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XXXIX-2013 ÉTUDES CELTIQUES FONDÉES PAR J. VENDRYES CNRS EDITIONS 15 rue Malebranche – 75005 Paris

XXXIX-2013 ÉTUDES CELTIQUES

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Page 1: XXXIX-2013 ÉTUDES CELTIQUES

XXXIX-2013

É T U D E S

C E LT I Q U E S

FONDÉES PAR

J. VENDRYES

CNRS EDITIONS15 rue Malebranche – 75005 Paris

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ÉTUDES CELTIQUESFondées par J. VENDRYES

Revue soutenue par l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS

COMITÉ DE RÉDACTION

Président :Pierre-Yves LAMBERT

Président d’honneur :Venceslas KRUTA

Secrétaire :Jean-Jacques CHARPY

Membres :Brigitte FISCHER

Pierre FLOBERT

Patrick GALLIOU

Donatien LAURENT

Hervé LE BIHAN

Jean LE DÛ

Thierry LEJARS

Bernard MERDRIGNAC

Secrétaire d’édition :Virginie DURAND

La rédaction remercie chaleureusement Christophe BAILLY pour sa contribution à l’iconographie de ce volume.

Pour tout ce qui concerne la rédaction de la revue, s’adresser àPierre-Yves Lambert212 rue de Vaugirard75015 [email protected]é LeroyLaboratoire d’Archéologies d’Orient et d’Occident (CNRS-ENS)[email protected]

Renseignements :CNRS ÉDITIONS15 rue Malebranche75005 ParisTel. : 01 53 10 27 00Fax : 01 53 10 27 27

© CNRS ÉDITIONS, Paris, 2013ISSN 0373-1928

ISBN 978-2-271-07760-8

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SUR LA FORMULE D’INTRODUCTION DU PLOMB DU LARZAC1

PAR

Emmanuel DUPRAZ

Le Plomb du Larzac L-982 est la plus longue inscription en langue gauloise présen-tement connue. Il s’agit d’une défixion, retrouvée en 1983 à L’Hospitalet-du-Larzac, dans l’Aveyron, et datée pour des raisons de contexte archéologique d’environ 100 de notre ère3. Le texte, gravé en alphabet latin cursif, comprend environ cent-soixante mots-formes. Plus précisément, un premier texte a été composé par un locuteur M – ainsi nommé parce qu’il utilise la lettre -m pour noter la nasale en fin de mot-forme – et, dans un deuxième temps, indatable par rapport au premier, une petite partie de ce premier texte a été effacée par un locuteur N – qui utilise quant à lui la lettre -n pour cette nasale – lequel a à son tour écrit une deuxième défixion, plus brève4. Même si l’interprétation du texte de M demeure extrêmement controversée, il apparaît nette-ment que l’auteur s’en prend à des femmes magiciennes.

Le propos du présent article est de commenter ce qui est sans aucun doute la pre-mière phrase de l’inscription de M, qui peut être qualifiée de formule d’introduction, sur la face 1a, lignes 1 à 4. En effet, il nous semble qu’un parallèle formulaire avec l’ombrien permet de trancher entre les différentes interprétations qui ont été propo-sées pour cette introduction, et, de ce fait, de conforter une partie des hypothèses émises sur les traits linguistiques que présente cette introduction.

1. Tous mes remerciements vont à Pierre-Yves Lambert pour ses remarques sur cet article et pour ses indications bibliographiques.

2. Nous utilisons pour les inscriptions gauloises la numérotation du Recueil des Inscriptions Gauloises, 1 ; 2, 1 ; et 2, 2 = M. LEJEUNE (1985a) ; M. LEJEUNE (1988) ; et P.-Y. LAMBERT (2002).

3. Nous utilisons l’édition du texte procurée par M. LEJEUNE (sous la direction de) (1985). Cette édition comporte une notice d’Alain VERNHET (1985), laquelle fournit toutes les précisions néces-saires relatives au contexte archéologique de la découverte.

4. L’inscription de M est gravée sur les deux faces de deux tablettes de plomb issues elles-mêmes du découpage d’une seule et même lamelle. On ignore si cette dernière a été découpée avant la gravure du texte de M ou après celle-ci. Quoi qu’il en soit, le découpage n’a pas endommagé le texte de M, c’est-à-dire que, si la gravure est antérieure au découpage, alors elle a été faite dans la perspective de ce dernier, en laissant entre les deux colonnes de chaque face un espace vide destiné au découpage. Il y a donc quatre faces, nommées 1 a, 1 b, 2 a et 2 b par M. Lejeune, et c’est sur la face 2 b que le locuteur N a gravé six lignes. Cf. A. VERNHET (1985) 3, 8 et 9, et M. LEJEUNE (1985b) 24-26. Quel que soit l’ordre de lecture de ces différentes faces, la face 1 a est la première : comme l’indique P.-Y. LAMBERT (20033) 166, « la graphie aérée et soignée des premières lignes de 1  a », qui comprend en particulier des interponctions plus régulières que le reste du texte, indique nettement qu’il s’agit du début du texte ; au reste, ce début est linguistiquement analysable comme une formule d’introduction.

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Le texte des lignes 1a 1 à 4 est le suivant, dans la lecture proposée par Robert Marichal5, amendée par Pierre-Yves Lambert6 :

insinde. se. bnanom bricto[m i] / n eianom anuana sanandeṛ [ ?] / na. brictom. uidluias uidlụ [ ?] / tigontias. so (L-98 1a 1 à 4)

Plusieurs points nous semblent certains ou très probables dans l’interprétation de ce passage. Bnanom est le génitif pluriel du lexème signifiant « femme » ; ce lexème est étymologiquement comparable au substantif vieil-irlandais ben, « femme »7. Bricto[m est un substantif neutre en *-to- qui signifie « magie, sorcellerie, malé-fice »8, et qui peut être comparé au substantif masculin en *-tu- attesté en irlandais, par exemple dans la formule fri brichtu ban « contre la magie des femmes »9 ; ainsi, c’est toute l’association bnanom. bricto[m, « magie des femmes » qui a un parallèle en vieil- irlandais.

La lettre -n au début de la ligne 2 appartient à la préposition in, et il est à présumer que la voyelle figurait dans la fin lacunaire de la ligne 1. Cette préposition régit en l’occurrence nettement l’accusatif : le substantif anuana est l’accusatif neutre pluriel du lexème « nom », bien attesté dans les langues celtiques, avec la spirantisation de l’occlusive nasale bilabiale en [w] au contact de l’occlusive nasale dentale, processus par

5. Cf. R. MARICHAL (1985) 13.6. Cf. P.-Y. LAMBERT (20033) 163. Le principal des points sur lesquels cette lecture s’oppose

à celle de R. Marichal concerne la forme bnanom, que R. MARICHAL (1985) 13 lit bnarcom, sans exclure la lecture bnanom, et sans exclure également que bnarcom soit une graphie erronée pour *bnanom. De fait, dans l’alphabet latin cursif qu’utilise le graveur, la différence entre -n- et un groupe -rc- où les deux lettres se trouveraient liées est très faible : cf. R. MARICHAL (1985) 12-13 et 21-23. Elle tient uniquement à la courbure ou non du trait final : si ce dernier est courbe, il s’agit plutôt d’un -c- juxtaposé à un -r-, sinon, l’ensemble est plutôt un -n-. La perception et surtout l’in-terprétation de cette courbure nous paraissent incertaines. Pace B. IRSLINGER, C. SCHNEIDER et D. WODTKO (2008) 181, il nous semble, à la suite de P.-Y. LAMBERT (20033) 163 et déjà de M. LEJEUNE (1985b) 29 et W. MEID (1996) 42, que la reprise probable des formes se. bnanom sous la forme semnanom en 2 a 8 et 2 b 7 - cf. p. 200-201 de notre étude - indique qu’en 1 a 1 il faut soit lire se. bnanom, soit au moins supposer que bnarcom est une faute de graphie pour bnanom.

