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Travail en réseau et territoires d’action Qu’est-ce qu’un réseau ? Pour l’étymologie, c’est un piège, un ouvrage formé d’entrelacements destiné à capturer certains animaux ! Curieuse origine pour un terme que le monde moderne a utilisé pour désigner des circuits électriques ou téléphoniques qui permettent de relier les hommes entre eux. En travail social, c’est une nouvelle méthodologie de travail issue de la confrontation aux nouvelles pathologies comme le Sida ou au développement de la grande pauvreté. Ces nouvelles problématiques ont considérablement brouillé les approches traditionnelles d’un appareil sanitaire et social devenu au fil des années de plus en plus spécialisé, complexe et indéchiffrable. Face à la dissolution des frontières professionnelles, il s’est avéré nécessaire d’adopter des démarches bien plus transversales. Et justement, le réseau n’a d’existence qu’en ce qu’il est le lieu de communication et de collaboration entre des acteurs hétérogènes. On se lie pour se compléter. On étudie les dysfonctionnements mais aussi les avancées, on met en commun les informations, on développe une culture commune. Le réseau, en tant qu’organisation formelle, échappe complètement au contrôle des différents services impliqués. Il dérange les liaisons hiérarchiques et le mode de management classique. Il s’oppose diamétralement au fonctionnement vertical, et s’appuie sur une logique horizontale. Il implique le rejet du centralisme. L’enrôlement dans ses rangs ne peut passer que par l’intéressement préalable et la persuasion qu’il y a un intérêt à y adhérer. C’est, avant tout, une structure ouverte fonctionnant sur la base du maillage qui unit ses composantes. Le réseau est marqué par deux caractéristiques : sa dimension largement informelle (il est appelé à disparaître en cas de non-activation des liens) et la défaillance des relations (aucun engagement ne peut durablement lier les partenaires). Il se distingue du traditionnel travail d’équipe qui est trop souvent orienté vers l’élaboration d’une seule et unique représentation, chacun cherchant à convaincre l’autre de la validité de son point de vue pour le voir adopté comme position finale. Le réseau, quant à lui, est bien plus respectueux des positions de chacun. Il accepte les différences d’interprétation et permet à chacun de conserver la plénitude de ses missions et de ses légitimités, tout en lui permettant d’être complété par la spécificité que proposent respectivement les partenaires auxquels il s’articule. C’est pourquoi, le travail de réseau ne se décrète pas. Il peut juste être favorisé en soutenant ce qui s’est déjà mis en place spontanément ou en créant les conditions favorables à son émergence. Jacques Trémintin

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Travail en réseau et territoires d’action

Qu’est-ce qu’un réseau ? Pour l’étymologie, c’est un piège, un ouvrage formé d’entrelacements destiné à capturer certains animaux ! Curieuse origine pour un terme que le monde moderne a utilisé pour désigner des circuits électriques ou téléphoniques qui permettent de relier les hommes entre eux. En travail social, c’est une nouvelle méthodologie de travail issue de la confrontation aux nouvelles pathologies comme le Sida ou au développement de la grande pauvreté. Ces nouvelles problématiques ont considérablement brouillé les approches traditionnelles d’un appareil sanitaire et social devenu au fil des années de plus en plus spécialisé, complexe et indéchiffrable. Face à la dissolution des frontières professionnelles, il s’est avéré nécessaire d’adopter des démarches bien plus transversales. Et justement, le réseau n’a d’existence qu’en ce qu’il est le lieu de communication et de collaboration entre des acteurs hétérogènes. On se lie pour se compléter. On étudie les dysfonctionnements mais aussi les avancées, on met en commun les informations, on développe une culture commune. Le réseau, en tant qu’organisation formelle, échappe complètement au contrôle des différents services impliqués. Il dérange les liaisons hiérarchiques et le mode de management classique. Il s’oppose diamétralement au fonctionnement vertical, et s’appuie sur une logique horizontale. Il implique le rejet du centralisme. L’enrôlement dans ses rangs ne peut passer que par l’intéressement préalable et la persuasion qu’il y a un intérêt à y adhérer. C’est, avant tout, une structure ouverte fonctionnant sur la base du maillage qui unit ses composantes. Le réseau est marqué par deux caractéristiques : sa dimension largement informelle (il est appelé à disparaître en cas de non-activation des liens) et la défaillance des relations (aucun engagement ne peut durablement lier les partenaires). Il se distingue du traditionnel travail d’équipe qui est trop souvent orienté vers l’élaboration d’une seule et unique représentation, chacun cherchant à convaincre l’autre de la validité de son point de vue pour le voir adopté comme position finale. Le réseau, quant à lui, est bien plus respectueux des positions de chacun. Il accepte les différences d’interprétation et permet à chacun de conserver la plénitude de ses missions et de ses légitimités, tout en lui permettant d’être complété par la spécificité que proposent respectivement les partenaires auxquels il s’articule. C’est pourquoi, le travail de réseau ne se décrète pas. Il peut juste être favorisé en soutenant ce qui s’est déjà mis en place spontanément ou en créant les conditions favorables à son émergence.

Jacques Trémintin

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Numéro 647, 19 décembre 2002

Le travail en réseau dans le Val-d’Oise

Depuis une petite quinzaine d’années, les intervenants de diverses institutions médico-sociales d’un même

département se réunissent mensuellement et se coordonnent. Il s’agit de mettre en place des actions

communes en direction des usagers. Un exemple de travail en réseau.

