'au moment de la Réforme. Mais c'est aussi - et parfois surtout - le langage et l'autorité avec lesquels ces dogmes ont été promulgués qui ont choqué les Chrétiens des Eglises de la Réforme.

1) L'Immaculée Conception (1854).

Dans la lettre Apostolique Innefabilis Deus (08 décembre 1854), le Pape Pie IX (1846-1878) proclame: « Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine, qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu’ainsi elle doit être crue fermement, et constamment par tous les fidèles. »

Après une enquête auprès des évêques, il s'était avéré que 546 d'entre eux sur 603 se déclaraient favorables au dogme.41

La réaction Protestante est d'une évidence limpide: aucune affirmation Biblique ne va dans ce sens. De plus, pour reprendre un ancien argument de (saint) Thomas d'Aquin (1225-1274), l'Immaculée Conception de Marie signifie qu'elle n'a pas besoin d'être sauvée par Jésus-Christ.42

Par ailleurs, parler d'une "doctrine révélée de Dieu" montre à quel point le fossé est train de se creuser entre les Eglises, pas seulement Catholique et Protestantes, mais aussi Orthodoxe.

2) L'Assomption (1950).

a) Préparation et Dogme de l'Assomption.

Des traditions de dormition de Marie, ou de transition, existaient en Orient et aussi à la fin du VIème siècle en Occident.

En 1863, la Reine Isabelle II d'Espagne demandait au Pape (Pie IX) de définir le Dogme.43

α ) Encyclique Deiparae Virginis Mariae (1er Mai 1946)

Ce texte de Pie XII (1939-1958) anticipe la promulgation du Dogme.Avant la définition, ce ne sont pas moins de 8 086 396 signatures de

pétitionnaires favorables au nouveau Dogme. Par "nouveau", cela ne signifie pas

41 Rivista Protestantesimo, 1991 (n°1, Anno XLVI, primo trimestre), p.7142 André et Francine Dumas, Marie de Nazareth, p. 6243 Rivista Protestantesimo, Gennaio-Marzo 1951 (Anno VI – N.1), p.17

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que la croyance à l'Assomption de Marie était nouvelle, mais que désormais elle serait obligatoire et irréversible.

β ) La Constitution Apostolique Munificentissimus Deus (1er Novembre 1950)

Voici l'extrait du texte promulguant le dogme:

"44. C’est pourquoi, après avoir adressé à Dieu d’incessantes et suppliantes prières, et invoqué les lumières de l’Esprit de vérité, pour la gloire du Dieu Tout-Puissant, qui prodigua sa particulière bienveillance à la Vierge Marie, pour l’honneur de son Fils, Roi immortel des siècles et vainqueur de la mort et du péché, pour accroître la gloire de son auguste Mère et pour la joie et l’exultation de l’Eglise tout entière, par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et par la Nôtre, Nous proclamons, déclarons et définissons que c’est un dogme divinement révélé que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste."

En dehors des passages Bibliques utilisés dans la Constitution Apostolique de Pie XII, qui n'ont - et qui ne peuvent avoir - aucun lien avec Marie, certains arguments utilisés hérissent le lecteur Protestant, notamment l'idée selon laquelle il y a des passages implicites dans la Bible que la Tradition explicite, et éclaircit, lorsque cela est "obscur"44. Il s'agirait d'une "progression" de la Tradition.

Cette méthode théologique éloigne encore plus les Eglises45, et permet aux théologiens Protestants d'affirmer que l'Eglise Romaine crée sa propre Tradition.

Ce "progrès" est une confirmation, pour le Protestantisme, des déviations du Catholicisme contemporain, notamment avec la piété mariale populaire, mais aussi dans la manière dont Rome conçoit sa propre autorité.46

44E' del tutto falso il metodo con cui si vorrebbe spiegare le cose chiare con quelle oscure ; chè anzi è necessario che tutti seguano l'ordine inverso ». Abbiamo letto : nel nostro caso, le cose oscure sono la Bibbia e la tradizione ; le cose chiare, sono le nuove enunciazioni dogmatiche. Siamo dunque inviati a chiarire l'oscura rivelazione biblica con le luci della progressiva rivelazione che culmine nel dogma della Assunzione. Rivista Protestantesimo, Gennaio-Marzo 1951 (Anno VI – N.1), p.34

