10
Thème 3 : Dynamique des grandes aires continentales : L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance Japon-Chine : concurrences régionales, ambitions mondiales Enjeux : Ce chapitre cherche à comparer les deux principales puissances de l’Asie de l’Est, à savoir la Chine et le Japon. Les termes « concurrence » et « ambition » montrent bien la dimension comparative de l’étude, mais ils sous- entendent que cette comparaison porte sur la puissance respective de ces pays. Rappel : la puissance est la capacité d’influence sur un autre état/acteur par la force (hardpower), l’influence culturelle (softpower) ou l’économie. Cette puissance doit être analysée à partir de deux échelles : l’échelle régionale (Asie orientale) et l’échelle mondiale. Plan du cours : I. Un contexte historique marqué par de multiples face-à- face : quels sont les rapports entre les deux principales puissances asiatiques ? Quels sont leurs atouts respectifs ? II. Concurrences régionales : Jusqu’à quel point et dans quels domaines Chine et Japon sont-ils concurrents au niveau régional ? Sont-ils concurrents ou complémentaires ? III. Ambitions mondiales : Comment s’expriment les ambitions chinoises et japonaises à l’échelle mondiale ? Quels sont les moyens de leurs ambitions respectives ? I. Un contexte historique marqué par de multiples face-à-face a. Entre influence culturelle et rivalité politique Dès le II e siècle avant notre ère, la Chine s’unifie et se dote d’un Etat fort et centralisé. Elle soumet les pays voisins au rang de vassaux (Corée, Vietnam), mais pas le Japon. Malgré cela, le Japon subit très tôt l’influence culturelle de la Chine. Dès le IV e siècle, le bouddhisme et le confucianisme (philosophie, voire idéologie, qui prône le respect des anciens et de la hiérarchie) sont introduits au Japon. Une série d’institutions et de normes 1

Web viewThème 3 : Dynamique des grandes aires continentales : L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance. Japon-Chine : concurrences régionales

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Web viewThème 3 : Dynamique des grandes aires continentales : L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance. Japon-Chine : concurrences régionales

Thème 3 : Dynamique des grandes aires continentales : L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance

Japon-Chine : concurrences régionales, ambitions mondiales

Enjeux :Ce chapitre cherche à comparer les deux principales puissances de l’Asie de l’Est, à savoir la Chine et le Japon.

Les termes « concurrence » et « ambition » montrent bien la dimension comparative de l’étude, mais ils sous-entendent que cette comparaison porte sur la puissance respective de ces pays. Rappel : la puissance est la capacité d’influence sur un autre état/acteur par la force (hardpower), l’influence culturelle (softpower) ou l’économie.

Cette puissance doit être analysée à partir de deux échelles : l’échelle régionale (Asie orientale) et l’échelle mondiale.

Plan du cours :I. Un contexte historique marqué par de multiples face-à-face : quels sont les rapports

entre les deux principales puissances asiatiques ? Quels sont leurs atouts respectifs ?II. Concurrences régionales : Jusqu’à quel point et dans quels domaines Chine et Japon

sont-ils concurrents au niveau régional ? Sont-ils concurrents ou complémentaires ?III. Ambitions mondiales : Comment s’expriment les ambitions chinoises et japonaises à

l’échelle mondiale ? Quels sont les moyens de leurs ambitions respectives ?

I. Un contexte historique marqué par de multiples face-à-face

a. Entre influence culturelle et rivalité politique Dès le IIe siècle avant notre ère, la Chine s’unifie et se dote d’un Etat fort et centralisé.

Elle soumet les pays voisins au rang de vassaux (Corée, Vietnam), mais pas le Japon. Malgré cela, le Japon subit très tôt l’influence culturelle de la Chine. Dès le IV e siècle, le bouddhisme et le confucianisme (philosophie, voire idéologie, qui prône le respect des anciens et de la hiérarchie) sont introduits au Japon. Une série d’institutions et de normes sociales chinoises sont adoptées au Japon, ainsi que l’écriture sous forme d’idéogrammes. Le Japon a sa propre écriture et sa propre religion (le shintoïsme qui fait de l’empereur un personnage divin) mais elles sont toutes les deux très influencées par la culture chinoise.

