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Cercle Proudhon. Cahiers du Cercle Proudhon : paraissant six fois par an. 1912-1914.
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Cahi ersCahiersdu
CercleProudhonparaissant six fois par anDtUXIKM CAMtR. MARS-AVRIL 1912
SOMMAIRE
~t"
GtLBMT MAUttt. La philosophie de Georges Sorel 57
HtKM LjLOt~AKOt. Proudhon et l'Ordre europen 82
ALMttT VtKczftT. Le bilan de tt dmocr&tie 98
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Cahiers du Cercle Proudhonparaissant six fois par an
RDACTION
La rdaction des C
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Cahiers du Cercle Proudhon
!.A PHILOSOPHIE DE CEORUKS SOREI. 1
La destme n'a-t-ett'- point fait naure M. (ieorgtisSorel umqucment pour se donm'r le ptaisn de mcon-
tenter tt's a mateurs de pt-nscc ntcdtnc.re'' .J'iactiuer&is
\t)tontiat's a le croire et je ne connus puint df j)tu)u-
suphc ~vant lui. ~t ( .c n\'st Px'udhott.
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58 LA PaiLOBOPBUt M CHOMM
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Lt PtULMOMU M aMMM tORtt. 5~
t.
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60 LA PHtLOtOPHtt Dt QMtaM SOML
L'esthtique, dit-il peu prs, est une simplebranche de l'thique H le prouve, en rsolvant en
sea lments l'motion artistiqua. Il y distingue d'abord
une satisfaction procure au got qui chappe toute
analyse scientifique, ensuite une passion sensuelle.
enfin le rsultat moral de l'action qu'exerce rouvre
d'art sur notre eensibilit. C'est ce dernier composant
qui ~ait, pour Sorel, l'objet de l'esthtique. C'est en
cherchant le dfinir qu'il lui arrive de louer l'archi-
tecture d 'tre chaste et de se mfier de la musique qui teint la conscience et diminue la raison
Cet lment moral de l'motion artistique, nanmoins,
ne serait-il pas rellement immoral t Sorel, en se
posant cette question, parvient dcouvrir la valeur
sociale de l'art.
Dans une importante tude', il retrace en quelque*
pages l'histoire de la technique artistique et l'interprteaussi. Par son commentaire, il ar rive encore dcouvrir
dans le travail industriel la glorification do l'esprithumain crateur.
Cette habitude de juger les uvres d 'art en moraliste
conduit Sorel la solution d'un nouveau problme
esthtique et sociologique i la fois: la valeur sociale de
l'art
L'histoire de l'art, selon lui, nous enseigne qu'
l'origine les artistes combinrent dans les objets fabriqusl 'utili t de l'emploi l'agrment de la forme. Mais peu peu l'artisan se spara de l'artiste et l'art s'loigna de
l' industr ie. De plus, les arts s'entr'aidaient volontiers
1. Gtor~ SofeL L
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LA PHILOSOPHIE DK CMRGitS S OR)SL 6i
autrefois pour la conqute d 'un mme ida! de beaut.
Tous concouraient rt l'exprimer dans un monument
religieux ou autre, dans un palais, dans un temple. Au
contraire, partir de la Renaissance, chaque art pour-suit isotment un cer tain ~enre de beaut. Comme
Th. Ribot, Sorel estime que l'art moderne d iffre des
arts primitifs par le passagedusociat l'individuel
Mais. pour apprcier cet art individualis, une connais-sance plus grande de la technique s'impose; !'esth-
tique devient une science de raisonnement et s 'intellec-
tuatise. Elle dcouvre dans la matire le rle de t'tisprit.L'effort de l 'outil est une preuve de t'intettip'encc; la
principale vateursociatcdc i'art, s
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02 LA PtttLOMHnt M 8MMM MML
lables et que chaque groupement plus resaen' des
hommes qui souffrent fait faire un pas immense leur
marche vers la libration.
