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Co) m.as 2zi ti in DU MÉME AUTEUR PAUL ZUMTHOR u ti u AUX :vIÉSIES ÉDITIONS Essai de poeticue rnédieuale coll. • Poetique - 1972 Langue. Texte. Érugme col!. • Poétique-. i 975 Le Masque e: la Lurn . ilre con. • Poeuque • . /978 Introduction á la poésic orale coi!. • Poésique -. 1983 CHEZ D'AL- MES EDITEURS LA LETTRE ET LA VOIX u Histoire littéraire de la France rediévale DE LA . (LITTERATURE- MEDIEN/ALE PUF 1 u u Langue et Techniques poétiques 'á l'époque romano Klinck.steek Le Putts de Babel Gallintard Victor Hugo. poéte de Sama Latían: _ lii+f20a0CciON- H _ cprP 4.2 PCEUE. A vEC LE CONCOURS DU CENTRE. VA TiONAL DES LITTREs ÉDITIONS DU SEUIL 27. rue Jacob. Paris VI` 1 N u II 1

Zumthor- La Lettre Et La Voix

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Page 1: Zumthor- La Lettre Et La Voix

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DU MÉME AUTEUR

PAUL ZUMTHOR

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AUX :vIÉSIES ÉDITIONS

Essai de poeticue rnédieualecoll. • Poetique - 1972

Langue. Texte. Érugmecol!. • Poétique-. i 975

Le Masque e: la Lurn. ilrecon. • Poeuque • . /978

Introduction á la poésic oralecoi!. • Poésique -. 1983

CHEZ D'AL-MES EDITEURS

LA LETTREET

LA VOIXu Histoire littéraire de la France rediévale

DE LA .(LITTERATURE- MEDIEN/ALEPUF

1u

u

Langue et Techniques poétiques 'á l'époque romanoKlinck.steek

Le Putts de BabelGallintard

Victor Hugo. poéte de SamaLatían:

_ lii+f20a0CciON-H_ cprP 4.2

PCEUE. A vEC LE CONCOURSDU CENTRE. VA TiONAL DES LITTREs

ÉDITIONS DU SEUIL27. rue Jacob. Paris VI`

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II

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1. Perspectives

Le ?Fu:irrite/T[1u. Les muiriples 0/Ciitét. • Dépiacements nécessaires. Reperesspano.lemporeis.

C'est á propos de la chanson de geste que se posa d'abord. en France.le problerne: ailleurs. á propos de formes diverses de poésie heroique, duBeowulf aux Nibelungen et au Cantar de mea Cid. De ce domaine

pnvileg ie. les questionnements s'étendirent peu á peu 3 d'autres secteursde notre • iittérature medievaie -, au gre de circonstances tenant S lanature des textes. des langues concernées. voire des traditions scientifi-ques locales et des contraintes universitaires: ainsi. dans l'auvre de JeanRychner. l'un des principaux initiatcurs. !a focalisatton se depided. ccrespace de cinq ans. de la chanson de g este au fabliau. Rien de surpre-nanc á ce qu'une rupture se soit produice dans les présuppositions deschercheurs. justement sur le premier point. Des habitudes héntees .cluromantisme poussaient á ran ger elobalement de tellesieuvres sous Vett-quette d': . épopée et cede-c: renvoyait á Homtre. chasse g ardée des

poenciens de forma • on classique. La découvene. déjá ancienne. de !amultiplicité des couches textueiles dans Mude et iDayssée naval( nenenleve á ces poérnes de teur caractere exernpiaire: avait á peine distendute lien. intime et irrationnel. qui les actachait á une conceptton de le

poésie. genérale en Europe depuis le xvr stecle. D'oil une valonsatiordes epopees- medievales. dans le contexte des revolutions romantiques.L'exemple int:pis est le plus clair : de Francisque Michel (en passant pa:Victor Hugo; jusqu'a Joseph Bédier. on assiste á une récuperation de:chansons de geste. legues et ciéchiffrées comete les documents originelde la littérature nationale.

D'oil la force du choc quand, deux ans aves ie Romancerb de Ntenendez Pidai. parta en 1955 la Chanson de geste. essai sur Van éptque de.jongleurs. de Rychner. Celut-c: sinspirait des communicacions présenlees en 1936. puis en 1951. par A. B. Lora á rAssociatton américaine

á

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INTRODLCTION

philologze: exploitant les recherches de son maitre Perry. pré:naturémentdécédé. Lord expliquait les particularices du texte homérique par lesnécessités propres á la transmission orate chez les aedes, et rendaitcompre de celles-ci en decrivam la pratique de guslar ser bes et bosniaquesobserves ven 1930. Aucour de Lord. Rychner rarneuraic d'autres sources.plus anciennes et demeurées inconnues des médiévistes. :els !e lisie deL. Jousserandoc sur les Bylines russes (1928) et — beaucoup plus im-portant á long serme — celui de Marcel Jousse sur :e Sede oral e:mrsernorechnique chez les verbo-moreurs 11925).

Rychner opérate sur neuf chansons de geste du siécle (certainesreprésentanc sans doute une tradinon un peu plus anciennet. 11 relevait.dans l'ordre de la composicion. de la texture verbale et du mouvementgeneral. les ressemblances, sur plusicurs points frappantes, entre cespoimes et les chants yougoslaves. II en déduisait une homologte que Fonpouvan étendre aux conditionnements extornes de l e ceuvre: action durécaant. distribution des séances, inserion dans !a sic 50Ciale. Le livr:laissait bien des points obscurs. et l'auteur s'etair peut-étre facilité latáche par le choix des exemples. Peu importe : un tournam dan pris. Uncongrés. reuní á Liége en 1957. en mesura i'enverzure._ en mime tempsque l'inergie de ceux qui eardaient la main sur le fretn! Dans les dix ansqui suivirent. recherches et hypotheses se multipiiérent. Une méthode dedépiscage de l'oralité s'était constituée. d'autant pius süre d'elle-mimeque plus attaquee de l'extérieur. Ses tenants n'hésitatent pas á nrer unedoctnne des conclusions erapinques ter du plus grand trueno leurpermettait datteindre. Dés 1967. N(ichaet Curschmann pouvait. l'in-rention des médiévisces • Parre un hilan. encore somrnaire. Man. á la findes années 70. paraissaient successivement en Allemagne le premierouvrage de synchése et de bibliographie ainst qu'une antholozie d'anidesparus entre 1953 et 1977 sur l'oralité de l'épopée médiévaie anelo-saxonne cc allemande: la chanson de geste y dan touchée par le biais dela musique Aussi bicn, les résistances demeuraient foses. En 1978encore. au Comes de la Société Rencesvals. rezroupant la ptupart desspécialistes européens et américains en la metiere. l'un d'eux fulmtnaitcontre le • précendu caractere oral des chansons de geste». Sa communi-canon fut sti p/te d'un deba( qui. me semble-t-il. toumait á sa confusion.mais revelan plus encare á que! point. de pan et d'autre. l'areurnentation.

i. Curscamann 1967: Haymes: Voorwineen-Haan

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PERSPECri‘ ES

:undée sur la sede démarche compareciste. dudan le vénzable procli-he 2 . En fati. pour cette raison mime. sans doute,ne passionnadans les années 60-70 qu'une minorté de médiévistes: et aujourd•hui.chacun tenerle ses positions pour acquises. Finten: retornbe.

L'impression. ressentie par beaucoup. de deboucher sur une impasseprovient de ia nature mime des procédures employées, au cours desannées. pour localiser approximativernent, dans l'écendue et !a duree— s'aglt-il en effet d'autre chose? —. les faits d'oralite médiévale. Deces procédures. ie n'u pas á refaire ici le catalogue. Un znalentenduembrume l'hortzon. qu'il importe d'éclairer d'emblee: bien des specia-listes (oublieux d'un important anide publié des 1936 par Ruth Crosby/admectent taciternent que le tenme d'oralité. en deeá de la transmission dumessage poitique. implique son improvisacton: la plupart laissent leurlecteur dans le doute. Paute de s'are posé la question. rant dequerelles suscitées par la théorie de Parry-Lord. élaborée pour rendrecompre de procedes de pseudo-improvisation épique. mais prise pourdéfinitoire de toute poesie orate. De mime. on exposé bien desdivaeations t'atice d'avoir distingue entre tradizion orate e: transmissumorate : la premtere se stcue dans la durée: la seconde. caos le présent de laperformance.

En verte. le fait de Voralité. réduit aux termes oil r' onc. assez som-mal:en-tent. definí tan( de savantes contributions. sincere mai dans laperspective genérale ues études medievales. II y tigure désormais: c • est leseui pum( assuré: mais de facon marginaie. comme une curiosité. torreune anornalie Au pis, on en prend son pum: toute nature produit sesmonstres. ce n'est pas une raison pour faite de la térarotogte la mesure Ce:out! On oublie qu'une ••anomalie -. [est un fait en quéte d'interpreta-non. Jamais jusqu'id Fon n'a tenté mime d'interprete: l'oraticé de lapoésie mediévale. On s'est contenté d'en conscater l'extstence. Or. :outcomme un squelette fossile. une fois repiré. doit erre digné des sédt-tenis qui Vernorisonnent. de mime la poesie médiévaie doit Vare dumtlieu tardif oú l'extstence des manuscnts luí a permis de substster: cesdans ce rndieu que se conscirua le préjugé faisant de l'écriture la formedominante — héeérnonique — du langage. Les rnéthodes elaborées sousI' intluence de ce préjugé (en fait, toute la ptitiolocie du XIX' 5-tecle. ec dunórre encere pour une pan non seulernent tiennent peu de compre de

2. Calas-Ouggan.

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Page 4: Zumthor- La Lettre Et La Voix

INTROOLCTION

leurs limites de vaiidité. mais ont du mal á 1.tcrrniner. dans :a profondeurchronolostique. la juste distante considérer leer objet. Recherches etraexions sur !'oralité de la chanson de geste ( je prends cet exemplel °nietc jusqu'id pour atar d'ébranler quelque peu les assurances. d•auénuerla portee de plusieurs termes et de diffuser un cern nombre de doutescommuns. Elles ne nous ont point apporcé de ceraude. Mais. justernent.la questton n'est pas celle d'une certicude. C • est ceile de notre mode deperception et. plus encore. de notre volonté d'ouverture. impliquant uneincéeradon. dans la lecture de nos vieux temes. d'une sone d•imadnacioncnnque. De ce point de vue. peu importe la chanson de geste cometeselle. Cest un phénoméne general qu'U convient de considérer. bien endeba d.. la maténalité de tel genre parnculier: le phénoméne de la voixhumaine. dimension du teme poéttque. déterminée á la fois sur les plansphysique. psychique et socioculturel. Si les discussions sur !'oralité destraditions podiques ont aujourd'hui perdu ;out mordant. ce n'es( pas— ou ce n'es( que secondairernent — cause de l'équivocue des faits.Ces( parte que — 'norrnis quelques fugaces exceptions — cene oralitén'es( interro gee ni sur sa nature ni sur ses fonctions propres. non plus quele rrioyen á ge en cara que lieu de résonarce d'une voix.

Troce remarques genérales. avant de poursutvre.II convient — d'abord — de distinguer trois types d • oraiité. corres-

pondan( á :mis situations de culture. L - un. pnmaire et immédiat. necomporte aucen contad avec !'¿triture: en fait. il se rencontre sec.:temen(boa dans des sociétes depourvues de tour syméme de symboiisationgraphique. soit dans des groupes soctaux isolés et analphabews. On nepeur douter que tel aic été le cas de (arces secteurs du monde pausanmédiévai. dont la vieille culture, traditionnetle. opprimée. archéo-civili-sanan ernplissant les vides de l'autre. dut componer une poésie d'oralitépnmaire. dont quelques bribes subsisten( peur-étre. recuetilies par desamateurs de pictoresque : amsi. au mtr • siécie. dans bien des sermonsils per:le:tem au prédicateur d'illustrer piaisamment ou allécoriquementson theme. II n'est pas douteux cependant que la quasi-zotaiité de lapoésie niediévale releva de deux autres :jipes d'oralité. don( le wattcomrnun est qu'ils coexiste:u. au sein du groupe social. avec l'écnture. Jeles at nommés respectivernent oralité inicie quand l'influence de l'écrit y

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PERS PECT1VES

demeure externe. parnelle et retardée. et «diré seconde quand elle se

recompose á partir de l'écnture au sein d'un milieu tend áexténuer les valeurs de la voix dans l'usage et dans l'imagmaire. En

inversant le point de vue. on dirait que l'orante mime procéde de I l exis-cence d'une culture ..éctite (au seas de possédant une écriture -):Foralité seconde. d'une culture •lettrée • ton tome expresston est mar-

quee plus ou monis par la presence de l'écriú. Entre !e et le xvrde. prévaiut une simation d'orante mixte ou seconde selon les époques.les rézions. les c!asses sociales. sinon les individua. La réparicion.revanche. ne suit aucune chronoiogie. méme s'U est. en gros. vraisem-blable que !'importante relative de l'oralité seconde se sois accrue a partir

du xtilt siécie. Le plus anclen poéme • francais -. la séquence crEulalie.

peu antérieure á 900. composée par un moine lectre á l'intention destideles assemblés dans l'ézlise de Sainc-Amand. prés de Valenetennes.rdevait d'un régime d'oraiité seconde; les onginaux populaires de ceque j'ai nominé !es -chansons de rencontre aux '<ir et mil` stécies. setransrnettatent probabiement en régime d'oralicé mixte.

Deuxtéme remarque : Au sean d'une société connaissant l'écriture. touttexte poétique. dans la mesure oit il vise á etre transmis á un public. estmacere:le:nen( soumis á la condition suivante : chacune des c:nq opera.tions qui conscicuent son hiswire (sa production. sa communtcation. sa

réception. sa conservation et sa repétitioni se réalise soit par vote senso-nene orale-auditive. soit par le moyen d'une inscription &fent á laperception visuelle, soit — plus rarement — par ces deux procederesconcurrernment. Le nombre des combinaisons possibles est eleve e: laprobiématique. ainsi. diversifiée. Lorsque commumcation ez réceprion

(ainsi que. de maniere exceptionneile, production> coincident dans leternps. on a une situation de performance. .