45 L'Eglise Orthodoxe rejette aussi ce Dogme, dans sa méthode "Romano-centrée", et les fondements de la définition, pas assez étayée par la Bible et la Tradition: "Benchè l'idea dell'assunzione abbia posto nella liturgia ortodossa, non ha nessuna importanza nella teologia dogmatica. La chiesa ortodossa è molto restia a razionalizzare i misteri della fede secondo il metodo scolastico latino. Essa possiede pochissime definizioni dogmatiche obbligatorie e dà un grandissimo spazio ai theologoumena (cioè alle teorie teologiche). Un teologo russo, A.J. Bulgakow, già al principio di questo secolo si era opposto al progetto di formulare il dogma dell'assunta. Le ragioni della sua opposizione sono : 1) Il verbo divino non insegna nulla sulla morte della Vergine ; 2) I racconti più antichi discordano ; non sono anteriori al V secolo e non erano nà diffusi nè accettati universalmente." Idem, p.21

46 "Il « progresso » è in realtà una involuzione, è un nuovo passo avanti sopra una via aberrante ; ed è impressionante dover riconoscere che i tre soli « progressi » dogmaticci compiuti dalla Chiesa in un secolo hanno nome : Immacolata Concezione, Infallibilità papale, Assunzione di Maria Vergine !" Idem, p.34

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b) Les réactions Protestantes au nouveau Dogme.

Les réactions ne s'étaient pas fait attendre, et avant même la promulgation officielle du Dogme, des théologiens47 et évêques de l'Eglise Luthérienne d'Allemagne avaient publié un texte de protestation.

Il est clair que ce nouveau Dogme a été non seulement une déception, mais une consternation dans le Protestantisme, ainsi que dans les groupes œcuméniques48, notamment en Allemagne.

Il est apparu, à ce moment-là, aux yeux de tous ceux qui souhaitaient un dialogue officiel, que désormais l'ajout de ce Dogme fermait pour longtemps - si ce n'est pour toujours - la porte à un œcuménisme officiel de l'Eglise Romaine.

c) L'Encyclique Ad Coeli Reginam (11 Octobre 1954).

Cette lettre Encyclique de Pie XII confirme le titre de Marie comme "Reine du Ciel" et en définit quelques aspects, notamment en ce qui concerne la fête mariale.

Il ne s'agit pas d'un Dogme, mais d'un titre - existant déjà - officialisé clairement par le Pape.

Un pas de plus sur le chemin de la non-liberté pour le croyant - et théologien - Catholique de discuter ou contester des croyances mariales. Un petit mur de plus - bien que peu étonnant, après l'Assomption dogmatisée - entre les Eglises.

VI) L'ouverture œcuménique

1) Le Concile Vatican II (1962-1965)

Après la très grande déception du Dogme de l'Assomption promulgué par Pie XII, vient la surprise extrêmement enthousiasmante de l'annonce de la convocation du Concile Vatican II, dans un esprit de volonté d'unité entre les Chrétiens, et non plus de condamnation.

Sur la question mariale d'ailleurs, Jean XXIII (1958-1963) - puisqu'il s'agit de lui - avait cherché un certain équilibre entre la figure de Joseph et celle de Marie, voire même une indissociabilité. Cela n'a pas été reçu dans son Eglise, et eut constitué sans doute un petit progrès, du point de vue Protestant. 49

Sur l'ensemble des textes Conciliaires, il est clair que Marie apparaît bien souvent, même si l'observateur Protestant respire de soulagement en l'absence d'un nouveau Dogme.50

47 "Questa dichiarazione [Schlink, Heidelberg] divenne il fondamento della successiva dichiarazione solenne di tutti i vescovi luterani tedeschi, pubblicata alla vigilia della proclamazione." Idem, p.20

48 "Il più grave contraccolpo del dogma lo ha sofferto il movimento chiamato « Una Sancta ». Questo movimento aveva fatto grandi progressi specialmente in Germania." Idem, p.21

49 "Jean XXIII avait entrevu cette indissociabilité. Il ne recueillit que sarcasmes de tous les « grands » théologiens de tous les bords… Dommage !" A. Maillot, Marie ma sœur, la femme dans le Nouveau Testament (et au début du christianisme), Letouzey et Ané, éditeurs, Paris, 1990, p 81

50 "Il y a d'abord l'ampleur nouvelle donnée à la mariologie par Vatican II. S'il est probable que l'Eglise catholique ne promulguera plus de nouveau dogme concernant Marie, la place de la Vierge aura été marquée dans chacun des schémas. Même dans un texte comme la Déclaration