Jusqu’au XIXe siècle, malgré le fait que la Chine soit impérialiste, son influence politique sur le Japon reste très limitée : le Japon n’a jamais reconnu aucun lien de vassalité avec la Chine (contrairement à ses voisins) et a toujours refusé de lui payer un tribut.

Jusqu’au XIXe siècle, l’Empire manchoue a des ambitions sur le reste de l’Asie, mais en règle générale, la Chine et le Japon sont relativement fermés au monde. Mais au XIXe

siècle, les Européens et les Américains s’industrialisent et augmentent leur puissance politique et militaire. Or, ils ont besoin de débouchés pour les produits qu’ils fabriquent, c’est pourquoi ils n’hésitent pas à utiliser la force pour inciter le Japon et la Chine à ouvrir leur commerce.

Pour rivaliser avec les puissances occidentales et ne pas tomber sous leur domination, le Japon décide de s’industrialiser. Dès 1868, il entre dans l’ère  Meiji (phase de

1

Page 2: Web viewThème 3 : Dynamique des grandes aires continentales : L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance. Japon-Chine : concurrences régionales

modernisation) et devient rapidement une puissance industrielle et militaire (il initie le « vol des oies sauvages »).

De son côté, la Chine est plus faible et se voit dépecée par les puissances industrielles qui agrandissent leurs empires coloniaux : le XIXe siècle est aujourd’hui encore appelé le « siècle de la honte » : les européens et les japonais imposent leur tutelle sur une partie du territoire chinois. Dès 1842, elle se voit imposer les « traités   inégaux » (traités diplomatiques qui défavorisent la Chine). En 1895, la Chine est battue par le Japon qui lui arrache Taïwan et lui impose l’indépendance de la Corée.

Pendant la 1e Guerre Mondiale, le Japon est allié à la France et au Royaume-Uni. Il en profite pour annexer la province du Shandong jusque-là sous influence allemande. La Chine s’allie à son tour à ces trois pays pour essayer de récupérer cette province mais au sortir de la guerre, le Traité de Versailles confie le Shandong au Japon. Cet épisode marque les débuts du « mouvement   du   4  mai   1919 » en Chine lors duquel les étudiants nationalistes protestent contre les traités inégaux et pour une modernisation du pays. Devant l’ampleur des protestations, le gouvernement chinois refuse de signer le traité de Versailles et finit par récupérer le Shandong grâce au soutien des Etats-Unis inquiets des ambitions japonaises en Asie.

Au cours du XXe siècle, le Japon amplifie ses ambitions impérialistes. Il s’empare de la Corée dès 1910 puis dans les années 1930, il profit de la guerre civile qui a lieu en Chine entre le Guomindang (GMD) et les communistes pour occuper la Mandchourie (1931) puis à partir de 1937, il se lance dans la conquête systématique du littoral chinois. Cette phase de l’occupation japonaise est extrêmement violente. En atteste l’épisode, encore brûlant dans les mémoires chinoises, du massacre de Nankin en 1937. Pendant les 6 semaines qui suivent la bataille de Nankin, des centaines de milliers de civils et de soldats désarmés sont assassinés et entre 20'000 et 80'000 femmes et enfants sont violés. Dès 1941, le gouvernement japonais lance la politique des « trois Tout » : « Tue tout, Brûle Tout, Pille Tout ». La Chine orientale est donc occupée par le Japon jusqu’à la victoire américaine de 1945.

b. Vers la croissance économique… En 1945, le Japon est occupé par les Etats-Unis qui imposent la démocratie (il y a

toujours un Empereur mais son rôle est symbolique, c’est le parlement qui prend les décisions). Depuis cette date, pendant la Guerre Froide et aujourd’hui encore, le Japon est un allié des Etats-Unis. Après la reconstruction, commence la phase  de « haute croissance » (1955-1973) au cours de laquelle le PIB du Japon augmente de 10% par an et le produit industriel de 15%. Le   Japon   devient   la   2e  puissance économique mondiale en 1968.

