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  • Tous droits rservs - Les Echos 201215/5/2012P.9Lenqute

    Si x heures du mat in . Unimmeuble cossu de lavenueGeorge-V Paris. Cinq poli-ciers en uniforme, gilet pare-balles et armes au ceinturonsonnent et se prsentent unhommequinesattendait visi-

    blement pas tre rveill si tt et par un telquipage.Lecommissairequidirige lopra-tion annonce la couleur : Bonjour mon-sieur, brigade nationale de rpression de ladlinquance fiscale Cest pour mescomptes en Suisse ? senquiert encoreendormi le propritaire de lappartement Parce que vous avez des comptes ensuisse ? , rpond, goguenard, le policier Non, non , corrige son interlocuteur,maintenant bien rveill, en se prcipitant

    pour tlphoner son avocatPendant cetemps-l, les policiers perquisitionnentlappartementetsaisissentmontres,bijouxetdiversobjetsdevaleur.Lemonsieurpassera,lui,quarante-huitheuresengardevuedansles locauxde lapolice judiciaireNanterre. Nous bnficions encore de leffet de sur-

    prise , reconnat aujourdhui GuillaumeHzard, qui dirigeait lopration et stonneencore du relatif sentiment dimpunitobserv chez certainsde ces clients dunnouveau style. Ce commissaire a pris il y adix-huitmoislesrnesdelanouvelleBrigadenationale de rpression de la dlinquancefiscale(BNRDF) :uneescouadede21agents(8 officiers de police judiciaire ayant suiviune formation fiscale et 13 inspecteurs desimptsprparspendanttroismoislEcolenationale suprieure de la police nationalepourdevenirofficiersfiscauxjudiciaires). Ilfautbienlavouer,toutunpandelvasionfis-cale nous chappait , explique FrdricLong,adjointdeGuillaumeHzardetadmi-nistrateurdes financespubliques.Dans la ligne de mire de cette nouvelle

    police fiscale, les grands fraudeurs et lesinfractions dites complexes : utilisation deparadis fiscaux, montages compliqus,usagede faux

    Les 3.000 de la liste HSBCLabrigadeacommencparplucherlescasdes plus rcalcitrants figurant sur la listedes 3.000 de la banque HSBC. LaffaireUBS,aujourdhuilinstructionpour blan-chiment de fraude fiscale , pourrait bienaussi tre regarde de prs par la police fis-cale. On ne sarrte pas sous prtexte quecest une banque , prvient GuillaumeHzard,quiajouteenretrouvantsesrflexesdductifsdofficierdepolicejudiciaire lors-quuntablissementbancaireprtednormessommesenFrance,cestquilya,encontrepar-tie,uncomptebiengarniquelquepart .La BNRDF participe aussi aux investiga-

    tions sur les fils du collectionneur DanielWildenstein, souponns par la veuve dumarchand dart dvasion fiscale massive,notamment via des trusts situs dans desparadisfiscaux.Unclientdechoixpourcettenouvellepolice fiscale.A lheure actuelle, les deux tiers des dos-

    siers concernent des personnes qui nedclarent pas leurs comptes bancaires ouleurs avoirs ltranger. La plupart sontcachs au sein demontages complexes. Lepremierprocsdevraitavoirlieularentre.Il concerneuncompteHSBC.Pour traquer ces grands fraudeurs, la

    police fiscale a ses propresmthodes Ilsagit darriver un rsultat que nous nobte-nionsquetrsdifficilementavecleCodegn-raldes impts et leLivredesprocdures fisca-les , expl ique Frdr ic Long. Lesprocdures de vrifications fiscales classi-ques nepermettent pas, en effet, dinvesti-gations pousses. Le contribuable est, danscesprocdures,systmatiquementavisdesrecherches faites sur son compte et les per-sonnes ou tablissements qui participentventuellement lvasion ne peuvent pas

    tremis en cause ou interrogs. Cest sim-ple, sur les trs gros fraudeurs, nous tions enchec. Les paradis fiscaux ne nous rpon-daient pas et le contribuable non plus. Noustions dans un angle mort , reconnat unhaut fonctionnairedeBercy.Pour aller enquter dans ces angles

    morts , lanouvellebrigadedisposede touslespouvoirs de lapolice judiciaire : coutes,filatures, garde vue, commissions roga-toires, perquisitions Elle ne peut pas enrevanche sautosaisir. Cest la Directiongnrale des finances publiques (DGFIP)qui lui transmet les dossiers de prsomp-tions caractrises de fraudes commisesdansdesparadis fiscaux. Lepointdedpartest toujours lusage dun compte dans un territoire non coopratif ou lusage defaux, prcise le Code pnal. Lusage duncompteltrangernestpasensoiillgal,cestdenepas ledclarerqui lest , tient-onpr-ciserductdeBercy.

    Des clients aiss, voire trs aissDans ledtail, les fonctionnairesdes imptssoumettent le dossier sur lequel ils ont defortssouponsdefraudesmassiveslacom-missiondesinfractionsfiscales(CIF,compo-se demagistrats du Conseil dEtat et de laCour des comptes). Sur 59 affaires transmi-ses, laCIFarendu55avisfavorableslenga-gementdespoursuites.Laplainteestensuitetransmise au procureur de la Rpublique,qui saisit laBNRDF.Pendant ce temps-l, lecontribuablenestpasaverti,nisesventuelscomplices.Unefoissaisie,laffaireestconfieunoudeuxagents gnralementunOPJetunOFJ ,quivontconstituer ledossierencroisant les fichiersdepolice,des impts Nosclientsontunprofil commun, ils sont

    aiss, voire trs aiss, avec desmoyens consi-drables,mais lasituationquilsdclarentestsouvent trs ple par rapport la ralit.Notre travail est de rattraper cette ralit ,explique Guillaume Hzard. On a aussibeaucoup dhistoires de famille, davoirscachs de gnration en gnration ,ajoute Frdric Long. Des fraudeurs auxmoyens trs importants, effectivement : lesaffaires confies la brigade portent, enmoyenne, sur desmontants de droits frau-dsprochesde1milliondeuros.

