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Yémen YAHYA AL-NU - NU - Le Chant de Sanaa Yemen YAHYA AL-NU - N - U The Singing of Sanaa INEDIT Maison des Cultures du Monde

Yémen YAHYA AL-NUNU - … · les deux pouces ; la main droite fait les frappes de base tandis que la main gauche fait les orne-mentations. La sensibilité toute particulière de

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W 260099 INEDIT/Maison des Cultures du Monde • 101, Bd Raspail 75006 Paris France • tél. 01 45 44 72 30 • fax 01 45 44 76 60 • www.mcm.asso.fr

Yémen YAHYA AL-NU

-NU

-

Le Chant de Sanaa

Yemen YAHYA AL-NU

-N

-U

The Singing of Sanaa

INEDITMaison des Cultures du Monde

Couverture (1 & 4) 27/06/06 16:05 Page 1

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Collection fondée par Françoise Gründ et dirigée par Pierre Bois

Enregistrements réalisés en concert les 13 et 14 juin 2000 au Centre Mandapa (Paris). Prise de son,Pierre Bois. Sélection des plages, traductions de l'arabe et notice : Jean Lambert. Traduction anglaise :Frank Kane. Illustrations de couverture : Françoise Gründ. Photos : Jean Lambert et Marie-NoëlleRobert. Prémastérisation, Frédéric Marin, Alcyon Musique. Réalisation, Pierre Bois. © et OP 2001,INEDIT/Maison des Cultures du Monde.

Ces enregistrements ont été réalisés à l'occasion de la participation des artistes au quatrième Festival del'Imaginaire organisé par la Maison des Cultures du Monde et grâce au concours de Jean Lambert, de MmeBrigitte de Puytison et au soutien du Centre Français d'Etudes Yéménites.

INEDIT est une marque déposée de la Maison des Cultures du Monde (direction, Chérif Khaznadar).

1. Fertash ...........................................................................................................19’11”2. «Ayyu shayyin ara– wa-asmacu hamsa–» (Muh.ammad al-Khamı-sı-) .............13’50”3. «Lı- fı- ruba– H. a–jer ghuzayyel atlac» (Muh.ammad cAli al-Su–dı-).......................8’00”4. «Akhd.ar limeh» (Muh.ammad Sharaf al-Dı-n)................................................18’26”5. «Sallı- ya– rabbı-» (anonyme) ............................................................................6’07”6. «Al-burr wa-s-samn khı-rat maa– tishilleh bana–nı-» (anonyme) .................11’46”

total .........77’22”

Yahya al-Nu–nu–, chant et luth qanbu–s / vocals and lute qanbu–sMuh.ammad al-Khamı-sı-, gong sah.n nuh.a

–sı-

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Yahya al-Nºnº est un des derniers représen-tants authentiques de la tradition classiqueyéménite du chant de Sanaa, et l'un des seuls àjouer encore du luth yéménite qanbºs, que l'onappelle à Sanaa †arab.Né vers 1937, lointain héritier d'une familleillustre mais désargentée, Yahya al-Nºnº a étéélevé à l'École des orphelins de l'Imam, oùétaient formés dès l'enfance les serviteurs dusouverain et les employés de l'État yéménite.À côté d'une éducation religieuse tradition-nelle, il a acquis une formation techniquemoderne en télécommunications. Dès avant laRévolution, il devint employé du télégraphe et,pour son service, voyageait à pied partout dansle Yémen, à l'époque où il n'y avait pas deroutes carrossables. Yahya al-Nºnº a ainsivisité tous les recoins de son pays, et en a pro-fité pour recueillir des mélodies et des poèmesoubliés de la bouche des vieux chanteurs qu'ilrencontrait dans le fond des vallées et sur lesplus hautes cimes. Sur le plan musical, Yahya al-Nºnº fut d'abordformé à l'école exigeante de la psalmodie duCoran et du répertoire vocal religieux de l'in-shæd, se forgeant une solide technique ainsi

qu'un style très personnel. Plus tard, pour seconsacrer au répertoire profane du ghinæ, ilapprend à jouer du luth oriental cºd et du luthyéménite †arab. À cette époque où il pratiquele Morse plus que la musique, il transportepartout dans son baluchon une boîte de beurreclarifié en fer blanc qui lui sert d'instrument depercussion, pour s'accompagner, là où il nepeut pas emporter d'autre instrument. Yahya al-Nºnº fait partie de cette générationcharnière, devenue rare au Yémen, qui a bienconnu la période précédant la République (néeen 1962), et souhaite partager le souvenir decette époque où «l'on chantait sans micro» et où«chacun balayait devant sa porte». Selon Yahyaal-Nºnº, les événements historiques ont intro-duit une coupure artificielle entre ces deuxépoques : l'Ancien Régime, où chacun avait saplace dans une société hiérarchisée, maisordonnée, et la période moderne où la vie socialea perdu son sens. En rejetant les aspects négatifsde l'Ancien, on en a aussi perdu le meilleur. Traditionnel ou traditionaliste ? C'est bien dif-ficile à dire, tant l'énergie de Yahya al-Nºnºest tendue à raccommoder les lambeaux del'histoire dramatique du Yémen moderne. C'est