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Le travail Biblique sérieux et la volonté œcuménique du Concile apparaissent aussi au sujet de Marie.

a) Le schéma préparatoire

Un schéma préparatoire spécifique à Marie est discuté par les évêques, "La Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère des hommes"51, se termine par ailleurs avec une connotation œcuménique52 … correspondant bien à l'esprit de Vatican II, reprenant des deux tendances (conservatrice et progressiste), où l'on souhaite l'unité des Chrétiens et en même temps affirme qu'elle existe déjà au sein de l'Eglise Catholique Romaine.

b) De Ecclesia VIII: La bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu dans le mystère du Christ et de l’Église

Après bien des discussions passionnées, le Concile se trouve en accord sur un point53, par rapport à l'emplacement de ce qu'il veut dire sur Marie: le schéma préparatoire se retrouvera dans le texte Conciliaire sur l'Eglise (De Ecclesia, intitulé Lumen Gentium, l'un des textes les plus importants de Vatican II). C'est une victoire des progressistes54, car en plaçant la théologie mariale à cet endroit, on insiste sur Marie dans et avec l'Eglise.

Ce chapitre apparaît comme heureux par certains théologiens Protestants55, notamment dans son approche Biblique56, ce qui n'est pas un mince progrès!

sur les Juifs, le rappel de Marie n'est pas oublié. Les grandes cérémonies, notamment celle de clôture, ont été fixées les jours de fêtes consacrées à Marie. Enfin, dans l'ensemble des travaux conciliaires, Marie « Mère de l'Eglise » apparaît comme la Médiatrice horizontale, alors que son Fils est confirmé dans son rôle de Médiateur unique vertical. On notera combien la distinction géométrique est difficile à opérer dans l'esprit des simples fidèles." Georges Richard-Molard Oui et Non (un pasteur au Concile) Albin Michel, Paris, 1966, pp.150-151

51 "Lo schema proposto si presentava come « Costituzione Dogmatice » col titolo « La Beata Vergine Maria, Madre di Dio et Madre degli uomini » ; se pensava, quindi, ad une costituzione dogmatica particolare che trattasse esclusivamente di Maria." Giovanni Miegge La Vergine Maria, pp.273-274

52 "Il documento finisce con un riferimento ecumenico, chiamando Maria « fautrice di unità » ed esortando a pregare perché Maria interceda affinché « il suo divin Figlio riunisca tutti i popoli e specialemente quelli che si gloriano del nome cristiano nell'unico popolo di Dio, il quale riconosca amorevolmente come Padre comune il Vicario di Cristo in terra, il successore del beato Pietro... »." Idem, p.278

53 "Su una cosa tutti i Padri furono d'accordo, nel decidere che la mariologia fosse inserita nelle Costituzione sulla Chiesa." Idem

54 "Au vote, le 29 octobre, les progressistes l'emportèrent, mais avec une très faible majorité de 1114 voix contre 1074. La question de la Vierge Marie sera donc traitée dans le schéma sur l'Eglise, et non à part." Le Concile vu par les observateurs luthériens*. Le dialogue est ouvert. Delachaux & Niestlé, Collection Bibliothèque théologique, Neuchâtel, 1965, p.67

55 "Lorsqu'on veut juger ce chapitre (le culte de la bienheureuse vierge Marie) à partir d'une position protestante, on doit reconnaître qu'il traite cette question délicate et controversée avec un certain bonheur." Idem, p.179

56 "Ce chapitre impressionne aussi les protestants par l'usage qu'il fait des Ecritures. Il s'efforce de mettre clairement en évidence l'enseignement biblique sur Marie et cela, à partir d'une saine exégèse critique. Il insiste sur l'unique médiation du Christ et montre très clairement que le rôle de Marie n'ajoute rien, ni ne retranche quoi que ce soit à l’œuvre rédemptrice du Seigneur." Idem, p.180

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Il apparaît cependant quelques interprétations très particulières qui nous dépassent, comme par exemple la position "privilégiée" de Marie lorsqu'elle est présente, à la Pentecôte, avec les disciples (et les frères de Jésus)57; où encore l'utilisation d'Apocalypse XIX, 16 (exaltation du Roi des Rois) pour évoquer Marie comme Reine.58 Ou encore, le texte Conciliaire place Marie dans la catégorie de ceux qui "accomplissent la volonté de Dieu", chez Marc III, 35, alors qu'elle est clairement mentionnée dans l'appartenance à la famille de chair de Jésus.59