Troistéme remarque: Lorsque le poéte ou son interprete chance ourecite fique le texce sol( improvisé ou mémorise). sa voix seule confére ácelui•ci son autoricé. Le orestige de la traciition. cenes. contribue á levaloriser: mats ce qui l'inte gre á teme cradition. des( l'action de ia voix.Si le poéte ou !'interprete. en revanche. lit dans un livre ce qu'entendentses auditeurs. l'autoricé provtent plutót du livre comete tel. objec visuet-lement percu au centre du spectacle periormandei; l'écriture. avec !esvaieurs qu'elle sittnifie et maintient. est explicitement parle á la perfor-

mance. Dans le chant ou la récitation. méme si !e texte declamé a étécomposé par écrit. l'écnture reste occultée. La lecture publique. par lá

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Q•u

1E1

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1N'TRODUCTION. • ..

mime. est monis cheatrale. quelle que son par ailleurs l'actea du lecteur:la présence du livre. élément fixe, (reine le mouvement dramatique. muten y introduisant des connotations originales. Elle ne peut néanrnoinselimine( la prédominance de [cite( vocal.

La coexistence. dans la pranque culturelle. de ces conditionnernentspoétiques divers est universellement actestee en Deciden!. de l'Irlande á laNioscovie et de la Nonege i l'Espa g ne. du x' ou xc e siecie auxXvIr. parfois xviti". Les comoinaisons. en revanche. de cano de facteursau iré des circonstances en gendren: des situations trop multipies pour nepas estornper (aux yeux de l'observateur rnodernei leur trait commun.Beaucoup de médievistes son: ainsi pones á négliger ou á le tenirpour acquis. c'est-a-dire nul ec sans effet : et cela d'autant plus que cien ncperno: d'anacher de (*non scable á tel genre poétique tel mode dezransmission: aucun indice. dans la tradition documentan-e ni dar.s lestextos. ne nous interdit de penser — mime si cela est peu probable —quetalle chanson ait un jour été !Lie. á voix parlée. devane un zroupe d'audi-teurs: certains rabliaux n'auraient-ils pas éte chances. i l'imitar:0n ironi-que peut-etre d'une chanson de geste. comrne Audigeer : d'une chansonlyrique. comme &alter. dont la forme métnque repu gne. me semble-t-ii.á la simple recimtion?... Les possibilités éclatent. :es schemes présuppo-ses s'ettricent dans le doncret. Reste l'omniprésence de la voix. pude:-pan:. sa pleme maté:lance. I la gond:lance du texte. e: par iá modinanten quelque (non pour nous les re g les de sa lecture.

Lacte d'audicion. en effec. par Jeque: l'iguvre tau terne peut-etre danlon g procese se concrétise sociaiernent ne peut pas ne point s'inserire paranticipacion dans le texte. comme un projet. y tracer les signes d'uneintention: e: celle-ci definir. pour une paro. le iieu d'aniculation dudiscours dans !e sujet qui le prononce.

Ainsi. non moins que de domine: les techniques de la philolo g ie e: del'analyse texwelle. la tache idéale uu médievisce senil de se convamcredes valeurs incomparables de la voix : d'y sensibiliser son attention:nueux. de les vivre. jar elles n'existent qu • á chaud. indépendamment desconcepts dans lesquels force est bien de les empnsonner pour les diente.Nocre ¿lude devrait pulses son inspiraccon et son dynamisme dans la

considération de cette beauté interieure de la voix humaine. pnse au pius

PERSPECTIVES

ores de sa source n , comme disalt Paul N'atén, . Cene beauté peut. il est

vrai. se concevoir comme particuliére. propre á l'individu emetteur duson vocal : á ce cutre. et sutif exception difficilement imaginable. ene nousreste insaisissable. par-dela de si !emes durées. Muss elle est concevableaussi comme historique et sociale. en ce quede una les étres et. par

I • US3IIC qu'on fan d'elle, module la cuirure dommune. Dans le texteprononcé. ne serait•ce que du seul fan qu • ii Test. s'invesztssent despuisions ci • oti provienc pour l'aucticeur un messa ge specifique. informante: formalisan t á sa facon celui du texte: ce que Fona gy. dans un lisrericen:. nomme. au sens !e plus fon du rerme. le styie vocal Aumomeen quelle l'énonce, la voix transmue en le si g ne symboli-que délivré par !e langage: elle tend á le dépouiller. ce si gne. de ce qu'IIcomporte d • arbitraire: elle le motive de la présence de ce corps dont elleemane: ou bien. par un effe: contraire ;mis anaiogue. avec duplicicé elledécourne du corps riel l'anention. dissimule sa propre or ganielté sous latiction du masque, sous la amigue de l'adteur á qui pour une heure ellepréte vie. A l'étalemenc prosodique. á la temporalité du langage la voiximpose ainsi. jusqu'a les gommer. son épaisseur et :a venicallud de sonespace.

Ces: pourquoi je pretere. au mor d'oralird. ce!ui de vocaüre. Lavocalicé. l'historicité d'une voix: son usage. Une longue tradinon depensee. il est vrai. considere et valonse la voix en tant qu'elle porte !elanz.age, qu'en cite e: par elle s'articulent les sonorices signiBances.Pourtant. ce qui doit nous revenir davancage. c'est la ioncnon iar ge de lavoix — dont la paroie consucue la marniescanon la plus evidente. mais nila seule ne la plus vitale : je veux dise l'exerc:ce de 53 puissance physioio-gique. sa capacité de produire la phonie e: d'en organiser la substance.Ce:teSoné ne cien: pas au sens de maniere irnmédiate : elle ne laif queprocurer son heu. Ce qui se propose ainsi i l'attention. d'es: raspee;con ore! des cextes médievaux. !eur mode d'existence ea tan: qu 'objets depe:ce:anon sensonene : aspec:. mode d'existence eui. z.prés tan: de sil-des. relevent pour nous de cene sone de memoire. toujours en :erran.macs prite á intervenir pour résonner la langue. presque á I • insu dusujet qui i'aurait comme appnse par ctrur • comme l'écric suoerbementRoger Dragonear'. L'éloienement des ternos. cene si longue absence.

3. Fonagy. p. 57-176.4 Dragonea' 1984. p. 369.

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INTRODUCT:ON

nous contraint á poursuivre ce que nous savons ne pouvoir atteindre : c'estdone en nous que se joue le son de la paradoxale connaissance á iaquelleainsi nous aspirons. Nul dome que la voix medievale ide méme que lechane dont nous entrevoyons quelle put étre la pranque: ten repugné á selaisser capturer dans nos métaphores. inspirées par une hantise du dis-cours prononcé. lindaire et homophone pour eelui•c:. ternos commeespata constituent un recipient neuzre. oó se déposen: des sons cummeune rnarchandise. Mais il est une autre voix — une acure écoute á

du reste. nous invite notre musique !a plus récente — qui se:efuse á penser l'un. se refuse i réduire i'acte vocal au produic d'unechaine causale univoque.

C'est dans la perspective de son ultime incapacité d'éprouver (sinon deprouver!) que fe medie s-P iste enregtszrera ce fait majeur — et qui( s'effor-cera d'en me:. sur le plan de rinterprétation. les conséquences : l'ensem-ble des textes á nous le gues par les Xe . xie . siecles. et dans unemesure peut•étre moindre mil' e: !n ye . a transité par la voix non pas deCaqui aleatoire. mais en verzu d'une situation histormue taisant de cetransit vocal le seul mode possible de M'alisar= — de socialisation —deces textes. Teile est ma thesc — ou mon hypothese. Elle embrassenaturellement les chansons. mais aussi bien les recits et Ude:mations de:out genre. les chroniques méme. Seui pourratt exi ge:: un examen dishrictle coman: je le feral. Sans dome exhumeraic-on quelques cas excepuon-nets ils seraient. une (bis repares. a considere( un á un. comme echap-pene a la norme.

II s • agit de dialogue: ave:: des termes anc:er.s. porteurs d'un discoursque. reduits a notre seule instrumentation intettectueite. nous n'entendonsplus. Ve subsiste que la possibilite de cIrconsente cc d • éciairer quelquesseczeurs-carrefours on convergenc de g randes perspectives et °U. dans leur:ame. se reforme ilgurérnent cspace. L'oraiité de !a poésie médievale estmotns une question de fait. supposant reconstitution et preuve. qued'explication. visant á surmonter une alterné réciprcxwe. La voix medié-vaie n'est pas la mitre. du moins cien ne nous assure que. dans sonenracinement psychique ni son déploicment corporel. elle lui son idenn-que : le monde dese desintegre. pi: elle :ésonna cc ou elle engendra — :elest le seul point cenain — la dimension d'une prole. C'est pourquol.dans la considération de cae Autre, ces huir ou dix siécles decoupés i pourd'obscurs motiis ideoloeiques. non moins que par commodité de pédago-gum dans la continuite des durées. une doubie ternation nous gue:te: de

22

PERSPECTIVEs

les concevoir comme une origine. notre enfance. dans le droit fii orzar!.

que de ce que ROUS voici devenus: et de leur supposer. par 15 méme

(insidieuse ment), une unité qu'ils n'eurent pas. c'est-a-dire. sous quelque

pretexte methodolo gique et dans n'impone que: stvle que ce son. de

folklorise r le - rnoyen áge On ne dialogue pas avec le folklore. On en

grave des disques 3 l'intention des touristes. Dans l'erran que noussommes cn droit de temer pour percevoir un echo de cene voix ancienne

et en evaluer la portee. nen ne nous égareran davantage que la recherehe

d'un pittoresque : d'une facilité.Évitons de pitee á ces textes plus qu'ils ne nous livrent. ni plus qu'ils

ne dissimulent. Reste que la civilisation de l'Occ:dent medieval (tic celledes populations d'une pente presqu'ile extreme de l'Eurasie qui, durant

un millenaire. et de cauces maniéres. dans tous les domaines. á tous lesniveaux. consacrerent l'essennet de !eur energie á imérioriser leursconcradictions. C'est dans ces limites. et dans ce sens. que l'on ¿voquera

[maticé fonciere de leurs cultores: comme un ensemble complexe e:liétérogene de conduites et de modalités discursi ves coenmunes. determi-

nant un systerne de representations et une faculté de taus les memores ducorps social de produire cenains signes. de les identifier et de les inter-preter de la méme maniere: comme — par lá rnérne — un acteur entre

:nitres d'unification des acto:nes individuelles. Rien de plus: mais la

portée de ce trait est considerable. car il itere source nrentiere de[autoricé régissant la pratique lit déiatn de rieles:duele) d'un monde. 11nous reste. par notre maniere d'ausculter ces signes. á y (aire resonner lenon-dit: i ne jamais oublier que tou: ce que nous livrent les manuscritsmédiévaux fue le produic d'une censure — cede :neme par-detá Fintar-vention des clercsi qu • impliquait la mise par écrit.

Plus ou moins eonfusement. la Munan des medievistes le savent au-jourd'hut. D'oil un cuneux retour parfois du romantisene originel de nosétudes : il suffit que se dessine á l'horizon une orooabilite. méme lotruaineou purement anaiogique. d'oralité. pour que joue !e présupoosé : Aucommencement était le Verbe. Ces facilites ne cessent de suseiter desi g nes réactions né g ati ves. ainsi d'un Riecer récernenent a prcoos destroubadours mémes: d'his panistes arnericains comme Micha¿! Walker etd'atines: plus violentes et fortemenc documentées du gerrnantsteM. J. Scholz pour qui l'évolution du tvpe oral-audittf de transmission destextes vers le type graphique• v isuel ¿tan deja tres avancée au milieu duXli" siécle. et qui fan remontes á cecee époque nos pratiques rnodemes de

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Page 7: Zumthor- La Lettre Et La Voix

INTRODUCT1ON PERSPECTIVES

lecture. Scholz &arce comme atvpique et fonuite cauce communicationverbale. hesite mente á en admettre la eenaralité dans la poésie !ynque.Toure faussée qu'elle est par le prejugé, cette position a le Brand mente dedéplacer Pacten[ du texte mame vers le public qui le regoit. e: de

substituer. á l'opposition abstraite oraVecrit. les oppositions concretesorellIsceil e: °un-flirt. Le recournement de la perspectIve nous fan sortirde ce qui pouvaa etre une impasse. En dépit des chausse-trapes dont estsemé le chemin de cauce remonrée dans le passé. le point de vue de laréception des textes nous rapproche. d'une maniere qui n'es pas simple•ment meraphodque, des sujecs qui les enrendirent. C'est pourquoi j'ai-merais (aire miennes ici quelques regles simples que j'extrais du discours-prostramme de H. R. Jauss. Ur, défi á la Méarie littéraire 3 . et que

référe 1 un cerrara comportement incellectuel plus qu • á une até-thode :

- accorder á une esthétique de l'effet produit la préérnmence sur uneesthanque de la production:

- fonder la démarche cntrque sur la consideration de ce que fu: .hori-zon d'urente du public premier de l'u:uvre:

- tenir compre d'abord. pour definir selle-ci en sane qu • objet d'art. de !anature cc de l'intensice de son diez sur ce pubiic:

- vetiler toujours á poser. dans la mesure du possibie. les questionsauxqueiles l'auvre repondan de son ternps. avant cenes que nous lutposons aujourd'hui.

Cenes. !es lacuncs de nocre information limiten[ reit-leucite de cespreceptes. Reste un fan: cese dans Pacte de perceprion d'un tex:e.beaucoup plus ctairemenc que dans son mode de consta:non. que semanifestenr les oppositions définuoires de la vocalicé. Que le teme ait Séou non composé par asir importe. :erres. paríais considérablernenc á soneconomie interne et á sa grammaire. Mais qu'il son res: par lecture.ndividuelle directe. ou par audition et spectacle. modifie profondémentson effet sur le récepceur. done sa signa -ronce. Cela reste vrai de la formeatténuee de performance que consticuerait une lecture publique faite parun interprete assis. ou mame debout. devane son lucrin. A partir de cetteconstatation aúnale. on oyeren !es distinctions qu'impose !a complexerealicé histonque. La voix ese toujours active: mais son poids parmi lesdererminations du texte poécique tluctue en venu des circonscances. et la

3. Jauss 1978. p. 46-61

/4

connaissance rnecessairemenc indirecce) que nous pouvons en avoir passepar une investreation de ces dermares.