Il y a 14 ans dans le Val-d’Oise à Soisy-sous-Montmorency, le personnel du centre Imagine [lire encadré], qui apportait des soins aux personnes toxicomanes, a senti la nécessité de s’ouvrir aux autres gens de terrain, aux professionnels concernés par les problématiques de prévention et de marginalisation. Les éducateurs des clubs de prévention de Garges-les-Gonesses dans le Val-d’Oise également — comme l’Œuvre de protection de l’enfance et de la jeunesse (OPEJ) — ressentaient la nécessité de travailler avec des spécialistes en toxicomanie. L’idée de créer un réseau autour de l’usager est ainsi née. Le réseau a un nom, l’Intergargeoise, mais malgré ses 14 années d’existence il n’a pas de statut juridique, et pourtant il est reconnu par les partenaires sociaux et par la ville qui le soutiennent dans ses projets. Les contacts (adresse, réunions, infos) sont assurés par Christine Lautran-Davoux, psychiatre et Franky Struyve, cadre-infirmier, tous deux employés à Imagine.[1]La création du réseau voulait, entre autre, éviter les doublons : les éducateurs de l’OPEJ n’allaient pas faire une démarche avec un jeune si une assistante sociale d’une autre structure l’avait déjà faite… « Avant, nous travaillions chacun de notre côté, ce qui provoquait une énorme perte d’énergie et renforçait l’isolement des personnes toxicomanes », évoque Christine Lautran-Davoux. « Aujourd’hui, si les éducateurs de l’OPEJ nous adressent un jeune qui a un problème de toxicomanie, nous savons qu’ils s’occupent de la partie insertion sociale, nous ne prendrons en charge que le versant soin ». Les membres du réseau ont acquis une connaissance mutuelle de leur travail. « Le psychologue de l’OPEJ devait accompagner un jeune pris en charge par les deux institutions à un entretien pour une postcure. Le voyant arriver drogué, il lui a fait remarquer qu’il ne serait pas reçu à la postcure dans cet état. Le jeune a répondu que le centre Imagine ne lui avait pas précisé qu’il ne devait pas prendre de produits lors de cette démarche. Le psychologue, connaissant les exigences d’une postcure à travers le travail en réseau avec le centre Imagine, savait que cela était tout à fait impossible ».Le réseau est né aussi du désir de mettre en place des personnes ressources dans la cité. Initialement, il sollicitait souvent le centre Imagine pour des interventions dans les quartiers et les institutions pour des informations concernant la toxicomanie. L’objectif de ces formations des professionnels sur un an était de leur permettre une meilleure écoute et l’apport de connaissances plus précises sur ces thèmes. « Nous nous sommes rendus compte que cela ne fonctionnait pas bien », souligne Christine Lautran-Davoux « mieux valait donc travailler ensemble, se servir des compétences de chacun : OPEJ, centres sociaux, missions locales, ANPE, Point accueil jeunes, Point écoute jeunes, Service du développement social urbain (DSU)… ».Quelle est la différence entre le travail en réseau et le travail en partenariat ? « Si je reçois une femme battue, je sais vers quelle association d’aide aux femmes victimes de maltraitance l’orienter. Je passerais un coup de fil à cette association pour l’informer. Il s’agit d’un travail ponctuel entre partenaires sociaux. Le travail en réseau, lui s’effectue sur le long terme. Si une personne toxicomane arrive à l’OPEJ, un éducateur va m’appeler et me demander s’il peut l’accompagner à Imagine. Je la recevrais et ce quel que soit mon emploi du temps de ce jour ». Christine Lautran-Davoux précise que « le réseau est constitué d’hommes et de femmes, professionnels de structures sociales, médico-sociales ou sanitaires qui, en se rencontrant, créent des liens inter-institutionnels et interpersonnels. Lorsqu’[elle] participe à un projet, c’est à la fois au nom du centre Imagine en tant qu’institution et en [son] nom en tant que personne ». Les membres du réseau œuvrent ensemble pour faciliter au plus juste la réponse à la demande d’une personne en difficulté. Le réseau est un filet : « Le petit nœud au milieu représente le sujet. Les institutions travaillent autour de lui, tissant ce filet », illustre joliment la psychiatre. Les éducateurs de l’OPEJ ont par exemple adressé un jeune toxicomane présentant des problèmes psychiatriques au centre Imagine. Au départ, il a fait des allers et retours entre les deux. Très vite l’équipe du DIMAS a constaté que le problème du jeune relevait de la psychiatrie et pas seulement de la prise de produits. Il a été hospitalisé dans le service psychiatrique hospitalier dont il dépendait.Constatant que certains usagers ont des difficultés de repérage, de lecture, d’expression…. rendant la réalisation de leurs projets et déplacements difficiles, le réseau a mis en place un projet d’accompagnement par des bénévoles. Monsieur X a un fils placé dans une institution. Il n’arrive pas à se déplacer seul pour lui rendre visite. Il se fait accompagner par sa propre mère, ce qui n’est pas idéal au niveau de la parentalité. Maintenant, un bénévole l’accompagne. « Il a eu le sentiment d’être sur le chemin de l’autonomie », explique Franky Struyve membre du réseau depuis 4 ans. Des jeunes ont des problèmes d’illettrisme. Lorsqu’ils doivent effectuer des

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démarches administratives, ils ont des soucis de compréhension ou d’ignorance des codes sociaux ce qui engendre parfois des réactions de rejet plus ou moins vives de la part des professionnels des structures administratives. Un bénévole peu servir de médiateur dans ce genre de situation. Une personne immigrée doit aller chez le dentiste, mais elle ne sait pas lire le français et de ce fait, n’arrive pas à se déplacer seule. Des jeunes ont du mal à sortir de leur cité, cela les effraie… Autant de situations que l’accompagnement bénévole dénoue.Ces personnes bénévoles sont appelées « accompagnants » par les membres du réseau. En effet, ils accompagnent les personnes en difficulté à la demande de ce dernier et celle de l’institution référente. Une première rencontre à trois a lieu dans les locaux de l’institution où un contrat moral est défini et accepté par l’accompagné. Ces bénévoles ont donc une action citoyenne et permettent la poursuite du parcours de la personne en difficulté. Après l’accompagnement, l’accompagnant rencontre les professionnels de l’institution référente afin de partager les moments fort et/ou difficiles de cette action. Afin que cette aide ne se substitue pas au travail des professionnels, mais aussi que l’accompagnant ne devienne pas un professionnel malgré lui, les accompagnements sont limités à trois pour un même accompagné par le même accompagnant. Ces personnes bénévoles font partie du réseau et participent aux réunions mensuelles. Un poste de coordination de l’action bénévole devrait être créé pour gérer les demandes des usagers, recruter les bénévoles et établir les plannings… Ce projet est soutenu par la ville de Garges-les-Gonesses dans le cadre de la politique de la Ville.Comment va évoluer le réseau qui, nous l’avons vu, a toujours eu une existence informelle. Va-t-il se constituer en association ? Les avis divergent parmi les membres du réseau. Les uns aimeraient qu’il reste informel et recrute les bénévoles au fur et à mesure des besoins. Ces derniers créeraient eux-mêmes leur association quand ils en ressentiraient la nécessité. « Ce serait un véritable projet citoyen, nous ne serions plus qu’un appui technique », s’enthousiasme Franky Struyve. D’autres trouvent plus réaliste de constituer une association, d’officialiser le réseau, de gagner une existence juridique et de restituer cette association aux bénévoles par la suite.Le travail en réseau ne peut exister que sur le long terme. Par moments, il s’essouffle. Certains participants le quittent, trop pris par leurs projets institutionnels, d’autres parce que le responsable de leur structure donne priorité à leur institution. À Imagine, malgré le changement de chef de service, une large place a toujours été accordée au travail en réseau. « Le réseau nous offre une bouffée d’oxygène, nous évite l’enfermement dans des schémas figés », explique Christine Lautran-Davoux. « Si nous restions dans l’exclusivité du champ de la toxicomanie, nous aurions une vision certes de plus en plus complète de ce problème, mais détachée de la réalité sociale des usagers. La trop grande spécialisation pourrait avoir servi l’exclusion ». En participant au réseau, les professionnels savent où se situent géographiquement les autres structures, se tiennent au courant de leurs projets mutuels, de leurs galères ou de la réussite de leurs projets. « Grâce à lui, nous connaissons mieux le tissu social de Garges-les-Gonesses, le terrain où nous sommes implantés, sa réalité politique quotidienne », confirme Franky Struyve. « Lorsqu’il y a des modifications de réalité de terrain, par exemple dans un quartier, nous en sommes informés et cela nous est très utile. Le réseau lui donne une vision plus globale de la ville : lors des interventions dans les écoles de Garges-les-Gonesses, grâce au réseau, je me sens moins parachuté parce que je connais déjà un peu la réalité de la ville ».Le réseau a-t-il des points faibles ? « Oui. Par moments, on travaille dans l’ombre et le manque de reconnaissance nous pèse », avoue Christine Lautran-Davoux. « On doit trouver l’énergie de continuer et parfois c’est difficile ». L’histoire de la ville a une influence sur la dynamique des projets. « Longtemps Garges-les-Gonesses a été une ville où malgré les appels à projets, il n’y avait pas une réelle volonté de concrétisation des politiques. Il y avait aussi peu d’argent. Puis, lorsqu’une volonté de réalisation est apparue, les professionnels ont eu du mal à suivre. Dès qu’un projet commençait à devenir réalisable, quelqu’un le faisait échouer. Il reste quelque chose de cette histoire », raconte la psychiatre. « Aujourd’hui, encore il faut beaucoup de temps pour qu’un projet aboutisse ». Mais cette histoire a un côté positif : « Quand les gens se sont accrochés à un projet et l’ont réalisé c’est qu’ils ont résisté au laminage du temps ! Dans le réseau aussi, lorsque nous avons un projet, il faut du temps pour le mettre en place, pour que chacun soit d’accord, tant sur le plan interinstitutionnel qu’interpersonnel. Quand on arrive au consensus, quelque chose prend corps et c’est du solide ! ».

