N° d’ordre 04 ISAL 0028 Année 2004
Thèse
Comportement mécanique d’élastomères chargés, Influence de l’adhésion charge – polymère,
Influence de la morphologie
Présentée devant L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Pour obtenir
Le grade de docteur
Formation doctorale : Génie des matériaux : Microstructure, Comportement mécanique, Durabilité
De l’Ecole Doctorale Matériaux de Lyon
Par
Julien RAMIER Soutenue le Jeudi 6 Mai 2004 devant la Commission d’examen
Jury MM.
Directeurs C. GAUTHIER (INSA – Lyon, Villeurbanne) L. CHAZEAU (INSA – Lyon, Villeurbanne) Rapporteurs F. LEQUEUX (ESPCI- Paris) A. ROBERTS (TARRC-Hertford-GB) Examinateurs P. NAVARD (Président) (CEMEF –Mines de Paris, Sophia Antipolis) E. PEUVREL DISDIER (CEMEF –Mines de Paris, Sophia Antipolis) M.N. BOUCHEREAU (RHODIA- Recherches, Aubervilliers) L. STELANDRE
Laboratoire de recherche : GEMPPM, UMR-CNRS 5510 de l’INSA de Lyon
1
Remerciements
Cette thèse financée par Rhodia Silice est le fruit d’une collaboration entre le
GEMPPM de l’INSA de LYON et Rhodia Recherche. Je remercie Monsieur J.P. Brunelle et
Monsieur Y. Bomal pour la confiance qu’ils m’ont accordé dans la réalisation de ces travaux
et Monsieur J.Y. Cavaillé pour m’avoir accueilli au sein de ce laboratoire. J’adresse de très
chaleureux remerciements à Monsieur P. Navard du CEMEF qui m’a fait l’honneur de
présider mon jury de soutenance et Monsieur A.D. Roberts (TARRC) et Monsieur F. Lequeux
(ESPCI) pour avoir rapporter ce très long manuscrit.
Mes remerciements vont également tout particulièrement à Catherine Gauthier et
Laurent Chazeau qui m’ont encadré et recadré dans l’accomplissement de ces travaux. Ils ont
su m’accorder une grande liberté d’action et m’ont épaulé dans les moments difficiles de la
rédaction. Nos nombreuses discussions calmes et reposantes nous ont permis de construire
l’ensemble de nos réflexions et interprétations dans la sérénité. La qualité de cette recherche
doit également beaucoup à l’équipe de Rhodia Recherche : Laurence Stélandre qui a initié
cette thèse, à Marie–Noëlle Bouchereau et Laurent Guy. Chacune de nos rencontres a été
d’une très grande richesse.
Toute l’équipe du GEMPPM mérite des remerciements chaleureux :
L’équipe de microscopie Gilles Thollet, Thierry Epicier, Karine Varlot, VDM, pour leur
patience et la qualité de leur observation sur des échantillons aussi difficiles.
Le groupe Polymère (PVMH) :
Jean-Marc P, Roland, Roger et Bruno pour leur expérience et rigueur scientifique et les
nombreuses conversations très constructives, Gérard pour ces très nombreuses idées et ces
explications (Ne jamais répéter avec lui, la veille d’un exposé). René, le père du cavitomètre
auquel cette thèse doit beaucoup. Et Maurice G, pour ses conseils et ses nombreuses
réflexions à voix haute et cette chaleureuse cohabitation.
Claude, Sandrine, Corinne, Liliane, Viviane, Chantal, Concetta et Antonia ( La Sicile et
les tiramisus) pour leur gentillesse et leur enthousiasme. Béatrice (6094) qui apaise les
maux informatiques avec beaucoup de sang froid. Guy (le magicien 1), José (le magicien
2
2), Jacques (la bonne humeur) pour leur main experte, précise et leur enthousiasme à
trouver des solutions à chacun de nos soucis techniques.
Merci à l’équipe de diffusion (X et lumière) de Grenoble1 et de l’ESRF, Laurent D, Cyrille
Rochas et à l’équipe du CEMEF, tout particulièrement Edith pour son accueil, sa patience, sa
bonne humeur aux deux Eurofillers 01 & 03 (Lodz et Aliquante) et sa présence dans le jury.
Je tiens à remercier très chaleureusement l’équipe Rhodia au CRA et plus particulièrement
Marie-Danielle, Benoit, Ulrich, Ali et à Collonges Sébastien pour leur disponibilité, et leurs
précieux conseils lors de la mise en œuvre et la caractérisation des matériaux. J’ai beaucoup
apprécié mes séjours à Aubervilliers grâce à eux.
MERCI aux doctorants et aux post doctorants avec lesquels j’ai eu plaisir de travailler et
échanger quelques moments de détente : Benoit (le vieux loup) avec qui j’ai eu de riches
échanges, Cécile I (moustique) qui pique, Cécile M , Lionel V (vignoude), Lionel B (bogoce),
Emmanuelle C (Chab), Bertrand (VDM) qui parle, qui chante, qui m’a fait chanter, qui
dénonce et Agnès (VDM’s love), Hossam, Marc (la molécule), Alexandre, Renaud (Bill
Wallace, quarterback des JYC’s) la Référence power point, Florent (toine), Stephanie (la
danseuse), Louise-Anne (Princesse russe), Jean-Marc C (M. Cheval), Emeline (notre
interprète de norvégien), Julie (la p’tite compagnie), Sylvain D (le rédacteur du GEMPPM
match), Olivier (passing shot), Frédéric T (John Finland) le plus normand des finlandais,
Erwann le coach de football breton, Zico (monsieur le commissaire), Regina & Alessandro
(Le Brésil et son sourire), Ali (l’ambassadeur d’Iran), Tawfik (M. le président), Dan, Kassem
(çaroule), Aurélie et Emilie (Nous sommes des sœurs jumelles…), Juliette (pour ses bises
bruyantes), Raphaël, Mourad, Hassan, Audrey, Nicolas et tous ceux que j’ai oublié.
Et enfin Souhail (Sou) Capitaine du bateau, Julien (Le molosse, fleur de Pau) pour sa vision
(Leica) de la vie, Etienne (la syntaxe) pour ces périphrases euphorisantes, Sylvain (Max) la
crème des colocataires et mon pote, pour son soutien et son calme durant la tempête, Frédéric
(James Callaghan) qui m’a beaucoup manqué, Jean-Luc et Catherine pour leurs
encouragements et leur soutien, Bleue qui ne s’est pas rendu compte. Merci à mes parents, ma
sœur Marion, mon frère François toujours présents.
J’arrête ici car il vous reste 270 pages à lire…..
Sommaire
3
SOMMAIRE : INTRODUCTION 6
CHAPITRE I :BIBLIOGRAPHIE 10
I.1 LES ÉLASTOMÈRES CHARGÉS – PRINCIPAUX CONSTITUANTS ET MISE EN ŒUVRE 11 I.1.1 L’élastomère et la réticulation 11 I.1.2 La charge 13 I.1.3 Mise en œuvre des élastomères chargés 15 I.2 MICROSTRUCTURE D’UN ÉLASTOMÈRE CHARGÉ 16 I.2.1 Formation d’un réseau de charge : agglomération et percolation 16 I.2.2 Polymère Occlus 16 I.2.3 Polymère lié 17 I.3 PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DES ÉLASTOMÈRES ET DES ÉLASTOMÈRES CHARGÉS 20 I.3.1 Comportement mécanique d’un élastomère – élasticité caoutchoutique 20 I.3.2 Comportement mécanique d’un élastomère chargé 23
I.3.2.1 Comportement dans le domaine linéaire 23 I.3.2.2 Propriétés viscoélastiques aux petites déformations : l’effet Payne 28 I.3.2.3 Comportement aux grandes déformations 36
I.4 CONCLUSION 40
CHAPITRE II : MATÉRIAUX ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES 48
II.1 MATÉRIAUX ET MISE EN ŒUVRE 49 II.1.1 Matrice et vulcanisaton 49 II.1.2 La silice: synthèse, morphologie, chimie 54 II.1.3 Traitements de surface 56
II.1.3.1 L’agent de couplage 56 II.1.3.2 Les agents de recouvrement 58 II.1.3.3 Réaction de greffage 59
II.1.4 Formulation et protocole de mise en oeuvre 61 II.1.4.1 Formulation 61 II.1.4.2 Mise en œuvre, histoire thermomécanique 62 II.1.4.3 Mélanges réalisés 63
II.2 TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES 64 II.2.1 Caractérisation des mélanges à cru 67 II.2.1.1 Mesures de polymère lié 67 II.2.1.2 Suivi de la vulcanisation 69 II.2.2 Caractérisation physico-chimique des mélanges réticulés 70 II.2.2.1 Mesures de gonflement dans l’eau 70 II.2.2.2 Mesure de gonflement dans un solvant 71
II.2.3 Caractérisation morphologique de la charge et de sa répartition 72 II.2.3.1 Techniques de diffusion aux petits angles 72 II.2.3.2 Microscopie électronique 76
II.2.4 Caractérisation mécanique 77 II.2.4.1 Petites déformations : Spectrométrie mécanique 77 II.2.4.2 Grandes déformations 80
CHAPITRE III : CARACTÉRISATION MORPHOLOGIQUE ET PHYSICO - CHIMIQUE DES MÉLANGES 85
Sommaire
4
III.1 DISPERSION DE LA SILICE AU SEIN DE LA MATRICE 87 III.1.1 Rappels et remarques préliminaires. 87
III.1.1.1 Caractérisation de la silice avant et après incorporation dans le SBR. 88 III.1.1.2 Diffusion de la matrice aux petits angles 90
III.1.2 Influence des différents traitements de surface 91 III.1.2.1 Silice traitée avec différents agents de recouvrement 91 III.1.2.2 Silice traitée avec l’agent de couplage 95
III.1.3 Conclusion sur la dispersion 98 III.2 CARACTÉRISATION DU GREFFAGE DE LA SILICE 99 III.2.1 Mesures de polymère lié 99
III.2.1.1 Influence de l’agent de recouvrement 99 III.2.1.2 Influence de l’agent de couplage 104 III.2.1.3 Conclusion sur les mesures de polymère lié 105
III.2.2 Mesures de gonflement dans l’eau 106 III.2.2.1 Séchage préliminaire des échantillons 106 III.2.2.2 Influence du taux d’agent de greffage 108 III.2.2.3 Effet de l’encombrement stérique des agents de greffage 109 III.2.2.4 Conclusion sur les mesures de gonflement dans l’eau 110
III.2.3 Conclusion sur la caractérisation du greffage 110 III.3 SUIVI DU PROCESSUS DE VULCANISATION 110 III.3.1 Matrice seule et en présence de charge 111 III.3.2 Influence des traitements de surface de la silice 116
III.3.2.1 Influence des agents de recouvrement 116 III.3.2.2 Influence du taux d’agent de couplage 124
III.3.3 Mesures de gonflement sur les mélanges vulcanisés 127 III.3.3.1 Influence des agents de recouvrement 128 III.3.3.2 Influence de l’agent de couplage 129
III.3.4 Conclusion sur la vulcanisation 130 III.4 Bilan sur les matériaux mis en œuvre 131
CHAPITRE IV : CARACTÉRISATION MÉCANIQUE : VISCOÉLASTICITÉ LINÉAIRE ET NON LINÉAIRE (EFFET PAYNE) 133
IV.1 INTRODUCTION 134 IV.2 COMPORTEMENT DE LA MATRICE, INFLUENCE DE LA PRÉSENCE DE CHARGE (SILICE NON TRAITÉE) 135 IV.2.1 Viscoélasticité linéaire 135 IV.2.2 Viscoélasticité non linéaire : effet Payne 139 IV.3 INFLUENCE DES AGENTS DE RECOUVREMENT 143 IV.3.1 Viscoélasticité linéaire 143
IV.3.1.1 Etude de la relaxation principale 143 IV.3.1.2 Analyse du module caoutchoutique 148 IV.3.1.3 Evolution du module caoutchoutique avec la température 149 IV.3.1.4 Conclusion - modèle de morphologie 150
IV.3.2 Viscoélasticité non linéaire 152 IV.3.2.1 Premier balayage en déformation :effet sur le module initial 152 IV.3.2.2 Premier balayage en déformation : effet sur le facteur de perte 157 IV.3.2.3 Effet Payne : effet du taux d’agent de recouvrement 160 IV.3.2.4 Effet Payne : effet de la longueur de l’agent de recouvrement 164 IV.3.2.5 Conclusion 168
IV.4 INFLUENCE DE L’AGENT DE COUPLAGE 170 IV.4.1 Viscoélasticité linéaire 170
IV.4.1.1 Viscoélasticité linéaire 171 IV.4.1.2 Evolution du module caoutchoutique avec la température 173 IV.4.1.3 Influence d’une sur-réticulation 175 IV.4.1.4 Conclusion 176
IV.4.2 Viscoélasticité non linéaire 177 IV.4.2.1 Premier balayage en déformation :effet sur le module initial 177
Sommaire
5
IV.4.2.2 Premier balayage en déformation :effet sur le facteur de perte 179 IV.4.2.3 Deuxième balayage : effet Payne 180 IV.4.2.4 Conclusion 186
IV.5 INTERPRÉTATIONS 187 IV.5.1.1 Modèle de Kraus 188 IV.5.1.2 Modèle de Mayer et Göritz 190 IV.5.1.3 Modèle proposé dans le cadre de notre étude 195 IV.5.1.4 Conclusion 200
IV.6 CONCLUSIONS 201
CHAPITRE V :GRANDES DÉFORMATIONS ET ENDOMMAGEMENT 204
V.1 COMPORTEMENT AUX GRANDES DÉFORMATIONS 205 V.1.1 Matrice seule et chargée avec la silice non traitée 205 V.1.2 Influence des agents de recouvrement 209
V.1.2.1 Influence du taux (série AR8) 209 V.1.2.2 Influence de la taille de la chaîne alkyle (série ARn) 214
V.1.3 Influence de l’agent de couplage 217 V.1.4 Discussion 221 V.2 CARACTÉRISATION DE L’ENDOMMAGEMENT 224 V.2.1 Variation volumique sous traction 224
V.2.1.1 Influence de la charge 224 V.2.1.2 Influence des agents de recouvrement 225 V.2.1.3 Influence de l’agent de couplage 227 V.2.1.4 Conclusion 228
V.2.2 Diffusion aux petits angles sous traction 231 V.2.2.1 Profils de diffusion 2D 231 V.2.2.2 Longueurs de corrélation 233
V.2.3 Conclusions sur l’endommagement 238 V.3 CONCLUSIONS 238
CONCLUSION GENERALE 240 ANNEXES : 245
ANNEXE –1 : Silice greffée en solution 246 ANNEXE –2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG) 251 ANNEXE –3 : Etude du greffage par EELS 257 ANNEXE –4 : Réticulation de la matrice non chargée 262 ANNEXE –5 : Etude par Calorimétrie différentielle à balayage (DSC) 270
Introduction
6
Introduction
Introduction
7
L’utilisation des élastomères couvre un large domaine d’application (colle, étanchéité,
semelle de chaussures, article sportif, automobile et particulièrement celui des pneumatiques).
Cela s’explique par les propriétés mécaniques uniques d’élasticité, d’extensibilité et leur
capacité à dissiper de l’énergie. Les nombreuses formulations possibles offrent la possibilité
de mettre en œuvre des matériaux très spécifiques en fonction de l’application désirée et
l’obtention des formes les plus complexes. Dans ces formulations interviennent des charges
qui pour leur majorité améliorent considérablement les propriétés d’usage et plus
particulièrement les propriétés mécaniques (rigidité, résistance à la rupture, dissipation
d’énergie). Néanmoins, l’interprétation du renforcement engendré par la présence de ces
charges demeure complexe. L’abondante littérature sur ce sujet attribue ce renforcement à un
effet hydrodynamique, à la présence d’un réseau de charge dont la rigidité dépendrait des
interactions charge-charge et à des phénomènes à l’échelle moléculaire qui impliquerait les
interactions entre la matrice et la surface de la charge. Ces derniers sont à considérer tout
particulièrement en raison des dimensions nanoscopiques des charges utilisées, qui conduisent
à une surface d’interface très importante (100 à 400m²/g). Une telle surface favoriserait les
nombreuses interactions entre la charge et l’élastomère et pouvant ainsi conduire à la
formation d’une couche de polymère avec une mobilité modifiée par rapport à celle de la
matrice.
Les récentes innovations dans ce type de matériaux concernent principalement les propriétés
intrinsèques de la charge (taille, structure et activité de surface). Depuis environ 100 ans, la
charge renforçante principalement utilisée par les manufacturiers de pneumatique est le noir
de carbone. La nature chimique de ce type de charge, proche de celle de la majorité des
élastomères hydrocarbonés, favorise son incorporation et sa compatibilité. Cependant,
l’introduction de la silice se présente comme une alternative intéressante car elle permet
d’améliorer un certain nombre de propriétés mécaniques (abrasion, dissipation d’énergie). La
morphologie de la silice est quasi identique à celle du noir de carbone. Elle se différencie par
sa nature chimique et la présence de silanols de surface (caractère polaire) qui engendrent de
très fortes interactions charge-charge. Cette forte réactivité surfacique peut donc se présenter
comme un handicap pour la dispersion. Mais depuis quelques années sont apparues des silices
dites hautement dispersibles1,2. Elles se caractérisent par une grande structure beaucoup plus
fragile que celle des silices traditionnelles. Cette innovation rend la rupture des agglomérats
plus facile et une meilleure dispersion lors de la mise en œuvre. De plus, la silice offre la
Introduction
8
possibilité de traitements de surface par le biais de molécules silanes. Ces molécules greffées
à la surface permettent de modifier les interactions charge-charge et à l’interface entre la
matrice et la charge. L’utilisation d’un silane, dit agent de couplage, permettant la formation
de liaisons covalentes entre la charge et la matrice s’est avérée très innovante pour
l’application pneumatique.
En effet, aux petites déformations, la perte de linéarité du module (Effet Payne) qui engendre
la dissipation d’énergie mise en cause dans la résistance au roulement implique des
mécanismes qui dépendent considérablement les interactions entre les charges et avec la
matrice. De plus le comportement aux grandes déformations et l’apparition de
l’endommagement sont considérablement influencés par la présence de ce traitement.
De plus, ce traitement de surface de la silice nécessite lors de l’incorporation de la silice
d’adapter la formulation et la méthode de mise en œuvre3. Ce traitement surfacique peut donc
induire donc des modifications des propriétés surfaciques engendrant des transformations de
la capacité d’adsorption en surface, des chaînes et des éléments de formulation.
Il est donc indispensable pour analyser l’effet des interactions charge –charge et charge –
matricede mettre en œuvre des systèmes modèles. La caractérisation rigoureuse (dispersion,
interaction à l’interface) de ces systèmes apparaît nécessaire car elle devrait conduire à une
connaissance précise des matériaux selon les différents traitements de la surface de la charge.
Cette connaissance est primordiale dans l’identification et l’interprétation des différents
mécanismes intervenant dans le renforcement.
La silice présente donc un intérêt industriel, et scientifique incontestable. Rhodia Silica
System et le laboratoire GEMPPM (INSA de Lyon) ont souhaité dans le cadre de cette
collaboration comprendre le rôle du traitement de surface de la charge sur la morphologie et la
mise en œuvre des mélanges et les conséquences sur les propriétés mécaniques des
élastomères chargés.
Une matrice SBR classique est renforcée par une fraction volumique constante de silice dite
hautement dispersible. Le large panel de molécules silanes existantes offre la possibilité de
modifier la surface de la charge et les interactions qui en dépendent de manière progressive
selon les propriétés souhaitées. La surface de la charge peut être traitée à différents taux de
recouvrement, par des molécules de différentes tailles pouvant présenter différentes
fonctionnalités : des agents de recouvrement ou de couplage.
Introduction
9
Dans une première partie, des rappels bibliographiques permettront de définir les principales
caractéristiques des élastomères chargés. Les propriétés de la matrice et le rôle de la
vulcanisation seront précisées ainsi que les caractéristiques essentielles de la charge. Divers
concepts concernant la microstructure résultant de la mise en œuvre des élastomères chargés
seront définis. Les principaux courants d’interprétation résultant de l’analyse du
comportement mécanique pour les petites déformations et le comportement aux grandes
déformations seront rappelés.
Le choix des matériaux ainsi que leur formulation et leur mise en œuvre seront présentés dans
le chapitre II. Ce chapitre présentera également les techniques de caractérisation et le
protocole d’étude.
La caractérisation de la dispersion de la charge au sein de l’élastomère, la caractérisation des
interactions entre la charge et la matrice en fonction du traitement de surface seront étudié
dans le chapitre III. La réticulation de la matrice en présence de la charge et de ses traitements
fera l’objet d’une étude rigoureuse au sein de ce chapitre.
Après avoir caractérisé précisément ces matériaux, le Chapitre IV sera consacré à l’étude du
comportement aux petites déformations. Ce chapitre sera composé de résultats expérimentaux
et d’interprétation permettant de comprendre le rôle de ces différents types d’interface dans
cette gamme de déformation.
Le comportement aux grandes déformations permettra au cours du Chapitre V d’interpréter le
rôle des interactions à l’interface sur le renforcement et de caractériser l’endommagement
pouvant apparaître au cours de la sollicitation.
La conclusion reprendra l’ensemble de ces interprétations dans une synthèse qui décrira le
rôle des traitements de surface de la silice, au cours de la mise en œuvre et leur impact sur le
renforcement.
Références :
1 Y. BOMAL, P. COCHET, B. DEJEAN, A new generation silica for tires, L’Actu. Chim., 1, 42, 1996 2 RHODIA, EP0520862, 1991 3 R.RAULINE, Eur. Pat. 0 501227A1, to Cie. Generales de Etablissements Michelin-Michelin & Cie.,
1992
Chapitre I : Bibliographie
10
Chapitre I : Bibliographie
Chapitre I : Bibliographie
11
Un élastomère est un polymère constitué de chaînes longues et flexibles qui possède
l’impressionnante faculté de pouvoir supporter de très grandes déformations. Il se caractérise
aussi par la quasi recouvrance de ses propriétés initiales quand la sollicitation cesse. La
recouvrance est rendue possible par la vulcanisation qui est un processus de création de
liaisons chimiques entre les chaînes macromoléculaires, celles-ci formant alors un réseau
tridimensionnel stable. Toutefois, l’amélioration des performances d’un élastomère requiert,
dans la plupart des applications, l’incorporation de charges renforçantes. Leur présence a pour
but, principalement, d’accroître les propriétés mécaniques de l’élastomère (module élastique,
résistance à la déchirure, et propriétés à la rupture), et d’augmenter sa capacité à dissiper en
partie l’énergie fournie. L’influence de la charge est observée dans tous les domaines de
déformations. Aux petites déformations, la quasi-linéarité du module élastique du polymère
disparaît avec l’introduction de la charge. Aux grandes déformations, la consolidation
augmente considérablement.
En pratique, différents types de charges (silice, noir de carbone) sont utilisés mais leur choix
reste encore empirique car l’interprétation des mécanismes moléculaires intervenant dans le
renforcement reste en partie soumise à discussion. Une première partie présentera les
constituants principaux, et la mise en œuvre des élastomères chargés. Une seconde partie
traitant de la microstructure de l’élastomère chargé introduira différents concepts nécessaires
à l’interprétation du comportement mécanique présentée dans la troisième partie.
I.1 Les élastomères chargés – principaux constituants et mise en œuvre
I.1.1 L’élastomère et la réticulation1
Les chaînes macromoléculaires constituant un élastomère sont de différentes longueurs. Une
chaîne contient en moyenne plusieurs milliers voire plusieurs centaines de milliers de motifs
monomères enchaînés. Ces chaînes se trouvent sous forme de pelotes statistiques. La cohésion
du matériau est assurée par le biais d’interactions physiques (enchevêtrements moléculaires)
et chimiques (vulcanisation). La vulcanisation peut être réalisée de différentes manières selon
l’élastomère, grâce à l’existence de sites actifs au sein de l’élastomère ou grâce à l'action d'un
agent de vulcanisation au niveau des insaturations de la chaîne polymère. La dernière solution
est la plus courante pour les élastomères hydrocarbonés. L’agent de vulcanisation le plus
Chapitre I : Bibliographie
12
répandu est le soufre qui en se fixant sur les chaînes, forme des ponts entre ces dernières. Le
soufre se fixe sur les chaînes naturellement ou est aidé par une série de réactions nécessitant
des activateurs et des accélérateurs afin d’optimiser cette réaction.
1. L’influence du nombre de ponts1.
Certaines des propriétés mécaniques (élasticité) que nous définirons ultérieurement, sont
considérablement améliorées lorsque le degré de réticulation augmente (nombre de ponts),
tandis que d’autres se dégradent, comme le montre la figure I-1. On peut retenir que d’une
manière générale, la vulcanisation des élastomères permet d’augmenter l’élasticité, mais
réduit leurs propriétés à la rupture au-delà d’un seuil.
Figure I-1 : Influence de la densité de réticulation1 sur différentes propriétés mécaniques
2. Influence de la longueur des ponts1
A même degré de réticulation, plus la longueur des ponts est importante, plus les mouvements
entre les chaînes qu'ils relient sont facilités. Néanmoins la longueur de ces ponts reste
généralement très inférieure à la distance entre deux nœuds de réticulation. En fait, la
littérature ne fait pas état d'une influence de cette longueur des ponts sur les propriétés
mécaniques de l'élastomère si ce n'est une légère augmentation de la résistance à la rupture et
la déchirure.
3. Influence de la répartition des ponts1
L’hétérogénéité de la réticulation (résultat de la vulcanisation) permettrait d’améliorer les
propriétés mécaniques par une meilleure dissipation de l’énergie de déformation2.
Chapitre I : Bibliographie
13
L’introduction de charges conduit au renforcement des élastomères (augmentation de la
contrainte à une déformation donnée), qui se traduit aussi par l’amélioration des propriétés à
la rupture (déformation et contrainte). L’optimisation des propriétés mécaniques des
élastomères en présence de charges réside dans la nature et les caractéristiques de ces
dernières.
I.1.2 La charge La charge consiste en une phase rigide introduite, entre autres, pour l’amélioration des
propriétés mécaniques. Le renforcement lié à la présence de charges permet d’accroître le
domaine d’application des élastomères.
Ainsi selon les applications et le renforcement souhaité, différents types de charge peuvent
être utilisés :
- Très peu renforçantes: craie naturelle, talc
- Semi-renforcantes : Kaolins, silicoaluminates, carbonates de calcium (étanchéité)
- Renforçantes : Noir de carbone, silice (pneumatique).
Les paramètres qui permettent de caractériser les charges sont :
• La structure : La structure de la charge se définit selon différentes échelles de taille. La
structure primaire de la plupart des charges nanométriques découle du regroupement lors
de la synthèse de particules élémentaires sous forme d’agrégat indivisible. Une attraction
plus faible existe aussi entre les agrégats conduisant à la formation d’une structure
secondaire sous forme d’agglomérats. La structure secondaire est destructible sous l’effet
d’une action mécanique comme par exemple lors du malaxage ou au cours de
sollicitations.
• La surface Spécifique : C’est la surface développée de la charge par unité de masse. Plus
la taille de la particule est petite plus la surface spécifique est grande. Elle est de 10 à
40m²/g pour les kaolins, de quelques m²/g à 150m²/g pour les noirs de carbone et elle
peut atteindre 400m²/g pour certaines silices. On verra ultérieurement que plus la surface
spécifique est grande plus le renforcement potentiel est important.
• L’activité chimique de surface : elle permet de contrôler la compatibilité ( dispersion et
formation d’interactions) entre la charge et la matrice. L’énergie de surface3 détermine les
interactions charge - charge et polymère – charge. Elle comprend deux composantes :
Chapitre I : Bibliographie
14
sps
ds γγγ += (I-1)
où γds est la composante dispersive correspondant aux interactions entre la matrice et la
charge, γsps est la composante spécifique ou polaire dont dépendent souvent les
interactions charge –charge.
Les noirs de carbone s’incorporent très facilement dans les élastomères hydrocarbonés du fait
de leurs natures chimiques proches, comme la silice dans les silicones. La chimie de surface
de la charge permet grâce à différents traitements de surface de moduler l’activité chimique
de celle-ci. Ainsi, dans le cas de noirs de carbone, le traitement de la charge est possible par
acide4, par plasma5, par l’ozone6. Ces traitements modifient la charge dans sa totalité et ne
permettent que de limiter le nombre d’interactions.
Dans le cas de la silice, son incorporation au sein d’élastomères hydrocarbonés nécessite
généralement l’utilisation d’un traitement de surface afin d’améliorer leur compatibilité7. Un
tel traitement peut être réalisé par greffage de chaînes alkyles par estérification en milieu
alcoolique8. On utilise souvent le greffage de molécules silanes qui peuvent jouer selon leur
nature le rôle soit d’agents de recouvrement qui permettent de limiter les interactions 9, 10, soit
d’agents de couplage qui permettent l’établissement de liaisons covalentes avec la silice7.
La différence entre ces deux voies (estérification ou utilisation de silanes) est que la première
est un traitement global de la surface alors que la seconde permet de contrôler le traitement
de surface en variant la quantité (surface traitée) et la fonctionnalité du greffage (formation de
liaison covalente ou non).
Les trois paramètres caractéristiques des charges que sont la structure, la surface spécifique et
l'activité chimique vont être déterminants lors de l'incorporation et la dispersion de la charge
au sein de la matrice. Ainsi, dans le cas de charges renforçantes avec une grande surface
spécifique et une structure élevée, la mise en œuvre nécessite un très fort cisaillement afin de
désagglomérer et de mouiller le maximum de surface de charges.
I.1.3 Mise en œuvre des élastomères chargés Pour les élastomères chargés, la mise en œuvre est une étape déterminante car elle
conditionne l’incorporation et la dispersion homogène non seulement des charges
renforçantes mais aussi des différents ingrédients de la formulation. Elle implique l’utilisation
Chapitre I : Bibliographie
15
de malaxeurs et de mélangeurs qui produisent un très fort cisaillement. La charge est
introduite dans la matrice malaxée. Son incorporation augmente le cisaillement mécanique et
la température. En fonction du taux de charges, l'intensité du cisaillement varie et influence
ainsi la désagglomération. Pour de faibles taux de charge (φ<15%), Mele et coll.11, après une
caractérisation rigoureuse de la dispersion de leurs échantillons, ont constaté qu’une
population d’agrégats et d’agglomérats disparaît au profit uniquement d’agrégats pour les plus
forts taux de charges.
L'étape de mélange s'accompagne d'une augmentation puis d’une diminution de la viscosité.
Dans le cas des noirs de carbone, Freakley12 interprète l’augmentation de viscosité par la
formation des interactions physiques entre la matrice et la charge. Il attribue ensuite la
diminution à la désagglomération des charges en agrégats indivisibles. Durant ce processus de
désagglomération et de dispersion, un maximum de la surface de la charge se trouve en
contact avec l’élastomère et la charge. L’auteur observe finalement une seconde diminution
de viscosité qui serait due à la réduction de la masse molaire du caoutchouc sous l’effet du
cisaillement (dans le cas de caoutchouc naturel pour lequel il existe des chaînes de très grande
longueur).
On peut ajouter que la dispersion des charges au sein de la matrice dépend du temps de
malaxage. Le malaxeur sert à la dispersion des constituants mais aussi de réacteur chimique
entre ces constituants dans le cas du greffage de silane sur la surface de la silice. Le
renforcement qui dépend à la fois de la présence, de la dispersion des charges et de l’état de
surface de la charge dépend donc grandement du protocole de mise en œuvre.
Dans la partie suivante, nous allons nous intéresser à la microstructure de l’élastomère chargé
qui s’établit durant cette phase d’incorporation et de dispersion de la charge.
I.2 Microstructure d’un élastomère chargé
I.2.1 Formation d’un réseau de charge : agglomération et percolation
Le niveau d'agglomération des charges au sein de l'élastomère dépend du processus de mise
en œuvre, de la nature et de la quantité de charges. Quand le taux de charges augmente, un
Chapitre I : Bibliographie
16
réseau continu de celles-ci peut s’établir au-dessus d’un certain seuil, seuil de percolation
géométrique φc. Au niveau des propriétés mécaniques, on attend une différence entre un
réseau de charges liées uniquement par des liaisons directes (charge–charge) et un réseau
constitué de liaisons charge-matrice-charge pour lequel la transmission des contraintes se fait
par l’intermédiaire d’une phase de polymère, éventuellement aux propriétés modifiées 13, 14.
La mise en évidence du seuil de percolation est possible par :
- Des mesures mécaniques : on observe une augmentation du module très importante à partir
de 20% en volume de billes dures15
- Des mesures électriques lorsque les particules sont conductrices (cas des noirs de
carbone)16, 17, 18, 19.
- Microscopie électronique à transmission20.
En outre, la complexité de la structure de la charge sous forme d’agglomérats (formés
d’agrégats) et l’existence d’un réseau formé d’agglomérats peut laisser supposer qu’une partie
de l’élastomère peut être momentanément emprisonnée dans la structure de la charge.
I.2.2 Polymère Occlus Une partie de l’élastomère pénètre dans les vides interparticulaires et pourrait ainsi être
emprisonné dans les agglomérats. Cet élastomère ne subirait plus l’effet d’une sollicitation
mécanique et ne participerait donc pas à la macro déformation. Comme le montre la figure I-
2, cet élastomère peut être immobilisé dans les espaces intra ou inter agrégats. Pour les faibles
taux de charges et dans le cas d’une bonne dispersion, le polymère occlus est principalement
d’origine intra-agrégat. Pour les forts taux de charges, le polymère occlus peut être également
de type inter-agglomérat.
Chapitre I : Bibliographie
17
gomme occluse ‘’inter’’
gomme occluse ‘’intra’’
gomme liée
Figure I-2 : Schéma indiquant la différence entre polymère lié et polymère occlus
D’après Medalia21, le principal paramètre intervenant dans la notion de polymère occlus est
la structure de la charge. En se basant sur une étude des agrégats par microscopie
électronique, et sur des mesures d’adsorption de DBP ( Di(n-diButyl Phtalate)i, il propose la
relation suivante permettant d’estimer la fraction effective de charge à partir de la fraction
réelle et de la structure du noir de carbone.
46.1)0214.01( DBPA
eff+
=φφ ( I-2)
où DBPA est la valeur issue des mesures d'adsorption de DBP en cm3/100g et φ la fraction
volumique de charges.
En fait, la quantité de polymère occlus dépend de la charge mais aussi de la mise en œuvre et
du malaxage qui peuvent influencer l'état d'agglomération final des charges, ce que ne prend
pas en compte Medalia dans son estimation. On peut donc s'interroger sur la pertinence de la
formule I-2.
I.2.3 Polymère lié Dès la mise en œuvre, la charge et l’élastomère interagissent de telle manière qu'un bon
solvant ne peut que partiellement dissoudre le matériau non réticulé (cru). La quantité de
polymère ne pouvant être ainsi extraite s'appelle le polymère lié. Il dépend de la nature des
interactions entre la charge et la matrice. Ces dernières sont essentiellement de nature
physique dans le cas des noirs de carbone et de la silice. 22, 23
i Cette méthode de mesure consiste à estimer la quantité d’huile qui s’absorbe progressivement sur la poudre de noir de carbone. Au point critique où l’on observe une augmentation de viscosité, le volume d’huile ajouté correspond au volume mort à l’intérieur de la charge (agrégats et agglomérats). Cette mesure est fonction de la structure de la charge.
Chapitre I : Bibliographie
18
Comme le rappellent Leblanc24, et Cotten25, 26, de nombreux phénomènes interviennent dans
la formation du polymère lié. Les interactions entre la charge et la matrice se créent dès le
malaxage lors du processus de mise en œuvre, c’est à dire lors du ‘’mouillage’’ des particules
par les chaînes de polymères, en même temps que la dispersion.
La quantité de polymère lié dépend :
• De la fraction volumique et la nature de la charge.
Pour Gessler et coll.27, le taux de polymère lié augmenterait proportionnellement à la teneur
en noir de carbone. Wolff et coll22 montrent une évolution en deux régimes autour d’un taux
(40phr) en dessous duquel le gel obtenu après extraction n’est pas cohérent (sans forme, ni
tenue). Pour les faibles taux de charge, la distance entre deux particules doit être
suffisamment grande pour limiter les adsorptions de segments d’une même chaîne sur
plusieurs particules.
• De la surface spécifique et de la structure.
L’influence de la surface spécifique est rapportée sur la figureI-3 : le taux de polymère lié
augmente avec la surface spécifique (CTAB) dans le cas des noirs de carbone. Toutefois,
d’autres auteurs rapportent une tendance inverse : la quantité de polymère lié exprimée en
gramme par unité de surface augmenterait quand leur surface spécifique diminue. Cette
singularité peut trouver son origine dans la valeur plus importante de l’énergie superficielle
des noirs à faible surface spécifique due fait de leur méthode d’élaboration de ces charges
(température d’obtention)22.
• De la chimie donc de l'énergie de la surface (cf. figure I-4).
La silice possèdant une composante dispersive de son énergie de surface moins importante
que les noirs de carbone, les mesures de polymère lié sont généralement inférieures pour
celle-ci 3. Vidal et coll.28 observent également que la modification de la surface de la silice par
le greffage de chaînes alkyles entraîne une diminution de la valeur de polymère lié.
Chapitre I : Bibliographie
19
Figure I-3 Polymère lié en fonction de la mesure de surface spécifique (CTAB) pour différents noirs de carbone introduits à 50phr dans une matrice SBR22
Figure I-4 : Valeur de polymère lié en fonction de γds pour différents noirs de carbone22.
Il faut également prendre en compte la nature du caoutchouc (nature chimique du monomère,
masse moléculaire27) ainsi que les conditions de mise en oeuvre (durée de malaxage,
température) et de stockage29 . La mesure dépend aussi de la méthode et des conditions
d’extraction du polymère non lié : la température, le temps d’extraction et la nature du
solvant30. Dans le cas de SBR chargé avec de la silice, les taux de polymère lié mesurés sont
considérablement diminués en présence d’une atmosphère d’ammoniac22, 31.
Le taux de polymère lié dépend donc de nombreux paramètres. Cela explique que pour des
systèmes proches, les valeurs de polymère lié rapportées dans la littérature peuvent fluctuer
Chapitre I : Bibliographie
20
d’une étude à l’autre. Toutefois, cette technique reste très intéressante pour comparer des
systèmes élaborés de manière identique.
En complément de ces différentes études qui relient les caractéristiques des systèmes
élastomères chargés à la quantité de polymère lié, certains auteurs se sont intéressés à la
mobilité de ce polymère lié, par des mesures de RMN (résonance magnétique nucléaire)
essentiellement. Ces études montrent que le polymère lié peut se trouver sous la forme :
• de filament connecteurs32:
En fonction de la dispersion et de la fraction de charge, un certain nombre de chaînes peuvent
relier les charges.
• de caoutchouc fortement lié :
Des travaux de HRMN du solide33 (dans le cas de noirs de carbone) démontrent l’existence
de cette phase qui est en contact avec la charge par le biais de liaisons de type Van der Waals.
Waldrop et coll.34 concluent que la diminution de mobilité n’est pas très importante
contrairement aux travaux de Haidar et coll.35 qui considèrent la formation d’une couche
ayant un comportement quasi vitreux.
Au final, l’ensemble des caractéristiques discutées dans ce paragraphe telles que « réseau de
charge », « polymère occlus » et « polymère lié », dépend de l’efficacité du processus
d’incorporation des charges. Ces différentes caractéristiques sont à la base de l'interprétation
du comportement viscoélastique des élastomères chargés.
I.3 Propriétés mécaniques des élastomères et des élastomères chargés.
I.3.1 Comportement mécanique d’un élastomère – élasticité caoutchoutique
Dans ce paragraphe, nous présenterons d’abord l’évolution du module élastique pour de très
faibles déformations en fonction de la température (mesures mécaniques dynamiques) puis
Chapitre I : Bibliographie
21
l’évolution de la contrainte en fonction de la déformation pour des déformations plus grandes,
jusqu’à la rupture.
a) b)
Figure I-5 : a) courbe de spectrométrie mécanique typique, module élastique en fonction de la température1, b) contrainte – déformation typique
Un élastomère qui subit une sollicitation mécanique possède une réponse viscoélastique. Pour
de très faibles sollicitations le comportement de l’élastomère est linéaire et le module est
indépendant de la déformation ( ou de la contrainte) appliquée.
Sur la figure I-5a, la courbe montre le comportement typique d’un élastomère lors d’une
sollicitation dynamique à fréquence constante en fonction de la température36 :
• A basse température, l’élastomère est dans l’état vitreux. Le module mesuré est de l’ordre
de quelques GPa. Cette rigidité est due au grand nombre d’interactions de type Wan der
Waals entre les chaînes. L’énergie mise en jeu dans les interactions entre les segments est
supérieure à celle de l’agitation thermique.
• Quand la température augmente, on observe une diminution brutale du module élastique
pour une température appelée température de relaxation α (Tα) (associée à la température
de transition vitreuse Tg de l’élastomère). La valeur de Tα dépend de la mobilité
intrinsèque des chaînes influencée par l’encombrement stérique des segments, leur
polarité, et très légèrement de la réticulation.
• Pour les plus fortes températures, correspondant à l’état caoutchoutique, la valeur du
module est comprise entre 0.1 et 1 MPa. L’agitation thermique devient prédominante sur
les interactions entre les chaînes. Le module de l’élastomère est directement lié à
l’enchevêtrement des chaînes (liaisons physiques) et à la réticulation (liaisons chimiques).
Chapitre I : Bibliographie
22
La majorité des applications impliquent des élastomères à l’état caoutchoutique. Dans cet état,
dans un domaine de déformation inférieur à 0.5, le module élastique est considéré linéaire.
Pour de plus grandes déformations, on observe un comportement non linéaire comme le
montre la courbe contrainte – déformation de la figure I-5b.
L’élasticité caoutchoutique37 se modélise en considérant dans un premier temps le modèle
gaussien. Ce modèle très simple considère les chaînes comme un assemblage indépendant de
segments libres en rotation. L’élasticité caoutchoutique est dite entropique car elle se déduit
d’une description statistique des nombreuses conformations possibles de ces segments.
L’élastomère se compose d’un assemblage de ces chaînes gaussiennes. Son élasticité dépend
de la longueur des chaînes entre nœuds et a fortiori de la réticulation.
La contrainte lors de l’extension d’un réseau affine de chaînes gausiennes sans interactions
entre les chaînes en dehors des nœuds, s’écrit d’après Flory et Huhn 38 :
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛ −==
λλσ 1²/ GSfvraie (I-3)
avec G = NkT (I-4)
où N est le nombre de chaînes entre points de réticulation par unité de volume, k la constante
de Boltzman, T la température et λ l’allongement.
La contrainte nominale s’écrit :
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛ −=== 20
1//λ
λλσσ GSf vraienominale (I-5)
Du fait de l’extensibilité limite des chaînes, les écarts entre la théorie affine et l’expérience
pour les plus grandes déformations ont conduit Arruda et Boyce39 à remplacer l’approche
gaussienne par une autre approche faisant intervenir la fonction réciproque de Langevin.
L’équation I-4 devient ainsi :
( )[ ] )/(/3/ 2/11222/1 nLn NkT ccvraie λλλλσ −−−= (I-6)
Chapitre I : Bibliographie
23
avec λc =[(λ2+2/λ)/3]1/2, n est un paramètre qui permet de reproduire la courbure positive
(durcissement) de la courbe de traction, L-1 est la fonction inverse de Langevin.
Le développement en série de L-1 conduit à l’expression suivante:
531
175297
59)( xxxxL ⋅+⋅+=− (I-7)
Cette relation (I-6) permet de décrire le comportement de matrice élastomère pour de grandes
déformations. Par contre, dans le cas des matrices chargées, les modèles décrits
précédemment perdent leur validité.
I.3.2 Comportement mécanique d’un élastomère chargé
I.3.2.1 Comportement dans le domaine linéaire Le comportement caractéristique d’élastomères chargés (avec différents taux de charges) en
fonction de la température est présenté dans le domaine linéaire (dans ce cas, le module est
indépendant de la contrainte appliquée)(cf. figure I-6).
a) b)
c)
Figure I-6 : a) évolution du module élastique E', b) module de perte E'', c)facteur de perte tan delta en fonction de la température40 , pour différentes fractions massiques de silice (0, 5, 20, 40, 60, 80 phr)
Chapitre I : Bibliographie
24
Comme pour la matrice, l'élastomère chargé présente une relaxation principale qui se traduit à
une fréquence donnée, lorsqu'on augmente la température par une chute du module élastique
et un pic pour le module de perte et le facteur de perte. Comme pour la matrice l’évolution de
module élastique présente trois domaines :
- Au niveau du plateau vitreux l’élastomère chargé présente un module plus important que
celui de la matrice, du à la présence d’une phase (charge) plus rigide que la matrice.
- Certains auteurs ont trouvé que la valeur de la température de relaxation Tα diminue avec
la présence de charges et l’augmentation de la fraction volumique. Mele et coll.11
observent plutôt un effet inverse et attribuent cette variation de Tα à la présence d'une
couche de polymère lié, dit à mobilité modifiée, dont la quantité dépend de la fraction
volumique de charges. Sternstein et coll.41 observent également une variation de Tα avec
l'introduction de charges (silice). Cependant après renormalisation, dans le cas de
systèmes sans agent de couplage, ils constatent une superposition parfaite des courbes de
module de perte, et utilisent cette constatation pour mettre en doute l’influence
significative de la couche liée. Par contre, en présence d'agent de couplage (liant de
manière covalente la silice avec la matrice) la superposition n'est plus possible, traduisant
une modification de la mobilité de la matrice.
- Dans l’état caoutchoutique, l'augmentation du module élastique avec la fraction
volumique de charge est beaucoup plus importante que dans le domaine vitreux. La valeur
du module élastique décroît avec l'augmentation de la température traduisant la mise en
jeu de mécanismes thermiquement activés.
Différents phénomènes physiques ont été proposés dans la littérature pour interpréter ce
dernier résultat:
Effet hydrodynamique ou d'inclusion rigide
Beaucoup de théories sur le renforcement trouvent leurs fondements en considérant l’effet
hydrodynamique des charges dans un fluide, définit en 1906 par Einstein42. Le modèle est
développé pour des charges rigides sphériques, incompressibles, isolées et entièrement
Chapitre I : Bibliographie
25
mouillables, dispersées dans un milieu continu de viscosité constante η0. Il conduit à une
expression de la viscosité du mélange en fonction de la fraction volumique de charge Φ:
η= η0 (1 +2.5Φ) (I-8)
où η0 est une constante et φ est la fraction volumique de charges.
Smallwood43 remplaça la viscosité par le module de Young pour obtenir :
E=E0(1+2.5Φ) (I-9)
Cette équation n’est applicable que pour les milieux très dilués. Guth et Gold44 ont modifié
cette équation en introduisant un terme du second ordre qui traduit les interactions entre
particules pour de plus fortes fractions de charge :
E= E0 (1 +2.5Φ + 14.1Φ2) (I-10)
Ces équations ont été utilisées par différents auteurs dans le cas des élastomères chargés.
Ainsi Schuster et coll.45 montrent dans le cas de systèmes avec une fraction volumique de
charges constante (20%) une validité de ces équations pour des particules (i) de diamètre
supérieur à 100 nm dans le cas d’interactions fortes entre la charge et la matrice, et (ii) de
diamètres supérieurs à 200 nm lorsque ces interactions sont faibles. Guth46 proposa une
évolution de l’équation (I-10) pour tenir compte de l’agrégation et de l’anisotropie possible
des charges introduites :
E= E0 (1 +0.67 f Φ + 1.62 f 2Φ2) (I-11)
où f le facteur de forme est défini comme le rapport des axes d’un ellipsoïde enveloppe d’un
agrégat moyen.
Ces équations ne rendent compte que partiellement du comportement complexe des
élastomères chargés. En particulier, Kraus47 montre une grande divergence entre ses mesures
et l'estimation du module par l'équation (I-10) pour les forts taux de charges. Cette sous
estimation peut être due aux interactions entre particules, à la présence de matrice occluse
dans la structure de la charge ou à l’existence de polymère lié.
Chapitre I : Bibliographie
26
Une autre démarche pour modéliser le comportement de polymères chargés est l’utilisation de
modèles micromécaniques. On peut faire appel au modèle autocohérent à 2+1 phases.48, 49 La
méthode consiste à prendre une inclusion sphérique que l’on enveloppe dans une couche de
matrice (en respectant la fraction volumique). Cette sphère composée de la charge et la
matrice est ensuite introduite dans un milieu équivalent homogène (MEH) avec les propriétés
mécaniques du composite. La déformation du milieu homogénéisé soumis à une contrainte
uniforme est la moyenne volumique des déformations de chaque phase. Le module de
cisaillement est alors obtenu en faisant le rapport entre la contrainte appliquée et la
déformation du milieu homogénéisé. Selon certains auteurs, dans le domaine vitreux, ce
modèle reste valable jusqu'à des fractions volumiques de charges de 40% quelle que soit leur
taille (nanoscopique ou micronique).49, 50 Néanmoins, dans le plateau caoutchoutique, il peine
à décrire le comportement des nanocomposites51. Chabert51 utilise alors un modèle à 3+1
phases pour introduire la phase de polymère aux propriétés modifiées à la surface de la charge
(interphase). Une telle démarche ne prend pas en compte l’agglomération des charges qui peut
se produire pour des taux de charge inférieurs au seuil de percolation. Dans ce cas,
Shaterzadeh52 tente d'en rendre compte en utilisant le modèle 2+1 phases en deux étapes. La
deuxième étape permet d’introduire des hétérogénéités de concentrations de charges.
Formation d'agglomérats ou d'un réseau de charge
Kraus53 considère que le renforcement mécanique serait du aux interactions (type Van der
Walls) entre les agrégats. Celles ci sont à l'origine de la formation d’agglomérats voire d’un
réseau percolant pour les fortes fractions de charges. Brodnyan54 propose une expression du
module élastique, proche de celle d’Einstein, qui prend en compte, outre l'influence du facteur
de forme et du taux de charge, cette agglomération :
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛
−−+=
max
508.1
/1)1(407.05.2
φφφφ fGG mc (I-12)
où f est le facteur de forme, et φmax est la fraction d’empilement maximale.
Pour mieux cerner l’influence de ce phénomène, des travaux récents et originaux ont été
réalisés impliquant la viscoélasticité de fluides magnéto-rhéologiques55 et de mélanges
élastomères chargés en particules magnétiques56. L’application d’un champ magnétique
Chapitre I : Bibliographie
27
augmente le module élastique ; cette augmentation est interprétée par l’agglomération de
particules sous forme de colonne dues à leurs interactions croissantes.
Le phénomène d'agglomération peut conduire à l'existence d'une matrice occluse. Medalia57
prend en compte l’augmentation du module élastique en présence de charges par une
contribution supplémentaire de cette matrice occluse augmentant le taux de charges effectif
(cf. équation I-2). Alberola et coll.58 tente de rendre compte de l’effet de cette matrice occluse
en utilisant un modèle autocohérent à 3+1 phases, dans lequel la matrice occluse est entourée
par une coquille de renfort elle-même entourée d’une coquille de matrice.
Pour des nanocomposites avec des fractions volumiques de charge dépassant 20%, les
distances interparticulaires sont nécessairement faibles et la surface d’interaction grande.
Selon Klüppel59, les agglomérats peuvent être reliés entre eux par le biais d'une phase de
polymère lié et former ainsi une structure fractale (réseau percolant). Il en déduit une
expression du module élastique de l'élastomère chargé prenant en compte une couche de
polymère autour du réseau de charges. De la même manière, Chabert51 montre que le
renforcement peut s’expliquer par la présence d’un réseau de charge dont la rigidité est
assurée par de la matrice confinée entre les particules (polymère lié) et/ou des liaisons
interparticulaires fortes.
Adsorption de chaines en surface de la charge
La notion de polymère lié conduit à s’interroger sur l’état physique de cette couche de
polymère au voisinage de la charge. On peut la considérer comme une interphase rigide
autour de la charge60 ou comme une couche de matrice avec des propriétés graduelles61 allant
de l’état vitreux à l’état caoutchoutique. Il faut noter que les mesures de DSC ne révèlent
généralement pas de modification de la transition vitreuse de tels systèmes. Par contre,
Arrighi et coll62 observent une deuxième relaxation sur les mesures de tanδ qui augmente
avec le taux de charge et qui est serait attribuée aux différentes mobilités dans la couche de
polymère lié.
En terme de renforcement mécanique, on peut considérer l’effet d’une telle couche (couche
vitreuse à l’interphase) en terme de fraction effective de charges, comme expliqué
précédemment (effet hydrodynamique). Cette augmentation de la fraction volumique de
Chapitre I : Bibliographie
28
charges dépendrait de la température et de la fréquence de sollicitation en rapport avec la
fraction de polymère immobilisé.
Plutôt que de considérer l'adsorption de chaînes polymère à la surface de la charge sous
l'angle d'une augmentation de la quantité effective de renfort, Maier et Göritz63 considèrent
cette adsorption comme responsable d'une sur-réticulation globale de la matrice. Les
conséquences sont interprétées en terme de modification de l'élasticité entropique de
l'élastomère, chaque site d'adsorption étant responsable d'un nœud de réticulation
supplémentaire. Hess et coll.64 observent l’existence de filaments connecteurs entre les
charges par microscopie électronique. Ces filaments jouent le rôle de pont entre les agrégats
contribuant ainsi au module élastique.
Pour conclure, le module élastique des élastomères chargés dépend à une température
donnée de phénomènes interdépendants. Le taux et le type de charges vont influencer la
dispersion puisqu’ils vont conditionner l'intensité du cisaillement lors de la mise en œuvre. En
outre, les traitements de la charge vont modifier les interactions charge-charge et charge-
matrice.9, 65 Cela aura des conséquences sur la dispersion obtenue, sur la mobilité de la matrice
au voisinage de l'interface, et s'il y a formation d'une structure connexe de charge, sur la
nature des liaisons qui le constituent.
Le paragraphe suivant va présenter l'évolution du module élastique en fonction du taux de
déformation qui fait apparaître un effet non linéaire appelé effet Payne. Nous verrons
également l’influence des différents paramètres sur l’amplitude de cet effet ainsi que les
différents mécanismes évoqués dans son interprétation.
I.3.2.2 Propriétés viscoélastiques aux petites déformations : l’effet Payne
A - Définition de l'effet Payne Dans le domaine de déformations inférieures à 100%, la matrice élastomère montre un
comportement linéaire. L'introduction de charges conduit à une non-linéarité du
comportement comme le montre la figure I-7. Aux faibles déformations on observe un plateau
(module initial G'0) correspondant au module dans le plateau caoutchoutique discuté
Chapitre I : Bibliographie
29
précédemment. La valeur du module décroît avec la déformation jusqu'à une valeur G'∞ où
elle se stabilise. Ce phénomène est connu sous le nom d’effet Payne66.
a) b)
Figure I-7 : Effet Payne pour la matrice et la matrice chargée, a) courbes typique d’effet Payne pour un élastomère chargé (module élastique, de perte et facteur de perte), b) évolution du module élastique pour la matrice et la matrice chargée67
La chute de module élastique est associée à un maximum du module de perte G’’ traduisant
une dissipation d’énergie, d'autant plus élevée que la chute de G' est importante.