Peut-atre sommes-nous aujourd • hui mieux que naeuére aptes á cenetache. Désaliénés du positivisme. nous sommes redevenus plus attenufs

au souvenir proche des nombreuses traditions medievales qui se mainte-naient encare au sein de la saciaré du XIX` siécle. voire, dans noscampagnes. ¡á et la jusqu'au maitu du narre. Ces en effet moins unecoupure qu'une série de déchirernents partiels qui peu á peu nous aretranches de l'univers medieval. Dans la meme derive qui nous a faitprendre envers !vi une distante definir:ve. nous en avons interionsé lamémoire. II en resulte une situation défavorable aux démarches histon-ques conventionnelles, qui ternient á reconstituer une pré:endue realizapassée: non moins défavorable aux interprétacions modernisantes. inspt-raes par une conception hyperbolique de l'alterné. nous sommes enrevanche poussés á la pracique d'une modélisation des documents dupassé. utilisant des traements de l'expérience conremporaine — nortepropre historia:té — comme révélaceurs: projection du passe dans l'es-pace moderne. comportan[ á [out insram un recour suique sur :e passécomme tel. ala propre voix m'importe ter. et le sentimern que j'en ai:importe á ce que je peux dire de éste aucre voix. perdue.

tl n'es coutetbis pas un des problemes ainst soulevés qui ne s'ánonceen perspective chronoioeique. ne compone rnouvance entre deux termes:en arr.ont. haute apoque oü. dans les royaumes barbares. prenaient:onsistance les futures ladinos européennes: en aval. !e monde -• mo-derne •. bourgeois et mercanti le. L'entre-deux. s'il conviene parfois. pour(aire simple, de le dési gner comme re:. sera narre • moven áge — ex-presston contestable s'il en est. mais dont ie n'al pes á (aire ici la critique.D'un point de vue global. je panage l'opinion de I. Le Golf sur l'exis-tence d'un lon g moven áge étendue entre !e rve siécle et le debut del'ere industrielle. La nécessite n'en est que plus grande de marquer lesnuances et d'introduire quelque periodisatton. Des fronutres découpent !ecemps non monis que Vespace aussi tloues. et pounant rée:les. ici que lá.Je m'en tiens á ce qui. pour mon propos. parait essentiei : en amont. lapremiare emergence de - langues vulgaires- distincres. en aval, !es com-

-mencements de l'imprimerie. Admectons que toute socteré humaine pes

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Page 8: Zumthor- La Lettre Et La Voix

INTRODUCTION

ere considérée comete un 5y: scene de comtnunications: chacun des n'o-rnen: 5 succcssifs de son existente se définira en vertu de deux enteres: lanature des tcchniques dont elle fait usaste pour la transmission des messa-ces: et :a nature des formes assurant la différenciation de ceux-ci. CesPríncipes d • analyse s'appliquent simultanément á plusieurs niveaux.S • agissant de poésie. les termes en cause. quant aux techniques. seront lavoix et l'écru: quant aux formes de diffeenciation, diverses structuressociales e: mentales ou. plus restrictivement, poliuques et esthétiques.N. Luhmann. qui propos: ces distinctions. ronde sur elles un schémeévolutii: du • segmentaire au stratifié •• cc au fonctionnel Du \ir auXvIl• siecle, les masses dominees, daos les teroirs d'Occident, basculé-rent du premier type au deuxieme. pour glisser ensuite au tres:ene.chaque situation nouveile conservant des traits de la situation antérieure•de surte qu'á tout moment de la durée se chevaucherenc des ensernbles oufra g ments d'ensembles culturels d'age différent: au mieux, se dee.age unetendance dominante. par rapport á laquelle telle autre donne une (fausse Y)impression d • archaisme: es :elle paran futuriste. Les panies de ce magmadérapent les unes sur les autres. lenternent. puis soudain une accelération!es precipite cc un sesme queque pan ébranle la surface des choses e: desaiscours. Dans la continuité du millénaire medieval-. se ciessinent ainsideux périodes critiques. sommets d'une double courbe. 0q le rytnmes'aecékre cc la cisibiiité :end á se brouiller: le siecle qui s'étend de 1150environ a 1250. puis zelui qui. á partir de 1450. descend jusque ‘ers1550. en quelques régions pius bas encare. Entre ces dates-iá se sitie ceque l'un desi g ne communement du nom de • iinérature médievaie -. Cen'est pas simple coinedence, mais oien la manifestaban d'une relauonproionde: la •. litteature médiévale c'est l'ensemble des formes poeti-ques qui non seulement panicipérent á ces crises ct á la derive qui menade !'une á l'autre. mais en furent le prociuit e l'un des théátres pnncipaux.

Rien. cenes. de ce qu'apportent le XII` puis le xv • salde n'est absolu-mem nouveau: mais la consciente qu'alors on en pnt comieran á la

nouveauté•• son eificace. en actualisait les latentes. II serait eroné detixer au siécle (comme on est pan'ois tenté de le faite depuisHaskins), ou. selon la viene doctnne de J. Burckhardt, au xv e . le debutde l'ése moderne. ' A i • une et l'autre de ces ¿caces de nutre histoire seproduisit une maturation. en apparence rapide. d'élernents venus partbisde tres loin en deeá et revénis de valeurs propres. irreductibles — ce outn • autorise aucunement á les craiter de sut vivances. mais exi ge plucát de

26

PERSPECTIVES

nous un e(fort de reconstrucrion.. de redécou verte du réseau de reations

qui les mainrint. Cese avec ces reserves que. dans la suite de ce livre. j'en

situeni l'objet relativernent aux deux ternes chronolo g iques de l 150-

1250 et 1450-1550. chacun d'eux découpant la durée en un avara. unpendant et un aprés. Seul l'aprés-1550 reste. salf exception. hors de mon

propos.1150-1250: s'engage un proces qui. á rnoyen :ente. amérera une

cenaine dé-sacralisation de la société et de l'image que ion s'en forme:une zone profane commence á s'y dessiner. :teje par des lois particuill-res : ainsi. l'ensemble de mceurs e de discours desi gne par !e mor de

counoisie et ses équivaients en d • aucres lan gues. L'existence collecuven'apparait plus aussi universellernent ritualisée. et á mesure que se réduirala pan des rices. ceux-ci tendront á la sclérose. les conflits familiaux

et personnes. lisibles entre les li gnes du De vua sua de Guibert de

Nogent : des conduites traditionnelles. objet de sanctions communautai.res. l'honneur ou !a honre. que proclame la parole coilective. s'opposentaux vateurs éthiques. interiorisées. de mieux en mieux reconnues en

milieu aristocratique... ainsi qu'en témoi gne. encore. la ••courtoisie

moins dans la figure mythifiée qu'a transnuse le discours poetique qu'elleengendra: premier abouttssement d'une quite de l'individu. sujet de

pouvoirs. de responsabiiités et de droits. commencée un siale plus Mc.

Ainsi le mut:tole se rnanifeste au sem de l'unne: enluce un typc

d'homme pluridimensionnet. aux yeux duque'. soudain. nen n'apparait

plus banai. Le mot de rnodernitas expnme alors le senctmenc que Fon

éprouve á ce spectacie ct l'inteli gence qu on aspire á en avotr. Eiremodeme c'est juger hommes cc choses en venu de ce qu'ils ont ou de

ce dont lis Manquenc: c'est connaitre leurs annbuts afín d'en maitriserl'usage. Étre • antique• des deux termes s'opposenc dans le jareonscolaire d'alors). c'est connaitre et juger ea venu de lRcre ou du neant.Pour ce qui conceme la poésie. l'écnture apparait modernc: la voix,antique. lvlais la voix. peu á peu. se modemise : elle western un iour.

en pleine société de l'avale la permanente d'une -société de l'étreOil jusqu'alors la qualité determinan les choix. la quantite entre en

Upe de camote. Cenes. rant un objet. pendant des stécles encare. cesera (aire un bel objet: mais deja perce l'idee d'un cravaii productif.— dont on sait á quelles absurdités. seo( ou huit siécies plus card, li auraconducta Le ternos méme se quantifie: on parle de transiatio pour enindiques les mutations mesurables.. dars !'histoire des empires et celle du

/7

Page 9: Zumthor- La Lettre Et La Voix

e

INTRODUCTION

aU XIV ` siécle on concevra et on construira, comme Giovanni DeiDondi á Padoue. des machines á le compter. Oú les oppostttons setranchaient, blanc•noir. out-non. sans echappée. surgissent des termestiers ec médiateurs: J. Le Goif l'a montré, retratan dans sa Naissance chipargaloire i'intenention. au crrur de la theoloete • d'un comprable divinet. par suite de la sttuation mediane du locas ourgatortus. une theátraiisa-tion des ñus dernteres. L'argent circule davantaze er. engendre un réseauplus serre d'obligar:0ns. de contraintes et de désirs. Le negottum sedistingue du labor. e: les ternos sont proches m'a l'on en admenra lemente. sinon la nobiesse: mais l'esprit qui y preside ne dispose pasencore d'un laneage oG s'expnmer. et il ltn tau: s'intliner dans d'autresdiscours. celui de i • Ezlise ou celui des poltes de cour.

L • univers de sens qui s'était constitué á partir des (V. siecles enOccident reposait sur une vision symbolique qui distinguait mal entre larealicé des choses et leur iconicité. Le xlle siécle éprouva. sporadtque-ment. les premien doutes. Cétait grave. et on le tic sentir aux novareurs.tel .Abélard. Alors se répandit. en un ternos assez bref. !a vogue untver-selle de Vailezone. jusqu'alors simple cechnique de iecture et d • inte:pré-;anon exégerique: des 1230 s • est elaboré sinon un langage. un type dediscours. qut occupera. jusqu'au Xv t siecie. á travers I • Europe ennére.une position de maitnse presque absolue dans les usages protocolaire etpoéuque. Sans doute un :el discours repondazt-li á une nécessité. en unternos oU sembtait cesser cotice congruente entre !a réalite cosmtque e: lelanzaze humain. Cependant s'ouvratent de nouveaux espaces culcurels.nouveaux hesoins. nouveaux publics — les vales, la hourzeonie enformacion. les cours royaies occasion de nouveiles censtons. Lesformes d'expression exista/nes demeurent presque inchangéest mais leurinvestissement par le sujet qui s'exprime °bele á d'autres rétles : ainsi. lesens du pera mot je en poésie n'aura plus en 1250 tout á fan son sens de1150.

Te! est mor, p remier axe de reference. La fonction poetique de la voixse modifie. au cours de cene période: son usage perd un peu — trespeu — de son absoiue necessite antérieure: mais son autoricé n'est pasencore touchée. Quarn au second axe. 1450-1550. a est. en chronologie.plus flou que le premier: 1400-1500. voire 1400-1450 ou 1470-1520(comme je !e su/frierais dans mon livre sur les rhétonqueurs 4 ) se jusufie-

6. Zumulor 1978, p. I

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PERSPECTIVES

raient aussi. Peu importe. Dans l'intenalle entre 1250 environ et cestermes-ci. d'autres ligues de force se dessinent : prend forme. aux yeux er.sous les rr,ains d'une minorire grandissante de dieres, de potentats cc debourgeois. un univers oú s'affirmera un jour l'importance determinantede Reti. de la futre du remos et de Vouverture sur un avenir imprevisible.L'Occident entre á penes pas dans lacre de l'écniure. dont les scrzprorracarolingiens avaient échoué á imposer le modele. D'eta un ieac zlissementven ce que. dés environ 1200-1250. un nomine de Sinus auras puprévoir: une prédorninance á long serme du mocete scnptural. Je consa-c:erai un chapitre á cette histoire. Entre le debut du X11 • e: le milieu duXv` siécle. panout en Occident s'est produit. á des dezrés cenes divers.une muration profonde lije á la généralisatton de l'écriture dans lesadministrations publiques, qui a conduit á rationaiiser et á systernauser1 • usage de la mémoire. D'oil une. extremement lente et dissimuléc.dévaluation de la parole vive. On entre, á reculons e: á pas compres. dansun monde oit, comme disait Octavio Paz. le destin final des iittératures,%fest d'engendrer des ,.tuvres mantes dans des langues mores. Auxalenrours de 1500. d est vrai, aucune des cultures européennes, des iorsdista-tetes. n'a vraiment attetnt ce terne. Sans doute. la France en est leplus procne.

Dans un peor livre paru en 1980. j'at tenté de décnre. en quelquesparagraphes. les watts á mon avis pnncipaux de la mutanon qui. :inW-débuc siécle. afecte les mentalites er. les mceurs européennes.me permets de renvoyer á ces pagel. ainst qu'a mon b y te. deja cae. surles rhé:ortqueurs Ven reuendrats expressément ici un elernem 4u1

concerne de iaeon speciñque non propos : la distante que l'homme aiorssemble prendre envers lui-meme. son eioignement de son propre corps. sarnéfiance, voire sa honre. des pnses directes. des spectacies non appretés.des manipulauons á main nue : cendance. cenes. sans cesse contranée.reanmotns dominante. L • usage de la voix subir. dans ce contexte. le¡neme :tense d'atténuations et exige le méme type de pratiques substituti-ves que les manieres de cable ou le discours sur ie sexe. Un ara quireposan sur des rechniques d'assemblage. de combinaison, de coilage.sans souci d'aun:tenni/canon des partes, recule et cede assez vue ieterrain a un an nouveau. qu'anime une volonte de singularisation. La

7 . Zumbar 1978. p :2-53 cc 1980a. p. 77. 78: cf. Gano. p. 21-35 et Gum-bredu 1985.