Katia Rouff

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Le travail en réseau, une réponse à la complexité des besoins

Le service social de la Cramco a développé une action régionale déclinée dans chaque département de sa circonscription (Charente, Charente-Maritime, Corrèze, Creuse, Deux-Sèvres, Vienne et Haute-Vienne). Cette action vise à organiser une offre de services partenariales adaptée à la globalité des besoins des personnes vulnérables.

Les plus values du réseau : Le réseau confère une place centrale à l'usager : il est membre actif du réseau. Professionnels et usagers sont ainsi des promoteurs liés par des actions communes. Le réseau va au-delà de relations interprofessionnelles : ouverture du réseau à des responsables locaux, à la population (habitants, usagers, associations de malades, de quartier, etc...). Le réseau est un moyen de développer des pratiques interprofessionnelles nouvelles, dans une dynamique de coopération : pratiques fondées avant tout sur la transdisciplinarité, l'échange de compétences, le partage de diagnostic, des règles de non concurrence et l'absence de rapports hiérarchiques. Le réseau a une existence officielle, reconnu par les diverses institutions et formalisé par une charte ou une convention.

Utilité du travail en réseau L'intérêt du travail en réseau se décline sur trois niveaux :

1. Pour la personne Bénéficier d'un accompagnement pluridisciplinaire et d'une prise en charge globale de sa situation Devenir puis rester l'acteur principal dans la détermination des besoins et la mise en oeuvre des solutions apportées Mieux se repérer parmi les partenaires Bénéficier des liens qu'entretiennent les partenaires permettant ainsi un relais de l'information afin d'éviter des répétitions de " son histoire de vie " Lui permettre d'obtenir une réponse adaptée à sa problématique par l'orientation vers le partenaire le plus compétent (passage de relais)

2. Pour les professionnels Mieux appréhender les problématiques d'un public donné Mieux se connaître et se reconnaître en tant que partenaires Echanger des informations et des connaissances entre partenaires Déterminer et apporter en commun une réponse globale et cohérente aux problèmes de l'usager Prévenir des situations à risque Enrichir ses compétences

3. Pour les institutions Affirmer leur rôle, leur champ d'intervention, leurs objectifs et communiquer autour de ces 3 axes

Favoriser des politiques de prévention et de gestion du risque, ainsi que des politiques de santé publique

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Le défi du partenariat dans le travail social ou le paradoxe du partenariat obligatoire

Élisabeth Vidalenc, chercheur en sociologiepublié le mercredi 13 septembre 2006

 [1]La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale marque la volonté explicite des pouvoir publics de favoriser le développement des réseaux en leur accordant une légitimité accrue. Ces derniers devraient permettre de favoriser la coordination et la complémentarité des différents opérateurs afin de garantir une continuité dans l’accompagnement de l’usager. Le mot réseau, autrefois utilisé pour désigner ces groupes informels guidés par une communauté d’intérêt se trouve ainsi aujourd’hui instrumentalisé.Quel différence peut-on faire entre réseau et travail en partenariat ? Pour moi, le réseau serait la structure sociale ou médico-sociale mise en oeuvre pour répondre à une injonction ou à un besoin (ex : réseau ville/hôpital), le partenariat serait la démarche volontairement coopérative dans laquelle s’engagerait telle personne ou groupe amenés à travailler ensemble. De même, je distingue la collaboration, c’est à dire le fait d’avoir à travailler avec d’autre, des " collègues ", de la coopération, qui implique un degré minimum d’engagement et de confiance réciproque.Et cela nous amène au titre de cette intervention "le défi du partenariat dans le travail social ou le paradoxe du partenariat obligatoire", car en effet le partenariat ne se décrète pas (et surtout pas par d’autres que ceux qui sont censés entrer dans la démarche). Nous avons tous fait l’expérience de difficultés à travailler en équipe et encore plus avec des partenaires extérieurs à l’institution, animés de logiques ou de motivations différentes des nôtres.La différence entre collègues est certes une richesse mais d’abord une souffrance. Dans le travail social, nous avons une tolérance pour les personnes en difficulté que nous n’avons pas avec nos collègues ou partenaires. En effet les diverses relations en jeu dans le travail social sont source d’injonctions paradoxales, elles mêmes générant des incompréhensions, des conflits, et de l’épuisement professionnel.Nous allons donc pointer un certains nombre de paradoxes du travail social pour aborder ensuite des propositions pour construire un travail en partenariat.A. Comment construire du sens dans un environnement paradoxal ?

Pour commencer rappelons que le paradoxe est une contradiction entre deux termes à des niveaux logiques différents. Le paradoxe découle d’une obligation de penser une chose et son contraire. Chaque proposition étant valide à son niveau logique, l’acteur se trouve dans l’impossibilité de faire un choix. Nous allons donc exposer quelques exemples de paradoxes présents dans les différents aspects du travail social.

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1. Les paradoxes de la relation d’aide Le contrat et le projet Ces deux termes sont aujourd’hui largement usurpés et ils sont parfois utilisés pour faire

accepter à la personne aidée des règles qu’elle est contrainte d’accepter par nécessité (RMI) Le projet de la société pour les exclus peut correspondre au projet réel de la personne, mais aussi être en décalage. Il serait alors nécessaire de faire la distinction entre contrat et règlement, la notion de contrat impliquant une liberté et un engagement mutuel sous peine d’être invalide.

Le savoir être Terrible injonction paradoxale que cette obligation de savoir être. Certes le travailleur social a besoin d’un certain équilibre personnel pour assumer des situations difficiles. Certes ce métier demande une part de compétence et une part d’intuition. Mais poser en valeur de base du professionnalisme le savoir être est un danger en terme d’identité. Pour sortir de l’injonction paradoxale on devrait parler il me semble de apprendre "à s’adapter", "à reconnaître ses limites", "à chercher de l’aide auprès des personnes compétentes".2. Le travail en équipe et la quête du consensus*- Travailler ensemble permet d’être plus objectifsL’équipe de travail est le lieu de "validation" du professionnel et aussi le lieu d’émergence d’une certaine objectivité par croisement entre les différentes subjectivités. La limite de cette idée est que le croisement de visions parcellaires ne donne pas accès au "réel", comme pourrait le laisser penser la recherche de consensus en réunion. Un travail en équipe respectueux des différences devrait permettre de souligner les différences d’interprétation en sollicitant l’expression de chacun. Ces différences d’interprétations constituent en effet une chance pour la personne en difficulté (on dresse d’elle ou de sa situation un portrait nuancé) comme pour le professionnel (amené à réfléchir sur ses ressentis). Or le travail d’équipe peut être orienté vers la recherche d’une seule et unique représentation à partir de l’expression de chacun, ce qui conduit à des réunions interminables, chacun cherchant à convaincre l’autre de la validité de sa représentation.

