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N° d’ordre 04 ISAL 0028 Année 2004 Thèse Comportement mécanique d’élastomères chargés, Influence de l’adhésion charge – polymère, Influence de la morphologie Présentée devant L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon Pour obtenir Le grade de docteur Formation doctorale : Génie des matériaux : Microstructure, Comportement mécanique, Durabilité De l’Ecole Doctorale Matériaux de Lyon Par Julien RAMIER Soutenue le Jeudi 6 Mai 2004 devant la Commission d’examen Jury MM. Directeurs C. GAUTHIER (INSA – Lyon, Villeurbanne) L. CHAZEAU (INSA – Lyon, Villeurbanne) Rapporteurs F. LEQUEUX (ESPCI- Paris) A. ROBERTS (TARRC-Hertford-GB) Examinateurs P. NAVARD (Président) (CEMEF –Mines de Paris, Sophia Antipolis) E. PEUVREL DISDIER (CEMEF –Mines de Paris, Sophia Antipolis) M.N. BOUCHEREAU (RHODIA- Recherches, Aubervilliers) L. STELANDRE Laboratoire de recherche : GEMPPM, UMR-CNRS 5510 de l’INSA de Lyon

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N° d’ordre 04 ISAL 0028 Année 2004

Thèse

Comportement mécanique d’élastomères chargés, Influence de l’adhésion charge – polymère,

Influence de la morphologie

Présentée devant L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon

Pour obtenir

Le grade de docteur

Formation doctorale : Génie des matériaux : Microstructure, Comportement mécanique, Durabilité

De l’Ecole Doctorale Matériaux de Lyon

Par

Julien RAMIER Soutenue le Jeudi 6 Mai 2004 devant la Commission d’examen

Jury MM.

Directeurs C. GAUTHIER (INSA – Lyon, Villeurbanne) L. CHAZEAU (INSA – Lyon, Villeurbanne) Rapporteurs F. LEQUEUX (ESPCI- Paris) A. ROBERTS (TARRC-Hertford-GB) Examinateurs P. NAVARD (Président) (CEMEF –Mines de Paris, Sophia Antipolis) E. PEUVREL DISDIER (CEMEF –Mines de Paris, Sophia Antipolis) M.N. BOUCHEREAU (RHODIA- Recherches, Aubervilliers) L. STELANDRE

Laboratoire de recherche : GEMPPM, UMR-CNRS 5510 de l’INSA de Lyon

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1

Remerciements

Cette thèse financée par Rhodia Silice est le fruit d’une collaboration entre le

GEMPPM de l’INSA de LYON et Rhodia Recherche. Je remercie Monsieur J.P. Brunelle et

Monsieur Y. Bomal pour la confiance qu’ils m’ont accordé dans la réalisation de ces travaux

et Monsieur J.Y. Cavaillé pour m’avoir accueilli au sein de ce laboratoire. J’adresse de très

chaleureux remerciements à Monsieur P. Navard du CEMEF qui m’a fait l’honneur de

présider mon jury de soutenance et Monsieur A.D. Roberts (TARRC) et Monsieur F. Lequeux

(ESPCI) pour avoir rapporter ce très long manuscrit.

Mes remerciements vont également tout particulièrement à Catherine Gauthier et

Laurent Chazeau qui m’ont encadré et recadré dans l’accomplissement de ces travaux. Ils ont

su m’accorder une grande liberté d’action et m’ont épaulé dans les moments difficiles de la

rédaction. Nos nombreuses discussions calmes et reposantes nous ont permis de construire

l’ensemble de nos réflexions et interprétations dans la sérénité. La qualité de cette recherche

doit également beaucoup à l’équipe de Rhodia Recherche : Laurence Stélandre qui a initié

cette thèse, à Marie–Noëlle Bouchereau et Laurent Guy. Chacune de nos rencontres a été

d’une très grande richesse.

Toute l’équipe du GEMPPM mérite des remerciements chaleureux :

L’équipe de microscopie Gilles Thollet, Thierry Epicier, Karine Varlot, VDM, pour leur

patience et la qualité de leur observation sur des échantillons aussi difficiles.

Le groupe Polymère (PVMH) :

Jean-Marc P, Roland, Roger et Bruno pour leur expérience et rigueur scientifique et les

nombreuses conversations très constructives, Gérard pour ces très nombreuses idées et ces

explications (Ne jamais répéter avec lui, la veille d’un exposé). René, le père du cavitomètre

auquel cette thèse doit beaucoup. Et Maurice G, pour ses conseils et ses nombreuses

réflexions à voix haute et cette chaleureuse cohabitation.

Claude, Sandrine, Corinne, Liliane, Viviane, Chantal, Concetta et Antonia ( La Sicile et

les tiramisus) pour leur gentillesse et leur enthousiasme. Béatrice (6094) qui apaise les

maux informatiques avec beaucoup de sang froid. Guy (le magicien 1), José (le magicien

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2

2), Jacques (la bonne humeur) pour leur main experte, précise et leur enthousiasme à

trouver des solutions à chacun de nos soucis techniques.

Merci à l’équipe de diffusion (X et lumière) de Grenoble1 et de l’ESRF, Laurent D, Cyrille

Rochas et à l’équipe du CEMEF, tout particulièrement Edith pour son accueil, sa patience, sa

bonne humeur aux deux Eurofillers 01 & 03 (Lodz et Aliquante) et sa présence dans le jury.