7. Cf. M. LEJEUNE (1985b) 29, P.-Y. LAMBERT (1985) 62-63, (1996) 72-73, (2002) 264-265 et (20033) 168, P. de BERNARDO STEMPEL (1987) 82-83 et (2007) 159-160, K. H. SCHMIDT (1990) 17 et 21 et (1996) 26 et 34-35, W. MEID (1994) 43 et (1996) 43, P. Schrijver (1997) 49, X. DELAMARRE (20032) 72-73, B. MEES (2009) 55 et R. MATASOVIĆ (2009) 61, pace L. FLEURIOT (1985) 55. Toutefois, ce dernier, p. 58, reprend l’interprétation que nous choisissons.

8. Cf. M. LEJEUNE (1985b) 29, P.-Y. LAMBERT (1985) 63, (1996) 73, (2002) 264 et (20033) 168, K. H. SCHMIDT (1990) 17-18 et (1996) 26, P. SCHRIJVER (1997) 49, X. DELAMARRE (20032) 90, F. O. LINDEMAN (2007) 241 et B. MEES (2009) 55, pace L. FLEURIOT (1985) 48 et 58 et W. MEID (1996) 43, qui considèrent que bricto[ est un adjectif au génitif féminin pluriel. Cela nous paraît peu pro-bable, car l’inscription semble indiquer que les génitifs féminins pluriels alphathématiques nomi-naux et pronominaux, au moins dans le dialecte de l’auteur du texte, sont tous refaits en -anom. Cf. M. LEJEUNE (1985c) 86-88, pace P. de BERNARDO STEMPEL (2007) 159. D’autre part, cette interpré-tation a l’inconvénient d’exclure le parallélisme de deux syntagmes prépositionnels introduits par in que nous supposons : cf. p. 197s. W. MEID (1996) 43 n’exclut pas l’interprétation que nous préférons.

9. Pour cette formule, cf. la lorica attribuée à Patrick, in W. STOKES et S. STRACHAN (1903) 357. L’ensemble des témoignages irlandais est analysé par P.-Y. LAMBERT (1985) 63. L’existence de cette formule irlandaise plaide pour une analyse de bricto[m comme substantif déterminé par bna-nom, plutôt que comme adjectif qualifiant cette dernière forme. Cf. aussi M. LEJEUNE (1985b) 31, L. FLEURIOT (1985) 48, K. H. SCHMIDT (1996) 26 et B. MEES (2009) 55-56.

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ailleurs attesté en brittonique10. La forme eianom qui précède est le génitif féminin plu-riel d’un terme grammatical anaphorique dont le thème peut être posé comme *eyo-, ou, avec assimilation en gaulois, comme *esyo-11. La fin de la ligne 2 et le début de la ligne 3 sont d’une analyse plus difficile. En effet, l’élément -andeṛ [? / na est certainement un adjectif dérivé en *-no- sur une base héritée *dhero-, « inférieur, du bas », mais il n’est sémantiquement ou référentiellement pas possible de choisir entre une interprétation où cet adjectif renvoie au monde infernal, au-delà du texte et de son support matériel, et une autre où il renvoie à la suite du texte, disposée matériellement plus bas que l’in-troduction12. Quant à san-, il peut s’agir de la forme de composition *sani- d’un adjec-tif celtique commun *sani-, « différent » ; en vieil-irlandais, cette forme de composition *sani > an- est employée dans des adverbes de lieu pour indiquer qu’il s’agit d’adverbes de lieu d’où l’on vient ; sanandeṛ [? / na peut donc être un adjectif composé signifiant étymologiquement « provenant d’en-bas », sans qu’il soit possible de trancher entre l’in-terprétation renvoyant aux Enfers et celle qui renvoie à la suite du texte13. Ainsi, [i] / n eianom anuana sanandeṛ [? / na peut signifier « vers/à l’égard de leurs noms infernaux » ou « vers / à l’égard de leurs noms cités plus bas » ; de fait, la face 1a comporte une liste de noms féminins en 1a 9 à 16 et il peut s’agir des personnes contre lesquelles est com-posée la défixion, ce qui autorise les deux interprétations14.

10. Cf. M. LEJEUNE (1985b) 29, L. FLEURIOT (1985) 47 et 58 – lequel ne semble pas traduire [i] / n – P.-Y. LAMBERT (1985) 63, (1996) 73 et (2002) 265, K. H. SCHMIDT (1990) 17 et 18 et (1996) 34, W. MEID (1994) 46 et (1996) 43, X. DELAMARRE (20032) 50-51, P. de BERNARDO STEMPEL (2007) 148, P. SIMS-WILLIAMS (2007) 334, B. MEES (2009) 55 et R. MATASOVIĆ (2009) 38.

11. Cf. M. LEJEUNE (1985b) 29 et (1985c) 88, L. FLEURIOT (1985) 49, P.-Y. LAMBERT (1985) 63, (1996) 73, (2002) 265 et (20033) 59, 69, 168 et 172, K. H. SCHMIDT (1990) 17 et 18 et (1996) 34-35, W. MEID (1996) 43, X. DELAMARRE (20032) 160, P. de BERNARDO STEMPEL (2007) 159, B. MEES (2009) 55 et R. MATASOVIĆ (2009) 112. Cf. aussi P. SCHRIJVER (1997) 51, 57 et 63, qui fait observer qu’un thème *esy- est tout aussi envisageable qu’un thème *ey-.

12. Cf. P.-Y. LAMBERT (1985) 63-64, (1996) 73 et (20033) 168 – qui choisit l’interprétation « cités plus bas » – K. H. SCHMIDT (1990) 17 et 18 avec note 15 - où cet auteur choisit l’interprétation « infer-naux » – et (1996) 34-35 – où il choisit l’interprétation « cités plus bas » – J. KOCH (1996) 38 – qui choisit l’interprétation « infernaux » – et B. MEES (2009) 55  – qui choisit l’interprétation « cités plus bas » – pace L. FLEURIOT (1985) 46 et W. MEID (1996) 43, lesquels, à côté de l’interprétation « infernaux », proposent de rattacher -ander[̣? / na à des lexèmes celtiques insulaires liés à la notion de « jeune femme ». Cela ne nous paraît pas donner une interprétation sémantique satisfaisante du Plomb du Larzac, ni non plus expliquer la composition qui paraît attestée dans sanander[̣?  /na. R. MATASOVIĆ (2009) 35 doute lui aussi de l’interprétation de la forme du Plomb du Larzac par « jeune femme » – toutefois, indiquant qu’il commente le Plomb du Larzac, il cite la forme anderon de celui de Chamalières, L-100.

13. Cf. L. FLEURIOT (1985) 55 et P.-Y. LAMBERT (1985) 64, pace K. H. SCHMIDT (1990) 17 et 18 et (1996) 34-35, W. MEID (1996) 43 et B. MEES (2009) 55, qui considèrent, le troisième et le second à la suite du premier, que sanandeṛ [? / na doit être analysé en sana, accusatif neutre pluriel d’un démonstratif, et andeṛ [?  / na, « cités plus bas ». Cette interprétation suppose que dans le terme grammatical hérité *so-/*to- le premier thème supplétif a été généralisé en celtique, puisqu’une dérivation que K. H. Schmidt ne précise pas a abouti à sana. L’hypothèse de la généralisation de *so- ne pose pas de difficulté : cf. P. SCHRIJVER (1997) 14-16. En revanche, celle d’une dérivation aboutissant à sana n’est pas probable, et la forme esana que cite K. H. Schmidt comme comportant un suffixe parallèle semble être inexistante : cf. la lecture de la plaquette en or de Baudecet L-109 dont elle est tirée par P.-Y. LAMBERT (2002) 310, qui lit ESIALA. Pour l’adjectif *sani- dans les langues celtiques, cf. R. MATASOVIĆ (2009) 322-323.