On devine en Georges Sorel, par les chantillons de
sensibilit profonde que nous livre cette morale aven-
tureuse, un antiintellectualiste dcid. Mais ne aous ytrompons pas, c'est tout lacontraire d'un romantiquequi s'abandonne au sentiment par lassitude de la toison,c 'est un critique des sciences qui sait la valeur et
l'impuissance de leur mthode et qui veut, dans son
intelligence du monde, donner une part l'intuition.
M. Michel Darguenat, dans sa rponse l'enq
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LA MtMMPHM D)t GtORaZt SORIL 63
marna sont donc chez Sorel deux termes de sena trs
proche. H importe d'autant plus de marquer l'origine
purement critique de l'an tii nt8l lectuai isme sorlien.
En 1881. analysant l'emploi de la n otion de cause
dans les sciences physiques Sorel m ontrait de
quelle ~aeon la science hctueite admet l'autonomie des
causes et pourquoi elle rejette le principe de l'actionmutuelle de toutes les substances formul par Kant. Un
peu plus tard', itmontraitt'importanceexagcreedonnecaux postulats dans la mathmatique contemporaine.Pour favoriser les thses kantiennes, on fait de celle-ci
une science en dehors de la nature, fonde sur de
pures donnes de l'esprit. M.us combien tes Anciens.
crateurs de la gomtrie, qui devaient, aprs tout,
s'y connatre, en avaient une notion diffrente.
La science antique Sorel te prouve en divers
endroits de s on uvre tait prise !'origine dans la
pratique des arts. La gomtrie, pour Euclide, tait la
doctrine des fonctions graphiques de la Hgno droite etdu cercle. et tout naturettemcnt. il suppose qu'on est
arm pour faire subir aux cercles et ht Hguc droite
les oprations qui puisent leur nature a t'tat isotc.
des proeda utiliss par cette mme pratique des arts.
C'est une habitude d'images techniques empruntes a
l'architecture qui faisait paratre aux anciens gomtresla surface plus intressante que la ligne et concevoir
la ligne eiie-mme comme l'intersection do deux sur-
faces. Des thormes lmentaires comme ceiui quidmontre qu'en un point pris sur une droite on ne peuttracer qu'une seule perpcndicutairc a cette droite en se
-ervant du dplacement progressif d'une oblique.
t. GuorgMSort). i''
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64 LA PatLOSPHH DE OMRSBS SOML
impliquent en ralit la considration de grandeursdont la somme est constante et qui varient de faoncontinue. Notre intuition nous guide, guide elle-mme
par le souvenir des pierres tailles et des images destrotomie. Quant au nombre, dont Sorol admet,comme Bergson, l'origine spatiale, il rsulte de groupesde figures rigidaa dpouilles de leur caractre d'ten-
due. Enfin, il montre que le point de dpart dans lesensible du raisonnement mathmatique explique l'usagedes. symboles algbriques, cellules vides sur quoi l'onopre librement, mais o l'on peut volont replacerlesquantits relles.
Dans un autre essai Sorel dmle les proccupa-tions mtaphysiques des physiciens contemporains. 11
regarde comme une consquence du calcul infinitsimalla rupture entre la physique et la philosophie de lanature. Lorsqu'on veut exprimer la vitesse de l a varia-tion de deux grandeurs, on ne fait que dterminer lesdinrences qui existent entre les deux grandeurs consi-
dres deux poques quelconques, aussi loignesqu'on le veut.