En 1949, la Chine devient communiste avec l’arrivée au pouvoir de Mao Zedong. Le gouvernement du GMD se réfugie à Taïwan. Le gouvernement de Mao n’est pas reconnu par les puissances occidentales à ses débuts (Guerre Froide). Mais dans les années 1960, la Chine rompt son alliance avec l’URSS, elle obtient l’arme nucléaire en 1964 et dès 1971, elle remplace Taïwan au Conseil de Sécurité de l’ONU, renforçant ainsi graduellement son hardpower. En 1972, la Chine se rapproche gentiment des Etats-Unis, le Japon reconnaît la République Populaire de Chine (RPC) et en 1978, un traité d’amitié et de coopération est signé entre la Chine et le Japon. Mais la Chine reste fermée économiquement et culturellement (1958-1960 politique du « Grand Bond en avant » pour faire travailler les paysans dans l’industrie / 1966-1976 Révolution culturelle pour éliminer les rivaux de Mao).

Mao meurt en 1976 et il est remplacé par Deng  Xiaoping qui lance les « quatre modernisations » (1978-1979) (agriculture, industrie, commerce, société). Il ouvre l’économie chinoise et son territoire au capitalisme : création des Zones Economiques Spéciales, les ZES sur le littoral, industrie orientée vers l’exportation de produits

2

Page 3: Web viewThème 3 : Dynamique des grandes aires continentales : L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance. Japon-Chine : concurrences régionales

manufacturés bas de gamme (l’ « atelier du monde »)… En 1992 le parti valide le principe d’ « économie socialiste de marché ». En 2001, la Chine entre à l’OMC (preuve de la libéralisation économique) et devient la 2e puissance économique mondiale en 2010 (elle dépasse le Japon).

Depuis 1990, comme la plupart des pays industrialisés, le Japon connaît une croissance faible mais il demeure une grande puissance économique. On est donc dans une situation où Chine et Japon sont, pour la première fois de l’histoire, des puissances régionales au même moment. 

c. Les atouts respectifs de la Chine et du Japon La Chine possède l’atout d’une population de 1,360 milliard d’habitants contre 127,3

millions pour le Japon. La Chine possède donc une énorme ressource de main-d’œuvre (24% de la population active mondiale) mais aussi d’une importante diaspora de 50 millions de personnes partout dans le monde. De son coté, le Japon a un taux d’accroissement naturel négatif (-0,2%) et une immigration presque nulle, ce qui fait que sa population décroit, mais aussi qu’elle vieillit (plus de personnes âgées que de jeunes) et donc a une population active réduite. Mais la Chine vieillit encore plus (en 2050 il devrait y avoir 30% de personnes âgées…)

La Chine a reçu beaucoup d’IDE qu’elle a réinvesti dans son économie, ce qui lui permet d’être aujourd’hui encore l’ « atelier du monde » et de bénéficier d’une croissance vive. C’est un véritable   pays   émergent avec une classe moyenne qui augmente et de forts excédents commerciaux. Le Japon, véritable puissance risque donc d’être distancé en raison de la   faiblesse  de  sa   croissance, même si il a un PIB/hab. extrêmement élevé (36’900$ par an pour 9’300$ en Chine). Toutefois, l’économie japonaise est ultra-moderne, elle possède une avancée technologique considérable sur le plan international, tandis que la Chine fabrique encore des produits assez bas de gamme (même si son industrie est en train de monter en gamme).