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YémenLE CHANT DE SANAA

Yahya al-Nu–nu– et Muh.ammad al-Khamı-sı-

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parce qu'il vit dans le souvenir intense d'unepériode qui est révolue pour la plupart de sesconcitoyens, qu'il n'a jamais cherché à se faireconnaître au Yémen et qu'il espère trouverailleurs un public qui puisse comprendre sadémarche sans concession. C'est ainsi qu'il achoisi de faire partager sa musique au publicfrançais avant le public de son propre pays 1.Cet esprit de continuité se retrouve aussi biendans le répertoire que dans l'instrumentation.Yahya al-Nºnº joue à la fois du luth oriental cºd(récemment importé au Yémen) et du luth yémé-nite à quatre cordes, le †arab ou qanbºs qu'il estun des derniers à pratiquer. Les enregistrementsprésentés ici ne concernent que cet instrument. Yahya al-Nºnº est accompagné par son com-plice MuÌammad Ismacil al-Khamîsî, l'un desderniers joueurs de plateau en cuivre, ÒaÌnnuÌæsî, dans le style de Sanaa. Celui-ci joue decette sorte de gong selon une technique spéci-fique au Yémen et très délicate : avec le boutdes doigts, tout en le maintenant en équilibre surles deux pouces ; la main droite fait les frappesde base tandis que la main gauche fait les orne-mentations. La sensibilité toute particulière dece percussioniste hors-norme (al-Khamîsî necache pas avoir reçu son savoir musical de samère) complète à merveille la couleur virile dujeu de Yahya al-Nºnº, d'une touche de légèreté

toute féminine. La complicité entre les deuxinstruments, comme entre les deux hommes,traduit une expérience intime et entière. Doué d'une remarquable sens de l'interpréta-tion, Yahya al-Nºnº cherche à redonner auChant de Sanaa toute sa beauté formelle et sadimension émotionnelle, en restituant auxformes leur unité poétique et musicale, et doncleur sens. C'est ainsi qu'il est l'un des seuls àchanter le texte intégral des poèmes du réper-toire (dont on trouvera plus loin une traductionaussi fidèle que possible). Sa voix ne déploiepas une virtuosité particulière, mais ellecherche plutôt à exprimer l'émotion de lamanière la plus riche possible, par tout unepalette d'inflexions subtiles, mises en évidencepar la répétition systématique des vers, àchaque fois un peu différent.

Le Chant de SanaaLe Chant de Sanaa est un art de soliste : lechanteur s'accompagne lui-même au luth àmanche court, cºd ou du petit luth spécifique-ment yémenite, le qanbºs. La richesse du jeuyéménite est basée sur une grande variété detechniques de la main droite qui font jouer àl'instrument tous les rôles, successivement ousimultanément : mélodique, rythmique, accom-pagnement harmonique, etc..Résultat d'une longue maturation historique, leChant de Sanaa s'est nourri de plusieurs

1. En donnant deux concerts dans le cadre du Festival del'Imaginaire en juin 2000 à Paris.

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sources : apports andalous indirects, épanouisse-ment de la musique soufie sous la dynastie desRasoulides à Taez et à Zabîd (XIVe - XVe s.),influences ottomanes au XVIe puis au XIXe

siècle. En se greffant sur un substrat très ancien,ces diverses influences ont été fondues dans uneforme originale, où le sentiment modal, typique-ment arabe – mais très peu théorisé – est nuancépar un génie mélodique sans pareil. Attachant peu d'importance aux aspectsmodaux de leur musique, les Yéménites ont enrevanche classé leurs formes musicales selonles cycles rythmiques spécifiques : les dasca,deux cycles asymétriques (et aksak) à 7 tempset à 11 temps ; la was†æ, cycle binaire à 8temps ; et le særic, identique à la was†æ mais surun tempo plus rapide. Ils sont agencés en unesuite de danses appelée qawma, sorte de nºbayéménite composée en général de trois partiesqui vont de l'asymétrique et du lent vers lebinaire et le plus rapide.

La poésie h. omaynı-

La poésie Ìomaynî est apparue au Yémen auxXIVe et XVe siècles, probablement sous l'in-fluence de la poésie «andalouse» à traversl'Egypte. La forme du muwashshaÌ en particu-lier fut rapportée du Caire par le poète AbºBakr al-MazzæÌ. Pour la première fois, on écri-vait de la poésie en dialecte. C'est l'acte denaissance d'une littérature arabe spécifique-

ment yéménite. Les grands poètes représentésici sont MuÌammad cAlî al-Sºdî (mort vers1524) et MuÌammad Sharaf al-Dîn (mort en1607). Ce dernier fut un auteur prolifique dontles émois amoureux alimentaient un stylesomptueux et fleuri (voir plage 4). La majoritédes autres poèmes sont anonymes.Le Ìomaynî cultive les thèmes classiques dughazal arabe : un amour impossible pour unebelle inaccessible, la séparation, l'absence, etune empathie intense avec la nature, mais unenature codifiée, faite d'images convention-nelles. Le sentiment amoureux est chanté soustoutes ses formes. L'une des caractéristiquesdu ghazal dans sa version yéménite, c'est quele poète s'adresse toujours à la belle au mas-culin (par exemple plage 3), par pudeur ou pardiscrétion, ce qui n'est pas toujours possible derendre en français (plage 4, où le texte originaldit «Ô le brun», et non pas «Ô la brune»).Le raffinement lexical de la langue arabe faitque cette poésie est particulièrement difficile àtraduire. Ainsi, le «cœur» peut être désignépar deux ou trois mots là où le français n'en aqu'un. Dans cet univers précieux, au sensnoble du terme, le discours allégorique peutparfois désarçonner le lecteur occidental,comme dans ce poème anonyme : «J'aidemandé à l'œil où est passé le cœur / Il a dit :chez celui qui a fait couler mes larmes / Quantà vous, si vous avez un cœur disponible /