Il n'y a donc que des diffrences quantitatives ten-dues sur le cours du temps et jamais aucune dtermi-nation propre un instant donn. La science fut nonseulement une prvision, mais une recherche de l'essencedes choses; sa premire ambition tait de disserter denalura rerum. Mais. aujourd'hui, le scepticisme desphysiciens parfois excessif la fait renoncer ces
prtentions ou du moins lui en donne d'autres . La prin-cipale cause de ce scepticisme, comme l'indique Sorel,est la possibilit frquemment constate d'arriver aumme
rsultat par des hypothses dinrentes. Les tho-1. G
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LA PmMSOPHtE M GMME& SOREL 65
ries optiques se servent de deux vecteurs. dont l'un
reprsente une vitesse, l'autre un tourbillon. Qu'on
substitue le sens d'un vecteur a l'autre et les conclu-
sions testent identiques. nnn. des (atouts utilt-
sabtes pratiquement ['cuvent
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66 LA PH!L060PHtK M G MR6 BS SOREL
expose ou plutt suggre ds ses premiers principes.L'ongmo en est dans ses travaux d'histoire.Ce qui retient surtout la mditation de Sorel, c'est
qu'on ne peut dduire du la valeur propre d 'un fait les
consquences qu'i l aura; car it faut tenir compte de
l'interprtation de ce fait par ses tmoins ou tes audi-
tours de ceux-ci. Autrefois, crit-il propos du Pro-f~ de Socru~. on tenait surtout a rsoudre (devant unvnement historique) le problme de sa ralits. il n'a
aucune'importance. Par exempte, dans l'histoire del'ordre de Saint-Franois-d'Assise, que nous importela nature exacte et scientifique du phnomne des stig-mates? En admettant munie que co fut une fraude
complte. il n'en serait pas moins vrai que la croyanceaux stigmates a eu une inlluence considrable dansl'histoire du Moyen Age. Ce qui intresse le philosophe.c'est l'ide que se faisaient de la chose les contempo-rains'. "On a souvent r
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LA M)LOMMtZ Bt OMMBS SOML 67
font porter leurs raisonnement)! et ainsi ils se posent
des problmes qui sont trangers a l'histoire. Quant
aux historiens, ils n'ont jamais besoin d'entrer sur ce
terrain propre de l a thologie
Donc. l'interprtation errone d'un fait peut susciter
un effort fcond. De mme une prvision fausse de
l'action prsente peut conduire ses rsultats bien audel des effets prvus. Mais encore certaines conditions
sont-elles ncessaires c'est pourquoi va se constituer
la thorie du mythe et pourquoi la philosophie bergso-
nienne apporte son concours.
Au cours de mes tudes, crit Sorel, j'avais cons-
tat une chuse qui me s emblait si simple que je n'avais
pas cru devoir beaucoup insister les hommes qui par-
ticipent aux grands mouvements sociaux se reprsen-
tent leur action prochaine sous forme d'images de
bataille assurant le succs de leur cause Georges
Sorel nomme ces constructions des mythes pour lui.
ta grve gnrale des
syndicalistes et la rvolution
catastrophique de Marx sont des mythes. Le rle em-
cace d e ces mythes est indiscutable; pour le com-
prendre, et avec lui la nature de ceux-ci, Sorel utilise
la psychologie de Bergaon.
Les moralistes qui cherchent a donner les motifs do
nos actea ne raisonnent presque jamais sur ce qu'il y a
de vraiment fondamental dans notre individu. Ils
cherchent d'ordinaire projeter nos actes accom-
plis sur le champ des jugements que la socit a rdi-
ga d'avance pour les divers types d'action qui sont les
plus communs dans la vie contemporaine'.x Aucon-
t. GearjtM Sorel. L
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68 LA PHILOSOPHIE Dt Gt OR Gt S S OR EL
traire, Bergson montre en nous deux moi ditlrents,tient l'un serait la projection extrieure de l'atutrc, sa
i.-presentation spatiale et sociale. Le moi vritabte, fait
Ce nos tats intimes, nous tes pr~s~nro rcfractaires a la
mesure, sans cesse en voie de formation. Mais c e moi
vritable est difficilement peru par nous-mmes; nous
nous en rendons matres seulement dans faction libre,car il faut se replacer dans la pure dure pour qu'un
acte chappe au dterminisme du monde de l'espace M.. tM.
3. M., tM.
t. M.. tttd.