Page 10: Zumthor- La Lettre Et La Voix

I:•;TROOUCTION

théátralité généralisée de la vie publique commence á s'escomper. etl'espace se pnvatise. Les registres sensoriels visuel ec caedle. depuis dessientes á pene dissociables dans l'expérience vécue du plus srrand nom-bre. se distinguent. se separen( d'abord chez les fent. puis panout. ámesure (cause ou efe?) de la diffusion de l'écriture: á mesure ques'éloignent les uns des autres les . ans et les - sciences -. Les activitésculturelles ainsi se diversinent. á la foil dans les fonc:ions qu'ellesremplissent. dans les sujets qui les operen( et dans le public qu'elles'asee: se dessine l'ébauche d'une division du travel e d'une spécialisa-tion des teches. facteurs qui jouent centre la piénitude er l'ornniprésencede la voix. Le chama, jusqu'alar& tres étendu. de la mouvance des formespoétiques se rétrecit: s'instaure l'idee d'une fixité du texte. La mutabilité.la v anation. l'incessante re prese de thenes oblieés, le renvoi (imane:cememe á ramoneé d'une eradition non ¿eme. la prédominance indiscutéedes communications vocales Pone desormais figure de moyens patines.tan( son peu méprisables. Leur usa2e se marginalise. cantonné beentatdans la zone de nos cul pares popuiaires

passé 1550-1600. ont canguis leur espace et leur iderutte.l'un ce Faene aux contours. du reste. encare Ilous. C'est lá un fannouveau. Le - moyen áee n'avale nen connu de :el. La confrontaron desjametes vuleaires avec le laten des ciercs. des mccurs avec la mythologieprotessée par l'Église recale. n'alla cenes pas sans canales: et Fon nepeut nier que la poésie des troubadours e:Mit:tiesas:ger. comme cele desromanciers de la premiére génération. ne revele une forte poussee dans lesens de la fermeture. de l'isolemcne haurain des coutumes mentalesariscoerattques. Tout ce qui, dans la culture commune, resiste á ceceepoussée iet réagit á 1 • entreprise d'acculruration en ven menee par cenainsmilieux dirigearus depuis des sieclesi tend á s'isoler á son tour. á se durciren un effon e: peut-étre une pnse confuse de consciente. d'une amplitudejusqu'alors inconnue. Mais. avene le xv' siécle. nen n'ese joué : popu-:aire•(si Fon tient á usen de ce( adiectif) ne désigne pas encare ce quis'oppose á ia - science -. á la lettrure. mais itere á ce qut releve d'unhonzon comrnun á taus — sur legue( se détachent quelques construcnonsabstraitcs propres á- une tnfime enmanté d•intellecnies.

Ainsi. la tres g rande majorité des textes dont j'interroge la vocalicésone aneérieurs á l'érnergence de cecee -culture populaire discincte —tour á tour déciaignée en d'autres lieux ou (laude pour son chame dé-sute — consecucive á la cassure social& polinque, ideologique. des an-

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PERSPECTivES

nées 1500 y Ce n'ese pas un hasard si la découverte - des textes durnoyen áge par les erudits romantiques coincida avec celle qu'ils (gene des

poésies populaires•de leur ternas! D'et l'applicacion candide. par lesmédiévistes du xix` ;tecle. á cet ensemble anclen. d'une elassfficatton en

elements populaires cc savancs ou lenes voire cour,oisest vrai qu'au debut encare de notre silcie plusieurs crees de nos - cut:tirespopulaires - provenaicnt formellemene de craditions médié vales : le t'ah estprouvé pour bcaucoup de cantes et de chansons paysannes. en Europe e:en Amérique Mais ce n'étate lá qu'une apparence de continuité : ionc-tionnellement. nen nc lie !es termes de ces fausses analogies. Les universsémantiques oil respectivement ils s'inscri vent sant á peine comparables.e: nous ne pouvons, sur le plan docurnernairc. pas inférer grand-chose del'un á l'autre d'entre eux.

Tel est le résultat des efforts prométhéens accompiis par les hommesqui. vers 1500. 1600. ayanc appds á machématiser l'espace le temps.

compnrent qu • iis alla:ent dominer la nature á leur prntit — ct aurentplace les pensées et les insticutions desnnées á réprimer les - autres -. les

pauvres•au mode de vie archaique. aux mentaiités deerminées parlees peurs. Un nouvel equilibre s'inseaurait. parmt les débds d'un en-semble comolexe de pulsions cc de mceurs ressenti comme la man:testa-tion d'une impuessance ou d'un refus. Désormais. pour trua ou quenasildes. des oppositions jusqu'aiors peu marauées et :lomees dure.raient. et. se figeratent pour unir. L'orante de la poesie médiévaie nc peut

2ucunement se comprendre á partir d'une tele situaron.

Encore le rychme du ternos n'est-il pas uniforme en ;out lieu. Les dates.á desse:n approximatives. que je propase ice renvoient aux capes hiscon-ques que franchirent. avec plus ou moros de háte. !es terroirs de l'antiqueempire d'Occident. quelques autres au-delá du Rhin. du Danuoe ou dela mer. Plus á Fest. se produtt un décalage chronologIque. mais la natureet la succession des pisases de développernent resten( á peu pires lesmemes: =si. dans les terroirs russes s'étend. du siécie jusque

vers l'un mil. une ¿poque archaique de poésies orales de ccur: sun.

jusqu'au milieu du xitt , ua proces de chnsuanisation qu'accomoaene

8. Nteehembleci. p. 213-221 et 382-584: Gourevitch. p. 42.

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Page 11: Zumthor- La Lettre Et La Voix

INTRODUCTION

rintroduction de pratiques scripturaires: de 1150 á 1350 se recueillent e;s'elaboren( les textes que nous possédons. alimentes par le souvenir desanciennes sagas. Plus loin...? La délimitation géographique du champd'étude ne releve d'aucune evidente. Je considere. erabord et par prin-cipe. les terroirs Francais et occirans. Sans doute, je les connais mieux qued'autres. Nlais peut-étre invoquerait-on aussi á un tel choix des raisonsmoins personnelles. A bien des questions en effet que pose, en general. lapoésie médiévale. le corpus francais. par son ancienneté. sa complexileson ampleur. permet de formuler des repenses plus nuancées. par láméme de plus lar ge validité. Reste qu'aucune vision du . moyen ágen'es( tour á fait justifiable si elle n'en g lobe d'assez vastes cantons del'Occident. Winstallanc dans mon lieu. je rn • efforce d'ouvrir les fenéeressur un aiileurs. Jusqu'oil étendre le regard sans risquer d'imprevisiblesdiscorsions de la perspective? G. Duby récemment limitan á l'Europeoccidentale I • application du serme moyen áge P. Chaunu rétendait unpeu veis te sud et le nord-ouest. sur un terricoire crois fois Brand tomme laFrance d'aujourd'hui. el que peuplerent au xeil e siécic quelque quarancemillions d • ecres humains. mais au xv 9 pas plus d'une vingtaine 9 . Goure-virch lui tale ernbrasser la Scanciinavie avec rlslande, laissant des mar-:hes indécises á l'ese ce au midi. D'un la possibiiité de recourir. avecprudente. quand il s • impose de contirmcr des iniormations plus directas.á r argument comparan( pour externa qu'il demeure. il ne manque pas.en synchronie. de toute vraisernblance. Ce que nous apprenons desScabies scandinaves ne peut etre coulernent etranger aux coucumes re-grant entre E:be et Rhin ou entre Loire cc Seine. Cec univers-lá iertorait.ititice dans le plus vas:e espace. les diiferences absolues: ternoins. tes‘clyaeeurs. de Roben de Can á Marco Polo. partout et toujours deplain-pied avec la merveille Rien de comparable pour eux. pnsonniersde rimmensite eurasiacique. á I • eerangere pariaite de ce que découvrirentnos navi gaceurs á partir de la fin du xv e siecle.

Au sein de ces trés larges limites. l'aire offerte á la résonance des voixmedievales est homo gene. en denle de differences. croissant avec ladistante. que ron constate dans leur regime ou leur portee. Dans ce quej'appellerais le • moyen espace-. les ressemblances prédornment. Quancá mol. je prends ici pour noyau territorial ce qui Fut rempire carolingien.avec des prolon gements dans la pén:nsule lbérique. centraie e:

9. Duby dans Gourentch. prefacc. Chaunu. p. 15-16 et 21.

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PERSPECTIvES

méridionale. l'Angleterre du Centre et du Sud-Est. Au-dela. les paysceites. slaves. nordiques. les Balkans. Byzance dessinent des iones ende gradé oil jouent d'aucres iacteurs de cuiture. de plus en plus putssam-menc á mesure qu'un s • éloigne. C • est ainsi que je ziendrai compre. guate

travailler en cela de seconde main. des régions ibériques. italiennes ccallemandes ice que je nomme. pour simplifier. rOccidenu. sans a:c.:neer.dire quelques tres breves excursions par-de:á. Cette démarche réfereimplicitemenc á l'uniré organique d'une culture. tout en en signalantl'extreme diversité: suegere isous bénéfice crinventairei [un des niveaux

auxquels on neta( cenir pour valide. d'un bou< á rautre de l'Europe. l'idéed'une universalite médiévale De celle-ca. le support el le leen ne seréduisent pas [comme suggére une opinion erronée) i [usase de lalangue (atine cc des traditions scolaires qu'elle véhicule. Les apportsgermaniques et nordiques (dans une moindre mesure. ceitiquesi enconstituent une composante essentielle cc géné-aie. indiscemabiemerue:limé:Ce á relernent rnéditerranéen — lui-méme en conscant brassageentre Byzance et rOccident. Or. t'ese aux premiers. semble•t-il. beau•coup plus qu'au dernier. que: nene rimponance primordiaie du róle

ussigne á la voix.Cest pourquoi bien des questions cavan( que les e:un:ates phliologi-

dues re les spécifienn rnéritent d'etre posees á un niveau assez general.Ainst. route ¿cutre des chansons de geste francaises gagne a se situer dansla perspective de répopee européenne. Le probleme posé aux speciaiistesdu fr.:Nati par ron:lite présumée de ces chansons zoncerne. partosdepuis plus lon gtemps encore. les germanistes. aneiicistes. hispaniseesdans leur domaine respectii, les questions retatives aux cenants et abouns-sants de la transmission VOC3ie de Vepopée son(. pour ces chercheurs.

souvent plus ur gentes cc zomme plus evidentes. par suite des termesparuculiers mi se defina la situation de diglossie dans les iones cuicureiles

ils envisagent. Comme la natura des fans. quoique comparable. n'esepas idencique dans toutes les parties de rOccidenc. des idees orle puemer ger de (elle recnerche sectorielle. qui aiileurs feront peut-ecre («iceinattendu d • embrayeur. Des racmes pretendes qui. en deca de formes

manifiestes assez diverses. unissenc apparemment le fait ¿pique de pan etd'autre de l'Aquitaine len France du Nord — en Casadle et en Aragoni.ne peuvent pas ne polen imposer. au Cid el á la Chanson de Gudlaume. unnombre ¿levé de trates communs. justiciables des mémes procédures.Au-delá de cene relation sans doute pnvüéglée. c'est á travers l'Occiderc

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Page 12: Zumthor- La Lettre Et La Voix

INTRODUCTION

entier que se consuma un discours épique dont les reeimes 10C3UX reste-rent durant des siécles assez proches: de FElbe au Guadalquivir... ouaar-dela. si l'on suit A. Calmes de Fuentes. Les gernanistes ont ainsi.1ccumulé une somme considerable d'observacions et de rétlexions dontserait dommageable d'isoler entiarement les mitres: elles concernentspéCialement les modalités de transmission cc d'alteration des textes: lesrelations entre l'ecnture et la tradition oraje. entre le mythe. la légende.l'épopée: entre celleci et l'univers du chanteur. Du Kudrun tá proposduque! fut pour la premiare fon. Yen 1935. formée l'hypothése d'unespeciricite linzuistique de l'épopée orale) au texte-amalgame des Nibe-(ungen. contant une geste burgonde du 9* siécle sur le mode de romansfrancais du la liste des problémes touchés serait longue. Mémeouvenure du caté anglo-saxon. oís les études sur le Beobvulf ont de procheen proche ratissé l'horizon presque entier de l'antique épopée nordique etde sa tradition.

I. Le contexte

Page 13: Zumthor- La Lettre Et La Voix

2. L'espace oral

Les indices d'oralité. - p ire es entendre, • Avant re;crit. - Le réseau des sradi-nons.

Admeure qu • un texte, a un moment queiconque de son existente. fueoral. c • est prendre consciente d'un fui( histonque qui ne se con(ond pasavec !a situation dont subsiste la trace ¿ente. et qui jamais n'apparairra.au sens propre de l'expression. •• á nos yeux II s • agn ators pour nousd'essayer de Ion- I • autre fue de ce texte-miroir. de gratter au monis unpeu de tato. La•dente. par-delá l'évidence de notre présent er. :esracionalices de nos methoucs. ce résidu : ce muttiple sans origine unifica-r:ice ni fin totaiisance. cene .• avise •• don( parle ',fiche: Seres et dont lauonnaissance appanient i rouie. Ces( la. e( 15 seuternent. que se situepour nous Voralice de notre •••litterature médievale- . vocalite . résidu denos phiioiogies. retive á nos systemes de conceprualisation.

Neus ne Vévoquerons jamais qu'en figure... Au reste. ti nous amvesouvent de percesor uans le teme la rumeur. éciatante ou coniuse. d'unaiscours parlan( de la voix méme qui le porte. Chaque teme en celademeure incomparable et exige une ¿come sineuliére il comporte sespropres indices dr oraiité. de acucie variabie. parfois. tl est vrai (matsraremenn. nuile. Je rappelle ici bnévernenc quelques tales connus, árernenre en perspective.

Par indice d'orante ••. j'enrends tout ce qui. á l'inténeur d'un texte.nous renseigne sur l • incen• ention de la voix humatne dans sapubiscction:je veux dice dans la mutarton par laquelle ce teme passa. une ou piusieursfiáis. d'un era( virtud 8 ('actualicé. et désormats exista dans ratzermon etla memore d'un certain nombre d'individus. L • indice. prend valeur depreuve indiscutible 1orSCIu • il consiste en une notation musicale. doublantles phrases du texte sur te rnanuscrit. Dans tous les aucres cas..1 marqueune probabilicé. que le médieviste mesure, en générai. á l'aune de ses

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Page 14: Zumthor- La Lettre Et La Voix

u

LE CONTEXTE

préju ges. Les temes musicalement notes, tres nombreux et répartis defacon assez réguliere au cours du te:nps — du x t siécle au Xveformen( ensemble. á l'egard de bous les autres. un contexte significaufconnotan( fonernent une situation globale, car manifeste l'existenced'un líen habitué! entre la poésie et la voix. Dans !es recueils copies ápartir de la fin du x siécle. le perfectionnement des eraphies accroit-eaucoup la frequence de cet indice. On camote par miilicrs les textesuinsi marqués : surtout des poemes licurgiques ten paruculier. le secteurpresque enser du drame ecdlésiastique) et des chansons de troubadours.:rouvéres ou Minnesánger. Ainsi. les quelque cinquance chansonniers -des XIIr. xiv` et xve siecles graue auxquels nous est parvenue cenepoésie de langue francaise ou occicane ne comiennent pas moins. vanan-ces comprises. de 4 350 Ere:Odies, relatives á environ 1700 chansons.elles-mémes comportan( de nombreuses variantes textueiles. En chiffresarrondis• voici les données :

• nombre de paces en cause : troubadours 450. trouvéres 200:- nombre de chansons conservées : troubadours 2 500. (rouvéres 2 000:- dont conservées avec mélodie : troubadours 250. crouvéres 1 500.Les manuscrits allemands sont moins eénéreux : nous poss¿dons s

peine. pour 150 poétes. 200 mélodies de .11innesiinyer. dont moins de lamonté uppartient au gr2.nd chunt counots.