L’équipe est un lieu de ressourcement" Ce partenaire (le collègue de travail) peut également se révéler menaçant dans sa différence et renvoyer chaque professionnel à une solitude difficilement supportable qui va générer de l’agressivité [2]. "La confrontation à la différence des autres membres de l’équipe est difficile. La relation d’aide implique une part d’investissement personnel et de positionnement professionnel qui vont se répercuter sur les relations entre membres de l’équipe. L’équipe peut ainsi être un lieu déstabilisant et conflictuel. Ce malaise se répercute souvent sur la personne en difficulté. Celle-ci, fragilisée, intériorise le conflit qui ressort alors sous forme de violence. J’en ai moi-même fait l’expérience alors que j’occupais des fonctions d’éducatrice dans un internat. A

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chaque fois que j’étais en conflit avec un des membres de l’équipe, j’ai observé ou vécu des gestes de violences de la part des personnes accueillies.3. Le travail social et les partenaires institutionnelsNous entendons par partenaires institutionnels tous les acteurs qui ne sont pas directement et quotidiennement au contact des travailleurs sociaux mais dont ils ont besoin pour leur action. C’est à dire les collectivités locales, les autres associations, les structures publiques...Dans la relation avec ce partenaire, les travailleurs sociaux sont partagés entre l’attrait d’appartenir à "un grand ensemble" et la tentation de leur dire "qu’ils ne sont pas sur le terrain". De leur coté les partenaires institutionnels sont partagés entre le souci des limites du travailleur social (burn-out, turn over, incompétence) et la tentation de ne pas l’écouter. D’un coté comme de l’autre on désire communiquer mais sans que l’autre exprime sa différence.Pour communiquer avec les partenaires institutionnels les travailleurs sociaux doivent faire l’effort de conceptualiser, de formaliser leur vécu quotidien pour le rendre accessible. Cet effort de prise de distance demande du temps et peut-être un accompagnement. Les employeurs ne sont pas toujours prêts à accorder ce temps spécifique. Cela veut-il dire que le temps est déjà disponible mais non utilisé ? L’effort est-il trop grand pour les professionnels quel que soit le temps disponible ?4. Tenir compte de l’environnementL’environnement du travail social est vaste, il comprend les "relations" de chaque acteur, les autres associations, les médias, et le grand public. La grande difficulté de la relation avec ce type d’acteur est la question du secret et du militantisme. Pour faire avancer une situation, le travailleur social doit la faire connaître, en même temps il est soumis à un devoir de discrétion vis à vis de la personne en difficulté. Parler publiquement de situations de détresse, des dysfonctionnements de l’aide publique, participer à des manifestations engage au delà de la relation d’aide, on parlera alors d’action militante. D’un autre côté, le silence rend les travailleurs sociaux complices d’un système dont ils connaissent les limites mieux que personne.5. Comment construire du sens ?Pour les auteurs de La dynamique de la confiance [3] le sens d’un événement, d’une situation, d’une parole s’alimente aux quatre sources que sont :

l’information vue comme sortie de l’incertitude et de l’ignorance, la représentation qui donne une signification, le discernement qui permet d’attribuer une valeur, l’action comme validation de la signification et de la valeur à l’épreuve du réel.

Pour le travail social, chacun de ces aspects de la construction du sens pose problème : * L’information se heurte à l’obligation de secret mais aussi à la difficulté de traduire des émotions, un vécu

quotidien en des termes accessibles pour des personnes extérieures à la relation d’aide. Pris dans l’urgence, dans les contradictions de leurs commanditaires, dans la complexité de leur tâche, les

travailleurs sociaux peinent à se représenter ce qu’ils font et à le faire partager à d’autres. La diversité ou l’absence de références religieuses, humanistes ou morales rend difficile l’expression et la

cohérence des valeurs des travailleurs sociaux. L’action elle-même est entravée par de multiples contraintes rendant l’efficience du travail social aléatoire et

difficile à évaluer. Poser ce constat n’est pas un échec mais il doit contribuer à nous faire réfléchir aux moyens de "fiabiliser" le système "travail social". Nous allons voir dans notre deuxième partie à quelles conditions les interactions entre les partenaires du travail social ont plus de chance de se construire dans un climat de coopération.B. Faut-t-il se savoir en danger ou se croire en sécurité ?L’équipe avec laquelle nous avons conduit nos recherches (à l’Université de Technologie de Compiègne) s’appelle Interactions et Défaillances Technologiques et Humaines. Les chercheurs de cette équipe ont fait de la recherche des modalités et des effets des défaillances (handicaps, catastrophes technologiques) un outil de recherche pour une performance que service de l’action. Nous nous situons dans cette logique en proposant au terme de notre travail de thèse une modélisation d’un processus d’accompagnement du travail social nous semblant répondre en partie aux difficultés observées quant aux interactions entre les trois pôles du travail social (travailleur social-équipe-partenaires institutionnels).Ce processus d’accompagnement repose pour chacun des partenaires sur une triple dimension : individuelle, commune, et collective. La dimension individuelle prend en charge l’affectif, l’émotionnel, le caractère personnel des relations engagées dans une écoute personnalisée et non jugeante. La dimension commune alimente la reconnaissance identitaire par le groupe, le sentiment d’appartenance, et confirme le professionnel dans ses choix. La dimension collective vient donner une vision d’ensemble, une ouverture intellectuelle et interdisciplinaire au processus.

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1. Accompagner le travailleur socialLe travailleur social peut s’appuyer sur une supervision individuelle ou un accompagnement, participer à un groupe de parole, et poursuivre son apprentissage dans le cadre de la formation continue.Dans la relation avec l’accompagnateur, le travailleur social peut se libérer des émotions, des tensions ressenties dans ses relations avec la personne aidée et aussi avec ses partenaires. Tout ce que l’on se retient de dire face à l’équipe peut être exprimé dans ce cadre, et en particulier pour les tensions qui concernent les ressentis envers les membres de l’équipe elle-même. Cette transition émotionnelle devrait permettre d’aborder ensuite les problèmes en équipe de façon moins "émotionnelle".Le groupe de parole serait plutôt un lieu de confrontation d’expériences et d’enrichissement mutuel entre des personnes travaillant dans des secteurs proches mais n’appartenant pas à la même institution. Il serait ainsi possible de décrire des situations et de conduire un dialogue constructif permettant de confronter les opinions sans que les membres du groupe n’identifient les personnes concernées.La formation continue nous semble un élément constitutif du travail social. La qualité du travail dépend en partie d’une formation complémentaire régulière, compte tenu de l’évolution rapide des problèmes et des situations rencontrées et de la complexité informationnelle et émotionnelle inhérente à la tâche.2. Accompagner l’équipeL’équipe de travailleurs sociaux est en général animée par un responsable, mais l’accompagnement individuel relèverait plutôt de la supervision. Souvent exercée par un psychologue ou un psychiatre, dans une optique de compréhension et d’analyse de la relation d’aide, cette fonction devrait pouvoir s’ouvrir à des personnes sensibilisées à la logique des partenaires institutionnels, et à la communication interpersonnelle au sein d’une équipe de travail.La participation à des colloques, la réalisation d’écrits communs, donne une visibilité et une reconnaissance à l’équipe et lui permettent de confronter sa pratique avec d’autres professionnels.Appartenir à groupe de recherche procède de la même logique : stimuler la réflexion, l’examen de problèmes de fond pour permettre à l’équipe de sortir de "l’urgence" et de prendre du recul vis à vis de sa pratique.3. Accompagner les partenaires institutionnelsLes partenaires institutionnels aussi ont besoin d’un médiateur capable d’accompagner leurs relations avec les autres acteurs du système. Pour remplir sa fonction ce dernier doit connaître les différentes dimensions du travail social pour traduire, par exemple, la logique des partenaires institutionnels aux travailleurs sociaux et vice versa.Les partenaires institutionnels appartiennent à des réseaux au sein desquels ils participent à des négociations, des concertations, des actions communes.Enfin, ils participent directement ou indirectement à des réflexions nationales. Ces réflexion et ces actions contribuent à l’évolution des lois et des dispositifs en faveur des personnes en difficulté.Cette tentative de modélisation ne prétend représenter ni la réalité ni un idéal. Nous cherchons des pistes de réflexions concernant la mise en place d’un réel travail coopératif et donc de partenariat entres les différents acteurs du travail social. Il ne s’agit pas d’ailleurs de propositions nouvelles, ces différents éléments existent à des degrés divers dans différentes institutions. L’important, nous semble-t-il est de n’oublier aucun des trois axes du travail social. Nous considérons en effet que la distance (physique, de valeur ou de logique) entre chaque partenaire et la spécificité émotionnelle de la relation d’aide rend nécessaire la mise en place d’un dispositif d’accompagnement particulier.C. Le partenariat : un mythe ou un défi ?Notre réflexion nous a amenés à deux conclusions essentielles :