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LA PHtLOSOP~!)! [)K &MRGKS SOML 69
pour mesurer le bien et le mal qu'elles renfermentc'est une composition d'institutions imaginaires. maisoffrant avec des institutions relles des anab~ics assezgrandes pour que te juriste en puisse raisonnct-: c'estune t-onatruction dmontante dont certains morceauxont t taills de manire a pouvoir pasHer
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70 LA ftULOMjntCt M GtOtSM SORN.
force. Sorel critique seulement la notion pascaliennede celle-ci, qui comprend tous les genree de force, tan-
dis qu'il faut aller chercher, selon lui, dans l'conomie
le type de la force arrive u n rgime pleinement
automatique et pouvant ainsi s'identiner naturetlement
avec le droit
Les partisans du droit naturel la eI~Me bourgeoiseen gnnd, ne Cftignent paA l'occMion lea luttes
civile* et lea numifett&tiona violentM; l'Affaire Dreyfus
prouv. Mais ila aiment M reprttenter toujours la
force au service du droit. Entre les nud)M de leurs
&dverMlf6t, la force publique ne leur paralt bonne
qu' violer la loi, m&is o'ila t'en emparent, elle devient
leurs yeux servante de la justice. Au~ai lorsqu'ils com-
battent lo< dtenteurs de la force publique, ils ne ee
soucient pas de supprimer celle-ci
Mais la violence proltarienne change l 'aspect de
tous les conflits au cours desquels on l'observe car
elle nie la force organise par la bourgeoisie et prtendsupprimer l'&tat qui en forme le noyau central s. Ainsi
la violence manifeste par les ouvriers durant les
grves est-elle une ngation active, pour ainsi dire,
des ides de droit naturel. Sorel devait considrer la vio-
lence avec sympathie ou tout au moins avec attention.
Signalons dans les origines decette estime une raction
contre l 'ide de droit naturel et nous pourrons com-
pCMadre te rle qu'elle joue dans l'thique du syndi-caiisBie.
La syndicalisme n'est pas une philosophie sociale
cre par Sorel et quelques-uns de ses disciples c'estd'abord un modo confus de penser qui traduisait M
1. G~x Stf~- J~tf'f-t ~ *"e
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LA PtttLMOPaUt M MOMM Mtttt. 7i
sentiments et les dsira des ouvriers groups on syndi-cats. H est une ralit avant d'tre aucune thorie.
D'ailleurs Sorel, comme l'on sait, n'a pas t le thori-
cien du syndicalisme, mais plutt un mtaphysicien, ce
qui est assez diffrent.
1} a cherch des principaux eBets et des principalescauses de l'action
syndicale. joue sous aea
yeux, les
origines les plus lointaines, Il a essay de trouver dans
la philosophie bergsonienne des moyens de la com-
prendre. H a montr que les prjugs moraux de la classe
bourgeoise combattue ne valaient gure contre la morale
nouvelle qui se dgage, lui sembte-t-H, des vertus
ouvrires commandes pour la lutte.