L’innovation est l’un des principaux atouts du Japon. C’est un petit pays avec peu de ressources naturelles et peu de main-d’œuvre => il a besoin d’importer produits alimentaires, matière premières et sources d’énergies => il doit exporter des produits à haute valeur ajoutée => nécessité d’innover pour gagner en productivité et en qualité. Le Japon dépend donc de sa capacité à innover. Il investit actuellement 20% du budget mondial en recherche-développement ! => leader en électronique, robotique, nanotechnologies, production de batteries pour les véhicules électriques, matériel solaire, fibres de carbone, appareils numériques…

Chine domine le Japon jusqu’en 1868, puis c’est le Japon qui domine la Chine jusqu’en 1945. Ensuite peu de relations mais une réelle rivalité dans le cadre de la Guerre Froide et aujourd’hui, les  deux pays sont simultanément des puissances régionales avec des atouts importants et équilibrés.

II. Concurrences régionales

On peut dire qu’à l’échelle régionale, il existe une complémentarité économique croissante entre les deux puissances, qui s’oppose à une concurrence politique réelle, fruit de cette histoire de face-à-face.

a. Rivalité ou complémentarité économique ? Le Japon et la Chine se disputent le rang de première puissance économique en Asie 

mais en réalité leurs économies sont interdépendantes. La rivalité demeure toutefois

3

Page 4: Web viewThème 3 : Dynamique des grandes aires continentales : L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance. Japon-Chine : concurrences régionales

dans les investissements en Asie du Sud-Est (et en Afrique). La Chine a des excédents commerciaux supérieurs qui lui permettent d’investir d’avantage que le Japon mais le Japon s’affirme en Asie par sa suprématie technologique.

Les FTN japonaises jouent un rôle considérable dans le « circuit intégré asiatique », une forme d’intégration   régionale   informelle (division régionale du travail pas officielle, contrairement aux organisations économique). Au XIXe siècle, le Japon se tournait vers les marchés européens et américains pour exporter ses produits et vers les pays voisins pour importer les matières premières et les produits alimentaires. Actuellement, le Japon est le 4e exportateur mondial, mais 50% de ces exportations sont destinées à l’Asie, ce qui renforce les liens régionaux.

C’est le Japon qui initie le développement de l’Asie à travers la production de produits de plus en plus haut de gamme (robots, batteries électriques et solaires, appareils numériques) et la délocalisation de la fabrication des produits bas de gamme vers les pays voisins. Les FTN japonaises se délocalisent de plus en plus et aujourd’hui 65% de la production électronique japonaise est réalisée en dehors du territoire nippon (surtout Chine et Asie orientale).

Depuis l’ouverture économique de la Chine, les FTN japonaises ont donc investit massivement dans la Chine voisine qui leur assure une main-d’œuvre nombreuse et bon marché. Le Japon est actuellement le 1e investisseur étranger en Chine et ses entreprises y emploient plus de 10 millions de salariés. Mais la Chine importe aussi des produits à plus forte valeur ajoutée du Japon pour fabriquer ses propres produits et envoie ses jeunes faire leurs études au Japon et se former aux technologies japonaises.

Si c’est le Japon qui impulse les flux commerciaux intra-asiatiques, Chine et Japon semble plus complémentaires   que   concurrents dans le circuit intégré asiatique. Toutefois, la Chine cherche actuellement  à  sortir  de cette position de dominée à travers la montée en gamme de ses technologies pour devenir une concurrente du Japon. Elle a par exemple fabriqué le TGV le plus rapide du monde (jusqu’à 350km/h) pour prouver sa capacité d’innovations.

b. Une intégration régionale source de rivalités Dans l’intégration   régionale (= processus de rapprochement entre plusieurs Etats

géographiquement proches à travers la mise en place d’organisations politico-économiques), Chine et Japon sont en concurrence. Chacun cherche à être celui qui va le plus profiter de chaque projet d’intégration (Rappel : dans chacune des grandes organisations régionales, il y a un (ou des) pays qui domine, par exemple E-U pour ALENA, Brésil pour MERCOSUR). L’ASEAN est une zone de libre-échange et un forum de coopération politique qui cherche à s’agrandir en ASEAN+3 (Chine, Corée, Japon) qui satisfait la Chine. Le Japon lui veut l’étendre à l’ensemble des Pays du Pacifique et à l’Inde.