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Prêtez-le moi, car le mien, je ne sais où il est»(plage 1, Was†æ).C'est que les parties du corps entrent dans unlangage et un marchandage où l'amoureux estaussi un homme d'honneur qui, en s'offranttout entier à la belle, tente de créer chez elleune dette envers lui-même. Ainsi, dans lepoème n°1, Særic, on lit : «Si la fidélité est unecondition pour devenir ton compagnon / Elleest à ta portée, selon ton désir, alors prononce-toi !», puis, un peu plus loin : «Ma passionpour toi m'a envahi / Alors règle ta dette etrends-moi heureux par ta venue». Dans cettelogique, Dieu est souvent pris à témoin etappelé à l'aide : «Je t'implore par Celui [Dieu]qui t'a élevé si haut / Par Celui qui ne consentpoint que les gazelles m'avilissent».Le ghazal, ou poème d'amour, peut avoir desobjets très différents les uns des autres, maistoujours selon un style et une tonalité com-muns. C'est ainsi que, dans le domaine reli-gieux, on peut chanter son amour pourMuÌammad dans un chant rituel de mariage,mashrab (plage 5), où la beauté du prophète del'islam est décrite dans les mêmes termes quepour un amour terrestre : sa beauté ravit lesesprits ; les pensées du poète sont sa pâture,etc. Là aussi, la traduction n'est pas aisée, carDieu a 99 noms, entre lesquels existent desnuances très subtiles (par exemple, plage 2,Særic, où Dieu est surnommé «le Désiré» (al-

murtajæ), ou, si l'on préfère, «Celui vers quil'on aspire». De plus le nom de Dieu (notam-ment sous sa forme Allah) est souvent répété,tel un mandala (comme dans la plage 5), cequ’il est difficile de rendre de manière litté-raire. Ici, on ne peut gommer la spécificité del'expérience religieuse des Yéménites deSanaa, qui sont d'obédience zaydite. Enfin, il arrive que l'on chante son amour pourla nourriture selon les mêmes archétypes ; c'estainsi que l'on trouve dans un même poème «lebeurre et le blé», «le miel» et «le moutongras», ainsi que le qat 2, incontournable auYémen, tous associés dans un même amourpour les «filles aux yeux languissants et auxjoues bien roses» (plage 6). Yahya al-Nºnº chante passionnément tous cestextes baroques dont il aime à prendre lesmétaphores au pied de la lettre, avec une gour-mandise et une jubilation qui passent dans samusique, au delà de la compréhension linguis-tique. Cette passion qu'il cherche à transmettreavec une intensité juvénile, ne s'est pasdémentie avec la maturité. Il la résume souventpar un jeu de mot sur son nom : al-nºnº, enarabe yéménite, signifie «le nouveau-né».

JEAN LAMBERT

2. Plante aux vertus stimulantes (alkaloïde) de l'Arabie et de laCorne de l'Afrique. Les Yéménites en mâchent les poussesvertes, comme passe-temps en société, en général l'après-midi.

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1. Fertash

a) Introduction instrumentale de cycle binaire.

b) Dasca : «Bi-smillahi mawlænæ, btadaynæ»(anonyme)Au nom de Dieu, notre Seigneur, nous com-mençons / Et nous Le remercions pour ses bien-faits. / Nous demandons son intercession entoutes choses, / Tout ce à quoi aspirent les créa-tures du Seigneur des Mondes / Par les nomsqui sont mentionnés dans un Texte 3, / Et tout cequi est préservé dans l'Au-delà / Par tous lesLivres que Dieu a révélés, / Et par le Coran quiest un baume pour les croyants, / Par le Guide 4

qui est notre recours, / Par tous les Prophèteset tous les Envoyés, / Par sa famille et sesCompagnons tous ensemble, / Nous avonsintercédé, ainsi que par leurs successeurs.Refrain : Grâce à Dieu, Dieu ordonne.

c) Was†æ : «RaÒºlî gºm balligh lî ishæra / Ilæcind al-malîÌ al-Ìælî al-zayn» (anonyme)Ô mon messager, va et emporte pour moi unsigne / Jusque chez la Belle, la très Douce,Et empresse-toi. Si elle répond : «Bonne nou-velle ! / Bienvenue, sur ma tête et la pupille demes yeux !»

Apporte-moi, de l'élue de mon cœur, un signe /Pour que nous sachions ce qu'il y a entrenous.Quant à vous, si vous avez un cœur disponible /Prêtez-le moi, car le mien, je ne sais où il est.J'ai demandé à l'œil où est passé le cœur, / Il adit : Chez celui qui a fait couler les larmes.Qu'as tu donc, petit faon, / Tu m'abandonnes,tu n'as pas de pitié pour ma passion brûlante.Quant à vous, si vous avez un cœur disponible /Prêtez-le moi, car le mien, je ne sais où il est.Je sais très bien où est passé mon cœur, / Maisqui d'entre vous osera ?Mon palpitant est votre prisonnier, / Il n'ac-cepte pas de nuire à des musulmans.Quant à vous, si vous avez un cœur disponible /Prêtez-le moi, car le mien, je ne sais où il est.Comme est cruelle cette absence pour moi /Sans pitié et sans morale.Qu'entends-je dire à mon propos ? / Vous vouslaissez aller à écouter les ragots ?Même pas une lettre pour moi, / Et pas un mes-sager ne m'apporte un cadeau.Quant à vous, si vous avez un cœur disponible /Prêtez-le moi, car le mien, je ne sais où il est.

d) Særic : «Anæ mæ shuft fi-l-ghozlæn mithlek»(anonyme)Je n'ai vu personne comme toi parmi lesgazelles. / En un clin d'œil tu as ravi mes senset ma raison.