L'dification de cette mtaphysique syndicale et t
pnible sans une certaine interprtation historique
propre Sorel, qu'il doit en partie Marx et qui lui a
permis de rduire des pisodes de luttes de claseeales
conflits entre les ides dominantes d'une poque*. 11 ta
doit aussi en grande partie Proudhon'; elle se trouve
expose dans la prface qu'il crivit pour t'easai d'une
conception matrialiste de l'histoire tent parLabrioia*.et dans l'avant-propos de ses ~ Mton< du .Progr~ 11
l'appuie d'abord sur un texte de Marx
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72 LA fHtLOSPHtt Dt CMRGM SOREL
Les ides dominantes d'un temps n'ont jamais t
que les ides de la classe dominante? Fidle & cette
doctrine, Georges Sorel peut ensuite crire et dmontrer
que Mla thorie du progrs a t reue comme un
dogme a l'poque o la bourgeoisie tait la classe
conqurante et qu'il faut .la regarder comme tant
une doctrine bourgeoises. quu l'historien marxiste
doit rechercher comment elle dpend des conditions aumilieu desquelles on observe la formation, l'ascensiou
et le triomphe de la bourgeoisie Le syndicalismesera donc avant tout ses yeux une philosophie labore
par la classe ouvrire; et la seule philosophie assez
souple pour la comprendre et la relier aux notions de
l'esprit humaiu vers la philosophie bergsonienne.Le syndicalisme est alors l'interprtation de la
question sociale par la classe ouvrire elle-mmecoutons les militants du syndicalisme avant d'en
couter les mtaphysiciens Pour nous, syndicalistes
rvolutionnaires, crit Victor Griffuelhes, la lutte
repose n on sur des sentiments, mais sur des intrts etdes besoins. La question ouvrire est pose par nous
de la faon suivante lutter contre le patronat pourobtenir de lui, et son dsavantage, toujours plus d'am-
liorations, en nous acheminant vers la suppression de
l'exploitation. Nous donnons notre organisationle caractre provoqu non par nous, mais par les condi-
tions imposes parle rgime capitaliste aux travailleurs.
Cca conditions sont dictes par le patronat avec l'appuidu pouvoir qui en est l'manation et le reprsentant.Les faits sont lu qui montrent le rle de l'Etat en
faveur des exploiteurs. Et c'est parce que les faits sont
indiscutables et connus qu'il aumt d'affirmer lecaractre indpendant que nous voulons donner l'action
1. !LMt Mtrt. ~
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LA Ptt)LOSOM!E DE GEORGES SOREL 73
ouvrire. En dehors du patronat et contre lui. temouvrment syndic) doit tihrem.'nt se d~vetopp~r etagir 1. Il
Uu .'omp.-entt ~ntbi.~n la formation historiqueet marxtste de S..re! i.: p.cdtsposait a comprendst'ongmaiitdusyndtcaHsme- Il Xutreon~naUt t~ptusforte, ec)-)t-ti.cons~to.i\))rsuutunu que le pt-utta)-)at
peut s'affranchir sans recounr aux cnset~nctnent~ desprufessionncia bour~ots de t'inteHi~ence.Xous summesainsi amens t-egatd.'r comme t-ssemie) dans ks pho-nomnes contemporains ce qui t~t considr autrefois
conuneaccesstre:cc.jUtest vrannent .'ducatifpnurun proltariat rvohttionnaircqui fait son apprenti~edans la lutte. Nous ne saurions excn-er une intiuencedirecte sur un pareil travail de formation. Notre rk-
peut tre utile fi la condition que nous nous bornionsa nier la pense bourgeoise, de manire a mettre leprottanat en garde contre une invasion des ides oudes murs de la classe ennemie
Lapremire consquence de ce d~veioppement auto-nome du syndicalisme est de le dre.set connei'ideotoTie
et le rgime dmocratique.
Contre la dmocratie en gnerai, contre la dmo-cratie nUo du romantisme et de l'individualisme. ~!aisaussi contre ses formes drives ou dguises, jooa-lisme, tcformit.me. anarcuisme.
Tout d'abord le --yndicaUsme reportons-nous auxdclarations de Grinuethes) est fonde sur ta lutte desclasses. Pendant iongtemps, dit ~orei. les rpublicainsniaient en France la lutte des classes ils avaient tanthorreur des rvolts
qu'ils ne
vouaient pas votr les). GftBfuetbet. ~'af
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74 LA PHILMOPHU! M UMROM SOML
faits. Jugeant toutes c hoses au point de vue abstrait
de la Dclaration des Droits de l'homme, ils disaient
que la lgislation de 1789 avait t faite pour faire
disparaltre toutes distinctions de classes dans le droit;c'est pour cette raison qu'ils s'opposaient aux projetsde lgislation sociale qui, presque toujours, rintro-
duisent la notion des classes' Il est tellement
vident que le syndicalisme, par l'organisation en corpsde mtiers qu'il implique. est hostile a l'esprit dmo-
cratique qui rduit la .socit une somme d'individus
qu'il est peine utile d'insister sur cette vrit banate.Mieux vaut montrer comment, sous t'inuuence deSorel et selon son interprtation, le syndicalisme s'est
vad du socialisme.