14. Pour l’analyse de cette liste, cf. principalement M. LEJEUNE (1985b) 35-36.

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La fin de la formule d’introduction comporte à nouveau le substantif brictom, « magie, sortilège, maléfice », à la ligne 3, cette fois sans lacune. Il semble que ce subs-tantif soit le prédicat d’une phrase nominale dont un pronom démonstratif so, « ceci », à la ligne 4, est le sujet. Ce pronom démonstratif est certainement lui aussi un neutre singulier, et, en sa qualité de sujet d’une phrase nominale placé à la fin de celle-ci, il est sans aucun doute tonique15. Le pronom renvoie à tout le texte de l’inscription : il s’agit d’un exemple de déixis textuelle, c’est-à-dire d’un emploi endophorique renvoyant à l’ensemble du contenu sémantique ou de la visée communicative d’une proposition et, en l’occurrence, d’un groupe de propositions16. Entre brictom et so, il semble que uidluias uidlụ [ / tigontias contienne deux génitifs féminins singuliers, un substantif ou nom propre uidluias et un participe présent tigontias. Ce dernier peut être rattaché à la racine indo-européenne *(s)teyg-, « piquer, être piquant » ; le lexème gaulois peut signi-fier « piquer » et s’appliquer à l’opération de défixion, par calque sémantique du lexème latin dēfīgere, « enfoncer, fixer/composer une défixion, maudire »17. Il est possible que la forme lacunaire uidlụ [ soit un accusatif pluriel « voyantes, magiciennes » complétant tigontias, et qu’elle fasse référence aux personnes maudites par la personne qui a com-posé la défixion. C’est à cette dernière que renvoie uidluias. Il se peut que le nom propre de celle-ci soit bel et bien uidluias, ou plus probablement cette forme uidluias appartient au même lexème « voyante, magicienne » que uidlụ [18.

Ainsi, la formule d’introduction se traduit probablement par « insinde. se. maléfice de femmes, à l’égard de leurs noms infernaux/cités plus bas, ceci [est] le maléfice

15. Cf. P.-Y. LAMBERT (1985) 64, (1996) 73 et (20033) 168-169, K. H. SCHMIDT (1990) 17-19 avec note 7 - où cet auteur propose aussi une interprétation moins vraisemblable dans laquelle le second brictom dépend d’une préposition in sous-entendue et so est un démonstratif adnominal déterminant uidluias ; la forme adnominale de so nous paraît être se- proclitique - (1996) 35, et W. MEID (1996) 43, pace L. FLEURIOT (1985) 48, 55 et 58 qui analyse ici aussi brictom comme un adjectif au génitif féminin pluriel, et dont l’analyse de so n’est pas explicitée. La forme so n’est pas commentée par P. SCHRIJVER (1997) 48-50. La lecture est pourtant certaine et la présence d’interponctions isole nettement la forme. X. DELAMARRE (20032) 268 ne commente pas la forme. L’analyse que donne B. MEES (2009) 55 de so n’est pas explicitée. Il semble que cet auteur en fasse non pas le sujet d’une phrase nominale, mais un démonstratif adnominal postposé déterminant tigontias. En effet, B. Mees n’analyse pas tigontias comme un participe présent, mais comme un substantif. Cf. note 17.

16. Pour la notion de déixis textuelle comme distincte de l’anaphore ou renvoi endophorique à un groupe nominal, cf. N. HIMMELMANN (1997) 83-85 et H. DIESSEL (1999) 100-105.

17. Cf. pour cette interprétation, parmi d’autres possibles, M. LEJEUNE (1985b) 30, L. FLEURIOT (1985) 56, P.-Y. LAMBERT (1985) 64-65, (1996) 73 et 74, (2002) 264 et (20033) 169, K. H. SCHMIDT (1990) 16-18 et 22 et (1996) 31 et 35, W. MEID (1996) 43 et X. DELAMARRE (20032) 295. B. MEES (2009) 55, 57 et 59 fait de tigontias un substantif au génitif féminin singulier déterminant uidlu [̣, où il reconnaît un nominatif féminin singulier. Une analyse de tigontias comme substantif nous paraît morphologiquement difficile. L’interprétation syntaxique que B. Mees propose de la formule d’introduction le conduit de surcroît, notamment à cause de cette interprétation de uidlụ [ et de tigontias, à y supposer une suite de groupes nominaux sans verbes, dont plusieurs au nominativus pendens, puisqu’il aboutit à une traduction « En ceci, cet enchantement de femmes, envers les noms de celles-ci, cités plus bas, un enchantement de voyante, la voyante [nominatif] de cette magie ».

18. Pour l’analyse incertaine de ces formes dont une est lacunaire et pour les propositions qui ont été faites à leur sujet, cf. L. FLEURIOT (1985) 57 et 58, P.-Y. LAMBERT (1985) 64-65, (1996) 73, (2002) 264  et (20033) 168-169, K.  H. SCHMIDT (1990) 16-18  et (1996) 35, W.  MEID (1996) 43, X. DELAMARRE (20032) 318 et B. MEES (2009) 55 et 57. L’hypothèse que uidluias soit un nom propre, défendue par le seul K. H. SCHMIDT (1990) 17-18, est rendue peu probable par la présente de la forme uidlụ [, certainement perçue comme appartenant à la même famille étymologique.

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d’une voyante/de Vidlua, qui maudit des voyantes ». Nous souhaitons à présent propo-ser une analyse pour les deux premiers mots graphiques, isolés par deux interponc-tions, insinde et se.

Quant à ces formes insinde. et se., leur analyse est plus controversée. Les deux lettres in au début d’insinde sont certainement une occurrence de la préposition in, celle-là même qui apparaît, régissant l’accusatif, dans le syntagme [i] / n eianom anuana sanandeṛ [? / na : selon nous, ce fait renvoie à la présence de deux syntagmes préposi-tionnels stylistiquement et syntaxiquement parallèles, tous deux introduits par la prépo-sition in, à savoir insinde. se. bnanom bricto[m et [i] / n eianom anuana sanandeṛ [? / na.

De fait, la formule des lignes 1 à 4 comporte des marques d’une composition stylis-tiquement soignée, puisque, comme le fait observer Karl Horst Schmidt19, un chiasme oppose d’un côté deux syntagmes nominaux où le complément au génitif précède le déterminé, bnanom bricto[m et [i] / n eianom anuana sanandeṛ [? / na, et, de l’autre, un troisième syntagme nominal où le déterminé est suivi du complément au génitif, brictom. uidluias uidlụ [?] / tigontias., immédiatement après les deux premiers. Ce chiasme, selon nous, a une fonction iconique, celle d’indiquer que le « maléfice » du syntagme nominal brictom. uidluias uidlụ [?] / tigontias. s’oppose à celui qui est men-tionné dans les deux syntagmes nominaux qui précèdent, lesquels, comme le montre iconiquement la répétition de la préposition in, sont au contraire parallèles, à savoir insinde. se. bnanom bricto[m et [i] / n eianom anuana sanandeṛ [? / na20.

Si notre hypothèse est correcte, alors elle entraîne des contraintes pour l’interpré-tation des formes sinde et se. La première est certainement une forme du thème *sindo- qui fournit dans les langues celtiques insulaires l’article défini21. De fait, la forme sinde du plomb du Larzac a été rattachée par la majorité des chercheurs22 au thème *sindo-. Celui-ci semble également attesté, avec une fonction qui paraît précisément comparable à celle d’un article défini, dans deux autres formes du plomb du Larzac, à savoir in / das, lignes 1b 6 et 7, probablement un accusatif féminin pluriel, et onda, lignes 2a 2, 2 a 3 et 2a 12, peut-être un ablatif ou instrumental féminin singulier23.

