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  • INFORMATIONS

    GNRALES

    Aprs le dcs de deux jeunespar lectrocution, Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-de-Denis)nest toujours pas sorti de sesnuits dmeute. Les mdecinsde la ville, qui, depuis longtempsdj, vitent de se rendre envisite dans les quartierssensibles, font face auxtroubles, non sans indignation.

    DEUX MORTS et un bless gravepar lectrocution, sept policiers lg-rement contusionns, des pompierset des postiers malmens, une colematernelle et une maison des asso-ciations vandalises, soixante-dixvoitures incendies, des barricades,un abribus et des vitres caillasss,des poubelles brles, une grenadelacrymogne sur une mosque, uncamion de CRS touch par un coupde feu, des jets de cocktails Molo-tov, de pierres et de barres de fer,cent cinquante flashballs et cin-

    31 octobre a t chaude . Le pra-ticien craint de laisser son vhiculeen stationnement la porte dven-tuels jets de cocktails Molotov, lanuit tombe. Le Dr Alain Huraut, do-micili dans la commune voisine deCoutry, est presque le dernier desmdecins de famille faire des vi-sites depuis vingt-huit ans quilexerce, si ce nest quil les prvoitavant 11 heures du matin dans cer-tains quartiers. En effet, aprs11 heures, les jeunes deviennent hos-tiles. Le jour, la vie est tranquille, lanuit on peut parler de carnage etau petit matin de dsolation ,confirme le Dr Vronique Engue-hard, clichoise par profession depuisvingt-cinq ans habitant au Raincy(3 km). Jai d dplacer du ven-dredi soir au samedi midi la seulevisite (mensuelle) que je fais, auprofit dune personne handicape,dans le quartier du Chne pointu ,

    dit-elle, en affirmant quelle na pasun sentiment dinscurit. Il y a de plus en plus de misre so-ciale. Je le vois par rapport laCMU, qui a progress de 10 % en unan , tmoigne le Dr Ali MustaphaKara. a se retrouve galementdans les pathologies, avec, parexemple, des affections respira-toires assez importantes chez lesjeunes, faute de chauffage ad hoc.Mais, ajoute-t-il, cela nous a cot, mon associ et moi-mme, deuxcambriolages et une tentative, nousobligeant nous munir dune porteblinde et dune alarme relie uncentral tlphonique.

    Misre sociale. Pour le Dr Marie-Elisabeth Mariot-Circaud, installedepuis vingt ans au cur du Chnepointu, rien nest fait pour les plusdshrits et les sans-papiers, si cenest ces normes bacs fleurs ins-talls alle Maurice-Audin qui em-

    pchent les camions de tourner .Certes, vendredi 28 octobre, ma

    remplaante a d fermer le cabinet 18 heures, sur les recommanda-tions de son mari, pharmaciendans le centre-ville, compte tenu delagitation qui gagnait le centrecommercial situ proximit, pour-suit-elle. Mais demandons-nouspourquoi deux jeunes ont franchides murs de deux mtres de hautsurmonts de barbels afin de se r-fugier dans un local de la centralelectrique de la ville ? Sans prtexte,hormis leur facis color, les jeunesdes quartiers sensibles sont soumis des contrles didentit rcurrents.Jai vu un jour lun deux, g de13 ans, tre contrl alors quilmaccompagnait, ma demande,pour aller mon cabinet o je de-vais lui faire un certificat. Aujour-dhui, je ne laisserai pas faire a.Cest vrai que nous avons trois ouquatre voitures brles par se-

    maine. Tout le monde le rprouveet a peur, moi la premire, qui laScu demande des comptes parceque ma remplaante sest fait volerdes ordonnances. Mais dix-huitCRS par jour, comme lannonce Ni-colas Sarkozy, a va aggraver le pro-blme. Il faudrait aider ceux qui nesavent rien faire de leur temps, aupoint de prendre plaisir tout br-ler. Bien sr quil nest pas permisde laisser passer des gestes dlic-tuels, mais, dans le mme temps, ilconvient dagir en amont. Tolrance zro , rplique le mi-nistre de lIntrieur. On est l pourradiquer la gangrne , annonce-t-il, avec la promesse de dbarrasser(les quartiers sensibles) de la ra-caille et de doter toutes les voituresde police de camras et les poli-ciers darmes non ltales .

    > PHILIPPE ROY

    * Bilan des meutes clichoises au 31 octobre.

    Emeutes de Clichy-sous-BoisLes mdecins font face avec indignation

    14 - LE QUOTIDIEN DU MEDECIN - N 7835 - JEUDI 3 NOVEMBRE 2005 - www.quotimed.com

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    quante grenades lacrymognes tirs, vingt-neuf interpellations, onze mises en examen et trois condam-nations de la prison ferme* : Cli-chy-sous-Bois et ses 28 300 habitants nen reviennent pas. La cit est un volcan endormi le jour qui, chaque nuit, gronde.Il en tait ainsi depuis le jeudi 27 oc-tobre, 18 h 12, quand deux jeunes, Bouna, 15 ans, et Zyed, 17 ans, ont perdu la vie, et un troisime, Metin, 21 ans, a t gravement bless par une dcharge lectrique de 20 000 volts. Quatre cents fauteurs de troubles en font voir de toutes les couleurs trois cent cinquante hommes en tenue, dans les quartiers sensibles du Chne pointu, 1 500 lo-gements, et de La Forestire, 2 500 habitants. Dans la commu-naut mdicale, les vnements sont vcus et interprts selon lengage-ment citoyen de chacun. Aucun problme. Je suis dans un quartier tout fait calme, relative-ment loign ( un kilomtre) des scnes dmeutes nocturnes, dit le Dr Xavier Marland, gnraliste. Il sest rendu sur place, un matin, par curiosit. Ctait Beyrouth . Cela risque de durer encore quelques jours, dit Mme Huraut, qui va cher-cher tous les soirs depuis lundi, entre 21 et 23 heures, son mari qui exerce dans le haut de Clichy, La Forestire, o la nuit du 30 au