Par t'intcrmdiaircde Pelloutier, le syndicalisme est
d'urt~inc proudhoniennc. Dans un article sur la philu-soplite de Proudhun. ~.uu en 18U~, Sortit a montr
t'nnportance dans son uvre de la doctrine des con-
tradtctionseconomttjm'.s et les consquences qu'en tirait
Pruudhun quant :i ['t'dm'atiuu j~-ressaire des ouvriersq.Dans ta\ain-ur
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LA patLMopam et aMMts soRH. 75
L'allamanisme, las critiques de Marx, par Bernstein,la nouoe~ cole socialiste, autant de pas faits vers lesyndicalisme. Le marxisme. carte la notion de partiqui tait capitale dans la conception des rvolutionnairesclassiques pour revenir la notion de classe M'. Lalutte de Marx contre tes intellectuels rvolutionnairesqui suivaient Bakounine en 1873, c'est une rpudiationdu btanquisme et de ses tats-majors bourgeois*.Bernstein ne voit pas toujours clair quand il reproche Marx les erreurs de Blanqui. I) critique fortementta dialectique hglienne de Marx, sans comprendrequ'en ralit celui-ci voyait ta rvolution sociale sounun aspect mythique et que le marxisme, philosophie desbras et non des ttea. comme dit Soret. n'a qu'uneseule chose en vue Amener la classe ouvrire acomprendre que tout son avenir dpend da la notion delutte de classes'. u Ce qu'il en fallait conserver se re-trouve dans les ides de Pelloutier cherchant imposerle socialisme sur une absolue sparation de classes et
sur l'abandon de toute esprance de rnovation poli-tique, et conviant les jeunes gens
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76 LA PHtLOSOPHtt Dt GEORGES SOREL
se place sur le terrain dmocratique et fait du sunr~geuniversel le principe du quatrime Ktat, le syndicalisme
repousse toute action ouvrire htronome le syndicat
organise sa doctrine, sa lutte, ,es outils de lutte. Anto-
nio Labriola a parfaitement rsum la sparation pro-
gressive des ides socialistes et syndicalistes'. Thori-
quement, on sait comment s't-st manifeste l'oppositiondu parti socialiste et d es syndicats ouvriers, par la
triple amrmation de ('indpendance syndicale au congrs
d'Amiens, en octobre ~906. au couvres de Limoges, au
congres de ~ancy d'aot 1UU7
M. Edouard Berth n'a pas moins bien montr l'oppo-sitiun du syndicalisme avec c fttt' autre doctr ine dmo-
cratique l'anarchie. Le syndicalisme rvolutionnaire,
a-t-il crit, est une philosophie de producteurs. Il con-
oit la socit sur le pbn d'un atelier sans matres.