La mesure du module élastique initial après un tout premier balayage à déformation croissante
n'est pas reproductible. Toutefois, une superposition de la première et de la seconde courbe
nécessiterait des temps d'attentes trop grands par rapport aux temps d'expérience.68 Les
balayages en déformation suivants sont reproductibles à condition d'attendre un temps
suffisant entre chaque balayage.69 De plus, la courbe d'effet Payne est insensible à
l'application d'une déformation statique pour peu que l'échantillon ait pu relaxer durant ce
même temps.70
B - Influence de différents paramètres sur l’amplitude de l’effet Payne
Différents paramètres influencent l'intensité de ce phénomène.
i. Influence du taux de charges
L’amplitude de l’effet Payne augmente avec la fraction de charges (figure I-8). Ainsi, le
module initial montre une forte sensibilité à la fraction volumique de charge, ce qui n’est pas
le cas du module aux plus grandes déformations G’∞. L’augmentation de l’amplitude est très
influencée pour les taux dépassant le seuil de percolation. Cette sensibilité est associée à de
Chapitre I : Bibliographie
30
fortes dissipations d’énergie comme le montre l’évolution du facteur de perte en fonction de
la déformation (figure I-8b)
b)
Figure I-8 : Effet Payne pour différents taux de charge (noir de carbone), a) module élastique 71 , b) facteur de perte71
ii. Influence de la dispersion
L’effet Payne est influencé par la dispersion de la charge au sein de la matrice. Les travaux de
Medalia71 montrent dans le cas d’un noir de carbone une baisse du module G’0 avec des temps
de malaxage croissants (cf. figure I-9).
Chapitre I : Bibliographie
31
Figure I-9 : effet de la dispersion sur l'effet Payne pour un mélange SBR1712 chargé avec 69phr de noir de carbone N220, à température ambiante et à 0.1Hz 71
iii. Influence de la surface spécifique et de la structure
L’effet Payne augmente avec la surface spécifique de la charge comme le montre la figure I-
10. G’0 est très sensible à la surface spécifique alors que G’∞ l’est beaucoup moins.
Figure I-10 : Dépendance de G'0 en fonction de la surface spécifique des noirs de carbone53
Chapitre I : Bibliographie
32
La structure d’une charge est associée à la taille, la forme et au nombre de particules par
agrégats. La structure a peu d’influence sur le module initial mais G’∞ augmente avec la
structure comme Medalia71 le montre par la figure I-11.
Figure I-11 : Effet de la surface (BET) et de la structure (DBPA) sur l'amplitude de E' (SBR 1500 chargé avec 50phr de noir de carbone, 25°C, 0.25Hz)71
C - Interprétation de l’effet Payne et mécanismes
L’effet Payne est interprété par des processus de désagglomération ou rupture du réseau de
charges ou par des mécanismes mis en jeu à l'interface charge-matrice.
Pour Payne66, la valeur du module G’0 dépend du réseau de charges et des interactions
entre les particules renforçantes. Voet19 a en effet mis en évidence la rupture d'un réseau de
charge avec le taux de déformation (dans le cas des noirs de carbone) en couplant des mesures
de conductivité avec les mesures de module élastique. Il montre que les mesures de
conductivité et de module initial diminue conjointement à taux de déformation croissant. En
outre, la valeur du module initial G’0 est plus faible lors de la décharge. La valeur du module
à une déformation donnée résulterait d'un état d'équilibre dans le processus de rupture et de
reformation du réseau de charge. Ce mécanisme engendrerait une dissipation d'énergie
(associée au maximum de G''). Après la rupture du réseau, la valeur du module aux grandes
déformations G’∞ dépendrait de deux facteurs : de l’effet hydrodynamique résultant de la
Chapitre I : Bibliographie
33
présence des charges et de la contribution de liaisons fortes entre la charge et la matrice (cf.
figure I-12). La différence entre le module G∞ et le module Gmatrice s’exprime ainsi :
G∞ = Gmatrice . F(f, φ) . F(A) (I-13)
où F(f, φ) est l’effet hydrodynamique connu pour dépendre du facteur de forme f, et de la
concentration volumique de charge φ, et F(A) terme dépendant de la nature des liaisons
charge-matrice. F(A) peut être déterminé par des mesures de gonflement.
Payne a étudié la forme de la courbe du module élastique en fonction du travail fourni lors de
la déformation. Il considère dans ce cas la grandeur normée (G’-G’∞)/(G’0-G’∞) en fonction
du travail fourni. Pour l’ensemble des systèmes étudiés, Payne trouve une courbe unique
révélant un processus unique de décroissance indépendamment de la composition du mélange.
Influence dela STRUCTURE
LIAISONS FORTES
Effet HYDRODYNAMIQUE
Déformation
G’
G’0
G’oo
G’matrice
Figure I-12 : Interprétation de la courbe du module de cisaillement en fonction de la déformation
Selon ces hypothèses, Kraus53 a proposé un modèle phénoménologique pour décrire l’effet
Payne. Ce modèle considère les mêmes mécanismes que Payne mais introduit une force de
rappel entre les charges par le biais de forces de Van der Waals comme responsable de
l’évolution du module élastique G’ en fonction de la déformation. La valeur du module
élastique dépend du nombre de contacts entre les particules. Sous l’effet de la déformation, le
phénomène de rupture et la reformation du réseau de charge diminue le nombre de ces
contacts. Cela s'accompagne d'une dissipation d’énergie dont la signature est l’évolution du
module G’’. Son maximum G’’max est obtenu pour la déformation cyclique où le nombre de
contacts interparticules cassés et reformés est le plus important.
Chapitre I : Bibliographie
34
Ce modèle néglige néanmoins la dépendance en fréquence et en température de l'effet Payne
comme l’auteur le signale et comme des travaux récents le montrent9. Cette interprétation est
basée sur le comportement du noir de carbone où les interactions entre les particules sont de
type Van der Waals ; l’utilisation de charges comme la silice implique aussi, entre les
particules, des liaisons hydrogènes fortes qui ne sont pas évoqués par Kraus. En outre, ce
dernier ne fait pas mention d’une éventuelle décohésion entre la charge et la matrice. Huber et
Vilgis72 reprennent le modèle de Kraus, en considérant la dimension fractale et la connectivité
du réseau de charges. Les évolutions de G’ et de G’’ sont reliées à ces paramètres
morphologiques ce qui donne une dimension physique au modèle de Kraus.
Wang73 utilise le concept de gomme occluse décrit au paragraphe I.2.2. Ainsi l’effet Payne
résulterait de contributions conjointes du mécanisme de ruptures et de reformations du réseau
et de la libération de la gomme occluse.
Néanmoins, Funt74 montre par des mesures de conductivité que l’effet Payne est observable
pour des fractions volumiques de charges n’engendrant pas forcément la formation d'un
réseau de charges. Pour lui, l’augmentation du module initial provient plutôt d'une
augmentation de la densité de réticulation attribuée à l’enchevêtrement entre le polymère lié et
le polymère libre. Lors d’une déformation, la chute de module résulterait du
désenchevêtrement des chaînes.
En considérant l’effet Payne comme résultat d’un mécanisme de désorption et d'adsorption de
chaînes en surface de la charge, Maier et Göritz63 propose un modèle qui considère les charges
comme des nœuds de réticulation multifonctionnels. Deux types de liens s’établiraient entre la
charge et les chaînes de la matrice, des liens stables résultant d'un grand nombre de points
d’ancrage et des liens instables pour lesquelles les chaînes auraient très peu de points
d’adsorption. Une variation de l'état d’équilibre entre le nombre de chaînes adsorbées et
désorbées en fonction de la température et de la contrainte, permettrait d’expliquer la chute de
module initial avec la température et la décroissance de G’ en fonction de la déformation. La
dissipation d’énergie au cours d'un cycle de déformation serait directement attribuée au
glissement des segments de chaînes sur la surface de la charge. La dépendance en température
est bien décrite par ce type d'interprétation. D'ailleurs, un parallèle intéressant peut être fait en
considérant l’influence de la température sur l’extraction du polymère lié. La température
active la désorption des chaînes de la surface de la charge, responsables de la formation du
Chapitre I : Bibliographie
35
polymère lié22.Cependant l'interprétation de Maier et Göritz néglige l’effet hydrodynamique
de la charge, l’influence de l’agglomération, et la présence de volume occlus. L’application de
ce modèle conduit donc à une surestimation du nombre de liaisons entre la matrice et la
charge9.
Cette deuxième interprétation est une approche intéressante mais au même titre que celle
impliquant la rupture du réseau de charge, l'effet Payne ne peut être interprété en tant que tel.
L’effet Payne apparaît aussi pour des taux de charges pour lesquels la formation d’un réseau
de charges n’est pas envisageable. Le module initial doit tenir compte de la dispersion de la
charge et des interactions charge-charge mais aussi de l’adsorption de chaînes à la surface
pouvant conduire à la formation de polymère lié. Le module initial pourrait alors correspondre
à un couplage viscoélastique de la matrice avec la structure plus ou moins agglomérée de la
charge. Les mécanismes engendrant alors l’effet Payne doivent considérer le mécanisme de
désagglomération et d’agglomération mais aussi le phénomène thermiquement activé de
désorption - adsorption de chaînes en surface de la charge ou le désenchevêtrement des
chaînes de la couche de polymère lié. Décorréler ces deux mécanismes est une tâche difficile.
En synthétisant ces deux approches certains auteurs considèrent la désagglomération de
charge en présence de polymère lié.
Yatsuyanagi et coll.75 relient la valeur du module jusqu'à 10% de déformation à
l’épaisseur de la couche de polymère lié identifiée par la RMN. Cette couche peut être
percolante avec la diminution de la distance interparticulaire engendrée par l'augmentation de
la fraction volumique de charges. Leur interprétation reprend le mécanisme de désorption et
d’adsorption de chaînes instables.
Kluppel76 considère lui aussi la rupture et la reformation d’un réseau de charges comme
une bonne interprétation de la chute de module avec la déformation. Son modèle considère la
formation de clusters interpénétrés de charges quand la fraction volumique est au-dessus du
seuil de percolation. Cependant, la dissipation d’énergie selon lui est sous estimée dans les
modèles n'impliquant que la rupture du réseau parce qu'ils négligent aux grandes déformations
la perte d’énergie liée au désenchevêtrement et au glissement des chaînes au voisinage de la
charge. Cette dissipation se localiserait dans la zone de transition entre le caoutchouc lié et la
phase de caoutchouc libre. Cette interprétation est similaire à celle de Macosko et coll.77 qui
ont observé l'effet sur des systèmes non réticulés. Pour Kluppel, la dépendance du module
élastique avec la fraction volumique de charge est obtenue grâce à l’équation (I-14) :
Chapitre I : Bibliographie
36
( ) f
Bf
dd
P dddGG
−
+
⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛ ∆−∆+≅
33
3
23
0
,
62' φ (I-14)
où GP est le module du cluster de charges, d la taille de la particule et ∆ l’épaisseur de la
couche de polymère lié, df,b la dimension fractale du squelette (cluster), et df la dimension
fractale des agrégats, entraînant une dépendance en puissance de 3.5.
Les interprétations du comportement des élastomères chargés dans cette gamme de
déformation impliquent donc la structure de la charge et les interactions avec la matrice. Aux
plus grandes déformations, le renforcement des élastomères chargés doit également considérer
la morphologie de la charge et ses interactions avec les chaînes dans des mécanismes qui vont
conduire à la rupture du matériau.
I.3.2.3 Comportement aux grandes déformations Les élastomères chargés possèdent une grande capacité d’élongation associée à un phénomène
dissipatif. Les principaux mécanismes responsables de ces propriétés sont décrits dans cette
partie.
A - Effet Mullins Le comportement mécanique des élastomères chargés est modifié après l’application d’une
première extension. Cette extension entraîne une perte de rigidité pour les déformations
suivantes et une déformation rémanente (cf. figure I-13). Ce phénomène appelé effet Mullins
est recouvrable partiellement à température ambiante sur des temps très longs (plusieurs
jours) ou en quelques heures à des températures proches de celle de la vulcanisation,
n’excluant pas une rigidité retrouvée par la réactivation du processus de vulcanisation78.
Chapitre I : Bibliographie
37
Con
train
te, σ
Déformation, ε
1
2
1 &2
ε1
Figure I-13 : représentation de l'Effet Mullins
Mullins79,80 assimile le renforcement dans cette gamme de déformation (>1) à une
modification de l’élasticité par une amplification de la contrainte et de la déformation. Lors de
la sollicitation, les zones pauvres en charges sont principalement déformées ce qui augmente
localement la contrainte. Expérimentalement, Yatsuyanagi et col.81 montrent par des
observations au microscope électronique à transmission (MET) la rupture du réseau
secondaire (agglomérats) durant la déformation. Une réorganisation du réseau de charges
sous l’effet de la traction est également observée par AFM (Atomic Force Microscope) 82 et
par une augmentation de la conductivité dans la direction de traction avec des mélanges
chargés avec des noirs de carbone16.
En considérant que la matrice subit localement de fortes déformations, certains auteurs
interprètent l'effet Mullins par des phénomènes faisant intervenir essentiellement les chaînes
macromoléculaires. Bueche83, 84 l'interprète (cf. figure I-14) comme la rupture de chaînes
attachées sur des particules adjacentes. Du fait de la distribution en taille des chaînes
interparticulaires, à chaque déformation, un certain nombre de chaînes atteignent leur limite
d'extensibilité. Les chaînes cassées lors de la première déformation ne participent donc plus
aux déformations suivantes expliquant l’adoucissement de la contrainte observé entre deux
montées en déformation.
En considérant des phénomènes à l'interface entre la charge et la matrice, Dannenberg85 ou
Boonstra86 proposent un mécanisme impliquant le glissement des segments de chaînes
adsorbés sur la surface de la charge sous l’effet de la déformation. Ce glissement permet au
réseau d’accommoder la déformation appliquée et prévient ainsi la rupture (cf. figure I-14).
Durant ce processus, la contrainte est redistribuée sur les chaînes voisines. La redistribution
Chapitre I : Bibliographie
38
de contrainte entraîne un alignement des molécules et une résistance supplémentaire. Ce type
de comportement implique deux phases, tout d’abord les chaînes emmagasinent de l’énergie
qui est ensuite restituée lors du glissement conduisant à un comportement à hystérésis. La
présence éventuelle de liaisons chimiques entre la charge et la matrice impliquerait aussi la
rupture des chaînes sous l’effet de la déformation.
Expérimentalement, de récents travaux9 utilisant des techniques de biréfringence, montrent
l’existence d’une orientation moléculaire induite par la traction. Ils mettent aussi en avant la
présence de chaînes courtes ou fortement étirées ne répondant plus à la statistique gaussienne
durant la déformation. Ces mesures montrent aussi une orientation plus forte des chaînes en
présence de liaisons covalentes entre la charge et la matrice. Pour conclure, l'auteur9 montre
qu’à orientation égale la contrainte est plus forte dans un système chargé que dans la matrice
seule.
a)
AB
C
AB
C
AB
C
AB
C
AB
C
AB
C
b)
Figure I-14 : a) mécanisme de déformation selon BUECHE, b) DANNENBERG
Comme cité précédemment, l'adsorption de chaînes en surface de la charge peut conduire à la
formation d'une couche de polymère immobilisé. L’interprétation de Wagner87 considère la
déformation plastique de cette couche sous l'effet de la sollicitation, écartant toute
contribution de cette couche pour les sollicitations suivantes.
Kilian et coll.88 synthétisent ces différents modèles. Leur interprétation de l’effet Mullins
implique le réseau de charges et sa déformation sous l’effet d’une déformation. Ce réseau
Chapitre I : Bibliographie
39
serait formé de liaisons directes charge – charge (agglomérats) et de liaisons indirectes charge
– matrice – charge. Quand la contrainte associée à la déformation dépasse un certain seuil, la
structure des agglomérats est irréversiblement brisée et déformée. Ce phénomène serait
responsable de la déformation rémanente après la décharge. Pour les déformations suivantes,
les mécanismes mis en jeux se fondent sur les interprétations de Boonstra.
L’étude de l’effet Mullins apporte des informations sur les mécanismes pouvant intervenir
durant la déformation sous traction. Les mécanismes mis en jeux sont proches de ceux décrit
pour l’effet Payne. Mais dans cette gamme de déformation conduisant à la rupture, le
phénomène d’endommagement est rarement considéré.
L’endommagement peut apparaître sous forme de décohésions à l’interface entre la charge et
la matrice ou de cavités au voisinage de la charge.
B - Endommagement et Propriétés ultimes
La présence de charges modifie les propriétés à la rupture. L’origine de cette augmentation
provient de phénomènes décrits précédemment ayant pour conséquence l’amplification de la
contrainte mais n’explique pas l’augmentation de la déformation à la rupture. Lors des
grandes déformations il apparaît de fortes concentrations de contrainte autour des plus gros
agglomérats de renfort. Cette concentration de contrainte amorce une décohésion à l’interface
entre la charge et la matrice, mise en évidence expérimentalement en traction 82, 89 et par
gonflement10.
Farris90 observe cet endommagement par des mesures de dilatation volumique et interprète la
forme de la courbe contrainte -déformation en considérant la décohésion et la formation de
vide. La contrainte de "démouillage"91 dépend de l’état de l’interface (degré d’interaction)
entre la charge et la matrice, et des propriétés de la matrice comme par exemple son degré de
réticulation. En améliorant l'adhésion de la matrice sur la surface de la charge par l’utilisation
d’agent de couplage (silane)92, on limite la décohésion. Cela a été vérifié expérimentalement
au cours de mesure de gonflement: en présence d'agent de couplage, aucune décohésion à
l'interface n'est observable.10 Cependant si l’adhérence entre la matrice et la charge est très
forte, une cavité peut se former au sein de la matrice au voisinage de l’interface93.
Chapitre I : Bibliographie
40
L’interface entre les deux phases semble déterminante sur les propriétés à la rupture. La
contrainte à la rupture est accrue par l’utilisation de promoteur d’adhésion comme les agents
de couplage qui améliorent le transfert de contrainte et augmentent la réticulation du
composite. Ce phénomène intervient au détriment de la déformation à la rupture. A l’inverse,
de faibles interactions à l’interface limitent le transfert de contrainte et risquent d’engendrer
des décohésions et la formation de vacuoles autour des charges. Cela a pour conséquence
d'améliorer la déformation à la rupture au détriment de la contrainte.
De très nombreux modèles mécaniques tels que ceux proposés par Farris90, Fedors91, Gent94,
Fond95 et thermodynamiques Schapery et coll.96 utilisent l'endommagement (décohésion et
formation de vide) pour interpréter le comportement en traction mais ces auteurs ne
considèrent que des phénomènes simples impliquant des charges de grosses tailles très peu
renforçantes.
Les propriétés ultimes doivent prendre en compte l’ensemble des mécanismes décrits
précédemment (rupture de chaînes, réorganisation de la structure de la charge, formation de
cavité ou de vide) dans un environnement où pendant la déformation, l’initiation et la
croissance des déchirures ou des vides sont contrôlées par la réponse viscoélastique du
matériau.
L’enveloppe totale de rupture de ce type de matériau doit être considérée. Cette dernière est
obtenue en traçant le logarithme de la contrainte corrigée de l’élasticité entropique par le
facteur (Tref/T avec Tref une température de référence arbitraire) en fonction de la déformation
à la rupture. Les tests réalisés à différentes températures et vitesse de déformations conduisent
à une courbe unique comme la figure I-15 le montre. Contrainte et déformation à la rupture se
déplacent sur la courbe lorsque la vitesse de déformation et / ou la température varient.
A température élevée et vitesse faible, les propriétés à la rupture se dégradent (contrainte et
déformation à la rupture sont faibles). Pour de faibles températures et une grande vitesse, la
contrainte à la rupture est améliorée et la déformation à la rupture passe par un maximum. Les
propriétés à la rupture sont donc optimales dans une région intermédiaire.
En présence de charges, à température donnée, la contrainte à la rupture augmente avec la
fraction de charges. La déformation à la rupture est globalement moins importante, mais l'on
Chapitre I : Bibliographie
41
observe une amélioration de cette déformation avec la température. Cette variation de
propriétés avec la température est telle que l'on peut observer dans une certaine gamme de
température une déformation à la rupture plus importante avec des charges que sans charges.
Figure I-15 : Enveloppes rupture97 pour une matrice SBR chargée avec différent taux de noir de carbone. (les courbes en train plein correspond au modèle Bueche)
Lapra9 a montré qu’en fonction de la température, la matrice SBR non chargée avait un seuil
de déformation optimum avant rupture pour 273°K alors que dans le cas d’une même matrice
chargée avec de la silice (traitée ou non), le maximum est obtenu pour des températures
proches de l’ambiante. Halpin et Bueche 98 n’excluent pas l’immobilisation du polymère au
voisinage de la charge dans leur interprétation de ce décalage vers les hautes températures des
propriétés ultimes.
I.4 Conclusion
Des petites, aux grandes déformations, le renforcement des élastomères chargés est largement
influencé par les différentes interactions se créant lors de la mise en œuvre. Les interactions
entre les particules de charge sont responsables de l'agglomération et/ou de la formation d’un
réseau percolant. Ces structures peuvent emprisonner une partie de la matrice. Sous l'effet
d'une sollicitation, les agglomérats de charge peuvent se rompre et libérer ainsi la matrice
occluse. Les interactions à l’interface dépendent de la nature de la charge et de la matrice et
influencent le renforcement par leur nombre et leur intensité. On peut observer à l’interface la
Chapitre I : Bibliographie
42
formation d’une couche de polymère lié plus ou moins épaisse en fonction de l'affinité entre
la charge et la matrice.
Finalement l’activité de surface de la charge se présente comme un paramètre déterminant
dans le renforcement d’élastomère. La modifier permettrait d'observer et de comprendre le
rôle des différentes interactions sur le renforcement (effets de réseau ou d’interface). Par
rapport au noir de carbone, la silice présente un certain intérêt lié à la présence des silanols de
surface. Cette chimie de surface permet l’utilisation des différentes molécules silanes comme
traitement de surface. Ce traitement améliore la dispersion de la silice et permet le contrôle
des interactions entre la charge et la matrice. Il offre également la liberté de traiter la surface
en quantité (surface recouverte) et, grâce au large panel de molécules existantes, de varier en
taille, et en fonctionnalité le traitement. Les traitements de surface peuvent être mono
fonctionnels et seulement se greffer sur la charge comme un agent de recouvrement ou
bifonctionnels et également former une liaison covalente avec la matrice (agent de couplage).
L'utilisation de silane présente donc l’immense avantage de pouvoir moduler les propriétés
des mélanges selon les caractéristiques désirées. Néanmoins, l’ensemble des travaux
précédents utilisant la silice, se soucie peu des inconvénients que ce type de charge implique
lors de la mise en œuvre. La silice par sa chimie de surface et sa morphologie particulière
possède la capacité d’adsorber les éléments de la formulation, plus particulièrement les
accélérateurs de vulcanisation qui sont basiques98. Il est important de considérer ce
phénomène car l’homogénéité de la réticulation du composite en dépend, ce qui aura des
conséquences sur les propriétés des matériaux.
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60 N.K.DUTTA, N.R.CHOUDHURY, B.HAIDAR, A.VIDAL, J.B.DONNET, L.DELMOTTE, J.M. CHEZEAU, High resolution solid state NMR investigations of the filler –rubber interaction Part III, Rubb. Chem. Technol, 2, 260, 2001 61 J.BERRIOT, H.MONTES, F.LEQUEUX, D.LONG, P.SCOTTA, Gradient of glass transition temperature in filled elastomers, Europhysics Letters, 64, 50, 2003 62 V.ARRIGHI, I.J.McEWEN, H.QIAN, M.B.SERRANO PRIETO, The glass transition and interfacial layer in styrene-butadiene rubber containing silica nanofiller, Polymer, 44, 6259, 2003 63 P.G. MAIER, D. GORITZ, Molecular Interpretation of Payne effect, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 49, 18, 1996 64 L.L.BAN, W.M.HESS, L.A.PAPAZAIAN, New studies of carbon Rubber Gel, ACS, Rubber Division, Toronto, 1974 65 J.LEOPOLDES, Etude des propriétés Dynamiques de mélanges d’Elastomere chargés en relation avec la nature des Interactions Polymère-Charge, Thèse, Université de Paris IV, 2002 66 A.R. PAYNE, The dynamic properties of carbon black loaded natural rubber vulcanizates II, Journal of App. Poly. Science, 6, 368, 1962 67 F.CLEMENT, Etude des mécanismes de renforcement dans les réseaux polymdiméthylsiloxane chargés avec de la silice, Thèse, Université Paris VI, 1999 68 A.R. PAYNE, Chap.3, “Reinforcement of Elastomers”, Ed. G.Krauss, Interscience, 1965 69 L.CHAZEAU, J.D.BROWN, L.C.YANYO, S.S.STERNSTEIN, Modulus recovery kinetics and other insights into the Payne effect for filled elastomers, Polym. Compos., 21, 202, 2000 70 K.N.G.FULLER, M.J.GREGORY, J.A.HARRIS, A.H.MUHR, A.D.ROBERTS, A.STEVENSON, Chap. 19, “Natural Rubber - Science and Technology”, Ed. A.D. ROBERTS, Oxford University Press, Oxford, 1988 71 A.I.MEDALIA, Selecting carbon blacks for Dynamic properties, Rubber World, 168, 49, 1973 72 G.HUBER,T.A. VILGIS, Universal properties of filled rubbers : Mechanisms for reinforcement on different length scales, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 52, 102, 1999 73 M.J.WANG, International Rubber Conderence, CNIT, La Défense, 1998 74 J.M. FUNT, Dynamic testing and Reinforcement of Rubber, Rubb. Chem. Technol., 61, 842, 1988 75 F. YATSUYANAGI, H. KAIDOU, M. ITO, Relationship between Viscoelastic Properties and Characteristics of filler- gel in filled System, Rubb. Chem. Technol., 4, 657, 1999 76 G. HEINRICH, M. KLUPPEL, Recent advances in the theory of filler networking in elastomers, Advances in Polymer Science, 160, 1, 2002 77 M.I. ARANGUREN, E.MORA, V.J. DeGROOT, C.W MACOSKO, Effect of reinforcing fillers on the rheology of polymer melts, J. of Rheo., 36, 1165, 1992 78 P. HAJJI, Rapport confidentiel Post-Doc, Insa de Lyon, 1999
Chapitre I : Bibliographie
47
79 L.MULLINS, Effect of stretching on the properties of rubber, J. Rubber Res., 16, 275, 1947 80 L.MULLINS, N.R.TOBIN, Theoretical model for the Elastic behavior of filler –reinforced vulcanized Rubbers, Rubb. Chem. Technol., 30, 555, 1957 81 F.YATSUYANAGI, N.SUZUKI, M.ITO, H.KAIDOU, Effects of secondary structure of fillers on the mechanical properties of silica filled rubber systems, Polymer, 42 , 9523, 2001 82 S.MAAS, W.GRONSKI, Deformation of filler morphology in strained carbon black loaded rubbers. A study by Atomic Force Microscop, Rubb. Chem. Technol., 68, 652, 1995 83 F. BUECHE, Reinforement of elastomers, G. KRAUS, Interscience Publishers, 1965 84 F.BUECHE, Molecular basis for the Mullins effect, J. Appl. Polym. Sci., 4, 107, 1960 85 E. M. DANNENBERG, Molecular slippage mechanism of reinforcement, Trans. Inst. Rubber, Ind., 42, 1966 86 B.B.BOONSTRA, “Reinforcement of Elastomers”, Ed G.Krauss, Interscience (1965) 87 M.P.WAGNER, Reinforcing silicas and silicates, Rubb. Chem. And Technol., 45, 703, 1976 88 H.AMBACHER, M.STRAUSS, G.G.KILIAN, S.WOLFF, Reinforcement in filler-loaded rubbers, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 12, 1111, 1991 89 A.N.GENT, B. PARK, Failure processes in elastomers at or near a rigid spherical inclusion, J. of Mat. Sci., 19, 1947, 1984 90 R.J. FARRIS, The influence of vacuole formation on the response and failure of filled elastomers, Trans. Soc. Rheo., 12, 315, 1968 91 R.F.FEDORS, R.F.LANDEL, Mechanical behavior of SBR-glass bead composites, J. of Polym. Sci., 13, 579, 1975 92 E.P. PLUEDDEMANN, Silane Coupling Agents, Plenum Press, New York, 1982 93 D.W.NICHOLSON, On the detachment of a rigid inclusion from an elastic matrix, J. Adhesion, 10, 255, 1979 94 A.N.GENT, D.A.TOMPKINS, Nucleation and growth of gas bubbles in elastomers, J. Appl. Physics, 40, 2520, 1969 95 C.FOND, Cavitation criterion for rubber materials : a review of voids growth models, J. Polym. Sci. Part B, 39, 2081, 2001 96 S.W.PARK, R.A.SCHAPERY, A viscoelastic constitutive model for particulate composites with growing damage, Int. J. Solids Structures, 34, 931, 1997 97 J.C.HALPIN, F.BUECHE, Fracture of amorphous polymeric solids : reinforcement, J. Appl. Physics, 35, 3142, 1964 98 M.ZABORSKI, J.B.DONNET, Activity of Fillers in elastomer networks of different Structure,Euro-Fillers 2001, Lodz Poland, 62, 2001
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
48
Chapitre II : Matériaux et Techniques Expérimentales
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
49
II.1 Matériaux et Mise en œuvre
II.1.1 Matrice et vulcanisation Le SBR (Styrene-Butadiene Rubber ) est, de loin, l’élastomère de synthèse dont la production
est la plus forte (plus de la moitié de la production totale). Pour l’application pneumatique, on
fabrique le SBR par polymérisation en solution par voie anionique.
Le SBR est un copolymère statistique de styrène et de butadiène. Le butadiène peut
polymériser sous deux formes : polybutadiène 1-4 (linéaire) et polybutadiène 1-2 (groupement
vinyle pendant), (cf. figure II.1). La matrice choisie, pour cette étude, est non étendue aux
huiles, et composée de 25% en masse de styrène et de 55% de polybutadiène 1-2. Cette
composition conduit à une température de transition α d’environ –14°C. Elle est
commercialisée sous le nom de SBR 5525-0 par BAYER. L’ensemble des mélanges est
réalisé avec une gomme provenant de la même balle afin de s’affranchir des variations de
composition.
CH *CH2* x
* CH2 CH CH
CH2 *y
CH2
* CH2 CH *CH
z
Figure II-1 : Structure chimique des unités polystyrène et polybutadiène
Comme nous l’avons défini dans le chapitre I, la matrice est constituée de longues chaînes
linéaires ayant à température ambiante, une grande flexibilité intrinsèque et ne possédant pas
de groupements donnant lieu à des forces intermoléculaires importantes. Sous l’effet d’une
contrainte, de telles molécules enchevêtrées glissent les unes sur les autres conduisant à la
déformation de l’ensemble. Il est donc nécessaire de les unir entre elles par un certain nombre
de points d’attache, que l’on appelle des nœuds de réticulation (ou ponts), de manière à
former un réseau tridimensionnel résistant et permanent. Ce réseau est obtenu par la
vulcanisation.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
50
Vulcanisation de la matrice SBR La vulcanisation par le soufre a été découverte par GOODYEAR en 1839 et brevetée par
HANCOCK en 1844. Malgré une grande variété de systèmes de réticulation, le soufre reste le
plus utilisé.
La réticulation de la matrice SBR a lieu au cours de la réaction de vulcanisation réalisée à
température élevée (~150°C ou plus) en présence de soufre moléculaire S8.
Lorsque le soufre est utilisé seul, la vulcanisation conduit principalement à des ponts de 40 à
50 atomes de soufre et à de très nombreuses modifications de chaînes (sulfures cycliques).
Dans ce cas, la durée de vulcanisation est très longue (environ 6 heures à 140°C).
Il est courant d'utiliser un système de vulcanisation plus complet comprenant des
accélérateurs. Le réseau formé en présence d’accélérateurs et d’activateurs conduit à des ponts
plus courts et peu de modifications de chaînes. L’activateur couramment utilisé est l’oxyde de
zinc (ZnO). Du fait de sa mauvaise solubilisation dans les élastomères et nécessite l’utilisation
conjointe d’un acide gras tel que l’acide stéarique.
Les accélérateurs (cf. figure II-2) utilisés dans cette étude sont très courants. Le CBS (n-
cyclohexyl-2-benzothiazyl-sulfénamide) appartient à la famille des ’’accélérateurs à action
différée’’. Leur action ne se déclenche qu’au-delà de leur température de décomposition. La
DPG (diphenylguanidine) appartient à la famille des guanidines, qui ont la particularité d’être
des accélérateurs basiques et sont utilisés comme accélérateur secondaire.
N
SC S NH
C6H5 NH
C6H5 NHC NH
N Cyclohexyl-2benzothiazyl sulfénamide: CBS
Diphényl guanidine: DPG
Figure II-2 Accélérateurs utilisés dans cette étude
La vulcanisation au soufre accéléré se déroule en plusieurs étapes comme l’indique la figure
II.3.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
51
Accélérateurs(DPG CBS)
Activateur(ZnO)
Acide Gras(Acide Stéarique)
Agent devulcanisation(soufre)
Caoutchouc Vulcanisat final
ComplexeActivateur
soluble
Complexe Actif
Rég
énér
atio
n du
com
plex
e ac
tivat
eur
ETAPE 1
ETAPE 2
ETAPE 3&4 Figure II-3: Mécanisme de vulcanisation1
Etape 1- Formation de sel de zinc et du complexe soluble2.
Au cours de l’étape 1, l’acide stéarique solubilise le ZnO. Ils s’associent pour former un
complexe activateur considéré comme un surfactant permettant la solubilisation des
accélérateurs. Ce processus conduit à la formation du catalyseur.
Ac S HAc S S X
Ac S N R2AcSZnAc S
ZnO
Sel insoluble dans le caoutchouc (II-1)
Etape 2- Formation de l’agent actif de sulfuration
L’étape 2, consiste en la formation du complexe actif de sulfuration par réaction du
complexe activateur soluble avec le soufre.
AcSZnAc SAcide Stéarique
LigandAcSZnAc S
RC
OO-
RC
O O-
++
Complexe soluble dans le caoutchouc
S8
S6
S SS6
S S
+
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
52
ZnAc S Sx Sy AcS
Agent actif de sulfuration (thiomercaptide) (II-2)
Etape 3- Formation d’un composé intermédiaire lié au caoutchouc
L’agent actif se lie à la chaîne polymère.
Zn
Ac S Sx
S
Sx AcS
CHCH
H
CR'
Ac S Sx CR
CHH
CR'
ZnSz SAc
δ−
δ++ δ-
δ+
δ- δ+
+
+ ZnS +
matrice
R
(II-3)
On a aussi :
2 H Sy SAc+ AcS Sx Zn Sx SAcZnS + SH2Agent actif régénéré (II-4)
Etape 4- Formation de ponts polysulfures
a) Au cours de cette étape, l'agent actif de sulfuration réagit avec un groupement de la matrice
:
Ac S Sx CR
CHH
CR'
AcSSxSx ZnCR2
CHH
CR2'
SxCR
CHH CH
R2
CH
CR'
CR2'
ZnAc S Sx Sx AcS
+
+Régénération du complexe soluble
(II-5)
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
53
b) on observe également la réaction d'un groupement du polymère avec une autre chaîne de
polymère
CR'
CR
CHHAc S Sx Zn Sx CH2
R3
CH
CR3'
SxCR
CHH CH
R3
CH
CR'
CR3'
SZn AcS SxH
+
+ +
(II-6)
La formation des sulfures entraîne la régénération du complexe soluble.
AcS SxH + 1/2 ZnO ZnAc S Sx Sx AcS + 1/2 OH2 (II-7)
Les ponts polysulfures sont thermiquement instables. Sous l’effet de la température ils sont
décomposés en ponts de réticulation, cycliques, mono ou disulfurés. Le contrôle de la
longueur des ponts est possible en faisant varier le rapport soufre / accélérateur.
Il existe trois types de système de vulcanisation
1. les systèmes conventionnels (CV)
Ces systèmes, riches en soufre et pauvres en accélérateur, permettent la formation de
ponts longs, polysulfures
2. Les systèmes semi-efficaces, (semi-EV)
Pour ces systèmes, la teneur en soufre et la teneur en accélérateur sont équivalentes
3. Les systèmes efficaces (EV)
Pauvres en soufre et riches en accélérateur, ces derniers conduisent à la formation de ponts
courts majoritairement mono et di sulfures.
Dans notre cas le système choisi est considéré comme efficace (rapport Soufre /
Accélérateur >1).
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
54
II.1.2 La silice : Synthèse, morphologie, chimie Synthèse La silice utilisée dans cette étude est une silice de précipitation obtenue en milieu liquide par
hydrolyse – précipitation d’un silicate alcalin soluble. L’addition d’acide conduit à la
formation d’acide silicique, Si(OH)4, qui va conduire à la naissance de particules colloïdales
de très petites tailles (sol). Le sol se transforme en gel ou en précipité lors d’une réaction
dépendant du pH.
En phase aqueuse, les différents paramètres de la synthèse (pH, température, force ionique,
concentration) sont déterminants pour le résultat final du fait de l’équilibre entre croissance
(polymérisation – condensation) et agrégation (coagulation) (cf. figure II-4). Les silices de
précipitation sont synthétisées en favorisant d'abord la croissance puis l’agrégation. La phase
de séchage permet la conversion des précipités en poudre.
condensation
croissance
agrégationgermes
pH>7
Silicate soluble Na 2SiO 3
Na2SiO 3 + H 2SO4 → SiO 2 + H2O + Na 2SO4
Hydrolyse
Précipitation
OH
Si OHOH
OH
SiOHOH
OOH
SiOHOH
OH
Figure II-4 : Schéma réactionnel de la synthèse de la silice
Caractéristiques (morphologie et chimie de surface)3 Etant donné le processus de synthèse, les grains de la poudre de silice de précipitation ne se
présentent pas sous une forme simple lisse et compacte mais présente une certaine porosité.
La texture et la morphologie caractérisée par différents paramètres (surface spécifique, masse
volumique apparente, porosité) est dépendante de la taille des grains et de l’échelle
d’observation. Pour un grand nombre de matériaux à texture complexe, des lois du type P≈Lm
peuvent être appliquées ( P est un paramètre décrivant la texture par exemple la surface
spécifique), m est un exposant fractal non entier, et L est la taille de l’objet. Lorsqu’une loi de
ce type est observée la structure du matériau devient invariante par changement d’échelle.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
55
La surface spécifique et la porosité sont souvent caractérisées à l'aide de techniques
d’adsorption (donnant accès à la surface spécifique). La caractérisation est réalisée à partir de
mesures d’adsorption en phase gazeuse (N2 BET) ou en phase liquide (bromure de
céthyltrimethylamonium, CTAB).
Dans le cas de la silice de précipitation4 , la plus petite entité que l’on peut disperser est
appelée agrégat dans lequel les particules élémentaires de 5 à 30 nm sont reliées par
condensation des silanols de surface (cf. figure II-5). La taille des particules indestructibles
(agrégats) détermine la surface spécifique qui varie de 25 à 400m²/g. Les agrégats de silice se
rassemblent pour former des agglomérats d’une taille variant de quelques centaines de
nanomètres à quelques microns. Les liaisons au sein de ces agglomérats sont des liaisons
physiques (liaisons hydrogènes). L’aptitude des agglomérats à se diviser influence la
dispersibilité de la silice.
Agglomération
Malaxage
Tailles 5 à 30 nm 40 à 100 nmjusqu’à plusieurscentaines de µmètres
Particule Agrégat Agglomérat
Figure II-5 :Taille des différentes structures
Une autre propriété importante de la silice est son activité chimique5. Les groupements
chimiques en surface sont constitués essentiellement de groupes hydroxyles –OH (silanols).
Les silanols sont associés à la présence d’eau (de 4 à 7%) qui est absorbée à la surface par
formation d’une liaison hydrogène et qui rend difficile le mouillage de la surface par
l’élastomère. La présence d’hydroxyles apparaît sous plusieurs configurations : silanol simple
≡Si-OH ou géminé =Si(OH)2 (cf. figure II.6). Ces silanols peuvent s’associer par
l’intermédiaire de liaisons hydrogène entre eux ou avec l’eau de surface. On distinguera ainsi
les silanols isolés (voisins trop éloignés), vicinaux, et internes dans ce cas non accessibles à
certaines molécules adsorbables. En général, le nombre de silanols3 est compris entre 4 et 6 8
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
56
OH/nm2.
SiOH
SiOHOH
Figure II-6 : différents types de silanols
La silice utilisée dans cette étude est dite hautement dispersible et désignée sous la référence
commerciale Z1165 MP® de Rhodia Silica System. Elle possède une surface spécifique BET
de 160m²/g et CTAB de 155m²/g. Les valeurs obtenues par ces deux techniques très proches
traduisent une faible microporosité.
II.1.3 Traitements de surface
II.1.3.1 L’agent de couplage Les premières utilisations des silanes remontent à une quarantaine d’année, en tant qu’adhésif.
Leur application en tant qu’agent de couplage date de 1971, lorsque la société Degussa
commercialisa le bis (3-triéthoxysilylpropyl)-tétrasulfane (TESPT). Ce dernier fut
initialement utilisé avec la silice de précipitation qui conduisait auparavant à des mélanges
dont les caractéristiques étaient inférieures à celles obtenues avec des noirs de carbone.
Jusqu’en 1992, l’agent de couplage trouve une application dans les semelles de chaussures
transparentes et colorées et d’autres mélanges nécessitant des charges claires.
Traditionnellement l’agent de couplage utilisé pour les mélanges avec de la silice est la
molécule TESPT ( bis (3-triethoxysilylpropyl-)tetrasulfane), commercialisée sous le nom de
Si69 par la société Degussa. Sa forte teneur en soufre entraînerait un relargage de soufre très
peu contrôlable et une instabilité qui engendrerait des réactions précoces avec la matrice.
Plus généralement, les agents de couplage silanes sont bifonctionnels et ont pour formule : Z-
R-Si(X)3-N.
Z désigne un groupe organo fonctionnel pouvant former des liaisons covalentes avec les
polymères. Z peut être un groupe polysulfide, disulfide, amino, mercapto, vinyl, epoxy ….
R est un groupe alkyl.
X est le groupe hydrolysable capable de former de fortes liaisons covalentes avec les groupes
hydroxyles en surface de la silice. X peut être Cl, OCH3, OC2H5 ou OC2H4OCH3 (N compris
entre 0 et 2).
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
57
Pour cette étude, afin de bien différencier l’effet de la vulcanisation et celui du couplage
charge matrice, une molécule très proche a été utilisée, la TESPD ( bis (triethoxysilylpropyl-
)disulfane) (cf. figure II-7). Elle ne possède que deux soufres ce qui implique une meilleure
stabilité (cf. tableau II-1)
Type de liaison Energie de liaison
(kJ.mol)
-S-S-S-S- 226
-C-S-S-C- 268
-C-S-S-C- 272
-C-S-C- 285
-C-C-C- 346
Tableau II-1 : Energie de liaison
Si C2H5O S CH2 CH2CH2
S CH2 CH2CH2 Si C2H5O
3
3 Figure II-7: agent de couplage TESPD
D’après les rapports techniques Degussa7, jusqu’à 170°C, cette molécule ne joue pas le rôle
de donneur de soufre contrairement au TESPT qui joue effectivement ce rôle à partir de
150°C. Comme les figures II-8 & II-9 le montrent, ces molécules peuvent aussi devenir des
accepteurs de soufre.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
58
Figure II-8 : distribution du nombre de soufres, et longueur moyenne de la chaîne après chauffage avec présence de soufre pendant une heure à différentes températures a) TESPT, b) TESPD6
On remarque qu’en présence de soufre seul le TESPT (Si69) incorpore facilement du soufre et
dans des temps très courts, inférieurs à 10 minutes7. La molécule TESPD est
remarquablement plus stable. Cette stabilité est due à la forte énergie de dissociation de la
liaison disulfane en comparaison avec la liaison polysulfane. Cela conduit à une sulfuration de
TESPD très lente.
Figure II-9 : a) distribution du nombre de soufre, et longueur moyenne de chaîne of TESPD après chauffage en présence soufre, ZnO, d’acide stéarique, et de CBS a) pour une heure en fonction de la température, b) à 160°C en fonction du temps7.
La sulfuration de TESPD (augmentant la réactivité de la molécule) est néanmoins possible en
présence d’activateurs (ZnO, acide stéarique) et d’accélérateur (CBS) et nécessite des
températures supérieures à 140°C.
a) b)
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
59
II.1.3.2 Les agents de recouvrement
Si CH2 CH3n
C2H5
O
C2H5 O
C2H5
O
Le pied
Figure II-10 : Formule semi -développée des agents de couplage avec n = 0, 2, 7, 15
Les agents de recouvrement utilisés dans cette étude possèdent le même pied réactif
(triethoxy) que l’agent de couplage, la différence se trouve dans la non-réactivité de la tête et
la longueur variable de la chaîne alkyle formant le ‘’spacer’’. Cet agent de recouvrement se
greffe sur la surface de la silice par les mêmes processus que l’agent de couplage. La fonction
de l’agent de recouvrement est de rendre la surface de la silice hydrophobe, et inactive
(aucune réaction n’est possible avec le polymère).
II.1.3.3 Réaction de greffage
Le greffage de la silice nécessite une élévation de température et la présence d’eau7.
L’hydrolyse des molécules silanes est toujours nécessaire, et est associée à un dégagement
d’éthanol. Le greffage commence dès le début de la phase de malaxage. Les molécules de
silane possèdent toutes dans cette étude trois groupes ethoxy impliquant deux types de
réaction : (1) le greffage sur la surface et (2) une polycondensation avec les groupes ethoxy
voisins. De ces réactions résultent trois modèles, le premier dit ’’vertical’’ suppose la
réaction du silane et de la silice et admet la possibilité que d’autres molécules silanes viennent
condenser sur les molécules déjà greffées. Le deuxième modèle peu réaliste suppose que tous
les silanes forment trois liaisons siloxanes avec la silice. Ce modèle n’est pas réalisable
géométriquement8 du fait de l’encombrement stérique.
Le troisième modèle (plus probable) est dit ’’horizontal’’7, 9 (cf. figure II-11). Ce greffage
suppose qu'un des trois groupes ethoxy hydrolysés réagit avec la surface.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
60
Si OH
Si OH
Si OH
Si OH
SiO2 Si CH3 n CH3
C2H5
O
C2H5 O
C2H5
O
+
silica
Si OOSiSi OOSiSi O
CH2 CH3n Si
C2H5OHSiO2
Si O
CH2 CH3n
CH2 CH3n
OH2
+ 4Chaleur
Figure II-11 : processus de greffage horizontal de la molécule de silane sur la surface de la silice7
Après hydrolyse, les groupes éthoxy restants réagissent par condensation avec des paires de
silanes voisins accrochés en surface de la silice. Ce modèle ’’horizontal’’ semble le plus
probable pour Hunsche et coll.7, 9 compte tenu des résultats de RMN du silicium et du
carbone, et des analyses d’évaporation d’éthanol résultant de l’hydrolyse. L’hydrolyse et la
réaction de greffage deviennent significatives pour des températures de 60°C, et très rapides
pour les températures de mise en œuvre habituelles comprises entre 120°C et 160°C. A ces
mêmes températures, la deuxième réaction de condensation demande des temps plus longs.
Afin d’accélérer ce processus, l’acide stéarique est introduit en première phase car sa faible
acidité catalyse la réaction d’hydrolyse et de condensation.
L’optimisation du processus de greffage dépend donc de paramètres expérimentaux comme la
durée et le nombre de phases de malaxage et la température maximale atteinte durant cette
phase (dump temperature). Un bon greffage dépend aussi de la désagglomération de la silice
qui sous l’effet du cisaillement augmente la surface accessible et donc le nombre de sites de
greffage. La dispersion de la silice et le traitement de surface sont deux évènements
concomitants. Ce processus de greffage ainsi décrit est commun à l’ensemble des traitements
de surface utilisés dans cette étude.
Pour l’agent de couplage, qui possède la capacité de réagir avec la matrice, une réaction
supplémentaire intervient. L’agent de couplage réagit de différentes manières. Durant la phase
de malaxage une réticulation prématurée peut se produire, si la température de dégradation de
la molécule est atteinte. Sinon la liaison avec la matrice intervient en présence du système de
vulcanisation lors de la phase de réticulation de la matrice9 (cf. figure II-12). Les deux
processus, vulcanisation et couplage se trouvent alors en compétition, d’une part pour
l’utilisation des accélérateurs et d’autre part pour la consommation du soufre qui est aussi
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
61
incorporé dans l’agent de couplage. Le couplage et la réticulation se présentent donc comme
deux évènements difficile à décorréler.
Si O SCH2CH2 CH2SiOSiSi O CH2CH2 CH2
OSCH2CH2 CH2SiSi O
S SaCC
CH
SiO2
Si O
Si O SCH2CH2 CH2SiOSiSi O CH2CH2 CH2
OSCH2CH2 CH2SiSi O
S SaSiO2
Si O
C
C
CH2
+
Figure II-12 : réaction de l’agent de couplage avec la matrice7
II.1.4 Formulation et protocole de mise en œuvre
II.1.4.1 Formulation Cette formulation est simplifiée au maximum(cf. tableau II-2). Le taux de charges et le
système de vulcanisation sont maintenus constants. Seul le traitement de surface de la charge
évolue par sa quantité, sa taille, et sa fonctionnalité.
Mélange phr = Pour cent parts de matrice
Matrice 100 SBR 5525-0 (Bayer)
Charge 50 Silice Z1165 MP (Rhodia)
Traitement de surface variable Agent de couplage ou agents de
recouvrement
6PPD 1.45 Antioxidant et Antiozonant*
Acide stéarique 1.1
ZnO 1.82 Activateurs de vulcanisation
Système de vulcanisation
S 1.1 Vulcanisant
CBS 1.3
DPG 1.45 Accélérateurs de vulcanisation
*l’antioxidant et antiozonant (para-phenylenediamine) protège le mélange contre le vieillissement prématuré.
Tableau II-2 : formulation des mélanges.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
62
II.1.4.2 Mise en œuvre, histoire thermomécanique Le protocole de mise en œuvre utilisé pour cette étude vient du Brevet Michelin RAULINE10
(crée pour le pneu vert). Il se décompose en plusieurs phases de malaxage à l’aide d’un
mélangeur Banbury et d’un mélangeur à cylindres. Durant ces phases de malaxage les
différents ingrédients sont incorporés comme l’indique la figure II-13.
1- SBR + Silice + traitement desurface + 6PPD + Acide Stéarique
2- ZnO
Ambiante
60°C
80°C
150°C
160°C
Température
Temps
3- S + CBS + DPG
5 min 5 min 8 min 30 à 50 min
Vulcanisation
1 2 3
1 nuit 1 nuit
1 & 2 : mélangeur interne Banbury3 : mélangeur à cylindres
4
Figure II-13 : Histoire thermique du mélange au cours de la mise en œuvre (en noir : l’évolution de la température).
• L’étape 1 consiste en un malaxage de la matrice et l’incorporation de la charge et du
traitement de surface, l’antioxydant (6PPD) et l’acide stéarique. L’incorporation de la
silice dans l’élastomère augmente considérablement l’intensité du cisaillement et la
température du mélange malaxé. La silice est désagglomérée et dispersée. Sous l’effet
de la température, elle libère l’eau adsorbée naturellement sur sa surface. Le
mélangeur interne Banbury sert aussi de réacteur chimique pour le greffage de la
charge.
• L’étape 2 permet de finaliser les processus de dispersion et de greffage amorcés lors
de l'étape 1 et sert également à l’incorporation du ZnO.
• L’étape 3 consiste en l’incorporation du système de vulcanisation. Il est réalisé sur un
mélangeur externe (cylindres) impliquant des températures plus faibles prévenant
toute réaction prématurée du système de vulcanisation.
• L’étape 4 est la vulcanisation du matériau par le soufre et l’établissement de liaisons
covalentes par le biais de l’agent de couplage (lorsqu'il est utilisé). La mise en forme
des éprouvettes est réalisée durant cette étape sous presse.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
63
II.1.4.3 Mélanges réalisés
Les différents mélanges réalisés au cours de cette étude sont référencés et décrits dans le
tableau suivant II-3.
Le mélange avec la matrice réticulée seule a été réalisé comme référence et sera noté M. Le
recouvrement optimal de la surface de 100% est obtenu selon Wolff et coll.11 à raison d’un
pied par nm². En conservant cette hypothèse, différents taux d’agent de recouvrement et
d’agent de couplage sont introduits (25% à 125% de la surface). Silice
Phr
Traitement de
surface* Concentration
(phr)
Nombre de
molécules par nm²
Recouvrement, selon
Wolff12, (%)** Nom
0 - - - - M (matrice)
50 - - - 0 Si
50 AR 8 carbones 1.02 0.3 25 AR8-25
50 AR 8 carbones 2.05 0.6 50 AR8-50
50 AR 8 carbones 3.07 0.8 75 AR8-75
50 AR 8 carbones 4.08 1.1 100 AR8-100
50 AR 8 carbones 5.12 1.4 125 AR8-125
50 AR 1 carbone 2 0.8 75 Ar1
50 AR 3 carbones 2.3 0.8 75 AR3
50 AR 8 carbones 3.07 0.8 75 AR8
50 AR 16 carbones 4.32 0.8 75 AR16
50 AC TESPD 0.88 0.1 (0.2 pied) 25 AC-25
50 AC TESPD 1.76 0.3 (0.6 pied) 50 AC-50
50 AC TESPD 2.64 0.4 (0.8 pied) 75 AC-75
50 AC TESPD 3.52 0.6 (1.2 pieds) 100 AC-100
50 AC TESPD 4.4 0.7 (1.4 pieds) 125 AC-125
50 AC TESPD 2.64 0.4 (0.8 pieds) 75 AC-75S+***
*AR est utilisé pour Agent de Recouvrement, AC pour Agent de Couplage, ** Avec l’hypothèse que le recouvrement est proportionnel au nombre de pieds réactifs introduits *** système de vulcanisation doublé
Tableau II-3 : Spécifications des mélanges Dans la suite de ce manuscrit, les quantités d’agent de greffage seront exprimées en taux de
recouvrement selon Wolff.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
64
Les différents échantillons présentés dans le tableau II-3, se composent en trois séries (AR8,
ARn, AC). La série AR8 privilégie un type d’agent de recouvrement ( la molécule avec 8
carbones) qui est introduit avec des concentrations susceptibles de couvrir différentes
fractions de surface. Pour la série AC comme pour AR8, l'agent de couplage est introduit avec
des concentrations permettant de couvrir théoriquement différentes fractions de surface. Pour
la série ARn, les quantités introduites sont susceptibles de couvrir une surface constante (75%
de la surface de la charge) par différents agents de recouvrement (variant en longueur de
chaîne alkyle).
Remarque : Afin de voir l’influence de la réticulation, une série très proche de la série AR8
nommée AR8bis sera utilisée. Seul le système de vulcanisation est modifié (soufre et
accélérateurs) comme le tableau II-4 le montre.
Système de vulcanisation
normal bis
S 1.1 1.6 Agent vulcanisant
CBS 1.3 1.9
DPG 1.45 2.14 Accélérateurs de vulcanisation
Tableau II-4 : modification du système de vulcanisation pour la série d’échantillon AR8bis
II.2 Techniques expérimentales La cinétique de vulcanisation des mélanges est analysée par des mesures rhéométriques.
L’étude de la dispersion des charges couple des techniques indirectes comme la diffusion aux
petits angles de rayons X et de la lumière, et directe comme la microscopie électronique. Les
taux de polymère lié sont mesurés avec un protocole propre à cette étude. Les mélanges
vulcanisés sont caractérisés par des mesures de gonflement. Le comportement mécanique aux
petites déformations est caractérisé par des mesures dynamiques en fonction de la température
et de la déformation, et aux grandes déformations par des mesures de traction.