La liberté de Marie, dans son acceptation de sa mission, est fondamentale dans le chapitre.60

Celui-ci prend soin aussi de prévenir les fidèles contre toute exagération dans leur compréhension ou culte marial.61

Le souci œcuménique est exprimé très clairement au paragraphe 69: "Le saint Concile trouve une grande joie et consolation au fait que, parmi nos frères séparés, il n’en manque pas qui rendent à la Mère de notre Seigneur et Sauveur l’honneur qui lui est dû, chez les Orientaux en particulier, lesquels vont, d’un élan fervent et d’une âme toute dévouée, vers la Mère de Dieu toujours Vierge pour lui rendre leur culte. Il faut que tous les fidèles croyants adressent à la Mère de Dieu et la Mère des hommes d’instantes supplications, afin qu’après avoir assisté de ses prières l’Église naissante, maintenant encore, exaltée dans le ciel au-dessus de tous les bienheureux et des anges, elle continue d’intercéder près de son Fils dans la communion de tous les saints, jusqu’à ce que toutes les familles des peuples, qu’ils soient déjà marqués du beau nom de chrétiens ou qu’ils ignorent encore leur Sauveur, soient enfin heureusement rassemblés dans la paix et la concorde en un seul Peuple de Dieu à la gloire de la Très Sainte et indivisible Trinité."

c) Marie Médiatrice?

Lors de la troisième session du Concile, en octobre 1963, le titre de Médiatrice est clairement adopté, et sera ainsi présent dans le texte final.

Il est encadré de manière à faire comprendre que la médiation de Marie n'est pas du même ordre que celle du Christ.62 Il ne s'agit pas d'un nouveau

57 "Trovare nel testo lucano un qualche indizio che ponga Maria in posizione privilegiata nei confronti degli altri che erano uniti in preghiera ci sembra proprio del tutto gratuito : è veramente leggre la Bibbia con lenti del tutto speciali !"Giovanni Miegge La Vergine Maria, p.294

58 "Il documento accenna qui alla immacolata concezione, all'assuzione et alla esaltazione a « universale Regina ». Per quest'ultima affermazione serve da testo biblico Apoc. 19:16 che in realtà si riferisce soltanto a Cristo !" Idem

59 Le Concile vu par les observateurs luthériens*, p.14260 "E uno dei punti fondamentali della mariologia conciliare : Maria ha accettato liberamente

di essere Madre di Gesù, senza intervento di uomo, sapendo sia chi era il figlio che sarebbe nato, sia compito di Redentore che egli avrebbe portato a termine." Giovanni Miegge La Vergine Maria, pp. 291-292

61 "Si raccomanda di venerare Maria seguendo le forme liturgiche raccomandate dal Magistero ecclesiastico. Si evitano le espressioni fanatiche e tutoot ciò che può indurre i fratelli separati e gli altri in errore circa la vera dottrina della Chiesa. Si ricordi che il ver culto si manifesta nella imitazione delle virtù Idem, p.298

62 "Le titre de Médiatrice est entouré d'autres titres et relativisé par l'avertissement que la médiation de Marie est totalement différente de celle du Christ. Mais nous ne trouvons aucune

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Dogme, mais cela s'ajoute cependant à toute une liste de titres mariaux que nous ne voyons en aucun cas liés à Marie l'humble servante dans le Nouveau Testament.

d) Marie Corrédemprice ou Coopératrice?

Les Eglises Protestantes - et les milieux Catholiques œcuméniques ou progressistes avec - "ont eu chaud" avec ce Concile, en ce qui concerne la crainte d'un nouveau Dogme. Si l'esprit du Concile n'était pas de ce bord-là, une partie conservatrice aurait sans doute préféré l'émergence du Dogme ou au minimum de la formule Marie Corrédemptrice.

Au lieu de cela, c'est le mot coopération qui a été utilisé. De notre point de vue, c'est un peu moins grave…

e) Marie Mère de l'Eglise?