La construction de l’autonomie passe par l’acceptation de liens de dépendance vis à vis d’un environnement humain.

La présence d’un tiers est nécessaire pour accompagner ces liens vers le respect de la parole et de l’action de l’autre dans sa différence. Sans ce double travail de lien et de distanciation, une véritable écoute de l’autre (partenaire ou personne en difficulté) est difficile. Pour s’impliquer tout en se protégeant le travailleur social a besoin d’une structure sécurisante. Les propositions de modélisation contenues dans ce travail ouvrent une voie de dialogue par une facilitation de la compréhension des représentations des différents protagonistes. Ce processus passe par plusieurs étapes. D’abord, l’acteur se met en situation de modéliser la situation en essayant de se mettre à la place de l’autre pour prendre conscience du point de vue de l’autre. Ensuite, l’acteur a la possibilité de prendre en compte ou non ce point de vue pour agir et décider des actions à mener. Enfin, l’acteur peut conduire une action négociée en prenant en compte le point de vue de l’autre à chaque stade de la réalisation du projet.Nous aboutissons à un modèle du travail social visant à protéger les protagonistes des situations de dilemmes auxquels ils sont confrontés. La mise en place d’un système de double accompagnement dans le dispositif de travail social nous semble être un processus complexe adapté à la complexité du réel. Ce système ne peut pourtant fonctionner sans une démarche volontaire, en conscience des enjeux professionnels de ce processusL’observation des difficultés rencontrées nous conforte dans l’idée que des améliorations peuvent être apportées au système. Ces améliorations demandent un recentrage de l’action sur la personne au cœur du dispositif. Cette

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démarche comporte le risque de voir remettre en cause les acquis sociaux des personnels (horaires, congés...) mais elle est motivée par une éthique basée sur le respect de l’autre et de sa parole.Chacun est conscient de la difficulté de mettre en place des actions de partenariat : difficultés relationnelles car la multiplication des actions communes entraîne des occasions de conflit plus nombreux, et difficultés logistiques car les professionnels travaillent dans un contexte d’urgence et de précarité qui laisse peu de place à d’autres actions.Notre modèle contraint d’autre part les professionnels à entrer dans une démarche d’auto-formation et d’évolution personnelle et professionnelle. Il propose de multiplier les interactions et donc les efforts relationnels des acteurs. Il expose le professionnel au regard des autres, ce qui l’oblige à sans cesse se remettre en cause.Enfin, ce modèle peut être rejeté par certains qui peuvent considérer ces propositions comme une remise en cause de leurs compétences professionnelles. On peut en effet considérer que la formation initiale et le travail en équipe suffisent pour gérer les difficultés inhérentes au métier, et qu’un tel dispositif alourdit considérablement le fonctionnement du travail social.Tenir compte du point de vue de l’autre pour élaborer des solutions négociées demande un effort de la part de chacun des protagonistes. Ils ne fourniront cet effort que s’il est compensé par la satisfaction d’une attente profonde. Dans notre démarche, nous proposons à chaque partenaire du travail social de se situer comme auteur. Chacun est légitime dans son propre désir, dans sa différence. L’accompagnement, le travail en équipe, la participation à des groupes de recherche sont des lieux d’expression et de réalisation de cette créativité personnelle qui permet à chacun de produire du sens dans son activité professionnelle.RésuméLe défi du partenariat dans le travail social ou le paradoxe du partenariat obligatoirepar Élisabeth VidalencNotre travail a un objectif d’explicitation des conditions nécessaires au travail en partenariat et de proposition de méthodes d’action prenant en compte la dimension humaine et complexe spécifique au travail social.En aidant les acteurs à prendre conscience des paradoxes présents dans leurs actions et dans leurs relations avec leurs différents partenaires, nous les conduisons à éviter une illusion dangereuse. On pourrait croire en effet qu’une telle situation " oblige " les acteurs à " coopérer ", ou encore que la bonne volonté des partenaires suffit à assurer le succès de l’action entreprise. Pourtant de nombreux conflits, des difficultés de communication entravent le bon fonctionnement de services ou d’associations, malgré des intentions de coopération au départ.L’implication émotionnelle inévitable dans le cas du travail social rajoute en effet une difficulté supplémentaire. Certains voudraient gommer tout investissement personnel au nom du " professionnalisme " Le travailleur social serait en effet, du fait d’une formation initiale performante, devenu " expert en relation", évitant ainsi toute implication émotionnelle ressentie comme négative pour lui et pour la personne en difficulté. Les difficultés du champ du social à se situer comme profession, (avec les exigences éthiques et techniques que cela suppose) justifient-ils que les travailleurs sociaux fassent l’impasse sur les émotions (positives ou négatives) vécues du fait de leur profession ?Les responsables ou encadrant vivent, eux, la difficile interface entre les modalités de la relation d’aide et les objectifs de leurs employeurs directs ou indirects, bien souvent des collectivités locales. Entre les exigences économiques et politiques et les exigences d’un travail humain auprès de personnes en grande difficulté, il existe de nombreuses possibilités d’incompréhension.Notre travail veut contribuer à une prise de conscience des paradoxes et des divergences de logique qui entravent la qualité des relations entre les différents partenaires du travail social. Nous proposons donc pour chaque partenaire un dispositif d’accompagnement incluant :

la présence d’un tiers, superviseur, ou médiateur, permettant l’expression des difficultés, la traduction des différentes logiques entre les acteurs, l’écoute réciproque ;

 * la participation à un groupe de parole ou de réflexion (hors collègues de travail) permettant une confrontation des expériences, une expression des difficultés dans un lieu compréhensif et non jugeant ;

 * l’institution d’une formation continue permanente pour les professionnels du social, visant à enrichir leurs connaissances dans un univers professionnel en perpétuelle évolution, mais aussi à multiplier les lieux d’échange et de confrontation des points de vue.Notes[1] Élisabeth Vidalenc a soutenu sa thèse Travail social et formation : modélisation des partenariats à construire dans un système social complexe en 1998 à l’université de technologie de Compiègne. Elle intervient actuellement en formation initiale et continue dans des centres de formation au travail social et est l’auteur du livre Le défi du partenariat dans le travail social, paru chez l’Harmattan, collection Le travail du social, en septembre 2002.Contact : elisabethvidalenc(at)tiscali.fr[2] Denis Vasse, Le poids du réel, la souffrance, Le Seuil, 1983, 190 p.[3] Gilles Le Cardinal, Jean-François Guyonnet et Bruno Pouzoullic, La dynamique de la confiance, construire la coopération dans les projets complexes, Dunod, 1997, 244 p.