L’endommagement est caractérisé par des mesures de dilatation volumique et de diffusion de
lumière couplées aux mesures de traction.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
65
Pour résumer, les différentes étapes de la caractérisation se déroulent comme cela est indiqué
dans le tableau suivant :
Etat du
mélange
T (°C) temps Caractérisation
Rés
ulta
ts
Mise en œuvre Variable 2 jours
Cru Tambiante • Mesure de polymère lié Ch-3
Vulcanisation 150°C variable • Suivi de la vulcanisation par mesures rhéologiques (rhéomètrie)
Ch-3
• Mesures physico-chimiques : - Reprise en eau - Mesures de gonflement
Ch-3
• Caractérisation morphologique : Etude de la dispersion de la charge : SAXS, USAXS, SALS, MET, MEB Ch-3
• Caractérisation mécanique : 1. Petites déformations - Domaine linéaire : spectrométrie
mécanique en fonction de la température - Non-linéarité : Effet Payne,
caractérisation mécanique en fonction de la déformation
Ch-4
Rét
icul
é
Tambiante
2. Grandes déformations
- Grandes déformations : essai en traction jusqu’à rupture
- Endommagement et mesures couplés sous traction : dilatation volumique grâce au ‘’Cavitomètre’’ et diffusion de lumière aux petits angles
Ch-5
Tableau II-5 : protocole de caractérisation
Ces différentes techniques sont décrites dans les paragraphes suivants.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
66
II.2.1 Caractérisation des mélanges à cru
II.2.1.1 Mesures de polymère lié
Comme nous l’avons vu au chapitre I, les mesures de polymère lié dépendent de nombreux
paramètres comme la formulation ou les conditions de mélange. Il est donc important de bien
choisir les conditions expérimentales pour la détermination du taux de polymère lié (durée de
présence en solution, nature du solvant, température d’extraction, nombre de lavages…).
La méthode la plus utilisée consiste à placer un morceau d’échantillon non réticulé dans un
solvant pendant plusieurs jours. Le solvant peut être renouvelé plusieurs fois. Le résidu est
ensuite récupéré sur une grille ou un papier filtre. Le taux de polymère lié est déduit après
séchage de la mesure de la masse avant et après calcination (où il ne reste que la matière
minérale). Cette technique est utilisable pour les élastomères chargés avec de la silice.
L’inconvénient provient de la phase de filtration : dans le cas où les interactions entre la silice
et la matrice sont faibles, le résidu n’a pas de forme (il est dit non cohérent) et passe à travers
les mailles de la grille de filtration ou colmate les pores du filtre utilisé.
Un protocole d’extraction permettant la mesure de très faibles taux de polymère lié a été mis
au point et utilisé. Ce protocole (cf. figure II-14) s’inspire de ceux adoptés par Wolff et coll. 12
et Vuillaume17.
• 500 mg de mélange non réticulé coupé en petits morceaux sont placés dans 50g de
Xylène. Le mélange est dissout sous agitation magnétique pendant 48heures. On
constate qu’au-delà de cette période d’agitation dans le solvant les taux de polymère
lié n’évoluent plus.
• Quand l’ensemble du mélange est en solution, l’extraction du polymère non lié est
faite par centrifugation durant laquelle la silice et le polymère lié viennent sédimenter.
La centrifugation est réalisée à 21000 tours/min pendant 10 minutes au laboratoire
LCPP (CPE-LYON). L’extraction par centrifugation a été adoptée pour pouvoir
récupérer les résidus.
• Le sédiment est ensuite séché à l’étuve à vide à la température de 60°C jusqu’au
moment où la masse n’évolue plus (24 heures). Le taux de polymère lié est ensuite
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
67
déterminé par thermogravimétrie (ATG) par un balayage en température de 45° à
1000°C sous air.
ech
echrésidu
mmm
Lié Polymèrearg
arg−= (gramme/ 1gramme de silice) (II-8)
où mrésidu est la masse après séchage, et mcharge est la masse de silice après calcination.
48 heures10 minutes21000tr/min
Xylene et polymèreextrait
60°C dans uneétuve sous vide CALCINATION -ATG
Xylène Polymère lié
Figure II-14: protocole d'extraction et de mesure du polymère lié
Une correction est apportée dans le cas de la silice greffée. Cette correction consiste à
soustraire la masse du greffage sur la surface de la silice résultant de la calcination. Cette
correction peut atteindre 20% de la masse du polymère lié obtenue après séchage pour les
recouvrements les plus importants.
L’extraction du polymère dépend de plusieurs paramètres, du temps d’agitation dans le
solvant, de la concentration, de la température de mise en solution, le nombre de lavages.
Nous avons choisi d’étudier l’influence de 2 paramètres afin d’optimiser ce protocole : la
température d’extraction et le nombre de lavages. Certains mélanges ont subit une série de
lavages et de centrifugations, afin de déterminer le nombre de lavages nécessaires à
l’extraction d’un maximum de polymère. Comme la figure II-15 l’indique, un unique lavage
est suffisant, des lavages supplémentaires ne font pas évoluer le taux significativement, ce
résultat est également observé par Vuillaume13. La température semble avoir peu d'influence.
Comme l’indique Wolff et coll.16 qui ont observé une baisse importante voir la disparition du
polymère lié à 100°C, la température déplace l’équilibre entre l’adsorption et la désorption du
polymère présent en surface. Dans notre cas, la centrifugation se fait à température ambiante
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
68
ce qui peut laisser supposer une réadsorption du polymère. L’extraction du polymère libre est
donc réalisée à température ambiante et la mesure est effectuée après un lavage.
0 1 2 30.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
1.4
1.6
1.8
2.0
poly
mèr
e lié
(g/g
)
Nombre de lavages
ambiant 50°C 100°C
Figure II-15: Evolution du taux de polymère lié avec le nombre de lavages et la température (échantillon
AR8).
Remarque : Dans le cas de mélange SBR silice, Wolff et coll.16 diminuent considérablement
le taux de polymère lié par un traitement avec de l’ammoniac. Dans leur cas, ce traitement
diminuerait le taux de 20.5% à 3% en cassant les liaisons physiques entre le polymère et la
silice.
Par le passé d’autres auteurs ont observé ce phénomène mais ne l’interprétèrent pas de la
même manière. Polmanteer 14 attribue cette chute de polymère lié à la destruction superficielle
de la silice, par la rupture de liaisons siloxanes. Malgré son efficacité, ce traitement n’a donc
pas été retenu car il risque d’agir directement au niveau des traitements de surface utilisés
dans cette étude.
II.2.1.2 Suivi de la vulcanisation Afin de déterminer l’optimum de vulcanisation d’un mélange, le déroulement de celle ci est
suivi grâce à un rhéomètre de type ODR (rhéomètre à disque oscillant). Le mélange est placé
dans une chambre thermiquement régulée (température de vulcanisation, 150°C) et subit
l’oscillation d’un rotor biconique. L’amplitude de l’oscillation est de quelques degrés (±3°)
correspondant à une déformation en cisaillement d’environ 40% (figure II-16).
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
69
EchantillonRotorPlaques
chauffantes
Figure II-16: Schéma de principe de la mesure de rhéométrie
Ce dispositif permet de suivre le couple résultant de la déformation imposée en fonction du
temps. L’amplitude et la fréquence sont fixes. La courbe de la figure II-17 montre l’évolution
typique du couple en fonction du temps.
0 1000 2000 3000 40000
10
20
30
40
50
60
∆C
Retard
Pente
Cmin, couple minimum
Cmax, couple maximum
0 1000 2000 3000 40000.00
0.02
0.04
0.06
torq
ue d
iffer
entia
te
Time (s)
Cou
ple
(N.m
)
Temps (s)
Figure II-17: courbe typique du couple et de sa dérivée en fonction du temps au cours de la vulcanisation
II.2.2 Caractérisation physico-chimique des mélanges réticulés
II.2.2.1 Mesures de gonflement dans l’eau
Cette mesure donne une indication sur le taux de recouvrement de la silice. L’élastomère seul,
hydrophobe, ne gonfle pas après un séjour prolongé en présence d’eau. Dans le cas de
mélanges chargés avec de la silice (hydrophile), les molécules d’eau s’adsorbent sur sa
surface et ainsi sur l’ensemble du réseau de charge présent au sein de l'élastomère. Elles
peuvent ainsi provoquer un gonflement du mélange. La mesure est donc influencée par le
greffage de la silice (modification de l'hydrophobie de la silice) et la réticulation de la matrice
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
70
modifiant la capacité de l'élastomère à gonfler. Ces résultats restent qualitatifs mais
permettent des comparaisons sur une même série de matériaux.
Protocole
• Deux échantillons d’un gramme de mélanges sont découpés en parallélépipède
identique afin d’offrir une surface constante de contact. Ces échantillons sont d’abord
séchés à 100°C dans une étuve à vide (10-3 Pa) pendant 24 heures afin d’éliminer le
maximum d’eau. La quantité d’eau évacuée est estimée par une pesée. L’échantillon
séché est ensuite immédiatement placé dans de l’eau distillée à 60°C pendant une
semaine. La reprise en eau est estimée par la différence de masse entre l’échantillon
sec (msec) et la masse de ce même échantillon après son séjour dans l’eau (mech. + eau
reprise).
• Les valeurs comparées sont obtenues à partir de la formule suivante :
Reprise en eau (%massique) = (mech. + eau reprise - msec) / msec *100 (II-9)
II.2.2.2 Mesure de gonflement dans un solvant Mis en présence d’un solvant adéquat, les réseaux élastomères gonflent. Cette aptitude dépend
des interactions entre les molécules de solvant et les chaînes, et de la longueur des chaînes
entre nœuds de réticulation. Dans notre étude, on peut s'attendre à ce que les mesures de
gonflement soient modifiées en fonction des greffages réalisés. Dans le cas de l'agent de
couplage, on peut penser que le greffage à la surface de la silice contribue en tant que nœud
de réseau multifonctionnel permanent. Dans le cas du traitement avec différents agents de
recouvrement il est possible d’imaginer une décohésion entre la charge et la matrice suivie de
l’apparition d’une interphase de solvant. Toutefois le solvant ne détruisant pas la totalité des
liaisons physiques, ces mesures permettent seulement de donner des informations
quantitatives sans différentiation de l’influence respective de la réticulation et de la qualité de
l’interface.
Protocole
• Un gramme de mélange réticulé découpé sous forme d’un parallélépipède est introduit
dans du xylène pour un période de cinq jours. Le composite est ensuite séché
rapidement en surface. Il est ensuite complètement séché sous étuve et à nouveau pesé.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
71
• Le taux de gonflement calculé correspond au rapport du volume gonflé du polymère
réticulé dans le composite après extraction des chaînes libres et du volume sec. Il
s’écrit : m
gonflée
solvant
polymer
MMM
Gφρ
ρ−⎟⎟
⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛ −+=
111
sec
sec (II-10)
où φm est la fraction de charge dans le mélange initial.
II.2.3 Caractérisation morphologique de la charge et de sa répartition Dans le cadre de cette étude le croisement de différentes techniques (la microscopie
électronique et la diffusion aux petits angles de rayons X et de lumière) permet une
caractérisation de la morphologie et de la dispersion de la charge à toutes les échelles de
tailles (cf. Figure II-18). La microscopie permet une observation directe de la structure des
mélanges. A contrario, les techniques de diffusion ne permettent pas de visualiser la structure
au sens propre, mais elle apportent des informations sur la corrélation spatiale des entités
diffusantes en moyennant sur le volume sous le faisceau.
II.2.3.1 Techniques de diffusion aux petits angles
A - Principe Indépendamment du type de rayonnement rayon X ou lumière utilisé, la diffusion aux petits
angles fait appel aux mêmes principes physiques. Le choix d’une technique par rapport à une
autre est motivé par la nature, la composition du matériau (contraste) et l’échelle de taille
observée (cf. Figure II-18).
Dimension (nm)
1 10 102 103 104
Small Angle Scattering Ultra Small AngleScattering
Microscope optique
Small Angle LightScattering
X-Ray
Figure II-18: Domaine d’investigation des différentes méthodes de diffusion.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
72
La source produit un faisceau incident qui arrive sur l’échantillon sous forme d’onde plane.
Lors de l’interaction radiation - entités diffusantes, une partie du faisceau incident est dévié de
sa trajectoire initiale. Sur le schéma de la figure II-19, l’onde incidente est définie par le
vecteur ki et l’onde diffusée par le vecteur kd. La différence entre les deux est le vecteur de
diffusion q. le vecteur k est défini en intensité par k=2π/λ (λ est la longueur d’onde du
rayonnement). L’intensité du vecteur d’onde q s’écrit donc:
( )2sin4 θλπ
=q (II-11)
où θ est l’angle de diffusion.
θSource
Echantillon
ikr
dkrqr
Figure II-19: schéma de diffusion
La diffusion par un échantillon macroscopique résulte de la moyenne temporelle statistique de
toutes les ondes diffusées et de leurs interférences. La préparation de l’échantillon et le choix
des conditions expérimentales conduisent à la caractérisation et à la distinction des matériaux
homogènes et hétérogènes, isotropes, et anisotropes. La signature de ces paramètres
structuraux sera visible sur le signal diffusé.
B - Mise en œuvre spécifique des matériaux
L’utilisation de ces différentes techniques a nécessité la fabrication de films pour chacun des
mélanges de 0.5 mm d’épaisseur pour la diffusion aux petits angles de rayons X, et de 0.1mm
pour la diffusion aux petits angles de lumière. Ces épaisseurs sont choisies afin d’obtenir une
intensité transmise suffisante (0.3). L’obtention de tels films est délicate dans le cas des
matériaux mis en œuvre pour ce travail. Elle nécessite la fabrication de plaques
compensatrices calibrées pour les moules de vulcanisation et la réalisation de la vulcanisation
entre deux feuilles de Kapton (ne se déformant pas sous l’effet de la chaleur). Ces feuilles
permettent de démouler les films sans les détériorer et de protéger la surface de la pollution
pour les expérimentations. L’inconvénient de ce procédé est le piégeage de bulles créées au
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
73
cours de la vulcanisation, une vérification au microscope optique de ce phénomène s’impose
afin de choisir une partie de l’échantillon sans bulle d’air.
C - Dispositif expérimental
Diffusion aux ultra petits angles et aux petits angles de rayon X (USAXS & SAXS)
Dans cette étude, la diffusion aux petits angles de rayon X a été réalisée sur la ligne D2AM
de l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) de Grenoble. Un faisceau de rayon X
monochromatique de longueur d’onde λ =1.52Å et d’énergie E=8keV a été utilisé.
La diffusion aux ultra petits angles de rayon X (USAXS) est réalisée avec une distance entre
l’échantillon et le détecteur de 2.01m et la diffusion aux petits angles (SAXS) avec une
distance de 0.75m. Les domaines de vecteur d’onde balayés sont [7.8*10–4 Å-1 à 1.61*10 –2 Å-
1] et [1.61*10–2 Å-1 à 0.15 Å-1] dans le cas de l’USAXS et du SAXS respectivement.
Les diagrammes de diffusion sont enregistrés sur un détecteur bidimensionnel à
refroidissement par effet Peltier. Le temps d’acquisition est de 5 secondes. Les images de
diffusion X sont corrigées de la réponse du détecteur sans faisceau (dark) ainsi que de la
diffusion de l’air et du dispositif de fenêtres. Le traitement des images est réalisé à l’aide des
logiciels BM2IMG et Fit 2D développés à l’ESRF. L’évolution de la diffusion in situ au cours
de la déformation a été suivie grâce à un dispositif de traction miniaturisé conçu au sein du
laboratoire GEMPPM.
EchantillonBeam stop
2DDétecteur
IoIntensité diffusée, I
Source, λ
Figure II-20 : 2 : Schéma du dispositif expérimental
Diffusion aux petits angles de lumière
La diffusion aux petits angles de lumière reprend le même principe que celui décrit par la
figure II-20. La source utilisée pour cette expérience est un laser de longueur d’onde
λ=632nm. Une caméra CCD permet l’acquisition des profils de diffusion. La gamme de
vecteur d’onde q correspondante s’étend de 9,6.10-5 à 4.10-4 Å-1. Ces mesures ont été réalisées
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
74
au Laboratoire de Spectrométrie Physique de l’Université J.Fourrier (Grenoble) et au CEMEF
(Ecole des Mines de Paris) situé à Sophia Antipolis.
D - Protocole d’analyse des résultats L’analyse des résultats comporte deux parties, l’étude morphologique et la dispersion de la
charge à l’état initial et l’étude du signal obtenu in situ sous traction.
L’étude morphologique de la structure primaire (particule, agrégat) fait appel respectivement
aux résultats des mesures de SAXS et de l’USAXS. L’analyse de ces résultats est basée sur
une approche voisine de l’approche unifiée de Beaucage et coll.15 pour la caractérisation
d’entités diffusantes sphériques. Pour la caractérisation de la structure secondaire, les mesures
de SALS sont couplées à une observation au microscope électronique à balayage (MEB).
L’étude du signal issu des mesures in situ durant la traction nécessite quelques corrections et
peut faire intervenir de nouvelles entités diffusantes.
Etude de la morphologie de la charge Les clichés obtenus à l’état initial sur le détecteur présentent dans le cas de matériaux
amorphes chargés des profils isotropes, n’indiquant aucune anisotropie dans la dispersion.
L’extraction des courbes d’intensité en fonction du vecteur d’onde consiste donc en une
moyenne angulaire (0 à 360°).
• Pour les petits vecteurs d’onde, le régime de Guinier est défini pour qRg ≤ 1.
L’analyse de Guinier est une façon pratique d’analyser la taille des entités diffusantes.
Le rayon de giration Rg de l’entité diffusante est déterminé, et est en relation directe
avec la taille observée.
Pour des sphères, l’intensité diffusée s’écrit :
3/²²)( RgqeqI −∝ (II-12)
L’expression du rayon de giration pour une sphère est la suivante : RRg 5/3= . En
pratique, cette analyse implique dans le cas de sphères diffusantes de tracer
ln(I(q)=f(q²). Le rayon de giration Rg est déterminé par la pente de la partie linéaire de
la courbe.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
75
• Pour les plus grands vecteurs d’onde, le domaine de Porod est défini pour qRg>3.
L’exposant fractal d est obtenu en traçant le logarithme de l’intensité en fonction du
logarithme du vecteur d’onde et en considérant la pente de la partie linéaire de la zone
incriminée. Dans ce domaine l’intensité peut s’écrire :
I(q) ∝ q-d (II-13)
où d est une constante positive. Si d est égale à 4 les interfaces sont considérées
comme nettes, si d est compris entre 3 et 4, les interfaces sont des fractals de surface.
Pour les objets présentant une dimension fractale d comprise entre 1 et 3, les entités
diffusantes présentent un fractal de masse. Les fractals de surface prennent en compte
la rugosité de la surface et sa porosité et les fractals de masse prennent en compte
l’arrangement dans l’espace des masses (dans le cas de charge renforçante
l’arrangement des particules en agrégats et en agglomérats).
Etude sous traction in situ Cette étude utilise cette technique pour l’analyse sous traction du comportement dans les
gammes de tailles explorées par l’USAXS et le SALS. L’analyse des résultats permet
d’interpréter les profils de diffusion par des moyennes angulaires dans le sens de la traction et
perpendiculairement à celui-ci. Au cours de la déformation chaque acquisition est corrigée de
l’épaisseur qui évolue en fonction de la traction.
II.2.3.2 Microscopie électronique
La microscopie électronique à balayage a été utilisée afin de caractériser la macrodispersion
de la silice au sein de nos mélanges. Le protocole de préparation et de caractérisation a été
mis au point au CRA (Centre de Recherche d’Aubervilliers) de la société Rhodia.
Afin de détecter les gros agglomérats de charge, une procédure de gonflement de la phase
élastomère est réalisée dans du styrène. A l'état gonflé, le styrène est polymérisé à la
température de 50°C figeant ainsi la microstructure de la charge.
Les échantillons gonflés sont ensuite coupés par ultramicrotomie, puis observés en électrons
retrodiffusés aux grossissements de 200 et de 1000. Ces informations permettent de détecter
les agglomérats de silice de l’ordre du micromètre.
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
76
II.2.4 Caractérisation mécanique
II.2.4.1 Petites déformations : Spectrométrie mécanique La spectrométrie mécanique permet l’étude des propriétés viscoélastiques d’un matériau par
la mesure de son module dynamique en fonction de la température (mesures isochrones) ou en
fonction de la fréquence de sollicitation (mesures isothermes). L’échantillon est sollicité par
l’application d’une contrainte σ (ou d’une déformation ε) sinusoïdale.
σ* = σ0 exp( iωt ) ou ε* = ε0 exp( iωt ) (II-14)
Dans le domaine linéaire, l’amplitude de la sollicitation est faible, de l’ordre de 10-4. La
réponse en régime linéaire est également sinusoïdale et déphasée d’un angle δ par apport à la
sollicitation.
ε* = ε0 exp( iωt - δ ) ou σ* = σ0 exp( iωt + δ ) (II-15)
Le module dynamique G* s’exprime ainsi :
E* = σ*/ε* = E’ + iE’’ (II-16)
où E’ est le module de conservation ou élastique en lien avec l’énergie élastique emmagasinée
de manière réversible dans le matériau, E’’ est le module de perte ou visqueux correspondant
à l’énergie dissipée par frottements visqueux dans le matériau.
Le déphasage entre la contrainte et la déformation donne accès au coefficient de frottement
intérieur qui caractérise l’énergie dissipée sous forme de chaleur par rapport au maximum
d’énergie élastique stockée au cours d’un cycle. Le facteur de perte s’exprime ainsi :
Tan δ = E’’ / E’ (II-17)
Dans le cas de sollicitation en cisaillement ces définitions sont transposables et le module E
devient le module G. Les variations du module complexe et du facteur de perte tan δ, en
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
77
fonction de la température ou de la fréquence, permettent de caractériser les relaxations
mécaniques associées aux divers degrés de liberté des chaînes macromoléculaires.
Dans le cadre de notre étude, les mesures du module dynamique dans le domaine linéaire ont
été réalisées en fonction de la température sur un pendule de torsion inversé fonctionnant en
régime harmonique. Ce dispositif a été mis au point au laboratoire16 (GEMPPM, Insa de
Lyon) selon le principe décrit par la figure II-21et est commercialisé par METRAVIB S.A.
Toutes les mesures ont été effectuées à une fréquence de 0.1 Hz (mesures isochrones) sur une
rampe de température allant de 173 K à 373 K à 1 K/minute. Les éprouvettes testées sont des
parallélépipèdes rectangles de longueur 15mm, de largeur 6mm et d’épaisseur comprise entre
2 et 3mm. Le module de cisaillement dynamique est calculé de la manière suivante :
*
** 1
ΘΓ
=f
G (II-18)
où Γ* est le couple de torsion et Θ* est la déformation angulaire de l’échantillon. le facteur de
forme f pour des échantillons de forme parallélépipédique s’écrit :
Llef ⋅⋅
=3β (II-19)
où β varie en fonction de e/l.
Figure II-21 : Schéma de principe du pendule de torsion
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
78
Les mesures de non-linéarité (effet Payne) ont été réalisées sur un viscoanalyseur de type
METRAVIB RDS VA 2000 en cisaillement plan. Les mesures consistent à déterminer le
module complexe G* définit par l’équation (II-18) à température et fréquence constante en
fonction de la déformation. Ce dispositif mesure le déplacement d et la force F.
Deux échantillons parallélépipédiques (de longueur 7mm, de largeur 3mm, d’épaisseur
comprise entre 2 et 2,5 ) sont collés sur les supports par une fine couche de colle cyanolite.
Le déroulement de l’essai consiste en un balayage croissant en déformation, un temps de
relaxation d’environ 30 minutes, et un deuxième balayage croissant en déformation. L’intérêt
de se protocole sera discuter ultérieurement.
Chacun des essais est réalisé à la fréquence de 5Hz à température ambiante (25°C). Le
déplacement permet de balayer des déformations (γ=d/e) comprises entre 5.10-4 et 1,2.
L’angle δ (déphasage entre la force et le déplacement) est obtenu par un calcul traitant les
signaux obtenus pour F et d. Les modules G’ et G’’ sont calculés selon les relations
suivantes :
δδ tan'''cos2
1' ⋅=⋅⋅⋅
⋅= GG et Sd
eFG (II-20)
où F et d sont les amplitudes respectives de la force et du déplacement, e et S sont
respectivement l’épaisseur, et la surface de l’éprouvette. Le facteur ½ provient de la
géométrie utilisée qui consiste à solliciter deux éprouvettes (cf. figure II-16).
Figure II-22 : Principe de la sollicitation en cisaillement.
Remarque : L’équation (II-18) semble difficile à appliquer en tenant compte du comportement
non linéaire des élastomères au-dessus d’une certaine déformation. Cependant des
investigations pour lesquelles l’amplitude de déformation en cisaillement n’excédait pas 20%,
ont montré que la réponse du matériau produisait un signal quasi sinusoïdal avec peu voire
pas d’harmoniques bien que le module mesuré soit dépendant du niveau de déformation.17
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
79
II.2.4.2 Grandes déformations
A - Mesures de traction Ces essais de traction uniaxiale ont été réalisés à température ambiante sur une machine de
traction MTS. La cellule de force permet des mesures de force F de 500N. La déformation ε
de l’éprouvette est contrôlée par un extensomètre. Les éprouvettes sont maintenues durant
l’essai par des mors pneumatiques prévenant tout glissement de l’éprouvette durant la
traction.
Les éprouvettes en forme d’haltères offrent une longueur utile de 20mm pour une largeur de
4mm et une épaisseur comprise entre 2 et 2,5 mm.
Les vitesses de traverse sont de 500mm/min et 3.6mm/min correspondant à une vitesse de
déformation initiale de 0.4 s-1 et de 0.003 s-1. Les essais sont réalisés à température ambiante
(25°C).
• La déformation macroscopique est caractérisée par les taux d’extension dans les trois
directions λx= lx/l0x, λy= ly/l0y, λz= lz/l0z où lx, ly et lz sont les longueurs
instantanées dans les direction x, y et z , l0x, l0y et l0z sont les longueurs instantanées
dans les direction x, y et z. Si x est la direction de déformation, on observe une contraction
dans les deux autres directions : λy=λz=λx-0,5 en l’absence de variation de volume
(coefficient de poisson égale à 0.5 – cas des élastomères). Dans le cas d’une déformation
uniaxiale, la déformation nominale est aussi utilisée : ε=(lx-lox)/lox= λx-1.
• La contrainte (σ) est définie comme étant le rapport de la force appliquée sur la surface.
σvraie = f / S, σnominal = f / S0 = σvraie / λ (II-21)
où S0 est la surface initiale et S est la surface durant la déformation
B - Mesures de dilatation volumique Cet appareil permet de mesurer la dilatation de l’échantillon au cours d’un essai de traction. Il
reprend le principe du dilatomètre de Farris18. La dilatation volumique est obtenue en
mesurant les différences de pression grâce à un capteur de pression différentielle extrêmement
précis, entre l’enceinte de l’éprouvette et une enceinte référence. Ce dispositif est utilisé en
traction, à température ambiante, à des vitesses de déformation inférieures à 15mm/min, pour
une déformation pouvant aller jusqu’à 300%. Ce dispositif permet aussi de réaliser des essais
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
80
cycliques. Au cours de l’essai, la force, la température, et le déplacement sont enregistrés. Son
schéma de principe est présenté Figure II-23. Les éprouvettes utilisées ont une longueur
efficace de 15mm, une largeur de 10mm et une épaisseur comprise entre 2 et 2.5mm.
Mesure de changement de volume 19
On considère constant le volume intérieur de l’enceinte contenant un volume Vg de gaz et Ve
le volume initial de l’échantillon.
Vi=Vg+Ve=cte (II-22)
Lors de la traction, le volume de l’échantillon varie de ∆Ve en vérifiant :
∆Vg + ∆Ve = 0 (II-23)
Soit Pog et Vo
g respectivement la pression initiale et le volume initial du gaz, (on suppose la
température constante), Pog Vo
g = Pg Vg
⇔ Pog Vo
g = (Pog + ∆Pg) (Vo
g + ∆Vg) (II-24)
⇔ gg
gg V
PP
V ∆+∆
= 000 (II-25)
L’expression II-25 est obtenue en négligeant les termes, du second ordre.
En utilisant (II-22), on obtient :
eg Vx
xV ∆+
=10 (II-26)
avec 0g
g
PP
x∆
= . X est mesuré grâce au capteur de pression différentielle qui fournit une tension
proportionnelle à la différence de pression entre l’enceinte de l’échantillon et l’enceinte de
référence.
L’équation(II-26) devient
xx
VV
VV
e
g
e
e
+=
∆10
0
0 (II-27)
x <<1 donc l’équation précédente devient
xVV
VV
e
g
e
e0
0
0 =∆
(II-28)
La sensibilité du capteur de pression annoncée par le fabriquant est de 5V/psi.
Or 1psi est égale 6897.5 Pa. La lecture du signal se fait au mV près ce qui donne une pression
de 1.38 Pa. Le bruit de fond donne un signal d’une largeur de 1mm conduisant à une
appréciation de 0.4mV/mm. Le dispositif conduit donc à x<10-5 et d’après (II-28) à
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
81
%3.010.3 3 =<∆ −
VeVe pour un volume initial de l’échantillon de 390mm3. Cette précision
peut être augmentée en réduisant le volume de gaz de la chambre échantillon. La
reproductibilité sur un grand nombre d’essais s’est avérée très bonne.
N2
∆P
EchantillonEnceinte référence
Capteur de pressiondifférentiel
enceinte échantillon
mors fixe + capteur de force
mors mobile
Système mécaniquede déformation
Pompe
Figure II-23 : Schéma de principe du dispositif ''cavitomètre'' permettant les mesures de dilatation volumique au cours d’un essai de traction
Références : 1 Livre Synthèse , Propriétés et Technologie des Elastomères, IFOCA 2 A.Y.CORAN, Vulcanization, Encyclopedia of Polymer Science and Engineering, Wiley, New York, 17, 666, 1989 3 A.P.LEGRAND, H.HOMMEL, A.TUEL, A.VIDAL, H.BALARD, E.PAPIRER, P.LEVITZ, M.CZERNICHOWSKI, R.ERRE, H.VAN DAMME, J.P.GALLAS, J.F.LAVALLEY, O.BARRES, A.BURNEAU, Y.GRILLET, Hydroxyls of silica powders, Advances in Colloid and Interface Science, 33, 91, 1990 4 Y. BOMAL, P. COCHET, B. DEJEAN, A new generation silica for tires, L’Act. Chim, 1, 42, 1996 5 M. WAGNER, Renforcement des élastomères par les charges : mobilité moléculaire et spécificité des interactions à l’interface silice/caoutchouc styrène butadiène, Thèse, Université de Haute Alsace, 1999
Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales
82
6 H.D. LUGINSLAND, Reactivity of the Sulfur Functions of the Disulfane Silane TESPD and the Tetrasulfane Silane Si 69, Technical Report from DEGUSSA, T R 8 0 5 . 1 E 7 A. HUNSCHE, U. GÖRL, A. MÜLLER, M. KNAACK, TH. GÖBEL, Investigations concerning the reaction silica/organosilane and organosilane/polymer. Part 1 : Reaction mechanism and reaction model for silica/organosilane, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 50, 881, 1997 8 K.TABAR HEYDAR, Contribution à la préparation de greffes bien définies de différentes fonctions chimiques à l‘extrémité de longues chaînes à la surface de silices, Thèse, Université Claude Bernard LYON 1, 1989 9 A. HUNSCHE, U. GÖRL, H.G.KOBAN, T. LEHMAN, Investigations on the reaction silica/organosilane and organosilane/polymer. Part 2 : Kinetic aspects of the silica - organosilane reaction, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 51, 525, 1998 10 R.RAULINE, Eur. Pat. 0 501227A1, to Cie. Generales de Etablissements Michelin-Michelin & Cie., 1992 11 S.WOLFF, M.J. WANG, E.H. TAN, Surface Energy of Fillers and its Effect on Rubber Reinforcement, Kautsch. Gummi Kunststoffe, 47, 780, 1994 12 S.WOLFF, M.-J. WANG, E. H. TAN, Filler-Elastomer Interactions. II: Study on Bound Rubber, Rubber Chem. Technol. 66, 163, 1993 13 K.VUILLAUME, Interactions élastomères/charges : mécanismes de déplacement des molécules adsorbées et coadsorbées, Thèse, Université de Haute Alsace, 2001 14 K.E. POLMANTEER, W. LENTZ, Reinforcement Studies-Effect of Silica Structure on Properties and Crosslink Density, Rubber Chem. Technol. 48, 795, 1975 15 G.BEAUCAGE, S.RANE, D.W.SCHAFFER, G.LONG, D.FISHER, Morphology of polyethylene-carbon black composites, J. Polym. Sci., 37, 1105, 1999 16 S.ETIENNE, J.Y.CAVAILLE, J.PEREZ, R.POINT, M SALVIA, Automatic system for analysis of micromechanical properties, Review of Scientific Instruments, 53, 1261, 1982 17 L.CHAZEAU, J.D.BROWN, L.C.YANYO, S.S.STERNSTEIN, Modulus recovery kinetics and other insights into the Payne effect for filled elastomers, Polym. Compos., 21, 202, 2000 18 R.J.FARRIS, J. Appl. Polym. Sci., 8, 25, 1964 19 R. VASSOILLE, Laboratoire GEMPPM, Insa de Lyon
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
85
Chapitre III : Caractérisation morphologique et physico - chimique des mélanges
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
86
Comme nous avons pu le voir dans le chapitre I, les propriétés mécaniques des élastomères
chargés sont connues pour dépendre de l’effet hydrodynamique lié à la présence de la
charge. Elles sont également fortement influencées par l’état de dispersion de la silice au
sein de la matrice polymère, par les interactions charge–charge et charge- matrice et par la
réticulation de la matrice. Dès lors, les performances mécaniques des matériaux que nous
avons élaborés peuvent être affectées par les différents traitements de surface utilisés. En
effet, les molécules utilisées (silanes) réagissent avec une partie des silanols de surface. On
peut envisager différents aspects résultant de cette modification des propriétés de surface de
la charge :
1- Un effet sur la dispersion et la rigidité du réseau par le biais des interactions entre les
agrégats de silice.
2- Une évolution de la mouillabilité à l’interface qui conditionnera les interactions entre la
charge et la matrice.
3- La modification de la réticulation du fait des interactions avec les éléments de la
formulation. En effet, l’acidité naturelle (apportée par la présence de silanols de surface)
de la silice suscitera des physisorptions parasites avec les éléments de la vulcanisation
(basiques). Les éléments les plus adsorbés sont généralement les accélérateurs, en raison
de leur composition chimique contenant les fonctions basiques(NH)1. Le greffage de
silane va minimiser la présence de silanols (-OH) et gêner l’accessibilité de la surface
par encombrement stérique réduisant ainsi ces adsorptions en surface. La silice et les
différents types de greffage peuvent donc influencer considérablement la cinétique de
vulcanisation. Gorl et coll.2 ont montré que l’agent de couplage (soufré) utilise des
mécanismes similaires à la réaction de vulcanisation pour former des liaisons covalentes
avec la matrice. Il utilise des éléments du système de vulcanisation et possède aussi la
capacité de larguer ou d’incorporer du soufre. Cela conduit à une compétition entre la
vulcanisation et le couplage charge- matrice.
La dispersion de la charge après la mise en œuvre est donc analysée en fonction des
différents traitements de surface utilisés, par diffusion aux petits angles et par microscopie.
Après mélange avec la silice, l’état non vulcanisé des matériaux (ils sont dits crus) permet
l’extraction des chaînes polymère non liées à la silice, et ainsi de caractériser l’efficacité du
greffage et plus globalement les interactions charge-charge et charge-matrice. Dans ce but,
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
87
des mesures de polymère lié ont été effectuées. La caractérisation du greffage a été
complétée par des mesures de gonflement dans l’eau sur les matériaux vulcanisés.
Afin de comprendre l’influence de la silice et de ses différents traitements de surface sur la
vulcanisation globale du composite, un rhéomètre permet de suivre dans le temps l’évolution
de la réaction de vulcanisation (état, cinétique) en appliquant un couple de torsion. Après
réticulation, des mesures de gonflement renseignent également sur l’état de réticulation de
chacun des mélanges.
III.1 Dispersion de la silice au sein de la matrice
III.1.1 Rappels et remarques préliminaires.
La silice se caractérise selon différentes échelles de taille. La structure primaire de la silice
va de la particule élémentaire à l’agrégat indivisible formé de particules fortement liées, sur
un domaine de taille qui peut aller de 40nm à 100nm. La structure secondaire est formée par
le regroupement de ces agrégats sous forme d’agglomérats. Les agrégats sont reliés entre
eux par des liaisons faibles de type Van der Walls. La silice avant incorporation se présente
sous forme d’agglomérats de tailles différentes (de quelques centaines de nanomètres à
200µm pour la micro-perle). La caractérisation par diffusion des X et de la lumière aux
petits angles complétée par l’observation sous microscopie électroniqu, donne accès à
l’ensemble des tailles caractéristiques des entités constitutives de la structure (cf. Tableau
III-1).
Agglomération
Malaxage
Tailles 5 à 30 nm 40 à 100 nmjusqu’à plusieurscentaines de µmètres
Particule Agrégat Agglomérat
Techniques decaractérisation
SAXS USAXSIndirecte : SALSDirecte : MEB
Structure primaire Structure secondaire
Tableau III-1: domaines de tailles et techniques de caractérisation correspondantes
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
88
III.1.1.1 Caractérisation de la silice avant et après incorporation dans le SBR.
A titre préliminaire, nous avons commencé par comparer les profils de diffusion de la silice
avant et après l’incorporation au sein de la matrice. Les images résultant de la diffusion de la
silice au sein de la matrice SBR sont présentées sur la figure III-1. On constate que les
spectres ne présentent pas de direction privilégiée, ce qui indique une dispersion isotrope des
charges au sein de la matrice. On constate que la dispersion est homogène aussi bien aux
échelles caractéristiques sondées par les rayons X que par la lumière (figure III-1a et figure
III-1b respectivement). On peut noter que cette conclusion est générale pour l’ensemble des
matériaux étudiés.
a) b)
Figure III-1 : Image type de diffusion aux petits angles de matériau SBR chargé silice à l’état initial (non étiré) obtenu par a) SAXS, b) SALS Une moyenne angulaire sur ce type d’image conduit ensuite à l’obtention de profil
d’intensité en fonction du vecteur d’onde q, comme le montre la figure III-2.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
89
1E-3 0.01 0.11E-5
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
10
100
1000
Régime de Guinier
Régime de Guinier
Régime de Porod
Régime de Porod
ParticuleAgrégat
USAXS SAXSInte
nsité
de
diffu
sion
(uni
té a
rbitr
aire
)
Vecteur d'onde, q (Å-1)
Si silice (non incorporée)
Figure III-2 : Diffusion aux petits angles et aux ultra petits angles de rayon X pour la matrice et la matrice chargée avec de la silice et pour la silice non incorporée.
Dans le domaine d’observation exploré par diffusion des rayons X (figure III-2), les tailles
caractéristiques correspondent à la structure primaire de la silice. Les spectres de diffusion
de la silice dispersée dans la matrice et de la silice en poudre ne présentent pas de
différences significatives. Ce résultat confirme que l’incorporation de la charge et la mise en
œuvre des mélanges caoutchoucs ne modifient pas la structure primaire de la silice. Dans le
cas de la silice non incorporée, on observe pour les plus petits vecteurs d’onde une remontée
de l’intensité indiquant la présence de plus gros agglomérats. L’incorporation de la silice
dans le polymère nécessite un très fort cisaillement qui brise ces gros agglomérats en
agglomérats de taille inférieure voire en agrégats.
Dans le cas de la silice avant incorporation, l’analyse du profil de la figure III-2 conduit à la
détermination des tailles caractéristiques. La particule primaire assimilable à une sphère
mesure 9 nm et l’agrégat indivisible constitué de ces sphères aurait une taille moyenne de
70nm.
On peut également déterminer à partir de ces données la valeur de l’exposant fractal qui
caractérise le domaine de Porod. On obtient un exposant fractal égal à 3.3 pour le domaine
correspondant à la particule élémentaire. Cette valeur correspond à un fractal de surface
décrivant la rugosité de la charge. Elle est en accord avec les données trouvées dans la
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
90
littérature pour les silices de précipitation3. L’exposant fractal décrivant l’agrégat est proche
de 2 (fractal de masse) décrivant l’arrangement des particules formant l’agrégat. Un tel
exposant correspond à des structures relativement ouvertes.
III.1.1.2 Diffusion de la matrice aux petits angles Dans un deuxième temps, nous avons comparé les spectres obtenus pour la matrice seule et
la matrice chargée. On constate que la matrice non chargée présente un excès de diffusion
pour les valeurs de vecteur d’onde inférieures à 5.10-3 Å -1(cf. figure III-3). Dans ce domaine
de vecteur d’onde, les entités diffusantes sont de taille relativement importante (plusieurs
centaines de nanomètre).
1E-3 0.01 0.11E-5
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
10
100
1000
10000
Inte
nsité
de
diffu
sion
(uni
té a
rbitr
aire
)
Vecteur d'onde, q (Å-1)
M: matrice Si silice (non incorporée)
Figure III-3 : Spectre de diffusion de rayon X aux petits angles et aux ultra petits angles de la matrice seule (moyenne angulaire), de la matrice chargée avec de la silice, et de la silice non incorporée.
Afin d’identifier ces entités diffusantes, nous avons réalisé des observations microscopiques
sur des lames obtenues par ultra-microtomie complétées par des analyses EDX (Energy
Dispersive X-ray Analysis) (cf. figure III-4). La diffusion observée résulte de la présence
d’amas de ZnO mal dispersés. Notons que la détection du signal de cuivre (Cu) observable
sur la Figure III-4 provient de la lame sur laquelle l’échantillon est déposé. Le ZnO est un
élément nécessaire à la vulcanisation qui est introduit en deuxième phase de malaxage. Sa
mauvaise dispersion, dans le cas de la matrice SBR non chargée, peut être due au
cisaillement beaucoup moins important durant la mise en œuvre, en raison de la faible
viscosité du mélange en l'absence de charge. La diffusion des amas de ZnO est confirmée
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
91
par diffusion de lumière aux petits angles correspondant au domaine de vecteurs d’onde
[7,8.10-5, 4.10-4 Å –1] .
1µm
Figure III-4 : Présence de particules de ZnO au sein de la matrice, image réalisée par microscopie électronique à transmission (MET) et analyse EDX des particules.
Cette présence d’entités diffusantes au sein de la matrice non chargée est préjudiciable pour
le dépouillement de nos données dans le domaine correspondant. En effet, afin d’obtenir le
signal de diffusion de la silice seule au sein de la matrice, il est nécessaire de soustraire le
signal de diffusion obtenu avec la matrice à celui du composite. Nous n’avons pu le faire
puisque dans notre cas toute soustraction du signal de la matrice dans ces domaines de
vecteur d’onde conduirait à des intensités négatives qui n’ont aucune signification physique.
On pourra néanmoins comparer les résultats de l’ensemble des matériaux sans cette
correction.
III.1.2 Influence des différents traitements de surface
Nous commencerons dans ce paragraphe par présenter la caractérisation de la structure
primaire de notre silice par diffusion de rayon X aux petits angles après traitement de sa
surface et incorporation dans la matrice. La structure secondaire sera ensuite déterminée à
partir des résultats de diffusion de lumière aux petits angles et de microscopie à balayage
(MEB).
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
92
III.1.2.1 Silice traitée avec différents agents de recouvrement
Le greffage des agents de recouvrement en surface est réalisé durant l’incorporation et la
dispersion de la charge au sein de la matrice. L’influence de ces traitements sur les profils de
diffusion est présentée sur les courbes de la figure III-5.
1E-4 1E-3 0.01 0.11E-5
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
10
100
1000
Structure secondaire Structure primaire
SALS SAXSUSAXSInte
nsité
de
diffu
sion
(uni
té a
rbitr
aire
)
Vecteur d'onde, q (Å-1)
Si AR3 AR8 AR16
Figure III-5 : Spectres de diffusion (moyenne angulaire) obtenus par USAXS, SAXS et SALS pour la silice traitée avec différents agents de recouvrement.
A - Structure primaire
Dans le domaine de vecteurs d’onde correspondant, aucune différence notable n’est
observée en fonction de la taille des agents de recouvrement sur les profils de diffusion. Les
tailles caractéristiques (calculées à partir de l’équation II-12, Chapitre II) de la structure
primaire sont présentées dans le tableau III-2. Les valeurs confirment que la structure
primaire de la silice n’est pas sensible à la mise en œuvre et au greffage.
Echantillon : Si AR3 AR8 AR16
Particule (nm) 9 9 8 8
Agrégat(nm)(±5) 67 68 68 69
Tableau III-2 : Tailles caractéristiques de la structure primaire déterminées à partir des profils de
diffusion des X aux petits angles. De la même manière, si on calcule les exposants fractals, on trouve des valeurs identiques à
celles obtenues avec la silice non incorporée.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
93
B - Structure secondaire La diffusion de lumière aux petits angles (SALS), (cf. figure III-5), permet une analyse des
entités diffusantes sur une épaisseur de 0.1 mm de composite. Dans le domaine exploré, la
charge présente une grande distribution de tailles. L’extraction d’une taille particulière
apparaît peu réaliste. Néanmoins, la comparaison des profils ne montre pas de différences
majeures entre les différents échantillons. De plus, l’extraction d’un exposant fractal dans le
régime de Porod correspondant montre des valeurs comprises entre 1 et 1.3 caractéristiques
d’un fractal de masse très ouvert.
Ces résultats sont complétés par une analyse en microscopie. Les différentes images
suivantes (Figures III-6,III-7, III-8) présentent la macrodispersion des charges au sein de la
matrice. Une comparaison des différents mélanges Si, AR8 et AR16, permet de conclure
qu’aucune différence de dispersion n’est observable dans ce domaine d’observation.
L’observation de la dispersion de la silice traitée avec les agents de recouvrement plus
courts AR1 et AR3 (non présenté ici), conduit aux mêmes conclusions.
Figure III-6 : Macrodispersion de la silice non traitée dans le mélange Si.
10µm
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
94
Figure III-7 : Macrodispersion de la silice traitée avec un agent de recouvrement (8 Carbones) dans le
mélange AR8.
Figure III-8 : Macrodispersion de la silice traitée avec un agent de recouvrement (16 Carbones) dans le
mélange AR16.
Remarque :
Pour être certain de la représentativité et de la pertinence des observations de
macrodispersion comme technique de caractérisation de la dispersion des charges dans nos
échantillons, nous avons réalisé la même expérience sur un échantillon mis en œuvre avec
10µm
10µm
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
95
un autre type de silice. Celle-ci est une silice très peu dispersible. Les images présentées4 ci
dessous comparent la macrodispersion dans le SBR de cette silice non traitée (Figure III-9)
et de la silice utilisée pour notre étude (silice hautement dispersible) (Figure III-6).
Dans le premier cas, de gros agglomérats sont visibles en surface et peuvent atteindre la
dizaine de micromètre. La technique d’observation des macrodispersion est donc
performante pour caractériser nos échantillons dans ce domaine de taille.
Figure III-9 : Macrodispersion dans SBR d'une silice (50 Phr) peu dispersible (Rhodia Z175).
III.1.2.2 Silice traitée avec l’agent de couplage Le deuxième traitement de surface réalisé consiste en un greffage d’agents de couplage, qui
par définition offre la possibilité de former des liaisons covalentes avec la matrice. La figure
III-10 décrit les profils de diffusion obtenus par SAXS, USAXS et SALS avec différents
taux d’agent de couplage (mélanges de la série des AC).
10µm
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
96
1E-4 1E-3 0.01 0.11E-5
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
10
100
1000
SALS USAXS SAXSInte
nsité
de
diffu
sion
(uni
té a
rbitr
aire
)
Vecteur d'onde, q (Å-1)
Si AC25 AC75 AC125
Figure III-10 : Courbes de diffusion obtenues par USAXS, SAXS et SALS pour les composites avec de
la silice traitée avec différents taux d'agent de couplage.
A - Influence de l’agent de couplage sur la structure primaire Comme observé précédemment avec les agents de recouvrement, la présence de l’agent de
couplage en différentes quantités ne modifie pas la structure primaire de la charge, (cf.
figure III-10 et tableau III-3).
Echantillon : Si AC25 AC75 AC125
Particule (nm) 8 8 8 8
Agrégat (nm)(±5) 67 73 70 75
Tableau III-3 : Tailles caractéristiques de la structure primaire en présence d'agent de couplage déterminées à partir des profils de diffusion.
Ce résultat n’a rien de surprenant car les interactions entre les particules formant les agrégats
sont très fortes. Le malaxage ne peut pas les briser.
B - Influence de l’agent de couplage sur la structure secondaire
La superposition des profils de diffusion de lumière aux petits angles ne permet pas de
discerner de différences notables dans la distribution de taille des entités diffusantes, que la
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
97
silice soit traitée ou non par l’agent de couplage. En outre les valeurs des exposants fractals
pour la gamme de taille correspondant à l’agglomérat sont identiques à celles observées en
présence d’agent de recouvrement (entre 1 et 1.3).
Les trois images ci-dessous (Figures III-11,III-12,III-13) montrent l’influence de trois
différents taux d’agent de couplage (AC25, AC75, AC125) sur la macrodispersion. Comme
dans le cas des agents de recouvrement, on ne voit pas d’influence du traitement de surface.
Figure III-11 : Macrodispersion dans SBR de silice traitée avec l'agent de couplage (Mélange AC25).
10µm
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
98
Figure III-12 : Macrodispersion dans SBR de silice traitée avec l'agent de couplage (mélange AC75).
Figure III-13 : Macrodispersion dans SBR de silice traitée avec l'agent de couplage (mélange AC125).
III.1.3 Conclusion sur la dispersion
La caractérisation de la macrodispersion des mélanges de la série AR8 n’a pu être réalisée.
Par contre les profils de diffusion de lumière étant identiques on considérera que ces
systèmes présentent également le même état de dispersion.
10µm
10µm
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
99
En considérant l’ensemble des résultats, on peut raisonnablement conclure que la dispersion
de la silice dans les différents échantillons mis en œuvre est identique, indépendamment du
traitement de surface. Cela est lié au caractère hautement dispersible de la silice utilisée et
aux forts taux de cisaillement mis en jeu lors de la mise en œuvre.
III.2 Caractérisation du greffage de la silice Le traitement de la surface de la silice n’influence pas sa dispersion dans la matrice.
Néanmoins, il modifie les interactions charge-charge et charge-matrice. Une estimation de
ces modifications nécessite une caractérisation, la plus complète possible, de la surface de la
silice. La mesure du polymère lié est une des techniques que nous avons employées à cet
effet.
III.2.1 Mesures de polymère lié
Le taux de polymère lié est déterminé suivant le protocole décrit dans le chapitre II. Ce
protocole permet, contrairement aux techniques d’extraction les plus répandues, de mesurer
le taux de polymère lié pour les échantillons avec la silice la plus traitée (AR8-100&125 et
AR16), échantillons qui donnent après extraction un résidu ne pouvant être filtré par une
grille ou colmatant les pores des filtres. Le solvant utilisé (xylène) pour l’extraction du
polymère non lié dissout entièrement la matrice SBR de cette étude. L’erreur sur les mesures
est évaluée à 5% pour les mesures en grammes pour un gramme de silice. Au cours de ses
travaux sur des mélanges équivalents, Wagner5 a constaté que l’application d’une traction à
forte déformation de l’éprouvette non réticulée dans le solvant ne modifiait pas la mesure du
polymère lié. Si cela ne permet pas de conclure quant à l’existence de gomme occluse (en
effet celle ci peut être déjà détruite lors du gonflement dans le solvant), cela indique
néanmoins que la gomme occluse n’a pas d’influence sur nos mesures.
III.2.1.1 Influence de l’agent de recouvrement
La figure III-14a montre les taux de polymère lié obtenus avec les deux séries de mélange
avec agents de recouvrement AR8 & ARn. Le taux de polymère lié est le plus élevé quand la
silice est non traitée (0.8g/g de silice, cf. figure III-14a). Ce taux traduit des interactions
importantes entre la silice brute et la matrice. On observe ensuite une diminution du taux de
polymère lié avec la quantité d’agent de recouvrement AR8 introduite, ou la longueur de
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
100
l’agent de recouvrement lorsqu’il est introduit à taux constant.i Le greffage de la silice
conduit à une modification de son énergie de surface, qui diminuent ses interactions avec la
matrice.
0.2
0.3
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
0.9
1.0
1.1
1.2
1.3
0 20 40 60 80 100 120 140 160
Taux AR8
Longueur de la chaine alkyle ARn
Poly
mèr
e lié
pou
r 1g
de s
ilice
AR 8 - taux (%)
0 2 4 6 8 10 12 14 16
Monocouche
Silice recouverte avec 75% d'agent de couplage
AR - Longueur du Spacer (nC)
a)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 180
20
40
60
80
100
120
140
160 Taux de recouvrement Ar8=0.24 + 9.37 (nC)couverture (75%)
AR
8 - t
aux
(%)
Longueur du Spacer (nC)
b) Figure III-14 : a) mesures de polymère lié en grammes pour 1 gramme de silice, b) correspondance linéaire entre quantité de silane introduit AR8 et les longueurs de chaînes alkyles des agents de recouvrement introduites à taux constanti.
Le taux asymptotique auquel conduisent les deux types de recouvrement est égal à environ
0.26g/g(silice). Ce taux est propre au cadre de cette étude c’est à dire à la technique
d’extraction et au taux de charge des matériaux (50phr). La taille des silices utilisées conduit
à des distances entre particules faibles. Dans l’hypothèse d’une répartition cubique centrée
des particules, les distances moyennes sont estimées à 15 et 110 nm selon que l’on considère
la particule primaire ou l’agrégat. Pour une répartition cubique face centrée, les distances
moyennes calculées sont encore plus faibles et comprises entre 4.3 et 30 nm. La masse
i On rappelle que ce taux correspond à un nombre de pieds éthoxy introduit conduisant d’après Wolff un recouvrement de 75% de la surface de silice lorsque l’agent de recouvrement contient 8 carbones.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
101
moléculaire du SBR étant de l’ordre de 200000 g/mol, le rayon de giration des chaînes de la
matrice est compris entre 30nm et 40nmii. On voit qu’il est comparable aux distances
moyennes calculées entre particules. Il est donc possible qu’une même chaîne soit adsorbée
sur plusieurs particules ; en outre une même chaîne peut avoir plusieurs sites d’adsorption
sur une même particule.6 De ce fait, au cours de l’extraction, un équilibre entre adsorptions
et désorptions de ces chaînes « multiadsorbées » empêchent leur extraction.
Avec la série AR8, la valeur asymptotique est atteinte (i.e. l’écart entre la valeur mesurée et
la valeur asymptotique est inférieur à 5% de la variation maximale de polymère lié) pour des
taux supérieurs ou de l’ordre de ceux introduits dans l’échantillon AR8-100. L’écart entre
les valeurs minimale et maximale de polymère lié correspond au passage d’une silice sans
greffage à une silice totalement recouverte par les silanes. Le taux de silane dans
l’échantillon AR8-100 correspond donc à celui qu’il faut introduire pour recouvrir 100% de
la surface de silice. Nous confirmons ainsi les estimations de Wolff7 à partir desquelles nous
avons déterminé le taux d’AR8 à introduire dans nos différents échantillons. Cela signifie
également que l’échantillon AR8-125 contient un excès de silane AR8 non greffé.
Dans le cas de la série ARn, la limite minimale (avec la définition précédente) de polymère
lié est atteinte pour une chaîne alkyl contenant environ 11 carbones. Comme pour AR8-125,
l’échantillon AR16 contient des silanes en excès dans la matrice. Cela a d’ailleurs été
confirmé par des mesures préliminaires en Infra-Rouge sur les solvants issus des mesures de
polymère lié, mesures qui ont montré la présence de silane dans le solvant dans le seul cas
de l’échantillon AR16. Nous avons ajusté les deux échelles des ordonnées de manière à
obtenir une superposition des deux courbes. La superposition est très satisfaisante et permet
de déduire une relation linéaire entre taux de AR8 et longueur de la chaîne alkyle (ARn)
lorsqu’elle est introduit au taux constant que nous avons choisii (Figure III-14b). Comme le
suggèrent ces résultats, on peut faire l’hypothèse raisonnable que l’utilisation d’un silane de
longueur donnée conduit à un taux de polymère lié PL en fonction du taux de silane
introduit (exprimé en pourcentage du nombre d’AR8 à introduire pour un recouvrement
total) qui suit le même type de loi que celle donnée par la courbe de la figure III-14a. Cette
loi peut s’écrire :
ii Le Handbook of Polymer Physics donne un rayon de 600*10000/M0.5 pour le polystyrène et 800*10000/M0.5 pour la chaîne polybutadiène.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
102
PL(taux ,l)=0.26+0.54*exp(-taux/22*l/8) (III-1)
avec l la longueur de la chaîne alkyl.