Si le Concile est aussi passé à côté d'une définition claire ou dogmatique de Marie Mère de l'Eglise, c'est le Pape lui-même - Paul VI (1963-1978) - qui utilisa ce terme, après des travaux dont les conclusions étaient de l'éviter. Là encore, il faut comprendre qu'une branche "conservatrice" était minoritaire, mais apparemment, Paul VI est allé dans leur sens (dans le sien?) en évoquant publiquement, dans son discours de clôture, Marie comme Mater Ecclesia.63 C'est ainsi une déclaration Papale dans un sens - sur ce point en tout cas - différent du texte promulgué par lui juste avant.64

Si le chapitre VIII du De Ecclesia apparaît comme un compromis entre les diverses tendances internes à l'Eglise Catholique, il laisse une porte ouverte, comme les autres textes Conciliaires, aux autres Eglises, ce qui est opposé au style des textes antérieurs à Vatican II.

3) Les "apparitions".

La question des "apparitions" est très délicate, car il ne s'agit nullement du côté Protestant de moquer la piété sincère d'autres Chrétiens. Elle nous pose problème en tant qu'elle ne montre pas - à notre sens - la Marie de l'Evangile.

Par contre, nous affirmons tous ensemble, dans la Foi, l'Espérance et l'Amour, que des miracles sont non seulement possibles, mais qu'ils existent. Ils viennent de Dieu.

précision sur cette différence, ni sur la signification exacte de cette fonction de Marie." Le Concile vu par les observateurs luthériens*, p.182

63 "« Ainsi, pour la gloire de la Sainte Vierge et pour notre propre consolation, nous proclamons Marie Mère de l'Eglise. », déclara le pape, en reprenant le titre de Mater Ecclesia, que le concile lui-même avait évité d'adopter. Il appela le chapitre sur Marie « le sommet et le couronnement » de la constitution sur l'Eglise et termina son allocution par un hymne à la Sainte Vierge." Le Concile vu par les observateurs luthériens*, p.98

« Pertanto, a gloria della Beata Vergine e a nostra gioia, dichiariamo Maria Santissima « Madre della Chiesa »... Giovanni Miegge La Vergine Maria, p.299

64 "Dul punto di vista storico essa costituisce un fatto nuovo e veramente inusitato : un papa – dopo aver promulgato con la sua firma un documento ufficiale del Concilio, e aver chiuso così la Sessione conciliare – fa une dichiarazione solenne in contrasto col Concilio stesso." Idem, p.300

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Historiquement, il apparaît souvent que des lieux d'"apparitions" correspondent à des anciens lieux de cultes de divinités féminines.65

Nous pourrions résumer aussi simplement la pensée Protestante par la phrase suivante: Dès lors que Dieu nous a donné son Fils, qui est sa Parole, il n’a pas d’autre parole à nous donner.66

4) Marie et la femme

Quelle image de la femme donne l'Eglise Catholique Romaine? Cette question est parfois aussi source de divergences entre les Eglises, notamment en regardant, d'un point de vue Protestant où les femmes accèdent au Ministère Pastoral depuis 60 ans, une Eglise très masculine dans ses autorités et décisions. Une Eglise qui - bien que ce soit moins le cas aujourd'hui - ait à notre sens une image de la sexualité pas forcément Biblique.

La "nouvelle Eve" (pour la théologie Catholique) ne nous dit-elle pas bien des choses de l'image de la femme dans l'Eglise Romaine?

"A Eve, femme sexuée, on opposa comme contre-modèle la femme non sexuée, Marie. Eve et ses filles, considérées comme femmes-corps, pouvaient être purifiées par la sanctification du corps de Marie Vierge et Mère".67

5) De Vatican II à aujourd'hui.

a) Textes Pontificaux et réactions Protestantes.

α ) Marialis Cultus (1974)

Ce texte du Pape Paul VI apparaît avec des aspects plutôt positifs sur la question mariale, notamment dans ses évocations œcuméniques plus développées encore que le chapitre sur Marie de Lumen Gentium VIII (Constitution De Ecclesia de Vatican II).

Marie parmi les pauvres et les humbles (n°37), pourrait rappeler quelques traits spécifiques au commentaire du Magnificat par Luther!