19. Cf. K. H. SCHMIDT (1990) 19.20. Une telle traduction suppose donc que deux brictom différents s’opposent l’un à l’autre : à

l’égard d’un premier bricto[m, mentionné ligne 1 avec un génitif subjectif bnanom, un deuxième brictom est émis, celui du texte, celui auquel renvoie so, à la ligne 3 et 4. Que le syntagme bnanom bricto[m de la ligne 1 comporte un génitif subjectif est rendu très probable par les formules irlan-daises comparables.

21. Cf. P. SCHRIJVER (1997) 44-46.22. Cf. K.  H. SCHMIDT (1990) 17-18  et (1996) 34-35, J.  KOCH (1996) 39, W.  MEID (1996) 43,

P. SCHRIJVER (1997) 49 - qui considère l’analyse comme simplement possible - X. DELAMARRE (20032) 273 et R. MATASOVIĆ (2009) 336-337, pace P.-Y. LAMBERT (1985) 61-62, (1996) 73 et (20033) 168. La notice de L. FLEURIOT (1985) 51 ne semble pas trancher entre une comparaison avec le démonstratif vieil-irlandais sin, « ceci », et une comparaison avec l’article défini des langues celtiques insulaires.

23. Cf. l’analyse de J. KOCH (1996) 39 : la forme in / das manifeste probablement la chute d’*s- initial, empêchée dans insinde par la présence d’une préposition se terminant par une consonne ; les formes onda comportent peut-être la préposition o, « à partir de, hors de » avec chute de la première syllabe de l’article après préposition se terminant par une voyelle. Cette analyse est partagée, au moins pour ce qui est d’in / das et en faisant abstraction de la question de l’*s- initial, par P.-Y. LAMBERT (1985) 74-75, (1996) 77 et (20033) 171, P. SCHRIJVER (1997) 49, P. SIMS-WILLIAMS (2007) 337 et R. MATASOVIĆ (2009) 336-337, pace M. LEJEUNE (1985b) 34-35, L. FLEURIOT (1985) 46 et 53 et W. MEID (1996) 47.

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S’il existe bien un syntagme nominal insinde. se. bnanom bricto[m, alors sinde doit être interprété comme l’accusatif neutre singulier du thème *sindo-, quelle que soit l’étymologie exacte de celui-ci, puisqu’il s’accorde avec le substantif neutre singulier bricto[m régi par la préposition in. Une telle analyse nous paraît phonétiquement et morphologiquement plausible. Il semble qu’en gaulois le timbre de la voyelle *-o-, en position proclitique, ait été altéré, et que la voyelle résultante, probablement une voyelle centrale d’aperture moyenne, ait pu être notée par un -e-.

Diverses formes gauloises plaident en ce sens. La première est la forme readdas de l’inscription L-78, trouvée sur le plateau des Mersans à Saint-Marcel, près d’Argenton-sur-Creuse. Dans cette inscription, le prétérit readdas, « a offert », semble attester une forme re- pour le préverbe hérité *pro-24.

L’analyse alternative selon laquelle dans readdas la voyelle -e- note non pas l’*-o- hérité, mais un pronom infixe comparable à ceux du vieil-irlandais25, se heurte en effet à une difficulté. Un pronom infixe, à en juger par les formes du vieil-irlandais, a un fonctionnement endophorique : il renvoie à un antécédent textuel26. Or l’inscrip-tion L-78, très courte et intégralement conservée à l’exception d’une très brève lacune initiale qui pouvait contenir au plus une forme onomastique, ne comporte pas de sem-blable antécédent. L’objet de readdas « a offert » n’est pas mentionné dans l’inscription sous la forme d’un syntagme nominal, ce qui se prêterait à un emploi endophorique et donc à la présence d’un pronom infixe. Cet objet de readdas a en fait pour référent le support de l’inscription lui-même. Un terme grammatical qui y ferait référence aurait un emploi exophorique qui ne paraît pas attesté pour un pronom infixe du type de ceux du vieil-irlandais ; en gaulois, c’est un pronom démonstratif non infixé sosio, « ceci », qui est utilisé dans cet emploi dans l’inscription de Bourges L-79. Dans le texte de l’inscription L-78, l’objet de readdas est linguistiquement sous-entendu.

La notation -e- pour *-o- hérité en position proclitique semble par ailleurs attes-tée également au moins dans la forme regeniatu sur l’inscription de la Tuile de Châteaubleau L-9327. Elle pourrait aussi expliquer la présence d’alternances entre graphies ande- et ando- pour un préfixe bien attesté en gaulois28 ; cette alternance

24. Analyse du préverbe par J. ALLAIN, L. FLEURIOT et L. CHAIX (1981) 24, L. FLEURIOT (1981) 97-98, W.  MEID (1994) 19, puis P.-Y. LAMBERT (2002) 204  et (20033) 66, 68  et 139-140. Pour le sémantisme du lexème verbal, « offrir », cf. W. MEID apud J. ESKA (1990) 5 note 19, P. SCHRIJVER (1997) 178-179 et (2007) 358 et P.-Y. LAMBERT (2002) 204 et (20033) 140, pace J. ALLAIN, L. FLEURIOT et L. CHAIX (1981) 24, L. FLEURIOT (1981) 96-97, J. KOCH (1983) 204, P. SIMS-WILLIAMS (1984) 157 note 22, J. ESKA (1990) 5 note 19 - lequel mentionne toutefois comme plausible la traduction par « offrir » - et W. MEID (1994) 19 – dont l’interprétation funéraire est contredite par le contexte archéologique votif, lequel plaide en revanche pour un uerbum dandi. R. MATASOVIĆ (2009) 86 considère la traduction de P. Schrijver comme possible. S. SCHUMACHER (2004) 727-728 considère la forme comme obscure.

25. Cf. P. SIMS-WILLIAMS (1984) 157 note 22 et (2007) 341, et P. SCHRIJVER (1997) 178-179 et (2007) 358-359. J. KOCH (1983) 204 et J. ESKA (1990) 5 note 19 mentionnent les deux analyses. R. MATASOVIĆ (2009) 86 considère l’analyse de P. Schrijver comme possible.

26. Cf. R. THURNEYSEN (1946) 255 : les pronoms infixes correspondent à des pronoms personnels.27. Selon l’interprétation probable qui est donnée de cette forme par P.-Y. LAMBERT (1998-2000)

77 et 97-98 et (2002) 238 et 240, lequel y voit un composé dont le premier terme est *pro-. Cf. aussi P. SCHRIJVER (1998-2000) 137. Autres exemples possibles de graphie re- pour *pro-, dans des formes onomastiques, chez J. ALLAIN, L. FLEURIOT et L. CHAIX (1981) 24 et L. FLEURIOT (1981) 97-98.

28. À propos de ce préfixe, cf. P.-Y. LAMBERT (20033) 43, 99, 155-156, et 189.

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a été remarquée par Karl Horst Schmidt qui préfère l’expliquer par une réfection morphologique de la forme étymologique, qui est ici en *-e, sur le modèle des thèmes en -o29, mais elle peut également renvoyer à l’incertitude de la graphie d’une voyelle centrale prétonique issue aussi bien d’*-e- que d’*-o-, et pouvant être notée tantôt -e- tantôt -o-30.

Il nous semble donc pouvoir interpréter insinde comme contenant un plus ancien *sindo. Il s’agirait là du nominatif-accusatif neutre singulier du thème *sindo-. Nous ne supposons pas que ce thème ait exactement les mêmes emplois comme article défini qu’en celtique insulaire. Des emplois endophoriques moins grammaticalisés sont tout à fait possibles. D’autre part l’existence d’une finale *-o < *-od dans un nomi-natif-accusatif neutre singulier pronominal a un parallèle en gaulois dans le pronom démonstratif sosio déjà cité31. En revanche, le nominatif-accusatif neutre de l’article défini du vieil-irlandais ne peut être ramené au thème *sindo-32 et est donc indépen-dant de la forme gauloise que nous posons.