3. Il s'agit du Coran et des 99 noms de Dieu qui y sont men-tionnés.4. Il s'agit du Prophète.

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Et aucune belle n'est venue avant toi / Faire ceque tu me fais, à qui l'aurait aimée avant moi.Si la fidélité est une condition pour ton com-pagnon, / Elle est à ta portée, alors prononce-toi !Pour toi, je suis venu habiter la contrée deParis / J'ai quitté ma patrie, abandonné monvillage.Dis-moi quand, ô pleine lune, te rencontrerai-je / Quand joindras-tu ton univers au mien ?Unis-toi à moi, même si mon cœur est déjàchez toi, / Je veux dire : viens me visiter.Combien faut-il te le dire, toi qui es ma vie ? /Je suis ta chose, mon aimée, tout entier.Ton amour a pris possession de mon cœur, /Ma passion pour toi m'a envahi.Alors règle ta dette et rends-moi heureux parta venue, / N'augmente pas ma nostalgie etmon désarroi.Je t'implore par Celui qui t'a élevé si haut, /Par Celui qui ne consent point que les gazellesm'avilissent.Ecoute ce que je te dis, mon aimé / Et chantemoi ces mots à satiété.Tu m'affliges, mais je t'immole mon âme / Tum'enivres d'un verre de vin doux ;Mais si tu veux que ton destin s'accorde aumien, / Alors dis mille saluts sur Taha (leProphète) et prie pour lui.

2. «Ayyu shayyin ara– wa-asmacu hamsa–»(MuÌammad al-Khamîsî) 55

a) Dasca :Que vois-je, qu'entends-je chuchoter ? / C'estmon ouïe qui éveille mes sens.Elle me dit que Sanaa / Me charge d'un salut àla France.Refrain : Souris donc, voilà, c'est la France.Sanaa a su que j'allais la quitter / Pour unvoyage inoubliable.Elle m'a chargé d'un salut qui n'a pas sonpareil / Pour les plus belles filles, celles quisont dans chaque port.J'ai dit : «Mais comment lire ce salut alors quemes mots / Sont de l'arabe et que leurs mots mesont incompris ?— Fais donc des signes de la main / Et dessignes de la tête, si tu as une tête».

b) Was†æ : «Puis emporte avec toi un bouquet de roses /Et asperge de ses essences toutes les âmes.Chante avec les rossignols de Paris / Unemélodie adoucie par le luth.Séduit par son élégance, tu chanteras, / Et luirépondra à haute voix et en murmurant.Rends grâce à Dieu chaque fois que tu verrasune beauté / Et remercie Dieu quand tu verrasla verdure.Salue bien le docteur Jean fils de Lambert / Et5. Composé à l'occasion de sa venue en France en juin 2000.

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Chérif Khaznadar et ceux qui sont en France.Et ne cesse pas de prier pour le Prophète, quele salut soit sur lui / Matin, midi et soir.»

c) Særic : «Yæ mustajîb al-dæcî» (anonyme)Ô Toi qui répond à celui qui implore, / Répondsvite à ma supplication, / Soigne toutes mes dou-leurs. / Ô Désiré, ô Miséricordieux, / Pardonneà Ton serviteur ses péchés / Et ses fautes, Toi àqui l'on doit rendre compte / Par celui qui ahabité à Yathrib 6, / Taha, l'intercesseur desLumières. / J'ai rencontré par hasard la belle /Peu après le couchant, / Habillée d'un gilet rayéd'Alep / Mis par dessus sept tuniques. / Sa coiffede style turc / De la couleur verte de la Mekke /Etait ornée d'un collier de perles / Qui tintin-nabulaient. / Elle faisait trembler la rue / Àgambader comme une gazelle. / Moi qui passaitmon chemin, / Je me suis senti tout chose. / Ellem'a toisé du regard / Avec ses yeux de braise. /Ah, si cela avait été un mawlid 7 / J'aurais fonducomme de l'encens (…). / Elle m'a dit : «Ôpoète, / Votre souvenir est dans mon cœur. /Depuis hier soir, de vous / J'ai entendu des vers, /Des gens les ont chantés / Ils m'ont toute boule-versée ; / Et maintenant je vais mieux, / En vousil y a un remède à la soif d'amour». / Que laprière de Dieu / Soit sur l'Envoyé de Dieu /

Priez Dieu sur lui / Jusqu'à la fin des temps.

3. «Lı- fı- ruba– H. a–jer ghuzayyel atlac»(MuÌammad cAli al-Sûdî)J'ai dans la région de Îæjer, un faon au coudressé, qui ravage les cœurs. / Il a emprisonnéle mien entre Bân et La'la' à l'heure du cou-chant. / Depuis qu'il m'a quitté, je tourne enrond tout le soir. / Pitié pour l'amoureuxenflammé, comme il a du chagrin ! / Et leslarmes ont inondé mes joues. / Laisse donc laparole des envieux, ce ne sont que ragots.Refrain : Où est l'aimé de mon cœur, ô secoursde Dieu ! / Où est-il, où est-il ? Craignez Dieu !

4. «Akhd. ar limeh»(MuÌammad Sharaf al-Dîn)

Dasca et was†æ :Ô la brune 8 pourquoi es-tu avare de tes ren-contres ? / Ô la brune, j'ai été troublé par lasplendeur de tes hanches. / Ô la brune, jusqu'àquand vas-tu atermoyer ? / Ô la brune, ô noi-raude, toutes mes pensées vont vers toi.Refrain : Les choses de l'amour sont bienétranges !

6. Il s'agit du Prophète.7. Dans les séances de mawlid, on brûle de l'encens sur de labraise pour accompagner les prières.

8. S'agissant d'un être humain, akh≈ar doit être traduit par«brun», mais le poète joue naturellement de son sens originel(vert) lorsqu'il compare la belle à une branche d'arbre.

