15-18 octobre 2013, Autrans
Journées Qualité en Chimie II
Capitalisation des
connaissances
Michèle Carret
CERMAV-CNRS
C’est l’action d’extraire, formaliser et sauvegarder les connaissances acquises et
détenues dans la pratique quotidienne d’une activité, essentiellement les savoir-
faire et retours d'expérience.
• Notions de connaissance
• Gestion et diffusion des connaissances
• Méthodes et outils
• Classeurs d’appareils
• Cahiers de laboratoires
• Fiches projets
• Feuilles de routes
• Intégrité scientifique
La capitalisation sur les connaissances
Créer, capitaliser et partager son capital de connaissances doit être une des
préoccupations majeures de toute organisation performante.
La connaissance : notion aux sens multiples utilisée dans le langage courant et
objet d'étude pour les philosophes.
La science en général : ensemble de méthodes
systématiques pour acquérir des connaissances.
Les disciplines constituant les sciences cognitives
(~1950) et les liens interdisciplinaires,
selon Georges A. Miller.
Les pointillés représentent le développement
d’interfaces nouvelles entre les disciplines.
Les formes de connaissances : une langue, sa
propre histoire, la tradition, les connaissances
communes de l'humanité, le savoir-faire, le savoir
technique...
Les connaissances, leur nature, leur variété, leur processus d'acquisition et leur rôle
dans les sociétés humaines sont étudiés par diverses disciplines : l'épistémologie,
la sociologie, la psychologie, l'anthropologie
et autres sciences cognitives.
Notion de connaissances
Les connaissances tacites ou implicites
- appartiennent aux représentations mentales, au vécu
- regroupent les compétences innées ou acquises, le savoir-faire et l'expérience
- sont difficiles à verbaliser ou à formaliser => Transmission aléatoire.
Les connaissances explicites
- clairement articulées sur un document écrit ou dans un système informatique
- apparaissant sous une forme tangible (dossier papier ou électronique), sont
transférables physiquement.
Connaissances implicites / explicites
Gestion des connaissances
Le knowledge management est l'ensemble des initiatives, méthodes et techniques
qui permettent d’identifier, analyser, organiser, enregistrer et partager les
connaissances entre collaborateurs : savoirs créés ou acquis.
Les actions de capitalisation évitent de perdre des connaissances
lors de départ de personnel : mutation, retraite,…
oubli : connaissances acquises longtemps auparavant, expérimentations non
achevées, recherches suspendues…
changement de stratégie, mise en place d’un nouvel environnement, nouvelle
vision de l'organisation.
la nécessité de modifier, optimiser, développer des processus déjà en place, en
fonction de nouveaux objectifs.
indispensables pour la qualité et l’intégrité des résultats
facilitent la formation d'un nouveau salarié.
Pourquoi ?
Quoi ?
Les connaissances techniques : ensemble des moyens mis en œuvre pour
conduire à son terme un projet.
A la différence du savoir, elles intègrent une part d’empirisme et de pragmatisme.
On évalue mal ce qui utilise des connaissances à caractère expérimental, même si
la pratique professionnelle du technicien ou de l'ingénieur sont souvent source
d'innovation.
Le savoir-faire est la connaissance des moyens qui permettent l'accomplissement
d'une tâche.
Les connaissances scientifiques issues de l’ensemble des actions entreprises dans
le domaine de la recherche. Les résultats sont soit valorisés (publications, thèses,
brevets, rapports), soit simplement consignés (cahiers de laboratoire).
Les règles de fonctionnement : notes, comptes rendus…
Capitaliser
Quand ? Ces actions peuvent être conduites en continu, lors de projets, de retours
d'intervention, selon le plan défini, etc.
Comment ? Qui ? La procédure de capitalisation est spécifique à l’établissement.
Les connaissances sont explicitées puis formalisées pour être mises à disposition en
vue d’être exploitées par des collaborateurs.
1. Identifier les connaissances : un animateur/coordinateur
2. Recueillir, formaliser : les collaborateurs eux-mêmes
3. Valider, enregistrer : le responsable du domaine ou l’expert
4. Exploiter, mettre à disposition : le responsable
5. Assurer l’actualisation, l’enrichissement : le responsable
Où ? Un cahier, un système informatique, tout support faisant appel aux technologies
de l'information et de la communication.