Le côté "responsable" et "engagé" de Marie appelle à un vision de la femme Chrétienne du même ordre, en dehors d'une idée de "passivité"(n°37). Cela

65 "Un autre argument s’impose, à mon sens : les apparitions mariales sont très fréquemment liées à d’anciens sanctuaires de divinités féminines. Certains aspects de la dévotion mariale, et c’est certainement le cas dans l’exemple (Guadalupe), sont des christianismes de cultes païens aux déesses. Cela explique aussi l’engouement pour la figure de Marie comme protectrice d’un pays ou d’une terre, ainsi que les extraordinaires superstitions que ces dévotions peuvent susciter, même chez les croyants contemporains. Ces pratiques renouent avec d’anciens rites païens, qui subsistent sous une forme sublimée et favorisent l’inculturation du christianisme. L’Eglise catholique peut accepter de telles pratiques dans la mesure où elle les oriente vers la figure de Marie, mais elle ne peut éviter les excès qui sont liés aux résurgences du paganisme." Elisabeth Parmentier, Les Filles prodigues, p.39

66 Pierre Petit, Lourdes, les protestants et la tradition chrétienne, Collection « Les Bergers et les Mages », Paris, 1958, p 39

67 Elisabeth Parmentier, Les Filles prodigues, p. 3121

démontre une certaine adaptation à la société actuelle.68 Sans doute cette image féminine présentée dans le passé eut été bien utile.69

β ) Jean-Paul II (1978-2005) et Redemptoris Mater (1987)

Le Pape d'origine Polonaise (qui, avec d'autres évêques parmi ses compatriotes, faisait partie des "maximalistes" pendant le Concile, c'est-à-dire la branche de ceux qui auraient voulu un développement plus ample de thèmes mariaux) est très "marial", et d'ailleurs tout autant œcuménique.

En 1983, lors des 500 ans de la naissance de Luther, il cite un passage de son commentaire du Magnificat.70

Il publie le 25 mars 1987 la lettre Encyclique Redemptoris Mater, consacrée à Marie. Elle apparaît alors dans le milieu Protestant comme une manifestation de plus d'un certain renouveau dans la piété mariale, s'ajoutant à une médiatisation papale (sa personne étant d'ailleurs charismatique) et son autorité semblent témoigner d'un Catholicisme centré sur Marie et le Pape, soit une vision de l'Eglise très éloignée de la nôtre…

L'Encyclique en tant que telle, si elle laisse le théologien Protestant sur sa faim quant à une définition claire et précise de la médiation de Marie, a l'intérêt d'être sur certains aspects proches d'une démarche Protestante, 71et parfois d'un réel souci d'éviter les malentendus.72

b) Marie dans les dialogues œcuméniques.

Jusqu'au début des années 1990, il était difficile de trouver de réels travaux œcuméniques d'une grande ampleur au sujet de Marie. Mais grâce à Dieu, les

68 "[il misterio dell'Incarnazione] non fu un atto di chiusura ad alcuno dei valori dello stato matrimoniale, ma costituì una scelta coraggiosa, compiuta per consacrarsi totalement abbandonata alla volontà del Signore, fu tutt'altro che donna passivamente remissiva o di una religiosità alienante, ma donna che non dubitò di proclamare che Dio è vindice degli umili e degli oppressi e rovescia dai loro troni i potenti del mondo (Lc. 1:51-53) ; e riconescerà in Maria, che « primeggia tra gli umili e i poveri del Signore »..." Giovanni Miegge La Vergine Maria, , p.310

69 "Se le parole di Paolo VI fossero state pronunciate un secolo prima, quando uscì il Manifesto di Marx-Engels, o almeno quand Gorki scriveva La Madre, avrebbero avuto sapore di una capacità profetica di quella « Chiesa », cioè del papato, ma né Pio IX, né i suoi successori rilevarono ciò che Paolo VI docé rivelare sotto la pressione degli stessi ambienti cattolici più aperti." Idem

70 "Si cita « l'invocazione alla Madonna rivolta da Martin Lutero all'inizio e alla fine del suo Commento al Magnificat, incominciato nel novembre 1520 pochi messi dopo la pubblicazione della Bolla Exsurge Domine che lanciava la scommunica contro il frate agostino »." Rivista Protestantesimo, 1984 (n°2, Anno XXXIX, secondo trimestre), p.99

71 "Elle [Marie] est la servante du Seigneur, de sa Parole et de son œuvre de salut. Jean-Paul II reprend les catégories pauliniennes relatives à la foi et à la justification par la foi et les applique à Marie qui devient mère des croyants comme Abraham était père d’Israël. Cette approche mariologique est, dans sa structure et son contenu, très proche… du commentaire du Magnificat de Luther." La mère du Seigneur dans la théologie protestante, p.47.