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Ô la brune, par Celui qui t'a dessiné commeune lune, / Ô la brune, par Celui qui t'a faitcomme une branche verte, / Ô la brune, parCelui qui t'a ornée d'une paire d'yeux noirs, /Ne quitte pas celui à qui tu manques, tu vasl'anéantir. / Ô la brune, mon cœur transi techérit, / Mon âme aspire à te rencontrer et àse rapprocher, / Et toi, dis-moi qui donc toncœur aime-t-il ? / M'aimes-tu comme jet'aime ?

Was†æ :Ô la brune, mon petit cœur a fondu, il a étéaspiré. / Ô la brune, je n'aime que toi parmi lesHumains. / Je m'enivre de ton vin, pas de celuiqu'on boit dans un verre, / Car tu n'es quebeauté toute entière.

Særic : Ô la brune, pourquoi le hâle de ta joue / A-t-ildes reflets lapis-lazuli ? / Ô la brune, tu t'esinstallée dans mon cœur. / Je voudrais l'ouvriren deux pour y voir la place qui est la tienne. /Ô la brune, tu m'as inspiré de bonnes actions /Dans tous les sens du terme, apparent etcaché. / La preuve de ta beauté humaine setrouve dans la beauté de Dieu, / Mais si tu n'aspas pitié de moi, j'en mourrai.

5. «Sallı- ya– rabbı-» (anonyme)Prie, ô Dieu pour Taha l'aimé / Allah yâ-llahL'ancêtre des gens de bien / AllahCelui qui a fait cesser le doute en nous / Allahyâ-llahEt sur sa famille, ce sont les meilleurs desHommes / AllahÔ Prophète dont la beauté ravi les esprits /Allah yâ-llahMes pensées sont ta pâture / AllahTous ceux qui voient ta beauté disent : / Allahyâ-llahQue soit glorifié Celui qui l'a fait croître /AllahMes seigneurs, ne me mettez pas à l'écart /Allah yâ-llahEt tenez bon la corde / AllahNous ne recherchons la grâce que de vous /Allah yâ-llahÔ vous qui avez la grâce / Allah.

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6. «Al-burr wa-s-samn khı-rat maa– tishillehbana–nı-» (anonyme)

Was†æ :Le blé et le beurre clarifié, il n'en faut quedeux doigts / Pour le mélanger au miel. / Et lechaudron fait cuire la viande des moutons grasAvec l'oignon et la cardamome. / Puis l'on sertle bouillon dans un grand plat et deux tasses /Et s'il n'y a plus de pain, ça n'est pas si grave. /Et le qat du Wædî 9, qui arrive en quantité ettout blanc / S'il n'y a pas de gatal 10 / Et del'eau fraîche tirée de la source, / Vingt-cinqpots, pas un de moins ! / Et les filles aux yeuxlanguissants, aux joues bien roses, / Auxpropos agréables. / Et le luth qui joue etchante comme le hizar 11 dans mon salon / Oùrègnent la poésie et la cordialité. / Et les bellesaux tresses déployées, qui dansent si bien / Enlançant leurs regards perçants. / Heure aprèsheure elles reprennent en chœur les chansons /Puis s'égaillent dans les champs. / Que maprière soit la plus pure, pour le prophèteMuÌammad / Et pour sa famille, la meilleuredes familles.

9. Wædî ⁄ahr, une vallée verdoyante proche de Sanaa, et d'oùvient le meilleur qat de la région.10. Autre sorte de qat.11. Sorte de rossignol du sud de l'Arabie.

– 11 –cl

.J.L

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cl. M.-N. R.cl. J. L.

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Yahya al-Nºnº is one of the last authenticrepresentatives of the classical singing tradi-tion of Sanaa in Yemen and one of the lastpeople who plays the Yemeni lute, the qanbºs,called †arab in Sanaa. Yahya al-Nºnº was born in 1937, a distantheir to an illustrious but poor family. He wasraised at the Imam's school for orphans whichprovided schooling to children who were tobecome servants to the King and civil servantsof the Yemeni state. Alongside a traditionalreligious education, Yahya al-Nºnº wastrained in modern telecommunications tech-niques. Before the Revolution, he became anemployee of the telegraph service and tra-velled on foot throughout Yemen at a timewhen there were no real roads for motorvehicles. Yahya al-Nºnº thus visited manyremote areas of his country and took thisopportunity to collect melodies and forgottenpoems from old singers whom he met in thevalleys and mountains. Yahya al-Nºnº was first trained in the deman-ding school of Koranic chanting and the inshædreligious vocal repertoire, developing a solidtechnique and a very personal style. He later

turned to the secular ghinæ repertoire, learningto play the oriental lute cºd and the Yemeni lute†arab. At this time he was using Morse codemore than he was playing music, but he alwayscarried with him in his bag a tin of clarifiedbutter which he used as a percussion instrumentto accompany himself in situations where hecouldn't take any other instrument. Yahya al-Nºnº belonged to the turning pointgeneration of people – now fewer and fewer inYemen – who lived during the period prece-ding the Republic (founded in 1962). He seeksto share his memories of this period whenpeople “sang without microphones” and “eve-ryone swept the street in front of his door”…Yahya al-Nºnº feels that history created anartificial barrier between these two periods: themonarchy, in which everyone knew his placein the orderly social hierarchy, and the modernperiod, in which social life seems aimless…While rejecting the negative aspects of the oldsystem, the positive ones were also lost. Is he traditional or traditionalist? It's hard tosay, but Yahya al-Nºnº devotes all his energyto bringing together the shreds of the dramatichistory of modern Yemen. Because he lives