Les analyses qui ont été proposées pour insinde sont au nombre de trois. Pierre-Yves Lambert33 a proposé de voir dans insinde une forme verbale, en l’occurrence un impératif actif de deuxième personne du singulier, sur la base d’un argument syn-taxique, à savoir la présence immédiatement adjacente d’un autre terme démonstratif, se. dans se. bnanom. L’argument nous paraît très fragile, car, comme nous tentons de le montrer plus loin, se. est un démonstratif adnominal proclitique, déterminant le génitif bnanom, alors que la forme sinde du thème *sindo- détermine l’accusatif bricto[m. La proposition de Pierre-Yves Lambert exclut en outre tout parallélisme entre insinde. se. bnanom bricto[m et [i] / n eianom anuana sanandeṛ [? / na.

D’autres chercheurs ont admis le rattachement d’insinde au thème *sindo- et ont proposé de reconnaître dans la finale -e une désinence de locatif masculin-neutre singulier thématique *-ey >  [ē] : insinde est alors considéré comme com-portant la préposition in suivie non pas de l’accusatif mais du locatif, d’où une traduction « en ceci ». Cette interprétation a été proposée à titre d’alternative par Pierre-Yves Lambert, qui l’attribue à Karl Horst Schmidt, et elle est défendue aussi par John Koch et par Bernard Mees34. Elle pose problème elle aussi. En effet, elle revient à admettre un emploi pronominal pour le thème *sindo- qui ne paraît pas attesté dans les autres exemples possibles de ce thème sur le Plomb du Larzac35.

29. Cf. K. H. SCHMIDT (1996) 33.30. Dans le Plomb du Larzac, c’est précisément la graphie ando- qui est choisie, si du moins les

formes en (-)ando-gna- de 2 a 10, 2 a 11 et 2 b 12 contiennent le même préfixe *ande- : cf. K. H. SCHMIDT (1996) 33.

31. Cf. P. SCHRIJVER (1997) 24, 49 et 177.32. Cf. P. SCHRIJVER (1997) 45-48 pour l’origine discutée de ce nominatif-accusatif neutre du

vieil-irlandais.33. Cf. P.-Y. LAMBERT (1985) 61-62, (1996) 73 et (20033) 168.34. Cf. P.-Y. LAMBERT (1985) 61, (1996) 73 et (20033) 168, J. KOCH (1996) 39 et B. MEES (2009)

55. L’analyse d’insinde « en ceci » comme formule performative que développe ce dernier auteur ne nous paraît pas possible, puisque sinde n’est selon nous pas un locatif pronominal. La position de L. FLEURIOT (1985) 51 et 58 n’est pas nette, mais semble proche de celle des auteurs ici considérés. X. DELAMARRE (20032) 273 ne tranche pas entre les différentes propositions.

35. Cf. l’étude de J. KOCH (1996) 39 lui-même.

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Il est vrai que le petit nombre de ces exemples ne permet pas d’exclure que le terme grammatical gaulois ait eu à la fois des emplois adnominaux et des emplois prono-minaux. Surtout, cette interprétation, elle aussi, brise le parallélisme stylistique entre les deux syntagmes insinde. se. bnanom bricto[m et [i] / n eianom anuana sanandeṛ [? / na.

La proposition que nous retenons, selon laquelle sinde dans insinde est un accu-satif neutre singulier et cette forme de démonstratif détermine bricto[m, a déjà été proposée par Karl Horst Schmidt, largement suivi par Wolfgang Meid36, puis par Peter Schrijver37. Ces auteurs considèrent que le thème *sindo- est dérivé d’une forme non fléchie *sem-dhe38 ou plus probablement *sim-de39 ; celle-ci, qui fonc-tionnait probablement comme nominatif-accusatif neutre singulier originellement, serait encore attestée dans la forme insinde que nous commentons. Une telle ana-lyse est tout à fait possible et ne pose aucune des difficultés des deux précédentes. Toutefois l’interprétation que nous proposons de la forme se. qui suit insinde. nous paraît indiquer que l’analyse de sinde comme forme non fléchie est moins probable que celle qui voit dans insinde un ancien *in sindo, c’est-à-dire non plus la forme non fléchie étymologique *sem-dhe ou *sim-de, mais déjà le neutre fléchi *sindo du thème *sindo-. En effet, il est intrinsèquement probable que les deux formes successives sinde et se documentent la même notation par -e- d’une voyelle centrale prétonique issue d’*-o-, quoiqu’il demeure possible que dans le cas de sinde cette voyelle prétonique centrale soit issue d’*-e, alors que dans celui de se elle est issue d’*-o. D’autre part, la présence probable de formes fléchies de *sindo- dans la suite de l’inscription indique nettement que le thème *sindo- fléchi existe déjà à la date de celle-ci, même si la conservation comme nominatif-accusatif neutre singulier de la forme non fléchie originelle, à l’intérieur d’un paradigme flexionnel désormais constitué, n’est pas impossible.

La forme se. dans se. bnanom, quant à elle, doit certainement être analysée comme un démonstratif adnominal proclitique. De fait, le syntagme au génitif pluriel se. bnanom se répète plusieurs fois dans l’inscription, sans l’interponction - employée en 1 a 1 parce que le début du texte comporte une graphie particulière-ment soignée40 – et avec indication de l’assimilation récente de l’occlusive bilabiale non nasale à l’occlusive dentale nasale qui la suit – la forme archaïque d’1 a 1 est en effet encore une marque de solennité dans la formule d’introduction. Le syntagme semnanom figure en 2 a 8, très probablement aussi en 2 b 7 et 8, et peut-être figure-t-il en 1 b 9 un syntagme seṃ ṇ [as qui contiendrait un autre cas du même lexème

36. Cf. K. H. SCHMIDT (1990) 17 et (1996) 34-35. Cf. aussi W. MEID (1996) 43, où la traduction comporte une faute de frappe « gegen diese », rectifiée dans le commentaire en « gegen diesen ». W. Meid considère que sinde détermine un *brictom sous-entendu, anticipant le brictom de la ligne 3 et s’opposant à celui-ci qui indique le contre-maléfice. Cette interprétation pose des problèmes morphologiques, puisqu’elle fait du bricto[m de la fin de la ligne 1 un génitif féminin pluriel : cf. note 8.

37. Cf. P. SCHRIJVER (1997) 25 et 49.38. Cf. K. H. SCHMIDT (1996) 35, qui prolonge P. de BERNARDO STEMPEL (1986) 269.39. Cf. P. SCHRIJVER (1997) 44-45.40. Cf. P.-Y. LAMBERT (20033) 166.

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« femme »41. Il nous paraît donc sûr que se détermine bnanom42. D’autre part, il s’agit d’un démonstratif endophorique : le syntagme se. bnanom ou semnanom renvoie à la liste de femmes qui est donnée en 1 a 9 à 16 et qui continue peut-être en 1 b 1 à 6, c’est-à-dire certainement les femmes à l’origine du maléfice contre lequel l’auteur de la défixion émet un contre-maléfice. Cette analyse de se. bnanom, « ces femmes » est largement acceptée43.

Le syntagme nominal insinde. se. bnanom bricto[m se traduirait donc par « à l’égard du maléfice de ces femmes [nommées ci-après] » et serait pleinement parallèle à [i] / n eianom anuana sanandeṛ [? / na, « à l’égard de leurs noms cités plus bas » si la dernière forme de ce syntagme doit bien être interprétée comme renvoyant à la liste qui figure dans la suite du texte. Il nous semble que la possibilité d’établir une inter-prétation sémantiquement parallèle pour les deux syntagmes plaide pour la traduction « cités plus bas ».