72 "Le lecteur protestant demandera que la nature de cette médiation mariale (et ecclésiale) soit clarifiée. Il notera cependant toujours de nombreux qualificatifs (médiation par grâce, médiation maternelle, médiation d’intercession, etc.) afin d’éviter le malentendus. Il notera surtout que le pape ne désire pas revenir à l’analogie Christ-Marie, décisive pour les dogmes de 1854 et de 1950, auxquels il ne semble accorder qu’une importance seconde, en ne les citant guère (il n’en parle que deux fois : n. 10 et 41)." Idem

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dialogues avancent, et construisent petit à petit des possibilités de parole commune.

α ) Le dialogue entre l'Eglise Luthérienne et l'Eglise Catholique Romaine.

The One Mediator, the saints and Mary, 1992C'est le premier grand document de dialogue. Il s'inscrit dans une longue

démarche théologique de discussions entre l'Eglise Evangélique Luthérienne d'Amérique et l'Eglise Catholique.

β ) Le dialogue entre la Communion Anglicane et l'Eglise Catholique Romaine.

Mary: Grace and Hope in Christ, The Seattle Statement, 2004Ce texte est le plus fourni - le plus récent aussi - et marque un côté plus

"officiel" que les autres. Inscrit dans le dialogue voulu depuis 1964 entre le Vatican et la Communion Anglicane, il est une émanation de l'"ARCIC": Anglican - Roman Catholic International Commission.

Ses conclusions73 vont plus loin que les autres textes, ce qui s'explique notamment du fait que la tradition Anglicane est moins en recul par rapport à la piété mariale; que les autres Eglises de la Réforme.

γ ) Le document Français du Groupe des Dombes.

Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des Saints I) Dans l’histoire et l’Ecriture, Bayard Editions/Centurion, Paris 1997

Ce texte entre théologiens Catholiques et Protestants en France est une vraie mine de travail, très éclairante! Je vous conseille de vous procurer l'édition suivante, qui comprend un deuxième chapitre spécifique aux controverses et intègre au début le livre précédant:

Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des Saints Dans l’histoire et l’Ecriture, Controverse et Conversion, Bayard Editions/Centurion, Paris 1999

73 78. As a result of our study, the Commission offers the following agreements, which we believe significantly advance our consensus regarding Mary. We affirm together

- the teaching that God has taken the Blessed Virgin Mary in the fullness of her person into his glory as consonant with Scripture, and only to be understood in the light of Scripture (paragraph 58);

- that in view of her vocation to be the mother of the Holy One, Christ’s redeeming work reached ‘back’ in Mary to the depths of her being and to her earliest beginnings (paragraph 59);

- that the teaching about Mary in the two definitions of the Assumption and the Immaculate Conception, understood within the biblical pattern of the economy of hope and grace, can be said to be consonant with the teaching of the Scriptures and the ancient common traditions (paragraph 60);

- that this agreement, when accepted by our two Communions, would place the questions about authority which arise from the two definitions of 1854 and 1950 in a new ecumenical context (paragraphs 61-63);

- that Mary has a continuing ministry which serves the ministry of Christ, our unique mediator, that Mary and the saints pray for the whole Church and that the practice of asking Mary and the saints to pray for us is not communion-dividing (paragraphs 64-75).

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δ ) Quelques déclarations œcuméniques.

Les Congrès internationaux mariologiques (donc organisés par l'Eglise Catholique) ont permis, depuis les années 1970, quelques travaux entre plusieurs représentants d'Eglises (Orthodoxe, Anglicane, Réformée) et se sont conclus par des déclarations communes, notamment à Saragosse (1979), Malte (1983), Kevelaer (1987), Huelga (1989)74.

A mon sens, ce dernier document n'évoque pas assez la situation matrimoniale de Marie, qui est d'être mariée à Joseph. Cet oubli, qui arrive trop souvent, ne doit pas nous laisser indifférent, mais toujours nous alerter sur la tentation, que nous savons par expérience si facile dans l'Eglise Romaine, d'associer fortement Marie à Jésus en faisant quasiment comme si elle n'était pas associée, par un autre lien, à Joseph!

"Conclusion"

Comme très souvent dans nos différents sur Marie, il est à se demander le pourquoi d'autant d'insistance sur la piété mariale lorsque l'on peut demander la même chose directement au Seigneur. Si Marie est une médiatrice "horizontale" - contrairement au Christ Médiateur "vertical", selon une certaine compréhension de Vatican II , cherchant sincèrement à bien différencier les

74 Antes de abordarlo, los reunidos desean, ante todo, ardiente y gozosamente proclamar su fe común en Jesucristo, el Logos del Padre, hecho carne (Jn 1, 14), concebido por obra del Espíritu Santo y nacido de María, la siempre Virgen, a la que todos nosotros llamamos Theotokos.