Ne faut pas négliger la sécurité de l’information en définissant des règles de diffusion
et de partage en fonction des profils d'utilisateurs.
Capitaliser
Le tableau des compétences et habilitations
Tableau à double entrée où se croisent les compétences requises dans un service
et celles des personnels qui y ont accès, ce qui permet d’identifier les points forts et
les points faibles : remplacement en cas d’absence, besoins de formation...
Qui ? La connaissance ne se crée, ne se partage, n'évolue qu'à travers les
personnes au cœur de la problématique, qu’il faut mobiliser, motiver.
Capitaliser
Cycle de capitalisation
IDENTIFIER connaissances et
personnes concernées
TRAITER
structurer formaliser
PRESERVER
valider
enregistrer
VALORISER
exploiter
partager
ACTUALISER
mettre à jour
enrichir
Pour analyser et structurer les connaissances en vue d’élaborer un système
opérationnel pour leur gestion, il existe quelques méthodes d’analyse et de
modélisation.
• MKSM (Method for Knowledge System Management) 1 (CEA) => divers outils :
système d'aide à la décision (Cofinoga), d'aide à la conduite de process
industriels (EDF, Saint-Gobain), système qualité, etc.
• REX pour capitaliser le Retour d'Expérience.
• MASK (Method for Analysing and Structuring Knowledge) s'insère dans une
démarche globale de formalisation avec l'approche processus des démarches
qualité. Elle donne un fil conducteur et des modèles pour les actions à mener.
• KADS (Knowledge Acquisition and Documentation Structuring) propose des
méthodes de résolution des problèmes et peut aboutir à un système d’aide à la
décision.
1. équivalent de MERISE pour les systèmes d'information
Méthodologie
Outils de capitalisation des connaissances
De nombreux logiciels permettent de rassembler et d’échanger des connaissances.
L'entreprise n'est plus seulement centrée sur le partage de connaissances en
interne ; elle utilise aussi les réseaux grands publics, comme Twitter, Facebook ou
Une diversité importante d'outils se réclament du KM : les wiki, blogs et autres
plateformes collaboratives, avec chacune des avantages et des inconvénients.
Du moment que ces flots d'information peuvent être filtrés, ordonnés et diffusés par
les utilisateurs, on peut voir ici du KM à très grande échelle.
Début 2010 est apparue une nouvelle forme de stockage de données avec le cloud
computing.
Ces solutions font sauter les barrières techniques en proposant des outils clés en
main, désormais accessibles depuis n'importe quel lieu et plate-forme informatique
reliée à internet.
Fiabilité des contenus ? La bonne gestion des données et informations véhiculées
au travers de ces outils.
Outils de capitalisation de la recherche
HAL (hyper articles en ligne)1,2 : archive ouverte pour le dépôt d’articles et
manuscrits dans une base hébergée par le CCSD (Centre pour la communication
scientifique directe). Elle concerne toutes les disciplines.
Avantages : centralisation, disponibilité.
Contestations : les articles ne sont pas tous évalués… (fiabilité, intégrité ?)
Obligation : les dépôts associés à un laboratoire CNRS sont automatiquement
basculés de HAL vers Labintel. Id. avec l'application CRAC : les chercheurs ayant
rentré leurs publications dans HAL retrouvent leur liste dans leur fiche.
Importation : il est possible d’importer un fichier XML créé à partir de EndNote.
1 hal.archives-ouvertes.fr/ 2 ArXiv développée en 1991 par Paul Ginsparg. comme une archive pour les prépublications de physique 3 tel.archives-ouvertes.fr/
TEL (thèses-en-ligne)3 : a pour objectif de promouvoir l'auto-archivage en ligne des
thèses de doctorat et habilitations à diriger des recherches.