En revanche, l’interprétation étymologique de se pose problème. Comme le signale Peter Schrijver44, il ne semble pas qu’un thème *se- ou même une forme non fléchie *se soit attestée par ailleurs en celtique, et en tout cas en celtique insulaire. Aussi préférons-nous retenir une suggestion de Pierre-Yves Lambert45, selon laquelle se est la forme proclitique, adnominale et non fléchie de so, lequel est certainement attesté comme pronom endophorique tonique au nominatif-accusatif neutre singulier précisé-ment à la fin de la formule d’introduction, en 1 a 4. En ce cas, le thème étymologique présent sur le Plomb du Larzac est *so-, dont la présence en celtique continental et insulaire est certaine. La forme se renvoie au même traitement phonétique d’*-o- hérité en position proclitique qui amène à une voyelle centrale pouvant être notée -e- que dans insinde. La forme tonique so, en revanche, conserverait le timbre étymologique. Il est à noter que la présence, qui nous paraît certaine et qui est indépendante de l’analyse de se, d’un nominatif-accusatif neutre singulier so pour le thème *so- contre-

41. Pour l’assimilation de nasalité dans semnanom, cf. M. LEJEUNE (1985b) 29 et P.-Y. LAMBERT (2002) 264 et (20033) 168. Pour les lectures, cf. R. MARICHAL (1985) 15, 17 et 19 et P.-Y. LAMBERT (1985) 76.

42. Pace K. H. SCHMIDT (1996) 34-35, qui suit une suggestion de P. de Bernardo Stempel. Cet auteur considère que sinde. se. forme une unité qui détermine bricto[m, et, plus généralement, que se est un enclitique, même dans les autres exemples. Cette analyse néglige le fait qui nous paraît significatif que c‘est toujours le nom de la « femme » qui suit se, lequel est donc plus probablement proclitique. B. MEES (2009) 55 quant à lui considère que se détermine bricto[m, alors que sinde est selon lui indépendant de ce groupe nominal.

43. C’est celle de M. LEJEUNE (1985b) 29, de P.-Y. LAMBERT (1985) 62-63, (1996) 72-73 et (20033) 168, de K. H. SCHMIDT (1990) 17-18, de X. DELAMARRE (20032) 268 et de F. O. LINDEMAN (2007) 241. W. MEID (1996) 43 et P. de BERNARDO STEMPEL (2007) 159 semblent traduire se. comme un article défini en 1 a 1, mais W. MEID (1996) 49-50 traduit semnanom par « dieser Frauen ». P. SCHRIJVER (1997) 49 considère que se est l’équivalent proclitique du démonstratif -se du vieil irlandais, c’est-à-dire qu’insinde. se. bnanom est comparable fonctionnellement à un syntagme nominal du type de isa tech-se, « dans cette maison/dans la maison ici », en vieil-irlandais. De fait, le démonstratif -se du vieil-irlandais peut s’employer de manière endophorique pour renvoyer à un segment subséquent du discours, comme c’est le cas de la forme gauloise. Cf. R. THURNEYSEN (1946) 300. Toutefois cela n’indique pas que la forme gauloise et le démonstratif du vieil-irlandais soient étymologiquement identiques, ce dont P. SCHRIJVER (1997) 25 et 49 convient.

44. Cf. P. SCHRIJVER (1997) 24-25, pace P.-Y. LAMBERT (1985) 62.45. Cf. P.-Y. LAMBERT (20033) 68.

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dit une hypothèse de Peter Schrijver sur la généralisation dès le celtique commun d’un neutre *sim pour le thème *so-46.

Le traitement de la voyelle de se nous paraît indiquer que la forme insinde qui précède immédiatement est issue d’*in sindo avec le même traitement, plutôt que d’une conservation d’une forme non fléchie *in sinde ; toutefois cette dernière n’est nullement impossible.

Nous souhaitons à présent fournir un point de comparaison emprunté à l’ombrien pour les deux syntagmes insinde. se. bnanom bricto[m] et [i] / n eianom anuana sanandeṛ [ ?] / na, que nous analysons comme deux syntagmes syntaxiquement, sémantiquement et stylistiquement parallèles.

Selon nous, la formule d’introduction gauloise peut être traduite comme suit :

insinde. se. bnanom bricto[m i] / n eianom anuana sanandeṛ [?] / na. bric-tom. uidluias uidlụ [?] / tigontias. so (L-98, 1 a 1 à 4)

« À l’égard du maléfice de ces femmes [nommées ci-après], à l’égard de leurs noms cités plus bas, ceci [est] le maléfice d’une voyante/de Vidlua, qui maudit des voyantes. »

Dans les deux rituels détaillés dont la description nous est conservée par les Tables Eugubines I, VI et VII, le piaculum et la lustratio – une version courte du pia-culum figure en I a 1 à I b 9, une version courte de la lustratio, en I b 10 à I b 44, une version longue du piaculum, en VI a 1 à VI b 47, une version longue de la lustratio, en VI b 48 à VII a 54 – figure à de nombreuses reprises une formule dont un exemple est cité ci-après :

teio. subocau. suboco / dei. graboui. ocriper. fisiu. totaper. iiouina. erer. nomneper. erar. nomneper. (VI a 22 et 23)

« Je t’invoque en invocation, Jupiter Grabovius, pour la citadelle fisienne, pour la cité iguvienne, pour le nom de celle-là, pour le nom de celle-ci. »47

46. Sur cette hypothèse, cf. P. SCHRIJVER (1997) 39-43. Cette généralisation n’est pas partagée par le gaulois, si notre analyse est correcte, au moins pas dans tous les emplois du démonstratif et dans tous les dialectes. Cela n’exclut pas l’existence en gaulois de la forme *sim : un polymorphisme est tout à fait imaginable, de même que le gaulois semble disposer de deux formes de démonstratif exophorique proximal au nominatif-accusatif neutre singulier, sosio attesté dans l’inscription L-79 avec un emploi pronominal, et sosin attesté dans les deux inscriptions G-153 et L-13 dans un emploi adnominal.

47. La traduction de ce passage ne pose pas de difficulté, sinon pour la forme suboco que nous analysons comme un substantif à l’accusatif singulier, objet interne du lexème verbal subocau, et pour le signifié du lexème ocri-, « citadelle » ou peut-être « agglomération d’habitats ». Cf. G. MEISER (1986) 90 et E. DUPRAZ (2012) 72 pour le premier point, H. RIX (2000) 224-228 pour le second. Ces points n’affectent pas l’analyse de la double formule binaire. Autres passages comparables dans les Tables Eugubines, avec les mêmes parallélismes, soit que les syntagmes comportent tous la postpo-sition -per, soit qu’ils soient tous au datif : VI a 23-24, VI a 25-26, VI a 30-31, VI a 33, VI a 34, VI a 35, VI a 40, VI a 42-43, VI a 43-44, VI a 45, VI a 50, VI a 52-53, VI a 53-54, VI a 55, VI b 6-7, VI b 7-8, VI b 9-10, VI b 11-12, VI b 14, VI b 14-15, VI b 26, VI b 26-27, VI b 28, VI b 32-33, VI b 34-35, VI b 35-36, VII a 10-11, VII a 17-18, VII a 18-19, VII a 21-22, VII a 26, VII a 31, VII a 32-33 et VII a 35. Il existe aussi des formulaires plus complexes, que nous ne commentons pas ici.

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SUR LA FORMULE D’INTRODUCTION DU PLOMB DU LARZAC 203

Cette formule présente le même parallélisme syntaxique entre deux syntagmes nominaux prépositionnels, dont le second comporte le lexème « nom » et un démons-tratif anaphorique au génitif renvoyant au premier, que dans la formule d’introduction du Plomb du Larzac telle que nous l’analysons.

