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Kinesither Rev 2013;13(142):1–2 Éditorial

Ce que j'attends d'un kinésithérapeutedans la prise en charge de l'AVC

What I expect from a physiotherapist in the treatmentof stroke

Gilles Leloup 1

Hôpital de Neuilly-sur-Seine, 36, boulevardGénéral-Leclerc, BP 79,92205 Neuilly-sur-seinecedex, France

Cette question, posée par Pascal Gouilly, rédacteur en chef associé de cette revue, à unorthophoniste est à mon avis très pertinente d'autant que la pratique des soins auprèsdes patients ayant souffert d'un AVC, est encore trop souvent compartimentée en

pratique libérale. Car comme le soulignent les dernières recommandations pour la créationd'unités neurovasculaires [1], « la pluridisciplinarité de la prise en charge tant physique quecognitive des patients victimes d'AVC est fondamentale et explique le meilleur pronostic des AVChospitalisés dans les unités spécialisées » [2].Or, les contacts en ville entre professionnels paramédicaux sont encore peu développés, parmanque de temps et surtout de structures de type réseau ville/hôpital permettant aux profes-sionnels d'échanger leur pratique de soins de manière théorique et, à partir d'études de cas,comme cela a été développé dans certains réseaux prenant en charge les pathologies déve-loppementales (réseau TAP, en Île-de-France). Ces pratiques ne concernent pas que les actesrééducatifs, mais également les approches de l'éducation thérapeutique et de la famille ou pluslargement des aidants. Ce travail de prévention et de guidance apparaît indispensable à larécupération ou à l'adaptation la plus optimale du patient aux séquelles de son AVC.On pourrait dissocier deux axes de pratiques qui, de par la nomenclature des soins, rapprochentet « séparent » les pratiques entre les kinésithérapeutes et les orthophonistes : le premier est lechamp commun des compétences dans la prise en charge des troubles de la déglutition, lesecond serait cette apparente opposition entre une rééducation dite « physique » dispensée parles kinésithérapeutes et une rééducation « cognitivo-langagière » réservée aux orthophonistes.Pour le premier, ce que je peux attendre des kinésithérapeutes, c'est de pouvoir partager plusintensément nos conduites de rééducation des troubles de la déglutition comme cela a pu sefaire par exemple dans la rééducation des troubles de la déglutition dysfonctionnelle grâce auremarquable travail, entre autre de Maryvonne Fournier, kinésithérapeute [3]. Un partage nonpas sur les compétences, qui doit prodiguer des massages ou des actes de manipulation,cherchant à stimuler les voies pyramidales ou extrapyramidales, alors que d'autres stimuleraientplus spécifiquement les fonctions plus corticalisées de la déglutition. Cette approche semble peuprobable tant elle dissocie le geste de déglutition qui a comme point de départ la perception, maisqui ne peut se réaliser sans de parfaites compétences musculaire, perceptive et sans unepréservation des programmes de coordination. Lorsque l'un de ces paramètres est lésé oudysfonctionnel, il faut bien évidemment dans un premier temps manipuler et stimuler, mais il fautaussi permettre au patient de développer par les entraînements une plasticité neuronale à la foismotrice et l'aider à développer l'imagerie mentale du geste. Il y a là un champ important departenariat à développer parce que nous regardons différemment la même pathologie.Dans le second axe, je m'interrogerai sur l'impact des troubles de la motricité, des troubles dutonus dans les processus de récupération des fonctions cognitives et dans le contrôle des gestesde la parole. Il est trop souvent négligé, à mon avis, la fatigabilité et les mécanismes decompensation non adaptés lorsque que nous, les orthophonistes rééduquons la parole et lelangage. Il n'est que de prendre comme exemple, les efforts d'un patient hémiplégique à gérerson bras paralysé lors des séances ou de constater l'impact de tous les gestes moteurs sur laqualité de ses productions orales. Ainsi, travailler sur le renforcement musculaire, l'endurance etla mobilité a un impact sur les compétences cognitives du sujet, et le partenariat entre lekinésithérapeute et l'orthophoniste ne peut qu'améliorer la récupération de la communicationdu patient.Il ne s'agit pas ici de modifier nos champs de compétence, mais de s'interroger au vu des récentstravaux des neurosciences sur les objectifs prioritaires de remédiation d'autant que la meilleurerécupération ou adaptation passe par une prise en charge conjointe des aspects physiques etcognitifs du patient et cela dans le cadre plus large de la pluridisciplinarité.

Adresse e-mail :[email protected] et docteur en Sciences du Langage.

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2013.07.002 1

G. LeloupÉditorial

Déclaration d'intérêtsL'auteur déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cetarticle.

Références

[1] Ministère de la Santé et des Sports, ministère du Travail, de la

Solidarité et de la Fonction Publique, ministère de l'Enseignement

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Supérieur et de la Recherche. Plan national d'actions « accidentsvasculaires cérébraux 2010–2014 » ; avril 2010.

[2] Woimant F, Hommel M, Société française neurovasculaire.Recommandations pour la création d'unités neurovasculaires.Rev Neurol (Paris) 2001;157(11):1447–56.

[3] Fournier M, Fournier M. Introduction à la rééducation. In:Chauvois A, Fournier M, Girardin F, editors. Rééducation desfonctions dans la thérapeutique orthodontique. Vanves: SID; 1991.


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