et tout ce qui n'est pas fonction de cet atelier doit
ses yeux disparat'e donc. en premire ligne. l'tat
qui reprsente parexceHcnce la socit non-productrice,la soctt parasitaire. Mais a le syndicalisme recon-
nat ptofondment. que la civilisation a dbut et d
dbuter par la contrainte, que cette contrainte fut salu-
taire, bienfaisante et cratrice, et que, si l'on peut
esprer un rgime de l ibert sans tutelle patronale,comme sans tutelle tatique, c'est encore grce ce
rgime de contrainte lui-m~me qui a disciplin l'huma-
nit et l 'a rendue peu a peu capable de s'lever au tra-
vail libre et volontaire Mais quoi de plus opposa la conception a narchiste i* u Qu'il suit d'origine arti-
sane, agricole ou mondaine, l'anarchisme est toujours
1. AtUtnuo Labriola. -SyadM'tt/ta'Ttf et xtu/tMtt. ~<
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LA PEt LO tO PH JK D it GMRGM SOREL 77
une protestation contre la civilisation capitaliste. pro-testation purement ngative. ractionnaire. prntea-:mon de classes extra-capitalistes et dont le capita-:.sme vient oouleverser ia vie. Tout autre est la pro-testation syndicaliste Et M. Berth, s'appuyant surdes textes de son mettre, Proudhon*. n'a point de peine
mettre en vidence la ditrence de l'anarchisme ()uifait de l'individu un ah~otu incapahte ce titre d'en-trer dans aucune combinaison sociale et le syndica-lisme pour qui la socit est la vraie ratit dontl 'individu n 'est qu'une abstraction
Toute forme construite sur l e modle des ides indi-
viduatistea de la dmocratie, tout romantisme social,est donc, par dfinition, incapable de contenir le syn-
dicalisme, libre expression de la sensibilit et de l 'in-
telligence ouvrires qui, a l'atelier, apprend s urtout a
connatra les bienfaits de l'association. Le hergsonismeva servir Sorel, Berth et leurs disciples pour d-
fendre cette philosophie spontane contre ta critiquebourgeoise et pour rsumer la morale du syndicalisme.
Cette seconde proccupation est ancienne chez Sorel.
En 1899, il publia un article intitul l'thique dusocialisme u3, o il essaya de t e dgager du socialisme
des choses, plus intressant, selon le mot de Mertino,
que le socialisme des socialistes. ! t distingue d'abord
une contradiction interne du socialisme qui prtend
s'appuyer la f ois sur le droit naturel, en souvenir de
la Rvolution franaise, et sur le droit historique.comme le lui commande la tradition marxiste. Le vri-
table mouvement socialiste ne doit son point d'origine
qu'au second.1. BercA. Nu~usaa~saspaeaod~ aaeialie~cr.2. Berth. A~fMtK
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78 LA PHILOSOPHIE D E G EOR GE S S OREL
On dit alors que la doctrine marxiste ne peut inspirerde morale. On oublie les proccupations d'Engels pour
dfinir la fin de sa vie les rapports effectifs qui se
manifestent dans la famille. Les socialistes qui sa suite
ne veulent pas reconnatre le. pouvoir des parents, ni
refuser l'entire libert conomique de la femme se
fondent sur un rapport a ffectif l'amour. D'o ils sontobligs de conclure la complte sparation de la
morale d'avec le droit. Il y aurait peut-tre dans cette
critique de la famille la promesse d'une morale senti-
mentale. Mais ensuite, dans la luttedes classes elle-mme.
on assiste l'opposition constante entre le titre histo-
rique e t le titre humain. Surel y entrevoyait, ce
moment, l 'laboration de trois lois moralfs i* le dsir
d'assurer au plus grand nombre un respect plus grandde la dignit humaine et un contrle plus elficace de
l'application des lois par une conscience morale plus
affine; 2" une protestation de l'opprime invoquantun titre d'homme contre la.
supriorit historique et
dressant l 'homme contre l'Etat; 3" l'esprance de rendre
la gnration qui grandit plus dlicate au point de vue
moral. Sorel s 'enthousiasmait encore pour l'Affaire
Dreyfus et l'admirable conduite de Jaurs )'; depuisses yeux se sont ouverts; il crivit la ~uo~uftOH Drey-
/mtCttne, mais retenons surtout de ces premiers efforts
thiques le dsir de tirer la morale ouvrire de la classe
ouvrire elle-mme.