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YemenTHE SINGING OF SANAA

Yahya al-Nu–nu– and Muh.ammad al-Khamı-sı-

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with a strong memory of a period which is inthe past for most of his compatriots, he hasnever sought to make a name for himself inYemen, and has rather hoped to find audienceselsewhere which would understand his uncom-promising approach. It was for this reason thathe chose to share his music with Frenchaudiences before those in his own country 1.The spirit of continuity can be seen in hisrepertoire and also his instruments. Yahya al-Nºnº plays both the oriental lute cºd (recentlyimported to Yemen) and the four-stringYemeni lute, the †arab or qanbºs, of which heis one of the last players. The recordings onthis CD use only this instrument. Yahya al-Nºnº is accompanied by MuÌammadIsmacil al-Khamîsî, one of the last players ofthe copper plate, ÒaÌn nuÌæsî, in the Sanaastyle. He plays this gong with a very delicatetechnique which is particular to Yemen: withthe thumbs balancing the gong, the fingertipsof the right hand make the basic strokes whilethe left hand does the ornamentation. The raresensitivity of this exceptional percussionist (al-Khamîsî says he learned music from hismother) brings a somewhat light, femininetouch which wonderfully complements thevirile playing of Yahya al-Nºnº. The blending

of these two instruments reflects the close andlong-standing partnership of the two musicians. Yahya al-Nºnº has a remarkable sense of inter-pretation and seeks to give the songs of Sanaaall of their structural beauty and emotionaldepth, restoring the poetic and musical unity ofthe songs and with it their meaning. He is oneof the only singers who sings the full texts ofthe poems in the repertoire (translations, asaccurate as possible, are included below). Hisvoice is not especially virtuosic. He seeksrather to express emotions as richly as possible,with a range of subtle inflexions revealed bythe systematic repetition of verses, each timediffering somewhat from the preceding one.

The Singing of SanaaThe Singing of Sanaa is a solo art: the singeraccompanies himself on the short-necked lute,cºd or the small, specifically Yemeni lute, theqanbºs. The richness of the Yemeni playingstyle is based on the wide variety of techniquesfor the right hand, which makes the instrumentplay various roles, successively or simulta-neously: melodic, rhythmic, harmonic accom-paniment, etc..The Singing of Sanaa is the result of a longhistorical maturation. It was nourished byseveral sources: indirect Andalucian contribu-tions, the development of Sufi music under theRasulid dynasty in Taez and Zabîd (14th and

1. By giving two concerts at the Festival de l'Imaginaire inJune 2000 in Paris.

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15th centuries), and Ottoman influences in the16th and 19th centuries. By adding to a veryancient foundation, these various influencescame together to form an original style, inwhich the modal sentiment – typically Arabicbut not theorised – is nuanced by unparalleledmelodic genius. While Yemenis do not attribute much impor-tance to the modal aspects of their music, theyhave however classified their musical stylesaccording to the specific rhythmic cycles: thedasca, two asymmetric (and aksak) cycles in 7and 11 beats, the was†æ, a binary cycle in8 beats, the særic, the same but with a quickertempo. They are grouped in a suite of dancescalled qawma, a sort of Yemeni nºba generallycomposed of three parts ranging from asym-metrical and slow to binary and quicker.

H. omaynı- poetryÎomaynî poetry appeared in Yemen in the 14th

and 15th centuries, probably under the influenceof “Andalucian” poetry via Egypt. ThemuwashshaÌ form in particular was broughtfrom Cairo by the poet Abº Bakr al-MazzæÌ.For the first time, poetry was written in dialect.This was the beginning of a specificallyYemeni Arabic literature. The great poets ofthis school are MuÌammad cAlî al-Sºdî (diedin or around 1524) and MuÌammad Sharaf al-Dîn (died in 1607). The latter was a prolific

author whose amorous agitation fed this sump-tuous and florid style (see track 4). Most of theother poems are anonymous.Îomaynî cultivates the classic themes of theArabic ghazal: impossible love for an inacces-sible beautiful woman, separation, absence,and an intense empathy with nature, but a codi-fied form of nature of stereotype images.Amorous feelings of all kinds are expressed.One of the characteristics of the Yemeni ghazalis that the poet always refers to women usingwords of masculine gender (e.g. track 3) out ofmodesty or discretion, a subtlety which cannotalways by conveyed in translation (e.g. in track4 the original text says “O brown-haired(man)”, and not “O brunette”).The lexical refinement of the Arabic languagemakes this poetry very difficult to translate.“Heart” for example has two or three equiva-lent words in Arabic. In this metaphoricalworld, the allegories can sometimes confusethe Western reader, as in this anonymouspoem: “I asked my eye where my heart hadgone / It said: to she who made my tears flow/ As for you, if you have a heart available /Lend it to me, mine, I don't know where it is”(track 1, was†æ). The parts of the body join in this conversationand in a sort of a bargaining in which the man inlove is also a man of honour who, by offeringhimself totally to his beloved, hopes to provoke

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a debt towards himself with her. In poem n°1,Særic, we read: “If faithfulness is a condition tobecome your companion / You can have it, ifyou wish, so decide!”, then, later on: “My pas-sion for you has invaded me / Pay your debt andmake me happy with your presence”. Withinthis logic, God is often invoked as a witness andis called on for help: “I implore you by Him[God] who made you so great / By He who doesnot accept that the gazelles debase me”.The ghazal, or love poem, can have widely dif-fering subjects, but always with a commonstyle and tonality. In religion for example, thesinger can sing of his love for MuÌammad in aritual wedding song, mashrab (track 5), inwhich the beauty of the prophet of Islam is des-cribed in the same terms as for an earthly love:his beauty ravishes the spirits; the thoughts ofthe poet are his pasture, etc.. Here also, transla-tion is problematic because God has 99 names,with many very subtle nuances (for example,track 2, Særic, where God is called “the Desiredone” (al-murtajæ) or “He to whom we aspire”.

