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4ème Colloque International du Réseau Monder,
L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR DES INDUSTRIES DE RÉSEAUX : LES CONSOMMATEURS SONT-ILS SATISFAITS?
Martigny, Suisse, du 8 au 11 janvier 2006
«La régulation énergétique au Mexique : quel bilan ? »
Victor Rodríguez-Padilla
Université Nationale Autonome du Mexique
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L’objectif de cette communication est de dresser un bilan
préliminaire et panoramique de la pratique de la régulation au
Mexique et de son impact sur les consommateurs.
On examinera la situation spécifique des industries électrique et
de gaz naturel, ainsi que la performance de la Commission
Régulatrice d’Énergie.
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Architecture du marché
La nationalisation de 1960 a réservé à l’État la prestation du service public d’énergie électrique. Deux entreprises d’Etat: CFE et LFC. La production autonome a été concédée au secteur privé.
Durant les négociations de l’ ALENA (1992) a été accordée l’instauration du modèle d’acheteur unique intégré.
Activités ouvertes: la production indépendante, l’importation, l’exportation, la petite production, les sociétés de production autonome, l’ATR et le développement de lignes électriques privées.
CFE et LFC ont maintenu leur intégration verticale.
On a crée une Commission Régulatrice d’Energie (CRE) autonome
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Fonctionnement actuel
La CRE gère les permis de production, fixe les termes et conditions d’utilisation du réseau, et détermine les tarifs de transport.
Le Ministère des Finances détermine les tarifs. Les prix en haute et moyenne tension ≈ coût marginal de long terme. Les prix en basse tension ≈ coût moyen.Tarifs d’appoint ≈ coût marginal de long terme
La qualité du service est à la charge de CFE et de LFC.
La Procuraduría Federal del Consumidor protège les usagers.
La Commission Fédérale de la Concurrence veille à ce que la concurrence soit bien présente
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Résultats: le bilan de la régulation est variable
La qualité du service fournie par CFE est élevée. Le service offert par LFC est mauvais (l’investissement à été insuffisant pour des raisons politiques: affaiblir un syndicat très puissant).
Les tarifs électriques prévoient d’importantes subventions croisées.
Les tarifs et le budget de CFE servent d’instrument complémentaire aux politiques de stabilité macroéconomique.
Cependant, CFE ne répercute pas l’augmentation des prix des combustibles pour l’ usager final résidentiel.
Le prix moyen se situe en dessous de la moyenne de l’OCDE. La tarification industrielle est moindre à celle observée aux EU.
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Performance du régulateur. Les résultats laissent à désirer. Dans le cas de la CRE, on peut évoquer
• la capture idéologique, • l’interférence politique, • la confusion des rôles et • la faiblesse institutionnelle.
Capture idéologique
La CRE a fait sien le postulat idéologique selon lequel plus une industrie est ouverte et déréglementée, plus l’efficacité sera élevée.
La CRE insiste pour modifier radicalement l’architecture du marché au lieu de faire en sorte que le schéma de l’acheteur unique fonctionne de façon efficace. En plus, elle encourage la privatisation (choix politique).
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L’interférence politique
La CRE a facilité la multiplication de producteurs et de vendeurs d’électricité privés pour qu’un service public parallèle à celui prévu par la Constitution se mette en place.
Ce processus a eu deux finalités : • que le secteur privé profite de l’opportunité de faire des
affaires en couvrant la croissance de la demande d’électricité, et • que le Congrès, face au fait accompli, accepte de changer la loi et d’officialiser le marché électrique que le gouvernement n’a pu obtenir des acteurs politiques via la négociation.
Cette volonté d'impliquer à tout prix le secteur privé a signifié agir en marge de la loi.
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Des audits réalisés par la Chambre des Députés ont mis en évidence:
• Péages de transport subventionnés
• Centrales privées qui font en même temps la production indépendante, la production autonome et l’exportation.
• Sociétés de production autonome autorisées à fournir de l’électricité à toute l’industrie du pays.
• Permis de production autonome dans lesquels pratiquement toute la production se vend à CFE en tant qu’« excédents ».
• Installation de centrales où le réseau est très congestionné et ceci à l’encontre de l’opinion de la CFE.
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La confusion des rôles
La CRE a pour objectif de promouvoir le développement efficace des activités régulées. Elle doit contribuer à sauvegarder la prestation des services publics, encourager une saine concurrence, protéger les intérêts des usagers, favoriser une couverture nationale adéquate et veiller à la fiabilité, la stabilité et la sécurité dans la fourniture de l’électricité.
