Par Dominique HOUEL,
Juriste spécialiste du sanitaire, médico-social et social
JRT 2016 : Panser les violences au travail1
Approche juridique de la violence au
travail
Cadre juridique / violence
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Article 11 Loi du 13 juillet 1983 : Devoir de protection de l’administration à l’égard des agents de la collectivité publique
Article L6143-7 du Code de la santé publique : Pouvoir de police du directeur de l’établissement
Droit pénal : Loi du 18 mars 2003 (correctionnalisation de toutes les violences commises à l’encontre des personnels de santé) + loi du 5 mars 2007 (aggravation des peines) - (Cf. art 433-3 du Code pénal)
Obligation de sécurité de résultat de l’employeur
Circulaire N°DHOS/P1/2000/609 du 15 décembre 2000 relative à la prévention et l’accompagnement des situations de violence
Circulaire N°DHOS/P1/2005/327 du 11 juillet 2005 relative au recensement des actes de violence dans les établissements mentionnés à l’article 2 du titre IV du statut général de la fonction publique
Protocole d’accord entre le ministre de la santé et des sports, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et le ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés du 10 juin 2010, modifiant le protocole du 12 août 2005
Cadre juridique / RPS dont violence
Prévention des RPS3
Article L4121-3 du Code du travail Application des règles du code du travail en matière de santé et sécurité des travailleurs
dans le respect des spécificités de la Fonction Publique
Loi n°86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la Fonction Publique Hospitalière
Circulaire DGOS/RH3 n°2011-491 du 23 décembre 2011 relative au rappel des obligations en matière d’évaluation des risques professionnels dans la Fonction Publique Hospitalière
Accord du 20 novembre 2009 en faveur de la santé et la sécurité au travail applicable aux 3 Fonctions Publiques et à tous les agents (titulaires ou contractuels)
Accord-cadre du 22 octobre 2013 relatif à la prévention des RPS dans les 3 fonctions publiques
Circulaire du 1er Ministre n°5705/SG du 20 mars 2014 relative à la mise en œuvre du plan national d’action pour la prévention des RPS dans les 3 FP
Instruction DGOS/RH3/DGCS/4B/2014/321 du 20 novembre 2014 relative à la mise en œuvre dans la FPH de l’accord cadre du 22 octobre 2013
Pouvoir de police du directeur
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La sortie disciplinaire : « Lorsqu'un malade, dûment averti, cause des désordres persistants, le directeur prend, avec l'accord du médecin chef de service, toutes les mesures appropriées pouvant aller éventuellement jusqu'au prononcé de la sortie de l'intéressé » (Art. R. 1112-49 CSP)
Limite : état de santé incompatible avec le prononcé d'une sortie disciplinaire
Expulsion ou interdiction de visite : « Les visiteurs ne doivent pas troubler le repos des malades ni gêner le fonctionnement des services. Lorsque cette obligation n'est pas respectée, l'expulsion du visiteur et l'interdiction de visite peuvent être décidées par le directeur » (Art. R. 1112-47 al. 1 CSP)
Possibilité de faire appel aux forces de l’ordre. Cependant, elles restent libres dans l’appréciation de l’opportunité et de la nécessité de l’intervention.
Décision de soins psychiatriques sans consentement
Définitions juridiques de la violence
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De façon générale : contrainte illicite, acte de force dont le
caractère illégitime tient à la brutalité du procédé employé, à
l’intimidation, à la peur inspirée
Au civil :
Contrainte exercée sur une personne pour l’obliger à faire ou donner
quelque chose ou passer un acte. Ce qui justifie l’annulation de ce
dernier pour consentement vicié.
Faute commise à l’encontre d’une personne par le procédé
contraignant employé et qui lui a causé un dommage à réparer
Au pénal : atteinte portée à l’intégrité (physique ou psychique) de
la personne, même sans contact avec la victime
La réponse du droit à la violence
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A titre préventif
Des règles posées quant aux devoirs et obligations
La communication axée sur le respect réciproque et les conséquences des actes
La promotion des droits des usagers pour rééquilibrer de la relation
A titre curatif
La responsabilité indemnitaire pour réparer le dommage (civile,
administrative)
La responsabilité pour sanctionner le comportement (pénale, disciplinaire)
Communication
vis-à-vis des usagers
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Fiches réflexes et guides
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La mise en place de fiches réflexes en partenariat avec la FHF et la MACSF à disposition des professionnels de santé. Chaque fiche comporte la définition de la violence subie, les modalités de prise en charge de la victime, les procédures à mettre en œuvre, les suites et le suivi de la démarche, ainsi qu’un bref rappel du cadre juridique :
deux à destination de l’encadrement,
une à destination de l’agent victime,
une à destination du patient victime.