Le cahier/classeur d’appareil/d’équipement
Dans la procédure qui définit les dispositions relatives à la maîtrise des
équipements et infrastructures, à chaque équipement principal (spectromètres,
microscopes…) sont attribués trois documents :
pp. 50 et 94 du guide
• le classeur « vie » de l’équipement : informations depuis
l’acquisition jusqu’à la réforme (identification, installation,
financement, maintenance, étalonnages, contrôles, dys-
fonctionnements, interventions...)
• le classeur « modes opératoires » de l’équipement. Tous
les MO nécessaires à l’utilisation de l’équipement y sont
consignés par son responsable.
• le classeur « utilisation » de l’équipement. Placé à côté
de l’équipement, il est rempli à chaque utilisation : date,
nom, produit analysé, fichiers générés, incidents... Cet
enregistrement permet une traçabilité sur les plans
qualitatif et quantitatif.
Le cahier de laboratoire
Cahier « d’expérience », de « manip » ou « d’enregistrement », c’est un outil de bonnes
pratiques de laboratoire qui garantit la continuité et la traçabilité
des travaux et du cheminement intellectuel
Permet de capitaliser et de transmettre les connaissances et
les savoir-faire
Répond aux exigences de la recherche internationale
Outil juridique : justifie de la qualité d’inventeur/d’auteur,
détermine la propriété des droits sur un résultat de
recherche
Elément majeur pour le développement d'une démarche qualité
au sein de la recherche publique
pp. 57-60 du guide
Le cahier de laboratoire
Qui doit l’utiliser ? Toute personne réalisant ou participant à des travaux de recherche
générant des informations. La charte des thèse prévoit son utilisation.
Qui est propriétaire ? L'établissement de rattachement du laboratoire. Il est de la
responsabilité du directeur d'unité de s'assurer que les cahiers restent au laboratoire ;
pour la gestion courante, il vaut mieux désigner un gestionnaire.
Comment gérer ? relève de la loi sur les archives ; utilité du gestionnaire
Etapes de classement :
1. par l’utilisateur tant qu’il s’en sert
2. par le laboratoire qui doit le conserver (documents/données référencés joints).
Système centralisé :
tableau Excel (ex. ci-contre)
☐ un système de gestion de base de données (ex. page suivante)
Outil de gestion centralisée des CL
Intérêt des mots clés et du sommaire
Exemple développé au Cermav
Outil de gestion centralisée des CL
Intérêt des mots clés et du sommaire
Exemple développé au Cermav
Importance de la localisation
Outil de gestion centralisée des CL
Intérêt des mots clés et du sommaire
Exemple développé au Cermav
Importance de la localisation
Liens avec les fiches projets
La fiche projet
La mesure de l’avancement et les rapports
intermédiaires sont des essentiels pour
manager un projet et atteindre les objectifs.
Les éléments de la fiche projet répondent
tout à fait aux besoins de traçabilité des
activités de recherche.
Enregistrements associés
Identification du cahier de laboratoire
Indications des sauvegardes
Description
Identification des besoins
Planification
Processus simplifié d’un projet de recherche
Le cahier de laboratoire électronique (CLE)
Objectifs et enjeux scientifiques doivent être les mêmes que pour la version papier.
Avantages :
L’intégralité du contenu est dans une base de données
Les fichiers d’analyses sont liés
Il peut être mis en réseau
L’archivage sur serveur peut être automatisé
Inconvénients :
Les bases actuelles ne gèrent que les résultats finaux
Les solutions commerciales sont onéreuses et pas toujours adaptées
La pérennité des données n’est pas garantie par l’évolution des systèmes
d’exploitation
Nécessite un système de sécurisation, de datation et de signature du
contenu électronique
Info 20/9/2013 : un CLE a été développé pour la biologie par Julien Thérier1 :
Hivebench2 s'utilise via un navigateur web ou une application iPad/iPhone. Les
aspects de sécurité, confidentialité et souveraineté des données auraient été pris
en compte, mais l’application est encore en test.