1. María misma ha profetizado: “Todas las generaciones me llamarán bienaventurada” Lc 1, 48). En el contexto de la alabanza a María que, bajo el impulso del Espíritu Santo, le dirige Isabel, encontramos la razón fundamental de esta profecía: María es “la que ha creído” (Lc 1, 45). María no es solamente una creyente. Su fe, por su excelente importancia, puede ponerse en paralelismo con la fe de Abraham, que creyó en esperanza contra toda esperanza (cf. Rom 4, 18). La fe de María nace en el judaísmo en contacto con los textos proféticos e implica, por ello, la dimensión de total obediencia (Rom 16, 26; l. 5). Esa fe le exige consagrarse a hacer la voluntad de Dios. Ella asume esa entrega de la manera más total: “He aquí la esclava del Señor, hágase en mi según tu palabra” (Lc 1, 38). Por esta total disponibilidad, María es modelo de fe para todos los cristianos.

2. La Nueva Alianza comienza con la revelación de la Encarnación a María y la fe con que Ella la cree como verdadera, se abandona a ella y entra en su misterio. En este momento tienen su primera realización las profecías de Jeremías y Ezequiel sobre la Nueva Alianza, no escrita en tablas de piedra sino en los corazones de carne (cf. Jer 31, 33: Ez 11, 19): “Os daré un corazón nuevo” (Ez 36, 26). En este sentido, la acción del Espíritu Santo, antecedentemente a la Encarnación del Logos, opera también una transformación en el Corazón de María.

3. Como lo ha señalado la tradición cristiana más antigua, la fe de María manifiesta una llamativa oposición a la incredulidad de Eva. La fe de María se expresa, por primera vez, en su respuesta al ángel, mientras que la incredulidad de Eva es desobediencia a Dios en su diálogo con la serpiente. Posteriormente, María mantiene su fe en la oscuridad de la vida oculta y, sobre todo, en la prueba del Calvario con la humilde meditación de lo no comprendido (Lc 2, 19 y 31). En la larga peregrinación de su propia vida, María va descubriendo las exigencias concretas del plan de Dios sobre su Hijo y sobre Ella (cf. Lc 2, 50; Jn 2, 3-4; Mc 3, 3135). Desde la Anunciación hasta la Cruz, María es la humilde esclava del Señor.

4. La espera de Pentecostés nos presenta a María en oración. Viviendo su fe en la primera comunidad eclesial, Ella nos muestra la necesidad de una conexión de la fe personal y la comunidad, en apertura al Espíritu Santo. En este ambiente, el Paráclito impulsa a evangelizar el mundo entero (Mc 16, 15) para suscitar la fe en los que no creen o renovarla en los creyentes de fe débil. El objeto de la evangelización bajo la acción del Espíritu Santo conduce siempre al conocimiento de Jesús el Hijo de Dios y, por Jesús, al conocimiento del Padre.

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médiations afin qu'il n'y ait pas de "confusion" - en quoi ce refus d'une médiation "horizontale" gênerait la Médiation du Christ, "verticale"?

Et bien sûr, en quoi cette piété et ces croyances apparemment si importantes, et certaines "révélées de Dieu", n'ont aucune importance, et de toute façon aucune présence dans les lettres de Paul ou dans les textes du Nouveau Testament écrits à une époque où Marie n'est logiquement plus de ce monde?

En réalité, ces quelques éléments donnés dans ce petit dossier nous ont révélé certains points fondamentaux:

- notre compréhension de l'humain vis-à-vis du salut (coopère-t-il à son salut?),

- la place des Saintes Ecritures (centrale, où utilisées, avec plus ou moins de sérieux selon les époques, par l'autorité Vaticane),

- la louange vers Dieu avec l'exemple de Marie, ou avec Marie, ce qui pose la question de la compréhension de l'intercession des saints,

- la porte au dialogue est ouverte. Le Protestantisme a saisi cette chance pour dire enfin, sans esprit de polémique, ce qu'il pense de Marie positivement. Catholicisme et Protestantisme ont le souci de se comprendre mutuellement.

A nous tous maintenant, de continuer le dialogue et la recherche de l'unité, dans l'obéissance au Seigneur qui a prié son Père: "afin qu'ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé" (Jn. XVII, 23)

Dimanche 27 janvier 2013Pasteur Pierre Reversat

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