L'ambiguicé comrnence lorsque la nocation accompagne non le tememémc. mais une citation qui en est faite ailleurs. .Ainsi. le poéme héroi-comique d'Audigter ne compone, sur le seul manuscrit qui nous Facransmis en encier. aucune notation. En revanche. le v. 321. prononcé parun personnage du lea de Ruina er Mario, d'Adarn de la Halle, y estsurmonté. sur deux manuscrits, d'une ligne de notes... dont l'interpreta-(ion. du reste, a soulevé plus de problémes qu'elle n'en a résolu. Par-delaen eifec Audigier. on a reiné d'en tirer des informations concernant lamusique des chansons de geste. genre que ce teme parodie mais contaucun document n'ese musicalement note. On v releve souveru, en revan-che. un autre cype d'indice • ailusion expiicite á l'exercice vocal queconscicue la publication - du texte. lorsque celui•ci se designe lut-mémecomme chanson. II est peo probable en effet que ce tenue ait pu référerdes ouvrages offerts á la sede lecture. On ne sauran. cenes: écaner mut áfait le souocon qu'une inente de vocabulaire ait matntenu. au•delá d'uneépoque primitive. chanson comme un simpie :non technique. évoquantdes oenres combés ensuice dans le domaine de l'écnture. Rien toucefois

38

L'ESPACE ORAL

n'autorise a priori 5 vide: de leur sens ces or commence chanson. orréschanson vous allez entendre une chanson -) et formules apparentées.fréquentes dans nos epopees, et du reste non inconnues d'autres genresexploicant. par imication ou ironie. le modele - ¿pique -.

J'ai pratiqué un sondage dans les prolo gues et epilogues de trente-deuxchansons de geste. Le mol chanson y apparait 47 fois en Conction ameré-férentielle ; 25 fois. une épichéte laudative. quasi publicicaire. l'accompa-gne : plaisanre. merveillease. giorieuse et surtout bonne chanson. Cenederniere expression pourraic provenir d'une serte de jan:0n chev ,aleres-que : le combattant gagné par la fatigue ou le découraeernent s'exhorte áagir de maniere que ne soit chantée de lui maavaise chan gan_ .Ainsi. átrois reprises dans le Roland: ou dans la Chroniaue de Jordan Fantosme.composée vers 1175. en forme, il est vrai. de chanson de geste '. De sellesexpressions — non moins que celle de chanson de geste qui apparait ca etla ven la fin du xir siecie — référent á ize qui. d'évidence. est percacomme un ensemble de discours défini par les singulances de Van vocalqu'ii implique. Jean Bode! confirme en d'autres termes ce ternoignagequand. au prologue de sa Chanson des saisnes. il distin g ue dans Van d'unrécicant ce qui tient. d'une pan au ven et au din. d'aucre pan au chata :dédoublemenc fréquent dans les (emes allemands. qui référent á eux-me:nes comme á Wort und Wise mot et rnélodie z.

Reste l'occasion d'un doute — que la musicologie n'est pas en mesurede lever tour á fait. en dépit des hvpothéses qu'elle avanea depuis le debutde ce siécle. Du moins. le De l'nt •n du maicre franeais Jean de Grouchy.vers 1290. serrible-t-ii bien aoponer la preuve que le genre , épique • ¿(oilidencirlable. pour les usagers. á sa specificite vocale : cantas .gestuaiisQuels que soienc les problemas musicologiques que souleve l'interpreta-clon de ce (eme. du moins parait assurée l'existence d'un type de melodiepaniculiere, apparentee á celle des chansons de saints. Le rémoignage deJean de Grouchy est corroboré á la rnéme époque par cele: du Penitentsaiede Thomas de Cabharn 4 : des douces subsisten( néanmoms qui tiennent.d'une pan á la natura du document. peu expiicite ec d'une Cangle assezambigué: d'aucrc pan á sa date. car ii est poszéneur á la grande :toquedes chansons de geste. comemporatn en revanche ce la conscitution des

t. Segre 1971. V. 1014. 1466. 1517: Bezzota. p. 200-207%kik :969. p. 6: Sayce. p. 73-74.Poinon 1972. p. 11.13

4 . Salmen. p. 42-13.

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Page 15: Zumthor- La Lettre Et La Voix

LE CONTEXTE

premiers recueds ¿crics de narrations ¿piques. reís le cycle de Guillaumedu manuscnt BN fr. 1448...

On souharterait que le térnoignaee de tour nos textes ait la Mane decelui de la vedle Sainte Fo • pyrénéenne. du milieu du xr siente. Auxlaisses 2 cc 3 de ce puente. un locuteur s'expnmant á !a premiére

per-sonne (1' .• acimut: -) presente !e texte de maniere tres explicae afín d'endefinir la nature: !e sujet. empruncé á la tradition lacine. néanmoins crésgénéralement connu. d'Agen jusqu'en Aragon. proviene d'un texte gue

entendu lire par des gens instruirs: le poeme que je vais vouscommuniqucr le sera dans unc langue aisément inrelligible et un styleusuel en pays francais. Ce poéme, á deux repnses appeié canczon

chanson ), comporte un son (s mélodie ») reglé sur le premier ton -.c'est-e-dire, selon l'interprécation d'Alfanc, en psaimodie alternee — ceque sernble confirmer. peu aprés, le plunel de cut cantam esta canczon(•• .., sur qui nous chantons cene chanson Enfin. Ie chant s'accompa-line d'une dense. sans douce de type processionnel.

A la mame :Moque. le chane sur les miracIes du Christ. commande parl'évégue de Bamberz aux clercs Ezzo et Wiile. expose dans sa premiérestrophe de quede lacon ceux-ci collaborérent il • un composa le texte.('nutre la melodier et décrit le puissanc effet exercé par cene truvre surceux qui l'entendarent La darte de reís remoignaees a permis a plumeurschercreurs d'en extrapol:r les données cc de les appirquer au genre entierdes chansons de saints-, attesté de la fin du Ix au mi:Ce sa du xtr siéciedans plusreurs regions de France et de la heme Allernagne : conclusioncontirmee par le prologue qu'apura. sets 1120. !e moricareur du rnanus-rii de Hiidesheim á la belle Vit. de Saint Alexis normande icontemporaine

de la &time Foy). Rédig: en prose rychmee cc rimee. ti presence. en latanrant. cecte • chanson or, les premiers mots qu'II en di:reproduisent la formule d'ouvenure la plus fréquence dans les chansonsgeste : ici commence aereable chanson -... Ce prologue ne fonctionnepas. par rappon au poeme. bien différemment des premiers ven duGuiilaume de Dote de Jean Renan peu aprés 1200. annoneard d'emialecqu'ii a. pour !es tixer dans la mémoire de ses auditeurs. fourre son Mea dediverses chansons avec leur méigdie. Jean Renart inaueurait une technt-que qui eut du succés chez les romenciers francais ce chez certainsAliemands. aux Xlir cc xiv" silcles. Par une sone de figure en abirne. lerécit. avant de s'ouvnr ainsi sur un morceau iyrigue. sienale. atin d'as-surer la suture, qu'U ese chanté par tel personnaee: la phrase emploie des

40

L'ESPACE ORAL

termes référant au chane mame. ou á la mélodie seule. Parfois est souli•

grtée la vocalicé de l'elfet 'elle dame de Guiilaume de Dote 1 v . 309-31

a la voix • haute. pure et claire -. Lorsque ces interventions musicales serépétent piusieurs dizaines de fois. c'est le careciere vocal de l'auvre

entiere qui est ainsi exalté : 47 fois dans Guillaume de Dote. 58 fois dan:

ie Frauendienst d'Utrich von Lichtenstein. 79 fois dans le Matador de

Froissan. encore. ven 1380!Le texte livre parfois d'autres indices. plus direccs. d'oralité: ainsi

pour O. Sayce. les ailusions que fono certains poemas allemands dtsiécie á un accompagnernent instrumental: voire le titre. inexplica.

ble. de piusieurs preces du Recueil de Cambridee- (vers l'an qu

pourrait signiiier - sur l'air de - : Modus Liebinc. Modus Florum. et

reste 5.

A la lumiere de ces textes s'éclairent ceux. plus nornoreux encore. cc e:

tour genre. qui pour se designe: : eux-mérnes dans le rnoutement de len.

• publication mcourent á quelgue verbe de parole (en francais. efire.

parier. voire comer i. souvent complete. du point de vue de la récepuon

par un ouir ou ¿couter. Pierre Gallais. il y a vingt ans. relevanc ce teile:

toumures dans un répertoire de 370 textes francais des années 1150-1250:n trouvait une proportion :elle qu'il ne pouvait l'interpréter autremenque comme un watt per-unen' du discours poetique de cene epogue. De:

formules du type je veux dire. ;e dis. je <lira: se rencontrent. selon set

calculs. dans 40 % des !cris. 25 re des chansons de geste. 20 re de:

romans et des fabliaux. 15 des vies de saints 6 . Des releves ultérieurs

comme ceta de Málk. le confirmen'. Menendez Pidal jadis reievait en,quinzatne de formules de ce type dans le seul Cantar de mio Cid. Oh

allemane. j'en al compré plusieurs dizaines dans le Trinan de Outtiried e

dans ceiui d'Eilhart. Dans plus de la moitié de ces textes. dice. saqen

diere. ou leurs equivalents selon les tan ques. apparatssent en corrélattm

avec dure. hóren. audire (ou. comme chez Gonfried. v. 185 4-1553. ave

une allusion aux oreilles du public!): il faudrait de tres forres raisonsurées du texte séme. pour annbuer alors á ces verbes une autre uta:

sauce. p. :48-349 et 370GaIlais 1964. p. 491-492

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Page 16: Zumthor- La Lettre Et La Voix

LE CONTEXTE

que la plus commune. L'ernploi du couple dire-ouir a pour fonctionmanrfeste de promouvoir (filt-ce fictivement) le texte au statut de locureure: de desiener sa communication comme une situation de discours inpraesentia. Cerrains romanciers, seis Chrétien de Troyes au debutd • Yvain. ou Eilhan von Oberg á plusieurs reprises. n'opposent pas envain ouir. hóren (par l 'Oreille) et entendre. vernemen ou merken :parl'esprit). Parfois meme. le teme semble usen de dire pour sienifier. parmétonvmie ou litote.. , chanter- ': dans cinq des vingt-quatre prologues¿piques de Molk. dire et chanter alternent. ou s'acidinonnent en figured'accurnulanon: • Cecee histoire., seton Adenet le Rol. dans les EntoncesOgier. au vers 52. est gracieuse á dire et á chanter. - Dans huit autreschansons. dire s'ernploie seul : le reste n'a que chanter. Ces faits de scylen • autorisent pas á cone/ure 5 la synonymie des deux termes. Du rnoinsinterdisent-ils d'interprete' . dire sans reference 5 un acte vocal. provo-quant l'ouie. U. Mehler. récernrnent. analysant les rubriques des drameslitureiques. y montrau rambiguité de dicere et cantare. plus ou morosinterchangeables, faute d'une définition precise du • chant Nul doutequ'U en aliar( de méme dans les langues vulgaires.

Une figure d'expolia° plus ou moins clichée, frequente en luan commedans les langues vulgaires. aueste l'acténuation. entre taus ces termes, descontours sémantiques. Elle revés des formes diverses. reductibles á runeou rautre de deux sénes. sois cumulative, son alternative: dire Coudcrire. ourr eUou lire. La forme alternative. qui semble prédommer dansles temes ecclésiastiques de haute époque. refere. en les disunguant. auxdeux modes possibles de réception: l'auteur entend dési gner par tá l'uni-versaiitt du public qu'ii vise. Ainsi. chez Sede. Historia ecclesiasuca.plusieurs reprises : religiosas ac pues auditor sive lector... (- l'auditeur oulecreur pleux et vernieux... -) 8 . Ces( devenu. semble-t-ii. un iieu com-mun du discours poecique ultérieur:

Pour les umoureus esfoirqui le vorronr tire ou ovr

Pour réjouir 'es amoureux qui voudront le lire ou l'entendre ¿cricI • auteur du roman du Chasrelainite Couci. á la fin du siécle, candis

W inkkr. p. 288: Schoiz 1984. p. 144- 145Crosby, p. 90.