Guide victime du ministère de la Justice
Guide de sécurité des professionnels de santé pour les libéraux
Protocole Hôpital/Police/Justice
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Pour chacun des partenaires : identification de référents de niveau 1 (coordination) et de niveau 2 (opérationnel) communication permanente entre les acteurs
Ses mesures
Renforcement des dispositifs de sécurité des hôpitaux à partir d’audits de sûreté
Formation des référents sécurité des hôpitaux en partenariat avec la Direction Départementale de la Sécurité Publique
Complémentarité entre les dispositifs municipaux de vidéo-protection installés aux abords des hôpitaux et la vidéo-protection interne aux établissements
Patrouilles régulières de la police nationale et de la police municipale dans l’enceinte des hôpitaux
Interventions de la police adaptées à l’urgence et à la gravité des situations grâce à des niveaux d’alerte
Facilitation des dépôts de plainte des personnels de santé victimes de violences dans l’exercice de leurs fonctions
Meilleure communication et suivi des dossiers
Responsabilité civile / administrative
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Faute DommageLien de causalité
Responsabilité civile
Préjudice
Corporel : atteintes à la santé ou à l’intégrité physique (blessures, douleur physique, …)
Moral : dommages d’ordre psychologique (anxiété, souffrance psychique, …)
Agrément : dommages résultant de la privation de certaines satisfactions de la vie courante (impossibilité de continuer une activité sportive, ...)
Matériel : pertes, dégâts et dégradations matériels consécutifs à l’infraction portant sur des biens mobiliers ou immobiliers
Indirect : préjudice matériel ou moral causé du fait du décès ou du dommage subi par un proche
Faute
Fait personnel
Fait des choses
Fait d’autruiFaute de service
(en droit administratif) / faute personnelle de l’agent (manquement volontaire et d’une particulière gravité)
La violence et sa réparation
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Art. 1112 du Code civil
« Il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes »
Art. 1382 Code civil (responsabilité délictuelle)
«Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer »
Et ses déclinaisons pour couvrir plusieurs situations Responsabilité / son fait personnel Responsabilité / fait d’autrui dont on répond Responsabilité / fait des choses sous notre garde Responsabilité des parents / mineurs Responsabilité des commettants / leurs préposés
Responsabilité pénale
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Crimes
Délits
Contraventions
Infraction ImputabilitéResponsabilité
pénale
Pour engager la responsabilité :
Dépôt de plainte nécessaire
Puis
• Constitution de partie civile
• Et/ou Action du Ministère public
Echelle de gravité
des infractions
Violence et infractions
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Atteintes à la vie volontaires ou involontaires
Atteintes à l’intégrité physique ou psychique volontaires et involontaires + les agressions sexuelles + harcèlement moral
Mise en danger de la personne
Atteinte à la liberté de la personne
Atteintes à la dignité et discrimination
Atteintes à la personnalité (vie privée, image, …)
Atteintes aux biens ( vols, dégradations, …)
Les conséquences de l’acte de violence jouent un rôle considérable dans la détermination de l’infraction et de la peine
Peines / Infractions volontaires (même si l’acte n’était pas prémédité)
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Facteurs aggravant la responsabilité pénale
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La violence peut être la circonstance aggravante d’une autre infraction (ex: vol avec violence)
La violence peut être un élément constitutif de l’infraction (ex : viol)
La violence peut être une circonstance atténuante en cas d’infraction en réponse (réplique à une agression) ou une excuse (légitime défense)
La catégorie de victime peut venir aggraver les peines (personne chargée d’une mission de service public)
Loi du 18 mars 2003 « relative à la sécurité intérieure » prévoit l'aggravation de la peine encourue
(Art. 222-13 Code pénal + Art. 433-3 Code pénal )
Légitime défense = excuse pénale
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Pour être reconnue, elle nécessite la réunion de toutes les conditions suivantes :
la personne a agi face à une attaque injustifiée à son encontre ou à l’encontre d'une autre personne, ou pour interrompre un crime ou délit
l'acte de défense était nécessaire.
les moyens de défense employés étaient proportionnés
la riposte est intervenue au moment de l'agression et non après
Cas présumés de légitime défense
repousser, de nuit, l'entrée d'une personne dans son domicile par effraction, violence ou ruse,
ou se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.
De tels actes de défense doivent cependant être proportionnés à l'agression
Main courante
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Une main courante permet simplement de déclarer certains faits à
la police où à la gendarmerie
Elle permet de dater officiellement les faits en vue de toute
procédure judiciaire ultérieure
Mais si les policiers ou les gendarmes estiment que ces faits
constituent une infraction, ils peuvent prévenir le Procureur de la
République qui pourra déclencher de lui-même des poursuites
A la gendarmerie, la procédure sera appelée procès-verbal de
renseignement judiciaire ou compte-rendu de service
Dépôt de plainte
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La plainte simple permet de saisir Procureur de la République et de demander une enquête pénale Si le procureur engage l'action publique, il en informe la victime.