Cependant, la CRE agit davantage comme agence de promotion d’investissements que comme régulateur. La Banque Mondiale a d’ailleurs critiqué ce comportement
La CRE évalue ses performances selon trois indicateurs : • le nombre de permis autorisés, • la capacité de production qui sera installée et • le montant de l’investissement promis par les compagnies
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Faiblesse institutionnelle
• Capacité technique déficiente. La CRE fixe des méthodologies incomplètes, et elle approuve des termes et conditions qui avantagent Pemex et la CFE et bénéficient peu au consommateur et aux investisseurs (critique des IPP).
• Vulnérabilité budgétaire. Le budget de la CRE a été réduit de moitié suite aux contraintes budgétaires, ce qui montre le peu d’importance accordé par l’État à la régulation.
• Capture économique. Le Ministère de la Fonction Publique a déclaré inapte le premier président de la CRE pour une période de 10 ans, car il s’est incorporé à Tractebel peu de temps après avoir conclu son mandat et après avoir favorisé cette entreprise à travers plusieurs permis.
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Indépendance très restreinte.
-- Le président de la république nomme et contrôle les hauts
fonctionnaires de la CRE; -- Les décisions importantes sont prises par le Ministère de l’Énergie et, surtout, par le Ministère des Finances.
Un pouvoir limité empêche la CRE d’agir comme arbitre dans la résolution de conflits et d’exercer un pouvoir réel de sanction.
Pour surmonter ses faiblesses la CRE ne demande pas plus d’autonomie ni un meilleur blindage de celle-ci. Au contraire, elle demande un élargissement de son champ d’action et le transfert d’attributions d’autres autorités régulatrices, extension qui n’est pas justifiée dans le cadre de l’architecture actuelle du marché.
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Le manque d’indépendance du régulateur dépasse le simple cadre
énergétique, puisque les régulateurs d’autres activités sont
également confrontés au poids d’une tradition administrative basée
sur l’autorité directe et verticale, exercée par le ministère respectif.
Les régulateurs mexicains naissent et opèrent avec des
arrangements institutionnels très faibles qui les empêchent de
mener à bien les tâches que la loi leur défère.
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2. GAZ NATUREL
Architecture du marché
1938-1995: la filière était réservée à l’État. L’approvisionnement se faisait par l’intermédiaire de Pemex, entreprise verticalement intégrée. CFE participait aussi à la distribution et la vente de gaz
En mai 1995 les segments en aval ont été ouverts et le pays a été intégré au marché de gaz naturel nord-américain.
Pemex a conservé le monopole de la production, l’opération du réseau de gazoducs et la vente aux grands consommateurs
Le pays a été divisé en zones de distribution mais avec l’obligation d’accepter un by-pass physique et commercial. Les réseaux ont été privatisés.
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2. GAZ NATUREL
Architecture du marché
Intégration verticale entre transport et distribution interdite.
ATR, libre importation et libre vente de gaz,
Tarifs régulés de transport, de stockage et de distribution.
Pour le prix de la molécule de gaz on introduit un prix net back régulé afin de limiter le pouvoir de marché de Pemex et de refléter les coûts d’approvisionnement alternatif (Texas). Le prix du gaz importé a été libéré.
Elimination des tarifs douaniers
Permis d’importation de GNL.
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2. GAZ NATUREL
Le bilan de la régulation est aussi variable
Celle-ci a relativement bien fonctionné durant le gouvernement qui
l’a mise en place (1994-2000), mais assez mal durant la période
récente (2000-2006), surtout en ce qui concerne la tarification.
Les fondamentaux du marché ont mis en évidence le manque de
compromis du nouveau gouvernement envers le cadre et l’autorité
régulatrice. Ils ont également permis d’observer non seulement la
force des intérêts particuliers qui ont capturé le processus de prise
de décisions en matière de prix, mais aussi la faiblesse
institutionnelle et la tendance à prendre des décisions de politiques
publiques en marge des règles établies.
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2. GAZ NATUREL
Le gouvernement n’a pas permis à la CRE d’agir en tant que
régulateur autonome.
Sous la pression des grands consommateurs, il est intervenu pour
freiner l’augmentation et l’instabilité des prix qui se répercutent sur
le Mexique depuis le Texas (2001, 2004 y 2005).