De cette loi, on peut déduire le taux minimal TauxR d’agent de recouvrement d’une
longueur donnée à introduire pour un recouvrement maximal de cette silice (toujours avec la
définition précédente).
TauxR(l)=800/l (III-2)
Il est possible d’en déduire la quantité en nombre de mole de silane par grammes de silice :
NR= TauxR(l) * 2.2 10-4 (III-3)
On peut faire l’hypothèse que toutes les molécules de silanes introduites pour un
recouvrement maximum sont greffés sur la silice. On peut alors déduire une estimation de
l’encombrement stérique minimal ESmin (minimal car il est obtenu pour un recouvrement
maximal de la surface) des agents de recouvrement utilisés (cf. Tableau III-4).
Echantillon Surface recouverte
(m²/g de silice) ESmin (Ų)
AR1 16 12
AR3 50 37 AR8 128 96
AR16 240* 192 *valeurs obtenues dans l’hypothèse d’une monocouche
Tableau III-4 : Estimation de l’encombrement stérique minimal des différents ARn, et estimation de la surface recouverte avec les taux introduits (en prenant pour surface spécifique de la silice 160m²/g).
Ces valeurs sont très supérieures aux estimations de Wasserman et coll.8 qui estime, à partir
de mesures de rayon X en réflexion aux petits angles, que l’aire projetée d’une chaîne alkyle
de longueur comprise entre 10 et 18 carbones est de 21Ų. Vrancken et coll.9 trouvent 50 Ų
pour une molécule d’agent de couplage APTS (γ-aminopropyltriethoxysilane), se
rapprochant le plus de AR8, qui serait une valeur en accord avec nos estimations. Ces deux
études portent sur des silices greffées en solution, ce qui pourrait expliquer en partie les
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
103
différences de résultats. La proportionnalité de l’aire minimale occupée par les ARn avec
leur longueur, suggère que les conformations des chaînes alkyles greffées consistent en un
balayage de la surface de silice autour de leur point d’ancrage, sur une distance
étonnamment proportionnelle à leur rayon de giration calculé dans l’hypothèse Gaussienne
(malgré le nombre très faible d’unités répétitives).
Si l’on fait l’hypothèse grossière que la surface recouverte est proportionnelle à la quantité
d’agent de recouvrement introduit (cela suppose donc qu’elle ne l’est pas à la quantité de
polymère lié), les échantillons AR8-25, AR8-50, AR8-75 et A8-100 contiennent une silice
respectivement greffée à 25, 50, 75 et 100%. On peut également estimer la surface
recouverte pour les différents échantillons ARn (cf. Tableau III-1). La valeur trouvée pour
AR16 traduit qu’il est largement en excès, un tiers n’aurait pas été greffé.
Les différentes valeurs de polymère lié permettent également d’évaluer une épaisseur
moyenne de polymère pouvant envelopper la surface de la charge. Le tableau III-5 indique
l’épaisseur de cette couche en surface de la silice en supposant que toute la surface de la
charge est accessible, que le greffage est uniformément réparti sur la surface et que le
polymère forme une couche homogène d’égale épaisseur.
Echantillons série AR8 Epaisseur (nm) Pourcentage de matrice concerné
Si 5.3 40
AR8-25 3.0 22
AR8-50 2.3 17
AR8-75 2.2 17
AR8-100 1.8 14
AR8-125 1.8 14
Echantillons série ARn Epaisseur (nm) Pourcentage de matrice concernée
AR1 4.0 30
AR3 2.7 20
AR8 2.1 16
AR16 1.7 13
Tableau III-5 : Estimation de l'épaisseur de polymère en surface de la silice (erreur ± 0.1nm)iii, et
quantité de matrice concernée
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
104
Ces estimations d’épaisseur sont à rapprocher de celles de Wolff et coll.10 qui ont estimé une
couche de 4 à 8nm d’épaisseur. Dans leur cas, il s’agit de différents noirs de carbones dans
une matrice SBR. Les fortes interactions entre ces deux composants expliquent que les
valeurs de Wolff et coll. soient supérieures à celles mesurées avec la silice. Nos épaisseurs
sont très inférieures à l’estimation faite précédemment du rayon de giration des chaînes de
Styrene-butadiene de la matrice, de l’ordre de 30nm. Elles paraissent donc logiques et l’on
peut tout à fait envisager dans nos matériaux une couche de polymère à mobilité restreinte
ayant cette épaisseur. Le pourcentage de matrice concernée par cette diminution de mobilité
est considérable (cf. Tableau III-5). Il est maximal et de l’ordre de 40% pour Si. Il est de
l’ordre de 13%, sa valeur minimale, pour AR8-100&125 et AR16.
III.2.1.2 Influence de l’agent de couplage
Les mélanges contenant un agent de couplage ont un taux de polymère lié beaucoup plus
élevé. Cela est probablement du à des liaisons covalentes créées durant la phase de
malaxage. Cette réticulation est cependant inattendue. L’agent de couplage TESPD est
connu pour sa grande stabilité à des températures inférieures à 170°C (cf. chapitre II). Les
mélanges crus sur lesquels sont prélevés les échantillons n’ont pas subi le traitement de
vulcanisation. Ils ont seulement subi une phase de malaxage au cours de laquelle la
température de tombée a toujours été contrôlée à 160°C. Mais cette température n’est qu’une
moyenne macroscopique. Il est alors possible que l’échauffement local combiné à un fort
cisaillement lors du malaxage soit responsable de la rupture des molécules de TESPD. Les
mesures de polymère lié réalisées sur les échantillons AC prennent donc en compte une
certaine quantité de chaînes physiquement adsorbées (comme dans les mesures sur AR8 et
ARn) et un nombre très peu contrôlable de liaisons chimiques, conduisant à une mesure peu
précise. Les mesures de taux de polymère lié ne sont donc pas exploitables afin de
caractériser l’efficacité du greffage. Néanmoins il semble raisonnable de considérer que la
présence d’agent de couplage limite l’adsorption physique de chaînes en surface et que, sans
l’anomalie venant de la mise en œuvre, le taux de polymère lié diminuerait avec le taux
d’agent de couplage.
iii L’épaisseur e est estimée par l’équation suivante : e = V/S = PL / (S*ρ), où S est la surface spécifique de la charge (160m²/g) et ρ ≈0.95 est la masse volumique du polymère.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
105
III.2.1.3 Conclusion sur les mesures de polymère lié
Les mesures de polymère lié sont une technique performante pour évaluer l’efficacité du
greffage des silices. Ce dernier permet en effet de réduire, par encombrement stérique, les
adsorptions de chaîne à la surface de la silice et donc de diminuer la quantité de polymère
adsorbé. Au-dessus d’un certain taux de couverture la quantité de polymère lié n’évolue
plus. Cela permet d’estimer l’encombrement stérique minimal des chaînes greffées. Dans la
gamme des agents étudiés ici, il est proportionnel à la longueur de la chaîne greffée étirée.
Les quantités de polymère lié considérables permettent d’envisager qu’une fraction
importante de la matrice présente une mobilité restreinte par leur adsorption en surface des
charges. Additionnée à la fraction volumique de silice (20%), cette couche peut former une
structure percolante dont l’impact sur les propriétés mécaniques n’est donc pas à négliger. Afin de compléter l’analyse du greffage, nous avons mis en œuvre d’autres techniques telles
que la RMN, la spectroscopie Infra Rouge ou la thermogravimétrie (ATG). Ces techniques,
souvent utilisées dans le cas de silice greffée en solution, auraient pu s’avérer des outils
performants. Cependant quand le greffage est réalisé lors de la mise en œuvre au sein de la
matrice, la présence de polymère lié en quantité importante ne permet pas d’obtenir les
résultats escomptés. En RMN comme en spectroscopie Infra Rouge, le rapport signal bruit
est trop faible pour extraire des informations exploitables. En outre, en Infra rouge, les pics
d’adsorption très proches de la matrice et de la silice sont extrêmement difficiles à
déconvoluer. En ATG, les pertes de masse engendrées par le polymère lié masquent les
pertes d’eau due à la condensation des silanols restants (cf. Annexe 2). De plus, les résultats
obtenus dans le cas de silices greffées en solution restent sujets à caution quant il s’agit de
les extrapoler à des silices greffées lors du malaxage, car le greffage n’est pas réalisé dans
les mêmes conditions (cisaillement, température). Une autre technique d’analyse locale a été
expérimentée. Cette approche consistait après extraction du polymère non lié à venir scanner
localement la surface des particules de silice sous microscope électronique à transmission
grâce à une sonde et d’identifier les atomes et les types de liaisons en présence par EELS
(Spectroscopie de pertes d’énergie des électrons). L’intensité du faisceau électronique
dégradait la zone analysée ne permettant pas l’extraction de résultats. Ce travail est décrit en
Annexe 3.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
106
III.2.2 Mesures de gonflement dans l’eau
Les mesures de polymère lié ne sont qu’une indication de l’encombrement stérique des
chaînes greffés à la surface de la silice. Leur exploitation ne fait pas la distinction entre les
molécules greffées sur la silice et celles ayant polycondensé avec des silanes déjà greffés. La
technique qui nous est apparue la plus efficace pour lever cette ambiguïté s’intéresse au
silanols en surface de la silice. Il s’agit des mesures de gonflement dans l’eau. Elles ont été
réalisées sur les échantillons réticulés.
III.2.2.1 Séchage préliminaire des échantillons
Ces mesures nécessitent au préalable une phase de séchage des échantillons (le protocole et
conditions expérimentales sont décrites dans le chapitre II). Lors de cette phase, la quantité
d’eau extraite de l’éprouvette Si correspond à 10 % près à l’humidité naturelle de la silice
(6%)(comparaison des masses sur un gramme de silice). Cette équivalence permet de
vérifier l’efficacité du séchage dont la quantité d’eau extraite provient conjointement de la
silice en surface et de celle au cœur de l’éprouvette. La littérature indique (cf. figure III-15)
qu’une molécule d’eau s’adsorbe par le biais de deux silanols3. A partir du nombre de
silanols estimés par ATG sur une silice greffée (cf. Annexe 2), soit 6 OH/nm², nous pouvons
évaluer la quantité d’eau adsorbée, et par conséquent extractible par séchage. En supposant
que le greffage d’un silane consomme un hydroxyle, et que chaque silane introduit réagi
avec la surface tant que la surface n’est pas totalement recouverte, on peut estimer la
quantité de silanols présents en surface des silices greffées (courbe avec les symboles ν) et
en déduire la quantité d’eau extractible lors du séchage. La figure III-16 montre un bon
accord entre nos calculs et la mesure expérimentale sur l’échantillon Si (taux de
recouvrement nul). La figure III-16 montre également la quantité d’eau extraite en fonction
du taux d’AR8 introduit. Avec le greffage, la surface de la silice devient progressivement
hydrophobe. La chute observée traduit directement la consommation croissante du nombre
de silanols.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
107
.
OSi
OSi
OSiO O
HH
OSi
OSi
OSiO O
HH
OHH
OOSi
OSiO O
H H
H
OOSi
OSiO O
H
O
H
H
+ H2O
+ H2O
Figure III-15 : Adsorption d'eau sur les sites silanols
0 20 40 60 80 100 120 140
3x1020
4x1020
5x1020
6x1020
nom
bre
de m
oléc
ules
d'e
au e
xtra
ite, n
H2O
Taux (%)
paire de OH pouvant accueillir de l'eau H2O extraite avec AR-8 H2O extraite avec AC
Figure III-16: Eau extraite en fonction du taux de silane, données expérimentales et estimations
La bonne concordance de ces calculs avec l’expérience (à l’exception notable de AR8-25)
confirme nos hypothèses. On vérifie en particulier que le greffage maximum est atteint avec
l’échantillon AR8-100. La figure présente également les mesures réalisées sur la série AC.
La quantité d’eau extraite avec cette série est toujours inférieure aux prédictions. Une raison
pourrait être la sur-réticulation au voisinage de la silice liée à la présence des agents de
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
108
couplage. Cette sur-réticulation empêcherait après mise en œuvre une réabsorption des
molécules d’eau.
Après la phase de séchage les éprouvettes sont immergées dans l’eau, et selon le protocole
décrit dans le chapitre II, les mesures de gonflement dans l’eau sont ensuite effectuées.
III.2.2.2 Influence du taux d’agent de greffage
La figure III-17 présente les mesures de gonflement dans l’eau réalisées sur les séries AR8
et AC.
0 20 40 60 80 100 120 140
2.6
2.8
3.0
3.2
3.4
3.6
3.8
4.0
4.2
4.4
4.6
4.8
5.0
(∆m
/min
i)*10
0
taux (%)
Agent de recouvrement (AR8) Agent de couplage (vulcanisé) Agent de couplage (cru)
Figure III-17 : Gonflement dans l’eau (exprimé en variation relative de masse) d’élastomères chargés avec de la silice traitée avec un agent de couplage et un agent de recouvrement en fonction du taux
Les quantités d’eau reprises chutent avec l’augmentation du taux de silane jusqu’à ce
qu’apparaisse un effet de saturation, pour des taux compris entre 75% et 100%. Dans le cas
des agents de recouvrement, ce taux est en accord avec les mesures de polymère lié. Les
valeurs minimales sont loin d’être nulles car le greffage ne peut utiliser tous les silanols de
la silice du fait de l’encombrement stérique des silanes greffés. Les quantités d’eau reprises
sont plus faibles avec l’agent de couplage qui en formant des liaisons covalentes entre la
charge et la matrice réticule cette dernière très localement. Pour confirmer cet effet, nous
avons réalisé des mesures de gonflement dans l’eau sur les échantillons de la série AC non
réticulés. Les quantités mesurées sont en effet plus élevées qu’avec les échantillons non
vulcanisés.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
109
Remarque : La décroissance de la reprise en eau avec l’agent de couplage n’est pas linéaire
avec le taux introduit. Les mécanismes de gonflement dans l’eau sont en effet plus complexe
qu’une simple adsorption d’une monocouche d’eau sur les silanols.
III.2.2.3 Effet de l’encombrement stérique des agents de greffage La courbe de la figure III-18 présente la quantité d’eau reprise pour la série ARn, exprimée
en pourcentage de la masse de l’échantillon. Son allure est différente de celle présentée sur
la figure III-17. Pour mieux s’en convaincre, nous avons tracé sur la même figure les valeurs
de reprise en eau de la série AR8 en utilisant la correspondance entre longueur et taux
établie précédemment (Figure III-14). Les deux séries présentent la même valeur minimale,
autour de 3.6.
Mais avec les mélanges de la série ARn, la valeur de reprise en eau est pratiquement
constante quels que soient les échantillons avec agent de recouvrement. Dans ces matériaux,
la quantité de silane introduite est constante. Elle conduit donc naturellement à la
consommation du même nombre de silanols, ce que confirme nos résultats. La valeur
obtenue pour AR16 légèrement plus élevée, confirmerait les observations précédentes. Une
partie de cet agent n’aurait pu se greffer du fait de son encombrement stérique trop
important.
3.4
3.6
3.8
4.0
4.2
4.4
4.6
4.8
0 20 40 60 80 100 120 140 160
AR8 ARn
gonf
lem
ent,
(∆m
/min
i)*10
0
AR8 - taux (%)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
ARn, Longueur de la chaîne alkyle (nC)
Figure III-18 : Mesure de gonflement dans l’eau pour les séries ARn et AR8 à partir de l’équivalence
taux / longueur établie au paragraphe III-2-1
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
110
III.2.2.4 Conclusion sur les mesures de gonflement dans l’eau
Les mesures de reprise en eau confirment nos analyses précédentes sur la série AR8. Le
greffage maximal de la surface de silice avec un agent de recouvrement AR8 est observé
avec l’échantillon AR8-100. Les échantillons AR8-75, AR8-50 et AR8-25 ont donc tous
leurs silanes greffés en surface de la silice, de même pour les échantillons AR1, AR3.
L’échantillon AR16 quant à lui contient des silanes qui pour une partie n’ont pas réagi avec
la surface de la silice. Ces mesures apportent également de précieuses indications sur la série
AC, pour laquelle les mesures de polymère lié étaient impossible. Elles indiquent un
greffage progressif avec le taux d’AC introduit jusqu’à 75%. Les valeurs mesurées sont
ensuite constantes. Par analogie avec la série AR8, cela suggère un encombrement stérique
de cet agent de couplage identique à celui d’un AR avec une chaîne alkyl à 11 carbones.
Cette estimation apparaît réaliste.
III.2.3 Conclusion sur la caractérisation du greffage
Parmi les nombreuses techniques que nous avons abordées, les mesures de polymère lié et
de gonflement dans l’eau se sont révélées les plus concluantes. Elles ont permis une
caractérisation de l’efficacité des différents traitements de surface et de l’encombrement
stérique des différents agents de greffage sur la surface de la silice. Les mesures de polymère
lié sont également une indication directe du degré d’interactions entre la matrice et la charge
et de l’influence des traitement de surface sur ces interactions. Ces différentes informations
vont être capitales dans la compréhension du comportement mécanique des différents
matériaux mis en œuvre, en particulier du transfert de contrainte entre la charge et la
matrice. Elles vont également nous permettre d’approfondir l’analyse de l’influence des
différents traitements de surface sur les processus de vulcanisation.
III.3 Suivi du processus de vulcanisation
Les matériaux crus ont été vulcanisés dans un rhéomètre, à une température de 150°C (cf.
Chapitre II). L’utilisation de ce rhéomètre permet ainsi le suivi du processus de réticulation
au cours du temps.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
111
III.3.1 Matrice seule et en présence de charges
La figure III-19 présente, dans le cas de la matrice SBR, l’évolution du couple mesuré à
l’aide du rhéomètre et de sa dérivée en fonction du temps. Durant les premières secondes, la
mise en température de l’échantillon entraîne une chute du couple jusqu’à la valeur Cmin.
Cette valeur correspond à la viscosité initiale du mélange à 150°C avant que la vulcanisation
ne commence. La vulcanisation progressive de la matrice se traduit ensuite par une
augmentation du couple mesuré jusqu’à une valeur appelée Cmax, qui dépend de l’état de
réticulation finale du matériau.
La vulcanisation par le soufre nécessite, nous l’avons vu dans le chapitre II, une formulation
complexe : des activateurs (ZnO, acide stéarique) et des accélérateurs (CBS, DPG). Les
accélérateurs jouent un rôle primordial sur la cinétique de vulcanisation comme le montrent
les mesures réalisées sur des échantillons avec le CBS seul et la DPG seule (cf. figures III-
19 et III-20).
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
112
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000
10
20
30
40
50Temperature 150°C
Cou
ple
(N.m
)
Temps (s)
Matrice CBS & DPG CBS DPG
a)
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000.00
0.02
0.04
0.06
0.08
0.10
Cou
ple
dériv
é (N
.m.s
-1)
Temps (s)
Matrice CBS & DPG CBS DPG
b)
Figure III-19: Suivi du couple au cours de la vulcanisation à 150°C de la matrice avec le CBS seul, la DPG seule et avec la formulation classique.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
113
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000
10
20
30
40
50
Cou
ple
(N.m
)
Temps (s)
Matrice CBS + DPG CBS DPG
a)
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000.0
0.1
0.2
0.3
0.4
0.5
Cou
ple
dériv
é (N
.m.s
-1)
Temps (s)
Matrice CBS + DPG CBS DPG
b)
Figure III-20: suivi du couple au cours de la vulcanisation à 175°C de la matrice avec le CBS seul, la DPG seule et avec la formulation classique. On observe que le CBS agit comme un ’’retardateur’’ à la vulcanisation en repoussant le
temps de début de réaction. Le CBS doit se décomposer avant de réagir ce qui explique ce
comportement11. Une fois le processus chimique engagé, la vulcanisation est très rapide et
agit sur le couple final par la formation de ponts de soufre courts et nombreux. Des études
précédentes (Annexe 4) ont en effet prouvé qu’une augmentation du ratio de la quantité de
CBS par la quantité de souffre introduite conduit après vulcanisation à une réduction de la
longueur moyenne des ponts soufre et à une augmentation de leur nombre.
La DPG réagit dès les temps courts mais donne une cinétique de vulcanisation lente. Elle
conduit à des ponts de souffre plus longs et donc en moindre quantité, d’où un couple final
plus bas. L’utilisation simultanément, dans des proportions équivalentes, des deux
accélérateurs conduit à un processus de vulcanisation qui démarre très tôt (propre au DPG)
et une vulcanisation rapide (propre à l’action du CBS).
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
114
Une élévation de la température (figure III-20) active la vulcanisation pour l’échantillon
avec le CBS seul. Elle conduit également à une augmentation de la vitesse de réaction dans
l’échantillon avec la seule DPG. La combinaison de ces deux effets sur l’échantillon
contenant les deux accélérateurs conduit à une réticulation débutant très tôt et très rapide. L’introduction de 50 phr de silice dans la matrice augmente considérablement la valeur du
couple (cf. figure III-21a). Cette augmentation est typique de la présence d’une phase rigide
au sein de la matrice. Le temps auquel débute la réaction ainsi que la vitesse de réaction sont
influencés par la présence de la silice (cf. figure III-21b). En présence de cette dernière, et
en comparaison avec la matrice seule, la réaction commence plus tôt et sa cinétique est plus
lente.
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000
10
20
30
40
50
60
70
Cou
ple
(N.m
)
Temps (s)
M : matrice Si
a)
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000.00
0.02
0.04
0.06
0.08
0.10
0.12
0.14
Dér
ivée
du
coup
le (N
.m.s
-1)
Temps (s)
M : matrice Si
b)
Figure III-21 : Suivi du processus de vulcanisation grâce au rhéomètre Monsanto de la matrice et de la matrice en présence de 50 phr de silice : a) couple, b) dérivée du couple en fonction du temps.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
115
La différence de cinétique observée en présence de charges au sein de la matrice pourrait
provenir de différents phénomènes. Une première hypothèse impliquerait la mauvaise
dispersion du ZnO (activateur de vulcanisation). Lors de la mise en œuvre des mélanges,
l’incorporation de la charge engendre un cisaillement important qui permet une dispersion
homogène de chacun des éléments de la formulation. La mise en œuvre de la matrice seule
n’engendre pas la même intensité de cisaillement. La dispersion des éléments de la
formulation, en particulier de ZnO, peut se trouver altérée (cf. paragraphe III-1), réduisant
ainsi l’efficacité de la réaction avec les autres éléments de vulcanisation.
Or une étude12 présentée figure III-22, a montré dans le cas de la vulcanisation de la matrice,
qu’une diminution du taux de ZnO aurait un effet sur le temps de déclenchement de la
réaction. Le retard de vulcanisation ne peut donc pas être expliqué par une meilleure
dispersion du ZnO en présence de silice.
0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 20000
20
40
60
80
100Matrice SBR/BR
Cou
ple
(N.m
)
Temps (s)
ZnO, 0.5phr ZnO, 2.5phr
Figure III-22 : Influence du taux de ZnO sur la vulcanisation de la matrice
La littérature montre qu’il existe une grande affinité entre la silice et les accélérateurs
courants. D’après Zaborski1, la silice non traitée adsorbe les accélérateurs. L’auteur montre
qu’elle serait capable d’adsorber 1.84 molécules de DPG par nm². Des mesures d’adsorption
en solvant, réalisées avec la même silice et les mêmes proportions que celles utilisées dans
nos formulations (50phr de silice pour 1.3 phr de CBS et 1.45 de DPG), montrent que la
totalité des deux accélérateurs (CBS & DPG) est adsorbée en surface (cf. Annexe-1). Ces
résultats sont largement vérifiés par Zaborski pour la silice non traitéeiv. Pour cet auteur, la
DPG se désorbe difficilement au cours de la vulcanisation. Cela conduit à une réticulation
plus importante au voisinage de la charge. La courbe de vulcanisation de notre mélange
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
116
chargé semble correspondre à ces observations. Le départ rapide serait dû à une réticulation
rapide au voisinage de la charge où se trouve la majeure partie des accélérateurs. La
cinétique lente refléterait la réticulation croissante autour de la charge et la vulcanisation
lente de la matrice en déficit d’accélérateur. Le Couple maximum n’atteint pas de plateau,
révélant ainsi un processus lent au cours duquel se forment majoritairement des ponts
polysulfures longs et d’une grande instabilité.
III.3.2 Influence des traitements de surface de la silice
Les mesures de polymère lié ont montré que le traitement de surface de la charge modifiait
les interactions à l’interface polymère-charge. Le greffage de silane pourrait modifier
l’adsorption des accélérateurs en surface de la silice. Comment cela va-t-il influencer le
processus de vulcanisation ?
III.3.2.1 Influence des agents de recouvrement
A - Influence du taux d’agent de recouvrement AR8
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000
10
20
30
40
50
60
70
Cou
ple
(N.m
)
Temps (s)
Agent de recouvrement avec 8 carbones M : matrice Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
a)
iv Les quantités utilisées dans cette étude correspondent à 8.28E19 molécules pour 1gramme de silice. Un gramme de silice possède une surface spécifique de 160m²/g et peut selon l’hypothèse de l’auteur accueillir 2.9E20 molécules de DPG sur sa surface, laissant encore une grande marge d’adsorption.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
117
0 20 40 60 80 100 120 140
10
20
30
40
50
60
Cou
ple
(N.m
)
Taux de recouvrement (%)
Cmin Cmax ∆ C
b) Figure III-23 : a) Couple en fonction du temps b) évolution du couple maximal et minimal en fonction du taux d’agent de recouvrement.
La figure III-23 présente l’évolution du couple en fonction du temps pour les différentes
quantités d’agent de recouvrement (AR8) introduites. On observe une chute du couple Cmin
(de 24 à 7 N.m) et du couple maximum Cmax (de 63 à 51 N.m) lorsque le taux augmente
(laissant un delta couple (∆C) à peu près constant en fonction du taux de silane introduit). Le
couple minimum tend vers celui de la matrice non chargée, prouvant une limitation des
interactions entre la matrice et les charges. Ces résultats confirment donc les mesures de
polymère lié obtenues sur cette série de matériaux (crus). La figure III-24 montre la relation
quasi linéaire qui existe entre le couple minimum et le taux de polymère lié pour les valeurs
inférieures à 0.5g/g de silice. Pour les valeurs supérieures, le greffage n’est pas suffisant
pour avoir une influence sur les interactions entre les charges.
0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8
6
8
10
12
14
16
18
20
22
24
26
Cou
ple,
Cm
in(N
.m)
Polymère lié, (g/ 1g de silice)
Figure III-24 : Couple minimum (Cmin) en fonction des mesures de polymère lié (série AR8).
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
118
Les valeurs du couple maximum (Cmax) suivent une évolution parallèle au couple minimum
(Cmin). Elles dépendent principalement de l’état de réticulation du mélange, mais sont
également influencées par les interactions charge-matrice et charge-charge. Les mesures de
∆C sont parfois utilisées comme un indicateur de la réticulation. C’est possible lorsqu’on
s’intéresse à une seule formulation. Mais l’analyse de ce paramètre pour des systèmes aussi
complexes possédant des interactions différentes entre la charge et la matrice, demeure
problématique.
La figure III-25a) décrit l’évolution de la dérivée du couple en fonction du temps. On en
déduit l’évolution de la position et du maximum d’intensité du pic de dérivée en fonction du
taux de silane introduit, présenté sur la figure III-25b). La position du pic de dérivée se
déplace vers les temps croissants continuellement jusqu’à une valeur seuil d’environ 1500
secondes pour 100% de recouvrement. Le maximum de dérivée croît continuellement avec
la quantité de silane introduite.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
119
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000.00
0.02
0.04
0.06
0.08
0.10
Cou
ple
dériv
é (N
.m.s
-1)
Temps (s)
Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
a)
0 20 40 60 80 100 120 140200
400
600
800
1000
1200
1400
1600
1800
AR-8 - taux (%)
posi
tion
max
i pic
de
dériv
ée
0.03
0.04
0.05
0.06
0.07
0.08
0.09
0.10
0.11
0.12
intensité max du pic de dérivée
b) Figure III-25: a) dérivée du couple en fonction du temps et b) position valeur du maximum du pic de dérivée, en fonction du taux de d’agent de recouvrement
La cinétique de vulcanisation est donc affectée par le greffage. Cette cinétique se rapproche,
à taux de greffage croissant, de celle observée dans le cas de la matrice avec le seul CBS.
Ainsi, le greffage pourrait agir en limitant, par encombrement stérique, l’adsorption du CBS
lors de la mise en œuvre, ce dernier étant totalement adsorbé en l’absence de greffage (cf.
paragraphe précédent). L’adsorption de la DPG, du fait de la petite taille de cette molécule,
serait quant à elle totale et indépendante du greffage, et sa désorption serait difficile, comme
le suggèrent les études de Zaborski citées plus haut. Il est même envisageable que sa
désorption soit ralentie en présence d’agent de greffage.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
120
Pour confirmer nos hypothèses, des mesures d’adsorption d’accélérateur en présence d’agent
de recouvrement ont d’abord été réalisées (tableau III-6) (protocole de greffage et de mesure
en Annexe 1).
Adsorption (%) ± 5% DPG CBS DPG&CBS
Si 100 100 99 100 Ar-8 98 75 97 95
Tableau III-6 : mesures d’adsorption dans le solvant du DPG et du CBS en présence d’agent de
recouvrement On notera que ces mesures doivent être commentées avec précautions : l’affinité du xylène
et de la silice est différente de celle de la matrice et les affinités entre les accélérateurs et le
solvant ne sont pas les mêmes que celles avec la matrice. Néanmoins, elles sont indicatives
des attractions possibles entre les accélérateurs et la silice en fonction du greffage. Elles
indiquent qu’en présence d’agent de recouvrement, la DPG seule est adsorbée dans sa
totalité alors que le CBS seul l’est en plus faible quantité.v
Une étude vient compléter notre analyse. Elle a été réalisée par Eisenbach et coll.13, sur des
caoutchouc naturel (NR) et SBR chargés avec de la silice. L’agent de greffage est ici un
agent de couplage TESPT. Les quantités d’accélérateurs introduites sont voisines des nôtres
et le taux de charge est de 30phr. Les accélérateurs utilisés dans cette publication sont
principalement des benthiazoles et des thiurames. Ces accélérateurs sont utilisés comme
‘’retardateurs’’ et sont identifiés par EELS grâce à l’azote (N) qu’ils contiennent. L’un de
ces accélérateurs possède une chimie très proche du CBS. Cette étude confirme bien
l’augmentation de la quantité d’accélérateurs présents au sein de la matrice lorsque l’on
ajoute un agent de greffage, ce dernier empêchant par encombrement stérique l’adsorption
de l’accélérateur.
Rappelons que la hauteur du pic de dérivée est directement reliée à la pente au point
d’inflexion. L’augmentation progressive de ce paramètre avec le taux d’AR8 correspond à
l’évolution de la réticulation qui devient de plus en plus homogène (par action du CBS).
Pour des recouvrements supérieurs à 100%, le retard se stabilise du fait de la saturation du
recouvrement de la surface.
v Quand les deux accélérateurs sont introduits conjointement, ils sont adsorbés dans leur quasi-totalité, que la silice soit greffée ou non. Il semblerait donc (même si cette synergie n’a jusqu’à présent jamais été relatée dans la littérature) que DPG et CBS possèdent des affinités : la DPG serait d’abord absorbée (plus grande basicité), et le CBS viendrait ensuite s’adsorber sur la couche de DPG.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
121
B - Influence de la taille de l’agent de recouvrement (ARn)
La figure III-26 présente cette fois l’évolution du couple en fonction du temps pour la série
ARn. L’influence de la taille de l’agent de recouvrement est très similaire à celle du taux
d’AR8 : on observe une chute du couple minimum et du couple maximum avec la longueur
de la chaîne alkyle des silanes, jusqu’à des valeurs identiques à celle mesurée pour les taux
les plus élevés d’AR8. La valeur du ∆C est également comparable.
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000
10
20
30
40
50
60
70 M: Matrice Si Ar1 Ar3 Ar8 Ar16
Cou
ple,
(N.m
)
Temps (s)
a)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
10
20
30
40
50
60
Cou
ple
(N.m
)
Longueur de la chaîne alkyle (nC)
Cmin Cmax ∆ C
b)
Figure III-26: a) Couple en fonction du temps et b) Evolution du couple maximal et minimal en fonction du taux d’agent de recouvrement
Le couple minimum montre également une dépendance avec le taux de polymère lié (figure
III-27) très similaire à celle observée avec la série AR8. Cela confirme l’équivalence entre
taux et longueur d’agent de recouvrement telle que celle discutée dans le paragraphe III-2-1-
1.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
122
0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8
6
8
10
12
14
16
18
20
22
24
26
Cou
ple,
Cm
in(N
.m)
Polymère lié (g/1g of silica)
AR8, quantité de silane AR, longueur de la chaîne alkyle(nC)
Figure III-27 : Couple minimum (Cmin) en fonction des mesures de polymère lié.
L’évolution de la dérivée du couple en fonction du temps (figure III-28a) confirme cette
analyse. On observe une augmentation du temps au maximum de pic de dérivée avec la
longueur de la chaîne alkyl, jusqu’à la valeur de 1600s environ pour AR16. Cette même
valeur avait été trouvée précédemment pour AR75-125. En utilisant l’équivalence établie
précédemment entre taux d’AR8 et longueur d’ARn, il est possible de comparer cette courbe
avec celle obtenue avec la série ARn. La superposition des courbes est relativement bonne
(figure III-28b).
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
123
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 35000.00
0.02
0.04
0.06 Si Ar1 Ar3 Ar8 Ar16
Cou
ple
dériv
é (N
.m.s
-1)
Temps (s)
a)
400
600
800
1000
1200
1400
1600
1800
0 20 40 60 80 100 120 140 160
AR8 ARn
Pos
ition
du
pic,
tem
ps (s
)
AR8 - taux (%)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18ARn, Longueur de la chaîne alkyle
b)
Figure III-28 : a) dérivée du couple en fonction du temps et b) position du pic de dérivée, en fonction de la longueur de l’agent de recouvrement, comparaison avec le taux d’AR8.
La comparaison des niveaux du maximum des pics de dérivée est moins satisfaisante.
Contrairement à ce qui était observé avec les différents taux d’AR8, le maximum de ce pic
n’augmente quasiment pas avec l’augmentation des longueurs d’ARn (figure III-29). Si le
maximum du pic est très proche pour les systèmes avec les agents de différentes longueurs,
cela vient peut être de la quantité de silanols qui est identique pour cette série, selon un
mécanisme qu’il reste à identifier.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
124
0.03
0.04
0.05
0.06
0.07
0.08
0 20 40 60 80 100 120 140 160
AR8 ARn
vite
sse
de ré
actio
n -
max
imum
de
la d
ériv
ée
AR8, taux de recouvrement (%)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
ARn, Longueur de la chaîne alkyle
Figure III-29 : Maximum du pic de dérivée du couple, en fonction de la longueur de l’agent de
recouvrement, comparaison avec le taux d’AR8.
L’effet de la longueur de l’agent de recouvrement s’explique donc de la même manière que
l’effet d’un taux croissant d’AR8, par un recouvrement progressif de la surface de la silice.
Cela conduit à une adsorption moins importante du CBS qui va donc être plus présent dans
la matrice. Les conséquences sont une modification de la cinétique de vulcanisation, des
ponts polysulfures plus courts et plus nombreux, et une réticulation plus homogène, i.e.
moins concentrée au voisinage de la matrice.
III.3.2.2 Influence du taux d’agent de couplage. Outre un recouvrement de la surface de silice, l’agent de couplage conduit à une réticulation
supplémentaire entre la silice et les chaînes de la matrice. La figure III-30 présente
l’évolution du couple en fonction du taux d’agent de couplage (le taux étant toujours
exprimé en pourcentage du nombre de silane AR8 nécessaire à la couverture totale de la
silice). Sur la figure III-30b sont relevées l’évolution du couple Cmin, Cmax et la variation de
couple ∆C. Comme précédemment, l’introduction d’agent de greffage conduit à une
diminution du couple Cmin. Cependant, sa valeur est toujours supérieure à celle mesurée avec
AR8. Le recouvrement de la silice permet de réduire les interactions charge-charge et
charge-matrice mais il semble qu’une réaction prématurée des agents de couplage ait eu lieu
avant même l’expérience sur rhéomètre, c’est à dire au cours du malaxage. Cette réticulation
prématurée a déjà été suggérée lors de l’analyse des mesures de polymère lié. Par contre, le
couple Cmax ainsi que ∆C augmente avec le taux d’agent de couplage introduit.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
125
Contrairement aux agents de recouvrement, il y a réticulation entre agent de couplage et
chaîne polymère qui introduit des nœuds de réticulation supplémentaire dans la matrice.
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000
10
20
30
40
50
60
70
80
90
M : matrice Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125
coup
le (N
.m)
Temps (s)
a)
0 20 40 60 80 100 120 140
20
30
40
50
60
70
80
Cou
ple
(N*m
)
Taux d'agent de couplage (%)
Cmin Cmax deltaC
b)
Figure III-30: a) Couple en fonction du temps et b) évolution du couple maximal et minimal en fonction du taux d’agent de couplage
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
126
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000.00
0.02
0.04
0.06
0.08
0.10
0.12
Dér
ivée
du
coup
le
Temps (s)
Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125
a)
0 20 40 60 80 100 120 140200
400
600
800
1000
1200
1400
1600
1800
taux d'agent de couplage (%)
Pos
ition
du
pic,
tem
ps (s
)
0.04
0.06
0.08
0.10
0.12
0.14
0.16
0.18
0.20
Vitesse de réaction -m
aximum
de la dérivée
b)
Figure III-31: a) dérivée du couple en fonction du temps et b) position et valeur du maximum du pic de dérivée, en fonction du taux de d’agent de couplage
L’effet du taux d’agent de couplage sur la cinétique de réticulation est très similaire à celui
du taux d’AR8 (cf. Figure III-31). On observe l’augmentation du temps au maximum de
dérivée jusqu’à ce qu’il atteigne une valeur stable à partir du taux de 75%. La saturation
apparaît néanmoins plus tôt que pour AR8 car l’agent de couplage recouvre plus rapidement
la surface de la silice, du fait de son encombrement stérique plus important. La valeur est
stabilisée autour de 1300s, ce qui est légèrement inférieur à la valeur stabilisée mesurée avec
AR8. De toute évidence, l’agent de couplage contribue à la cinétique globale de réticulation
(globale au sens ou elle inclut la vulcanisation et le couplage avec la matrice). Cela est
confirmé par l’évolution du maximum du pic de dérivée du couple, similaire à celle observé
avec la série AR8 mais supérieure en valeur absolue. La différence entre les séries AC et
AR8 d’une part et la série ARn d’autre part réside dans la quantité de silanols présent. Elle
est décroissante dans le premier cas alors qu’elle est constante dans le second, voire
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
127
légèrement supérieur avec AR16. On peut donc avancer que la quantité de silanols présents
est en cause dans les différences observées entre les évolutions des maximums des pics des
séries AR8 et AC d’une part et celle de la série ARn d’autre part. Les silanols conditionnent
en effet la quantité d’eau présente en surface des silices. Rien cependant ne permet pour
l’instant de conclure sur ce point.
Pour conclure, l’influence du traitement par AC s’explique principalement par le
recouvrement de la surface de la silice auquel il conduit. Comme dit précédemment, ce
recouvrement conduit à une adsorption moins importante de l’accélérateur CBS et donc à
une modification de la cinétique de vulcanisation, à une réticulation plus homogène, et une
augmentation du nombre final de ponts polysulfures, plus courts et donc plus stables. A cet
effet, globalement commun à tous les agents de greffage, s’ajoute celui de la création d’une
liaison covalente entre la silice et la matrice, qui accroît ainsi le nombre de nœuds de
réticulation.
On notera un phénomène supplémentaire, qui est l’augmentation constante du couple Cmax,
même à des taux supérieurs à 100%, i.e. lorsque la surface ne peut plus accueillir de silanes.
Cela suppose qu’intervient également un phénomène de polycondensation des silanes en
excès qui vont ainsi créer des ponts supplémentaires entre les chaînes de polymères auxquels
ils sont liés (ou une libération du soufre). Cette polycondensation nécessite au préalable
l’hydrolyse des groupements éthoxy. Cela requiert de l’eau ou un catalyseur acide ou
basique. Cette réaction est donc plus probable au voisinage de la silice très hydrophile. Elle
est également possible, dans une moindre mesure, au sein de la matrice du fait qu’elle
contient de l’acide stéarique (cf. Annexe 4).
Pour confirmer cette analyse de la vulcanisation en présence d’agent de greffages, les
matériaux mis en œuvre ont été étudiés grâce à des mesures de gonflement.
III.3.3 Mesures de gonflement sur les mélanges vulcanisés
Les mesures de gonflement sont généralement utilisées pour caractériser la réticulation des
élastomères. La relation est simple dans le cas d’élastomères non chargés et l’on peut
aisément déduire de ces mesures leur concentration en nœud de réticulation. La relation est
beaucoup plus difficile dans le cas d’élastomères chargés. Le gonflement de la matrice
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
128
s’accompagne alors d’une possible décohésion à l’interface charge–matrice. Le gonflement
est ainsi le résultat de deux contributions difficiles à décorreler. Dans notre étude s’ajoute la
difficulté d’une modification de l’interface polymère-charge dont les conséquences sur le
gonflement sont difficilement quantifiables. Ces mesures renseignent donc peu sur l’état de
réticulation de la matrice. Elles permettent néanmoins de comparer les effets des différents
agents de recouvrement sur la réticulation, au sens large, du matériau, celle ci comprenant
les nœuds chimiques au sein de la matrice et créés (dans le cas d’AC) à l’interface charge
matrice, et les nœuds physiques à l’interface charge matrice et à l’origine du polymère lié.
Nous rappelons que les mesures de gonflement sont réalisées sur les mélanges vulcanisés
avec le solvant utilisé pour l’extraction du polymère non lié, selon le protocole décrit au
chapitre II.
III.3.3.1 Influence des agents de recouvrement
La figure III-32 présente les mesures de gonflement des matériaux de la série AR8 et ARn.
En utilisant l’équivalence entre taux et longueur de silane établi avec les mesures de
polymère lié, nous avons fait figurer les résultats des deux séries sur le même graphique.
6.2
6.4
6.6
6.8
7.0
7.2
7.4
7.6
7.8
8.0
0 20 40 60 80 100 120 140 160
AR8 ARn
Gon
flem
ent,
G
AR8 - taux (%)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18ARn, Longueur de la chaîne alkyle (nC)
Figure III-32 : Mesures de gonflement, série AR-8, et série ARn
On observe que les deux séries présentent une évolution identique mais avec des valeurs
légèrement décalées. Par exemple, les résultats pour les échantillons AR8 et AR8-75 de
chacune des séries ne sont pas superposés. Ce décalage de 5% traduit une réticulation
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
129
légèrement différente entre les deux séries. Par contre chaque série a manifestement subit un
protocole de réticulation identique qui nous permettra de discuter, par la suite, les résultats à
l’intérieur d’une même série. L’ensemble des caractérisations présentées jusque là n’a pas
fait apparaître ce genre de décalage car il faisait intervenir soit les mélanges crus soit
l’interface. Cela ne remet pas en question les conclusions et discussions précédentes. A ce
décalage près, on vérifie une fois encore l’équivalence longueur–taux de silane. Le
gonflement des matériaux est d’autant plus important que la surface de la silice est
recouverte par les agents de recouvrement. La saturation apparaît encore une fois au
voisinage de 100% pour la série AR8. La saturation avec la série ARn est moins marquée, le
taux de gonflement augmente encore avec AR16. Dans cet échantillon, les silanes sont très
largement en excès, un tiers environ pourrait être présent dans la matrice. Ces silanes en
excès jouent le rôle d’un solvant de l’élastomère et réduisent la densité en nœud de
réticulation de la matrice, augmentant ainsi la valeur du gonflement.
III.3.3.2 Influence de l’agent de couplage La figure III-33 présente le taux de gonflement en fonction du taux d’agent de couplage
introduit. Il décroît très fortement, de manière continue. La décroissance atteint un facteur 8
environ pour 125% d’AC.
0 20 40 60 80 100 120 1400
2
4
6
8
10
Mes
ures
de
Gon
flem
ent (
%)
AC - taux de recouvrement (%)
Figure III-33 : Gonflement en fonction du taux d’agent de couplage.
Cela indique une réticulation globale du matériau de plus en plus dense. Elle inclut celle de
la matrice, et celle à l’interface charge-matrice réalisée par l’intermédiaire des agents de
couplage. Les mesures de polymère lié ayant indiqué une saturation de la surface de silice en
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
130
agent couplage pour des taux supérieurs à 75%, on aurait pu s’attendre à l’apparition d’un
plateau. Le fait qu’il n’en soit rien suggère que l’agent de couplage en excès contribue lui
aussi à la réticulation du matériau. La question se pose de sa localisation. Comme déjà
discuté précédemment, la nature des réactions mises en jeu favorise l’hypothèse d’une
localisation au voisinage de la silice.
III.3.4 Conclusion sur la vulcanisation
L’utilisation d’agents de greffage, en recouvrant la surface des charges, modifie l’adsorption
des accélérateurs nécessaires à la vulcanisation. Sans agent de greffage, la réticulation de la
matrice est hétérogène en raison de l’adsorption des deux accélérateurs en surface de la
silice: la réticulation est plus dense et les ponts polysulfures sont plus courts au voisinage de
la charge.
De part sa petite taille, l’adsorption du DPG n’est pas modifiée, mais sa désorption peut être
plus difficile en présence de greffage. Le CBS quant à lui voit son adsorption qui diminue
avec la surface de silice recouverte. Les conséquences sur la cinétique de vulcanisation, sont,
à taux de greffage croissant, un départ retardé puis une vitesse de réaction accélérée. La
modification de cette cinétique à taux d’agent de greffage croissant se traduit par la
formation de ponts polysulfures plus courts, et donc plus nombreux. En outre, leur
répartition est modifiée. On doit s’attendre à une réticulation plus homogène, i.e. moins
localisée au voisinage de la matrice, du fait d’une présence de CBS plus forte au sein de la
matrice. La différence entre agent de couplage et agent de recouvrement réside simplement
dans le pontage que vont permettre les agents de couplage entre la matrice et la charge. En
outre, l’agent de couplage lorsqu’il est introduit en excès peut aussi augmenter la densité de
réticulation par polycondensation. Pour résumer ces résultats, la figure III-34 représente
schématiquement l’état de la réticulation de nos matériaux en fonction des différents
traitements de surface.
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
131
a) b) c)
Traitement de surface (AR ou AC)
Chaîne élastomère
Liaison soufre de longueurs différentes
Liaison covalente de l’agent de couplage
Figure III-34 : Schéma de la réticulation de nos composites en fonction du traitement de surface de la silice : a) Silice non traitée, b) Agent de recouvrement, c) Agent de couplage
III.4 Bilan sur les matériaux mis en œuvre
Les différents matériaux que nous avons mis en œuvre présentent le même état de
dispersion. L’introduction d’un agent de recouvrement ou de couplage n’a pas d’influence
sur l’état de dispersion de la silice dans nos différents matériaux. Le greffage de la silice a
pour conséquence un recouvrement de la surface des charges. La surface recouverte dépend
du taux et de l’encombrement stérique de l’agent de greffage introduit. Elle apparaît comme
le paramètre le plus pertinent pour différencier nos différents matériaux. Son augmentation a
pour première conséquence une diminution des interactions polymère-charges et se
manifeste par une décroissance de la quantité de polymère lié. Ce recouvrement a pour
seconde conséquence une modification de la cinétique et de la localisation de la
vulcanisation. En limitant l’adsorption des accélérateurs, cette dernière devient plus
homogène (i.e. moins localisée au voisinage de la charge) et conduit à la formation de ponts
polysulfures plus courts (en moyenne) donc plus stables, et plus nombreux. Enfin la
troisième conséquence de ce recouvrement est une réduction du nombre de silanols, et par
conséquent la limitation de contacts silice-silice directs.
A ces caractéristiques communes il faut ajouter les particularités des échantillons AR16,
AC-100 et AC-125. Ces trois échantillons présentent un excès en agent de greffage. Une
Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique
132
partie importante d’AR16 doit être présente dans la matrice et agit comme un « solvant » de
la matrice. L’excèdent d’agent de couplage dans les échantillons AC-100 et AC-125 a quant
à lui probablement polycondensé et contribue ainsi à la réticulation de la matrice.
C’est à partir de cette caractérisation relativement précise que pourront être discutés dans les
chapitres qui suivent les propriétés mécaniques de nos matériaux.
Références : 1 M. ZABORSKI, J.B. DONNET, Activity of Fillers in elastomer networks of different Structure, Euro-Fillers 2001 Lodz Poland, 62, 2001 2 U. GÖRL, J. MÜNZENBERG, D. LUGINSLAND, A. MÜLLER, Investigations on the reaction silica/organosilane and organosilane/polymer. Part 4 : Studies on the chemistry of the silane - sulfur chain, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 52, 588, 1999 3 A.P.LEGRAND, H.HOMMEL, A.TUEL, A.VIDAL, H.BALARD, E.PAPIRER, P.LEVITZ, M.CZERNICHOWSKI, R.ERRE, H.VAN DAMME, J.P.GALLAS, J.F.LAVALLEY, O.BARRES, A.BURNEAU, Y.GRILLET, Hydroxyls in Silica powders, Advances in Colloid and Interface Science, 33, 91, 1990 4 Rapport interne, CRA RHODIA 5 M.WAGNER, Renforcement des élastomères par les charges : mobilité moléculaire et spécificité des interactions à l’interface silice/caoutchouc styrène butadiène, Thèse, Université de Haute Alsace, 1997 6 S.WOLFF, Chemical aspects of Rubber Reinforcement by fillers, Rubb. Chem. and Technol., 69, 325, 1996 7 S.WOLFF, M.J. WANG, E.H. TAN, Surface Energy of Fillers and its effect on Rubber Reinforcement I, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 47, 780, 1994 8 S.R.WASSERMAN, G.M. WHITESIDES, I.M.TIDSWELL, B.M.OCKO, P.S.PERSHAN, J.D.AXE, The structure of self Assembled monolayers of alkylsilanes on silicon, J.Am. Chem. Soc., 111, 5882,1989 9 K.C.VRANCKEN, E.CASTELEYN, K.POSSEMIERS, P. VAN DER VOORT, E.F. VANSANT, Modelling id the reaction-phase interaction of Gamma-Aminopropyltriethoxysilane with Silica, J. Chem. Faraday, Trans., 89, 2037, 1993 10 S.WOLFF, M.J.WANG, E.H.TAN, Filler –elastomer interactions Part VII : Study on bound rubber, Rubb. Chem. and Technol., 66, 163, 1993 11 ’’Synthèse, propriétés et technologie des élastomères’’, ed. IFOCA, 1984 12 Rapport interne, CRA RHODIA 13 C.D. EISENBACH, A.RIBBE, New Insights into the distribution of compatibilizer and Vulcanization Accelerator/Retarder Additives in Filled Rubber by Element Spectroscopy imaging Electron Microscopy, Kautschuk Gummi Kunststoffe,47, 477, 1994
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
133
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Viscoélasticité linéaire et non Linéaire
(effet Payne)
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
134
IV.1 Introduction
Les différentes caractérisations réalisées dans le chapitre III ont conduit à une bonne
connaissance de chacun des mélanges. En utilisant des agents de recouvrement en différentes
quantités ou de différentes longueurs, nous avons réussi à obtenir des systèmes avec une
dispersion identique, mais qui différent en terme de taux de greffage (nombre de silanols
ayant réagi) et taux de recouvrement (épaisseur de la couche de polymère lié). L’utilisation
d’agent de couplage a conduit à une dispersion également identique et à de fortes valeurs du
taux de polymère lié venant conjointement de l’adsorption physique des chaînes (qui se réduit
avec le recouvrement de la surface) et des liaisons covalentes réalisées (qui augmentent avec
le recouvrement). Un autre effet de ces traitements de surface est la modification de
l’adsorption des accélérateurs ce qui modifie la vulcanisation. Nous avons montré que le
traitement de la surface de la charge améliore l’efficacité de cette réaction en estompant
progressivement l’hétérogénéité de la réticulation.
Cette connaissance fournit une base de données importantes qui va permettre dans ce chapitre
d’interpréter les propriétés mécaniques de nos matériaux. L’influence de la charge et de ses
différents traitements de surface seront observés :
• Dans le domaine linéaire en fonction de la température
• A température ambiante, en fonction du taux de déformation (effet Payne).
L’interprétation du renforcement dans cette gamme de déformation considèrera l’ensemble
des caractéristiques de la morphologie. Ainsi les différents facteurs pouvant influencer la
valeur du module élastique sont :
- L’établissement d’un réseau pouvant se constituer par l’intermédiaire des contacts charge-
charge
- La présence de polymère occlus dans les aspérités des agglomérats ou d’une couche à
mobilité restreinte qui se traduirait par une augmentation du taux effectif de charge
- Les interactions à l’interface entre la charge et la matrice pouvant impliquer l’adsorption
ou multiadsorption de chaînes polymères avec différentes mobilités
- La présence d’une couche à mobilité restreinte dont l’épaisseur est fonction du traitement
de surface et qui augmenterait le volume effectif de charge
- La réticulation de la matrice.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
135
On cherchera à identifier les différents mécanismes responsables de la non–linéarité (effet
Payne) parmi ceux proposés dans la littérature et rappelés dans le chapitre I :
- Le processus de désagglomération – réagglomération du réseau de charge éventuellement
formé, ce réseau étant réduit en sous réseaux de plus en plus petits
- La libération du polymère occlus avec la désagglomération, réduisant le taux de charge
effectif avec la déformation.
- Le mécanisme de désorption et adsorption des chaînes à l’interface
Avant de commenter les expériences en fonction du traitement de surface, nous allons d’abord
comparer le comportement de la matrice non chargée avec celui du matériau contenant de la
silice non traitée.
IV.2 Comportement de la matrice, influence de la présence de charge (silice non traitée)
IV.2.1 Viscoélasticité linéaire
Les comportements viscoélastiques de la matrice SBR et celui de la matrice chargée silice non
traitée sont présentés sur la figure IV-1.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
136
150 200 250 300 350 400
106
107
108
109
Relaxation principale
Plateau caoutchoutique
Plateau vitreux
Mod
ule
Ela
stiq
ue, G
' (P
a)
Température (K)
M: matrice Si: silice non traitée
a)
150 200 250 300 350 400104
105
106
107
108
Mod
ule
de p
erte
, G'' (
Pa)
Température (K)
M: matrice Si: silice non traitée
b)
150 200 250 300 350 400
0.01
0.1
1
Fact
eur d
e pe
rte, t
anδ
Température (K)
M: matrice Si: silice non traitée
c)
Figure IV-1 a) Module élastique G', b) Module de perte G'', c) facteur de perte tanδ en fonction de la température pour la matrice et la matrice chargée avec la silice non traitée.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
137
L’évolution du module de conservation G’ en fonction de la température (figure IV-1a) fait
apparaître un renforcement (augmentation du module) sur toute la gamme de température.
Dans le plateau vitreux, de 170K à des températures proches de 250K, le module élastique de
la matrice est proche de 1GPa et celui de la matrice chargée est légèrement supérieur
(1.6GPa). Dans le domaine de température associé à la relaxation principale α, on constate
que la chute de module associée à cette relaxation est centrée sur exactement la même
température pour les deux matériaux. Cette chute du module élastique est accompagnée d’un
pic pour le module de perte et pour le facteur de perte (figure IV-1 b, c). Dans le plateau
caoutchoutique, le module de la matrice en présence de charge est beaucoup plus élevé qu’en
l’absence de celle-ci. A titre d’exemple, à 300K le module élastique est de l’ordre de 0.7 MPa
pour la matrice et de 9.5 MPa pour le matériau chargé.
Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, le renforcement mécanique (en terme de module)
est lié à la présence de la phase rigide (effet hydrodynamique) et aux interactions entre les
charges (agglomération) et entre la charge et la matrice (polymère lié). Pour rendre compte de
l’effet hydrodynamique, on peut utiliser le modèle de Guth et Goldi. En utilisant un taux de
charge de 20%, cette expression sous estime largement le module mesuré à 300K (1.5 MPa
pour 9.5 MPa mesuré expérimentalement).
Les mesures de polymère lié (chapitre I) permettent de caractériser la quantité de polymère en
forte interaction avec la surface de la charge. Dans le cas de la silice non traitée, la quantité de
polymère lié représente 0.8g/1gramme de silice ce qui correspond à 40 % de la matrice. Une
telle fraction de matrice immobilisée en surface de la charge dans un état vitreux devrait avoir
une influence sur la température de transition α mais nous n’avons pas mis en évidence un tel
effet (cf. Figure IV-1c). On peut toutefois considérer l’effet du polymère lié par le biais d’un
taux de charge effectif. L’hypothèse la plus extrême considère tout le polymère lié sous la
forme d’une coquille autour de la charge, le taux de charge effectif passe alors de 50phr
(20%vol) à 145phr (58%vol). Malgré cette hypothèse sévère, la valeur estimée est toujours
inférieure à la valeur expérimentale (5,2 MPa). Il apparaît donc que l’effet hydrodynamique
même corrigé d’une couche de polymère lié à l’état vitreux, ne permet pas de rendre compte
de la valeur expérimentale du module. Cette dernière remarque implique que la valeur du
module élastique pour ce type de composites ne peut négliger un effet de réseau.
ii Expression de Guth et Gold (IV-1) : G’=G’matrice(1+2.5φ+14.1φ²)
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
138
La valeur du taux de charges choisie dans cette étude est légèrement supérieure au seuil de
percolation. On va d’abord évaluer l’hypothèse d’un réseau de charges résultant uniquement
d’interaction entre les agrégats (charge – charge). En utilisant un modèle 2+1 phases, avec la
matrice en inclusion dans une phase silice continue, on trouve 1.6 GPa, ce qui surestime
largement la valeur expérimentale. En partant du concept de fraction de charges effective,
Klüppel et coll.1 considère la présence de polymère lié à l’état vitreux autour d’un réseau de
charge percolant (pour 50 phr). Le module résultant est obtenu grâce à l’expression (IV-1) :
( ) f
Bf
dd
P dddGG
−
+
⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛ ∆−∆+≅
33
3
23
0
,
62' φ (IV-1)
où GP est le module du cluster de charge qui peut être choisi égal à 1 GPa (valeur de module
de la matrice vitreuse), d la taille de la particule (9nm) et ∆ l’épaisseur de la couche de
polymère lié, df,b la dimension fractale du squelette (proche de 1, cf. chapitre III), et df la
dimension fractale des agrégats (égale à 2 cf. chapitre III), entraînant une dépendance en
puissance 4 (pour cette silice). Ce modèle surestime également la valeur expérimentale, en
donnant une trop grande importance au module du cluster de charge et en considérant que
l’ensemble du polymère lié possède les mêmes caractéristiques mécaniques que le cluster. De
plus le terme relatant la présence de polymère lié ne peut dépasser la valeur de 5 (épaisseur
maxi 3.67) en tenant compte de 0.2%vol de silice. Des valeurs supérieures impliqueraient des
fractions supérieures à 100% de composite ayant un module Gp. Dans notre cas (mélange Si),
ce terme est égal à 8 pour une épaisseur de polymère lié de 5nm. Les valeurs calculées sont
donc fausses.
Finalement, la valeur du module élastique mesurée pour ce système élastomère-silice non
traitée implique vraisemblablement un effet de réseau, mais ce réseau ne serait pas constitué
uniquement de liaisons directes charge-charge. En outre, l’existence d’une couche de
polymère vitreux, assurant le transfert de contrainte entre les différentes charges est souvent
évoqué pour expliquer le renforcement2. Le réseau serait dans ce cas formé d’agglomérats de
silice liés entre eux par une couche de polymère lié.
Par la suite et afin de valider notre hypothèse de réseau mixte (charge-polymère lié-charge),
nous allons nous intéresser à l’évolution du module lors de balayages en déformation,
autrement appelé effet Payne.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
139
IV.2.2 Viscoélasticité non linéaire : effet Payne
Les courbes présentées dans cette partie montrent la dépendance de la réponse mécanique du
matériau sollicité à taux de déformation croissante à température ambiante (300K). Le
protocole de déformation décrit, dans le chapitre II, comprend 2 balayages en
déformation croissante de γ ≈ 1.10-4 à γ ≈ 1.
Lors du premier comme lors du deuxième balayage, on observe pour le matériau chargé un
comportement typique de l’effet Payne (chute du module élastique G’ et maximum du module
de perte G’’). Un tel comportement est absent pour la matrice (ou non significatif) (cf. figure
IV-2). On peut noter sur la figure IV-2a que la différence essentielle entre le 1er et le 2ième
balayage se situe au niveau de la valeur du module initial. On appellera par la suite G’0-1 et
G’0-2 les deux modules initiaux correspondants respectivement au premier et au deuxième
balayage en déformation.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
140
1E-3 0.01 0.1 10.0
2.0x106
4.0x106
6.0x106
8.0x106
1.0x107
1.2x107
1.4x107
G'oo
G'0-2
G'0-1
Si : 1er balayage en déformation Si : 2ieme balayage
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
M : matrice 1er balayage en déformation M : matrice 2ieme balayage
a)
1E-3 0.01 0.1 10.0
5.0x105
1.0x106
1.5x106
2.0x106
2.5x106
G'max-2
G''max-1
Mod
ule
de p
erte
, G'' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
M : 1er balayage en déformation M : 2ieme balayage Si : 1er balayage en déformation Si : 2ieme balayage
b)
1E-3 0.01 0.1 1
0.15
0.20
0.25
0.30
0.35
0.40
Fact
eur d
e pe
rte, t
anδ
Déformation, γ (mm/mm)
M : 1er balayage en déformation M : 2ieme balayage Si : 1er balayage en déformation Si : 2ieme balayage
c)
Figure IV-2 : a) Module élastique, b) Module de perte, c) facteur de perte, de l’échantillon Si en fonction de la déformation
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
141
Le deuxième balayage montre une non-linéarité (associée à la chute de G’0 à G’∞) moins
importante et un module final (G’∞) quasi identique.
Il faut souligner à ce stade que la notion de module infini est assez mal adapté dans le cas de
nos résultats. En effet, il n’y a pas de plateau net et les valeurs de module G’ chutent
régulièrement. Nous avons donc utilisé dans un premier temps la déformation maximale
appliquée pour déterminer G’∞ (déformation égale à 1). Or, cela conduit à des valeurs
inférieures à celles estimées grâce à l’expression de Guth et Gold (cf. figure IV-3). On peut
donc s’interroger sur l’origine de cette valeur anormalement faible.
En fait, notre estimation de G’∞ peut paraître arbitraire puisqu’il est visible sur les courbes
figure IV-2 que le module G’ ne présente pas de plateau au maximum de la déformation testée
mais qu’au contraire il continue à décroître lentement. Cette décroissance est d’ailleurs
quasiment linéaire avec le logarithme du taux de déformation, lorsque la déformation dépasse
les 20%. En outre, on verra par la suite que cette décroissance est similaire quel que soit le
traitement appliqué à la silice. Elle est également similaire à celle mesurée avec la matrice
SBR renforcée par la même quantité de noir de carbone (N234) (cf. Figure IV-3). Cette
décroissance ne semble donc pas dépendre des interactions charge-matrice.
0.01 0.1 10
1x106
2x106
3x106
4x106
5x106
6x106
7x106
8x106
9x106
1x107
1x107
G'oo/o.2 à γ=0.2
Module selon Guth et Gold (20 vol%)
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
Mélange Si (50phr) Mélange avec Noir de carbone (N234, 50phr)
Figure IV-3 : a) Courbe d’effet Payne en G’ pour l’échantillon Si et pour du SBR renforcé par du noir de carbone
On peut donc douter de la validité de la mesure de module pour les déformations dépassant
20%. D’ailleurs, à ces taux de déformations, l’enregistrement des signaux périodiques de
contrainte et déformation met nettement en évidence la non linéarité de la réponse stabilisée.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
142
Le traitement des données brutes, qui repose toujours sur un formalisme linéaire est alors
discutable. L’application des équations de viscoélasticité linéaire lors des mesures d’effet
Payne a également été discutée par Chazeau et coll.3. Ces auteurs déterminent que la limite de
validité des mesures dynamiques en déformation est de l’ordre de 0.2 (erreur inférieure à
10%). Enfin, si on regarde les données expérimentales, le taux de déformation de 20% conduit
à des valeurs qui sont au-dessus de l’estimation de Guth et Gold (cf. Figure IV-3). Les valeurs
de module final seront donc par la suite, estimées pour une déformation de 0.2 et notées G’∞ /
0 .2 mais les courbes seront tracées avec l’ensemble des données. Avec les valeurs de G’∞/0.2,
l’amplitude de l’effet Payne est donc de 2.4 MPa pour le premier balayage et de 1.9MPa pour
le deuxième balayage.
On choisit de déterminer l’apparition de la non linéarité pour une chute de 5% de l’effet
Payne. Cette perte de linéarité apparaît, pour le premier balayage, pour une déformation
γ≈2.5 10-3 et pour une contrainte de 0.03MPa ; lors du deuxième balayage, elle apparaît pour
une déformation très proche γ≈2 10-3 et une contrainte beaucoup plus faible 0.015MPa. On
constate également que le module de perte est moins important lors du deuxième balayage
(G’’max-1 > G’’max-2). Le facteur de perte tanδ (cf. figure IV-2c) défini comme l’énergie
dissipée au cours d’un cycle sur l’énergie élastique fournie lors d’un quart de cycle présente
un maximum équivalent en intensité mais décalé vers les plus petites déformations (pour le
deuxième balayage γ≈ 2.5 10-2 au lieu de γ≈ 6.7 10-2 pour le premier balayage). Les valeurs
pour les faibles déformations sont plus élevées lors du deuxième balayage alors que le
comportement est identique pour les deux balayages aux déformations après le maximum.
Il apparaît donc des différences notables entre le premier et le deuxième balayage. Il faut
ajouter que malgré les précautions expérimentales prises lors du montage de l’échantillon, les
valeurs de G’0-1 peuvent fluctuer entre différentes éprouvettes d’un même échantillon. A
l’inverse, G’0-2 est très reproductible. De plus, sans avoir cherché à quantifier plus avant ce
phénomène, il apparaît que, même après un temps très long entre les deux balayages, le
module initial G’0-2 ne retrouve pas la valeur initiale G’0-1.
On peut donc avancer qu’en présence de charges, l’application d’un premier balayage
provoque des dégâts irréversibles qui expliquent la chute du module élastique initial (G’0-1 >
G’0-2). Au vu de la littérature, ces phénomènes peuvent être des ruptures des liaisons charge –
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
143
charge au sein des agglomérats, des glissements des points d’adsorption des chaînes sur la
charge (augmentant ainsi leur longueur entre ces points, et donc leurs possibilités
conformationnelles), et/ ou la rupture des chaînes les plus courtes entre les agglomérats.4
Toutefois, à ce stade de la discussion, il n’est pas possible de les différencier. Nous venons de mettre en évidence le rôle de la charge au sein de la matrice. Sa présence
augmente considérablement le module élastique et les phénomènes dissipatifs. L’effet
hydrodynamique des charges ne permet pas de rendre compte de l’augmentation de module
même en introduisant une fraction effective de charges qui tient compte de la fraction de
polymère lié. Par ailleurs, les valeurs de module obtenues ne permettent pas de considérer la
formation d’un réseau percolant de charges. Ainsi, on envisage que la présence de polymère
lié en forte concentration impliquerait la formation d’un réseau percolant de type charge –
polymère lié – charge. Cette couche de polymère lié présenterait différentes mobilités en
fonction de la proximité de la surface de la charge et son rôle du point de vue mécanique
serait fondamental. Par conséquent, en considérant comme nous l’avons observé au cours du
chapitre III les différentes épaisseurs de polymère lié en fonction du traitement de la surface,
il paraît intéressant de comparer les valeurs de module élastique des matériaux
correspondants. On pourra suivre l’évolution du comportement en fonction soit du
recouvrement progressif de la surface de la charge, soit de la taille du traitement à
recouvrement constant.
IV.3 Influence des agents de recouvrement
IV.3.1 Viscoélasticité linéaire
IV.3.1.1 Etude de la relaxation principale
L’influence du traitement de surface de la charge avec un agent de recouvrement AR8 en
quantités variables est décrite par les courbes de la figure IV-4. Dans le plateau vitreux,
indépendamment du taux de traitement de surface utilisé, les valeurs du module G’ restent
identiques, du fait du taux de charges identique pour tous ces mélanges (50 phr). En revanche,
dans le plateau caoutchoutique, les valeurs de module élastique sont sensibles à la présence du
traitement de surface (cf. Figure IV-4a). A une température donnée (300K), on observe que le
module G’ diminue avec le taux d’AR8 (cf. figure IV-4d).
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
144
Pour l’ensemble des mélanges, la température Tα est identique à celle de la matrice avec la
silice non traitée mais le maximum du pic de facteur de perte augmente avec le taux d’AR8.
L’influence d’une couche de polymère à plus faible mobilité pourrait à défaut d’influencer la
température de transition α, étaler la largeur du pic et / ou présenter un deuxième pic de
relaxation dans le plateau caoutchoutique5. De fait, on observe la présence d’un deuxième pic
sur les courbes de tanδ (cf. FigureIV-4c).
150 200 250 300 350 400
1E7
1E8
1E9
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Température (K)
Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
a)
150 200 250 300 350 400
106
107
108
Mod
ule
de p
erte
, G'' (
Pa)
Température (K)
Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
b)
150 200 250 300 350 4000.01
0.1
1
Deuxième pic de relaxation
Relaxation α
Fact
eur d
e pe
rte, t
anδ
Température (K)
Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
c)
0 20 40 60 80 100 120 1402
3
4
5
6
7
8
9
10
Mod
ule
élas
tique
, G' (
MPa
)
AR8 - Taux (%)
d)
Figure IV-4 : a) module élastique G’, b) module de perte G’’, c) facteur de perte, en fonction de la température et d) Module élastique à 300K en fonction du taux de recouvrement
Les aires respectives des deux pics de tanδ ont été estimées après déconvolution. Leurs
valeurs évoluent avec le recouvrement de la surface de la charge (cf. Figure IV-5). Bien que le
pic associé à la relaxation α soit plus intense, la déconvolution (à l’aide de fonctions
gaussiennes), fait apparaître que son aire est plus faible que celle du deuxième pic (qui s’étend
sur une très large gamme de température). Pour le premier pic (relaxation α), on observe une
augmentation de l’aire qui traduit une plus grande mobilité de la matrice polymère dans son
ensemble. On peut aussi tracer l’évolution de cette aire en fonction du taux de polymère lié
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
145
(Figure IV-6). On constate que l’aire du pic varie quasi linéairement avec le taux de polymère
lié pour les échantillons avec agent de recouvrement mais sature pour la silice non traitée. Il
n’est donc pas possible de conclure que la chute de tanδ est due à l’immobilisation du
polymère lié sous la forme d’une couche vitreuse. D’ailleurs des mesures de DSC (présentées
en Annexe 5) indiquent que l’introduction de la charge ne modifie pas non plus la variation
de capacité calorifique (∆Cp) au passage de la transition vitreuse.
On constate que le deuxième pic (non présent pour la matrice seule) augmente avec le taux
d’AR8, c’est à dire lorsque le taux de polymère lié diminue. Il est donc difficile d’associer ce
pic à un phénomène de type relaxation α du polymère lié.
0 20 40 60 80 100 120 140
10
15
20
25
30
Aire
du
pic
de re
laxa
tion
AR8 - Taux (%)
pic de relaxation α pic de relaxation à T
α + 50°C
Figure IV-5 : Aire des pics de relaxations observables sur la courbe de tanδ, en fonction du taux d’AR8
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
146
0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8
9
10
11
12
13125% 0
AR8 - Taux
Aire
du
pic
de tr
ansi
tion
α
Taux de polymère lié (gramme/ 1gramme de silice)
Figure IV-6 : Aire du pic de relaxation alpha en fonction du taux de polymère lié
Pour la série ARn, seuls sont présentés les résultats avec les échantillons AR8 et AR 16,
comparés à la matrice non traitée (FigureIV-7). L’observation de la courbe de module G’ en
fonction de la température conduit aux mêmes conclusions qu’avec la série AR8 : G’ dans le
plateau vitreux est indépendant du traitement de surface, Tα est identique à celle de la matrice
avec la silice non traitée, le maximum du pic α a tendance à augmenter avec la longueur du
silane, un second pic très large est présent et il est lui aussi de plus en plus important avec la
longueur du silane, enfin le module caoutchoutique décroît avec la longueur de la chaîne
alkyl.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
147
150 200 250 300 350 400106
107
108
109
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Température, T(K)
Si AR8 AR16
a)
150 200 250 300 350 400105
106
107
108
Mod
ule
de p
erte
, G'' (
Pa)
Température,T (K)
Si AR8 AR16
b)
150 200 250 300 350 400
0.01
0.1
1
Fact
eur d
e pe
rte, t
anδ
Température, T (K)
Si AR8 AR16
c)
Figure IV-7 : a) module élastique G’, b) module de perte G’’, c) facteur de perte, en fonction de la température pour les deux plus grandes longueurs de spacer (8, 16 carbones) et la silice non traitée
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
148
IV.3.1.2 Analyse du module caoutchoutique
Revenons maintenant à l’évolution des modules dans le plateau caoutchoutique en fonction du
taux d’AR8 (cf. figure IV-4d). La diminution de G’ avec le taux d’AR8 peut être liée à
différents mécanismes (effet hydrodynamique, effet de dispersion, réseau percolant de
charges, polymère occlus…). L’effet de la dispersion et du polymère occlus ne peut pas être
invoqué pour expliquer cette évolution puisque la dispersion est similaire pour tous les
échantillons de cette étude. Dans le cas de la silice non traitée, nous avons proposé que le
niveau de module caoutchoutique soit du à un effet du réseau mixte (charge et couche liante)
car la contribution du polymère lié en terme de volume effectif était insuffisante. Nous avons
vérifié que c’était encore le cas pour les matériaux de la série AR8. Pour ces échantillons,
l’épaisseur de la couche de polymère lié a été estimée en fonction du taux de greffage dans le
chapitre III et varie de 5nm pour la silice non traitée à 1.8nm pour la silice la plus recouverte.
Les valeurs de module estimées par l’équation de Guth et Gold en utilisant un taux de charge
effectif incluant la couche de polymère lié sont rapportées dans le tableau IV-1. Les valeurs
calculées sont toujours inférieures aux valeurs mesurées avec les différents traitements de
surface. Nous avons également vérifié que l’hypothèse d’un réseau de charges percolant qui
surestimait le module du matériau avec de la silice non traitée n’est pas plus adaptée pour les
matériaux AR8. Les résultats obtenus avec le modèle de Klüppel (CCA) sont rapportés dans
le tableau IV-1
Taux de charge
effectif * Echantillons
G’ (MPa)
Mesuré à 300K Masse
(phr) Vol (%)
G’ obtenu par Guth et
Gold ** (MPa)
G’ obtenu par le
modèle CCA
(MPa)
M : matrice 0.7 0 0 0.7 - Taux de charge
réel - 50 20 1.5 1.6
Si 9.5 145 58 5.2 - AR8-25 9.5 103 41 3.2 395 AR8-50 6.8 92 37 2.8 140 AR8-75 6.0 90 36 2.7 120 AR8-100 5.2 83 33 2.5 62.9
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
149
AR8-125 5.0 83 33 2.5 62.9 AR16 3.8 81 33 2.4 53.2
*volume effectif obtenu en considérant la couche de polymère lié en plus du volume initial de charge
** G’=G’matrice(1+2.5φ+14.1φ²) où φ est le taux de charge
Tableau IV-1 : comparaison entre le module G' mesuré et celui obtenu par Guth et Gold en considérant le volume effectif de charge comme étant l'addition du taux de charge initiale 50phr et la couche liante
L’évolution des modules dans le plateau caoutchoutique en fonction de la longueur de la
chaîne alkyle (cf. figure IV-7) montre une tendance similaire. La contribution du polymère lié
(épaisseur 1.7 nm) en terme de volume effectif demeure encore insuffisante. En considérant
ce volume effectif, la valeur obtenue avec Guth et Gold (2.4 MPa) est encore inférieure à la
valeur mesurée(3.8MPa). Cette épaisseur dans l’expression du modèle CCA surestime encore
largement la valeur du module mesuré (53 MPa).
Pour conclure, l’hypothèse mise en avant pour interpréter les mesures de module dans le
plateau caoutchoutique dans le cas de la silice non traitée se trouve étayée. Elle fait intervenir
l’existence d’un réseau mixte charge-polymère-charge, dans lequel il existe des contacts
silice-silice et des interactions silice matrice au sein d’une matrice réticulée. La couche de
polymère lié est un élément de cette microstructure complexe et intervient dans la
transmission des contraintes.
IV.3.1.3 Evolution du module caoutchoutique avec la température
Ainsi, à une température donnée et pour un traitement de surface, la valeur du module G’ est
liée à la réticulation de la matrice et à un état d’équilibre qui reflèterait à la fois les
interactions entre les particules, et les interactions entre la matrice et la charge. Il paraît donc
intéressant d’analyser les variations de module élastique de ces matériaux en fonction de la
température, car celle-ci va modifier la mobilité de la matrice et du polymère lié, sans
modifier outre mesure la morphologie du réseau.
Nous avons calculé l’énergie d’activation associée à la décroissance de G’ avec la
température. L’hypothèse d’une activation de type d’Arrhenius est faite en représentant
ln(G’*273/T)= ln(G’o) –Ea / RT en fonction de 1/T. Cette équation suppose que le module est
directement proportionnel au nombre de sites régi par ce processus Arrhénien. Les énergies
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
150
d’activation Ea sont déterminées en ajustant linéairement la courbe de module élastique
(corrigé de l’effet entropique du réseau (*273/T) dans le plateau caoutchoutique).
Echantillon Energie d’activation (kJ/mol) (±1)
Si 43 Ar8-25 43 Ar8-50 42 Ar8-75 41
Ar8-100 39 Ar8-125 38
AR16 37
Tableau IV-2 : Mesures d'énergie d'activation dans le plateau caoutchoutique
Le calcul des énergies d’activation montre une diminution régulière avec le taux d’AR8 ou
avec la longueur de la chaîne. L’énergie à fournir pour observer une chute du module diminue
donc avec le recouvrement de la charge. Ce phénomène thermiquement activé pourrait être
associé à un changement d’équilibre, progressif avec la température, du ratio de segment de
chaînes adsorbées et désorbées physiquement à l’interface entre la matrice et la charge. Cela
conduirait à une diminution de la quantité de polymère lié par rapport à celle de la matrice.
On peut également envisager l’existence d’un gradient de mobilité du polymère, de la surface
de la charge vers la matrice, à l’origine d’un gradient de rigidité. L’augmentation de la
température conduirait alors à une agitation thermique plus importante capable de
contrebalancer progressivement les contraintes topologiques induites par la multiadsorption
des chaînes à la surface des charges. Ces deux mécanismes diffèrent par leur localisation dans
la couche de polymère lié. Le premier fait d’abord intervenir les contacts matrice-charge (i.e.
les sites d’adsorption), le second la frontière entre la matrice et le polymère à mobilité réduite.
Ils restent difficiles à distinguer du fait de la faible épaisseur de polymère concernée
(quelques nm).
IV.3.1.4 Conclusion - modèle de morphologie
L’ensemble des résultats permet donc maintenant de proposer un modèle de morphologie
pour nos matériaux. De manière globale, on peut voir le matériau comme un ensemble
d’agrégats reliés par des liaisons fortes (type hydrogène) et des liaisons faibles avec le
polymère lié. Du fait de l’absence de réseau percolant silice-silice, on peut raisonnablement
décrire la structure de charges comme un assemblage de sous-structure (agrégats liés par des
liaisons fortes) reliés par du polymère lié (cf. Figure IV-8). Par la suite, nous utiliserons la
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
151
notation réseau (S-PL-S) pour désigner cette structure. L’épaisseur de la couche de polymère
lié diminuant avec la présence croissante du greffage permet d’expliquer en grande partie la
chute de rigidité mesurée dans le domaine linéaire pour les matériaux avec agents de
recouvrement. De plus, en augmentant la température, l’épaisseur de la couche de polymère
lié diminue (soit par desadsorption, soit du fait de l’agitation thermique plus importante) et
conduit à la rupture d’un certain nombre de liens entre les sous structures (sans modifier la
rigidité de la sous-structure) d’où une chute de module (cf. Figure IV-9).
Il est important de rappeler que la réticulation de la matrice proche de la charge est
légèrement modifiée en présence du traitement de surface. De plus, comme le montre la figure
IV-8, la rigidité des agglomérats peut également être influencée par la présence du greffage.
On peut supposer que les contacts charge-charge subsistent en nombre égal (même
dispersion) en présence du greffage mais localement, l’intensité des interactions tendrait à
diminuer. Toutefois, dans le domaine de très petites déformations (comportement
viscoélastique), les agglomérats ne seraient que peu sollicités, la déformation agirait
principalement sur les liaisons entre les agglomérats par le biais de la couche de polymère lié.
Matrice réticulée
Silice avec et sans
greffage
Polymère lié
Aggrégat
OHOH
OH
OHOH
OH
OH
OH
RR
R
ROH
OH
OH
Figure IV-8 : Schéma du réseau impliquant des agglomérats de charges et une couche de polymère lié en fonction du traitement de surface : l’utilisation des agents de recouvrement conduit à une diminution de l’épaisseur de polymère lié ce qui limite la rigidité du réseau S-PL-S. Au sein d’une sous structure, le greffage peut modifier l’intensité des interactions charge-charge.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
152
Matriceréticulée
Silice avec
greffage
Polymère lié
OH
RR
R
ROH
OH
OH
OH
RR
R
ROH
OH
OH
Figure IV-9 : Schéma du réseau impliquant des agglomérats de charges et une couche de polymère lié en fonction de la température : l’épaisseur de la couche de polymère diminue et réduit le nombre de contacts entre sous-structures
En d’autres termes, les déformations mises en jeu dans le domaine linéaire n’engendreraient
pas de réelle modification des sous-structures du composite. Des déformations plus
importantes devraient générer des changements dans l’organisation des agglomérats et dans
l’épaisseur ou la rigidité de la couche de polymère les reliant. D’ailleurs dans le cas de la
silice non traitée, les mesures d’effet Payne lors des deux déformations ont déjà fait apparaître
de nombreux mécanismes (réversibles et irréversibles) dont certains mettaient en jeu
directement les interactions charge-matrice. C’est pourquoi il paraît particulièrement
intéressant d’étudier de manière approfondie l’effet Payne des matériaux avec agent de
recouvrement.
IV.3.2 Viscoélasticité non linéaire
IV.3.2.1 Premier balayage en déformation :effet sur le module initial
Comme dans le cas de la silice brute, nous avons réalisé lors des essais deux balayages
successifs. Les résultats sont illustrés par la Figure IV-10 pour quelques matériaux de la série
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
153
AR8 (Figure IV-10a) et ARn (Figure IV-10b). Ces courbes sont représentatives de l’ensemble
des données expérimentales obtenues, certains matériaux ont été omis par souci de lisibilité.
1E-3 0.01 0.1 10.0
2.0x106
4.0x106
6.0x106
8.0x106
1.0x107
1.2x107
1.4x107
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
1er balayageen déformation
Si AR8-25 AR8-75 AR8-125
2ièmebalayage Si AR8-25 AR8-75 AR8-125
a)
1E-3 0.01 0.1 10.0
2.0x106
4.0x106
6.0x106
8.0x106
1.0x107
1.2x107
1.4x107
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
1er balayage en déformation
Si AR1 AR8 AR16
2ième balayage Si AR1 AR8 AR16
b)
Figure IV-10: Influence du premier et du deuxième balayage en déformation sur les valeurs de G’, a) pour différents taux d’AR-8, b) pour différentes longueurs de chaînes alkyles.
Les observations faites pour la silice non traitée sont donc confirmées. On observe une chute
marquée de G’0 entre les deux balayages et une apparition de la non linéarité pour des
déformations plus faibles lors du deuxième balayage. En ce qui concerne G’∞, on observe
toujours que les valeurs chutent en dessous de l’estimation de Guth et Gold. Pour des
déformations égales à 0.2, on constate que les différences de G’∞ / 0.2 entre premier et
deuxième balayage sont faibles. Afin de comparer les différents matériaux, les courbes de la figure IV-11 montrent la
différence entre les deux modules initiaux G’0-1 et G’0-2. La différence entre ces deux
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
154
grandeurs (G’0-1 - G’0-2 ) est tracée en fonction des taux d’AR8 introduits (cf. figure IV-11a).
Les courbes en fonction de la longueur des chaînes alkyles sont présentées figure IV-11b.
Comme déjà évoqué au paragraphe IV-1.1.2, on observe une grande sensibilité à la première
déformation pour la silice non traitée. La différence entre les deux modules est sensible à la
présence du greffage mais ne semble pas dépendre de la quantité introduite et de la taille de
celui-ci. Les valeurs de ∆G’∞ / 0.2 (non présentées), correspondant à la différence de valeurs de
G’∞ / 0.2 entre les deux balayages en déformation, se situent entre 0.5MPa pour la silice non
traitée et 0.2 et 0.1 MPa en présence de greffage. Elles évoluent de la même manière que
∆G’0.
0 20 40 60 80 100 120 1400
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
Mod
ule
élas
tique
initi
al, G
' O (M
Pa)
AR8 - Taux (%)
G'0-1 G'0-2 ∆G'0
a)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 180
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
Mod
ule
élas
tique
initi
al, G
' O (M
Pa)
ARn, Longueur de la chaîne alkyle (nC)
G'0-1 G'0-2 ∆G'0
b)
Figure IV-11: Influence de la première déformation sur le module élastique initial G’0 a) en fonction du taux d’ AR-8, b) en fonction de la longueur de la chaîne alkyle (ARn)
Comme le greffage ne semble pas le paramètre prépondérant, on peut s’interroger sur la
différence qui existe entre d’une part les silices traitées et d’autre part la silice non traitée.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
155
Nous avons réalisé des essais avec le même protocole sur des mélanges crus (non réticulés).
L’endommagement prématuré de ces mélanges ne permet pas d’appliquer des déformations
aussi importantes : les balayages en déformation ne dépassent pas pour ces échantillons γ ≈
0.04 (au lieu de 1). On observe des différences, par rapport aux systèmes réticulés, en terme
de chute de module initial G’01-G’02. Cette chute de module n’est pas observable dans le cas
des mélanges avec la silice greffée (où la contrainte maximale imposée est de l’ordre de
0.1MPa). A l’opposé, une chute du module (G’01-G’02) est observable pour la silice brute mais
cette fois les contraintes intervenant sont deux fois plus importantes (0.2 MPa). Ces
observations suggèrent que les niveaux de contrainte atteints lors du premier balayage sont
déterminants.
Nous avons donc calculé les contraintes mises en jeux durant le premier balayage pour les
différents systèmes ( figure IV-12). Ces courbes montrent que le mélange chargé avec la silice
non traitée subit une contrainte plus importante que l’ensemble des mélanges avec les silices
greffées. Lors du premier balayage en déformation, un certain nombre de ruptures de liaisons
silice-silice se produiraient au sein des sous structures (cf. figure IV-8). La restauration de ces
agglomérats est très lente et quasi-impossible dans les temps de l’expérience. Lors des
balayages en déformation suivants, la contribution de ces sous-structures au module global du
matériau se trouvent atténuée.
1E-4 1E-3 0.01 0.1 1
0.0
2.0x105
4.0x105
6.0x105
8.0x105
1.0x106
Con
train
te (P
a)
Déformation en cisaillement, γ (mm/mm)
Si Ar8-25 Ar8-50 Ar8-75 Ar8-100 Ar8-125
a)
1E-4 1E-3 0.01 0.1 1
0.0
2.0x105
4.0x105
6.0x105
8.0x105
1.0x106
Con
train
te (P
a)
Déformation en cisaillement, γ (mm/mm)
Si AR1 AR3 AR8 AR16
b)
Figure IV-12: Contrainte appliquée pendant la première déformation, a) pour différents taux d’AR-8, b) pour des silanes de différentes longueurs.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
156
Bien que la chute de module (G’0-1- G’0-2 ) soit constante quel que soit le taux d’AR8 et la
longueur de chaînes alkyles (spacer), une évolution (identique) de G’0-1 et G’0-2 avec ces deux
paramètres est néanmoins observable. Nous avons donc représenté ces évolutions en fonction
des mesures de polymère lié (cf. figure IV-13). On retrouve bien, sur cette représentation la
différence entre premier et deuxième balayage (écart pour un matériau donné entre symboles
ronds et carrés). Cette différence correspond à la contribution des mécanismes non réversibles
mis en jeu lors du premier balayage. Dans le cas du deuxième balayage (symboles ronds), la
courbe montrent une quasi-linéarité dans le cas du recouvrement progressif de la silice par
l’agent de recouvrement AR8 ainsi que pour les différents agents de recouvrement de la série
ARn. Cette linéarité confirme l’importance du polymère lié dans le mécanisme réversible
d’effet Payne. Une exception à la linéarité est observable pour le mélange AR16 mais, comme
nous le verrons par la suite, ce dernier montre lors de la première déformation un
endommagement conséquent dès les déformations supérieures à 0.1.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
157
0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.93
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
Taux 0% à 125%
Mod
ule
élas
tique
, G' (
MP
a)
Polymère lié (g/g de silice)
Mélanges Série AR8 G'0-1 G'0-2
a)
0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,81
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
Fort endommagement après le 1erbalayage
Longueur de chaîne alkyle nC 0 à 16
Mod
ule
élas
tique
, G0'(
MP
a)
Polymère lié (g/g silice)
Mélanges série ARn G'0-1 G'0-2
b)
Figure IV-13 : évolution des modules initiaux en fonction du taux de polymère lié, a) série AR8, b) série ARn
Pour résumer, lors de la première déformation, les mesures d’effet Payne implique la rupture
d’une partie des liaisons charge-charge qui assurent la cohésion des sous-structures du réseau
(S-PL-S). Ces ruptures sont à l’origine de la chute (G’0-1- G’0-2 ) et dépendent du niveau de
contrainte appliquée au matériau. Après la première déformation, et pour toutes les
déformations ultérieures (si la contrainte maximale appliquée ne change pas), l’influence du
polymère lié devient prépondérante sur la valeur du module initial (G’0-2).
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
158
IV.3.2.2 Premier balayage en déformation : effet sur le facteur de perte
La figure IV-14 présente les courbes de tanδ obtenues lors du premier (symboles pleins) et du
deuxième balayage (symboles creux) pour différents systèmes avec agent de recouvrement
AR8 (FigureIV-14a) et ARn (FigureIV-14b). Là encore, certains matériaux ont été omis par
souci de lisibilité. Le nombre élevé de courbes permet de faire ressortir les tendances fortes en
terme de dissipation d’énergie.
1E-4 1E-3 0.01 0.1 1
0.15
0.20
0.25
0.30
0.35
0.40
1er balayage en déformation Si AR-25 AR-75 AR-125
2ieme balayage Si AR-25 AR-75 AR-125
tanφ
Déformation, γ (mm/mm)
a)
1E-4 1E-3 0.01 0.1 1
0.10
0.15
0.20
0.25
0.30
0.35
0.402ième balayage
Si AR1 AR8 AR16
1er balayage en déformation Si AR1 AR8 AR16
Tan
φ
Déformation, γ (mm/mm)
b)
Figure IV-14 : influence du premier balayage et du deuxième balayage sur les valeurs du facteur de perte, a) série AR8, b) série ARn
Tout d’abord, on observe systématiquement un niveau de tanδ plus élevé aux très faibles
déformations lors du deuxième passage. Or l’application d’une première déformation
provoque des dégâts irréversibles qui conduisent à la chute de G’0. La réponse du matériau
présente lors du balayage suivant un comportement où la composante visqueuse du module
serait plus importante (rappelons que le facteur de perte est le rapport de G’’/G’).
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
159
Lors du deuxième balayage, le pic de tanδ semble décalé vers les plus faibles déformations.
On pourrait croire que la non-linéarité est plus précoce. En fait, la superposition des courbes
pour les grandes déformations indique qu’il n’en est rien. La chute de module mesurée lors du
premier balayage est la conséquence à la fois du mécanisme responsable de la chute de
module observée lors du deuxième balayage, et d’une modification progressive et irréversible
de la structure du réseau induite par l’augmentation, à chaque incrément de déformation, du
niveau de contrainte maximal que voit le matériau.
Aux plus grandes déformations, on observe pour certains matériaux (AR8-100 et AR8-125,
AR16) un plateau voire une remontée du facteur de perte indiquant l’apparition d’un nouveau
mécanisme dissipatif. Il est observé sur les deux balayages, il est donc réversible à l’échelle
du temps de notre expérience. On l’attribue à l’apparition d’un endommagement car comme
nous le verrons dans le chapitre V, il se manifeste en traction sous la forme de cavitations. Ce
dernier point suggère que le matériau présente dans ce cas un comportement fortement non-
linéaire au cours d’un cycle de sollicitation. Les valeurs de modules et de tan δ qui en sont
déduites sont alors à discuter avec précautions.
En conclusion, les observations faites en terme de dissipation étayent l’hypothèse proposée
précédemment. Lors du 1er balayage en déformation, on observe, en même temps que le
phénomène qui sera observé lors du deuxième balayage, un phénomène assimilable à l’effet
Mullins résultant de la destruction des agglomérats de silice (ou sous structures) au sein du
réseau (S-PL-S). Ce phénomène met donc principalement en jeu des aspects irréversibles. On
remarque qu’il est plus sensible à l’état de contrainte appliquée qu’au traitement de surface.
Cela suggère qu’au niveau du contact, il suffit de greffer une molécule silane pour diminuer la
rigidité de la sous-structures.
Lors du deuxième balayage, la chute de module est cette fois uniquement associée aux
modifications des interactions entre les sous structures par le biais du polymère lié, ce qui
explique la réversibilité. C’est ce que nous choisirons d’appeler Effet Payne dans la suite de
ce travail. Cette modification pourrait être le résultat d’une désadsorption des chaînes du
polymère lié sous l’effet de la contrainte. Cela conduirait ainsi à une mobilité plus grande de
ce polymère (à la fois par une diminution directe du nombre de sites d’ancrage et par la
libération des enchevêtrements piégés par ces sites) et donc à une diminution de la rigidité du
lien entre sous structure. Une seconde hypothèse serait que l’apport d’une énergie mécanique
permettrait l’activation thermomécanique de la relaxation principale des chaînes du polymère
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
160
lié, dont la mobilité serait graduellement de plus en plus faibles lorsqu’on se rapproche de la
surface de la charge. Il faut noter que l’effet Payne est parfois suivi de l’apparition d’un autre
phénomène, également réversible, mais plus fortement dissipatif, qui serait du à une
désadhésion totale (après désadsorption progressive ou affaiblissement progressif de la
couche de polymère lié) entre certaines surfaces de charges et la matrice. La friction entre les
surfaces ainsi créées serait alors responsable de la forte dissipation mesurée au cours du cycle
de mesure.
Finalement les mesures faites lors des deux balayages permettent d’observer pour un même
échantillon de manière différente la contribution des agglomérats de charge et des interactions
charge matrice. Beaucoup d’auteurs ne considèrent que la première déformation lors de
l’analyse de l’effet Payne et donc l’interprètent en terme de désagglomération. Lors de la
première déformation la sous structure (interactions charge-charge) évolue avec la
déformation. Afin de mieux comprendre la contribution du polymère lié lors de l’effet Payne,
la suite de ce chapitre se focalisera sur le deuxième balayage en déformation.
IV.3.2.3 Effet Payne : effet du taux d’agent de recouvrement Les courbes de la figure IV-15a, montrent l’évolution de G’ au cours du deuxième balayage
en déformation. La figure IV-15b permet d’apprécier l’évolution du module initial (G’0), du
module infini (G’∞ / 0.2) et de l’amplitude d’effet Payne (G’0 - G’∞ / 0.2) en fonction du
recouvrement de la surface pour la série de mélange (AR8).
1E-4 1E-3 0.01 0.1 10
1x106
2x106
3x106
4x106
5x106
6x106
7x106
8x106
Mod
ule
G' (
Pa)
Déformation (mm/mm)
Si Ar8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
a)
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
161
0 20 40 60 80 100 120 140
1x106
2x106
3x106
4x106
5x106
6x106
7x106
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
AR8 - Taux (%)
G'0 G'oo / 0.2 ∆G'
b)
Figure IV-15 : a) Module élastique en fonction de la déformation, b) Module élastique initiale G’0 et infini G’∞ / 0.2 en fonction du recouvrement (AR8)
Lorsque le taux d’AR8 augmente (c’est à dire lorsque le taux de polymère lié diminue) et ce
jusqu’à la valeur de recouvrement de 75%, on constate que le module initial diminue
fortement. Pour le taux supérieur, le module initial G’0 n’évolue quasiment plus. Par contre, le
module infini G’∞ / 0.2 n’est que peu sensible aux traitements de surface. Il chute légèrement
avec le recouvrement et se stabilise à une valeur très proche de l’estimation de Guth et Gold.
L’évolution de l’amplitude de l’effet Payne avec le recouvrement progressif de la surface de
la silice est donc essentiellement liée à l’évolution de la valeur du module initial. La chute du
module est d’autant plus marquée que la valeur de polymère lié est grande et contribue à la
rigidité initiale du réseau S-PL-S. L’effet Payne serait donc du à l’effet de la diminution des
transferts de contraintes entre sous structures, par augmentation locale de la mobilité du
polymère lié.
Apparition de la non-linéarité
Ensuite, on peut évaluer l’influence du recouvrement sur l’apparition de la non linéarité. Les
valeurs de la déformation et de la contrainte correspondant à une perte de linéarité de 5% sont
représentées en fonction du taux de recouvrement sur la figure IV-16. Compte tenu de
l’imprécision sur la mesure (± 5 10-4), la déformation à partir de laquelle commence la chute
de module G’, est comprise entre 1.5 10-3 et 2.2 10-3 et ne présente pas d’évolution
significative en fonction du recouvrement. La contrainte de perte de linéarité (pour laquelle la
précision est évaluée à ± 1500 Pa) diminue considérablement avec la présence de greffage et
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
162
l’augmentation de celui-ci. La non-linéarité commencerait pour des valeurs proches en
déformation mais des contraintes différentes.
1E-3 0.01 0.1
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Nor
mal
isat
ion
(G' -
G' oo
)/(G
' 0 - G
' oo)
Déformation, γ (mm/mm)
Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
a)
0 20 40 60 80 100 120 1400.0000
0.0005
0.0010
0.0015
0.0020
Chute d'effet Payne de 5%
AR8 - Taux (%)
Déf
orm
atio
n (m
m/m
m)
6000
8000
10000
12000
14000
16000
Con
train
te (P
a)
b)
Figure IV-16 : a) courbes de module élastique normées, b) déformation et contrainte de perte de linéarité (5% d’amplitude d’effet Payne)
Aspects dissipatifs
La figure IV-17 montre les courbes du module de perte et du facteur de perte en fonction de la
déformation pour la série AR8.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
163
1E-4 1E-3 0.01 0.1 1
2.0x105
4.0x105
6.0x105
8.0x105
1.0x106
1.2x106
1.4x106
1.6x106
1.8x106
Mod
ulus
G'' (
MPa
)
Deformation, γ (mm/mm)
Si Ar8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
a)
1E-3 0.01 0.1 1
0.20
0.25
0.30
0.35
0.40
0.45
fact
eur d
e pe
rte, t
an δ
Déformation, γ (mm/mm)
Si Ar8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
b)
Figure IV-17 : a) Module de perte G’’, b) facteur de perte, en fonction de la déformation
Le module G’’ présente un pic centré sur une déformation proche de 0.01 pour l’ensemble des
matériaux. Son maximum chute avec le recouvrement de la charge. Comme dans le cas du
module G’, les mesures montrent un phénomène de saturation pour les forts taux de
recouvrement, à partir des taux supérieurs à 100% (IV-17a). Il existe donc une forte
corrélation entre les aspects dissipatifs de l’effet Payne et la quantité de polymère lié (donc le
recouvrement de la surface).
Les courbes de facteur de perte des différents matériaux sont présentées figure IV-17b. Les
valeurs de tan δ sont comprises entre 0.2 et 0.25 aux très faibles déformations. Le maximum
de facteur de perte tan δ apparaît pour une déformation équivalente γ=0.02 pour l’ensemble
des matériaux. On n’observe pas de tendance nette au niveau de la valeur maximale de tan δ.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
164
Après le maximum du pic, le facteur de perte décroît pour les mélanges avec la silice non
traitée et pour les faibles valeurs de recouvrement (25 et 50%) alors qu’il réaugmente pour les
recouvrements plus importants. Pour AR8-75 cette forte dissipation commencerait pour une
déformation γ≈ 0.146 et une contrainte de 0.32MPa. Pour les mélanges AR8-100 et AR8-125,
elle se manifeste plus précocement pour une déformation γ≈ 0.08 correspondant à une
contrainte 0.13MPa. Le mécanisme associé à cette manifestation de dissipation d’énergie a
lieu de manière significative pour les échantillons où les taux de polymère lié sont les plus
faibles (les taux de greffage les plus élevés). Il intervient suite à l’effet Payne, qui
correspondrait à la diminution de la quantité de polymère lié assurant la connexité du réseau
renforçant. On associe donc cette manifestation à un phénomène de friction des chaînes sur la
surface de la charge, cela étant d’autant plus fréquent que le nombre de sites d’absorption à la
surface est plus faible. A noter que les mêmes mécanismes à l’interface conduiraient, pour
une sollicitation en traction, à l’apparition d’endommagement sous la forme de cavitation.
En conclusion, le recouvrement progressif de la surface par un agent de recouvrement (AR8)
conduit à une diminution de l’effet Payne, i.e. principalement due à la chute du module initial.
Cette chute serait due à la « mobilisation » progressive de la couche de polymère lié assurant
le contact entre deux sous-structures. Pour les plus grandes déformations, un phénomène
d’endommagement est observable et ce dernier est exacerbé avec les forts taux de
recouvrement de la surface (100% et 125%).
L’utilisation de molécules de différentes tailles à recouvrement constant conduit également à
une diminution du taux de polymère lié. Nous allons donc maintenant examiner si l’on
observe les mêmes conséquences sur l’effet Payne.
IV.3.2.4 Effet Payne : effet de la longueur de l’agent de recouvrement Comme précédemment, les courbes présentées par la figure IV-18 décrivent l’évolution du
module G’ pour le deuxième balayage en déformation.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
165
1E-3 0.01 0.1 10
1x106
2x106
3x106
4x106
5x106
6x106
7x106
8x106
Si Ar1 Ar3 Ar8 Ar16
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
déformation, γ (mm/mm)
a)
0 2 4 6 8 10 12 14 16
1
2
3
4
5
6
7
Mod
ule
élas
tique
, G' (
MP
a)
ARn - Longueur de la chaîne alkyle (nC)
G'0 G'oo /0.2 ∆G'
b)
Figure IV-18 : a) Module élastique en fonction de la déformation, b) Module élastique initiale G’0 et infini G’∞ / 0.2 en fonction du recouvrement (AR)
On observe des tendances tout à fait similaires à celles observées pour la série AR8 : lorsque
la longueur de l’agent de recouvrement augmente, l’amplitude de l’effet Payne diminue par
diminution du module initial alors que la valeur de G’∞ / 0.2 est quasi identique. Par contre, le
phénomène de saturation de l’amplitude de l’effet Payne pour les forts taux n’apparaît pas (cf.
figureIV-15b). Cela pourrait être attribué à l’effet plastifiant lié à la présence d’AR16 au sein
de la matrice.
La figure IV-19 décrit la perte de linéarité, en contrainte et en déformation, en fonction de la
longueur de la chaîne alkyle. La linéarité cesse pour des déformations du même ordre que
celles mesurées pour les échantillons AR8, comprises entre 2 10-3 et 2.5 10-3 (± 5 10-4). On
constate également la même évolution de la contrainte à appliquer pour observer la perte de
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
166
linéarité. On retrouve donc, comme pour la série AR8, que l’effet Payne est plutôt dépendant
de la déformation. Une manière de le vérifier est de tracer les courbes de chute de module
normalisé par rapport à l’écart maximum de module (Figure IV-19a).
1E-3 0.01 0.1
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Nor
mal
isat
ion
(G' -
G' oo
)/(G
' 0 - G
' oo)
Déformation, γ (mm/mm)
Si AR1 AR3 AR8 AR16
a)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 180.0000
0.0005
0.0010
0.0015
0.0020
0.0025
Chute d'effet Payne de 5%
AR - longueur de chaîne alkyle (nC)
défo
rmat
ion
(mm
/mm
)
8000
9000
10000
11000
12000
13000
14000
15000
Con
train
te (P
a)
b)
Figure IV-19 : a) courbes de module élastique normées, b) déformation et contrainte de perte de linéarité (0.05*∆G’)
Aspects dissipatifs
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
167
1E-3 0.01 0.1 1
2.0x105
4.0x105
6.0x105
8.0x105
1.0x106
1.2x106
1.4x106
1.6x106
1.8x106
Mod
ule
de p
erte
, G'' (
Pa)
déformation, γ (mm/mm)
Si AR1 AR3 AR8 AR16
a)
1E-4 1E-3 0.01 0.1 10.15
0.20
0.25
0.30
0.35
0.40
Fact
eur d
e pe
rte, t
anδ
déformation, γ (mm/mm)
Si AR1 AR3 AR8 AR16
b)
Figure IV-20 : a) Module de perte G’’, b) facteur de perte, en fonction de la déformation.
Comme représenté sur les courbes de la figure IV-20, le pic de G’’ est centré sur une
déformation de 0.01 alors que celui de tan δ apparaît pour une déformation proche γ=0.02.
Ces déformations sont identiques pour l’ensemble des matériaux (comme pour la série AR8).
Les valeurs de G’’ et de tan δ montrent un maximum qui diminue avec la longueur de la
chaîne, sans effet de saturation.
Dans le cas d’AR16, le pic de G’’ devient quasi inexistant et la valeur de G’’ reste identique à
celle observée pour les plus petites déformations. Suite à cette observation, on pourrait
conclure que l’allongement du spacer (chaîne alkyle) permet de diminuer voir supprimer les
effets dissipatifs associés à l’effet Payne. Toutefois, les agents qui présentent un spacer de
longueur élevée conduisent également à l’apparition du deuxième effet dissipatif aux plus
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
168
grandes déformations (cf. figure IV-20b). Dans le cas de l’AR16, on constate que ce
deuxième effet devient prédominant : la dissipation est quasiment continûment croissante. On
retrouve que la deuxième manifestation de dissipation d’énergie a lieu de manière
significative pour les échantillons où les taux de polymère lié sont les plus faibles. Nous
avons proposé que les mécanismes associés à cette dissipation d’énergie soient des
frottements à l’interface matrice-charge créée après désadsorption ou relaxation du polymère
initialement lié. Cet ‘endommagement’ se manifeste pour une déformation γ≈ 0.146 et une
contrainte de 0.32MPa dans le cas de l’échantillon AR8. Pour AR16, la déformation et la
contrainte diminuent encore γ≈0.05 et la contrainte vaut 0.09MPa. D’ailleurs, si on compare
la courbe de tanδ de l’AR16 à celle obtenue pour l’AR8-125 (cf. figure IV-21), on constate
que le mécanisme est plus intense pour l’échantillon AR16. On interprète cet effet par une
désorption des chaînes de la couche de polymère lié facilitée par le plus fort encombrement
stérique d’AR16.
1E-3 0.01 0.1 10.15
0.20
0.25
0.30
0.35
0.40
Fact
eur d
e pe
rte, t
anδ
Déformation, γ (mm/mm)
AR16 AR8-125
Figure IV-21 : Facteur de perte en fonction de la déformation pour les échantillons AR16 et AR125.
Finalement, les observations des courbes de G’’ et de facteur de perte pour les échantillons de
la série ARn permettent de confirmer les conclusions tirées de l’étude des échantillons AR8 à
propos des mécanismes de dissipation d’énergie pour les déformations inférieures à 1.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
169
IV.3.2.5 Conclusion
Nous venons de voir que les deux séries de matériaux avec agent de recouvrement font
apparaître des tendances tout à fait similaires. Tout d’abord, la chute de G’ associée à l’effet
Payne s’observe pour des déformations quasi identiques quels que soient les échantillons. Les
différences viennent principalement de la différence de module initial G’0, ce qui va
conditionner la valeur de la contrainte pour laquelle la non-linéarité va apparaître.
Or comme nous l’avions déjà proposé à la vue des résultats de spectrométrie mécanique, les
valeurs de module initial sont fortement dépendantes de la morphologie complexe de ces
élastomères chargés. Cette morphologie présente différents niveaux d’échelle comme
schématisée sur la figure IV-8. Le polymère lié assure la connexité macroscopique d’un
réseau composé de sous-structures où les liaisons entre agrégats sont des liaisons silice-silice.
Lors d’un premier balayage, de nombreux mécanismes de déformations sont mis en jeu à la
fois de nature réversible (déformation du polymère, réduction de la quantité effective de
polymère lié, i.e. à mobilité réduite) et irréversible (rupture des liaisons silice-silice intra
agglomérats, de chaînes polymères les plus courtes, glissements des sites d’adsorption sur la
surface des charges comme décrit par Boosnstra). Bien évidemment, seul le premier type de
mécanismes permet un recouvrement (de ce fait uniquement partiel) de la valeur du module
initial G’0 entre un premier et un deuxième balayage.
Lors du deuxième balayage, tant que la déformation ne dépasse pas la valeur maximale
appliquée lors du premier passage, les effets sont uniquement de nature réversible. C’est cet
effet que nous appelons effet Payne. L’ensemble des données quantitatives ont été résumées
dans le tableau IV- 3.
• La perte de linéarité est observée pour une déformation équivalente pour l’ensemble
de ces traitements, les contraintes sont alors liées à la valeur de module initial
correspondant.
• L’amplitude de l’effet Payne résulte directement de la variation de module initial, le
module infini est peu sensible au traitement de la surface avec des agents de
recouvrement. Cette variation résulterait d’un mécanisme thermo-mécaniquement
activé au sein du polymère lié. Une première possibilité est une réduction de son
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
170
épaisseur, de la matrice vers la charge. La seconde est une désadsorption progressive à
l’interface charge-matrice. Les deux scénarii conduisent à une mobilité
progressivement plus importante de la matrice au voisinage des charges, dans les
zones assurant la jonction entre sous structures (cf. Figure IV-22). Il faut ajouter que,
pour les faibles recouvrements de silane ou les molécules courtes (AR1 et AR3), ce
mécanisme pourrait être également influencé (limité) par la réticulation hétérogène (cf.
chapitre III).
• Les effets dissipatifs associés à l’effet Payne sont mis en évidence par l’apparition
d’un pic de facteur de perte. Ce pic apparaît pour une déformation identique pour
l’ensemble des échantillons mais son intensité diminue toutefois avec la longueur de la
chaîne alkyle alors qu’il reste relativement stable lorsqu’on augmente le taux d’AR8.
Pour les taux plus faibles de polymère lié (épaisseur de la couche de polymère lié
inférieure à 2nm), on observe l’apparition d’un mécanisme dissipatif aux taux de
déformation plus élevés. Cette forte dissipation correspondrait à la friction aux
interfaces engendrées par la désadsorption totale des chaînes du polymère lié.