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Nature et limites des partenariats éducatifsCorinne Mérini, Laboratoire Processus d’action des enseignants déterminants et impact de l’IUFM d’Auvergne, Maître de conférences à l’IUFM Versaillespublié le mercredi 13 septembre 2006

Cette modélisation des partenariats éducatifs est fondée sur des travaux de recherche engagés en 1987 à l’INRP, puis dans les laboratoires de l’université de Paris 8, de Paris 9 et à présent de l’IUFM d’Auvergne. J’ai interrogé cette notion de travail partagé à partir des liens qui unissent les centres académiques de formation (les écoles normales, IUFM, université) et les terrains d’exercice des métiers (professionnalisation des enseignants, relations écoles/entreprises). Actuellement je travaille sur les liens qui unissent l’école et ses partenaires autour de l’éducation à la santé. Ce texte est positionné du point de vue de l’Ecole et organisé autour de trois points : la compréhension de la notion de partenariat - la spécificité d’un travail partagé en éducation - les compétences spécifiques mises en œuvre dans ce type de situation.1. La notion de partenariat, valeur et limitesSi assez rapidement il est apparu que l’ouverture [1] et le projet (Lorcerie, 1991) étaient des éléments clés des partenariats éducatifs, ces situations de communauté de travail, situées à mi-chemin entre l’école et son environnement n’ont de sens, pour un enseignant, que si elles sont référées à une question éducative ou à celle des apprentissages. Reste que l’on peut s’interroger sur la multiplication de ces situations de recours à d’autres acteurs en éducation.Indéniablement des facteurs externes à l’école comme : la demande sociale d’une école ouverte sur son environnement, ou les injonctions officielles qui introduisent de nouveaux objets scolaires comme l’éducation à la santé, à la citoyenneté, à l’environnement, l’orientation et l’insertion professionnelles peuvent apparaître comme étant à l’origine de ces situations. D’autres facteurs semblent aussi favoriser l’ouverture comme la mise en place de pratiques artistiques, l’apprentissage des langues ou l’éducation physique qui nécessitent une expertise et un contexte matériel particulier. Mais on peut aussi s’interroger sur l’existence parallèle de facteurs internes liés à de nouvelles exigences éducatives comme l’émergence ou la confrontation à de nouveaux problèmes : la réussite des élèves en difficulté par exemple qui impose à l’enseignant un travail à la fois différencié et une diversification des activités. En d’autres termes nous faisons l’hypothèse que certains domaines ne peuvent plus être abordés par l’enseignant seul, sans qu’il y ait prise en compte de ce qui est autour de l’école et un recours à d’autres acteurs. Effet de système et problèmes de moyens pensent les uns, partage de l’acte éducatif avec le " hors l’école " répondent d’autres. La notion même de partenariat reste polysémique et mérite d’être interrogée, nous préférons aujourd’hui celle de travail conjoint ou de dynamique collective de travail pour éviter toute confusion.1.1 Archéologie de la notionLe mot lui-même : partenariat est très contemporain [2], issu de l’économie de marché il apparaît en même temps " qu’actionnariat ", " entrepreunariat " etc. avec qui il a en commun le suffixe " iat " qui marque l’appartenance au champ de l’action. La notion est, elle, plus ancienne mais s’exprimait auparavant plutôt par les mots de collaboration ou de partenaire. L’approche étymologique de ce dernier donne beaucoup de sens à la notion de partenariat. Il est définit comme une association d’acteurs évoluant dans différentes situations présentées dans le dictionnaire sous forme d’une liste (partenaires de jeu, sexuels, sociaux, officiels etc.) qui marque la forte contextualisation de ces associations et traduit bien l’impossibilité qu’il y a à généraliser ou universaliser un partenariat.Partenaire prend deux significations radicalement différentes entre son origine latine (part, partitio, partitionnis) qui signifiait partager diviser un butin, et sa forme actuelle qui apparaît au 18ème siècle qui veut dire " propriétaire indivis d’un bien ". On retrouve d’ailleurs cette ambiguïté avec le verbe partager, utilisé tantôt pour marquer la division et la répartition comme dans le partage d’une tâche, ou au contraire l’association quand il s’agit de partager une responsabilité.C’est en 1993 lors d’un colloque à l’INRP [3] que les équipes de recherche travaillant la question se sont accordées à définir scientifiquement le partenariat comme : " le minimum d’action commune négociée " (Zay, Gonnin-Bolo (dir.), Landry, Mérini, 1995). Définir le partenariat ainsi, permet de le démarquer du sponsoring ou du subventionnement, de la sous-traitance et de la délégation qui ne font l’objet d’aucune négociation mais d’une commande ou d’un mandat pour agir au nom de... Le partenariat reste, pour nous, une action co-élaborée inscrite dans l’intervalle de deux ou plusieurs organisations, et qui vise à résoudre une problème reconnu comme

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commun (Mérini, 1994), ceci à partir des différences de chacun dans une recherche de complémentarité. Au plan théorique l’analyse stratégique des sociologues des organisations (Crozier et Friedberg, 1977) est sans doute une des plus pertinentes pour comprendre l’agencement de ces différences qui mêle des systèmes d’intérêts parfois divergents. Les partenaires n’ont pas, a priori, vocation à agir ensemble et à produire des effets communs : qu’est-ce qui lie, de ce point de vue, une municipalité, une bibliothèque, des enseignants, des associations d’autre que de chercher à agir sur les élèves pour développer leur maîtrise de l’écrit, des formes littéraires, l’accès à la littérature, la maîtrise de la langue etc. ?Au début d’une collaboration, seul le problème à résoudre et la volonté d’agir conjointement sont communs, on ne peut pas à proprement parler d’objectifs ou encore moins d’intérêts communs. Les objectifs sont négociés sur la base de ce problème de départ puis opérationnalisés.1.2 Nature de la relation partenariale et contrat de collaborationDe fait la relation partenariale est hétérogène et peu simple à mettre en œuvre, elle mêle des dimensions de monopole, de concurrence, et de complémentarité (Mérini, 1999) :

L’enseignant a en quelque sorte un monopole sur les apprentissages et le développement de ses élèves, pour la bibliothèque ce sera l’offre de lecture, pour une municipalité c’est l’administration d’une commune etc.

Les partenaires agissant sur, ou pour les élèves il s’instaure des situations de concurrence autour de lui, chacun pensant pouvoir faire mieux de son propre point de vue.