1 Soc. Shazino (2011), plate-forme web dédiée au management des activités de recherche en biotechnologies 2 https://www.hivebench.com
Les feuilles de route
Motiver • L’étudiant : guide => organisation, autonomie
• Le chercheur : soutien à l’encadrement => temps
gagné, suivi facilité, autorité préservée
Elaborer • Volonté de la direction
• Selon modèle ou par une personne compétente
Utiliser 1. Soumettre dès l’arrivée du doctorant
2. Demander la présentation régulière pour valider des étapes
3. Instaurer des vérifications périodiques (au moment des réinscriptions)
Fixer les objectifs • Établir un programme annuel précis
• Encourager le respect des échéances
• Inciter à sauvegarder les données
• Veiller au support financier
• Promouvoir l’excellence
modèle pp. 112-113 du guide
Intégrité scientifique
Si la communauté scientifique est soucieuse de respecter la déontologie, les
manquements concernent toutes les activités : la recherche, la diffusion, la
formation et l'évaluation, avec des conséquences
sérieuses :
• Le canular
• L’erreur expérimentale
• L’oubli d'un auteur sur une publi / une signature abusive
• La non-conservation de données expérimentales
• La falsification, la rétention de données
(gravissime en matière de santé)
Un chercheur intègre, comme dans tout autre domaine de la société, est un individu « d'une honnêteté parfaite,
d'une probité incorruptible » (Dictionnaire de l’Académie)
Effet pervers des formulaires de demande de subvention qui comportent souvent
une rubrique « résultats attendus » dans laquelle il faut décrire ce qui sera publiable
dans un délai donné... Les découvertes majeures sont rares et cette exigence de
résultats peut entraîner des dérives.
Depuis que le savoir existe, des charlatans, des arrivistes ou des illuminés
présentent comme scientifiquement prouvés des faits qui ne le sont pas.
En 1999, l’Inserm est doté d’une délégation à l’intégrité scientifique (DIS) pour :
• mener une réflexion permanente sur l'intégrité scientifique • favoriser une harmonisation nationale et européenne des procédures adoptées • participer à la mise en place des moyens de prévention et à la diffusion de bonnes pratiques • recevoir et traiter les allégations de manquement à l'intégrité.
Rôle de médiateur, peut diligenter une expertise voire nommer une commission
d’enquête. C’est la DG qui décide des suites (sanctions, réparations).
1 1ère conf. Lisbonne, sept. 2007, lancée par la Fondation europ. de la science (FES) et le Bureau de l’intégrité de la recherche (ORI) des États-Unis (47 pays) ; 2e, Singapour, juil. 2010 (51 pays) ; 3e, Montréal, 5-8 mai 2013
2 www.inserm.fr/content/download/28578/185385/version/1/file/singapour_fr.pdf 3 www.sphinxonline.net/crj-38/deontologie/deontologie.hyp
2007, 1ère conf. mondiale sur l'intégrité en recherche1 ; 2010, la 2e éd. => déclaration
de Singapour sur l’intégrité en recherche2 qui énonce principes et responsabilités
que devraient suivre tous les chercheurs, et concerne les institutions de recherche.
=> Avril 2013. La direction du CNRS a adopté une série de mesures visant à mieux
traiter les cas de manquements à l’intégrité scientifique. Le Comets est chargé de
rédiger un guide des bonnes pratiques à l’usage des chercheurs.
=> Oct. 2013. Une équipe de l'UPMF-G réalise une enquête1 pour savoir comment les
chercheurs appréhendent les questions relatives à l’éthique dans leur activité.
Intégrité scientifique
Conclusion
Les notions, outils, documents abordés ici, élaborés et testés depuis plusieurs
années, répondent en bonne partie à la problématique d’intégrité scientifique.
Les échanges transnationaux de scientifiques et d’étudiants sont plus nombreux.
Les contraintes financières et attentes institutionnelles quant à la valorisation des
résultats de recherche rendent le milieu de la recherche plus concurrentiel.
La 3e conf. mondiale sur l'intégrité en recherche était axée sur les questions liées à
la confiance en la science, y compris les enjeux politiques et médiatiques, les
actions face à l’inconduite.
Ont notamment été traités les défis liés aux technologies émergentes et la
promotion de l’intégrité de la recherche par le truchement de codes, normes et
formation... La Déclaration de Montréal fournit des directives sur l’intégrité dans la
recherche transnationale, interdisciplinaire et intersectorielle.