In addition, the name of God (particularly inthe form of Allah) is often repeated, like a man-dala mantra (as in track 5), which is very hardto render in a literary manner. We should notforget the particular religious practices of theYemenis of Sanaa who are zaydites. There are also love songs to food using thesame archetypes. In one poem “butter andwheat”, “honey” and “fatty mutton”, and alsoqat 2, omnipresent in Yemen, are all associatedwith the same love as for the “girls with lan-guishing eyes and rosy cheeks” (track 6). Yahya al-Nºnº sings passionately all of thesestrange texts in which he likes to take the meta-phors literally, with pleasure and jubilationwhich fill his music, going beyond mere lin-guistic comprehension. This passion which hetransmits with a child-like intensity has notdisappeared with age. He often explains it witha play on words from his own name: al-nºnº, inYemeni Arabic, means “the new-born child”.

JEAN LAMBERT

2. Alkaloid-containing plant with a stimulant effect found inArabia and the Horn of Africa. The Yemenis chew the greenshoots as a social pastime, usually in the afternoon.

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1. Fertash

a) Brief instrumental introduction in binarycycle.

b) Dasca : “Bi-smillahi mawlænæ, btadaynæ”(anonymous)In the name of God, our Lord, we begin / Andwe thank Him for his kindness. / We ask for hisintercession in all things, / Everything towhich the creatures of the Lord of the Worldsaspire / By the names which are mentioned ina Text 3, / And everything which is preserved inthe Afterlife / By all of the Books which Godhas revealed, / And by the Koran which is abalm for believers, / By the Guide 4 who is ourrecourse, / By all the Prophets and all theEnvoys, / By his family and his Companions alltogether, / We have interceded, as well as bytheir successors.Refrain: Thanks be to God, God makes order.

c) Was†æ : “RaÒºlî gºm balligh lî ishæra / Ilæcind al-malîÌ al-Ìælî al-zayn” (anonymous)O my messenger, go and take a sign for me /Go to my Beloved, the Sweet one,And hurry. If she answers: “Good news! /Welcome, on my head and the pupil of my eyes!”

Bring me, from my heart's choice, a sign / Sothat we know what there is between us.As for you, if you have a heart available / Lendit to me, mine, I don't know where it is.I asked my eye where my heart had gone, / Itsaid: To she who made my tears flow.What's with you, little fawn, / You abandon me,you have no pity for my burning passion.As for you, if you have a heart available / Lendit to me, mine, I don't know where it is.I know very well where my heart went, / Butwho from among you will dare?My heart is your prisoner, / He won't acceptthat Muslims be hurt.As for you, if you have a heart available / Lendit to me, mine, I don't know where it is.How cruel this absence is for me / With no pityand no confidence.What do I hear said about me? / Why do youlisten to the gossip?Not even a letter for me, / And no messengerbrings me a gift.As for you, if you have a heart available / Lendit to me, mine, I don't know where it is.

d) Særic : “Anæ mæ shuft fi-l-ghozlæn mithlek”(anonymous)

I've seen no one like you among the gazelles. /In a glimpse you ravished my senses and myreason.3. The Koran, and the 99 names of God used in it.

4. The Prophet.

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And no woman came before you / Do what youdo to me, to he who would have loved youbefore me.If faithfulness is a condition to be your compa-nion, / You can have it, so decide!For you, I came to live in Paris / I left myhomeland, abandoned my village.Tell me when, o full moon, I will meet you /When will your universe join with mine?Unite with me, even if my heart is already withyou, / I mean: come to see me.How many times must I say it, you who are mylife? / I am yours, my beloved, completely.Your love has taken possession of my heart, /My passion for you has invaded me.So pay your debt and make me happy withyour presence, / Don't increase my longing andmy confusion.I implore you by He who made you so great, /By He who won't accept that the gazellesdebase me.Listen to what I'm telling you, my beloved /And sing me these words until I am sated.You distress me, but I sacrifice my soul for you /You make me drunk with a glass of sweet wine;But if you want your destiny to be tied to mine, /Then say one thousand hails to Taha (theProphet) and pray for him.

2. “Ayyu shayyin ara– wa-asmacu hamsa–”(MuÌammad al-Khamîsî) 55

a) Dasca :What do I see, what do I hear whispered? / Myhearing awakens my senses.It tells me that Sanaa / Has made me thebearer of greetings for France.Refrain: Smile, smile then, so it's France.Sanaa learned that I was to leave her / For anunforgettable journey.It charged me with a greeting which has noequal / For the most beautiful girls, those inevery port.I said: “How can I read this greeting with myArabic words / And their words which I don'tunderstand?— Then make some gestures with your hand /And with your head, if you have a head”.

b) Was†æ : “Then take with you a bouquet of roses / Andsprinkle all the souls with its essence.Sing with the nightingales of Paris / A melodysweetened by the lute.Seduced by its elegance, you will sing, / And hewill answer in a loud voice and murmuring.Give thanks to God each time you see a beauty /And thank God when you see the trees.

5. Poem composed for his visit to France in June 2000.

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Say hello to Doctor Jean son of Lambert / AndChérif Khaznadar and all those in France.And don't stop praying for the Prophet, thatsalvation be with him / In the morning, whenthe sun is high, and every evening.”

c) Særic : “Yæ mustajîb al-dæcî” (anonymous)O You who respond to he who implores, /Quickly answer my plea, / Relieve me of mypains. / O Desired one, Merciful one, / PardonYour servant his sins / And his faults, You towhom we must answer / By he who lived inYathrib 6, / Taha, intercessor of the Lights. / Bychance I met this beauty / Just after sunset, /Dressed in striped vest from Aleppo / Put overseven tunics. / Her hair in Turkish style / Ofthe green colour of the Mekke / Adorned witha pearl necklace / Which tinkled. / She madethe street tremble / Leaping like a gazelle. / Iwas just going my way, / I felt somethingstrange. / She looked me over / With her fieryeyes. / Ah, if it had been a mawlid 7 / I wouldhave been consumed like incense (...). / Shesaid to me: “O poet, / Your memory is in myheart. / Since last night, from you / I heardyour poems, / People were singing them /They moved me tremendously; / And now Ifeel better, / In you there is a remedy to thethirst for love”. / May God's prayer / Be withGod's Envoy / Pray to God for him / Until theend of time.