Plus précisément, il existe deux syntagmes nominaux antécédents, ocriper. fisiu, « pour la citadelle fisienne », et totaper. iiouina, « pour la cité iguvienne », et deux syntagmes nominaux comportant chacun le lexème « nom » à l’ablatif singu-lier nomne- et un démonstratif anaphorique au génitif renvoyant au substantif d’un des syntagmes antécédents. Le genre grammatical, qui est masculin pour erer et ocri-, féminin pour erar et tota-, permet le calcul du bon antécédent. Les quatre syntagmes nominaux contiennent la postposition -per, qui régit l’ablatif. Ainsi, il y a là un parallélisme, d’abord entre les deux syntagmes nominaux antécédents – même postposition, même emploi d’un substantif et d’un adjectif dans un topo-nyme – ensuite entre les deux syntagmes nominaux comportant un anaphorique – même postposition, même lexème « nom », emploi du même terme grammatical anaphorique au même cas – et enfin entre chaque syntagme nominal antécédent et le syntagme anaphorique qui renvoie à lui - même postposition, renvoi anaphorique de l’un à l’autre.

Dans le Plomb du Larzac, si notre analyse est correcte, il existe deux syntagmes nominaux parallèles, chacun comportant la même préposition in, et le second compor-tant le lexème « nom » et le génitif d’un démonstratif anaphorique dont l’antécédent est un des substantifs employés dans le premier.

En l’occurrence, dans la formule d’introduction gauloise, le premier syntagme nominal comporte un substantif bricto[m], « maléfice », et un second substantif, au génitif pluriel, bnanom, « femmes », lui-même déterminé par le démonstratif non fléchi se. Le second syntagme nominal comporte un lexème anuana, « noms », un adjectif sanandeṛ [?] / na, « cités plus bas », et l’anaphorique au génitif pluriel eianom, « de celles-ci ». Non seulement la préposition in est la même, le subs-tantif anuana est le correspondant sémantique de nomne-, et eianom renvoie à l’un des deux substantifs que comporte le syntagme nominal antécédent - alors que dans la formule ombrienne celui-ci en contient seulement un - mais l’adjectif sanandeṛ [?] / na, « cités plus bas », établit un parallélisme supplémentaire, dans la mesure où il est pragmatiquement équivalent au démonstratif se « ces » du syn-tagme antécédent, tous deux renvoyant à la liste de noms propres qui se trouve dans la suite du texte.

Il nous semble que la possibilité de reconnaître dans la formule d’introduction du Plomb du Larzac une formule d’un type déjà attesté dans les Tables Eugubines plaide en la faveur de notre analyse d’ensemble du texte gaulois. L’emploi d’un deu-xième syntagme nominal comportant le lexème « nom », dans les deux formules, renvoie à un souci de certitude dans l’identification du personnage visé. En effet, le nom propre de celui-ci le définit sans ambiguïté. Mais cet emploi renvoie tout autant à une identité perçue entre la personne et le nom propre que celle-ci porte, telle que la manipulation du second affecte la première. Il y a donc redoublement d’efficacité entre un premier syntagme nominal dont le référent est une personne ou

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collectivité, et un second, qui renvoie au nom propre de cette dernière par l’emploi du lexème « nom »48.

Nous souhaitons à présent aborder une question qui ne relève plus de l’analyse proprement linguistique de la formule d’introduction du Plomb du Larzac, mais de son interprétation socio-linguistique, à savoir celle de l’origine de la formule binaire mise en œuvre dans l’introduction de la défixion gauloise.

La formule ombrienne est une formule de piaculum ou de lustratio, qui demande donc à un dieu de ne pas punir ou de protéger la cité à laquelle appartient l’offi-ciant49. Elle est émise officiellement par la cité. La formule gauloise apparaît dans une défixion, c’est-à-dire dans ce qu’il est possible d’analyser comme un acte de magie, au sens d’une activité religieuse non sanctionnée ni autorisée par la collectivité50. Toutefois les pratiques religieuses officielles ou du moins autorisées par la collectivité ne se distinguent pas nécessairement de celles de la magie, au sens où les mêmes pratiques rituelles et les mêmes formulaires peuvent être employés dans la magie et dans les pratiques officielles ou autorisées51.

D’autre part, la pratique gauloise de graver des textes de défixion est un emprunt au latin ou peut-être au grec52 – ce qui ne veut pas dire que l’ensemble des pratiques magiques liées à la gravure des défixions est emprunté aux sociétés latinophones ou helléniques53.

48. À propos des noms propres et de leur fonctionnement dans les défixions latines, cf. A.  KROPP (2008) 85  et 170-173. C’est cette fonction du nom propre qui explique l’emploi du lexème « nom » dans les formules ombrienne et gauloise. – L’inscription du Plomb du Larzac comporte une deuxième occurrence du lexème « nom », en 1 a 8, mais le contexte est opaque : cf. les interprétations divergentes proposées par L. FLEURIOT (1985) 51 et 58, P.-Y. LAMBERT (1985) 71, (1996) 74, (2002) 264-265 et (20033) 169, K. H. SCHMIDT (1990) 17-18 et (1996) 28, W. MEID (1996) 44-45 et B. MEES (2009) 60-61. Il se peut que le lexème « nom » y soit employé pour introduire la liste des noms des femmes concernées. L’emploi du lexème « nom » sur un autre document gaulois, la Tuile de Châteaubleau L-93, s’agissant peut-être d’un document juridique ou du moins d’un texte lié à un mariage, ne s’explique pas nécessairement de la même façon que sur le Plomb du Larzac. Cf. P.-Y. LAMBERT (1998-2000) 89-92 et 112-114, (2002) 238-241 et (20033) 209-211.

49. Une variante apparaît toutefois en VII a 11 à 13 : dans le cadre d’un parallélisme compa-rable à VI a 22 et 23, mais plus complexe, à une énumération de syntagmes nominaux au datif renvoyant à des ennemis fait suite le syntagme nominal au datif ero. nomne, « envers leur nom ». Ici la variante de la formule apparaît dans une prière aux divinités pour que celles-ci nuisent aux ennemis.

50. Pour cette définition de la magie, si insuffisante soit-elle, cf. F. MARCO SIMÓN (2002) 189-190, qui l’applique aux populations de langue celtique. Il s’agit donc d’une définition de type émique, dans la mesure où elle prend en compte la perspective développée par la collectivité concernée. Cf. aussi les considérations liminaires proposées par A. KROPP (2008) 26-29.

51. Un exemple italique d’une semblable circulation formulaire de l’un à l’autre domaine est fourni par l’analyse par B. VINE (2004) 616-620 d’une prière officielle ombrienne, en VI b 60 et VII a 49, contre les ennemis de la collectivité, qui est largement comparable à une formule osque attestée dans la défixion Vetter 3.

52. Ce point est incontesté. Cf. par exemple P.-Y. LAMBERT (1996) 81 et (20033) 151 et 173-174, et F. MARCO SIMÓN (2002) 203.

53. Cf. F. MARCO SIMÓN (2002) et R. GORDON et F. MARCO SIMÓN (2010) 2 note 8 sur l’importance des éléments magiques, ou considérés par les sources antiques comme tels, qui, attestés dans les aires de langue celtique, ne peuvent être rattachés à un modèle grec ou romain.

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En outre il est probable que le texte du Plomb du Larzac contient soit des emprunts au latin soit du moins des calques du latin, le plus net des cas concernés étant selon nous le lexème nitixsintor, présent en 1 a 7, qui contient le degré zéro de la racine indo-européenne *(s)teyg-, « piquer », et un préverbe hérité *ni- « vers le bas ». Il s’agit vraisemblablement d’un calque gaulois du lexème latin dēfīgere, « clouer/effectuer une défixion contre quelqu’un »54.