    Le Dr Claude Dilain, 57 ans, lu en 1995 maire socialiste de Clichy-sous-Bois*, o il pratique la pdiatrie, passe ses nuits dans la rue depuis le 27 octobre. Pour le Quotidien , il voque le climat de tension qui rgne dans sa ville.

    LE QUOTIDIEN Quel regardportez-vous sur les vnementsqui embrasent votre ville ?

    CLAUDE DILAIN Nous nous trouvons dans une espce dengre-nage qui a commenc le 27 octobre, jour de la mort de deux enfants, poursuivis ou non par la police, et surtout se sentant poursuivis. Tout sest enchan rapidement, en raison de lmotion suscite et de la mcon-naissance des raisons de la course des jeunes. Le silence sur la respon-sabilit partielle de la police Sar-kozy niant pendant un moment quelle puisse tre lorigine du fait aide comprendre le cercle de vio-lence actuel qui ninclut pas seule-ment des Clichois. Lenchanement des circonstances a aggrav la situa-tion initiale. Aujourdhui, nous sommes dans un engrenage trs difficile.

    Pourquoi Clichy ?Compte tenu de la prsence de

    populations trs diffrentes sur leplan culturel et trs fragilises so-cialement et conomiquement, Cli-chy prsentent des poches de pau-vret qui rendent la cit risque. Onna pas impunment des problmes,voire des meutes, quand on fixe ici et l des communauts en situa-tion de prcarit. Depuis dix ans, jecrie : Attention ! , avec Sarcelleset Chanteloup-les-Vignes, qui ont lesmmes handicaps.

    Est-ce dire que Clichy vit surun volcan en sommeil ?

    Clichy est calme, malgr des inci-dents rcurrents. La veille desmeutes, aucune tension ntait per-ceptible. Nous avons en cours unplan de renouvellement urbain im-portant, qui est plutt bien accueilli.Les Clichois en sont satisfaits.

    La ville paierait-elle les potscasss dune intgration quirime avec relgation ?

    Ce qui se passe Clichy, aprsdautres vnements comparablesdans dautres rgions, appelle uneprise de conscience. La socitfranaise doit se garder de toute hy-pocrisie. Ou alors, si elle ferme lesyeux sur nos zones de relgation,quelle ne stonne pas que a ex-plose. Ce nest pas faute de mises

    en garde, pourtant, mais nous nesommes ni couts ni compris. Lemal nest pas seulement social etconomique, il est culturel en toutpremier lieu. Ce sont des gens du no future qui troublent lordrede nos cits, comme je lai expliqu maintes reprises au Conseil natio-nal des villes, dont je suis le vice-prsident. Que les Franais ne vien-nent pas sindigner aprs coup. Ilsont accept que les pauvres soientrelgus dans des villes comme Cli-chy, et surtout pas ailleurs. Ailleurs,ils drangeraient la tranquillitdautres quartiers. Et l o ils setrouvent parqus, il semble plus fa-cile, pour la force publique, de ca-naliser leurs dbordements. Lanon-application de larticle 55 de laloi SRU relative au partage du lo-gement social sur le territoire fran-ais tmoigne de lgosme de la po-pulation. A ce propos, je nai pas vule dput UMP de ma circonscrip-tion, Eric Raoult, dans les rues deClichy depuis lembrasement du27 octobre. Lancien ministre de laVille anime une association pourque les maires naient pas de loge-ments sociaux dans leur commune. Jen terminerai en faisant remar-quer que lIle-de-France, la rgion laplus riche dEurope, connat des in-galits territoriales de 1 10, selon

    le commissariat au Plan. Ainsi,quand on donne 1 euro Clichy,une autre commune en reoit 10.

    La pauvret justifie-t-elle lesmeutes ?

    Les zones de ghettosation nexon-rent en aucune faon les auteurs deviolences de leur responsabilit.

    Les populations ghettoses b-nficient-elles de la mme offrede soins que les Clichois desouche ?

    Pour les tout-petits, qui relvent dela PMI, il ny a pas de problme. Enrevanche, pour les adolescents etles personnes ges, il existe un d-ficit manifeste daccs aux soins.Ces dernires annes, jobserve parexemple une offre de soins ingaleen pdopsychiatrie. Le seul centremdico-psychologique a ferm en2003, un moment o les dlaisdattente variaient entre quatre etsix mois. Les kinsithrapeutessont de moins en moins nombreux,et cela se ressent en priode debronchiolites. En mdecine gn-rale, loffre de soins reste correcte.

    > PROPOS RECUEILLIS PAR PH. R.

    * Le Dr Claude Dilain est aussivice-prsident de la communautdagglomration compose de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil.

    Les nuits difficiles du Dr Claude Dilain, maire


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