3. “Lı- fı- ruba– H. a–jer ghuzayyel atlac”(MuÌammad cAli al-Sûdî)

I have in the region of Îæjer, a fawn with aproud neck, who ravages hearts. / She impri-soned mine between Bân and La'la' at sunset. /Since she left me, I am beside myself allevening. / Pity the tortured lover, how great ishis sorrow! / And the tears have flooded mycheeks. / Forget the words of the envious, it isjust gossip.Refrain: Where is the beloved of my heart, ohelp of God! / Where is she, where is she?Fear God!

4. “Akhd. ar limeh”(MuÌammad Sharaf al-Dîn)

Dasca et was†æ :O brunette 8 why won't you see me moreoften? / O brunette, I was disturbed by thesplendour of your hips / O brunette, how longwill you keep me waiting? / O brunette, o darkone, all my thoughts go to you.

6. The Prophet7. During the mawlid, incense is burned on charcoal to accom-pany the prayers.8. Referring to a human being, akh≈ar (lit. green) can be trans-lated as “brown-haired” / “brunette”, but the poet is playing onits root meaning and compares the woman to the branch of a tree.

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Refrain: The affairs of the heart are strangeindeed!O brunette, by He who sketched you like themoon, / O brunette, by He who made you likea green branch, / O brunette, by He whoadorned you with a pair of black eyes, / Don'tleave he who misses you, you will destroyhim. / O brunette, my numbed heart cherishesyou, / My soul aspires to be with you, to getclose to you, / And you, tell me then who yourheart loves? / Do you love me as I love you?

Was†æ :O brunette, my little heart has melted, it wassucked out. / O brunette, I love only youamong human beings. / I get drunk from yourwine, not that which is drunk from a glass, /Because you are all beauty.

Særic : O brunette, why does your tanned cheek /Have lapis-lazuli highlights? / O brunette,your moved into my heart. / I would like to cutit in two to see your place within it. / O bru-nette, you have inspired me to good actions /In all senses of the word, apparent andhidden. / The proof of your human beauty isfound in the beauty of God, / But if you don'ttake pity on me, I will die.

5. “Sallı- ya– rabbı-” (anonymous)Pray, o God for Taha the beloved / Allah yâ-llahThe ancestor of all good people / AllahHe who removes the doubt in us / Allah yâ-llahAnd for his family, the best of Men / AllahO Prophet whose beauty ravishes the spirits /Allah yâ-llahMy thoughts are your pasture / AllahAll those who see your beauty say: / Allah yâ-llahGlory be to He who made it grow / AllahMy lords, don't brush me aside / Allah yâ-llahAnd hold the rope strongly / AllahWe seek grace only from you / Allah yâ-llahO you who have the grace / Allah.

6. “Al-burr wa-s-samn khı-rat maa– tishillehbana–nı-” (anonymous)

Was†æ :Wheat and clarified butter, just two pieces / Tomix with honey. / And the pot to cook the fattymutton / With onion and cardamom. / Then weserve the bullion in a big dish with two cups /And if there's no bread, it's not so bad. / And theqat from Wâdî 9, copious and white / If there is

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9. Wædî ⁄ahr, a lush valley near Sanaa which produces thebest qat in the region.

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no gatal 10 / And fresh water drawn from thespring, / Twenty-five pots, not one less! / Andthe girls with the languishing eyes, with rosycheeks, / With sweet words. / And the lute whichplays and sings like the hizar 11 in my salon /Where poetry and cordiality reign. / And the

beauties with their hair down, who dance sowell / Giving you piercing looks. / Hour afterhour they sing songs / And make merry in thefields. / May my prayer be of the purest, for theprophet Mohammed / And for his family, thebest of all families.

10. Another type of qat.11. A type of southern Arabian nightingale.

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Yémen YAHYA AL-NU

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Le Chant de Sanaa

Yemen YAHYA AL-NU

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The Singing of Sanaa

INEDITMaison des Cultures du Monde

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Catalogue disponible sur demande / Ask for the catalogueMaison des Cultures du Monde • 101 Bd Raspail, 75006 Paris • Francetél. +33 (0)1 45 44 72 30 • fax +33 (0)1 45 44 76 60et sur internet / and on internet : www.mcm.asso.fre-mail : [email protected]

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distribution NAÏVE-AUVIDIS

OP 2001

INEDIT/MCM

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YEMEN • LE CHANT DE SANAA • THE SINGING OF SANAAYAHYA AL-NU

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Collection fondée parSeries founded byFrançoise Gründ

dirigée par / headed byPierre Bois

chant et luth qanbu–s / vocals and lute qanbu–sMuh.ammad al-Khamı-sı-, gong sah.n nuh.a

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1. Fertash ..................................19’11”2. «Ayyu shayyin ara–

wa-asmacu hamsa–»(Muh.ammad al-Khamı-sı- ) ......13’50”

3. «Lı- fı- ruba– ha–jer ghuzayyel atlac»(Muh.ammad cAli al-Su–dı-) ........8’00”

4. «Akhd. ar limeh»(Mh.d Sharaf al-Dı-n)........18’26”

5. «Sallı- ya– rabbı-»(anonyme) ........................6’07”

6. «Al-burr wa-s-samn khı-rat maa– tishilleh bana–nı-»(anonyme) ......................11’46”