La Chine fait par ailleurs partie de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) créée en 2001 (Chine, Russie et 4 pays d’Asie centrale, quelques pays observateurs comme l’Inde, l’Iran, le Pakistan) = alliance qui cherche à faire le contrepoids de l’OTAN. Cette organisation a refusé le statut de pays observateur au Japon et aux E-U car son but est de créer un nouvel ordre politique et économique international => renforcer la puissance politique et économique de l’Asie du Sud face à la superpuissance des Etats-Unis et de ses alliés (OTAN). La Chine affirme donc son leadership régional dans les grandes organisations : au Nord l’OCS, au sud l’ASEAN+3.

c. Les rivalités géopolitiques : Malgré l’interdépendance économique entre les deux pays, dans le domaine politique, 

les discours sont souvent agressifs (affrontements diplomatique, rhétorique nationaliste) et les relations tendues. Cette situation est le fruit de l’histoire et du

4

Page 5: Web viewThème 3 : Dynamique des grandes aires continentales : L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance. Japon-Chine : concurrences régionales

contentieux mémoriel qui l’entoure. La Chine ne manque pas de rappeler le massacre de Nankin et les crimes de guerre perpétrés par l’armée japonaise entre 1937 et 1945. Le sanctuaire shintoïste Yasukuni, à Tokyo, dédié aux morts pour le Japon, est un enjeu très sensible depuis que les noms de certains criminels de guerre y ont été ajoutés. Chaque visite officielle déclenche une vague de protestations en Chine.

Les tensions les plus fortes sont concentrées en mer de Chine riche en ressources halieutiques et hydrocarbures (pétrole, gaz). La Chine considère que la majorité de cette mer fait partie de sa Zone Economique Exclusive (ZEE). Les îles Senkaku sont administrées depuis 1895 par le Japon mais elles sont revendiquées tant par Taïwan que par la Chine. Des incidents s’y produisent régulièrement et la zone a récemment pris un nouvel intérêt en raison de la découverte de gisements pétroliers offshore. Cette affaire permet aussi au régime chinois de souder son pays autour d’un nationalisme anti-nippon (c’est souvent le cas, pour bien souder un groupe, rien de tel que de lui trouver un ennemi commun…)

Par ailleurs, au niveau régional, dans les domaines politiques et militaires, la Chine est beaucoup plus offensive que le Japon. Ses relations avec Taïwan, qu’elle considère comme un territoire rebelle duquel elle devrait reprendre le contrôle sont aussi très tendues. Elle crée une marine de guerre pour sécuriser ses approvisionnements en matières premières (série de ports militaires dans les pays de l’Océan Indien, le « collier de perles ») et pour combattre les pirates dans le Golfe d’Aden. La Chine exprime donc de plus en plus fort ses ambitions de puissance régionale, tandis que le Japon a plutôt tendance à se ranger derrière le bouclier américain.

Chine et Japon sont plus complémentaires que concurrents dans le domaine économique, chacun tenant sa place dans la division régionale du travail. Toutefois, la Chine affirme ses ambitions économiques et géopolitiques régionales.

III. Ambitions mondiales

a. Des softpowers encore assez faibles Le Japon cherche à diffuser sa culture et l’image d’un « cool Japon » => a beaucoup

développé son softpower depuis les années 1990 surtout : mangas, dessins animés, jeux   vidéos,   gastronomie… Par ailleurs, il fournit une importante aide   au développement (environs 10 milliards de $ par an) et participe largement aux opérations de l’ONU (douze interventions depuis 1992, c’est le 2e pays qui contribue le plus au budget de l’ONU après les E-U). Enfin, son rayonnement technologique lui confère un statut particulier.