Une victime peut porter plainte avec constitution de partie civile auprès d'un juge d'instruction (art. 389 à 392-1 CPP) : si sa plainte simple est classé sans suite, ou si sa plainte simple est restée sans réponse du Procureur pendant 3 mois, ou sans condition de délai en cas de crime
Article 10 du protocole d’accord interministériel du 10 juin 2010: « Envue de faciliter les démarches des professionnels de santé victimes d’infraction et sila situation le requiert, les plaintes seront recueillies sur place ou dans le cadred’un rendez-vous dans les meilleurs délais. Si la situation le justifie, la victime severra proposer sa domiciliation à l’hôpital, voire au service de police ou à labrigade de gendarmerie. »
Conduite à tenir
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Exemple : logigramme de l’AP-Hôpitaux de Marseille
Déclaration / Analyse
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Déclaration Qui ? Tout professionnel de santé, directions, responsables sécurité Pourquoi ? Pour que les actes de violence soit connus, reconnus et pris en
compte, pour définir des statistiques et un niveau de suivi adaptés, pour mieux définir la cartographie des risques (DUERP) ainsi que son plan de prévention (PAPRIPACT)
Comment ? Déclaration interne (rapports circonstanciés, FEI) et externe (ARS, ONVS)
Analyser les violence en institution Qui ? Direction, services qualité/GDR, DRH, services sécurité, CHSCT, SST Pourquoi ? Faire évoluer la politique de sécurité, adapter son plan de
prévention des risques professionnels (PAPRIPACT) Comment ? Groupe pluridisciplinaire (SST, psychologue du travail, DRH,
partenaires sociaux, représentant du CHSCT, …) . Bilan annuel au CHSCT
Protection fonctionnelle
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En cas d’attaques contre l’agent : menaces (physiques, verbales ou écrites), violences, injures, diffamations…
L’administration choisit les moyens les plus adaptés : de la mise au point par voie de presse à une protection physique (ex: changement de téléphone ou courriel professionnels), ou encore du conseil juridique, une assistance judiciaire avec la prise en charge des frais d’avocat, et l’indemnisation du préjudice subi, …
En cas de mise en cause judiciaire (au civil ou pénal) dans l’exercice des fonctions
L’administration prend en charge des condamnations au titre d’une faute de service, c’est-à-dire lorsque la faute est imputable à l’administration ou à son fonctionnement, assistance judiciaire…
Ne joue pas en cas de faute personnelle de l’agent
La circulaire prévoit la mise en place d’une organisation pérenne susceptible d’être sollicitée rapidement et efficacement (cellule d’urgence et d’appui, actions de communication, …)
Art. 11 - Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
Circulaire du 5 mai 2008 sur la protection fonctionnelle des agents public de l’Etat
Protection fonctionnelle
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Elle doit être demandée par écrit par l’agent
L’administration est subrogée aux droits de la victime pour obtenir
des auteurs des violences la restitution des sommes versées au
fonctionnaire victime.
Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle
peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile
devant la juridiction pénale.
La protection fonctionnelle est applicable à tout agent qui en fait la
demande (y compris aux agents publics non titulaires et vaut aussi
pour le partenaire et les enfants de l’agent)
Violences couvertes par la protection
fonctionnelle
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Propos verbaux ou écrits
Par courrier individuel ou au moyen de tracts ou des médias
Agissements sur la personne de l’agent
Atteinte à l’intégrité physique (séquestration, coups,…)
Atteinte à l’intégrité psychique (injures, harcèlement moral,…)
Agissements contre les biens de l’agent
Vols ou détérioration de leurs biens (voiture……)
Peu importe l'auteur (externe, interne ou inconnu) des attaques
Si en lien suffisant avec les fonctions exercées
Limite : déclenchement par la victime
JRT 2016 : Panser les violences au travail24
L’action directe que peut exercer, au besoin par la voie de
constitution de partie civile devant la juridiction pénale,
l’administration subrogée aux droits de la victime pour obtenir des
auteurs des violences la restitution des sommes versées à l’agent
victime suppose que l’action publique ait été mise en
mouvement par la victime ou par le Ministère public
La collectivité publique ne peut se substituer à l’agent, victime
directe, pour se constituer partie civile et mettre en mouvement
l’action publique
Assistance et soutien
JRT 2016 : Panser les violences au travail25
L’administration doit apporter son assistance à l’agent dans les procédures déjà engagées en aidant notamment à recourir au ministère d’avocat ou en prenant en charge les honoraires de représentation, d’assistance ou de consultation
Mais seulement si la procédure engagée est utile à la défense de l’agent
Elle n’est pas tenue de prendre à sa charge l’intégralité des honoraires que l’avocat soit choisi par l’agent ou proposé par l’administration (CE, 2 avril 2003)
L’administration peut également soutenir moralement l’agent
Prenant sa défense ou condamnant publiquement les auteurs d’attaques ou d’injures