Les ~&no~u sur la ft()~MC< sont prcisment un
effort pour dfinir c ette morale de producteurs. Le
mythe de l a
grve gnrale, en tendant leurs
nergiesvers la lutte contre la c lasse bourgeoise, exalte leurs
vertus naturelles et les dfend des dfaillances. De l
l'importance du mythe dans la vie syndicaliste, de l
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LA PHILOSOPHIE DE GEORGES SOREL 79
la thorie dumyt.hedanstaphiiosophiesyndicatiste. Les
syndiqus eux-mmes voient ptus prosaquement tes
choses. Mais tomes :ouis opinions peuvent (''tre tra-
duites dans le tangage sortien. La morale syndicalistea son centre dans t'idee ( te tuttes (le classes; celle-cicommande
l'autonomie de l'action syndicale, ce quidans la lutte s'gnine faction directe. Mais cette action
directe incessante a tx'soin d'tre entretenue et stimule
par un espoir constant qui sera prcisment ta grvegenrate. Il L'action directe, nuus dit Uritlueihes. veut
dire action des ouvriers eux-m.mes. 'est-a-dire action
directement exerce par tes iuteres' C'est le travail-
leur qui accomplit tui-mcme son etort. et. l'actionouvrire n'est. qu'une manifestation continue d 'ef-
forts. II y a par consquent. une pratique journa-lire qui va chaque jour grandissant jusqu'au moment
ou, parvenue un de~ro de puissance suprieure, elle
se transformera en une conna~ration que nous dnom-
mons~reve~nraiet'tquiserata rvolution sociale n.La ~rve genrate. dans son expression dernire.
dit-il encore, n'est pas pourtes mitieuiouvriersunsunptearrt des bras; elle est la prise de possession desrichesses sociales mises en \ah'ur par tes corporations.en t'espece tes 'syndicats 'te tous Ainsi te caractre
ht'niqueux de faction directe, le caractre mythiquede la grve ~enrate est a\oue par les militants eux-
mmes.
!t est ais de voir comment la thorie du mythe jus-tine intcUectuettement la ~rve ~nrate. puisqu'eHe la
rduit tre un meneur de la classe o uvrire et la
prserve des objections rationnettes. Elle n'est qu'une
reprsentation de mouvements d'une masse rvolte quidonne a t'ame de Cfite-' i uii~ impression pleinementmatrisante Comme '< te langage lie saurait, huihre
-u.n-
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M Li PBILOtOPHft C< ntORSZS tOML
pour produire de tels rsultats d'une manire assureil faut faire appel des ensembles d'images capablesd'voquer en btoc et par la seule intuition, avant touteanalyse renchie. la masse des sentiments qui corres-
pondent aux diverses manifestations de la guerreengage par le socialisme contre la socit moderne. Nous obtenons ainsi l 'intuition du socialisme que le
langage ne
pouvait pas donner d'une manire parfaite-ment claire. C'est la connaissance parfaite de laphilosophie bergsonienne'.
Quant la justification morale de la grve gnrale. ellese trouve en mme temps que celle de toute action directedans l'interprtation que donne Sorel de la violence. Son rle, dit-il, lui apparalt singulirement granddans l'histoire, car elle peut oprer d'une manire indi-recte sur les bourgeois pour les rappeler au sentimentde leur classe. Non seulement la violence prolta-rienne peut amener la rvolution future, mais encoreelle semble tre le seul moyen dont disposent lesnations europennes abruties
par l'humanitarisme pourretrouver leur ancienne nergieC'est sur ces mots qui ouvrent a l'imagination la
vaate perspective de la porte possible d'une telle philo-sophie qu'il convient de unir cet expos incomplet,imparfait et restreint df la pense sorlienne. Mais qu'ilnous soit nanmoins permis, malgr l'insumsance del'analyse, d'noncer les raisons qui nous font devoir Sorel la reconnaissance due aux grands librateurs del'esprit humain, dans notre poque, France, Barrs, Maurras. Bergson. Il a os dire plus franchementqu'aucun autre l'utilit de l'action directe, la beautde la violence au service de la raison. Il a ramen le
1.Georges Sorel. Rf/tMtoM w luMo~)tc