    Lobjectif est, terme, daboutir desredressementsetdesprocsencorrection-nelle. Pour tre certaine de rcuprer lesfondsetviterquilsnepartentdansdautresparadis fiscaux, la brigade saisit systmati-quementlesobjetsdevaleur,lesavoirs,assu-rance-vie Et confie les fonds lAgrasc(Agence de gestion et de recouvrement desavoirs saisis et confisqus, place sous latutelleconjointedeBercyetduministredela Justice) en attendant une confiscationdfinitive par le juge pnal. Quand on estcapable davoir mis en place des dispositifsaussi sophistiqus dvasion fiscale, on estcapable dorganiser son insolvabilit ,remarqueFrdricLong.

    Personne nest labri des investigationsde cette police fiscale. On ratisse large ,prvient un homme de la brigade. Avocats,experts-comptables, notaires, conseils entoutgenredesventuels fraudeurs sont sur-veills et, parfois, mis en cause. On va unpeu perturber leur tranquillit , samuse unpolicier.Dansuneaffaire rcente, labrigadeest ainsi intervenue directement dans lebureau dun notaire et a saisi un chque deplusieurs millions deuros aumoment olofficierministriel le remettait son client,souponn de fraude fiscale. Tous deux ontfiniengardevueetrisquentdeseretrouverdevant le tribunal. Autre affaire, un avocatqui avaitmis des honoraires sur un comptenon dclar en Suisse a, lui aussi, tinquit. On va toujours plus loin que cequonimaginait,aveclamiseencausede2ou3complices ,constateunenquteur.Aujourdhui, plusieurs personnes sont

    misesenexamenpourblanchiment,abusdebienssociaux,abusdeconfiance, faux,orga-nisation frauduleusedinsolvabilit, corrup-tion et, bien sr, fraude fiscale. Et, pour les

    contribuables concerns, la note risquedtresaleLenouvelarticle1741duCodegnral des impts punit dune peine pou-vant aller jusqu sept ans demprisonne-ment et 1milliondeurosdamende les frau-deurs, qui devront aussi rembourser auTrsor lessommesquilsontdtournes.

    La riposte des fraudeursMais les contribuables se battent norm-ment sur le plan judiciaire , constate-t-on Bercy.Le31janvierdernier,laCourdecassa-tionaannul laprocdure fiscale engagelencontredundes 3.000 delalisteHSBC.Motif ? A lorigine, les fichiers ont t volspar un ancien salari de la banque. Or, endroit, la preuve illicite (provenant dun volpar exemple) ne peut tre admise. A uneexception prs : si elle sert prouver uneinfraction pnale. Ainsi, le jourmme o lachambre commerciale de laCour de cassa-tion rendait cet arrt, la chambre criminellede la Haute Cour rendait une dcision ensens inverse dans laffaire Bettencourt, enadmettant les enregistrements illicites dumajordome de lhritire de LOral. Con-clusion : Nous sommes assez sereins, nosprocdures sont des procdures pnales etnon commerciales , veut croire GuillaumeHzard.Restequecertainsdesmisencauseontdoresetdjportleurdossierdevantlachambre de linstructionpour demander lanullitde laprocdure.Lesexpertsde la lutte contre la fraude fiscaleregrettent,aussi,unmode troprestrictif desaisine de la brigade fiscale. La police fiscalene dispose pas, en effet, de pouvoir dinitia-tive sur ces enqutes, et les fraudes dont elleest saisie sont obligatoirement des fraudestrouvant leur origine dans des paradis fis-caux.Laissantainsidautrestypesdefraudes,comme les carrousels de TVA ou les escro-queries la taxe carbone dautres enqu-teurs.Dernirement, les douanes judiciairesviennent demettre lamain sur une normefraudelataxecarbonepourplusde1,5mil-liard deuros de prjudice. Les experts poin-tent lemanquedecohrenceetdecoordina-tion entre les diffrents services de luttecontre lagrande fraude fiscale.Unenouvelleguerredespolicesjudiciairesenperspective ?VALRIEDESENNEVILLE

    Cre il y a seulement dix-huit mois, la Brigade nationale de rpression de la dlinquance fiscale a dj trait une cinquantainedaffaires. Ecoutes, filatures, perquisitions... elle dispose de moyens sans prcdent pour traquer les grands fraudeurs.

    COMMENT TRAVAILLE LANOUVELLE POLICE DU FISC

    Montages complexes, paradis fiscaux, usage de faux... Depuis le dbut, les limiers de la police fiscale se focalisent sur les grosses affaires . Celles qui ont t traites portaient,en moyenne, sur des montants de droits frauds proches de 1 million deuros.

    DURANDFLOREN

    CE/S

    IPA

    Les peines prononcespeuvent aller jusqu septans demprisonnement et1 million deuros damendepour les fraudeurs.

    Lorsquune banque prtednormes sommes enFrance, cest quil y a,en contrepartie, un comptebien garni quelque part GUILLAUME HZARDDIRECTEUR DE LA BNRDF


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