Perte effet Payne 5% ∆G’ tanδ, endommagement
Série Echantillons Déformation
(±5 10-4)
Contrainte
(Pa) (±1500)
(MPa) Déformation Contrainte
(MPa)
Si Si 15000 5.3 - -
AR8-25 15000 3.3 - -
AR8-50 3.2 - -
AR8-75 2.5 0.146 0.32
AR8-100
2.35 0.08 0.13
AR8
AR8-125 6000 2.6 0.08 0.13
AR1 14500 4.4 - -
AR3 4.3 - -
AR8 3.8 0.146 0.32
AR16 8000 2.0 0.049 0.09
AR
Con
stan
t ent
re 0
.001
5 et
0.0
020
Tableau IV-3 : bilan pour les échantillons des séries AR8 et AR de la perte de linéarité de 5% et de l'endommagement.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
171
Matriceréticulée
Silice
Polymère lié
Aggrégat
Après le premier balayageen déformation
G’0-2
Durant le deuxième balayageen déformation: effet Payne
Mécanismes irréversibles
Figure IV-22 :Schéma illustrant les mécanismes mis en jeu dans l’effet Payne : sous l’effet de la déformation, la quantité de polymère à mobilité réduite (polymère lié) diminue ce qui limite la rigidité du réseau S-PL-S.
IV.4 Influence de l’agent de couplage
IV.4.1 Viscoélasticité linéaire
La série de mélanges étudiée dans cette partie correspond aux systèmes chargés avec de la
silice traitée avec différents taux d’agent de couplage. Les taux introduits correspondent
théoriquement au même recouvrement que la série (AR8) en présence d’agent de
recouvrement. Cependant, comme cela est indiqué dans le chapitre III, l’estimation de
l’épaisseur de la couche de polymère lié n’a pas été possible dans le cas de ces systèmes.
Néanmoins les mesures de reprises en eau (cf. Chapitre III) permettent d’estimer que le
recouvrement maximal de la surface est obtenu pour un taux de l’ordre de 75%. Au-delà de ce
taux, l’agent de couplage en excès (non greffé) peut polycondenser au voisinage de la surface
ou dans la matrice, augmentant ainsi le taux de réticulation de l’élastomère.
IV.4.1.1 Viscoélasticité linéaire Les courbes de la figure IV-23 montrent la dépendance en température des modules G’, G’’ et
du facteur de perte tanδ obtenus par torsion dynamique dans le domaine linéaire.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
172
Figure IV-23 : a) Module élastique, b) module de perte, c) facteur de perte, en fonction de la température et d) Module élastique à 300K en fonction du taux d’AC
En ce qui concerne les modules, on constate que l’augmentation du taux d’agent de couplage
n’affecte pas les valeurs du module élastique dans le plateau vitreux. Par contre, dans le
plateau caoutchoutique, les différences apparaissent. La valeur du module G’ pour une
température donnée (300K, figure IV-23d), décroît avec le recouvrement de l’agent de
couplage jusqu’à une valeur seuil de 75%. Les valeurs de module G’ réaugmentent ensuite
pour les taux d’agent de couplage supérieurs. Cette réaugmentation est la différence
essentielle entre les résultats de la série AC par rapport à ceux de la série AR8. Dans le cas
des agents de couplage, deux phénomènes expliquent ces résultats :
• Le recouvrement de la charge jusqu’à 75% qui fait baisser le module comme un agent de
recouvrement
• Le couplage avec la matrice qui augmente la réticulation de la matrice.
En ce qui concerne le pic de relaxation principale α , on constate que la position du maximum
de module de perte (figure IV-23b) ou celle du maximum de tanδ (figure IV-23c) ne sont pas
150 200 250 300 350 400
106
107
108
109M
odul
e él
astiq
ue, G
'(Pa)
Température (K)
Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125
a)
150 200 250 300 350 400
105
106
107
108
109
Mod
ule
de p
erte
, G'' (
Pa)
Température (K)
Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125
b)
150 200 250 300 350 400
0.01
0.1
1
Deuxième pic de relaxation
Relaxation α
Fact
eur d
e pe
rte, t
anδ
Température (K)
Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125
c)
0 20 40 60 80 100 120 140
2
4
6
8
10Température 300 K
Mod
ule
élas
tique
, G' (
MP
a)
AC - Taux (%)
d)
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
173
affectées par le taux d’agent de couplage. Ainsi, la réticulation croissante des mélanges avec
des taux d’agent de couplage croissants, ne semble pas affecter la position de la relaxation α.
Par contre, l’amplitude du pic de facteur de perte est plus faible pour la silice non traitée ou
faiblement traitée. Cela est en accord avec la variation de module dans le plateau
caoutchoutique, car l’amplitude du pic de relaxation principale α varie souvent comme la
chute de module entre les plateaux vitreux et caoutchoutique. Aux plus hautes températures,
on note, comme dans le cas des matériaux avec agent de recouvrement, la présence d’un
deuxième pic. Après déconvolution, les aires respectives des deux pics ont été estimées et
leurs évolutions en fonction du taux d’agent de couplage sont rapportées Figure IV- 24.
0 20 40 60 80 100 120 140
10
15
20
25
30
Aire
du
pic
de re
laxa
tion
AC - Taux (%)
pic de relaxation α pic de relaxation à T
α + 50°C
Figure IV-24 : Evolution des aires des pics de relaxation en fonction du taux d’agent de couplage.
On observe une évolution de l’aire du pic de relaxation α qui rappelle celle tracée pour les
matériaux de la série AR8.
Lorsque le taux d’agent de couplage augmente, l’aire du deuxième pic est stable voire même
décroissante. Celui ci avait été attribué à des phénomènes de relaxation ou de friction
(accroissement de la mobilité) du polymère lié. Les résultats pour la série AC sont donc en
accord avec cette hypothèse, puisque l’utilisation d’agent de couplage, par la création de sites
d’ancrage permanent entre la matrice, limiterait la possibilité d’une amplification de la
mobilité du polymère lié.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
174
IV.4.1.2 Evolution du module caoutchoutique avec la température
Afin de caractériser l’évolution du module G’ avec la température, nous avons calculé
l’énergie d’activation associée à la décroissance de G’ avec la température. Les énergies sont
déterminées à partir du tracé de ln(G’*273/T)= ln(G’o) –Ea / RT et rapportées dans le tableau
IV-4 pour les différents matériaux de la série AC.
Echantillon Energie d’activation (kJ/mol) (±1)
Si 43 AC-25 37 AC-50 37 AC-75 35
AC-100 39 AC-125 42
Tableau IV-4 : Mesures d'énergie d'activation dans le plateau caoutchoutique
On observe que les valeurs d’énergie d’activation diminuent pour les taux inférieurs à 75%
puis réaugmentent. La décroissance avec la température semble liée comme précédemment
(cas des agents de recouvrement) à l’évolution de l’épaisseur de la couche de polymère lié en
surface de la charge. Plus la température augmente plus la couche immobilisée se réduit, par
une diminution du nombre de chaînes adsorbées, ou par l’activation de la relaxation principale
d’une couche de plus en plus épaisse du polymère lié. Dans le cas de l’agent de couplage, la
couche immobilisée est le résultat de l’adsorption physique de chaînes mais aussi de la
formation des liaisons covalentes entre la charge et la matrice, l’augmentation du module et
de l’énergie d’activation pour les taux supérieures à 75% est attribuée à la réticulation due à
l’excès d’agent de couplage qui limiterait les mécanismes de réduction de polymère lié
physiquement.
Finalement, l’évolution des modules dans le plateau caoutchoutique conduit à des conclusions
très similaires à celles tirées de l’analyse de la valeur du module à 300K. On retiendra donc
que la différence essentielle pour la série AC, par rapport à la série AR, s’observe pour les
matériaux avec des taux d’agent de couplage supérieur à 75%. Pour ces derniers, le module
dans le plateau caoutchoutique augmente avec l’excès de silane qui polycondense.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
175
Afin d’obtenir un complément d’information sur l’influence de la réticulation, nous avons
réalisé un mélange pour lequel le système de réticulation a été doublé. Nous allons étudier
par la suite le comportement de ce matériau.
IV.4.1.3 Influence d’une sur-réticulation
La courbe de la figure IV-25 montre l’évolution du module élastique en fonction de la
température pour des mélanges chargés avec de la silice traitée avec un taux de 75% d’agent
de couplage, et dont la réticulation de la matrice varie (AC75 présenté précédemment et AC-
75S+ où le système de réticulation est doublé). On peut considérer que pour ces deux
matériaux, l’interface charge matrice est maintenue constante et seule la vulcanisation est
différente.
160 180 200 220 240 260 280 300 320 340 360 380106
107
108
109
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Température, T (K)
AC75 AC75S+
a)
160 180 200 220 240 260 280 300 320 340 360 380
0,01
0,1
1 AC75 AC75S+
Fact
eur d
e pe
rte, t
anδ
Température, T (K)
b)
Figure IV-25 : influence de la réticulation, a) module élastique et b) facteur de perte en fonction de la température
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
176
Les courbes obtenues indiquent que la réticulation de la matrice influence principalement les
valeurs de module dans le plateau caoutchoutique. Plus la réticulation augmente, plus le
valeur de module caoutchoutique est élevée. La pente de la courbe dans le plateau
caoutchoutique augmente également avec la réticulation, jusqu’à devenir positive pour le
matériau sur réticulé. Cela se traduit par des énergies d’activation qui varient fortement pour
ces deux matériaux (cf. Tableau IV-5). Finalement, plus la réticulation augmente, plus le
comportement se rapproche d’un comportement de type élasticité entropique.
Echantillon Energie d’activation (kJ/mol) (±1)
AC-75 35 AC-75 S+ 48
Tableau IV-5 : Energie d'activation dans la phase caoutchoutique en fonction de la vulcanisation de la matrice
Le fait le plus surprenant est que la position en température de la relaxation α, Tα, n’est pas
identique pour les deux échantillons. La relaxation principale étant associée à la transition
vitreuse, nous avons confirmé cette évolution par des mesures de DSCii. La transition
vitreuse, et par la même la relaxation α, sont donc sensibles à la réticulation de la matrice.
Or, pour les matériaux avec agent de couplage, pour lesquelles la réticulation globale des
échantillons augmente avec le traitement progressif de la surface par l’agent de couplage,
nous n’avons pas constaté de décalage de la température de transition α (cf. figure IV-23). On
peut penser que la modification de la température de relaxation n’est observable que lorsque
la réticulation est modifiée globalement pour toute la matière polymère. En d’autres termes,
dans le cas des forts taux d’AC, ces courbes indiqueraient, lorsque la surface est saturée en
agent de couplage, que la réticulation supplémentaire offerte par l’excès de couplage est
localisée au voisinage de la charge.
IV.4.1.4 Conclusion
Pour conclure d’une manière générale sur le comportement viscoélastique des matériaux avec
agent de couplage, on peut revenir sur le modèle de morphologie proposé au paragraphe IV-
1.2.5. Les points spécifiques de ce modèle sont la présence de sous-structures (agrégats liés
ii les mesures ont été réalisées à l’aide d’une DSC Pyris Diamond de Perkin Elmer, avec une vitesse de balayage de 10°/min
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
177
par des liaisons fortes de type hydrogène) et l’importance de la couche de polymère lié qui
assure la connexité macroscopique du réseau formé de ces sous-structures.
Pour les matériaux avec agent de recouvrement, la chute de rigidité mesurée dans le domaine
linéaire était expliquée par la diminution de l’épaisseur de la couche de polymère lié avec la
présence croissante du greffage.
En présence d’agent de couplage, la couche de polymère lié joue donc un rôle équivalent
dans la transmission des efforts au sein du réseau formé des sous-structures. La principale
différence vient de la formation des liaisons covalentes à la surface et au voisinage de la
charge, ce qui renforce l’hétérogénéité de réticulation qui est présente dans ces matériaux (cf.
Chapitre III). Cela se traduit par une remontée de module aux forts taux d’agent de couplage
et par la diminution du deuxième mécanisme de dissipation d’énergie associé à une rupture de
l’interface charge-matrice. Par la suite, nous allons voir si la présence de ces liaisons
covalentes à la surface de la charge modifie le comportement non linéaire des matériaux en
fonction du taux de déformation.
IV.4.2 Viscoélasticité non linéaire
Nous allons d’abord comparer les courbes obtenues lors d'un premier et d’un deuxième
balayage, pour évaluer l’importance des effets irréversibles pour ces systèmes, puis nous nous
focaliserons sur le deuxième balayage pour ne retenir que les effets réversibles impliquant
plus spécifiquement le polymère lié.
IV.4.2.1 Premier balayage en déformation :effet sur le module initial La Figure IV-26 illustre les résultats obtenus lors de deux balayages successifs pour quelques
matériaux de la série AC. Une fois encore, nous avons choisi quelques courbes significatives
et représentatives de l’ensemble des données afin ’’d’alléger la représentation’’.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
178
1E-3 0.01 0.1 10.0
2.0x106
4.0x106
6.0x106
8.0x106
1.0x107
1.2x107
1.4x107
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
1ère Balayage dedéformation
Si AC-25 AC-75 AC-125
2ième balayage Si AC-25 AC-75 AC-125
Figure IV-26 : influence du premier balayage et du deuxième balayage sur les valeurs de G’ pour
différents matériaux de la série AC
On retrouve encore une fois que, suite au premier balayage, seule la valeur du module initial
G’0 diminue notablement alors que G’∞ n’évolue que de façon mineure. Les données
quantitatives (différence de module initial entre le premier et le deuxième balayage en
déformation) sont rapportées en fonction du taux d’agent de couplage introduit sur la
figureIV-27a.
0 20 40 60 80 100 120 1400
2
4
6
8
10
12
Mod
ule
élas
tique
, G'(M
Pa)
AC - Taux (%)
G'01 G'02 ∆G'0
a)
10-4 10-3 10-2 10-1 100
0.0
2.0x105
4.0x105
6.0x105
8.0x105
1.0x106
1.2x106
Con
train
te, (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125
b)
Figure IV-27: a)Evolution du module élastique initiale G’0, b) Contrainte en fonction de la déformation pour le premier balayage en déformation
Comme observé avec les agents de recouvrement, la différence de module initial ∆G’0 varie
fortement entre le matériau avec la silice non traitée et celui avec le plus faible taux d’agent
de couplage. Puis, pour les taux supérieurs à 100%, ∆G’0 n’évolue quasiment pas. Finalement,
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
179
pour le taux le plus élevé, on constate que ∆G’0 augmente à nouveau. La figure IV-27b
rapporte les contraintes supportées par les différents matériaux lors du premier balayage en
déformation. Pour la silice non traitée, on note que la contrainte est légèrement supérieure
durant presque tout le balayage en déformation. Les contraintes appliquées sur l’ensemble des
autres échantillons lors du premier balayage en déformation sont presque équivalentes à
l’exception de AC-125 qui présente une contrainte finale légèrement plus élevée. Ces mesures
permettent de dire qu’après le premier balayage, les différents échantillons de la série AC ont
subit pratiquement la même histoire mécanique (déformation et contrainte).
IV.4.2.2 Premier balayage en déformation :effet sur le facteur de perte
La figure IV-28 présente les courbes de tanδ obtenues lors du premier (symboles pleins) et du
deuxième balayage (symboles creux) pour différents systèmes avec agent de couplage. Les
tendances observées confirment les conclusions mises en avant dans le cas des agents de
recouvrement.
1E-4 1E-3 0.01 0.1 1
0.10
0.15
0.20
0.25
0.30
0.35
0.402ieme balayage
Si AC-25 AC-75 Ac-125
1er balayage en déformation Si Ac-25 AC-75 Ac-125
Fact
eur d
e pe
rte, t
anδ
Déformation, γ (mm/mm)
Figure IV-28 : influence du premier balayage et du deuxième balayage sur les valeurs du facteur de perte
pour les mélanges avec l’agent de couplage
On retrouve que le niveau de tanδ aux très faibles déformations est systématiquement plus
élevé lors du deuxième passage. Cela est en rapport avec le caractère moins ’’élastique ’’de la
réponse du matériau suite aux dégâts irréversibles provoqués lors du premier balayage. La
différence essentielle entre les séries AR et AC concerne le mécanisme dissipatif aux plus
grandes déformations qui était observé pour les matériaux AR8-100, AR8-125 et AR16. Ce
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
180
mécanisme, attribué à la décohésion silice-matrice est absent dans le cas des agents de
couplage, même aux taux les plus élevés. Cette observation est facilement explicable car la
présence de liaisons covalentes à l’interface et la réticulation supplémentaire au voisinage de
la charge dans le cas des forts taux d’AC sont bien évidemment un obstacle à ce mécanisme.
On peut encore une fois faire un parallèle entre cette manifestation (observée aux forts taux de
déformation) et le deuxième pic de tanδ (observé à plus hautes températures). En effet ces
deux phénomènes, observés dans le cas des agents de recouvrement, sont supprimés par
l’utilisation d’agent de couplage.
Finalement, les conclusions concernant la sensibilité au premier balayage en déformation sont
très proches de celle proposées avec l’agent de recouvrement. Pour la suite, nous allons
étudier plus spécifiquement l’effet Payne lors du deuxième balayage en déformation.
IV.4.2.3 Deuxième balayage : effet Payne
Les figures IV-29 montrent l’influence de différents taux d’agent de couplage sur l’effet
Payne (deuxième balayage en déformation).
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
181
1E-4 1E-3 0.01 0.1 10
1x106
2x106
3x106
4x106
5x106
6x106
7x106
8x106
Mod
ule
élas
tique
, G'(P
a)
déformation, γ (mm/mm)
Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125
a)
0 20 40 60 80 100 120 140
1
2
3
4
5
6
7
Mod
ule
élas
tique
, G' (
MPa
)
AC - Taux (%)
G'0 G'oo /0.2 ∆G'
b)
Figure IV-29 : a) Module élastique en fonction de la déformation, b) Module élastique initial G’0 et infini G’∞ / 0.2 en fonction du recouvrement (AC)
Une fois encore, l’amplitude de l’effet Payne est intimement liée à la valeur du module initial
(cf. figure IV-29b). On trouve une courbe en cloche avec une chute de module pour les faibles
taux d’agent de couplage, un plateau et une remontée pour les taux supérieurs à 75%. Cette
courbe en cloche n’est pas sans rappeler la courbe qui donne, pour les mêmes matériaux,
l’évolution du module dans le plateau caoutchoutique à une température constante. Il faut
noter que Ladouce et coll.6 ont observé une évolution similaire de l’amplitude de l’effet Payne
pour des matériaux SBR silice avec différents taux d’agent de couplage TESPT. Dans le cas
du TESPT, ils observent ce phénomène de saturation pour 66% de la surface couverte. La
différence de la valeur du taux à saturation est sans doute à mettre en relation avec
l’encombrement stérique respectif de ces deux molécules de couplage, celui du TESPD étant
logiquement plus faible.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
182
En fait, jusqu’à la valeur seuil de 75%, l’évolution de l’effet Payne est très semblable à celle
observée dans le cas des agents de recouvrement. Dans ce cas, on peut proposer que l’effet
Payne soit principalement sensible au recouvrement de la surface par l’agent de couplage ou
par l’agent de recouvrement. Au-delà de 75%, et pour un taux de greffage équivalent, l’agent
de couplage en excès (AC-100, AC-125) augmenterait la réticulation de la matrice au
voisinage de la charge, expliquant la remontée de l’effet Payne. Cet effet de réticulation est
confirmé par l’augmentation du module G’∞ / 0.2 aux grandes déformations pour les taux
d’agent de couplage supérieurs à 75%. La courbe entière d’effet Payne pour les échantillons
AC-100 et AC-125 peut être obtenue par multiplication par un facteur de la courbe obtenue
avec AC-75. On trouve respectivement un facteur de 1.07 et 1.45. Ce facteur traduit
directement l’augmentation du nombre de nœud de réticulation dans la matrice créé par
l’excès d’agent de couplage.
1E-4 1E-3 0.01 0.1 1
1.0x106
1.5x106
2.0x106
2.5x106
3.0x106
3.5x106
4.0x106
4.5x106
5.0x106
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
AC-75 AC-100 AC-125
Figure IV-30 : Effet Payne corrigé du facteur d’amplification lié à l’excès d’agent de couplage
Apparition de la non-linéarité
La perte de linéarité, avec l’utilisation d’agent de couplage est illustrée par la figure IV-30.
Une chute d’effet Payne de 5% est observable pour des déformations comprises entre 2.10-3 et
6.10-3. Malgré la faible précision de ces mesures (+/-5.10-4), on constate une variation
significative de la déformation correspondant à la perte de linéarité (celle ci était constante
dans le cas des agents de recouvrement). Ainsi, on retiendra que la présence d’agent de
couplage retarde l’apparition de la non-linéarité, sauf pour l’échantillon AC-125. La
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
183
contrainte correspondant à l’apparition de la non-linéarité varie également de façon notable,
sans qu’une tendance très nette n’émerge.
1E-3 0.01 0.1
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Nor
mal
isat
ion
(G' -
G' oo
)/(G
' 0 - G
' oo)
Déformation, γ (mm/mm)
Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125
a)
0 20 40 60 80 100 120 1400.000
0.001
0.002
0.003
0.004
0.005
0.006
Chute d'effet Payne de 5%
AC - Taux (%)
Déf
orm
atio
n (m
m/m
m)
7000
8000
9000
10000
11000
12000
13000
14000
15000
Contrainte (P
a)
b)
Figure IV-31 : a) courbes de module élastique normées, b) déformation et contrainte de perte de linéarité (5% d’amplitude d’effet Payne)
Aspects dissipatifs
Les figures IV-32a et IV-32b présentent respectivement les courbes de module de perte G’’ et
de facteur de perte tanδ pour les matériaux de la série AC.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
184
1E-4 1E-3 0.01 0.1 1
2.0x105
4.0x105
6.0x105
8.0x105
1.0x106
1.2x106
1.4x106
1.6x106
1.8x106
Mod
ule
de p
erte
, G'' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125
a)
1E-4 1E-3 0.01 0.1 1
0.20
0.25
0.30
0.35
0.40
Fact
eur d
e pe
rte, T
anδ
Déformation, γ (mm/mm)
Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125
b) Figure IV-32 : a) Module de perte G’’, b) facteur de perte, en fonction de la déformation.
Les courbes de module de perte montrent une évolution similaire à celle de G’ : le pic G’’ de
la silice non traitée est le plus marqué. Pour tous les matériaux avec l’agent de couplage, G’’
ne montre pas de maximum très marqué. Les niveaux de G’’ suivent également la courbe en
cloche avec une chute pour les faibles taux, une valeur minimale pour AC-75 et une remontée
pour AC-100 et AC-125.
Aux petites déformations le facteur de perte montre une valeur plus élevée pour l’ensemble
des mélanges avec la silice traitée par rapport à la silice non traitée. La courbe présente une
forme de pic dont le maximum est centré pour l’ensemble des échantillons avec agent de
couplage autour d’une déformation de γ ≈ 0.004. Cette valeur est légèrement plus élevée que
celle obtenue dans le cas du mélange avec la silice non traitée. Après avoir atteint le
maximum du pic, la valeur de tanδ décroît avec la déformation pour l’ensemble des quantités
de silanes introduites. On confirme par l’ensemble de ces résultats, que le phénomène
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
185
dissipatif du à la rupture des interfaces charges matrice est évité dans le cas de la série AC. Ce
phénomène impliquerait l’apparition d’endommagement par décohésion dans le cas de
sollicitations autres que le cisaillement. C’est donc sans conteste un des intérêts des agents de
couplage par rapport aux agents de recouvrement dans cette gamme de déformation.
Effet d’une sur-réticulation
Comme dans le cas du comportement viscoélastique linéaire, nous avons décidé de tester un
matériau pour lequel la réticulation a été volontairement exacerbée. La figure IV-33 reprend
la comparaison entre les matériaux chargés de silice AC-75 (échantillon montrant le plus
faible effet Payne), AC-125 (échantillon pour lequel l’effet Payne réaugmente) et ce matériau
pour lequel le système de réticulation est doublé(AC-75S+).
1E-3 0.01 0.1 15.0x105
1.0x106
1.5x106
2.0x106
2.5x106
3.0x106
3.5x106
Mod
ule,
G'(P
a)
Déformation, γ (mm/mm)
AC-75 AC-125 AC-75S+
a)
1E-4 1E-3 0.01 0.1 10.20
0.25
0.30
0.35
0.40
0.45
0.50
0.55
Fact
eur d
e pe
rte, t
anδ
Déformation, γ (mm/mm)
Ac-75 Ac-125 Ac-75S+
b)
Figure IV-33 : a)Module élastique, b) facteur de perte, en fonction de la déformation
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
186
Augmenter la réticulation dans la matrice conduit à un comportement similaire en terme
d’effet Payne à celui observé avec l’échantillon AC-125. Les modules G’0 et G’∞ augmentent
d’un même facteur par rapport à l’échantillon AC-75. Cela confirme notre analyse précédente
selon laquelle l’excès d’agent de couplage en polycondensant augmente le module de la
matrice. Par contre, les mesures de tanδ montrent une dissipation largement plus importante
dans le cas de AC75S+. Il est possible, même si c’est peu probable, qu’une partie de l’excès
de soufre introduit dans AC75S+ soit mal dispersée et forme donc de gros agglomérats.
IV.4.2.4 Conclusion La présence d’agent de couplage implique deux effets sur le module initial (cf. figure IV-34):
• Le recouvrement de la surface par greffage qui va influencer l’adsorption et la désorption
de chaîne en surface et donc la formation d’une couche immobilisée en surface de la
charge
• La formation de liaisons covalentes entre la matrice et la charge, augmentant la
réticulation globale du composite.
Les mécanismes de l’effet Payne demeurent les mêmes que ceux observés lors de l’utilisation
de l’agent de recouvrement :
• Réduction des liaisons charge-charge après le premier balayage en déformation
• Réduction de la couche de polymère immobilisée par désadsorption ou par un mécanisme
relaxationnel thermo-mécaniquement activé similaire à la relaxation alpha de
l’élastomère.
• Le recouvrement totale de la surface facilite mécanisme d’endommagement visible pour
les fortes déformations.
L’effet Payne, en présence d’une quantité croissante d’agent de couplage, est sensible à ces
deux aspects. Pour les faibles taux, il est principalement influencé par le recouvrement de la
charge, jusqu'à une valeur seuil de recouvrement, malgré la formation croissante de liaisons
covalentes. Pour les taux d’agent de couplage supérieurs, le recouvrement reste le même.
Dans ce cas, l’effet réticulant de l’agent de couplage se manifeste, les mécanismes à
l’interface demeurent les mêmes mais localement il semblerait que la mobilité des chaînes soit
réduite due fait de la présence de liaisons covalentes entre la charge et la matrice.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
187
1E-4 1E-3 0.01 0.1 10
1x106
2x106
3x106
4x106
5x106
6x106
7x106
8x106
Perte de linéarité
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
M Si Ar8 Ac-75
a)
1E-4 1E-3 0.01 0.1 10.0
2.0x105
4.0x105
6.0x105
8.0x105
1.0x106
1.2x106
1.4x106
1.6x106
1.8x106
Mod
ule
de p
erte
, G''(
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
M Si Ar8 Ac-75
b)
1E-4 1E-3 0,01 0,1 1
0,15
0,20
0,25
0,30
0,35
0,40Endommagement
Fac
teur
de
pert
e, ta
n δ
Déformation, γ (mm/mm)
M Si Ar8 Ac-75
c)
1E-4 1E-3 0.01 0.1-0.2
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Nor
mal
isat
ion
(G' -
G' oo
)/(G
' 0 - G
' oo)
Déformation, γ (mm/mm)
Si AR8 AC-75
d) Figure IV-34 : a) Module élastique, b) module de perte, c) facteur de perte, d) module élastique normé, en
fonction de la déformation
IV.5 Interprétations Afin de progresser dans l’analyse et de mettre à l’épreuve notre vision de l’effet Payne, nous
allons tenter de décrire nos résultats expérimentaux grâce à différents modèles. Nous nous
intéresserons ici uniquement au deuxième balayage puisque le premier fait intervenir un
mécanisme irréversible qui d’une part évolue avec le taux de déformation, et d’autre part se
manifeste uniquement lors du premier cycle sinusoïdal. Dans la littérature on peut distinguer
deux familles de modèles mettant en cause soit la rupture des liaisons charge – charge au sein
d’un réseau de charge soit un mécanisme de désorption et d’adsorption des chaînes en surface
de la charge. Dans le premier cas (réseau de charges), le formalisme le plus connu est celui de
Kraus, il propose une équation phénoménologique qui décrit assez bien la non-linéarité, mais
ne rend pas compte des valeurs des modules initial et final. Dans le deuxième cas (désorption
et d’adsorption des chaînes en surface de la charge), le modèle le plus couramment cité est
celui de Mayer et Göritz. Nous allons donc tester ces deux formalismes puis nous
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
188
développerons un modèle mixte qui essayera de traduire la morphologie complexe de nos
matériaux.
IV.5.1.1 Modèle de Kraus
A - Formalisme7
Kraus s’est intéressé au mécanisme de désagglomération et d’agglomération des renforts noirs
de carbone sous l’effet de la déformation. Cette interprétation prend en compte les
interactions de type Van der Waals entre agrégats.
ad0
R a)
Vd0
0d
F
0d
Fmax
b)
Figure IV-35 : a) définition des distances entre agrégats, b) Potentiel et Force résultants des interactions entre agrégats en fonction de la distance d
Entre deux particules sphériques de rayon a dont les plus proches surfaces sont séparées de la
distance d (cf. figureIV-35a), il apparaît un potentiel V associé à une force de rappel fonction
de d (cf. figure IV-35b). D’une force F appliquée entre deux agrégats séparés par une distance
do résulte une variation de distance entre les agrégats δd et une énergie stockée
proportionnelle à (δd)2K0 où K0 est la constante de force due aux interactions de Van der
Waals. S’il existe N0 liens entre agrégats par unité de volume Kraus écrit que :
20032
11'' RKNEE ≅− ∞ (IV-2)
où R est la distance entre les centres des agrégats.
En estimant N0 en partant de la fraction en volume de renfort introduit φ , la relation
précédente devient :
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
189
)5.182('' 22257.00 φαφα +∝− ∞ SEE (IV-3)
où S la surface spécifique, α est le rapport du volume effectif occupé par un agrégat (volume
de charge et volume occlus) sur le volume de charge de cet agrégat :
α = (2/π) ((1+ρ).DBP) (IV-4)
où ρ est la masse volumique de la charge. Kraus établit également en prenant en compte le
nombre de contacts restant en fonction de la déformation et de la vitesse, la relation suivante :
( ) mcEE
EE2
00 11
''''
εε+=
−−
∞
∞ (IV-5)
où m et εc sont des paramètres ajustables et εc est la valeur pour laquelle le membre de droite
de l’équation est égale à ½.
On obtient de même avec les modules de perte :
( )( ) m
c
mc
EEEE
20
20
0 12
''''''''
εεεε
+=
−−
∞
∞ (IV-6)
Les phénomènes dissipatifs sont attribués après la rupture des agglomérats aux frottements
entre les agrégats entre eux.
Ces équations sont directement transposables en cisaillement (E et ε deviennent G et γ).
Au niveau de l’Effet Payne le module aux grandes déformations G’∞ dépend plus de la
structure des agglomérats que de la surface spécifique. Ce résultat est en accord avec l’analyse
de Payne reliant la structure à la quantité de volume occlus augmentant la fraction de
polymère rigide, ce qui aurait pour conséquence d’augmenter le module élastique.
B - Application du modèle de KRAUS aux matériaux de l’étude
Les courbes expérimentales et les courbes ajustées issues du modèle de Kraus sont présentées
pour les mélanges Si, AR8 et Ac75, sur la figure IV-36. Les valeurs des paramètres ajustés
sont reportées pour l’ensemble des systèmes dans le tableau IV-6.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
190
1E-4 1E-3 0.01 0.11M
2M
3M
4M
5M
6M
7M
8M2ieme Balayage en déformation
Mod
ule
Ela
stiq
ue, G
' (P
a)
Déformation, γ mm/mm)
Mesures expérimentales Si AR8 AC75Modèle de Kraus Si AR8 AC75
Figure IV-36 : Mesures expérimentales de G' comparées aux valeurs obtenues avec le modèle de Kraus lors du premier balayage en déformation
Deux des paramètres intervenant dans le modèle de Kraus sont γc et m. γc correspond à la
déformation γ pour laquelle on observe une chute de moitié de l’amplitude d’effet Payne. Ce
paramètre serait lié au rapport des constantes de vitesse de rupture et de reformation des
contacts entre agrégats. Le paramètre m n’a pas de sens physique pour Kraus, mais comme
nous l’avons vu dans le chapitre I, dans un modèle très proche, Huber et Vilgis8, considère m
comme un paramètre lié à la morphologie de la charge.
Deuxième balayage en déformation Série Echantillon G'0 G'∞ γc m Si 7.23 1.9 0.01 0.51
AR1 6.12 1.68 0.016 0.58 AR3 5.92 1.63 0.013 0.59 AR8 5.24 1.45 0.009 0.6 AR
AR16 3.49 1.45 0.016 0.44
AR8-25 5.1 1.81 0.02 0.466 AR8-50 4.68 1.47 0.012 0.58 AR8-75 3.95 1.45 0.011 0.59 AR8-100 3.8 1.45 0.011 0.58
AR8
AR8-125 4.05 1.45 0.01 0.52
AC-25 2.88 1.45 0.047 0.44 AC-50 2.67 1.6 0.13 0.34 AC-75 2.3 1.48 0.13 0.35
AC-100 2.57 1.63 0.09 0.36 AC
AC-125 3.5 1.82 0.05 0.37
Tableau IV-6 : Paramètres du modèle de Kraus appliqué lors du second balayage en déformation pour l’ensemble des matériaux
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
191
Les deux paramètres γc et m sont associés respectivement à la position en déformation et
l’étalement de la courbe. La valeur de m (0.47<m<0.57) est relativement constante pour
l’ensemble des matériaux, qu’ils soient chargés avec de la silice traitée avec les agents de
recouvrement (ARn et AR8) ou l’agent de couplage (AC). Cette faible évolution d’un système
à l’autre traduirait le fait que le processus de désagglomération des charges est peu influencé
par les traitements de surface, pour des matériaux présentant des états de dispersion
identiques. Le paramètre (γc) varie de 0.05 à 0.16 alors que les courbes normées des
différentes séries étaient superposées. Les valeurs sont globalement plus élevées pour les
matériaux avec agent de couplage par rapport aux séries avec agents de recouvrement. Cela
correspond au fait que le domaine de linéarité du module G’ est plus grand en présence de
liaisons covalentes. Au sein d’une même série, on constate que les valeurs des paramètres
varient d’un matériau à l’autre sans qu’une tendance significative ne se dégage.
Finalement, il faut considérer que les variations des paramètres sont principalement dues au
processus d’ajustement, qui est mené jusqu’à ce que la valeur du paramètre d’ajustement R
soit supérieur à 0.99. On aurait pu choisir de décrire les courbe en fixant m et γc et ne faire
varier que le module initial. De fait, ce modèle propose une équation phénoménologique qui
décrit bien la forme de la courbe mais ne permet pas d’interpréter le module initial qui est le
seul paramètre qui varie significativement dans nos mesures d’effet Payne.
IV.5.1.2 Modèle de Mayer et Göritz9
A - Formalisme9
Dans ce modèle, le mécanisme dissipateur se situe à l’interface entre la charge et la matrice.
Le module aux faibles déformations G’0 serait du au nombre total de liaisons entre la charge
et la matrice, prenant en compte l’adsorption de chaînes polymère à la surface de la charge
soit physiquement par l’intermédiaire de liaisons faibles (de manière instable), soit
chimiquement donc de manière stable. Les liaisons stables peuvent aussi se former par
l’adsorption de plusieurs segments consécutifs sur un ou plusieurs agrégats. La chute de
module serait associée à un processus d’adsorption et de désorption du nombre de liens
résultant de cette déformation. Les liaisons instables pourront être détruites par l’apport d’une
très faible quantité d’énergie mécanique ou thermique. Le module élastique aux faibles
déformations G’0 s’écrit donc :
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
192
G’(γ) = (Nc + Nst + Ni(γ))kT (IV-7)
où Nc est la densité de réticulation chimique du réseau, Nst est la densité de liaisons stables
entre l’élastomère et les particules renforçantes et Ni est la densité de liaisons instables. T est
la température absolue et k la constante de Boltzman.
A une déformation donnée, un équilibre s’installe entre l’adsorption et la désorption. La
vitesse de désorption est proportionnelle à l’amplitude de déformation et la fraction de sites
instable occupés :
( )γ
γc
GGG i
st ++=
1'
'0' (IV-8)
où
G’st = (Nc + Nst)kT (IV-9)
et
G’i0 = Ni0kT (IV-10)
où Ni0 est le nombre maximal de liens instables par unité de volume (quand γ = 0) et diminue
lorsque T augmente.
La dissipation d’énergie résulterait du frottement des segments de chaînes glissant sur la
surface de la charge. Le module de perte est supposé proportionnel au nombre de liaisons
instables Ni et à la probabilité pour que cette liaison se transporte sur un site voisin.
( )20 1'''')(''
γγγc
cGGG ist+
+= (IV-11)
où G’’ est la contribution due aux frottements internes et G’’i0 la contribution due au
glissement des segments.
D’après des observations expérimentales le module de conservation et l’amplitude de l’effet
Payne décroît quand la température augmente. Une augmentation de la température dans ce
cas diminuerait le nombre de liaisons instables en augmentant l’agitation. La désorption des
chaînes de la surface des particules en fonction de la température est décrite par l’expression
suivante :
TkEi
iiBeNTN ⋅= ∞)(0 (IV-12)
où Ni∞ est une constante liée à la densité de liaisons instables indépendamment de la
température et Ei l’énergie d’activation. On retrouve ainsi le processus thermiquement activé
décrit lors de l’analyse de l’évolution du module caoutchoutique avec la température.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
193
B - Application aux matériaux de cette étude Sur les courbes de la figure IV-36, les points expérimentaux sont comparés aux courbes
obtenues par ajustement des paramètres du modèle de Mayer et Göritz pour les échantillons
Si, AR8 et AC75. Les différents paramètres permettant d’appliquer ce modèle sont répertoriés
dans le tableau IV-7 pour l’ensemble des mélanges étudiés.
1E-4 1E-3 0.01 0.11x106
2x106
3x106
4x106
5x106
6x106
7x106
8x106 2ième Balayage en déformation
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
Mesures expérimentales Si AR8 AC75Modèle de Mayer et Gorïtz Si AR8 AC75
Figure IV-37 : Mesures expérimentales de G' comparées valeurs obtenues avec le modèle de Mayer et Göritz
Ces différents paramètres utilisés sont : G’st qui correspond au nombre de liaisons stables, G’i0
qui correspond au nombre de liaisons instables susceptibles de se désorber ou de s’adsorber
aux cours de la déformation, et le paramètre C qui traduit la position de la chute de module
G’. Ce dernier paramètre va dépendre de la cinétique d’adsorption et de désorption des
chaînes à la surface de la charge (dans le cas de SBR chargé avec du noir de carbone, cette
valeur est proche de 25).
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
194
2ieme balayage en déformation Liaisons stables Liaisons instables
Série Echantillon G’st (MPa) Gi0 (MPa) liens /nm² C Si 1.7 5.8 22 62
AR1 1.3 5.1 19 58 AR3 1.4 4.8 18 68 AR8 1.3 4.3 16 106 AR
AR16 1.4 2.2 8 70
AR8-25 1.6 3.5 13 52 AR8-50 1.3 3.6 14 82 AR8-75 1.25 2.9 11 86 AR8-100 1.2 2.8 11 91
AR8
AR8-125 1.3 2.9 11 99
AC-25 1.1 1.8 7 24 AC-50 1.2 1.4 5 16 AC-75 1.2 1.1 4 15
AC-100 1.3 1.3 5 17 AC
AC-125 1.5 2.1 8 27
Tableau IV-7 : Paramètres du modèle de Mayer et Göritz lors du deuxième balayage en déformation pour l’ensemble des matériaux
Le paramètre G’st, associé au nombre de liaisons stables, est relativement constant
indépendamment des traitements de surface réalisés. Néanmoins on observe une valeur plus
élevée dans le cas de la silice non traitée qui pourrait refléter la plus forte réticulation près de
la charge, décelée dans le chapitre III. Cette plus forte réticulation ralentirait le processus de
désorption de chaînes selon notre hypothèse de mécanisme. Cependant le nombre de liaisons
instables est le plus important pour cet échantillon. On arrive donc à la conclusion paradoxale
que la silice non traitée possède le nombre le plus important de liaisons stables et instables.
On pourrait alors tenter d’expliquer cette incohérence apparente par la quantité de polymère
lié très importante avec cet échantillon, conduisant à un nombre important de chaînes
multiadsorbées et de chaînes pouvant se désorber. Néanmoins, la constance du nombre de
liaisons stables avec les deux séries AR semble alors incohérente si l’on se réfère à l’évolution
du polymère lié de ces matériaux. On observe également que le nombre de liaisons stables
prédit par le modèle est plus faible avec l'agent de couplage, ce qui paraît pour le moins
surprenant.
Par le biais du paramètre Gi0, on peut déterminer le nombre de liaisons instables mis en jeu
durant l’effet Payne et le rapporter à l’unité de surface (nm²). L’estimation du nombre de
liaisons instables par nm² de silice pour chacun des mélanges parait peu réaliste. Selon ces
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
195
estimations, la silice non traitée pourrait adsorber 22 segments de chaîne sur 1nm² qui ne
contient que 6 silanols, sachant que chaque segment peut appartenir à une chaîne distincte.
Enfin, le paramètre C est à relier à la déformation à laquelle est observée la perte de linéarité.
Ce paramètre qui devrait être relativement constant au sein d’une même série, prend des
valeurs qui passent du simple au double.
Les valeurs incohérentes obtenues pour les différents paramètres montrent les limites de ce
modèle qui ne prend pas en compte dans la valeur du module initial l’effet hydrodynamique et
la possibilité de l’existence d’un réseau.
IV.5.1.3 Modèle proposé dans le cadre de notre étude La modélisation développée au sein du laboratoire comporte deux parties :
- La description de la valeur du module dans le domaine linéaire obtenue en fonction de la
température à l’aide d’un modèle de couplage mécanique. Dans ce travail, nous avons
utilisé le modèle à trois phases introduit par Christensen et Lo10 en deux étapes
successives.
- Le calcul de l’évolution du module élastique au cours de l’effet Payne après un premier
balayage sur les bases d’un processus thermo-mécaniquement activé.
A - Modélisation du module dans le domaine linéaire Cette première étape a pour but de décrire le module du matériau élastomère chargé en
gardant à l’esprit le schéma de la morphologie qui est issu des chapitres III et IV. On peut
utiliser un modèle à trois phases en deux étapes. Dans la première étape, on calcule les
propriétés d’un milieu homogène équivalent en considérant la matrice réticulée tramée par
une fraction de polymère lié (cf. IV-38). On choisit dans cette étape le module du polymère
lié et la fraction de polymère lié qui participe au transfert de contraintes entre les sous-
structures. Le module du milieu homogène équivalent est obtenu par le modèle trois phases.
La seconde étape considère la phase rigide de charges incluse au sein du milieu homogène
équivalent résultant de la première étape. En respectant les fractions volumiques de chacune
des phases (matrice et charge), le module du milieu équivalent résultant de cette deuxième
étape est calculé.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
196
Matriceréticulée
SilicePolymère lié
Milieu HomogèneEquivalent 1
Milieu HomogèneEquivalent 2
MHE 1
Etape 1
Etape 2
Figure IV-38: schéma représentant le modèle à 3 phases en deux étapes
Dans la première étape, le module de la matrice en fonction de la température correspond aux
modules expérimentaux déterminés lors de la mesure spectromécanique. La fraction
volumique de charges introduite lors de la deuxième étape est celle utilisée dans les matériaux
étudiés (20%vol), leur module est égal à 30GPa (cette valeur est déduite des données de la
littérature, et elle a peu d’influence sur les calculs puisqu’elle est très supérieure au module de
la matrice). Le volume de polymère liant correspond à celui mesuré expérimentalement (cf.
Chapitre III) à la température de 300 K. En considérant ce volume de polymère lié et le
module expérimental du composite à cette température, le module du polymère liant est
déterminé. Pour les courbes présentées sur la figure IV-39, correspondant aux échantillons Si
et AR8-75, les valeurs du module de liant correspondent respectivement à 20 et 25 MPa. On
peut penser que cet écart de module n’est pas nécessairement significatif. Dans le cas inverse,
cela indiquerait que le module du polymère lié augmente avec le recouvrement ou en d’autres
termes lorsque l’épaisseur de la couche polymère lié est faible le module élastique de celle-ci
est, en moyenne, élevé. Cette hypothèse est difficile à justifier du point de vue physique, nous
retiendrons par la suite une valeur unique de module de 20MPa.
Dans le cas de l’agent de couplage nous n’avons pas pu déterminer le taux de polymère lié
dans le chapitre III. En considérant le recouvrement très proche de celui obtenu en présence
d’agent de recouvrement, nous avons utilisé le taux de polymère lié de l’échantillon AR8-75.
Dans ce cas, la valeur du module de matrice liante est très inférieure (10 MPa) à celles
obtenues avec Si et Ar8-75. Une autre hypothèse de calcul est d’utiliser le module de matrice
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
197
liante de 20 MPa ce qui conduit à une valeur du volume liant faible de l’ordre de 5 à 7 %.
Cette valeur montre que dans le cas de l’agent de couplage (en présence de liaisons
covalentes), la couche de polymère lié (liaisons physiques) est paradoxalement très faible.
L’agent de couplage en se greffant possède aussi une très forte probabilité à polycondenser ce
qui augmente la probabilité de former de gros amas de silane qui limiteraient
considérablement l’accessibilité des chaînes à la surface.
Dans le domaine linéaire en fonction de la température (cf. Figure IV-39), les valeurs pour le
module du composite dans le plateau vitreux sont obtenues en considérant que la matrice
liante possède le même module que la matrice. Dans le plateau caoutchoutique, seule le
volume de matrice liante évolue avec la température selon un processus arrhenien dont
l’énergie d’activation correspond à celle obtenue lors des mesures dans le plateau
caoutchoutique par spectrométrie mécanique (cf. § IV-3-1). Le volume liant commence à
évoluer à partir de la température pour laquelle le module de la matrice correspond à celui du
polymère lié déterminé précédemment. Pour l’agent de couplage (AC-75), et pour les
températures les plus élevées (>350K), la fraction de matrice liante est quasi nulle (<0.1%).
150 200 250 300 350 400
106
107
108
109
Mod
ule
Elas
tique
, G' (
Pa)
Température, T (K)
Données expérimentales M: matrice Si AR8-75 AC-75
Modèle Si AR8-75 AC-75
Figure IV-39 : Module élastique en fonction de la température, les courbes avec les symboles correspondent aux courbes expérimentales et les courbes sans à la simulation grâce au modèle à trois phases
Il semble donc que le modèle proposé permet de rendre compte des données expérimentales
de spectrométrie mécanique avec un accord satisfaisant. Il repose toutefois sur des hypothèses
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
198
fortes : module unique de polymère liant déterminé sur une température et prise en compte du
volume liant dans sa totalité.
B - Modélisation de l’effet Payne Détermination du module initial
Dans ce cas, le module de la matrice est choisi égal à 0.7MPa, c’est à dire le module à la
température de test. Le module de la matrice liante est également déterminé en fonction de la
valeur du module après un deuxième balayage en déformation en considérant les taux de
volume liant mesuré dans le chapitre III.
Le tableau IV-8 présente l’ensemble des valeurs de volume liant nécessaire pour obtenir le
module initial après un premier balayage en déformation pour un module de matrice liante de
20MPa. En présence d’agent de couplage (AC-75), ne pouvant obtenir le couple volume liant
et Module liant correspondant à la valeur du module initial, la simulation a donc été réalisée
avec un module de matrice liante équivalente à celui utilisé pour AR8-75 mais le volume liant
est plus faible (7%). Les volumes issus du calcul sont inférieurs ou égaux aux valeurs
expérimentales et diminuent avec le recouvrement. Malgré les écarts de valeurs, il apparaît
que l’évolution des volumes calculée est en cohérence avec les valeurs mesurées
expérimentalement.
Echantillons Module initial (Pa)
Volume liant mesuré (%)
Volume liant issu du modèle (%)
Si 7.23E+06 40 27.9 Ar825 5.10E+06 22 19.4 AR850 4.68E+06 17 17.7 AR875 3.94E+06 17 14.7 AR8100 3.80E+06 14 14.2 AR8125 4.00E+06 14 15.0
AR1 6.12E+06 30 23.5 AR3 5.92E+06 20 22.6 AR8 5.24E+06 16 20.0 AR16 3.49E+06 13 13.0
AC25 2.88E+06 - 10.5 AC50 2.67E+06 - 9.7 AC75 2.30E+06 - 8.2
AC100 2.57E+06 - 9.2 AC125 3.50E+06 - 13.0
Tableau IV-8 : Estimation du volume de matrice liante dans le cas de la silice non traitée ou traitée avec des agents de recouvrement et l’agent de couplage pour un module de matrice liante de 20MPa.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
199
Evolution des modules en fonction de la déformation Afin de décrire l’évolution de l’effet Payne, nous avons choisi un processus thermo-
mécaniquement activé. La diminution de la quantité de polymère lié est liée à celle du nombre
de liens issu de l’ équilibre entre le nombre de chaînes adsorbées et désorbées. Le nombre de
liens en fonction de la contrainte peut être décrit par la relation suivante issue d’une statistique
à deux puits 11 :
⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡⎟⎠⎞
⎜⎝⎛ −∆
+⋅⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡⎟⎠⎞
⎜⎝⎛ ∆−
+
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛−
⋅=∆
kTU
kTU
kTNNσν
σν
exp1exp1
exp10 (IV-13)
où N0 est le nombre initial de liaisons entre chaînes, ∆U est considéré comme une énergie
d’activation, ν représente la sensibilité à la désorption.
La procédure de modélisation est la suivante : la fraction de polymère lié initiale (Vl) est
déterminée à l’aide du modèle de couplage mécanique (paragraphe précédent). Le paramètre
Vl évolue proportionnellement à ∆N (IV-13) ; à chaque déformation correspond une
contrainte et donc une valeur de Vl. La valeur de Vl obtenue est ensuite réintroduite dans le
modèle à deux phases afin de déterminer le module élastique correspondant (cf. figure IV-38).
Le module G’∞ /0.2 correspond au cas où plus aucun polymère lié ne participe au couplage
mécanique entre les sous-structures. Dans notre cas ∆U est fixée et correspond à l’énergie
d’activation obtenue lors des mesures de module dans le domaine linéaire (paragraphe IV-3-1
et IV-4-1) et ν prend des valeurs comprises entre 0.7 et 1.10-25. Ces paramètres permettent de
décrire les deux plateaux correspondant respectivement à G’0 et G’∞, mais la chute de module
n’est pas parfaitement décrite. Afin d’améliorer la description de la chute de module, on
pourrait distribuer la valeur du paramètre d’activation12. Cependant dans le cadre de cette
étude nous nous sommes limités à une valeur unique de ce paramètre.
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
200
1E-4 1E-3 0.01 0.1 10
1x106
2x106
3x106
4x106
5x106
6x106
7x106
8x106
Mod
ule
élas
tique
, G' (
Pa)
Déformation, γ (mm/mm)
Mesures expérimentales Si AR8 AC-75
Modèle 2 phases Si AR8 AC-75
Figure IV-40 : modélisation de l’effet Payne par le modèle à deux phases
IV.5.1.4 Conclusion
Finalement, nos efforts de modélisation ont porté sur deux aspects : le module dans le plateau
caoutchoutique et la description du mécanisme réversible associé à l’effet Payne. L’objectif
d’une telle approche est de rendre compte des deux points principaux de nos mesures : la
valeur de module (dans le plateau caoutchoutique ou dans le plateau initial lors de l’effet
Payne) qui dépend fortement du traitement de surface, la forme de la courbe d’effet Payne
qui est toujours très semblable indépendamment les systèmes.
En terme de module dans le plateau caoutchoutique, les valeurs expérimentales de nos
mélanges ont été comparées aux résultats des calculs issus de différentes théories. Les calculs
considérant un réseau percolant de charges conduisent à une surestimation des mesures. A
l’inverse, l’utilisation de la formule de Guth et Gold, même en intégrant la fraction de
polymère lié dans le taux de charges effectif, sous estime les données expérimentales. On peut
alors utiliser le modèle à trois phases en deux étapes successives, afin de rendre compte de la
formation d’un réseau percolant contenant des sous-structures constituées d’agglomérats de
charge, reliées entre elles par du polymère lié (mais pas nécessairement vitreux).
Ce modèle sert de point de départ pour la modélisation de l’effet Payne. La prise en compte
d’une fraction de polymère lié, impliquée dans le transfert de contraintes entre sous-
structures, permet de considérer les mécanismes thermo-mécaniquement activés responsables
de la chute de module élastique avec la température et la déformation. Nous avons utilisé une
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
201
formulation statistique issue d’un modèle à deux puits afin de décrire l’équilibre entre le
nombre de molécules adsorbées et non adsorbées sur la surface. L’évolution de la quantité de
polymère lié assurant le transfert des contraintes a été reliée à ce nombre de liens (dans une
vision relativement proche de celle de Mayer et Göritz) mais réintégrée dans le modèle de
couplage mécanique (calcul du module du composite). La description de la forme de la courbe
est certes moins satisfaisante que dans le cas d’une équation phénoménologique telle que celle
de Kraus, mais le sens physique des paramètres introduits est clairement identifié et les
valeurs numériques obtenues sont compatibles avec les caractéristiques des différents
matériaux. Une perspective intéressante en terme de modélisation résiderait dans le
développement d’un modèle de type éléments discrets, qui permettrait de décrire
explicitement la microstructure et la transmission des efforts aux points de contacts entre les
différents constituants.
IV.6 Conclusions Lors de ce chapitre, nous avons constaté que les réponses mécaniques viscoélastiques
linéaires de nos différents systèmes différent essentiellement en terme de module dans le
plateau caoutchoutique. On observe que le module diminue avec le recouvrement progressif
de la surface et la longueur de l’agent de recouvrement. Dans le cas d’un agent de couplage,
ce module diminue avec le recouvrement jusqu’à une valeur seuil puis réaugmente pour les
recouvrements supérieurs par un effet de réticulation des molécules d’agent de couplage en
excès. Cette différence de module se retrouve lors des mesures d’effet Payne. L’interprétation
a été faite sur la base de l’existence d’un réseau percolant mixte formé d’agglomérats de
charges reliés entre eux par une couche de polymère lié. La quantité de polymère lié, qui varie
avec le recouvrement de la surface, permet d’expliquer les différences de module initial.
Lorsque la surface est totalement recouverte, la présence de liaisons covalentes contribue à la
réticulation globale, donc au niveau de module.
Lors de l’application d’un premier balayage interviennent des processus irréversibles (rupture
d’agglomérats, glissements de chaînes). Ces mécanismes se manifestent principalement au
cours du premier cycle de déformation sinusoïdale appliqué et conduisent à une diminution de
la rigidité de la structure. A ces mécanismes immédiats et irréversibles vient se superposer la
modification du polymère lié reliant les sous-structures. Celle-ci est le résultat soit d’un
processus de désadsorption de chaînes (tel qu’évoqué par Mayer et Göritz), soit d’une
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
202
augmentation de la mobilité des chaînes par un processus de type relaxation principale. Ce
second mécanisme est réversible. Il se stabilise après quelques cycles sinusoïdaux. La
structure définitivement modifiée après l’application de la déformation maximale atteinte lors
du premier balayage est alors sollicitée lors d’un second balayage dans lequel n’intervient que
le mécanisme réversible. Ce mécanisme réversible a été décrit à l’aide d’un processus thermo-
mécaniquement activé, résultant d’un équilibre entre adsorption et desadsorption des chaînes
à l’interface. A la différence du modèle de Mayer et Göritz qui conduit à des valeurs peu
cohérentes des paramètres, la description proposée intègre un modèle de couplage mécanique,
qui traduit l’aspect composite des matériaux étudiés.