9. NkIlk 1969. p. 61.

42

L':i5PA.C1-: ORAL

que Hugo on Trimberg. son contemporain. s • adresse á qui voudra losen

oder hóren Icen lire ou entendre Tire -1 son Renner. Vers 1463 tricote.

l'Autrichien Michel Beheim. en d'aun :es termes. presente sa chronique

comme propre á deux usages: on peut en tire( es losen als aireen spruch

oder singen als ay: liet la lire comme un discours ou la chanter comme

une chanson -1 1 °. R. Crosby cite plusieurs exernples anglais des xiv`•

xve siecles.La formule cumulative en revanche parait ''acre problarre car elle

conjoint des perceptions apparernment !pour nous) différentes. Cenes.

audire er legere peut s'entendre comme reference redondante á un acted'audition. La variante. largement atestes. audire er videre. voir et

écouter. Miren uncí sehen semble. elle. accuser l'opposition des registressensoriels: en réalité. elle ne tau que renvoyer á la double exiscence de

tout ¿cric : on en von les graphismes. mais on en entend le message.

prononcé par quelque spécialiste... de ceux qui. seion le Poéme moral

tenviron I200i. en livre voient et l'escreture entenderte N discerrtent ce

qu'U y a dans le livre cc comprennent l'écriture candis que les laies pon

severa et en livre ne voient sont i g noraras et ne savent distineuer ce quies( écrit dans un livre -1. Trois quans de siecle plus tard. pour l'auteur du

roman de Palamede. les deux perceptions resten' encare disnnctes:li bon

que verront ces( tnien livre er escouteront les beata Jis... t . , les gens de

bien qui verront mon livre et écouteront ces beiles paroles Entre-

temas. c'est devenu la formule initiale des chapes francalses que - A ceux

qui verront cc orront... . Aucuns lira ou orra ¡ire ches ven (-Quelqu'un

lira ou entendra lire ces vers selon le Reclus de Molliens. au début du

siécle. en echo á Guillaume de Malmesbury : out ipsi legere aun

legentes possitis audire 1- ... que vous puissiez soit lire vous-mérne. soit

entendre ceux qui lisent Quels que solero le contenu et la rbnction du

texte nous sommes ainsi. de toutes pans et de toutes mantéres. renvoyes ála modalité vocale-auditive de sa communication. Crosby reléve des

occurrences de ce ranas en Angleterre jusqu'aux ternos de Lydgate:

Scholz !e sí gnale en Allemagne jusqu'au XV' siécle. En toutes langues.les termes renvoyant aux notions. pour nous distinctes. de lire dire-

et chanter- constitutrent ainsi. pour des générations. un champ lexical

mouvant. dont le seui trua commun permanent erais la dénotation d'une

O. Scholz 1984. p. 139I I. Málk 1969. p. 78: Crosby. p. 90-91 er 99-100.

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Page 17: Zumthor- La Lettre Et La Voix

LE CONTEXTE

°reine : Asser de Sherborne. dans ses Gesta Alfredi. vers 900. en subsu-rnalt toutes les cuances dans le verbo recitare 12.Ce sont lá amara d'appels aux valeurs vocales. émanant de la remare

méme du discours poétique. Paríais des indices extornes les conlirmenc.extraits de documents anecdouques. relatifs á un ou plusieurs temes er lesévoquant en termes tels que !e caractére vocal de leer publication - setrouve mas en huir relief. /e cicerai en exemple. illustre pour la diversiredes jueements qu'eile suscita, l'archaique Chansan du roa Clotnatre (plussouvent dite de ratas Furonl. procurée au malieu du siécle par Hilde•gaire de Meaux. dans la Vita sanch Faronis. et que l'un considera tour atour comme renregiszrement d'une canciléne populaire, commc une no-ration uiterieure approximative, camine un pastiche en latan de cuisine, oucomme un faux d'Hildegaire! Celui-cl, avam d'en eller les quatre pre-miers ven et les quaue derniers, la designe comme •• un chaca< publica lamode paysanne tau: en langage paysan?) dont on chamal( les parolestandas que des lemmes dansaient en frappant des marras (carmen publicumjuma rusticitatem per °m'Indo: paene volitabut ora ira canennum. fent-naeque choros trufe plaudenao componebanti. Deux des cinq manuscrita(formen( des versuans plus breves et legérement difierentes: du rnoinspanout est-il quesuon d'un carmen ou d'une cantilena L'histotre du:aoven :122 eurooeen est parsemee de documents de cene espete. l.aChronique de l'Espagnol Lucas de Tuy. au «ir siecle. reproduit croasv ers d'une chanson populaire casullane qui aurait «aura sur Almansour.ie heros andalou. aux alentours de Van mil: un manuscnt fustanqueangiais. décrn par Ker en 195.7. cite les quarre premiers ven d'unechanson qu'aurait composée. pour ses guerners. le roa danors Knut. monen 1035. Une chronique imane faisant l'histoire de Treviso á la fin duxar siecle nous a conservé quarre vers en dialecte local d'une chanson¿pique improvisee á la surte d'une vicroue survenue en 1196 H.

•• antedate -. le plus souvent. renvote eiobalement á un ensemble de:extes, dont certains seulernent son[ connus. D'ou une incerutude, maisaussa l'importante. pour l'histoire genérale. de l'enjeu. Ainsi en v a-r•il duteme fameux de la Translatto de saint Wulfram. terne par un motne deFonteneile, er qui SiErt3it, parrni les miracles de son héros. la guérison en

12. Ctosbv. p. 90.A valle 1965.p. 23. ct 1966 a.

1 4 . Wartiropper. p. 177. Ker. p. 131. Lomant-Renzt. p. 607.

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L ESPAC E O RAL

1053 d'un certain Thibaut. chanoine de Vernon : Hk quippe es: ille

Tebaidas... (- Celui-lá mime, bien connu. qui adapta avec éloquence. dutarin en langue vulgaire. l'histoire de nombreux saints, dont saint \Van-drille, ec en compasa de belles chansons aux rythmes éclacants . ) 15 . Ce

teme fui souvent réexaminé. depuis que Gastan Paras l'eur jadis interprécecomme une allusion á Fauteur de Saint Alexis. sanan a ce poerne méme.

En fait. la Transiatto n'est qu'un témoignage panicuiierement explicareparma ceux qui artestent la fonction vocale des •chansons de samts -. De(non plus succincte. rnais en termes sernblables. Fauteur de la Vira del'évéque Alcmann. vers 1130. evoque le clero Ezzo compasare en alle-

mand sa Cantilena de mtraculis Christi '6.Un document de poids — mais rant son peu equivoque — qu'Allane

versan au dossier de la Chanson de sainte Foy confirme l'existente et les

modalités de cene tres ancienne poesie : le Liber mtraculortun sancuse

Fidis. rapport tina! d'une enquete pratiquée. a partir de 1010. par Bernardd'Aneers sur la véneration populaire dont eran rabie: la salive eniant.Foy d'Agen — ouvrage critique. désireux de réhabiiiter les tradations du

vU1231Ce en les passan. au cable de ses argumenta. Or. Bernard sienale

qu'en verte d'une .• amague • coucume tevidemment condamnade a sesyeuxi les pelerins assistan: aux oifices de nuit. loes des vigiles des saints.dans regirse de Conques. accompagnalent Se ieurs • eanulenes resta-ques la psalmodie des monies. Une annee. l'abbé. exaspere. tic fermerreglase á cié !e soir de la Saante•Foy. Par miracie les pones s'ouvrirentd'elles-mimes á la tecle: preuve• conctut Bernard. que dans sa maseri-coree Dieu aime les chansons. fussent-elles de :arme populaire: accep-

:ons-les dont : innocens cantilena. neer rusuca. toierari potes! Non peut

toierer une chanson innocente, mime si elle est rusuque -) 17 . Qu'enren-

dre par la - resucité - de ces chants ? la langue vuigaire. ou quelquemélodie de caractére populaire. ou bien un mode partici:raer de declama-[ion ' Tour cela ensemble. saos dome : tes chansons de saint subsis•(antes représemeraient la recuperation de ces traits par l'Ezlise. au sean dela viste act:on dramatique qu'eran sa liturgte.

L'anciennere de tous ces documents. autant que leur homoeénéité. leurdonne un poids hisionque considerable. can c'est au sean de la liturere. ot.

15. Storey. p. 22-23.!6. Wapnewski. p. 33.17 . Zaal p 58-60: cf. 54151k 1983.

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Page 18: Zumthor- La Lettre Et La Voix

LE CONTENTE

dans sa zone d • iniluence. que s'élaborerent. aux xy• e: xtr siecles, laplupan des genres poétiques recuerilis par les copistes du mit` et du xtve:sois que la liturgie en ait foumi le premier modele. sor( qu'elle se soisconformé:: á des modeles poétiques plus anciens. auxquels elle sutconférer leur ',Jeme efficacité. Ces liens étroits et comolexes. non sanséquivocrté. acuchen( plus ou moins directement aux chansons de saincs -ies chansons de geste frangaises: au chant ecclésial, la poésie des trouba-dours cc de leurs rmitateurs: á l'homilérique. ce qui deviendra le thé5-tre au discours pastoral, par l'intermédiaire des tremola. plusieursgentes narranis...

Lorsque l'indice d'oralité trent á que:que caractére propre d'un texte. 11pose de délicats problemes d'imerprétation. Lorsqu'U se fondc sur desdocuments extérieurs au texte, ri en pose de reconstitution. La metdifiere : l'interprétacion opere sur le particulier: la reconsticution. le plussouvent. sur des tendances generales ou des schémes abstrans. Ainsi dans!es recherches concluant. de la tradition rnanuscrire d'un texte. á l'in-iluence d'une transmission orale. lorsque les variantes, d'une copie ál'autre. aneumenc une certaine amplicude. Pour ceux mernc qui reiusentl'idee d'une existente orale de la Chanson de Ruiand. les manuscrits— une dizaine — qui nous Vont conservée anestent l'existence de deuxtraditions au moins: on pea( admettre entre elles une maree de jeu propiceaux initiatives des récitants, c'est-3-aire au déploiement de leur an vocal.Je parierais :cc. ¡aturar que «indice. de présomprion d'oralité.

Cette présomption devrau, en principe, jouer en faveur de la quasi-totalicé des temes de laneue romane dont la composition Cut anténeure auxiity siécie. Nous ne possácions. en effet. qu'un nombre dérisoire detextes poétiques dans des copies exécutées avant 1200: en aceitan. desscribes du xit siécie nous ont procuré la S'ajare Fov. le poeme sur Boéee.et quelques vers d'usaze liturgique ; du Xtl e . deux ou trois textes scolaires:puts plus den jusquc vers 1250: en Crancais. á pan l'Eulalie du siécie.!e manuscrt de Hildesherm de [Alexis-. celui d • Oxford du Roland. petu-erre le teme le plus amen du Saint Brandan. tous trois du xic`. rescent ápeu prés seuis: ni l'inflen ni les langues ibériques ne son( cuzcuz loéis.L'essentiel de !a poésie an g lo-saxonne archaique. en revanche. une tren-:ame de textes tres divers. nous a é:é conservé par quatre rnanuscrits. tous

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L ESPACr.

du ?‹.` siécie: mais. par-delá l'établissernent du régime normand. s'ouvreun vide documentaire cumple:: pas un manuscnt de poésie angiaise avant1300. De tels écarts chronoloeiques font probilme. Ainsi. la chansonde Jaufré Rudel (je prends cet exemple 2L1 hasardl peuc etre datée. pour

des raisons externes. du milieu du siécie. peut-erre vers 1145: maisde la quinzaine de manuscrits qui nous en ont conservé les versions,paríais assez diffárences les unes des autres. aucun n • esr sürement ante-

rieur á 1250. la plupart daten( de la fin du siente ou du .XIV`.

R. T. Pickens. fi qui nous devons la meilleure ¿dition de ce troubadour.expose avec beaucoup de nuances en quot l'étude d'une telle ceuvreimplique, avouée ou non, de la pan du lecteur, une fiction histonque. Parimpuissance, ajouterais-je. á conceptualiser l'histoire propre de la voixhumaine. Le meced de dicrons et vers sapientiaux compasé dans la basseAntiquité et qui circula pendant des sientes sous le titre de Disticiza

Catonis. copié, traduit, aclamé en causes tangues. finit par n'etre plusqu'une consteilation mouvante. dont l'oralité faisait le dynamisme. Noussavons qu'on l'apprenait par arur dans les ecoies...

De mutes manieres les tradicions manuscrites sont ainst troublées. et lescertitudes que Ion auendrait d'elles ne sont souvent que faibies probabi-lités. D'oil. en cas extremes. le recours á l'hyporhése de manuscntsperdus. nutre mythe peut-étre ? Cenains C3itS. 1 est vrai. son( trouolants.Ainsi, tous les textes en ven qui. en francais et en allernand. nous onttransmis la - légende• de Tristan son( fraementaires. ou tres couns et

épisodiques. ou bien ils presenten( une tradition manuscrire :ron ern-brouillée pour qu'U sois possibie de voir clairernent les relations qui lesunissent. II est vrai. =Tne l'écrtvatt G. F. Foiena. que le - hasarckpresidan( á la conservation des textes n'es( généralernent qu'un aspectd'une - nécessité • plus large... dont re peuvenc seuls remire compre lapranque de l'écriture, ses implications. et ses ratés.

La situation critique n'est pas tres dliférence lorsque. de l'existence deformes modernes observées en contexte d'oraiité. on iniére la possibtiité.sinon la probabilice. d'une tradition loneue. plus ou moins indépendante

des textes écrits. Ainsi. les Cintece iilarinesti recueillis dans la Roumanic

moderne attesteraien t l'ancienneté des chants héroiques de cette partie des

Baikans. et la longue durée de leur existente purement Ora je. Ainsi

encare. l'étude de C. Ufane sur ies chansons québécoises en (orne de

faisses concha á une remarquable permanente de ce rype rychmique etnanauf, en maree des tradicions ¿entes. Or, l'examen thérnatique el

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Page 19: Zumthor- La Lettre Et La Voix

LE CONTEXTE

textuel perrnet de (aire remonter aux x111. Xlv e , xv` siécles 14 des355 cnansons enregistrees. proportion faible mais non insignifiante:comparable á cene que fournit l'étude cerque et comparative des300 bailades angiaises cc écossalses tules. par El. Sareent et G. Kit-tredge. du vieux recuell de Child : une dizame iSOU 3.5 %) sont datablesdes mémcs siécles. Combien d'autres sont aussi anctennes ou da‘antage.

notre insu? Qu'en fut-il. pour de lon gues generations peut-écre. de cesrimes rurales - dont partem avec mepris les rhetoriqueurs du xv e ;tecle.

ea des chansons de métier allemandes qu'a !a mame apoque note tecopiste du Ktinigueiner Liederbuch "11

L'hypothese explicatrice s • articule plus aisémenc entre deux textes oue:ars textuels eloignes dans la durée mais entre lesquels se mantfeste uneressemblance á la partielle et assez forte. C'est ainsi qu • S la base desepopees franco-italiennes de la fin du siécle bcaucoup tritaiiimistes.á la suite de E. Lévi• ont admis une tradición orate, venue de France sur:es pas des croisés. avant l'impon:mon des premiers manuscrus: cene:racition se rauacheraient les canwrs héroiques des chantcurs toscans duxiv" et du siécle. Les ressemblances les plus convamcantes sont.plutót que thernatiques. perceptibles a cenaines contraintes («melles ou ádes tics de composition. voire de vocabulaire: or. Fethnoiogie raneste.ce som justement lá des e:len:lents tres stables dans les traditions orales— ce qui tient au ionetIonnement de la mérnoire vocale icorporeile ecernotivei qui les mainuent. Ces( par ce biais que Fon a pu repérer. dans:a poésie !vaque courrotse. en France et en Allernagne. la presence !atented'une poesie difiérente. peut -¿we d'origine beaucoup plus ancienne. maisdont quelques exempies re stront recue:ilis par ecnt qu'á i'epoque mo-derne. acres cinq. six ou huit siécles d'ex:vence uniquement orate. Cest.pass discutablement. la remete cc la periection formelle des chansons deGuiilaume IX ou de He:nricn son Veldeke qui poussa bien des medie% is-tes á supposer au modele poetique courtois des antécédents demeures.peut-étre tres longtemps. sous un régime de pure oratité.