Les partenaires agissent à partir de leurs différences qui, même si elles peuvent être concurrentielles si on considère l’élève, se transforment en complémentarités quand ils ciblent conjointement une même problématique. L’action partenariale est en quelque sorte un lieu de conflit " autorisé " de logiques, de codes et d’intérêts, mais on peut légitimement s’interroger sur la manière dont se construisent et se maintiennent les accords. Le contrat de collaboration est l’outil par lequel les tensions entre monopole, concurrence et complémentarité se règlent.1.3 Le contrat de collaborationNous définissons le contrat de collaboration comme " l’ensemble des règles qui organisent silencieusement la nature des échanges entre les partenaires " (Mérini, 1994). Bien différent de ce que certains appellent contrat ou convention de partenariat. En effet, il ne s’agit pas d’un ensemble de règles rédigées de manière juridique cadrant les aspects réglementaires et/ou financiers de la collaboration, mais d’un contrat moral, rarement explicité et qui mériterait, à notre sens, plus d’attention dans le management des opérations. La répartition des rôles et des apports de chacun se définissent dans le développement du contrat de collaboration. Ce contrat s’organise autour de trois registres de codes :

un registre instrumental qui est en général le seul rédigé, il définit la répartition des tâches, des moyens, le calendrier de l’action, les objectifs et les résultats attendus, c’est la partie qui est déposée dans les institutions pour une demande d’autorisation ou de financement ;

le registre affectif de la convivialité qui va faire que chacun va plus ou moins s’engager dans l’action. L’importance des engagements témoigne en effet de l’intérêt accordé à cette communauté de travail. C’est dans ce registre que s’enracinent les querelles ou les impossibilités à travailler ensemble, mais aussi le plaisir et la fierté des équipes d’avoir mené à bien des projets parfois inattendus ;

le registre référentiel concerne les modèles symboliques (théories scientifiques, théories d’usages, représentations etc.) sur lesquels chacun s’appuie pour comprendre la situation conjointe et y faire face dans le respect des valeurs propres aux uns ou aux autres. Ce registre est à tort le moins explicité, ce qui crée des confusions dans les échanges. Le clarifier lors de la définition du problème sur lequel le groupe veut agir est une bonne occasion d’identifier les systèmes symboliques à partir desquels chaque partenaire conçoit la situation, ce qui permet d’identifier " ce qui fait conflit " dans les logiques ou les codes d’échanges. 2. La spécificité des partenariats éducatifsL’ouverture de l’école n’est pas une question nouvelle puisque on en trouve mention dans la première édition du dictionnaire pédagogique de Ferdinand Buisson en 1887 par le biais des " musées, jardins et caravanes scolaires ", on la retrouve ensuite dans le développement des pédagogies dites " nouvelles " de Freinet, Decroly, etc. Pour autant, cette ouverture reste problématique car elle va à l’encontre de la structuration historique de l’école républicaine fondée sur la classe telle que Durkheim a pu la proposer comme modèle d’organisation des activités scolaires, avec une stratification des activités autour des matières scolaires, des classes d’âge etc. Les formes scolaires restent passablement entachées de ces logiques et centrées sur la transmission de connaissances sensée mettre de l’ordre dans les esprits, transmission qu’il faut, de plus, " protéger " des désordres sociétaux. L’ouverture, dans ce contexte, constitue donc une difficulté pour les enseignants qui, s’ils s’engagent dans l’aventure du partenariat, c’est qu’ils font l’hypothèse d’un effet bénéfique sur les problèmes éducatifs traités par l’Ecole (Zay, 1994). L’ouverture de l’Ecole ou de la classe va imposer des réorganisations de la forme scolaire, la toute première consiste à structurer les échanges autour de formes organisationnelles stabilisées.L’ensemble des situations de travail partagé que nous ayons eu à étudier se structurent autour de réseaux d’ouverture et de collaboration.2.1. Les réseaux d’ouverture et de collaboration (ROC) comme structuration de l’action éducative.

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Nous définissons le réseau comme une connexion non stabilisée d’opérations unies dans un même système d’action ayant trait à la question éducative et au problème commun que les partenaires cherchent à résoudre. Nous avons pu dresser une typologie des Réseaux d’Ouverture et de Collaboration (ROC) à partir de quatre analyseurs : la forme du réseau, la durée, l’enjeu de la collaboration, et la nature de l’ouverture.

Le réseau de type 1 (ROC 1) C’est un réseau fortement centralisé autour de l’acteur commanditaire (ici l’enseignant). L’action s’inscrit dans une durée très courte autour d’une rencontre, d’un témoignage, d’un événement. L’enjeu de ce réseau est un complément d’information s’intégrant dans une démarche pédagogique plus vaste. L’ouverture est un regard posé sur une situation sans implication particulière à la faveur d’une visite ou d’une rencontre avec un spécialiste, un professionnel, un témoin, etc. Les établissements s’appuient très majoritairement sur ce type de réseau pour concevoir leurs actions, sans doute parce qu’il répond à leur objectif d’information des élèves ou des acteurs de la communauté éducative ; c’est aussi le plus facile à mettre en œuvre en raison de sa courte durée et de sa forme centralisée. Exemple : la venue d’un poète ou d’un romancier dans la classe, une sortie au salon du livre etc.

Le réseau de type 2 (ROC 2) Le professionnel apporte ou offre son expérience, son savoir-faire ou son lieu d’exercice pour agir en situation. Dans les liens bibliothèques- écoles ce réseau est le plus courant. Il organise des allers-retours entre ces deux lieux ce qui donne une forme binaire à l’action qui se prolonge sur une durée de plusieurs semaines. Dans cette situation les élèves gèrent leurs emprunts d’ouvrages, sont invités à participer à des ateliers d’écriture, à écouter un conteur, sont accompagnés dans des situations de contributions à des concours littéraires (que ce soit comme auteurs ou comme jurys) ou, plus méthodologiquement, sont formés aux techniques de recherche d’information par des jeux d’orientation et de repérage.

Le réseau de type 3 (ROC 3) C’est une situation de collaboration où les responsabilités sont partagées entre partenaires. Les intérêts et compétences de chacun sont au service du développement d’un projet innovant. Les liens de travail sont durables (parfois 20 ans), l’objectif poursuivi est celui de la transformation des mentalités et des pratiques. Ce type de réseau est très minoritaire. Il a pour caractéristique de mettre en synergie des acteurs et des objets particulièrement hétérogènes, ce qui lui donne un aspect foisonnant. Les partenaires ont construit des habitudes de travail en commun qui leur permet d’utiliser cette hétérogénéité pour inventer de nouvelles formes d’action. Nous retiendrons comme exemple un établissement scolaire situé en ZEP dans un quartier isolé du centre ville avec des élèves plus accoutumés à la tradition orale qu’au recours à l’écrit. Enseignants de l’école primaire et du collège inscrivent dans leurs projets d’établissement leur volonté de développer une BCD et un CDI qui permettent aux élèves d’avoir accès aux " instruments " nécessaires au cursus scolaire, mais, dans le même temps, décident d’associer les parents à la démarche en ouvrant ces lieux à l’occasion de rencontres ludiques et festives, en mettant en place un système de prêt en collaboration avec la bibliothèque municipale (du centre ville) et en développant des projets artistiques et musicaux autour du conte avec les associations culturelles de la ville et du quartier pour impulser un meilleur rapport à l’écrit.La structure en réseau permet de connecter les pratiques des uns à celles des autres autour d’une problématique commune. Reste que si les opérations ne sont pas mises en système et présentées ainsi aux élèves, les continuités imaginées par les adultes ne font pas forcément sens aux yeux des élèves.2.2. Le réagencement de l’espace cognitif de travailComme nous le disions plus haut la structuration historique des activités scolaires constitue un obstacle à l’ouverture, l’effet le plus désastreux étant la segmentation des activités et l’ignorance de ce que fait l’autre quand il est en relation avec les élèves. Ainsi, quand les activités menées à la bibliothèque sont dissociées de ce qui se fait en classe et inversement les effets obtenus s’en trouvent amoindris. Dans le débat scolaire habituel l’espace cognitif est clairement circonscrit par la classe qui est à la fois :

un lieu physique (distribué d’une certaine manière par des tables, des chaises, un tableau des affichages etc.) et qui organise les échanges d’une manière spécifique, avec comme objectif la transmission de connaissances ;

un " espace groupal " (la maîtresse, les copains, les bons, les mauvais, ceux qu’on aime ou qu’on n’aime pas etc.) qui va favoriser ou embarrasser cette transmission ;

un espace symbolique où chacun entre en relation avec un objet d’étude scolarisé (c’est à dire en relation avec des matières scolaires, des attendus réglementaires en termes d’acquisitions etc.) ici la maîtrise de l’écrit. Mais pour rendre l’apprentissage possible cet objet est aussi " didactisé " c’est à dire organisé, épuré, associé à un contexte précis selon les capacités des enfants pour qu’il y ait, par exemple, acquisition de la lecture. On est ici bien loin des pratiques sociales que sont les genres littéraires, en ce sens l’objet est " scolarisé ". C’est en ce sens que nous parlons de reconfiguration de l’espace cognitif de travail autour de l’ouverture pour permettre à l’élève de tisser des liens de signification entre les activités. Notre dernière étude (Mérini, 2005) a montré que cette reconfiguration s’organisait autour de deux types de montage des opérations : le chaînage et le tuilage.