Pour les plus grandes déformations, une forte dissipation est observable pour les échantillons
fortement recouverts (AR8-100, AR8-125 et AR16). L’utilisation de l’agent de couplage
prévient cette forte dissipation grâce à la formation de liaisons covalentes entre les chaînes et
la charge. Afin de confirmer le lien entre cette manifestation dissipative et l’apparition de
l’endommagement, nous allons étudier le domaine des plus grandes déformations dans le
chapitre suivant.
Références : 1 G. HEINRICH, M.KLÜPPEL, Recent advances in the theory of filler networking in elastomers, Advances in Polymer Science, 160, 1, 2002 2 B.HAIDAR, H. SALAH DERRADGJI, A.VIDAL, E. PAPIRER, Physical aging phenomena in silica and glass beads filled elastomers (EPDM), Macromol. Symp., 108, 147, 1996 3 L.CHAZEAU, J.D.BROWN, L.C.YANYO, S.S.STERNSTEIN, Modulus recovery kinetics and other insights into the Payne effect for filled elastomers, Polym. Compos., 21, 202, 2000 4 B.B.BOONSTRA, “Reinforcement of Elastomers”, Ed G.Krauss, Interscience, 1965 5 V.ARRIGHI, I.J.McEWEN, H.QIAN, M.B.SERRANO PRIETO, The glass transition and interfacial layer in styrene-butadiene rubber containing silica nanofiller, Polymer, 44, 6259, 2003 6 L. LADOUCE, Y. BOMAL, Dynamic Mechanical Properties of Precipitated Silica Filled Rubber: Influence of Morphology and Coupling Agent, Rubb. Chem. Technol., 76, 145, 2003 7 G.KRAUS, Mechanical losses in Carbon Black-Filled Rubbers, J. Appl. Poly. Sci.: Appl. Poly. Symp., 39, 75, 1984 8 G.HUBER,T.A. VILGIS, Universal properties of filled rubbers : Mechanisms for reinforcement on different length scales, Kautsch. Gummi Kunst, 52, 102, 1999 9 P.G. MAIER, D. GORITZ, Molecular Interpretation of the Payne effect, Kautsch. Gummi Kunstst., 49, 18, 1996
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
203
10 R.M.CHRISTENSEN, K.H.LO, Solutions for effective Shear properties in three phases sphere and
cylinder models, J. of Mechanics and Physics of Solids, 27, 315, 1979 11 J. PEREZ, Physics and Mechanics of Amorphous polymer , Ed. A.A. Balkema, Rotterdam
/Broohfield, 1998 12 C. GAUTHIER, E. REYNAUD, R.VASSOILLE, L. LADOUCE , Analysis of the non linear
viscoelastic behaviour of Silica filled Styrene Butadiene Rubber, Polymer, in press
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
204
Chapitre V : Grandes déformations et endommagement
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
205
Dans le chapitre précédent, nous avons étudié la réponse viscoélastique et l’effet Payne des
différents matériaux en fonction du traitement de surface utilisé. Cette étude réalisée pour des
déformations inférieures à 1, a révélé l’importance de la desadsorption des chaînes de la
couche de polymère lié sous l’effet de la déformation. Au cours de la déformation (<1), pour
des taux supérieurs à 75% et des longueurs de chaîne alkyle supérieures à 8 carbones,
l’utilisation d’agent de recouvrement engendre de fortes dissipations d’énergie attribuables à
l’apparition de l’endommagement. Dans le cas de l’agent de couplage, le module initial chute
jusqu’à une valeur seuil puis réaugmente du fait de la réticulation. Pour les déformations
supérieures à 0.1, la formation de liaisons covalentes permet de prévenir l’endommagement
en limitant la décohésion aux interfaces.
Dans la continuité de la caractérisation mécanique, l’exploration des plus grandes gammes de
déformation devrait permettre de confirmer et/ou d’exacerber les effets observés. Le présent
chapitre s’intéresse au comportement en traction en fonction du traitement de la surface. Nous
chercherons ensuite à caractériser l’endommagement qui apparaît durant la déformation. Des
mesures de dilatation volumique couplées à la traction permettront de suivre la formation
éventuelle de vides au sein du composite, du fait de la décohésion aux interfaces. La diffusion
aux petits angles in-situ devrait aussi aider à interpréter les différents mécanismes mis en jeu.
V.1 Comportement aux grandes déformations
V.1.1 Matrice seule et chargée avec la silice non traitée
L’introduction de charges au sein de la matrice modifie la courbe contrainte-déformation
obtenue lors d’un essai de traction (cf. figure V-1a). Le renforcement se manifeste par une
augmentation de la contrainte à une déformation donnée et une amélioration des propriétés à
la rupture (augmentation de la déformation à rupture de 5 à 7.5 et de la contrainte nominale de
4 à 18 MPa). C’est un point clé de l’utilisation de nanocharges dans les matrices élastomères
d’obtenir à la fois un effet de renfort et l’amélioration des propriétés à rupture.
Une représentation différente des mêmes résultats est obtenue en traçant le module de corde
(première dérivée de la contrainte par rapport à la déformation) (cf. figure V-1b). On constate
que celui de la matrice non chargée augmente peu avec le taux de déformation. Pour des
déformations supérieures à 3, l’augmentation devient un peu plus marquée, c’est la phase de
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
206
consolidation. Dans le cas de la matrice chargée, la courbe présente une forme différente. On
peut y distinguer trois régions : le domaine de l’effet Payne avec l’apparition d’un minimum
assimilable à G’∞ (ε comprises entre 0 et1), une remontée du module qui se stabilise (pour les
déformations comprises entre 1 et 5) et la région terminale (consolidation) conduisant à la
rupture de l’éprouvette (ε supérieures à 5).
0 1 2 3 4 5 6 7 80
5
10
15
20
Domaine de sollicitationsde l'effet Payne
Con
train
te n
omin
ale,
σ (M
Pa)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
M : Matrice SBR Si: SBR + Silice seule
a)
0 1 2 3 4 5 6 7 80
2
4
6
8
10
Minimum correspondant au point d'inflexion
Mod
ule
de c
orde
(MP
a)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
M Si
b)
Figure V-1 : Essais de traction à température ambiante et ε*=0.4s-1, a) courbe contrainte nominale – déformation nominale, b) module de corde en fonction de la déformation nominale, pour la matrice et la matrice chargée
Afin d’interpréter le renforcement aux grandes déformations, on évoque souvent le rôle de
l’amplification de la déformation. En effet, du fait de l’hétérogénéité de la répartition des
charges, les zones de plus faible module se déforment au détriment des zones plus rigides1.
Localement, le taux de déformation devient donc supérieur au taux macroscopique. D’après
Kucherskii2, on peut estimer le facteur d’amplification en considérant le taux de déformation
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
207
au minimum du module de corde (correspondant au point d’inflexion). La déformation de la
phase caoutchoutique dans les mélanges chargés au point d’inflexion (εk composite)
correspondrait à la limite d’extension des chaînes les plus courtes du réseau dans le
composite. Kucherskii propose l’équation V-3 pour estimer le facteur d’amplification :
K=εk matrice / εk composite. (V-1)
Le facteur d’amplification pour le mélange SBR chargé avec de la silice est estimé à 2.8 par
cette méthode.
Pour obtenir une mesure plus directe du facteur d’amplification, Lapra3 propose d’utiliser
l’imagerie AFM lors d’un essai de traction. En repérant un certain nombre d’agglomérats de
charges (zones claires sur la figure V-2), la détermination d’un facteur d’amplification
consiste à faire le rapport entre la déformation mesurée entre deux agglomérats et la
déformation macroscopique. Sur des matériaux SBR-silice chargés à 27phr, et pour des
déformations supérieures à 1, Lapra détermine des facteurs d’amplification de la déformation
entre 2.5 et 2.8.
Figure V-2 : Image AFM de la surface d’un matériau SBR chargé (essai GEMPPM)
Toutefois, la comparaison entre l’estimation du facteur d’amplification grâce à l’équation (V-
3) et la détermination par AFM n’est pas triviale (déformation différente, taux de charge
différent). La conclusion commune de ces deux approches est que la déformation est
hétérogène à l’échelle micronique.
1.5µm
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
208
Description théorique des résultats
Nous avons vu dans le chapitre I que le caractère entropique de l’élasticité caoutchoutique
peut-être décrit par l’expression de Flory et Huhn4 dans l’hypothèse gaussienne. Dans le cas
de la matrice non chargée, cette approche permet de décrire la courbe contrainte nominale en
fonction de la déformation nominale pour des déformations n’excédant pas 3.5 (Figure V-3).
Pour cette description, le module initial utilisé est égal à 0.3 MPa. On peut affiner la
description du comportement lorsque les chaînes atteignent leur limite d’extensibilité. En
conservant le même module initial, nous avons testé la formulation d’Arruda et Boyce5 (Eq.
I-6 Chapitre I) en ajustant la courbe par le biais du paramètre n. Dans cette description, n est
lié à la longueur de persistance, et reflète la rigidité de la chaîne. Plus ce paramètre augmente,
plus l’estimation issue de la formulation d’Arruda et Boyce tend vers celle de l’approche
gaussienne (Figure V-3).
0 1 2 3 4 50.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
Con
train
te n
omin
ale,
σ (M
Pa)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
M : expérimental Approche Gaussienne
Approche Arruda et Boyce (8 chaînes) n = 20 n = 35 n = 60
Figure V-3 : Courbe de traction contrainte nominale en fonction de déformation nominale de la matrice et interprétation par la théorie d'élasticité
Dans le cas des systèmes chargés, ces deux approches ne permettent pas de décrire
correctement le comportement du matériau et les paramètres perdent leur sens physique. Cela
se comprend aisément vu la diversité des mécanismes de déformation conduisant à la rupture
de l’éprouvette : mécanismes associés à la première sollicitation dans la gamme de
déformation associée à l’effet Payne (désagglomération, desadsorption) mais également
apparition de l’endommagement (décohésion, cavitation). Les paramètres liés au matériau qui
interviennent dans ces différents mécanismes impliquent à la fois le réseau vulcanisé, le
réseau connexe de charges (s’il existe) et les interfaces matrice / charge. L’influence des
traitements de surface utilisés dans cette étude devrait donc également se manifester dans
cette gamme de déformation.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
209
Dans la partie suivante, le comportement aux grandes déformations est analysé pour les
agents de recouvrement en fonction du taux de couverture (AR8) et de la taille du traitement à
taux de couverture constant (ARn) et pour l’agent de couplage en fonction du taux de
couverture (AC).
V.1.2 Influence des agents de recouvrement
V.1.2.1 Influence du taux (série AR8) Les courbes de la figure V-4a présentent les courbes (contrainte nominale en fonction de la
déformation nominale) pour les différents mélanges de la série AR8. On observe que
l’augmentation du taux d’AR8 entraîne une chute de la contrainte à déformation donnée.
Cette chute de contrainte se stabilise pour les taux les plus élevés (taux d’AR8 supérieurs à
100%). Cette chute du renforcement est liée au recouvrement progressif de la surface de la
charge, et le phénomène de saturation peut être attribué au recouvrement total de la surface
(cf. chapitre III). La rupture des éprouvettes a lieu dans une gamme relativement faible de
déformations (comprises entre 5.7 et 7) et pour une large gamme de contraintes comprises
entre 8 et 16 MPa.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
210
0 1 2 3 4 5 6 70
2
4
6
8
10
12
14
16
18
Con
train
te n
omin
ale,
σ (M
Pa)
Déformation nominale (mm/mm)
Si Ar8-25 Ar8-50 Ar8-75 Ar8-100 Ar8-125
a)
0 1 2 3 4 5 6 7 80
1
2
3
4
5
6
Inversion de tendance
minimum correspondant au point d'inflexion
Mod
ule
de c
orde
(MP
a)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
Si Ar8-25 Ar8-50 Ar8-75 Ar8-100 Ar8-125
b)
Figure V-4 : Résultats de traction pour les matériaux de la série AR8 (Tamb, ε*=0.4 s-1), a) courbe contrainte déformation, b) Module de corde en fonction de la déformation
En ce qui concerne les modules de corde (figure V-4b), la forme des courbes se décompose,
comme précédemment, en trois régions, respectivement comprises entre 0 et 1, 1 et 5, et au-
delà de 5.
Dans la première région (ε comprise entre 0 et1), le taux d’AR8 influence la position du
minimum et la valeur du module de corde associé. Rappelons que ce minimum correspond au
point d’inflexion de la courbe contrainte déformation. La déformation au minimum de la
courbe de module de corde se situe entre ε ≈ 0.6 et ε≈1, et augmente avec le taux d’AR8. On
peut calculer, selon l’hypothèse de Kucherskii4, le facteur d’amplification en fonction de ce
taux. Malgré l’absence d’une tendance nette, on peut néanmoins déceler une légère
diminution de ce facteur avec le recouvrement de la surface jusqu’à une valeur seuil
d’environ 2.2 (cf. figureV-5). Cette décroissance correspond à une apparition retardée de la
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
211
limite d’extension des chaînes les plus courtes du réseau dans le composite. On peut donc
supposer que l’utilisation d’agent de recouvrement conduit à une distribution en taille des
longueurs entre nœuds de réticulation plus étroite. Cela confirmerait ainsi les conclusions du
Chapitre III : le recouvrement de la surface des charges conduit à une adsorption moins
importante du CBS et par conséquent à une réticulation plus homogène et moins localisée au
voisinage de la matrice. Par ailleurs, la valeur du module au minimum décroît
progressivement de 0.8 à 0.3 MPa lorsque le taux d’AR8 augmente. La valeur de module reste
constante (et égale à 0.3 MPa) pour le recouvrement maximum (100 et 125%). Dans le cas
des mesures d’effet Payne (mesures de cisaillement), on avait observé une évolution similaire
de G’∞ mais l’amplitude des variations était plus faible. Cette différence d’amplitude est
probablement en rapport avec le mode de sollicitation (cisaillement ou traction).
0 20 40 60 80 100 120 1400.8
1.0
1.2
1.4
1.6
1.8
2.0
2.2
2.4
2.6
2.8
3.0
MatriceK, f
acte
ur d
'am
plifi
catio
n
AR8 - Taux (%)
Figure V-5 : Facteur d'amplification en fonction du taux d’AR8
Au-delà du minimum (ε comprises entre 1 et 5), les modules les plus élevés correspondent
au système avec la silice non traitée. Les valeurs de module de corde sont d’autant plus faibles
que le taux d’AR8 est élevé. On observe une évolution de la forme de la courbe. Une rupture
de pente est observable pour des déformations proches de 3 pour les échantillons Si et AR8-
25 et donne lieu ensuite à une sorte de plateau. Pour les autres taux, la présence de ce plateau
n’est pas observée. A ces taux de déformations, les premières ruptures du réseau de charges et
la desadsorption du polymère lié reliant les sous-structures se sont déjà manifestées et les
décohésions à l’interface deviennent importantes. Ces décohésions vont se développer avec la
déformation d’autant plus facilement que le nombre d’interactions entre la matrice et la
charge est limité. Cela conduit à des modules de corde qui augmentent moins rapidement avec
la déformation avant le plateau. On est en présence de deux phénomènes concomitants : la
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
212
déformation du réseau vulcanisé et l’apparition et le développement des décohésions. Le
développement de l’endommagement limite l’influence de la charge et conduit à la formation
de ligaments de matrice dont le comportement dépend de la réticulation que nous savons
légèrement différente en fonction du traitement de la charge.
Dans la troisième région (ε >5), l’ordre des courbes s’inverse conduisant à un module plus
faible pour Si et un module croissant avec le traitement de la charge. Dans cette zone de
consolidation, toutes les chaînes du réseau vulcanisé atteignent leur limite d’extensibilité. Les
propriétés sont donc, là encore, fortement influencées par la réticulation du réseau. Comme
rappelé dans le paragraphe précédent, plus la surface est couverte, moins les accélérateurs de
vulcanisation se sont adsorbés. Cela entraîne la formation de ponts plus courts et donc
légèrement plus nombreux en présence de silice traitée que de silice non traitée. Le
comportement dans la zone terminale (ε>5) reflèterait donc cette différence de réticulation par
une consolidation plus rapide et un allongement à la rupture qui décroît légèrement.
Afin de valider cette hypothèse, nous avons réalisé des essais sur une série d’échantillons
(AR8bis) pour laquelle le traitement de surface de la charge est identique mais le système de
vulcanisation a été augmenté afin d’estomper cet effet d’hétérogénéité de la réticulation. Dans
ces échantillons, le système de vulcanisation (Soufre, accélérateurs) dans la matrice est de fait
plus important. Les courbes sont présentées par la figure V-7. Les courbes contrainte-
déformation des matériaux de cette série se classent comme celles de la série AR8 : les
contraintes à un taux de déformation donné diminuent avec le taux d’agent de recouvrement.
Par contre, les courbes de module de corde ne présentent pas la zone d’inversion avant la
rupture. On peut également remarquer, en comparant les séries AR8 et AR8bis, des
déformations à la rupture inférieures (4.5 et 5.5) pour AR8bis attribuable à l’augmentation du
taux de réticulation globale (due certes à la concentration plus forte en CBS mais aussi et
surtout à la quantité de soufre introduite plus importante).
Enfin, pour revenir à la série AR8, on observe que la rupture survient pour des déformations
quasi identiques (à la légère diminution près expliquée précédemment) et des contraintes
d’autant plus faibles que la surface est recouverte. Ce résultat est la conséquence des
mécanismes décrit plus haut. La couverture de la surface par les agents de recouvrement
facilite l’initiation d’une décohésion à l’interface charge-matrice. La déformation de
l’échantillon se concentre donc dans les ligaments de matrice entre ces zones de décohésions.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
213
La section totale de ligaments sera d’autant plus faible que le nombre de décohésion sera
important (cf. figure V-6). Néanmoins, ces ligaments ont la même déformation à rupture
(toujours à la légère différence de réticulation près). Cela conduit donc à taux de
recouvrement croisant, à la chute de la contrainte à rupture pour un taux de déformation à
rupture identique.
Section S1 S2 S3 S4
Vide
ligament
Figure V-6 : Représentation schématique de la décohésion et des ligaments de matrice
En conclusion, (si on néglige les conséquences sur le processus de réticulation), le
recouvrement progressif de la charge par le biais de l’agent de recouvrement (AR8) induit une
chute du renforcement initial qui est lié à la chute de rigidité du réseau par la diminution de la
quantité de polymère lié transmettant les efforts. Le traitement de la charge conduit également
à un comportement à la rupture (déformation équivalente et chute de la contrainte avec le
recouvrement) qui traduit un endommagement à l’interface entre la matrice et la charge
d’autant plus facile que le nombre de liaisons entre la silice et la matrice est limité.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
214
0 1 2 3 4 5 60
2
4
6
8
10
12
14
16
18
Con
train
te n
omin
ale,
σ (M
Pa)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
Agent de recouvrement (8 carbones) réticulation supplémentaire
Ar8-25 bis Ar8-50 bis Ar8-75 bis Ar8-100 bis Ar8-125 bis
a)
0 1 2 3 4 5 60
2
4
6
8
Mod
ule
de c
orde
(MP
a)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
Agent de recouvrement (8 carbones) réticulation supplémentaire
Ar8-25 bis Ar8-50 bis Ar8-75 bis Ar8-100 bis Ar8-125 bis
b)
Figure V-7 : a) Courbe contrainte-déformation nominale, b) Module de corde en fonction de la déformation pour la série AR8bis, (ε*=0.4 s-1).
V.1.2.2 Influence de la taille de la chaîne alkyle (série ARn) Le comportement des matériaux dont la charge est recouverte avec des agents de
recouvrement de plus en plus longs suit une tendance similaire à celle observée dans la série
précédente. La contrainte à une déformation donnée décroît avec la longueur de l’agent de
recouvrement ( figure V-8). Par contre, alors qu’une saturation de la chute était observée pour
les taux d’AR8 les plus élevés, celle-ci n’est pas présente dans le cas des systèmes ARn.
Ainsi, le comportement de l’échantillon AR16 est bien inférieur à celui de AR8, indiquant
peut-être un effet plastifiant de l’AR16 en excès. Les déformations et les contraintes à la
rupture sont comparables à celles observées avec la série précédente (AR8). La gamme de
déformation à rupture est restreinte, comprise entre 6 et 7 et les contraintes varient de 8 et 16
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
215
MPa. Les contraintes à rupture les plus élevées sont obtenues pour les agents de recouvrement
les plus courts ou la silice non traitée.
0 1 2 3 4 5 6 7 80
2
4
6
8
10
12
14
16
18
Con
train
te n
omin
ale,
σ (M
Pa)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
Si AR1 AR3 AR8 AR16
a)
0 1 2 3 4 5 6 70
2
4
6
Minimum correspondant au point d'inflexion
Mod
ule
de c
orde
(MP
a)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
Si AR1 AR3 AR8 AR16
b)
Figure V-8 : Essais de traction pour la série ARn (ε*=0.4 s-1 ) a) courbe contrainte déformation b) module de corde en fonction de la déformation
Les courbes du module de corde en fonction de la déformation (figure V-8b) présentent
encore trois régions caractéristiques. Dans la première région, en fonction des traitements de
surface, le module de corde passe par un minimum pour des déformations allant de ε≈0.6
(pour la silice non traitée) à ε≈1.1 pour l’agent de recouvrement le plus long (AR16). Ces
déformations correspondent à une amplification K qui chute d’environ 2.8 pour la silice non
traitée à 1.7 pour (AR16). La figure V-9 présente l’évolution de K en fonction de la longueur
de la chaîne alkyle.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
216
0 2 4 6 8 10 12 14 16 180.8
1.0
1.2
1.4
1.6
1.8
2.0
2.2
2.4
2.6
2.8
3.0
MatriceK F
acte
ur d
'am
plifi
catio
n
ARn - longueur de chaîne alkyle (nC)
Figure V-9 : Facteur d'amplification en fonction de la longueur de chaîne alkyle (ARn)
Pour des déformations plus importantes (entre 1 et 5), les mélanges Si, AR1 et AR3
présentent des courbes de module de corde avec des niveaux différents mais une allure
similaire (comportement appelé type 1). Cette allure se caractérise par une augmentation
rapide du module de corde jusqu’à une rupture de pente observée pour des déformations
comprises entre 3.5 et 4, puis un plateau. Pour les mélanges AR8 et AR16, les modules de
corde sont plus faibles et augmentent plus lentement sans apparition de plateau
(comportement type 2). Ainsi, sur l’ensemble des deux séries avec agent de recouvrement, la
forme de courbe de type 1 correspond à l’ensemble des matériaux dont l’étude de l’effet
Payne ne révélait pas de deuxième pic de facteur de perte. A l’inverse, pour les mélanges AR8
et AR16 ainsi que pour les échantillons AR8-100 et AR8-125 (comportement type 2), ce pic
était observé et attribué à l’apparition de l’endommagement. On peut donc proposer que la
forme de courbe de type 1 est en relation avec le développement moins rapide de
l’endommagement du fait d’un recouvrement plus faible de la surface.
La troisième région de la courbe de module de corde (déformations supérieures à 5)
correspond au durcissement qui conduit à la rupture de l’éprouvette. Pour les échantillons Si,
AR1 et AR 3, on retrouve, comme pour les matériaux de la série AR8, que les courbes se
croisent. Dans le cas d’AR8 et AR16, les niveaux de module de corde sont bien inférieurs
mais les pentes augmentent encore, ce qui permet de valider les conclusions précédentes :
dans cette zone, les caractéristiques de la matrice vulcanisée deviennent prépondérantes.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
217
Finalement, le comportement aux grandes déformations dépend beaucoup du traitement de la
surface de la silice. Les mécanismes mis en jeu sont le développement de l’endommagement
du aux décohésions à l’interface et la déformation du réseau vulcanisé. L’utilisation d’un
agent de couplage conduit à la formation des liaisons covalentes entre la charge et la matrice
ce qui permet de prévenir ou de retarder l’endommagement observé avec les agents de
recouvrement et contribue à la réticulation. Les propriétés en traction des mélanges (AC)
utilisant cet agent d’interface sont présentées dans le paragraphe suivant.
V.1.3 Influence de l’agent de couplage
Les courbes de la figure V-10a, présentent l’évolution de la contrainte en fonction de la
déformation pour les différents taux d’agent de couplage. On observe cette fois que les
contraintes les plus faibles sont obtenues pour la silice non traitée à déformation donnée.
L’utilisation d’un agent de couplage, dès les faibles taux (25%), conduit à une augmentation
des contraintes. Ce renforcement augmente continuellement avec l’accroissement du taux. La
rupture se produit pour une déformation décroissante avec le taux d’AC introduit. Cette
dernière passe de 7 pour la silice non traitée à 3 pour AC-125. Les contraintes à la rupture se
confinent dans une gamme de valeurs relativement proches, elles sont comprises entre 15 et
17 MPa.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
218
0 1 2 3 4 5 6 7 80
2
4
6
8
10
12
14
16
18
Con
train
te n
omin
ale,
σ (M
Pa)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125
a)
0 1 2 3 4 5 6 7 80
2
4
6
8
10
Mod
ule
de c
orde
(MP
a)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125
b)
Figure V-10 : courbes de traction pour la série AC (Tamb, ε*=0.4 s-1), a) courbe contrainte déformation, b) Module de corde en fonction de la déformation
L’évolution du module de corde est décrit par la figure V-10b pour l’ensemble de ces
mélanges. Le minimum du module de corde (point d’inflexion) est localisé à des déformations
comprises entre ε≈0.7 (pour la silice non traitée) et ε≈0.5 (pour AC-125). L’amplification de
déformation est constante pour des taux d’AC jusqu’à 75 % et augmente légèrement pour les
taux d’agent de couplage supérieurs (cf. figure V-11). Il est important de rappeler que pour les
mélanges AC-75, AC-100, et AC-125, la caractérisation du greffage (Chapitre III) et les
propriétés aux faibles déformations (Chapitre IV) permettent de considérer que le greffage
maximal est atteint. L’évolution du facteur d’amplification est le résultat de deux phénomènes
concomitants : le recouvrement de la surface qui conduit à une réticulation plus homogène
(même observation que pour les agents de recouvrement) et une augmentation du degré de
réticulation par la polycondensation de l’agent de couplage en excès (effet surtout sensible
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
219
pour les taux supérieurs à 75). Ces deux phénomènes ont des effets antagonistes sur le facteur
d’amplification qui expliquent ainsi sa décroissance puis sa remontée avec le taux d’AC. On
constate également l’augmentation de la valeur du module de corde au minimum de la courbe
qui augmente avec le taux d’agent de couplage et passe de 0.8 à 1.7 MPa. Cette évolution est
très similaire à celle observée pour G’∞.
0 20 40 60 80 100 120 1400,81,01,21,41,61,82,02,22,42,62,83,03,23,43,63,84,0
MatriceK F
acte
ur d
'am
plifi
catio
n
AC - Taux (%)
Figure V-11 : Facteur d'amplification en fonction du taux d’AC
Pour les taux de déformations supérieures, les courbes du module de corde en fonction de la
déformation ont toute une forme de type 1 (augmentation rapide suivie d’un plateau). Le
plateau apparaît d’autant plus rapidement et sa valeur est d’autant plus élevée (de 4MPa à
7MPa) que le taux d’agent de couplage est important. Le niveau du plateau de module de
corde dépend donc de l’état de réticulation globale du composite (réticulation de la matrice et
nombre de liaisons covalentes entre la charge et la matrice).
Pour reprendre l’interprétation faite en présence d’agent de recouvrement, sous l’effet de la
déformation, les mécanismes mis en jeu sont tout d’abord un affaiblissement du réseau S-PL-
S au niveau des jonctions entre sous-structures, puis la déformation du réseau vulcanisé et le
développement de l’endommagement. Dans le cas des agents de couplage, du fait des liaisons
chimiques charge matrice, la silice joue le rôle de nœud de réticulation multi-fonctionnel qui
augmentent considérablement l’effet de la réticulation. Ce couplage retarde également le
développement de l’endommagement. Cela conduit à des niveaux de renforcement supérieurs
à ceux obtenus pour la silice non traitée et à la diminution des valeurs de déformation à
rupture.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
220
Pour confirmer l’influence d’une réticulation supplémentaire, on peut étudier le
comportement jusqu’à rupture du mélange AC-75S+ pour lequel le recouvrement est
identique mais la réticulation de la matrice est doublée.
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.00
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22C
ontra
inte
nom
inal
e, σ
(MP
a)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
AC75 AC125 AC75S+
a)
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,50
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
Mod
ule
de c
orde
(MP
a)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
AC75 AC125 AC75S+
b)
Figure V-12 : a) courbe contrainte déformation, b) Module de corde en fonction de la déformation pour AC75, AC125, et le mélange AC75S+ ‘’sur réticulé’’, ε= 0.4 s-1
. L’évolution de la courbe contrainte déformation est en accord avec les conclusions
avancées précédemment : dans le cas d’une bonne interface, lorsque la réticulation augmente,
le durcissement est plus prononcé et plus précoce et la déformation à rupture diminue. En
terme de module de corde, l’augmentation de la réticulation est observable sur la valeur du
minimum et sur la forme de la courbe (type1) et le facteur d’amplification de AC75S+ est
égal à 5.5. L’effet d’une sur-réticulation de la matrice non chargé conduit également à des
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
221
observations similaires. Des mesures de déformation et de contrainte à rupture de la matrice
en fonction du taux de réticulation sont présentées dans l’Annexe-4.
V.1.4 Discussion
Nous venons de décrire le comportement en traction en faisant évoluer le recouvrement de la
surface par un agent de recouvrement (AR8 ou ARn) puis par un agent de couplage (AC). Il
paraît intéressant de comparer maintenant les deux types de greffages. La figure V-13
présente le comportement des échantillons Si, AR8, AR16 et AC-75, et celui de la matrice
non chargée.
1. La présence de silice non traitée engendre un renforcement largement supérieur à celui de
la matrice non chargée.
2. La silice traitée par des agents de recouvrements conduit à une diminution du
renforcement. Il semble que ce traitement tend à annihiler le renforcement engendré par
la charge. Ainsi, le comportement de l’échantillon AR16 devient presque comparable à
celui de la matrice non chargée,.
3. La silice traitée avec un agent de couplage grâce à la formation de liaisons covalentes
entre la charge et la matrice montre un renforcement considérablement accru qui conduit
également à une diminution de l’allongement à rupture.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
222
0 1 2 3 4 5 6 7 80
5
10
15
20
3
2
1
Con
train
te n
omin
ale,
σ (M
Pa)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
M : Matrice Si
Agents de recouvrement AR8 AR16
Agent de couplage AC75
a)
0 1 2 3 4 5 6 7 80
2
4
6
8
10
3
21
Mod
ule
de c
orde
(MP
a)
Déformation nominale, ε(mm/mm)
M : Matrice Si
Agents de recouvrement AR8 AR16
Agent de couplage AC75
b)
Figure V-13 : a) courbe contrainte déformation, b) Module de corde en fonction de la déformation pour les différents types de traitement de surface, ε= 0.4 s-1
Lorsque la silice est traitée par des agents de recouvrement, l’évolution de la contrainte en
fonction de la déformation montre une réduction du renforcement par rapport aux mélanges
chargés avec la silice non traitée. Aux petites déformations (<1) la rigidité du mélange est
réduite. Pour des déformations supérieures, les plus faibles interactions entre la matrice et la
charge favorisent la décohésion aux interfaces. Ce phénomène serait favorisé par la
réticulation moins serrée au voisinage de la charge traitée. Les caractéristiques de la rupture
(rappelées par la figure V-14) seraient la conséquence de ce processus d’endommagement.
Les décohésions entraîneraient la formation de ligaments de matrice autour des charges. La
contrainte serait la conséquence de ce processus qui ne serait pas initialisé aux mêmes
déformations en fonction du recouvrement de la surface de la charge ou de la longueur de la
molécule d’agent de recouvrement. Et la valeur de la contrainte à la rupture serait le résultat
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
223
de la section totale plus ou moins importante des ligaments pour lesquels la déformation à la
rupture reste quasiment constante. La légère baisse de cette dernière serait simplement liée à
la petite différence de réticulation (ponts plus courts et donc un peu plus nombreux avec le
taux de recouvrement).
En présence d’agent de couplage, les interactions entre la matrice et la charge sont favorisées
par la formation de liaisons covalentes qui ont pour conséquence d’augmenter le degré de
réticulation du composite. L’agent de couplage en créant des liaisons chimiques entre la
charge et la matrice limiterait le phénomène de décohésion évoqué pour la silice traitée avec
les agents de recouvrement. Ce phénomène d’endommagement serait soit retardé vers de plus
grandes déformations soit remplacé par un autre type d’endommagement. Dans le cas de
liaisons fortes charge matrice, certains auteurs considèrent en effet la formation de cavités au
sein de la matrice (au voisinage de la charge)6. Quel qu’en soit l’origine, le phénomène de
fléchissement du module est interprété par la propagation de cet endommagement (cf. figure
V-13b). L’augmentation de la réticulation est responsable d’une rupture qui se produit pour
des contraintes équivalentes (cf. figure V-14) et des déformations décroissantes avec la
quantité d’agent de couplage.
3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 5.5 6.0 6.5 7.0 7.5
8
10
12
14
16
18
Con
train
te à
la ru
ptur
e, σ
r (M
Pa)
Déformation à la rupture, εr (mm/mm)
Agents de recouvrement AR8 (différents taux de recouvrement (%)) ARn (longueur de chaîne alkyle (nC))
Agent de couplage AC (différents taux de recouvrement (%))
Figure V-14 : enveloppe rupture pour l'ensemble des matériaux
Dans cette gamme de déformation, la qualité de l’interface, plus résistante en présence de
liaisons covalentes ou au contraire affaibli en présence d’agent de recouvrement est donc le
facteur déterminant dans le renforcement d’élastomères chargés en particulier parce qu’il
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
224
conditionne les mécanismes d’endommagement. Les mesures qui vont suivre s’intéressent à
mieux caractériser cet endommagement.
V.2 Caractérisation de l’endommagement
Nous nous limiterons ici à caractériser l’endommagement se manifestant par la formation de
vide, c’est à dire le mécanisme de notre point de vue prépondérant. La première technique
utilisée est la dilatométrie. La seconde est la diffusion de lumières aux petits angles. Les deux
techniques ont l’avantage de permettre des mesures in-situ au cours de la déformation.
V.2.1 Variation volumique sous traction
Ces mesures sont réalisées grâce à un dispositif conçu au sein du laboratoire GEMPPM, dont
le principe est décrit dans le chapitre II. Pour des raisons techniques liées à la puissance du
moteur, les vitesses de déformation sont beaucoup plus lentes que celles utilisés lors des
essais de traction discutés précédemment. De plus la géométrie du dispositif ne permet pas
dans notre cas d’atteindre des déformations supérieures à 3.
V.2.1.1 Influence de la charge La figure V-15 représente les mesures de variation volumique ∆V/V0 (%) sous traction pour
la matrice et la matrice en présence de charges. V0 correspond au volume initial de
l’éprouvette. Les mesures ne révèlent pas de variation volumique lors de la traction de la
matrice. Ce résultat confirme l’incompressibilité de l’élastomère non chargé (coefficient de
Poisson de 0.4999) et permet de valider la technique. En présence de charges, la dilatation
volumique est observable dès le début de la traction. Elle augmente ensuite avec la
déformation pour atteindre une valeur proche de 4% pour une déformation nominale de 3.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
225
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.50
1
2
3
4
Lim
ite g
éom
étriq
ue
du d
ispo
sitif
de
mes
ure
Dila
tatio
n vo
lum
ique
, ∆V/
V 0 (%
)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
M : Matrice Si
Figure V-15 : Mesure de dilatation volumique en fonction de la déformation, ε*=0.003s-1
Il y donc bien formation de cavités au sein de l’élastomère lorsqu’il est sollicité en traction.
Nous allons maintenant examiner en quoi le traitement de surface de la silice l’influence.
V.2.1.2 Influence des agents de recouvrement
La variation volumique des échantillons de la série AR8 sous traction est reportée en fonction
de la déformation figure V-16a et en fonction de la contrainte figure V-16b. La variation
volumique apparaît dès les faibles déformations et croit pour l’ensemble des échantillons avec
la déformation. A déformation donnée sa valeur décroît avec le recouvrement de la surface.
Son évolution en fonction de la contrainte montre au contraire, qu’à contrainte donnée, elle
croit avec le taux de recouvrement. La détermination d’une valeur précise correspondant au
début de la décohésion est difficile. Ce qu’il faut retenir est que la contrainte nécessaire pour
obtenir un début de cavitation est très faible que la silice soit traitée ou non. Par contre,
l’agent de recouvrement facilite d’autant plus la cavitation qu’il recouvre une part importante
de la surface de la silice et que les contraintes sont importantes.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
226
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.00.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
3.5
4.0
Dila
tatio
n vo
lum
ique
, ∆V
/V0 (
%)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
a)
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.00.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
Dila
tatio
n vo
lum
ique
, ∆V
/V0 (
%)
Contrainte nominale, ε (mm/mm)
Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
b)
Figure V-16 : Mesures de dilatation volumique en fonction a) de la déformation, b) de la contrainte, ε*=0.003s-1
La variation volumique des échantillons de la série ARn sous traction est reportée en fonction
de la déformation figure V-17a) et en fonction de la contrainte figure V-17b). L’influence de
la longueur de la chaîne alkyl est très similaire à celle du taux d’AR8. On retrouve encore une
fois l’équivalence entre taux et longueur de l’agent de recouvrement à ceci près qu’à niveau
de déformation donné, l’augmentation du taux d’agent de recouvrement semble plus efficace
que l’augmentation de sa longueur. En fait cet effet s’explique par la réticulation très
légèrement supérieure de la série AR8 par rapport à celle de la série ARn (évoquée au
chapitre III). Elle conduit à des niveaux de contraintes plus importants et donc à une
cavitation plus importante pour la série AR8.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
227
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.00.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
3.5
4.0
Dila
tatio
n vo
lum
ique
, ∆V
/Vo
(%)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
Si Ar1 Ar3 Ar8 Ar16
a)
0 1 2 3 4 50.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
3.5
4.0
Dila
tatio
n vo
lum
ique
, ∆V
/V0 (
%)
Contrainte nominale, σ (MPa)
Si AR1 AR3 AR8 AR16
b)
Figure V-17 : Mesures de dilatation volumique (ARn) en fonction a) de la déformation, b) de la contrainte, ε*=0.003s-1
V.2.1.3 Influence de l’agent de couplage
Les courbes représentées par la figure V-18 (a) et (b) illustrent l’évolution de la dilatation
volumique en fonction respectivement de la déformation et de la contrainte pour la série AC.
On observe en comparant la figure V-18 (a) et la figure V-17 (a) que la concavité initiale des
courbes de dilatation volumiques en fonction de la déformation est différente selon que la
silice est traitée avec agent de recouvrement ou qu’elle est traitée avec de l’agent de couplage.
En d’autres termes, le greffage avec un agent de couplage semble ralentir l’apparition de
cavitations aux faibles déformations. La dilatation volumique apparaît réellement pour des
déformations de l’ordre de 0.5 alors qu’elle apparaissait dès le début de la déformation pour
les échantillons Si et AR8. En outre, cette variation volumique s’accélère avec la déformation
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
228
(l’accélération croit avec le taux d’AC) pour dépasser celle de la silice traitée pour des
déformations de l’ordre de 3.5 dans le cas d’AC-75. L’observation de la dilatation volumique
en fonction de la contrainte appliquée montre des courbes qui se superposent pour tous les
échantillons traités avec AC, quel qu’en soit le taux introduit. Ainsi, il a suffi d’introduire
seulement 25% de taux d’AC pour modifier les mécanismes de cavitation de la même manière
qu’avec des taux d’AC supérieurs. Ces courbes montrent l’absence de cavitation pour des
contraintes inférieures à 1 MPa. Elles se distinguent ainsi nettement de celle de la silice non
traitée qui montre une cavitation plus précoce.
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.50.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
3.5
4.0
4.5
Dila
tatio
n vo
lum
ique
, ∆V/
V 0 (%
)
Déformation nominale, ε (mm/mm)
Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125
a)
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 110.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
3.5
4.0
4.5
5.0
5.5
Dila
tatio
n vo
lum
ique
, ∆V/
V 0 (%
)
Contrainte nominale, σ (MPa)
Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125
b)
Figure V-18 : Mesures de dilatation volumique en fonction a) de la déformation, b) de la contrainte, ε*=0.003s-1
V.2.1.4 Conclusion
Les mesures de dilatation volumique montrent deux types de comportement en fonction du
traitement de la surface de la silice(cf. figure V-19). Pour la silice non traitée et traitée avec
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
229
les agents de recouvrement la contrainte et la déformation de décohésion sont faibles. Pour
des déformations croissantes et équivalentes, la dilatation volumique diminue avec le
traitement de la surface. Ce phénomène s’explique par les niveaux de contrainte moins
importants quand la silice est traitée. Les mélanges avec la silice traitée montre une sensibilité
croissante à la contrainte avec le taux croissant d’agent de recouvrement ou la longueur de la
chaîne. Ces observations montrent que l’endommagement localisé à l’interface et dépend du
nombre d’interaction entre la matrice et la charge et apparaît d’autant plus facilement que leur
nombre est limité.
En présence de liaisons covalentes entre la matrice et la charge par le biais de l’agent de
couplage, les mesures montre que la décohésion à l’interface est retardée en déformation et en
contrainte. L’endommagement est influencé par la présence de l’agent de couplage mais n’est
pas significativement sensible à la quantité. La dilatation volumique tend ensuite avec la
déformation à devenir équivalente à celle observée quand la silice est non traitée ou traitée
avec agent de recouvrement.
L’initiation de l’endommagement dans le cas de fortes interactions (covalentes) à l’interface
est retardée mais les contraintes mises en jeux, le font croître très rapidement. En présence de
ce type de liaisons les mécanismes qui retardent l’apparition de l’endommagement peuvent
faire intervenir des mécanismes de réorganisation de la structure interne du composite lié à la
forte cohésion existant entre la charge et la matrice.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
230
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.00
1
2
3
4
5 M: Matrice Si AR8 AC75
Dila
tatio
n vo
lum
ique
, ∆V
/V0 (
%)
Déformation nominale, ε (%)
a)
0 1 2 3 4 5 6 7 80
1
2
3
4
5 M: Matrice Si AR8 AC75
Dila
tatio
n vo
lum
ique
, ∆V
/V0 (
%)
Contraite nominale, σ (MPa)
b)
Figure V-19 : Mesures de dilatation volumique en fonction a) de la déformation, b) de la contrainte pour les différents types d'interface, ε*=0.003s-1
Ces deux processus d’endommagement observés précédemment implique une décohésion et
la formation de vide à l’interface entre la charge et la matrice. Des techniques comme la
diffusion aux petits angles devrait permettrent de visualiser l’apparition des changements
morphologiques et la création de ces nouvelles entités diffusantes.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
231
V.2.2 Diffusion aux petits angles sous traction
V.2.2.1 Profils de diffusion 2D Afin d’approfondir notre analyse de l’endommagement, des mesures sous traction couplée à
la diffusion aux petits et ultra petits angles de rayon X et de lumière ont été réalisées. SAXS et
USAXS ne dévoilent pas de variations du profil de diffusion pendant la déformation. Aucune
hétérogénéité n’est donc visible dans les domaines de taille explorés par ces techniques.
Inversement, la diffusion de lumière montre une évolution significative des profils de
diffusion quels que soient les échantillons chargés testés.
0 50 100 150 200 250 300 3500
1
2
3
4
5321
Silice non traitée ou avec agent de recouvrement ∆V/V contrainte
Agent de couplage ∆V/V contrainte
Déformation, ε (mm/mm)
Dila
tatio
n vo
lum
ique
, ∆V/
V (%
)
0
2
4
6
8
Contrainte, σ (M
Pa)
Figure V-20 : Courbe de dilatation volumique et de contrainte en présence ou non de liaisons covalentes
Nous nous sommes limités ici à l’étude des échantillons Matrice, Si, AC-75, AC-125 et AR8.
Comme nous l’observons avec les mesures de dilatométrie, la différence entre ces 4
échantillons se situe au niveau de la présence ou non de liaisons covalentes (i.e. Si et AR8,
d’une part, et AC-75 et AC-125 d’autre part présentent le même comportement). Nous nous
bornerons par la suite à présenter les résultats obtenus avec AC et Si, c’est à dire
respectivement avec et sans liaison covalente à l’interface.
Les profils de diffusion obtenus à l’état initial ont déjà été discutés au chapitre III. Ils sont
identiques pour tous les échantillons. Nous disposons des profils mesurés en continu à chaque
incrément de déformation. A partir de leur évolution, nous avons distingué deux domaines
significatifs de déformation, le premier correspond à des déformations inférieures à 1, le
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
232
second au-delà. Dans chacun de ces deux domaines, nous avons sélectionné deux taux de
déformation pour lesquels les profils obtenus sont représentatifs :
- Un taux de déformation nominal de 0.75. A ce taux, les mesures au dilatomètre ont
montré une différence significative entre l’échantillon avec agent de couplage et celui
avec la silice non traitée, alors que les niveaux de contrainte sont identiques (cf. Figure V-
20).
- Un taux de déformation nominal de 2.5, taux pour lequel les niveaux de contraintes
diffèrent fortement, et les courbes de variations de volume se sont rapprochées.
Les profils obtenus à un taux de 75% sont présentés sur les figures V-21. Nous n’avons pas
présenté les profils de diffusion de la matrice car ils n’évoluent pas avec la traction. Les
agglomérats de ZnO ont pourtant été détectés par diffusion de lumière. Leur faible
concentration, visible en microscopie, implique des distances entre agglomérats beaucoup
trop grande pour qu’elles soient observables. C’est d’autant plus vrai lorsque l’échantillon est
déformé. En outre, l’absence de modification du profil signifie également que les agglomérats
de ZnO ne sont pas affectés par la traction. Toute modification des profils de diffusion dans
les échantillons avec charge n’est donc pas attribuable à la matrice.
L’échantillon Si montre une diffusion anisotrope allongée perpendiculairement à la direction
de la traction (figure V-19 a). Ce type de profil correspondrait à la diffusion d’entités
allongées dans le sens de la traction. La dilatation volumique déjà présente à ce taux de
déformation permet d’attribuer cette diffusion à la présence d’une décohésion à l’interface et à
la formation de vides.
En présence de liaisons covalentes, un profil très différent, en forme de « papillon », apparaît
allongé dans la direction de traction. Ce profil ne peut être le résultat de la formation de vides,
comme l’indique les mesures de dilatométrie. La formation d’un profil dit ‘’papillon’’ a déjà
été rapportée dans la littérature. Bastide et coll.7 l’observent dans le cas de gels gonflés,
formés de clusters de chaînes plus réticulées que le matériau en moyenne, déformés en
traction. Ils associent ce phénomène à la réorganisation spatiale du réseau de clusters, ces
derniers se déformant moins que les régions moins réticulées. Par ailleurs, DeGroot et coll.8
observe ce phénomène pour des suspensions de silice colloïdale dans du PDMS
(polydiméthylsiloxane) liquide sollicité en cisaillement. Ce phénomène ne se produit qu’en
présence d’agglomérats de charge. Ils l’attribuent à la rupture de ces agglomérats et leur
réorganisation par contraction et orientation dans la direction de sollicitation. Nos résultats
correspondent à ce dernier cas. La présence d’agent de couplage a donc pour conséquence, en
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
233
limitant la décohésion à l’interface, d’étirer les sous structures. Cet étirement forcément très
hétérogène conduit à l’apparition de nouvelles longueurs de corrélation dans la direction de la
sollicitation.
a) b)
Figure V-21: a) profil de diffusion pour Si, et b) en présence d'agent de couplage pour 0.75 de déformation
La figure V-22 présente les profils de diffusion obtenus à un taux de déformation de 2.5. Dans
le cas de Si, la tendance déjà observée à 0.75 est amplifiée. Les entités diffusantes (les vides)
se sont encore allongées. Pour la silice traitée avec l’agent de couplage, le profil de diffusion
possède une orientation perpendiculaire à celle du profil précédent. La visualisation de tous
les profils intermédiaires montre qu’il est le résultat d’une augmentation progressive de sa
largeur dans le sens perpendiculaire à la traction tandis que celle dans le sens parallèle s’est
légèrement contracté. Cela donne un profil très similaire à celui obtenu avec Si. A la diffusion
attribuée au réarrangement des charges qui s’est légèrement estompée s’est donc superposée
la diffusion d’entités allongées dans le sens de la traction. La similitude des deux profils est à
relier aux résultats de dilatation volumique qui montrent que les deux matériaux sont
endommagés de manière très proche à ces gammes de déformation.
Direction de traction
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
234
a) b)
Figure V-22 : a) profil de diffusion pour Si, et b) en présence d'agent de couplage pour les déformations de 2.5
V.2.2.2 Longueurs de corrélation
Afin d’obtenir les informations sous forme de courbe d’intensité en fonction du vecteur
d’onde, une moyenne sectorielle est réalisée en considérant les profils d’intensité sur un an gle
de quelques degrés selon les deux directions impliquées dans ces mesures : dans le sens de la
traction et dans le sens perpendiculaire à cette dernière.
L’analyse quantitative de ces courbes nécessite au préalable d’effectuer certaines corrections.
Au cours de la traction l’épaisseur de l’échantillon diminue avec la déformation. Une
correction doit donc être réalisée sur les valeurs de l’intensité afin de s’affranchir de
l’augmentation d’intensité provoquée par l’amincissement de l’éprouvette. Elle consiste à
prendre le rapport de l’intensité et de l’épaisseur du film. L’épaisseur du film en cours de
déformation est estimée à partir des résultats de dilatation volumique : 5.0
0
00 1 ⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛+
∆=
LL
VVee (V-4)
où e0 est l’épaisseur initiale, L0 la longueur initiale, et L l’extension.
Il aurait été utile de soustraire au signal des composites le signal de la matrice. Cela nous
aurait permis d’obtenir le seul signal des entités diffusantes (vides et charge), et d’ainsi
permettre un traitement plus quantitatif. Mais cela s’est avéré impossible. En effet, dans cette
gamme de vecteur d’onde, du fait de la présence de ZnO mal dispersé, la matrice en l’absence
de charge diffuse plus dans la gamme de q observée que les mélanges chargés (cf. Chapitre
III).
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
235
1E-4 1E-3100
1000
Silice non traitée
Inte
nsité
diff
usée
, I (U
A)
vecteur d'onde q (A°-1)
déformation ε=0 ε=0.89 ε=2.31 ε=3.7
1E-4 1E-3100
1000
Silice traitée avec Ac
Inte
nsité
diff
usée
, I (U
A)
vecteur d'onde q (A°-1)
déformation ε=0 ε=0.89 ε=2.31 ε=3.7
a)
1E-4 1E-3100
1000
Silice non traitée
Inte
nsité
diff
usée
, I (U
A)
vecteur d'onde q (A°-1)
déformation ε=0 ε=0.89 ε=2.31 ε=3.7
1E-4 1E-3100
1000
Silice traitée avec AC
Inte
nsité
diff
usée
, I (U
A)
vecteur d'onde q (A°-1)
déformation ε=0 ε=0.89 ε=2.31 ε=3.7
b)
Figure V-23 : Courbes d'intensité diffusée perpendiculairement(a), et parallèlement (b) à la direction de la traction à différents taux de déformation, les traits continus correspondent à l'expression de Debye (respectivement pour la silice non traitée Si et la silice traitée avec l’agent de couplage
La figure V-23 présente néanmoins les courbes d’intensités diffusées à différents taux de
déformation pour l’échantillon AC et Si, obtenues dans les directions parallèle et
perpendiculaire au sens de traction. Celles obtenues à déformation nulle ont déjà été discutées
au chapitre III. En tracé logarithmique, elles montrent un comportement asymptotique avec
une pente de l’ordre de -1, caractéristique d’un fractal de masse très ouvert. L’application
d’une déformation conduit à une augmentation globale de l’intensité. La correction
d’épaisseur ayant été effectuée, on peut attribuer cette augmentation à la multiplication du
volume d’entités diffusantes. La déformation ne modifie pas l’allure générale des courbes. La
dimension fractale est constante. Cette remarque reste valable avec l’échantillon Si. Aucune
distance caractéristique ne semble émerger. Un traitement classique (avec un tracé du type
Guinier) pour déterminer les tailles des différentes entités diffusantes ne peut donc s’appliquer
ici du fait d’une distribution manifestement trop large des tailles caractéristiques. De plus
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
236
l’augmentation d’intensité observée montre que les entités diffusantes ne changent pas de
taille. Face à cette difficulté, il reste néanmoins possible d’extraire une longueur de
corrélation représentative des dimensions des profils discutés précédemment.
Le traitement utilisé par la suite pour analyser les profils de diffusion se base sur les
hypothèses de la diffusion de particules dans un système dilué.
Debye et coll.9 montrent que, pour une structure biphasée, l’intensité diffusée par un système
isotropique peut s’écrire :
∫∞
=0
2 )sin()()( drqr
qrrrCqI γ (V-5)
où γ(r) est la fonction de corrélation représentant la distribution de distances entre les régions
d’indice de réfraction différent. Si la distribution de distances est aléatoire, la fonction de
corrélation prend la forme suivante
γ(r) = exp (-r/a1) (V-6)
où a1 est une distance de corrélation.
L’intensité se simplifie dans ce cas en couplant ces deux équations:
21
21)(
aqwKqI
++= (V-7)
où K est une constante et w est proportionnel à a13.
Cette expression permet de simuler de manière satisfaisante les différentes courbes d’intensité
résultant de la traction comme le montre la figure V-23.
Ce traitement a été appliqué à l’ensemble des profils de diffusion pour les deux types de
comportement. Les évolutions de la longueur de corrélation en fonction de la déformation
dans les deux directions (parallèle et perpendiculaire à la traction) sont représentées sur la
figureV-24 suivante. Le traitement est utilisé de façon abusive car il nécessite des figures de
diffusion isotropes et un comportement asymptotique différent (-4). Toutefois, il nous permet
de donner un ordre de grandeur des longueurs de corrélation en fonction de la déformation.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
237
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.01500
2000
2500
3000
3500
4000
4500Silice non traitée
a 1, lo
ngue
ur d
e co
rrél
atio
n (A
°)
Déformation, ε (mm/mm)
perpendiculairement parallèlement à la direction de traction
a)
-0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.01500
2000
2500
3000
3500
4000
4500
Effet "papillon"
Silice traitée avec l'agent de couplage
a 1, lo
ngue
ur d
e co
rrél
atio
n
Déformation, ε (mm/mm)
perpendiculairement parallèlement à la direction de traction
b)
Figure V-24 : Evolution de la longueur de corrélation pour les deux types de comportement observé a) en l’absence et b) en présence de liaisons covalentes.
Malgré les limites des approximations engendrées par l’équation utilisée, on peut tenter une
interprétation de ces résultats. L’évolution des longueurs de corrélations mesurées
perpendiculairement à la traction est identiques (décroissance) pour les deux types
d’échantillon. On peut raisonnablement associer cette longueur de corrélation à la dimension
latérale des vides allongés dans le sens de la traction. On constate une légère différence aux
petites déformations où la variation est progressive pour Si et présente une valeur quasi
constante avec AC. Ceci pourrait être la manifestation du retard à la cavitation créé par
l’agent de couplage.
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
238
Dans la direction parallèle à la traction, le comportement des deux échantillons est très
différent. La longueur de corrélation diminue pour les deux échantillons jusqu’à une
déformation comprise entre 0.75 et 1. La chute est nettement plus importante en présence
d’agent de couplage. Les courbes diffèrent ensuite puisque avec AC la longueur de corrélation
augmente tandis que pour Si, elle se stabilise pour les plus fortes déformations. On notera que
les valeurs ont tendance à se rejoindre aux grandes déformations. La différence relevée entre
les deux échantillons correspond à l’apparition du profil en forme de « papillon » décrit plus
haut. L’analyse de ces résultats indique que le processus de cavitation est très peu différent
aux grandes déformations, comme le laissait déjà supposer la simple observation des profils.
La stabilité de la longueur de corrélation dans le cas de Si peut sembler paradoxale si l’on fait
l’hypothèse qu’elle est associée à la seule longueur des vides étirés dans le sens de la traction.