Dans roas les raisonnements de cene nature, rondes sur la constatarond'une rupture de continutté rextuelle. Vare: un:cm ne peut poner que sur unensemble. L'idée de pre-histoire en effet. mu'impiique l ' hypozhése. aefait sens que global. Ce que :ei d'entre nous dénommerait la . préhistoiredu Roland d • Oxford embrasse — en vertu de la nature mame des fans

:8. Renu • P . 4- 14 : Liforte. p. 848 et 261 . 266: Langio15. p. 315: Suppicr

48

L'ESP.ACE ORAL

considérés — tous les elements d'un vasto cycle au sein duque: se dissotl'identite des seuls textes subsistants. L'hypothese est inverifiabie. puitque !es voix passées se son( tues: ce qui en funde la validité. c'est s

fecondité. son aptitude á saisir le particulier au moyen du general. De

probabilités d'ordre divers la soutiennent. de tres inegale force persa:si s e. Elles résultent partbis de la découverte d'un débns textuel isokdans lequel en piase dechifirer les traces d'une situaron oti tour etait livraux aleas des transmissions vocales. Ainsi du Fraernent de La Haye -vers Fan mil, par rapport á la geste de Guillaume: mise ea prose d'u:poeme laten. resulta( peut-étre d'un excrete:: scolaire archaique. Maispoéme !aun lui-rnéme. Adaptait-il une épopée de lanzovuigaire :res anc:enne. ancétre du cycle attesté par les manuscritsxitr siecle Ainst, encore. de la - Nora Enulianense datable d'envite;1060. decouvene naguére dans une maree d'un manuscnt de San N'Una:de !a Cogolla. dans la Rioja espagnole. bre( récit oil l'en s'accorde á vol!e resume d'une Chal:son de Roland pnrintive. Le x' stede nous a légutun poeme lana sur le héros Waithartus. composé it l'abbaye de Saint-Guicc don: on peut admettre qu'el imite ou pastiche des cnansons ¿piques no:écrices de l'Allemaene du Sud...

Le bes= d • interpréter des situations aussi equivoques en gendra e:

France. á la fin du xix e siécle. !a checar:e des ..canuiénes -. inspires paceile des rhapsodies homériques et á laquelle Gaston Pans attacha solnum : ie :eme transmis par le copisce ¿tal' considere comete la resultanted'une pluralicé de poémes courts. de transmission purernent orate. Cettt:hely:e a durable:rent intluence non seulement bien des recherches sur I:m'oyen ,lec. mais :par l'incermédiaire de C. M. Bovvra ?: les travaux decertains ethnoio gues jusqu • aujourd'hui. L'idée. en particulier. de lancéronce •• naturelle - de la bailade - par rapport á V- épopée - n'es: fondeesur nen de solide. L'histoire du Romancero ibénque assez d'ar

g uments pour la rumer. S. G. Armistead a mis récemment les choses atpoint. La réflexion hisronque autant que nos recherches les plus retentenous convainquent aujourd'hul que. jusqu'a preuve du contraire.:e complexe est en tour plus probable que !e simple. cc l'un moins que le divers.

Ces( pourquoi. peut-étre. de presomptions cumuléis se dézage parioi

une (orce persuasi ve capable d'assurer l'unammite de l'opinion! Exernpies privilegies: la prehistotre des sagas tslandaises e: la poésie scaldique

anc:enne (les eddas). ainsi que. á l'autre extrémité de l'Occidenc. lechansons de geste espagnoies. Les sagas. inspirees par divers evénement

10

Page 20: Zumthor- La Lettre Et La Voix

LE CoNTExTE

lies á la colonisanon de Pile, entre 930 et 1030. furent :vises par ¿cric auun Peale: sous quelque forme orale que ce son (peut-écre des poen:eseénéalogiques). elles avatent alors deux ou crois cents ans d'áge. Quantaux eddas. jis nous sont parvenus sous forme de eications des centaines)dans FArt poétique du curé Snorn Scurtuson. vers 1220. L'usage mérnequ'en faic celui-ci. et la parenté de leur art avec la poésie allicérativeang lo-saxonne ains; ( pour une part) que ieur contenu. permet d'en (aireremonter au tecle la tradielon orate. D'Espagne, á part le Cid. com-pase au xn e siecle. e: le Fernán González du 5.111r. aucun poeme ¿piqueanclen ne nous est parvenu. L'existence toutefois d'une (Inclinan dechansons de geste. restée, dans son ensemble. de réeime vocal pur. estprouvée par quelques allusioos qu'y fait une Chronica gothorum dum'e siéele• ec surtout par ('ensemble de citations. resumes cc référencesque foumissent la Crónica general rédigée en 1289 sur l'ordre d • Alphon-se X. puts sa seconde rédaction. de 134-1. On a reconstitué hypothén-que:nent l'une de ces chansons. les Infantes de Lara. Deux autres.consacrees au rol goth Rodrigo er. á Bernardo del Carpio. inspirerent parla suite :out un cycle de romances. Ces peernes. á leur tour. progressive•ment recucillis en Romancero par des amateurs des "(Yr cc xvir siectes.mais dont !'existente est clairement attestée au constituerent commeune seconde vague ¿pique. dont la tradition orate et la fertilicé se main-cinrenc dans :out le monde hispanique jusqu'au XIX` siecle, en quelquesre g ions jusqu'á nos jours.

On cnvoqueran aussi bien ici les branches franlaises et germaniques duRenarr. (elles qu'elles apparaissent vers 1170-1200 á notre hartan. etdont on ne doute plus que des formes orales les precede:ene. Le videdocumentaire s'emplit ainsi, peu á peu. d'un corleen de voix perdues.Cese paríais aux formes d'un folklore moderne á jouer le róle de revela-teur: entre le jeu des marionnettes siciliennes ipuppi) (elles qu'on lesconnaic depuis le xvme sitcle, les Reali di Francia d'Andrea da Barbe-vino au :o ye . et les chansons de geste franco-vénitiennes du quellestraditions vocales ont-elles assuré la continuité? Et entre chansons de',este ou romans franems du et les cycles héroiques véhiculés auBrésil par la literatura de cordel. sur le lon g chemin Mi le seul reíais furqueique compilation du xv' sitcle?

L'E-SPACE ORAL

Cene recherche des precises. la quéte aux indices. les présomptcons.d'un point de vue rnéthodoioe:que. demeurent d'ordre instrumental. Ellesménenc. au mieux. á construire — te plus souvent. á esquisser en poin-tillé — le simuiacre d'un objet. Telle est leur utilicé : une fois actantecene fin, elles n'imponent plus. Informés par le simuiacre. essayons de

saisir l'objet Le simuiacre. c'est ici une ! tradition orate- l'objet qui sedérobe. l'action de la voix dans la parole et dans le ternos. Ce que noussuegerent les textes ainsi auscultes, ce sont les dimensions d'un universvocal : l'espace progre de cene poésie. dans son existente Site. au tourle jour. Ce que nous suggerent aussi plusieurs d'entre eux. c'est lastabilice de cet univers. la stabilité qu • il assura. dans la longue durée. áF(xuvre, en elle-méme si fugace, de la voix. Le recul faic apparaitre á nosyeux un réseau serré de traditions poétiques orales embrassanc tour l'Oc-eident; cc l'étude comparée de certatns chémes narratifs non moros que deformes (te! le modele rychmique du révele une remarquable conti-nuité entre ce réseau el ceux qui recouvrenc ('ensemble de l'Eurasie. l'aifan allusion. dans le chapitre précédent. au protit que peuc tirer lemédiéviste d'un examen comparaccf du tan :pique á cravers l'Europeenuere á haute epoque: simple exempie. Mais on ne peut. du crian(héroiquc. dissocicr tout á fait !a bailade -. qui en pays anglo-saxongermanique a fait recemmem encore Vebjec d'étuces importantes !°. va-riété d'épopée courte, constituant un art vocal auconome. la bailade.

répandue dans (out le monde eermanique Jusqu'aux xvnr ou XIV té-eles, ainsi que dans la plus eranae parte de la Romania médievaie. n'escpas attestée. semble-t-il. dans les temes de l'ancienne France. daispeuc-écre n'y est-elle simplement pas identifiée. Pour ma pan. je n'hésitepas á considérer comme ballade cene de nos - chansons de toile comme

Bele Aiglentine, dont j'ai tenté jadis de reconstituer t'histoire textuelletravers les mucacions dues á l'incervention des chanteurs. sinon lene

chanson populaire comme le Ros Renaud. dont le teme francais appa-

rait en pays gallo au xvle siecie. mais dont des versions onc ¿té retevéesen Scandinavic. en Écosse. en Armonque. d'oil Ion peut supposerqu'elle penetra en terroir franeais 20 ! Des ouvrages comme ceux de

Buchan ou de Metzger en 1972, d • Anders en 1974, fournissentmacériel et des perspectives d'interprétation. cnégalement assimilables par

19 Anclen. Suenan: Jonsson; Meuer. etc.XI. Dan:1sec. p. 157-162.

50 51

5

Page 21: Zumthor- La Lettre Et La Voix

LE CONTEXTT_

le romaniste. mais propres á entrainer une saine rermse en question deposiuons apparemrnent acquises. Un colloque tenu á Odense, au Dane-mark. en 1977. jeta sur l'européanité de la ballade une lumiére cenesinécalernent puissante. mais qui révélait dans sa pénombre les traces dernultiples et tres anciennes traditions orales. entrecroisées. Une centativede dérmition de ce type de poernes s'appuvait sur plusieurs discussionsreianves á ses formes et son histoire scandinaves. ainsi qu'á ses rnanifes-tations dans l'Europe du Mord. du Centre cc de l'Ouest : Finlande, Hon-igne. Slovénie: Buchan retrucad les premiers cheminements. entre mi' erxve siécle. du genre anglais. définitivement conscitue vers 1450:D. Laurent faisait rernonter jusqu'au sinon au Ir. la tradition depiusieurs bretonnes. dont la gwerz de Skolan "1.

Un semblable elareissement de la perspective s'eral( imposé (dans la(aula:, rl est vral. de la guate rornantique des Origines). voici pros d'unsiecle. aux histonens de la poésie lyrique - romane. Des les années 1880en effec. certams médiévistes avaient ere conduits. sur la tolde témolena-ees indirects. á présumer une ou des traditions orales. depuis tormentoseccintes er dont rnérne les effets hisdariques restent difficiies á déméler.par suite de la relactve rareté des soures !atines disponibles pour le hautmoven et de l'inextstence de documents en langue vuleaire. Ceslience s'explique. en pante. par une censure ecclésiastique. D oü I • im-portance que l'on est en droii d'attacher aux - tintes- qui. de tempsautre. se produisent. sous couven de condamnation. On en a dressédepuis longtemps l'inventaire: du v • siécle au X- se desune une longueserie de déclarations officielles réprouvanc ou interdisant l'un ge decamica alabolica. imuriosa. amatoria. obseaena. turpia • de ea/narrar:essn-e saltanones. de cantilenae rusticoram. ou. selon un capitulaire caro-lingien. de ces mysténeux winileodos chansons d'ami ou - de travail - )chers aux nonnes des pays allemands. Reelementations royales.interdictions conciliaires comme ceiles de Chálons en 569 et 1564. deRome en 853 r_onseils epistolatres comme ceux d'Alcutn á l'évéque deLindisiarne ou aux moines de Jarrow en actestent la v ieueur et l'uni-versalité dans la platique populaire. Ce que les mainteneurs de l'ordrerejettent amsi. c'est á leurs yeux une persistance paienne: á nous d'endéciuire l'existence de traditions longues. On a supposé. sans irop depreuves. que cenaines meces du recueil latin des Carmina cantabrigen•

21. Holzappel 1978

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C ESPACE ORAL

sia. du siécle. retléteraient quelque chose de cene poésie archaiqueRien n'est moins sür: les quelques phrases méprisantes tombées d

levres sacerdotales ou royates sienalenc pour nous un trou noir. d'os'eleven( d'autres voix inaudibles. mais innombrables. un éclat soudairde toutes paras. qui bienced sera reprime. ou confisqué par recritureAussi a-t-on cherché á retrou‘er. parad les textes d'une ¿peque Laterieure. les iraements ou les creas supposés de notre lyrique unginelle -L'enquéte n'aval% aucune chance d'abounr. si on la contraienait dans lelimites d'une lame ou d'un terroir. Sur piusieurs points. elle procura deresultáis probables. Ainsi. lorsque le cornpilateur d'un chansonnier dXItr siécle signale néedgemment que le troubadour gascon PeireValeira. l'un des plus anciens qui nous soient connus (dans la premié:

mon je du ne valait pas erand-chose car il compasad des vers • cfeuilles. de fleurs. de chants et d'oiseaux - :2 . on presume qu'il faic ainreference á un eenre combé, de son ternes. en desuetude ou en desafíe:.don. Or, de ce genre. rien ne subsiste que — peut-étre — des (ragmenmal identiliabies. chants de pnntemps égaiilés parad les chansonsIlinnesányer. ou les reverdies•et - romances- irarcaises. jadis pibliées par K. Bartsch d'aprés des manuscnts reianvement tardiis.

Acure exemple: une declinan de chants de lamentation sur les monspécialernent lors du décés d'un chef. indirecternent attestée des

siécle. remonte sans doutc plus haut encore, et se minuta :rlongcemps Boncompazno da Signa. en ) 2_15. dans son trade de sty

, Rherorrea antigua. dite le Boncompaynus,. consacre un chapicre 'a

maniere dont on chance le lamento chez treize peupies de son termasDes clercs d'eduque carolingienne en composerent en !aún: il nousreste plusieurs. partbis assez rustiques par leur tuneaste. et therriatiqt

ment toujours engagés- : sur la mon de Chariemazne. sur cede d'Erduc de Frioul. sur la bundle fratricide de Fontenoy en 841. sur le meurdu sénéchal Alard en 878. pour la mon de Ouillaume Longue-Epée. ede Normandie. en 942... Cene tradition impregne les chansons de eesles chansons de saints merne. dont l'un des monís est la plainte sur

mon du belios. si bien réglée que j'ai pu jadis en (aire la typoiogie.