Une première hypothèse est donc que la formule binaire attestée selon nous dans l’introduction du Plomb du Larzac, faisant intervenir un syntagme nominal compre-nant le lexème « nom » et un démonstratif anaphorique, est empruntée au latin à date récente - postérieure à la conquête romaine par exemple. En ce cas, il faut supposer que le latin, lui aussi, dans le cadre d’une koinè religieuse ou magique italique, a connu des formules comparables aux formules binaires des Tables Eugubines. Cette hypothèse est étayée par l’existence de semblables emprunts récents dans le Plomb du Larzac, ne serait-ce que le genre épigraphique des défixions lui-même. D’autre part, le caractère exceptionnel des Tables Eugubines parmi la documenta-tion conservée en Italie est tel qu’il n’est nullement exclu que celles-ci comportent des formules qui par ailleurs étaient employées en latin, sans que la documentation latine, moins abondante pour des descriptions de rituel si précises, en comporte la trace.

Une deuxième hypothèse ferait intervenir le fait qu’il a existé des échanges cultu-rels entre communautés des Gaules et communautés d’Italie à une date plus ancienne, entre l’âge du bronze et la conquête romaine. De semblables contacts entre aires ita-liennes et sud-est de la Gaule sont bien attestés par l’archéologie depuis l’âge du bronze55. Et, pour épuiser la liste des hypothèses possibles, il est également envisa-geable que de semblables formules binaires faisant intervenir « nom » et anaphorique soient héritées d’un hypothétique italo-celtique commun56, voire de l’indo-européen commun.

Il ne nous semble guère possible de trancher entre ces trois hypothèses : selon nous, le parallélisme entre la formule gauloise et les formules ombriennes que nous analysons indique certainement une élaboration dans le cadre d’une koinè culturelle, mais il n’est guère possible de déterminer si celle-ci est très ancienne, de date italo-celtique ou indo-européenne commune – ce qui ne nous paraît pas probable vu l’écart chronologique entre ces stades et les données connues – ou plu-tôt si cette koinè renvoie aux échanges attestés à date plus récente, voire à date très récente. La possibilité d’une médiation latine peut faire incliner vers cette dernière solution. Nous ne préjugeons pas non plus de l’origine de semblables formules : il

54. Pour le cas de nitixsintor, forme qui renvoie à la même racine que tigontias que nous ana-lysons p. 196, cf. M. LEJEUNE (1985b) 30, P.-Y. LAMBERT (1985) 69-70, (1996) 81, (2002) 264 et (20033) 173, K. H. SCHMIDT (1990) 22 note 38 et (1996) 36, W. MEID (1994) 44-45 et B. MEES (2009) 59. S. SCHUMACHER (2004) 749-750 considère la forme comme obscure. La brève étude de G. NEUMANN (1993) ne mentionne pas la forme.

55. Cf. la synthèse proposée par D. GARCIA et J. VITAL (2006).56. Sur l’hypothèse d’un semblable stade, telle qu’elle est représentée dans la recherche récente,

cf. les positions opposées défendues respectivement par P. SCHRIJVER (2006), G.  ISAAC (2007) 75-95 et M. de VAAN (2008) 5-8.

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n’est pas certain qu’elle soit italique plutôt que celtique, surtout si cette origine est antérieure à la conquête romaine57.

Quoi qu’il en soit, il ne semble pas que la formule que nous analysons puisse être rattachée au phénomène plus récent, attesté par les inscriptions ogamiques, de l’emploi d’ANM, « nom », dans des épitaphes en vieil-irlandais. Cet emploi est connu seulement dans des inscriptions ogamiques récentes, probablement de date chrétienne. Comme l’indique Joseph Vendryes58, il y a là un calque de l’emploi de nomen, « nom », dans des épitaphes latines chrétiennes. Cet emploi irlandais et cet emploi latin renvoient certainement au souhait de garantir une identifica-tion certaine du personnage, dont le nom est une caractéristique précise et efficace par elle-même. L’usage latin peut à son tour renvoyer au même souci d’identifica-tion exacte et à la même conviction sur l’identité du nom et du porteur de celui-ci qui explique l’emploi dans la formule ombrienne et gauloise. Mais, étant donnée la médiation latine, l’usage irlandais n’est pas directement dérivé des emplois gaulois et ombriens59.

L’analyse que nous proposons pour la formule d’introduction du Plomb du Larzac indique la présence d’une formule binaire comportant ce qui, selon nous, est la forme de nominatif-accusatif neutre singulier de l’article défini, ou du moins du terme grammatical qui en celtique insulaire est un article défini, à savoir *sindo ou peut-être *sinde, noté sinde, et la forme proclitique non fléchie se- du terme grammatical démonstratif qui est attesté aussi sous la forme du nominatif-accusatif neutre tonique so dans la même formule.

Ainsi, la formule d’introduction du Plomb du Larzac témoignerait de l’affaiblis-sement des voyelles prétoniques issues d’*-o- en une voyelle centrale, et, en même temps, de la présence en gaulois d’un neutre *sindo pour le thème *sindo- de l’article défini du celtique insulaire, et de celle d’une forme proclitique *so pour le thème *so-, bien attesté dans toutes les langues celtiques.

57. G. OLMSTED (1989) suggère une analyse de l’ensemble de l’inscription de M comme texte métrique, reposant sur un vers comportant trois accents répartis de part et d’autre d’une césure en deux plus un. La présence de nombreuses paires allitérantes est selon lui une figure importante de cette poétique. L’analyse de W. MEID (1990) 48, qui considère que le texte est plutôt une prose ryth-mée avec figures phonétiques, c’est-à-dire une prose qui a reçu une élaboration stylistique poussée, nous paraît plus vraisemblable. L’emploi de la formule que nous analysons, au début du texte, fait partie des composantes de cette élaboration stylistique. Comme le rappelle B. MEES (2009) 59, un des lexèmes du Plomb du Larzac, duscelinatia, peut renvoyer étymologiquement à une « composition poétique ». Cf. aussi P.-Y. LAMBERT (1985) 71, (1996) 75, (2002) 264 et (20033) 169. W. MEID (1996) 45 considère cependant que l’interprétation de la forme duscelinatia est incertaine ; L. FLEURIOT (1985) 49  fournit une interprétation différente de celle de P.-Y. Lambert, enregistrée avec cette dernière par K. H. SCHMIDT (1996) 34. Au reste, quel que soit le signifé de duscelinatia, il n’est pas certain que le référent soit le texte de l’inscription.

58. Cf. J. VENDRYES (1955-1956). Cf. aussi D. MCMANUS (1991) 80, 118 et 154-155, et S. ZIEGLER (1994) 128-129.

59. Pace M. LEJEUNE (1985b) 29.

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Par ailleurs, la formule d’introduction du Plomb magique du Larzac nous semble contenir une formule binaire, avec deux syntagmes nominaux parallèles comportant chacun la même préposition, et, pour le second, le lexème « nom » et un démonstratif anaphorique pointant vers un des lexèmes du premier. L’emploi de semblables syn-tagmes parallèles dans des formules religieuses – et non magiques – est bien attesté en ombrien dans les Tables Eugubines. Il nous semble qu’il s’agit là d’un formulaire commun religieux et magique, lié à des spéculations sur l’importance du nom propre et donc du lexème « nom » dans des formules où il s’agit de protéger ou d’attaquer une personne ou une collectivité précises : redoubler un premier syntagme nominal ren-voyant à celle-ci par un second syntagme renvoyant au nom de celle-ci, c’est garantir à la fois une identification sans ambiguïté du référent et en même temps effectuer déjà un acte à l’égard de celui-ci, puisque le nom et son référent ne sont pas séparés. Il  existe donc selon nous une koinè religieuse et magique réunissant des popula-tions de langue italique et des populations de langue celtique, qui peut remonter à la conquête romaine, mais qui peut aussi être plus ancienne et renvoyer à des contacts à l’âge du fer ou à l’âge du bronze, voire, mais c’est moins probable à notre avis, à des stades encore plus anciens.

Emmanuel DUPRAZ Université de Rouen, ERIAC

83 rue du Dessous-des-BergesF-75013 Paris

[email protected]

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