On aurait pu s’attendre à une augmentation de cette longueur avec la déformation. Cela
indiquerait que l’augmentation de la cavitation se fait par nucléation de cavités de plus en plus
nombreuses plutôt que par croissance des cavités créées initialement dans ce domaine de
déformations (de 0 à environ 3).
V.2.3 Conclusions sur l’endommagement
La déformation de nos différents échantillons conduit à un mécanisme d’endommagement par
décohésion. Ce dernier apparaît plus rapidement en l’absence de liaisons covalentes.
Cependant, l’effet des liaisons covalentes s’estompe aux grandes déformations. Pour celles-ci,
la cavitation des échantillons avec agent de couplage a tendance à être plus rapide que sans
du fait des niveaux de contraintes plus élevés, et cela d’autant plus que le taux d’agent de
couplage est important. La diffusion de lumière a confirmé la présence de vides qui croissent
avec la déformation indépendamment du traitement de la surface, mais dont la création est
retardée en présence d’agent de couplage. Elle a également fait apparaître un mécanisme,
limité à des taux de déformation intermédiaire, de réorganisation du réseau de charge en
présence de l’agent de couplage qui conduit à une déformation inhomogène des sous-
structures de charges.
V.3 Conclusions
Les résultats de ce chapitre ont permis de faire apparaître deux grandes tendances en fonction
du type de traitement de surface réalisé. Dans un premier cas, en l’absence de liaisons
covalentes, le renforcement diminue avec le recouvrement de la surface. Cette diminution est
Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations
239
attribuable à la plus faible quantité de polymère lié intervenant dans le transfert des
contraintes entre sous-structures dans le réseau S-PL-S. De plus, l’utilisation des agents de
recouvrement en limitant les interactions à l’interface facilite la décohésion et la formation de
vides qui vont également limiter le transfert de la contrainte. Cela conduit à des déformations
à rupture importante et un niveau de contrainte à rupture décroissant. Dans le cas d’une bonne
cohésion par le biais des liaisons covalentes, on observe un renforcement croissant avec le
taux d’AC. La forte cohésion à l’interface maintient le transfert de la contrainte en retardant
l’apparition de la décohésion. Ce retard en déformation permet une réorganisation des sous
structures. Néanmoins lorsqu’il est enfin initié l’endommagement (formation de vides) croit
plus rapidement avec la déformation du fait des forts niveaux de contrainte. L’effet réticulant
lié de l’agent de couplage se voit également sur les propriétés à la rupture où l’on observe une
contrainte constante et une déformation qui diminue avec le taux.
Références : 1 L.MULLINS, N.R. TOBIN, Stress softening in rubber vulcanizates. I. Use of a strain-amplification factor to describe the elastic behavior of filler-reinforced vulcanized rubber, J. Appl. Polym. Sci., 9, 2993, 1965 2 A.M. KUCHERSKII, New characteristic of tensile stress–strain properties in rubbers, Polymer Testing, 22, 503, 2003 3 A.LAPRA, Caractérisation moléculaire et propriétés mécaniques des réseaux élastomères SBR renforcés par la silice, Thèse, Université Pierre et Marie Curie, Paris, 1999 4 P.J.FLORY, Principles of polymer chemistry, Cornell University Press, 1953 5 E.M.ARRUDA, M.C.BOYCE, A three-dimensional constitutive model for the large stretch behavior of rubber elastic materials, J. Mech. Phys. Solids, 41, 389, 1993 6 D.W.NICHOLSON, On the Detachment of a rigid inclusion from an Elastic Matrix, J. Adhesion, 10, 255, 1979 7 J.BASTIDE, L.LEIBLER, J.PROST, Scattering by deformed swollen gels : butterfly isointensity patterns, Macromolecules, 23, 1821, 1990 8 J.V.DEGROOT, C.W.MACOSKO, T.KUME, T.HASHIMOTO, Flow-Induced Anisotropic SALS in Silica-Filled PDMS Liquids, J. Colloid and Interface Sci., 166, 404, 1994 9 P.DEBYE, H.R.ANDERSON, H.BRUMBERGER, Scattering by inomogeneous solid. II. The correlation function and its application, J. Appl. Phys., 28, 679, 1957
Conclusion générale
240
CONCLUSION GENERALE
Conclusion générale
241
L’objectif principal de ce travail était de comprendre le rôle du traitement de surface de la
charge (silice) sur les propriétés mécaniques des élastomères chargés. Dans ce but, une silice
hautement dispersible a été choisie et incorporée à fraction volumique constante dans une
matrice classique (SBR). Le système de vulcanisation a été maintenu constant. Le seul
paramètre que nous avons choisi de faire évoluer dans la formulation est la quantité et le type
d’agent d’interface.
L’effet du traitement de la surface a donc pu être analysé en terme de taux, de taille et de
fonctionnalité. Deux séries ont été mises en œuvre avec des agents de recouvrement, pour
lesquelles soit une molécule silane avec une chaîne alkyle longue de 8 carbones est introduite
à différents taux (AR8), soit la longueur de la chaîne alkyle varie (ARn). Une troisième série
est constituée de matériaux élaborés avec différents taux d’agent de couplage. A l’aide d’un
protocole de caractérisation optimisé, nous avons déterminé précisément la dispersion, les
interactions entre la matrice et la charge et l’effet du traitement de la surface sur la
vulcanisation de la matrice, ainsi que le comportement mécanique aux petites et aux grandes
déformations.
Avec le protocole de mise en œuvre choisi et grâce au caractère hautement dispersible de la
silice, l’ensemble des matériaux présente une dispersion identique indépendamment des
traitements de surface effectuée. Cette information est primordiale pour l’interprétation du
comportement mécanique car elle permet de se placer dans des conditions où la quantité
d’interface est constante où seules la nature et la quantité des interactions entre le polymère et
la charge varient.
La caractérisation du greffage de ces systèmes s’est avéré être une tache délicate comme en
témoignent les nombreuses techniques explorées. Des mesures de polymère lié et de
gonflement dans l’eau se sont révélées pertinentes pour obtenir des informations sur les
interactions. En plus du greffage chimique, l’immobilisation des chaînes en surface résultant
de multiadsorptions de segments d’une même chaîne sur la surface est importante dans nos
systèmes. L’utilisation des agents de recouvrement permet, par encombrement stérique, de
réduire le nombre de sites d’adsorption en surface de la charge. Un parallèle intéressant entre
la taille des molécules silanes et le recouvrement de la surface a également pu être clairement
établi. La relation existant entre les deux permet d’estimer l’aire occupée en fonction de la
longueur de la chaîne alkyle et le taux maximum pouvant être greffé sur la surface de notre
silice. L’utilisation d’agent de couplage comme les agents de recouvrement permet de réduire
Conclusion générale
242
les interactions physiques mais les chaînes adsorbées sont liées de manière covalente à la
charge. Pour les taux élevés, l’excès de silane se retrouverait au sein de la matrice dans le cas
des agents de recouvrement ou irait condenser avec les molécules greffées au voisinage de la
charge dans le cas de l’agent de couplage.
L’influence du traitement de la surface se manifeste également au niveau de la réticulation de
la matrice. La silice en adsorbant les accélérateurs de vulcanisation conduit à des
hétérogénéités de réticulation de la matrice (présence de ponts courts au voisinage de la
charge et de ponts longs, par déficit d’accélérateurs, au sein de la matrice). La présence de
greffage estompe progressivement ses hétérogénéités en limitant l’adsorption d’un des
accélérateurs (CBS) lors de la mise en œuvre. Ce phénomène souvent négligé a été considéré
pour l’interprétation du comportement mécanique.
Les mesures de spectromécanique dans le domaine linéaire en fonction de la température ont
permis de rendre compte du comportement viscoélastique des matériaux étudiés. Le
phénomène prépondérant s’observe dans le plateau caoutchoutique alors que la relaxation
principale reste identique.
En présence de traitement de surface, le module élastique suit l’évolution du taux de polymère
lié mesurée en fonction des différentes quantités introduites ou de la taille des silanes utilisés.
En présence de liaisons covalentes, on observe une diminution du module jusqu’à un taux
seuil de recouvrement. Une remontée du module est ensuite observée dans le cas d’un excès
de silane en surface correspondant à une forte réticulation par condensation des molécules
silanes.
L’interprétation de ces mesures en fonction des traitements de surface nécessite de faire
intervenir le polymère lié. On a donc considére la structure du composite comme un réseau
mixte formé d’agglomérats de charges reliés entre eux par une couche de ce polymère lié. La
rigidité de ce réseau est donc dépendante des interactions charge –charge au sein des sous
structure (agglomérats) et de la quantité de polymère lié reliant ces sous structures.
L’influence de la température sur le module élastique apparaît comme un phénomène
thermiquement activé ayant pour conséquence de réduire la fraction de polymère lié par
désorption des chaînes de la surface de la silice et par conséquent de diminuer la rigidité du
réseau mixte (agglomérats reliés par le polymère lié).
Conclusion générale
243
Dans le domaine non linéaire, après deux balayages en déformation la non-linéarité du
module élastique (associé à une dissipation d’énergie) se compose d’une partie irréversible et
d’une partie réversible. L’irréversiblité apparaît après le premier balayage en déformation et
correspond à la rupture des liaisons charge – charge au sein des sous structures (agglomérats).
La réversibilité correspond à la désorption de chaîne à la surface de la charge ayant pour
conséquence de réduire la couche de polymère lié reliant les sous structures. A partir de ces
interprétations nous avons établi un modèle permettant de décrire à la fois l’évolution du
module en fonction de la température et de la déformation.
Pour les plus fortes déformations (>0.1) en l’absence de liaisons covalentes une forte
dissipation d’énergie est observable et assimilable à de l’endommagement. Cet
endommagement n’apparaît pas en présence de liaisons covalentes.
Dans la gamme des grandes déformations (>0.1 à la rupture), le renforcement dépend de la
rigidité du réseau mixte (liaison charge-charge au sein des sous structures et de la quantité de
polymère lié) et de la réticulation globale (matrice et liaisons covalentes). De plus, le
phénomène d’endommagement sous forme de décohésions entre la matrice et la charge,
devient prépondérant et est influencé par le type d’interactions à l’interface, c’est à dire la
nature des liaisons entre la matrice et la charge (physique ou covalentes). En présence de
liaisons covalentes, on observe un retardement dans l’apparition de la décohésion en
déformation et en contrainte. Ce retard est aussi associé à une réorganisation plus importante
(qu’en l’absence de liaisons covalentes) des agglomérats constituant les sous structures
(mesures de diffusion de lumière in situ).
Perspectives
On retiendra de ce travail que l’étude de l’interface et la détermination d’un taux de greffage
est un problème particulièrement complexe quand le traitement de la surface est réalisé au
sein de la matrice.
Tout d’abord sur cet aspect, différentes perspectives se dégagent. L’utilisation de silane avec
un pied possédant qu’un groupe éthoxy faciliterait la caractérisation du greffage et limiterait
l’incertitude venant de la polycondensation des silanes. Par ailleurs, la modélisation
Conclusion générale
244
moléculaire permettrait de vérifier quelle quantité de silane est greffable (géométriquement)
en fonction de sa taille sur une silice bien définie.
Pour l’effet Payne, une perspective intéressante en terme de modélisation résiderait dans le
développement d’un modèle de type éléments discrets, qui permettrait de décrire
explicitement la microstructure complexe et la transmission des efforts à l’interface entre la
charge et la matrice.
Enfin, la diffusion de lumière sous traction s’est révélée très prometteuse pour l’étude de
l’endommagement. L’obtention des résultats est difficile techniquement et mériterait une
étude plus complète afin de décorréler la diffusion des charges de celle des vides.
Annexe 1 : Silice greffée en solution
246246
Annexe 1 : Silice greffée en solution
Le greffage de la silice dans nos matériaux étant réalisé en présence de la matrice, il paraissait
intéressant d’évaluer l’efficacité du greffage des silices en solution dans des conditions a
priori plus facilement contrôlables. De plus les difficultés rencontrées dans l’extraction de la
silice greffée de la matrice, nécessaire aux différentes techniques de caractérisation du
greffage (ATG, EELS ou IR, mesures d’adsorption) nous ont convaincu d’utiliser ces silices
greffées en solution comme outil d’optimisation et de validation de ces techniques.
A-1.1 Protocole de greffage en solution
Nous avons choisi le xylène comme milieu réactif car ce dernier a une température
d’ébullition élevée (120°) et est un solvant dans lequel les accélérateurs de vulcanisation (cf.
paragraphe A-1-3) sont solubles.
Les traitements de surface utilisés, dans ce cas, se limitent à l’agent de couplage et un agent
de recouvrement AR-8. Les quantités de silane sont ramenées à 20 phr de silice et non 50 phr
comme dans nos matériaux. En effet, une fraction volumique de silice dans le solvant plus
importante conduit à la formation d’un gel physique qui ne permet plus une bonne dispersion
des silanes. Les agents de greffage ont été introduits à des taux de 25%, 75% et 100%
(exprimés en pourcentage de pieds nécessaires au recouvrement théorique de toute la surface
dans le cas d’AR8). L’agent de couplage a également été introduit à un taux de 200%. Les
différentes formulations sont reportées dans le tableau A-1-1. Le greffage se déroule à 120°C
(température d’ébullition du Xylène) sous agitation. Le temps de réaction est de deux heures.
Echantillons : Silice seule Silice traitée avec l’agent de
recouvrement AR8
Silice traitée avec l’agent de
couplage
Xylène (phr) 100 100 100
Silice Z1165MP (phr) 20 20 20
Silane En phr : 0.41, 1.23, 1.64
En taux :25%, 75%, 100%,
En phr :0.35, 1.06, 1.41, 2.82
En taux : de 25%, 75%, 100% et
200%
Tableau A- 1-1 : formulation pour le greffage en solution de la silice
Annexe 1 : Silice greffée en solution
247247
A-1.2 Dosages par spectroscopie Infra Rouge de la solution après filtration
Après cette réaction, la silice greffée est récupérée par filtration puis séchée. Le solvant
résultant de la filtration est analysé par spectroscopie Infra Rouge. Ces mesures permettent de
déterminer la quantité de silane restée en surface de la charge, par différence de concentration
par rapport à la concentration initiale (cf. figure A-1-2).
Etalonnage
Pour pouvoir doser la concentration de silane au sein du solvant après filtration, une série de
solutions étalons a été réalisée avec différentes concentrations massiques de silanes 0.03%,
0.1%, 0.6%, 1%. Pour chacune de ces solutions les spectres Infra Rouge obtenus après
soustraction du signal du xylène sont présentés sur la figure A-1-1a. Le pic d’adsorbance
centré à 960cm-1 évolue avec la concentration de silane introduite. La valeur de son maximum
a permis d’établir une droite d’étalonnage (cf. figure A-1-1b). La même procédure est réalisée
pour le dosage de l’agent de couplage.
800 1000 1200
0.0
0.1
0.2
Abs
orba
nce
cm-1
Agent de recouvrement AR8 0.03% 0.1% 0.6% 1%
a)
Annexe 1 : Silice greffée en solution
248248
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.00.00
0.02
0.04
0.06
0.08 maximum d'adsorbance (960cm-1) = 0.08* Concentration en silane
Abso
rban
ce m
axim
um(p
ic c
entré
à 9
60cm
-1)
Concentration en silane (AR8) (%)
b)
Figure A- 1-1 : Étalonnage des spectres IR pour le dosage de l'agent de recouvrement AR8, a) spectres IR, b) droite d’étalonnage
Résultats des dosages après greffage
Les résultats des mesures sur les différentes solutions issues du greffage (figure A-1-2a)
montrent dans le cas de l’agent de recouvrement AR8 une saturation rapide de la surface avec
la quantité de silane introduite. Le taux de saturation, estimé comme le taux réel en surface de
la silice au-delà duquel une partie des silanes introduits n'est plus greffée, est de l'ordre de
38%. Cette valeur est inférieure à la valeur estimée au chapitre III (100%). Cela peut être
attribué à une mauvaise désagglomération de la silice lors de ce type de greffage. En effet,
dans le cas d'un greffage dans le SBR, la silice subit lors du malaxage un cisaillement qu'il
n'est pas possible de reproduire lors d'un greffage en solution. La surface de silice accessible
aux silanes est donc beaucoup plus faible en solution.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 1200
5
10
15
20
25
30
35
40
45Agent de recouvrement AR8
AR8
- Tau
x ré
el e
n su
rface
de
la s
ilice
(%)
AR8 - Taux introduit (%)
a)
Annexe 1 : Silice greffée en solution
249249
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 2000
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
110Agent de couplage TESPD
AC -
Taux
réel
de
sila
ne e
n su
rface
de
la s
ilice
(%)
AC - Taux introduit (%)
b)
Figure A- 1-2: Courbe d'adorption de l'agent de recouvrement AR8 (a) et l'agent de couplage TESPD (b) sur la silice
Dans le cas de l'agent de couplage, le taux de AC à saturation est moins clairement défini (cf.
Figure A.1.2B). On peut néanmoins estimer que la saturation est atteinte pour des taux de
l'ordre de 80%.
D'après les résultats précédents, et en se référant au chapitre III, on aurait pu s'attendre à
obtenir une saturation pour un taux de 30% environ (les expériences de polymère lié et de
gonflement dans l'eau ont en effet permis d'estimer un taux de saturation en AC de l'ordre de
75%). En fait, le TESPD est une molécule comportant deux pieds. La température de greffage
(120°C) ne favorise pas sa rupture au niveau de la liaison soufre-soufre et donc la libération
du second pied réactif. De plus, la température atteinte conduit probablement à des réactions
de polycondensation entre ces pieds réactifs et d'autres molécules. Cela explique nos résultats.
Pour conclure, la technique de spectroscopie Infra-Rouge sur les solutions de greffage permet
d'obtenir des résultats finalement cohérents avec ceux présentés au chapitre III. Néanmoins,
elle ne semble pas la plus adaptée pour la caractérisation du greffage puisqu’elle ne peut se
faire qu'à partir de silices greffées en solution, pour lesquelles la taille des agglomérats, et
donc la surface accessible au greffage, est très différente de celle des silices greffées lors de
l’incorporation au sein de la matrice.
Annexe 1 : Silice greffée en solution
250250
A-1.3 Adsorption des accélérateurs de vulcanisation Les mesures d’adsorption des accélérateurs (CBS et DPG) sont réalisées sur trois types de
silice, la silice seule, la silice greffée avec l’agent de recouvrement AR8 (avec un taux de
75%) et la silice greffée avec l’agent de couplage AC (avec un taux de 75%). Ces adsorptions
sont réalisées en milieu solvant (xylène) à une température de 80°C, proche de la température
d’incorporation du système de vulcanisation sur mélangeur externe. Après la phase de
greffage et la filtration, les silices sont mises en présence des accélérateurs dans des
proportions équivalentes à celle de la formulation utilisée pour l’élastomère, ramenées à 20
phr de charge (pour les raisons évoquées précédemment).
Les accélérateurs sont introduits individuellement (CBS et DPG) et conjointement avec la
silice seule, la silice greffée avec 75% d'AR8, et la silice greffée avec 75% d'AC (cf. tableau
A-1-3).
Silice seule Silice + 75% AR8 Silice + 75% AC (TESPD)
Xylène (phr) 100 100 100
Silice (phr) 20 20 20
Silane (phr) - 1.06 1.23
Accélérateurs :
CBS (phr) 0.52 0.52 0.52 0.52 0.52 0.52
DPG (phr) 0.58 0.58 0.58 0.58 0.58 0.58
Figure A- 1-3: Formulation utilisée pour les mesures d'adsorption des accélérateurs CBS et DPG.
Leurs dosages en fin de réaction sont réalisés, après filtration, par des mesures de
spectroscopie Infra Rouge pour la DPG, et des mesures d'HPLC pour le CBS (il est non
détectable par Spectroscopie I.R.). Les résultats sont présentés et discutés dans le chapitre III.
Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)
251
Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)
Afin de caractériser notre silice et d’identifier les molécules greffées ou adsorbées sur sa
surface, la thermogravimétrie est apparue comme une technique simple à mettre en œuvre.
Elle peut théoriquement être utilisée pour déterminer le taux d’hydroxyle en surface de la
silice, la quantité de silane dans le cas de la silice greffée, et la quantité de polymère lié.
A-2.1 Rappel sur la technique et protocole La thermogravimétrie est une technique permettant de mesurer de très faibles variations de
masses sous l’action d'un gradient de température. L’utilisation de différents gradients de
température permet d’observer les cinétiques de dégradation propres à chacun des
constituants. L’observation de ces pertes de masses peut se faire sous différentes atmosphères
: azote (N2), ou air par exemple.
Le protocole utilisé est largement inspiré de la littérature concernant la caractérisation de la
silice1. La masse de l’échantillon est de l’ordre de 20mg. Une isotherme à 45°C pendant 2
heures permet de placer chaque échantillon dans les mêmes conditions d’humidité. On
effectue ensuite une montée en température à une vitesse de 5°C/min de 45°C à 1000°C sous
N2.
A-2.2 Caractérisation de la silice La figure A-2-1 présente les résultats d'ATG obtenus avec la silice. La première perte de
masse mesurée dans la gamme de température 100°C-200°C est attribuée à la déshydratation
de la silice. Les valeurs mesurées ne correspondent pas à la l’humidité naturelle de la silice
(6%). La différence est due aux conditions de stockage (dessiccateur) des échantillons et à
l’isotherme de 2 heures à 45°C effectué avant l'expérience.
La figure A-2-1 montre ensuite deux pertes de masse successives, l'une maximale aux
alentours de 400°C, l'autre aux alentours de 550°C. Ces deux phénomènes seraient dus à une
deshydroxylation de la silice. Le premier serait associé aux hydroxyles les plus accessibles et
le second aux hydroxyles interglobulaires. Ces pertes d'eau permettent de déterminer la
quantités de silanols en surface de la silice. Une molécule d'eau libérée nécessitant l'hydrolyse
de deux silanols, l'expression utilisée est :
Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)
252
( ) ( )( )O2H
finale0OH2OH M100
TmTm2n2)SiO(n
2
−== (A-2-1)
où m(T0) - m(Tfinal) est la perte de masse pour des température comprises entre T0 et Tfinal,
MH2O est la masse molaire de l’eau. En utilisant la valeur de surface spécifique de 160m²/g on
obtient un nombre de silanols moyen en surface de la silice 6 OH par nm². Cette valeur est en
accord avec les données de la littérature.
0 200 400 600 800 100097
98
99
100
Température (°C)
perte
de
mas
se (%
)
-0.025
-0.020
-0.015
-0.010
-0.005
0.000
Dérivée
a)
0 200 400 600 800 1000-0.025
-0.020
-0.015
-0.010
-0.005
0.000
Dér
ivée
Température (°C)
Dérivée Dehydratation (1.86%) & Dehydroxylation (1.5%)
b) Figure A-2-1 : a) perte de masse mesurée par ATG pour la silice seule, et dérivée du signal, b) identification des différentes pertes de masses par déconvolution des pics.
A-2.3 Caractérisation de la silice greffée en solution avec Ar8
La quantité de silane (agent de recouvrement AR8) introduite lors du greffage de la silice en
solution est identique à celle introduite pour le mélange AR8-75 décrit dans le chapitre II
(rapportée à la masse de silice). La figure A-2-2 présente les pertes de masses mesurées par
ATG. Les pertes liées à l’adsorption du solvant dans lequel le greffage a été réalisé ont été
facilement identifiées et soustraites.
Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)
253
0 200 400 600 800 100094
95
96
97
98
99
100p
erte
de
poi
ds (
%)
Température, T(°C)
SiAr8 H2O dm=0.86% greffage dm=3.6% OH- dm=0.93%
a)
0 200 400 600 800 1000-0.018
-0.016
-0.014
-0.012
-0.010
-0.008
-0.006
-0.004
-0.002
0.000
0.002
Dér
ivée
tem péra ture (°C)
SiAr8 H2O dm=0.86% greffage dm=3.6% OH dm=0.93%
b) Figure A-2-2: a) perte de masse, b) dérivée de la perte de masse et déconvolution des différentes pertes pour une silice greffée en solution par AR8. Comme précédemment la première perte de masse est l'eau adsorbée sur l'échantillon. La
quantité mesurée (0.86%) est moins importante que celle trouvée avec la silice non greffée
(1.86%). Ceci provient du recouvrement de la silice par des chaînes carbonées la rendant
hydrophobe. On observe ensuite une perte de masse de 3.6% centrée à environ 440°C qui
semblerait correspondre à la dégradation des chaînes carbonées greffées. Cette perte de masse
correspond à 10% près à la masse de silane introduite pour le greffage. On peut noter une
contradiction entre ces résultats et ceux de l'annexe 1 qui suggérait une saturation du greffage
en solution pour des taux de silane de l'ordre de 40%. On aurait donc du s'attendre à mesurer
une perte de masse liée au silane plus faible que celle introduite dans la solution. L'apparente
surestimation faite en ATG provient probablement d'une mauvaise déconvolution des pics
qu'il est toujours difficile de maîtriser.
On observe ensuite une perte de masse non négligeable centrée autour de 600°C, provenant de
la condensation d’hydroxyles isolés et n’ayant pas réagi lors du greffage. Cette perte de masse
estimée à 0.93% correspond à 3.5 OH/nm². Ce résultat indiquerait que, dans ce cas précis, une
moyenne de 2.5OH/nm² serait consommée durant le greffage. Avec l'hypothèse que les
silanes ont consommé un hydroxyle lors du greffage, on peut calculer la perte de masse
théorique liée à la dégradation des chaînes silanes greffées sur ces hydroxyles (avec
l'hypothèse que tous les groupes ethoxy sont hydrolysés). On trouve une valeur de 2.2%.
Cette valeur est bien plus faible que celle identifiée expérimentalement. Cela confirme les
problèmes de déconvolution signalés plus haut. Ils conduisent ici à une surestimation du pic
attribué aux silanes greffés et une sous-estimation de celui attribué aux hydroxyles.
Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)
254
A-2.4 Caractérisation de la silice greffée par AR8 lors du malaxage
Nous avons réalisé des mesures d'ATG sur des silices extraites des échantillons AR8-75.
Pour ces mesures, l'atmosphère d’azote a été remplacée par de l’air sec afin de permettre une
dégradation totale du polymère lié. La figure A-2-3 présente les résultats de ces mesures.
Comme précédemment on observe un première perte de masse associée à la déshydratation.
Un pic de dérivée important est ensuite visible autour de 315°C. Il correspond à la
dégradation du butadiène 2 . Un second pic situé à 440°C est identifié comme provenant de la
dégradation du styrène. On voit ainsi clairement que la perte de masse liée au greffage est
totalement masquée par la très forte perte de masse provenant de la matrice adsorbée.
0 200 400 600 800 1000
75
80
85
90
95
100
Per
te d
e m
asse
(%)
Température, T(°C)
MSiAR8 H2O & matrice SBR OH
a)
0 200 400 600 800 1000-0.16
-0.14
-0.12
-0.10
-0.08
-0.06
-0.04
-0.02
0.00
0.02D
ériv
ée
Température (°C)
AR8 H2O & matrice SBR OH
b)
Figure A-2-3 : a) pertes de masses pour silice greffée au sein de la matrice, b) identification des différentes pertes de masses
On observe à plus haute température, autour de 600°C, un pic de faible intensité attribuable à
la condensation des silanols non consommés par la réaction de greffage. Avec les mêmes
hypothèses que précédemment, cela correspond à 1.2 silanols par nm2. Cela indiquerait une
consommation de 4.8OH/nm² lors du greffage au sein de la matrice. Cette valeur est très
largement supérieure à ce que donnerait une estimation raisonnable considérant un greffage
total de la surface par tous les silanes AR8 (cf. Chapitre III) et la consommation d'un silane
par molécule greffée. Il est fort probable que la déconvolution des pics telle que présentée sur
la figure A-2-3b sous estime énormément le pic lié aux hydroxyles. Les quantités de polymère
liés sont en effet extrêmement importante au regard des quantités d'hydroxyle mesurables. De
ce fait, les mesures d'ATG présentées apparaissent peu fiables pour une caractérisation du
greffage au sein de la matrice. La thermogravimétrie pourra donc être utilisée uniquement
pour la détermination du taux de polymère lié. A titre indicatif nous présentons sur les figures
A-2-4 a et b les mesures d'ATG réalisées sur les silices extraites de la série AR8 et ARn. Les
Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)
255
quantités de polymère lié qui en ont été déduites sont présentées et discutées dans le chapitre
III.
0 200 400 600 800 1000-0.5
-0.4
-0.3
-0.2
-0.1
0.0
3
21
Dér
ivée
de
la p
erte
de
mas
se
Température, T (°C)
Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125
a)
0 200 400 600 800 1000-0.5
-0.4
-0.3
-0.2
-0.1
0.0
0.1
Dér
ivée
de
la p
erte
de
mas
se
Température, T (°C)
Si AR1 AR3 AR8 AR16
b) Figure A-2-4 : Mesures d'ATG pour les séries a) AR8 et b) ARn
A-2.5 Conclusion
La thermogravimétrie réalisée sur les silices utilisées dans cette étude a permis de confirmer
le taux de silanols de 6OH/nm² .
Néanmoins, elles n'ont pas permis de déterminer les quantités de silanols présents après
greffage. Dans le cas de silice greffée en solution, l'erreur commise reste faible, et provient de
la proximité des pics de perte de masse attribués aux hydroxyles d'une part et aux chaînes
Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)
256
greffées d'autre part. Néanmoins l'exploitation des résultats est difficile du fait des conditions
de mise en œuvre du greffage en solution qui ne conduit pas à la même surface de silice
accessible au greffage que dans le cas de silice greffée dans la matrice. L'exploitation de la
thermogravimétrie se révèle encore plus problématique lorsqu'il s'agit de caractériser le
greffage de silice réalise au sein de la matrice. En effet, la quantité importante de polymère lié
en surface des silices extraites de la matrice conduit à une mesure de perte de masse qui
empêche de déterminer précisément celle relative aux hydroxyles et aux silanes greffés. Pour
ces différentes raisons la thermogravimétrie a été essentiellement utilisée pour mesurer de
manière précise la quantité de polymère lié de nos différents échantillons.
Références : 1 S. EK, A. ROOT, M. PEUSSA, L. NIINISTÖ, Determination of the hydroxyl group content in silica
by thermogravimetry and a comparison with 1H MAS NMR results, Thermochimica Acta, 379, 201,
2001 2 WILLIAMS, Pyrolysis-thermogravimetric analysis of tyres and tyre components, Fuel, 74, 1277,
1995
Annexe 3 : Etude du greffage par EELS
257257
Annexe 3 : Étude du greffage par EELS
La caractérisation de la surface de la silice en présence de greffage est apparue très
importante. Elle demeure très difficile en raison de la présence non négligeable de polymère
lié. La technique de spectroscopie de perte d'énergie des électrons (EELS) nous est apparue
très intéressante car elle offre la possibilité de caractériser directement et localement la
surface de la silice.
A-3.1 Description de la technique
La technique de pertes d’électrons couplée à la microscopie électronique à transmission
(TEM/EELS) est une méthode puissante d’analyse chimique et d’identification des liaisons
chimiques pour chaque élément présent. En spectroscopie à perte d’énergie des électrons
(EELS), le signal collecté provient des électrons incidents (accélérés par une tension de 200
000Volts) ayant perdu une énergie ∆E au cours de la traversée de l’échantillon. L’énergie
perdue par ces électrons se trouve dissipée soit sous forme de chaleur transmise au matériau,
soit dans l’émission de photons visibles, de photons X ou d’électrons Auger. L’EELS est très
bien adaptée à l’étude des éléments légers et des éléments de transition, le domaine d’analyse
optimal des pertes d’énergies se situant entre 200 et 1000 eV. Cette méthode paraît
intéressante dans le cadre de notre étude car la taille de la sonde(4Å) permet d’analyser
localement la surface des particules (cf. figure A-3-1).
Annexe 3 : Etude du greffage par EELS
258258
SondeImage MET
Figure A- 3-1 : Balayage linéaire au voisinage d’une particule de silice
Figure A- 3-2: Spectre EELS résultant de l’analyse au voisinage de la particule
Une série de spectres (cf. figure A-3-2) a été obtenue en effectuant un balayage près de la
surface d’une particule de silice. Ces spectres contiennent un certain nombre d’informations
reflétant la composition et les liaisons de chaque partie sondée (cf. figure A-3-3).
Annexe 3 : Etude du greffage par EELS
259259
Contribution du Si raies L2,3
Contribution deO raie K
Contribution deC raie K
Figure A- 3-3 : Spectre typique d’EELS et identification des raies
A-3.2 Simulation et analyse des résultats L’estimation du nombre de molécules de silane présente à la surface de la silice passe par la
détermination du nombre de liaisons Si-C propres à ces molécules et présente à la surface de
la silice. Le carbone peut provenir des chaînes macromoléculaires et de la couche de carbone
de la grille d’observation.
L’analyse quantitative de ces spectres n’est possible qu’en simulant la composition des
particules examinées et leur environnement. La particule de silice est assimilée dans ce cas à
une sphère pleine de quelques nanomètres, remplie d'atomes de silicium et d'oxygène en
respectant les concentrations de chacun des éléments (cf. figure A-3-4). Le greffage est simulé
par une sphère creuse de rayon 3Å dans laquelle les concentrations de chacun des éléments
sont introduites. Une sonde virtuelle vient ensuite réaliser le balayage linéaire souhaité et
indique le nombre d’atomes rencontrés. De cette simulation et à l’aide de spectres références,
les spectres expérimentaux sont reconstitués (cf. figure A-3-5).
Annexe 3 : Etude du greffage par EELS
260260
Figure A- 3-4 : Simulation représentant une particule de silice greffée( vue en coupe).
100 120 140 160 180 2001000
2000
3000
4000
5000(1-x)SiO2+xSiC
Cou
nt (a
.u.)
Energy loss (eV)
SiO2 X=0 X=0.1 X=0.25 X=0.5 X=0.75
Figure A- 3-5 : Spectre reconstitué grâce à la simulation
Les spectres sont reconstruits à partir du spectre de SiO2, et du spectre résultant de la
probable présence de carbone sous la forme Si-C venant des molécules silanes à l’interface :
S = (1-X)SiO2+X SiC (A-3-1)
Annexe 3 : Etude du greffage par EELS
261261
où X est la fraction de carbone sous la forme SiC.
On n’observe pas de différence appréciable entre les différents spectres pour des fractions X
comprises entre 0 et 0.25. D’après la simulation, la sonde ne peut rencontrer des valeurs de X
supérieures ou égale à 0.25. Les trop faibles fractions de liaisons Si-C introduite ne peuvent
donc pas être apprécier par cette technique. De plus, un problème expérimental vient encore
s’ajouter à cette difficulté. La figure A-2-6 présente la décomposition des spectres
expérimentaux. Le spectre noir est le spectre expérimental, le spectre rose est la silice, et le
spectre bleu est la signature du silicium. La reconstruction du spectre expérimental en vert par
une combinaison des spectres du silicium et de la silice, met en évidence une part non
négligeable de silicium (à la hauteur de 36%). Il apparaît donc que l’énergie du faisceau
dégrade la silice par destruction des siloxanes et entraîne la formation de silicium (Si-Si).
Figure A-3-6 : Spectre expérimental reconstitué à partir du spectre de la silice et de celui silicium
La technique d'EELS n'a pas été concluante dans les conditions expérimentales que nous
avons choisies. L’utilisation d’un faisceau moins puissant ne conduirait peut-être pas à une
telle dégradation. Il s'avère néanmoins que les banques de données aux énergies inférieures
sont rares...
Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée
262262
Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée
Cette annexe rapporte différentes études réalisées pour étayer l'analyse des cinétiques de
réticulation, présentée au chapitre III, des différents matériaux mis en œuvre, ainsi que
l'analyse de leurs propriétés mécaniques présentées au chapitre V
A-4.1 Réticulation de la matrice par l'agent de couplage
A-4.1.1 Étude avec le dynasilane Une série de mélanges a été réalisée au CRA (Rhodia) pour étudier la possibilité d'une
réticulation des mélanges par un agent de couplage. L’agent de couplage choisi dans une
première étude est différent du TESPD. Il s'agit du dynasilane 3201. Il possède une tête très
réactive constituée d’un thiol (-SH) qui lui permet de se lier facilement à la matrice. En
l'absence de silice, la formation d’un pont de réticulation nécessite alors la condensation des
pieds d'au moins deux molécules de greffage. Celle-ci nécessite une hydrolyse des
groupements éthoxy présents. Cette réaction est possible en présence d’eau. La silice en
permet l'apport du fait de son humidité naturelle. En son absence, seul un catalyseur acide du
type de l’acide stéarique peut permettre cette hydrolyse. C'est ce rôle de catalyseur que nous
avons étudié.
A-4.1.1.1 Formulations mises en œuvre
Différents mélanges ont été mis en œuvre. La composition et l’ordre d’introduction des
constituants sont décrits dans les tableaux A-4-1 et A-4-2.
Témoin 1 2 3 4
SBR solution(5525-1) 100 100 100 100 100
Acide stéarique - - 1,1 - 1,1
ZnO - - - 1,82 1,82
Dynasilane 3201 - 0,75 0,75 0,75 0,75
Tableau A- 4-1: Formulation des mélanges en phr
Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée
263263
Temps (min) Composant introduit
0 SB
1 Ac. Stéarique + Zn0
2 Agent de couplage
8 Tombée 150°C Tableau A- 4-2 : mise en œuvre
A-4.1.1.2 Comportement rhéologique
Le comportement rhéologique de ces différents mélanges non réticulés au soufre a été étudié
après 24 heures de stockage à 23°C. Le tableau A-4-1 ci-dessous indique les valeurs de leur
viscosité Mooneyi mesurée à 150°C au maximum (pic initial), et respectivement 2 et 4
minutes après le pic initial (ML1+2 et le ML1+4 ).
Témoin 1 2 3 4
Pic initial 63 58 105 67 92
ML1+2 49 45 96,5 58,5 92
ML1+4 44,5 42 92 55 91,5
Tableau A- 4-3 : Viscosité Mooney des différents mélanges.
Deux familles de comportement apparaissent. Le dynasilane 3201 seul (mélange 1) ou en
présence d’oxyde de zinc (ZnO) (mélange 3) ne modifie pas les propriétés rhéologiques de la
matrice SB, même si l'oxyde de zinc a un léger effet sur la viscosité initiale (mélange 3 en
comparaison avec mélange 1). Seuls les mélanges 2 et 4 contenants de l'acide stéarique ont
une viscosité initiale très forte. Cela indique clairement une réticulation des chaînes de
polymère via l'agent de couplage et démontre ainsi le rôle catalyseur de l'acide stéarique sur la
réaction de polycondensation.
A-4.1.1.3 Mesures de polymère lié
Pour confirmer ces résultats, des mesures de quantité de polymère lié ont été réalisées. Les
mélanges ont été immergés dans le xylène pendant 72 heures à température ambiante, puis
séchés 72 heures à 60°C en étuve ventilée.
I Un disque en métal est plongé dans le SB et est mis en rotation. La résistance au cisaillement, mesurée par le couple à appliquer au disque est exprimée en viscosité Mooney.
Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée
264264
Les mélanges contenant de l’agent de couplage seul (mélange 1) ou en présence d’oxyde de
zinc (mélange 3) sont totalement dissous dans le xylène. Les mélanges 2 et 4 contenants de
l'acide stéarique ne sont pas dissous et présentent un pourcentage de polymère non extrait par
le solvant de 100%.
A-4.1.1.4 Conclusion
Les viscosités Mooney élevées, et les résultats de polymère lié démontrent donc qu’à l’issue
du malaxage (maximum 150°C), le couplage charge-matrice permet à lui seul de réticuler
totalement le matériau si la réaction d'hydrolyse préalable à la polycondensation des silanes
est rendu possible par la présence d'acide stéarique. On peut en déduire qu'en présence de
silice, son humidité naturelle rendant également possible la polycondensation conduirait aux
mêmes résultats.
A-4.1.2 Étude en présence de TESPD
Nous avons logiquement prolongé cette étude au cas de l'agent de couplage TESPD utilisé
dans nos mélanges. La figure A-4-1 présente ainsi le comportement rhéologique mesuré sur
rhéomètre Monsanto (cf. Chapitre II) d'un mélange identique à la matrice de nos matériaux
chargés, sans soufre, auquel est ajouté 1.1 phr d'acide stéarique (pour compenser le manque
d'humidité du fait de l'absence de silice). Ce mélange M3 montre un processus de réticulation
extrêmement lent et très limité (cf. Figure A-4-1). Il y a une très légère polycondensation du
TESPD mais la stabilité de cette molécule en l’absence de soufre (cf. chapitre II, paragraphe
1-3) réduit la possibilité de liaison avec la matrice à la température de vulcanisation pratiquée
(150°C).
Deux mélanges M1 et M2 ont donc été mis en œuvre avec la formulation M3 additionnée de
soufre, et pour le mélange M2 seulement de TESPD. L’incorporation de soufre conduit à une
forte augmentation du couple au cours du temps, présentée sur la figure A-4-1 (courbe
M1+TESPD). Néanmoins, on observe que l'augmentation de couple est plus importante pour
le mélange M1, sans TESPD que pour le mélange M2. Ces mesures ne permettent donc pas de
mettre en évidence une réticulation supplémentaire apportée par le TESPD. Cela ne doit
cependant pas remettre en cause l'interprétation du chapitre IV selon laquelle le TESPD en
excès a un effet réticulant en présence de silice. Dans ce dernier cas, le cisaillement très
important du à la présence de silice permet d'ouvrir la molécule de TESPD et rend ainsi
Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée
265265
possible la réaction de couplage. Ici, le cisaillement trop faible ne permet pas cette rupture du
TESPD. Ce dernier ne peut donc que polycondenser avec d'autres TESPD, conduisant à des
assemblages de cette molécule non couplés à la matrice. Le TESPD peut alors jouer le rôle de
plastifiant et diminuer ainsi la valeur du couple finale Cmax mesurée par rhéométrie.
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000
10
20
30
40
50Température = 150°C
Cou
ple,
C (N
.m)
Temps (s)
M1=M : SBR+CBS+DPG+S8+ZnO+Ac.stéarique M2=M1 +TESPD M3=SBR+TESPD+CBS+DPG+ZnO+Ac.stéarique
Figure A- 4-1 : Vulcanisation de la matrice avec de l'acide stéarique, en présence de d'agent de couplage,
avec soufre (M2) et sans soufre (M3), et sans agent de couplage avec soufre (M1).
A-4.1.3 Conclusion
Cette étude a permis de mettre en évidence la possibilité de polycondensation des molécules
silanes au sein de la matrice. En présence de charges, cette réaction est d’autant plus probable
que la silice apporte une forte quantité d’eau (6 à 8%). Dans le cas d'une tête très réactive
avec la matrice (cas du dynasilane), il a pu être montré que cela conduit à la création de
nœuds de réticulation, et cela sans qu'il soit besoin d'ajouter du soufre. Dans le cas du TESPD,
les mesures réalisés dans cette étude n'ont pas permis de mettre en évidence cet effet
réticulant parce que la réaction de couplage nécessite outre la présence de soufre, celle de la
silice qui permet un cisaillement suffisant pour ouvrir cette molécule.
A-4.2 Influence du rapport CBS/soufre sur la réticulation
Cette étude a été réalisée au sein de l'équipe de recherche du CRA Rhodia. En modulant le
taux de soufre et le rapport accélérateur/soufre, des taux de réticulation ainsi qu'une
distribution de la longueur des ponts différents peuvent être obtenus. Plusieurs formulations
ont été utilisées. Les matériaux élaborés selon le même protocole de mise en œuvre que celui
Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée
266266
utilisé dans notre travail ont été testés par mesure de gonflement dans le xylène pour
déterminer leur taux de réticulation.
La figure A-4-2 présente l'influence de la formulation en CBS et soufre sur ce taux de
réticulation. Avec un rapport CBS/Soufre constant (ici de 0.8), le taux de réticulation
augmente logiquement avec la concentration en soufre et CBS (La concentration en soufre est
choisie égale à 0.5, 1 et 3.5 phr). On observe également que l'augmentation du taux de soufre
pour une quantité constante de CBS (échantillons avec un rapport CBS/soufre respectivement
de 0.8 et 0.23 et une concentration en soufre respectivement de 1 phr et 3.5 phr, ou bien un
rapport CBS/soufre respectivement de 2.8 et 0.8 et une concentration en soufre
respectivement de 1 phr et 3.5 phr) conduit aussi à une augmentation du taux de réticulation.
On remarque enfin sur cette même figure que l'augmentation de la concentration en CBS pour
un taux de soufre constant conduit également à une augmentation du taux de réticulation, cet
effet étant d'autant plus notable que le taux de soufre est faible. L'ajout de CBS accroît le taux
de réticulation final en diminuant la longueur des ponts soufre entre chaînes de polymère
réticulés, et en augmentant ainsi le nombre total de nœuds de réticulation.
0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.50
20
40
60
80
100
120
140
160 C
BS
/S =
0.2
3 C
BS
/S =
0.8
CB
S/S
= 0
.28
CB
S/S
= 1
.8
CB
S/S
= 0
.8 C
BS
/S =
2.8
CB
S/S
=0.8
CB
S/S
=3.6
Taux
de
rétic
ulat
ion
Taux de soufre(S 8) (phr)
Figure A- 4-2 : Evolution du taux de réticulation en fonction du taux de soufre et du rapport CBS/Soufre
Ces résultats confirment les résultats du chapitre III. Dans le cas des systèmes chargés,
l’adsorption du CBS par la silice peu ou pas traitée conduit à des taux de réticulation de la
matrice plus faible loin de la charge, et favorise une plus forte réticulation de la matrice au
voisinage de cette charge. La présence de greffage, en évitant l’adsorption du CBS,
Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée
267267
impliquerait une réticulation de la matrice plus homogène avec un taux de réticulation plus
important que celui observé en présence de silice non traitée.
A-4.3 Influence du taux de réticulation sur les propriétés mécaniques
L’évolution du couple au cours de la vulcanisation mesurée sur un rhéomètre Monsanto (cf.
Chapitre II) a été mesurée sur les différents matériaux mis en œuvre dans le cadre de l'étude
précédente (modulation du rapport CBS/Soufre et de la quantité de soufre). Les propriétés à
rupture de ces matériaux ont aussi été déterminées par un essai de traction à l'ambiante sur des
éprouvettes normalisées de type H3, avec une vitesse de traverse de 500mm/min.
La figure A-4-3a présente une augmentation linéaire du couple ∆C avec le taux de
réticulation déterminé par mesure de gonflement. Gonflement sur les matériaux réticulés et
évolution de leur viscosité au cours de la réticulation sont donc des mesures équivalentes pour
caractériser la densité de nœuds de réticulation. Cela est vrai uniquement dans le cas de
matériaux non chargés. En présence de silice, les deux mesures sont perturbées de manière
difficilement contrôlable par les hétérogénéités de déformation et les mécanismes interfaciaux
qu'elles induisent.
Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée
268268
0 20 40 60 80 100 120 140 16020
30
40
50
60
70
80
Del
ta C
oupl
e, ∆
C (N
.m)
Taux de réticulation (1/2Mc 10 6)
a)
0 20 40 60 80 100 120 140 1600
2
4
6
8
10
taux de réticulation
Déf
orm
atio
n à
la ru
ptur
e (m
m/m
m)
0
2
4
6
8
10
CB
S/S
> C
BS
/SC
BS/S
< C
BS/S
Con
train
te à
la ru
ptur
e (M
Pa)
b)
Figure A- 4-3 : Evolution en fonction du taux de réticulation, a) de la différence de couple, b) des
propriétés à la rupture
La figure A-4-3b présente l'évolution des propriétés en rupture des échantillons en fonction du
taux de réticulation. En première approximation, on voit que la contrainte à rupture des
échantillons est indépendante du taux de réticulation alors que la déformation à rupture
diminue linéairement avec ce taux. Cela est directement la conséquence d'une diminution de
la longueur moyenne des chaînes entre nœud de réticulation avec l'augmentation de la
concentration de ces nœuds.
Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée
269269
On remarque également une influence, du second ordre, de la longueur des ponts de
réticulation. Celle ci est contrôlée par la quantité de CBS introduite. A même taux de
réticulation, une augmentation de la longueur de ces ponts, induite par une augmentation du
rapport CBS/Soufre, conduit à des propriétés en rupture plus faibles du fait d'une énergie de
rupture des chaînes polysulfure d'autant plus faible que leur longueur est importante.
Annexe 5 : Etude par Calorimétrie différentielle à Balayage (DSC)
270
Annexe 5 : Etude par Calorimétrie différentielle à balayage (DSC)
A-5.1 Principe et description de l’expérience Cette technique permet de mesurer à pression constante la capacité calorifique massique Cp
en fonction de la température. Ces mesures consistent à mesurer la différence de flux de
chaleur nécessitant la variation de température de deux creusets, l’un vide servant de
référence, et l’autre contenant l’échantillon analysé. La dérivée de cette énergie par rapport à
la température permet de calculer la capacité calorifique de l'échantillon. Le passage de la
transition vitreuse de l’ensemble de nos matériaux nécessite un apport d'énergie
supplémentaire par rapport à la capsule de référence. Ce passage s'accompagne donc d'une
variation ∆Cp(J/g.K-1) de la capacité calorifique. Les essais ont été réalisés sur un dispositif
DSC Pyris Diamond de Perkin Elmer sur des échantillons dont la masse est de l'ordre de 15
mg. La vitesse de balayage est égale à 10°C.min-1.
A-5.2 Résultats Pour les différents échantillons testés les résultats sont présentés dans le tableau A-5-1.
L’ensemble de ces résultats est rapporté à la masse de polymère testé (c’est à dire corrigée de
la masse de particules inorganiques (silice) présente dans les systèmes chargés).
Echantillons ∆Cp (J/g.K) (±10%)
M 0.49 Si 0.45
AR8 0.42 AR16 0.43 AC-75 0.45
Tableau A- 5-1 : Mesure de ∆Cp(J/g.K) pour les différents types de traitment de surface de la silice.
Annexe 5 : Etude par Calorimétrie différentielle à Balayage (DSC)
271
Les résultats obtenus sont relativement proches et n’indiquent pas de différences significatives
de mobilité au sein de la matrice en présence de charge. En particulier, on est très loin des
40% de variation attendue dans le cas de la silice seule si l'on se réfère aux résultats de
polymère lié du chapitre III. De plus, on ne voit pas d'influence du traitement de surface.
FOLIO ADMINISTRATIF
THESE SOUTENUE DEVANT L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES DE LYON
NOM : RAMIER DATE de SOUTENANCE : 6 mai 2004 Prénoms : Julien - Louis TITRE :
Comportement mécanique d’élastomères chargés, Influence de l’adhésion charge – polymère,
Influence de la morphologie NATURE : Doctorat Numéro d'ordre : 04 ISAL 0028 Formation doctorale : Génie des Matériaux : Microstructure, Comportement macanique, Durabilité Cote B.I.U. - Lyon : T 50/210/19 / et bis CLASSE : RESUME :
Afin de comprendre les mécanismes de renforcement d’une matrice élastomère par des charges nanométriques, cette étude s’est focalisée sur la nature des interactions à l’interface charge - matrice en fonction du traitement de surface de la charge et leur influence sur les propriétés mécaniques. Dans ce but, des agents de recouvrement et un agent de couplage ont été utilisés afin de modifier l’interface d’un système SBR-Silice. Afin de pouvoir interpréter le comportement mécanique de ces matériaux, l’influence de ces traitements au niveau de la dispersion de la charge au sein de la matrice et sur la réticulation a été évaluée. Il s’avère que le procédé de mise en œuvre utilisé dans cette étude est tel que la dispersion des charges au sein de la matrice n’est pas influencée par les traitements de la silice. L’étude de l’interface silice matrice a permis de révéler l’influence de la quantité introduite d’agent de greffage et de leur taille, sur l’encombrement stérique en surface et la quantité d’interactions avec la matrice. Les traitements permettent de limiter les interactions physiques entre la matrice et la charge dans le cas des agents de recouvrement mais également de former des liaisons covalentes dans le cas l’agent de couplage. Les traitements de la surface de la silice permettent également de limiter les hétérogénéités de réticulation au sein de la matrice. La caractérisation mécanique a été réalisée aux petites déformations par spectrométrie mécanique en fonction de la température et en fonction de la déformation. Ces mesures ont permis de mettre en évidence l’influence des interactions charge -charge et charge – matrice sur l’effet Payne. Un modèle de réseau constitué de sous structures (agglomérats) reliées entre elles par une couche de polymère lié a été proposé pour interpréter l’ensemble des résultats. De plus, la présence de liaisons covalentes entre la matrice et la charge permet de limiter les interactions de nature réversible et de prévenir de l’endommagement pour les plus grandes déformations. Les essais en traction montrent une chute du renforcement quand on cherche à limiter les interactions physiques, alors que la présence des liaisons covalentes l’améliore en augmentant le degré de réticulation globale. De plus elles retardent également en déformation et en contrainte l’apparition de décohésions à l’interface entre la charge et la matrice. Le transfert de contraintes avant la décohésion permet alors une réorganisation plus importante des sous structures (agglomérats). MOTS-CLES : Nanocomposite, Renforcement, Elastomère, Silice, Silane, traitements de surface, Polymère lié, Effet Payne, Endommagement Laboratoire (s) de recherches : GEMPPM : Groupe d’étude de Métallurgie Physique et de Physique des Matériaux – INSA de LYON Directeur de thèse: C. GAUTHIER , L CHAZEAU Président du jury : P. NAVARD Composition du jury : F. LEQUEUX, A. ROBERTS, L. STELANDRE, M.N BOUCHEREAU, E. PEUVREL DISDIER, C.GAUTHIER, L. CHAZEAU
FOLIO ADMINISTRATIF
THESE SOUTENUE DEVANT L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES DE LYON
Name : RAMIER Julien - Louis Defense date: 6th may 2004 Title :
Mechanical behaviour of filled elastomers, the influence of filler adhesion to polymer and the influence of morphology
NATURE : Doctorat Numéro d'ordre : 04 ISAL 0028 Formation doctorale : Génie des Matériaux : Microstructure, Comportement mécanique, Durabilité
Abstract: To understand the reinforcement mechanisms of filled elastomers, this study has been focused
on the interactions of the interface filler– matrix (silica-SBR), based on the surface treatment of the filler
and its influence on the mechanical behaviour. Covering and coupling agents have been used to modify
the interface. However, any interpretation of the mechanical behaviour must take into account the
influence of these treatments from a filler dispersion point of view. The characterisation of dispersion has
not shown a difference between the silica treatments. The studying of the silica-matrix interface has
shown the influence of the treatment in terms of introduced quantity and size, on the steric hindrance and
the interaction quantity with the matrix. This treatment limits the physical interactions between the
matrix and the filler with covering agents, but encourage the covalent bonds with coupling agent. The
mechanical characterisation of the small deformations is done by mechanical spectrometry depending on
temperature and deformation. These measurements have highlighted the influence of the interaction
filler-filler and filler-matrix on the Payne effect, in a model made of agglomerates linked to each other by
the bound rubber. The existence of covalent bonds between the matrix and the charge reduces damaging
for higher deformations. For large deformations, tensile tests have shown a decrease of the reinforcement
when searching to limit the physical interactions and an increase with the presence of covalent bonds by
increasing its crosslinking degree. They also delay the apparition of interfacial decohesions between the
filler and the matrix by a reorganisation of the agglomerates. KEY WORDS: Nanocomposite, Reinforcement, Elastomer, Silica, Silane, Surface treatment, Bound rubber, Payne Effect, Damage Laboratory : GEMPPM : Groupe d’étude de Métallurgie Physique et de Physique des Matériaux – INSA de LYON Research directory: C. GAUTHIER, L CHAZEAU President of jury: P. NAVARD Jury members: F. LEQUEUX, A. ROBERTS, L. STELANDRE, M.N BOUCHEREAU, E. PEUVREL DISDIER, C.GAUTHIER, L. CHAZEAU