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Le chaînage des opérations s’obtient par une coordination qui ordonne le déroulé de l’action éducative à partir de points d’articulation conjointement définis :

points techniques d’action (la lecture en classe/la lecture en bibliothèque), points mécaniques autour des modes de regroupements (les bons lecteurs, les moins bons lecteurs) points fonctionnels d’utilisation d’un même lieu, la bibliothèque, utilisé différemment par l’enseignant et

l’animateur. Dans le chaînage, la coopération entre les acteurs s’actualise dans la recherche de cohérences, mais ces cohérences sont parfois formelles et construites du point de vue des adultes, peu ou mal perçues par les élèves.Le tuilage s’obtient, lui, par une convergence des actions et des volontés orientées par un même but (la réalisation de la classe transplantée, la fabrication d’un album, une contribution à un concours littéraire etc.), les opérations sont jointes dans une finalité partagée (la réussite du projet). La coopération, ici, est de l’ordre de la cohésion, au sens où les liens sont moins à rechercher au niveau des opérations, qu’au niveau des intentions qui unissent les acteurs et leur volonté d’agir dans le cadre d’un système de valeurs ou d’une idéologie partagée ce qui élargit la perméabilité symbolique entre les pratiques, et offre une chance plus grande aux élèves de comprendre le dispositif collectif et ses finalités.Ainsi la réticulation des pratiques est le résultat de décisions négociées, partagées et évaluées, mais nous avons pu remarquer que derrière les négociations existaient des savoir-faire spécifiques en matière de conduite de réunions, de structuration de systèmes de communication (interne et externe) qui supposaient un certain niveau de formalisation des échanges, une ritualisation des concertations, ou la présence de traces écrites ayant un rôle dans la mémoire collective.3. Des compétences spécifiques à développerSi nous examinons ces compétences spécifiques du point de vue de l’enseignant, cette question se pose aussi du point de vue de ses partenaires en raison du fait que la collaboration décentre les compétences habituellement mises en œuvre dans le " cœur de métier " d’origine, il n’est pas dit qu’une bibliothèque se situant comme partenaire de l’école ait eu à développer des compétences en matière de négociation ou d’évaluation.Mettre en réseau des pratiques et prendre des décisions collectivement dans une dynamique d’action qui soit cohérente mobilise des savoir-faire organisationnels qui n’ont pas lieu d’être en situation de classe, des compétences psychosociales d’écoute et de négociation, et des compétences professionnelles plus habituelles.

Des compétences organisationnelles Imputées le plus souvent au directeur de l’école, au coordonnateur REP et au directeur de la bibliothèque, reste que selon le niveau des échanges (lancement du projet, opérationnalisation, régulation etc.) ce ne sont pas toujours eux qui sont impliqués dans les négociations. Ces compétences permettent le développement d’un véritable espace de négociation par une ritualisation et une instrumentation des concertations et des régulations ou chacun peut réellement prendre part aux décisions, les opérationnaliser collectivement, les contrôler et en garder la mémoire. Les compétences spécifiques que nous avons repérées sont : la capacité à négocier, la structuration de systèmes de communication (interne et externe), l’organisation de moments d’évaluation/régulation etc. Nous avons pu par ailleurs noter, une forte complémentarité de rôles entre le directeur et le maître engagé dans la collaboration, l’un endossant la dimension réglementaire et d’autorité du cadre des échanges, l’autre se positionnant comme le garant des apprentissages et de la mise en opérations.

Des compétences psychosociales et personnelles Ce sont sans aucun doute les qualités relationnelles de communication, d’écoute, de disponibilité, de solidarité, de souplesse et des facultés d’adaptation qui sont reconnues aux partenaires comme étant indispensables au bon déroulement des échanges. On reconnaît aux partenaires des compétences psychosociales comme : des capacités à négocier, à mutualiser, aider, partager, mais aussi à faire le deuil de son projet pour enrichir celui des autres, etc.De manière moins explicite mais tout aussi présente, on attend quelque part qu’ils fassent preuve de créativité, d’imagination et de talents personnels (artistiques, scientifiques etc.) susceptibles de fédérer les partenaires autour de réalisations communes souvent érigées par le groupe en " particularismes " et qui sont d’ailleurs mises en avant comme une sorte de bannière au travers de laquelle l’équipe se reconnaît et s’affirme.

Des compétences professionnelles Au-delà, de ce qui vient d’être dit on attend des compétences professionnelles solides et élargies que ce soit du point de vue de l’école ou de ses partenaires allant jusqu’à l’aide aux difficultés rencontrées par les élèves dans les apprentissages, des capacités à gérer des élèves parfois difficiles, mais aussi de très grands groupes (80) comme de très petits groupes d’élèves. Enfin des capacités à inventer des montages, à les planifier, à en négocier les contenus, l’évaluation et les régulations, c’est-à-dire des compétences liées cette fois au travail collectif qui recoupent, sans les recouvrir, les compétences organisationnelles évoquées plus haut.Ce texte a surtout traité des échanges qui peuvent se développer matériellement entre l’Ecole et son environnement, or ces échanges sont de plus en plus virtuels par l’évolution de l’implantation des nouvelles technologies à l’Ecole. Dans le cadre d’une réflexion sur les liens unissant professionnels et familles en matière

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d’éducation et santé, il apparaît que la problématique du travail conjoint est alors positionnée d’une autre manière et demande un réexamen de la question.

Crozier M., Friedberg E., 1977. L’acteur et le système, éd. du Seuil, 498 p.Lorcerie, F., 1991. " La modernisation de l’Éducation Nationale et le partenariat ", Migrants Formation, n°85, pp. 49-67.Mérini C., 1994. De la formation en partenariat, à la formation au partenariat, thèse de l’Université de Paris 8 , dir. G. Berger, 542 p.Mérini C., 1999. Le partenariat en formation : de la modélisation à une application, L’Harmattan, 223p.Mérini, C. (coord.), 2005. Travail conjoint et professionnalité enseignante. Rapport d’étude disponible à l’ADASE 56, avenue de Wagram 75854 Paris cédex 17.Zay D. (dir.), 1994. La formation des enseignants au partenariat : une réponse à la demande sociale ?, PUF, 336 p.Zay D., Gonnin-Bolo A (dir.), 1995. Établissements et partenariats : stratégies pour des projets communs, colloque de janvier 1993, INRP, 457p.Notes[1] Nous nous référons ici aux tous premiers travaux conduits par D. Zay à l’INRP en 1987 dans le groupe de recherche " Analyse des collaborations inter-institutionnellles ".[2] Il a été introduit en 1987 dans le Petit Larousse.[3] Institut national de recherche pédagogique.