Xile siécle. le &rictus est devenu un genre noble. cultivé par des poé

de tour ou d'école: on confiad le p(anh des troubadours: ou les six bea

12. Bounere•Schutz. p. 14.23. Goldm 1983, p. 38-39.

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LE CONTEXTE

planetas MUSIC3UX dans lesquels Abélard. á l'intention des nonnes duParaclet, fait chanter divers personnages bibliques confrontes á la mon(migue d'un étre airne. Le manuscrit Pluteus 29.1 de la Laurenciennenous a conservé. aves leurs mélodics, une dizaine de n'atriles composeesentre 1180 et 1285 á l'occasion de la dispancion de grands personnagesféodaux ou ecclésiastiques, d'Espagne. crAnelezerre et de France:Ce:te histoire se proloneea jusqu'á la fin du moyen age.

Troisieme exemple, manifestant la presque unanimité des specialistes:l'existence, duran' les cuto ou six siecies precedan( 1200. de chansons.diles - de femmes- (á la suite des premiers eermanistes qui idencifiérentd'archarques Frauenlieder- allemands). Césaire d'Aries, au tr• siente,semblait y (aire allusion déjá, dans son indienation: • Combien de pay-sannes chanten{ de ces chansons diaboliques, érotiques. honteuses! •iQuarn mírele f.:atiene midieres tantico diabolica. amatoria et rurpiadecantant! ); les Pares du conctle de Rome, en 853, mentionnatent i leurtour des chansons férnintnes - aux paroies honteuses-. accompaenant desrondes 25 . Bien ces refrains insérés dans les chansons counoises francat-ses des xiitsiales. des strophes reutilisées par les auteurs desCarmina hurona ou par cerra j as Minnesan ger constituent probablement ála ibis les dans et les térnoins d'une tractition dont la vieueur se mani•remera encore. á partir du XIIP s'ale. dans cenains villancicos espagnois.dans les cantigas de amigo ponuszatses. voire dans les • chansons detoile• ou les maumariées• francaises, et sans doute dans beaucoup dechansons de danse. tels les carvis d'Anzie:erre. Un ample mouvementpoétique. Iraversant les siécles. se dessme ainsi dans le rniroir de formesplus tarcives. sans doute plus eiaborées. más qui en imitent ou pastichentles teuvres. Quana, á la fin des années 40. je commencat i m'interesserá ce probléme. je me persuada' que le rana ,han' counois - descroubadours occitans s'elan constitue. vers 1100, par réaction contrecene poéste sauva ge. L'existence de cene derniére n'en demeura pasmoins hypothaque jusqu'a te que. entre 1948 e: 1952. S. M. Sienplus E. G. Gomez eussent déchiffré et publié une serie de brefspoémes andalous inseres, en grapnie sérnitique. á titre de jarcha: tstropheterminale) dans des mawassanas hébraiques e: atabes des Xr. xrP etX111` siales=6.

24. Commumeation de G. Le Vot. 1985.25, Romeral() 1969. 9 365-36626. Heger: HzIty: Romeral() 1969. p. 347-364

LESPACE ORAL

Cene découverte a largemen t confirmé, en le precisan'. ce que Ionsupposait de la puissance expressive et de la continuité d'une tres an-cierne poésie érotique, d'extension quasi européenne (de Grenade auxforets saxonnes: de Rome á la mer du Nordl, de transmisston oraie etassurement chancee. II est désormais possible d'en identifier cenainsthemes. voire quelques traits iormels. Ce que j'en rettens sur,out, c'estl'image suscitée ainsi : á l'aubc du monde issu de la désagreization descultures eréco-romaines. et durant les siécles manes oit se rétablissait peuá peu l'equilibre des (orces eivilisatrices, se manicio' ct se développa unart vocal «tenia]. Les réactions indignées du haut clergé non motos quel'utilisation folldotiste qu'en tiren'. á partir du ni* siente. les poétes decour attestent son irréductibilité et sa longue fécondité. Les ceuvres de cetart son' pour nous inemediable ment perdues. Nous n'en percevons que

des retlets. Mais elles existérent: elles se succédérent. au sein d'unetradition vivante. pendant come l'époque tr.érovingienne. l • aoque caro-

linetenne. la haute époque (éodaie. I! est historiquement bien improbablequ'une tette expenence n'al( pas marqué. tongtemps encore aprés ceterne. mute poéste: non tellernent dans les formes de latinee ni lesmotits imaginaires que. á un niveau profond. dans Itxpenence d'unzertain accord entre !e verte e: la voix.

Une vive lumiere frappe ainsi — aux yeux de qui tente de s'affranchirdu préju gé litteraire — les wuvres que nous ont conservas les manuscntszonfectionnes á partir des Xtr-XIII' siécles. Elle nous procure la quasi-certitude d'un usase (a. haute ¿peque exclusivernent) vocal des chansonsde geste jusque vers la En du et de ('ensemble de la poeste

• lyrique popularisante. au sens oit P. Bec entend cet adjectif. ren-voyant á un substrat culturel d'orante pure: aubes. pastourelles. et d'au-tres. spécialement les formes á refrain. Nous ne connaissons que par deszemoignages indirects (ainsi ceiui de Wace. aux vers 9792 et suivants du

Roznan de Brue) l'existence de cortes transmis par la seule tradition orate.Mais cene Cerniere dut jouer un tate prépondérant dans la diffusion dueenre des fabliaux francats et des Schwanke allemands. qui apparait aucours de la seconde monté du XII' siecle : l'examen. par J. Rychner. dés1960. de la tradition manuscrite des fabliaux est convaincant á ce égard:

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LE CONTEXTE

et l'on n'auraic pas de peine a retrouver des indices comparables d'orantedans piusieurs formes de - récit bref•contes pieux. mitades de Notre-Dame... jusqu'á la novefla ttalienne. selon R. J. Clements et 1. Gibaldi.Les rozos et vidas insérées dans les chansonniers de t roubadours furentprobablement, á l'ori g ine. soumises au méme régime: la Vida de Guillernde la Tor en fuma la preuve direcce: "olio dice sas cansas. elrazia piar lon • semen de la rasan que non era la canso: Quandvoulait exécuter ses chansons, son commentaire (rozos durait plus long-temps que la chanson elle-méme -) 27 . vl. Ewan a montré qu'U s'un li demini-récits calques sur le pian des acensas ad poetas, ce qui nous renvoteaux pranques orales de l'enseignement.

Personne nc me: en doute. en dépit du faible nombre des mélodiessubsistantes, l'orante de la poésie des troubadours. trouveres ni Tiene.sánger : du moins, en ce qui concerne sa communication. Nlais plusieursraisons Inclinent á penser que la tradition mérne en fut. en bien des castpeut-dre en concurrente avcc des rediles volantes,, conliée á la rné•motee des interpretes. Peu importe que Guillaume IX. á l'aube de cenetradition, assure avoir improvise telle de ses chansons cc huiré Ruciet.expedié la sienne á son desunataire sans Palde du parchemin. On :en.o-quera pul& la iongue durée qui s'écoula entre l'époque oú vécurent lespodes ec la date des plus anciens manusents au-deiá de deux siecies.,mon pour la plupart des :roubadours ancéneurs i la croisade desAlbigeols. Tout se puse comme si les amateurs et les copetes du%Dr• stécle. inverseinent avalen( considére qu'une époque de leur bis-torre poétique vivante avait pris fin avec le Xlii'. Or. quelle ovan été. dan:cc vide d'écriture. le mode d'existence des temes les mouvements del'incertexruainé — de l'inter •ocalitti —de l'une 5 l'atare de ces centainesde chansons Un line récent de J. Gruner funde implicitement sur ce fanune tmerprétation z2Iobale et dialectique - du trabar. D'autres en voten[l'effet dans la mtmvance généralisée de la chanson: 40 "- de celles quenous ont conser •ées plusieurs manuscrits componen( des vanantes signi-ficattves. C'est ainsi que s'edairent tpiutót que par un appei aux audt-teurs. invites á faite l'exegése de ce discours) les déclarattons de plusieurspodes. modulées iau début ou á la fin de la chanson) sur le !heme : pluson emendra mes vers. mieux lis vaudront: plus le temes passe. plussignitiants ils deviennent... Ainsi • Cercamon. huiré Rudel. Bemart de

27. Boinierc•SchuQ. p. 134.

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LESPACE ORAL

Ventadom 23 . crois des peres de cene poésie. La chanson, au long de son

biscotte. s • ennchit. non seulement. non méme peut-étre principalement.du renouvellement incessant de son texte et de sa mélodie. mais de la(orce vicale emanant de la muitipitcité et de la diversité de toutes ces

_orees. ces bouches qui successtvement l'assurnent.La situatton est analo g ue dans d'autres zones de Vancienne Carolingie:

transfer: par vote d'orante. au X ni' silde. de l'épopée francalse dans la

plaine du P6 et en Vénécie: de la chanson troubadouresquc i la cour

sicilienne de Frédéric 11. La poésie iranciscaine des premieres genera-

:10ns de l'ordre. soucieuses d'échapper á tout prestige • savam connutsans douce une piase initiale d'orante pure. Tout le monde sernble. des

1228-1229, connaitre le Carraco di Frote Sate de Francois d' Assisel mar:

$3 mise par ¿cric n • est pas assurée avant la fin du siécie. Cóté germanique.des les années 20 de notre siede, plusieurs savants d'outre-Rhin soute-naient la thése de l'orante généralisée de la poésie allemande. aux XII'.

X de siecles encare. Ils l'entenciaienc. ti est vrat. dans un sens plus large

qu'un ne le faisait ailleurs. et l'étendaient au minan ceurtois. A partir de

19e8. lisre de 14. Linke sur Hartmann son Aue relanca la discussion:F. Knapp. F. Tschirch rappu!.ércnt de teta autoricé une positior. qui 'je

ri gnorais alors) ét3il cene méme que danissan. dans le méme ternos.

mon Essat de puetiqueLa oéninsulc Ibérique ioumit les plus rices exemples de traditions

poetiques vigoureuses qui se sont maintenues jusqu'a Met sans le secours

de !Rent. Celle du Romancero remonte. cá et lá. au mil' stecle. sinon

méme plus tót. et son dude nc cese de s'étentire et de se préciser. Ainst.une equipe dirigée par Diego Catalán a récemrnent suivi Vhistoire exern-

piaire du romance qui fui le premier mis par écrit. vers 1420. La dama

el pastor. Une vingtatne de versions orales distincces en ont par atileurs

¿té relevées, depuis le Xvi e siecte. diez les Sépharades et. d'un villancico

qui fournit l'équivaient iyrique de ce récit. on n • a pas retrou vé moins de

180 versions. en Espagne. en Amérique latirte et. encore. en mtlieu

sépharade :9 . Ces faits impliquent I • existence d'une tradition bien amé-

rieure au Xv e siecle.Chez les Angio-Saxons. avanc la conquéte r.ormande. I'impacc de la

zitristiantsation sur les anuques cradicions germaniques en gendra une

2S. N"' ce PIllet•Carste ns it2. 262. 'O:9. Larnb•Phl ipps.

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Page 24: Zumthor- La Lettre Et La Voix

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LE CONTEXTE

poésie oraie. dont les traces resten( assez aisérnent repérables. Aprés1066. et durant (out le KW szecle, divers echos assourdis nous permettentd'entendre la voix d'une poésie de langue zermanique. populaire. refou-lee par le francais et le !aun des dominateurs et des le.trés. Le MY' siécleen ressent peut-étre !es effets dans le mouvement que l'on a distinguécomete ailaerailve reviva!. Au-delá de la Severn et de !a mer. le monde&U:que, en dépit de l'intense activité scripturaire des rnotnes irlandais.demeurera jusqu'a notre siecle exceptionnellement nche de tradicionsorales, de mame, i l'époque ancienne. les pays nordiques. en depit dedifférences notables entre Suéde. Danernark et Norvége d'une pan.Islande d'autre pan. On invoquerait aussi bien. á l'autre bout de lachrétienre. la poésie vtlgaire de Byzance, et les chants oi se forma lecycle héroique de Digenis Akruas; plus card. les ballades urbes commé-moran( ia guerre de Kossovo; vont, en Paienie la transmission desyasidas acabe du Proche-Orient... partout. presente dans les intersticesdes cubres dominantes, celle dcs juiveries du bassin mediterraneen. dela France. de l'Allemagne. de l'Aneleterre. On commence aujourd'hui ámteux en percevoir rampleur et cenes en particulier d'unepoésie liturgique ou profane. ea hébreu. en vemaculaire. souvent bilin-21.3e I art vocal qu'entre le r et !e mil' siécie developperent aves éclat(paralleiemenc á la poésie chréttenne des trapes) les communautés sé-pharades de Provence et d • Espagne 30.

Jusqu'oil poursutvre cene randonnée? Plus on la prolonge. plus nousatienden( de piéges: cc pius s'écend l'espace consideré. plus fonementdécroit la valeur des ressemblances observées. Reste qu'un caracterecommun. essentleI quoique prorondement enfout sous les manifestationsde sudase, subsiste dans les substrucrures de coutes les civilisations ádominante orate. En ce sens. il n'es( peut-étré pas abusif. comete Fon:fait récemment plusieurs savants japonais. de relever les analogies entrele mode de déclamation du Heiké. de nos jours encore. e: ce que Pon peutsavoir de l'énonciacion épique dans le moyen áge occidental. J'ai moi-rnérne fan l'expérience de la lumiere que projcnent. sur la narure et !eprobable fonctionnernent de nos fabliaux. !es performances de rakugo.J. Opland tirait. de la pratique des récitants bantous. des informations surcelle des skops an g lo-sazons... Les reserves inspirées par une sainephiloioeie consenient en cela leur validité! Mais plus encare que la

30. Battu

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:...ESPACE

prudence • habituellemeni recommandée. s' impuse un fuste éclairaee

la &marche. 11 ne s'arta pas en effet — sauf exceptio n — d'apporter une

preuve ni mame de fonder telle hypothese relame á tel teste ou tel terron,

mais bien de provoquer l'imaeination cnttque : cette ouvenure aux ima-

ees visueiles et auditives,intéerees parmi les elements d'information que

mettenc en truvre le philolog ue e: l'historie n — imagos sans lesquelles je

ne saurais vivre ce que j'apprends. c'est-á-dire échapper á i'illusion

scientiste.