La Chine aussi cherche à développer son softpower (surtout dans les pays du Sud). Elle crée des Instituts Confucius partout dans le monde (actuellement il y en a 300 répartis dans 80 pays) pour enseigner la langue et l’histoire chinoise. Elle cherche à faire véhiculer l’image   d’une   Chine   moderne dans les médias internationaux (Jeux Olympiques de 2008, Exposition Universelle de Shanghai en 2010).

b. La puissance économique Les deux pays sont engagés dans une course aux matières premières et aux marchés 

mondiaux   nécessaires   à   leur   développement   économique qui reflète bien leurs ambitions mondiales respectives. On dit que lorsqu’un officiel chinois fait une tournée en Afrique, il est immédiatement suivi par un japonais qui fait lui aussi des offres de coopération.

5

Page 6: Web viewThème 3 : Dynamique des grandes aires continentales : L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance. Japon-Chine : concurrences régionales

Les deux pays sont en effet très   dépendants   de   l’extérieur : la Chine est le 1e

importateur mondial de pétrole depuis 2013 et le Japon le 3e. Cette dépendance explique les liens   privilégiés   avec   le   Moyen-Orient   et   la   Russie, ainsi que la concurrence acharnée que se livrent leurs FTN pour l’exploitation des gisements d’énergie et de matières premières, surtout en Afrique.

La Chine s’appuie sur sa diaspora d’environ 50 millions de personnes comme levier de sa puissance économique (mais aussi culturelle => les restaurants chinois, les petits commerces). 2e puissance économique mondiale, elle ambitionne d’égaler, voire de dépasser les E-U. Depuis 2013, le président Xi Jinping impose la nouvelle devise du « rêve chinois » (allusion au rêve américain) qui démontre ces ambitions de puissance et de prospérité économique.

La  puissance du Japon repose avant   tout  sur  son économie (peu de hard  et  soft power), grâce à ses grandes entreprises (Sony, Toyota) et à son savoir-faire exceptionnel dans les hautes technologies. Il finance des grandes institutions internationales (l’ONU, la Banque asiatique de développement) et Tokyo possède la première place financière de l’Asie (le Kabuto-Chô). Enfin, il abrite une ville globale sur son territoire.

c. Un hardpower inégal ? La situation est plus contrastée sur le plan du hardpower : la Chine fait partie des

vainqueurs de 1945 et détient un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU (depuis 1971). Le Japon n’a pas ce statut qui donne un droit de véto. Il est toutefois le pays qui a été le plus souvent élu membre non permanent mais la Chine bloque ses revendications au statut de membre permanent. Par ailleurs, la Chine cherche à se positionner en pays leader des BRICS et elle est devenue une puissance spatiale majeure depuis les années 1990.

Par ailleurs, la Chine possède l’arme  nucléaire, contrairement au Japon. Elle est actuellement en train de moderniser ses forces armées : son   budget   militaire augmente  de  10% par  an et a sextuplé depuis 2000 (c’est le 2e budget mondial). Depuis sa défaite de 1945, le Japon n’a pas le droit de mener des actions offensives et ses forces militaires sont limitées à l’autodéfense. Sa défense est encore très largement assurée par les Etats-Unis qui disposent de bases aéronavales sur son territoire. Toutefois, son budget militaire est au 5e  rang   mondial et augmente constamment, avec des armements très avancés.

La puissance chinoise est au service de la « géopolitique   des   trois   cercles » : rassembler les Chines historiques (Hong Kong, Macao, Taïwan), s’imposer dans l’aire Asie-Pacifique, affirmer sa puissance au niveau mondial, notamment face à l’hyperpuissance américaine. À l’échelle mondiale, en dépit de quelques regains nationalistes, le Japon n’a pas de volonté d’affirmation de puissance. Il se prépare plutôt à devenir une « Suisse de l’Asie, prospère et pacifique ».

Bien que relativement comparables dans leurs moyens actuels de hard comme de soft power, Chine et Japon ont des ambitions mondiales différentes. Le Japon est plus tourné vers l’influence économique, tandis que la Chine tend vers une expression globale de sa puissance.

6