Résultats : une brèche croissante entre les prix réglementés et les
coûts d’approvisionnement alternatif, des obstacles à l’importation
du gaz, le découragement de la concurrence potentielle,
l’incertitude des opérateurs et la perte de confiance en l’autorité et
le cadre réglementaire…
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2. GAZ NATUREL
Un problème d’équité La vente de gaz naturel en deçà du coût d’opportunité du producteur entraîne un transfert de rente du propriétaire de la ressource –la nation mexicaine– vers les consommateurs de gaz, et plus spécialement vers les industriels, sans aucune obligation de leur part en matière d’investissement et de création d’emplois.
Capture de la CRE par les intérêts privés : L’autorisation aux entreprises de distribution d’élever substantiellement leurs tarifs sans amélioration notable du service.
Exemple. Dans le sud de la ville de Mexico la facture que paye les foyers s’est élevée de 117 % en termes réels ces cinq dernières années. Cette hausse est disproportionnée face à l’augmentation de seulement 25 % qu’a subi le prix de la molécule du gaz.
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Prix du service public de gaz naturel, foyers du sud de la ville de Mexico
0.5
1
1.5
2
2.5
3
3.5
4
4.5
5
e-00
a jl o e-01
a jl o e-02
a jl o e-03
a jl o e-04
a jl O e-05
a jl
Peso
s / m
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Prix moyen pour une consommation de 40 m3 .
Prix du gaz naturel
Coûts et marge du fournisseur
Souvention de 28% pour une consommation de moins de 47 m3/mois
Contrôl des prix
Fuente: Aldana (2005)
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2. GAZ NATUREL
Ces majorations ont servi à compenser non seulement une
estimation trop optimiste des coûts opératifs et des coûts du
développement du réseau offerts par le distributeur lors de l’appel
d’offre, mais aussi le manque de recettes dû au fait de ne pas avoir
atteint l’objectif annuel de connexion de nouveaux usagers.
Ainsi, les consommateurs connectés depuis longtemps au réseau
sont en train de financer l’expansion du service et subissent de
plein fouet l’inefficacité et l’incompétence de l’opérateur privé.
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CONCLUSION
Au Mexique, l’ouverture de l’électricité et du gaz naturel à la
concurrence a été limitée. Le monopole de l’électricité a été
substitué par le modèle d’acheteur unique intégré. En gaz naturel,
c’est le modèle de producteur unique intégré qui a été adopté.
La qualité du service a été améliorée grâce aux programmes
spécifiques de la CFE. Le Ministère des Finances gère les tarifs
électriques selon des critères économiques, politiques et sociaux; la
majorité des tarifs couvrent les coûts de long terme mais il existe
aussi des subventions croisées. Le prix moyen de l’électricité se
situe dans la moyenne de l’OCDE.
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CONCLUSION
L’autorité politique gère les prix de gaz naturel en laissant de côté
l’autorité régulatrice. Les tarifs internationaux lui servent de
référence, mais elle applique des réductions pour amortir l’impact
sur les consommateurs, au détriment des finances de Pemex. En
matière de tarifs régulés, la CRE favorise davantage les
distributeurs que les consommateurs.
L’autorité régulatrice du secteur, la CRE, est juridiquement et
politiquement faible.
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CONCLUSION
Elle ne dispose ni d’indépendance, ni d’autonomie de gestion, ni de
moyens financiers, techniques et humains suffisants pour réguler
avec efficacité le marché énergétique, garantir l’efficience des
services et protéger les intérêts des usagers.
Elle souffre de capture idéologique, d’interférence politique, de
capture de la part d’investisseurs privés, de confusion de rôles et
d’ambition pour de plus grands espaces de pouvoir.
Le consommateur final en est la principale victime.
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CONCLUSION
Le manque de compromis de l’état mexicain vis-à-vis de la
régulation rend compte des barrières et des obstacles auxquels
sont confrontées les institutions de marché dans leur construction et
leur fonctionnement, bien qu’il s’agisse d’un pays gouverné par des
néo-libéraux, des bons élèves du FMI et la BM.
La réforme a réussi à introduire la régulation mais elle n’est pas
parvenue à obtenir que ce schéma anglo-saxon fonctionne
correctement dans un cadre institutionnel vertical et centraliste
profondément enraciné dans la tradition latine.
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CONCLUSION
Le poids d’une longue tradition d’autoritarisme vertical exercé par
une administration centrale dans la prise de décisions, limite et
restreint le champ d’action et les temps réels de la régulation.
En plus, il semble que les arrangements institutionnels formels et
informels nécessaires à une régulation efficace peuvent seulement
avoir lieu dans un état avancé de développement économique et
social où domine l’intérêt collectif et non l’intérêt d’un petit nombre.