Je tiens à remercier très chaleureusement l’équipe Rhodia au CRA et plus particulièrement

Marie-Danielle, Benoit, Ulrich, Ali et à Collonges Sébastien pour leur disponibilité, et leurs

précieux conseils lors de la mise en œuvre et la caractérisation des matériaux. J’ai beaucoup

apprécié mes séjours à Aubervilliers grâce à eux.

MERCI aux doctorants et aux post doctorants avec lesquels j’ai eu plaisir de travailler et

échanger quelques moments de détente : Benoit (le vieux loup) avec qui j’ai eu de riches

échanges, Cécile I (moustique) qui pique, Cécile M , Lionel V (vignoude), Lionel B (bogoce),

Emmanuelle C (Chab), Bertrand (VDM) qui parle, qui chante, qui m’a fait chanter, qui

dénonce et Agnès (VDM’s love), Hossam, Marc (la molécule), Alexandre, Renaud (Bill

Wallace, quarterback des JYC’s) la Référence power point, Florent (toine), Stephanie (la

danseuse), Louise-Anne (Princesse russe), Jean-Marc C (M. Cheval), Emeline (notre

interprète de norvégien), Julie (la p’tite compagnie), Sylvain D (le rédacteur du GEMPPM

match), Olivier (passing shot), Frédéric T (John Finland) le plus normand des finlandais,

Erwann le coach de football breton, Zico (monsieur le commissaire), Regina & Alessandro

(Le Brésil et son sourire), Ali (l’ambassadeur d’Iran), Tawfik (M. le président), Dan, Kassem

(çaroule), Aurélie et Emilie (Nous sommes des sœurs jumelles…), Juliette (pour ses bises

bruyantes), Raphaël, Mourad, Hassan, Audrey, Nicolas et tous ceux que j’ai oublié.

Et enfin Souhail (Sou) Capitaine du bateau, Julien (Le molosse, fleur de Pau) pour sa vision

(Leica) de la vie, Etienne (la syntaxe) pour ces périphrases euphorisantes, Sylvain (Max) la

crème des colocataires et mon pote, pour son soutien et son calme durant la tempête, Frédéric

(James Callaghan) qui m’a beaucoup manqué, Jean-Luc et Catherine pour leurs

encouragements et leur soutien, Bleue qui ne s’est pas rendu compte. Merci à mes parents, ma

sœur Marion, mon frère François toujours présents.

J’arrête ici car il vous reste 270 pages à lire…..

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Sommaire

3

SOMMAIRE : INTRODUCTION 6

CHAPITRE I :BIBLIOGRAPHIE 10

I.1 LES ÉLASTOMÈRES CHARGÉS – PRINCIPAUX CONSTITUANTS ET MISE EN ŒUVRE 11 I.1.1 L’élastomère et la réticulation 11 I.1.2 La charge 13 I.1.3 Mise en œuvre des élastomères chargés 15 I.2 MICROSTRUCTURE D’UN ÉLASTOMÈRE CHARGÉ 16 I.2.1 Formation d’un réseau de charge : agglomération et percolation 16 I.2.2 Polymère Occlus 16 I.2.3 Polymère lié 17 I.3 PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DES ÉLASTOMÈRES ET DES ÉLASTOMÈRES CHARGÉS 20 I.3.1 Comportement mécanique d’un élastomère – élasticité caoutchoutique 20 I.3.2 Comportement mécanique d’un élastomère chargé 23

I.3.2.1 Comportement dans le domaine linéaire 23 I.3.2.2 Propriétés viscoélastiques aux petites déformations : l’effet Payne 28 I.3.2.3 Comportement aux grandes déformations 36

I.4 CONCLUSION 40

CHAPITRE II : MATÉRIAUX ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES 48

II.1 MATÉRIAUX ET MISE EN ŒUVRE 49 II.1.1 Matrice et vulcanisaton 49 II.1.2 La silice: synthèse, morphologie, chimie 54 II.1.3 Traitements de surface 56

II.1.3.1 L’agent de couplage 56 II.1.3.2 Les agents de recouvrement 58 II.1.3.3 Réaction de greffage 59

II.1.4 Formulation et protocole de mise en oeuvre 61 II.1.4.1 Formulation 61 II.1.4.2 Mise en œuvre, histoire thermomécanique 62 II.1.4.3 Mélanges réalisés 63

II.2 TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES 64 II.2.1 Caractérisation des mélanges à cru 67 II.2.1.1 Mesures de polymère lié 67 II.2.1.2 Suivi de la vulcanisation 69 II.2.2 Caractérisation physico-chimique des mélanges réticulés 70 II.2.2.1 Mesures de gonflement dans l’eau 70 II.2.2.2 Mesure de gonflement dans un solvant 71

II.2.3 Caractérisation morphologique de la charge et de sa répartition 72 II.2.3.1 Techniques de diffusion aux petits angles 72 II.2.3.2 Microscopie électronique 76

II.2.4 Caractérisation mécanique 77 II.2.4.1 Petites déformations : Spectrométrie mécanique 77 II.2.4.2 Grandes déformations 80

CHAPITRE III : CARACTÉRISATION MORPHOLOGIQUE ET PHYSICO - CHIMIQUE DES MÉLANGES 85

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Sommaire

4

III.1 DISPERSION DE LA SILICE AU SEIN DE LA MATRICE 87 III.1.1 Rappels et remarques préliminaires. 87

III.1.1.1 Caractérisation de la silice avant et après incorporation dans le SBR. 88 III.1.1.2 Diffusion de la matrice aux petits angles 90

III.1.2 Influence des différents traitements de surface 91 III.1.2.1 Silice traitée avec différents agents de recouvrement 91 III.1.2.2 Silice traitée avec l’agent de couplage 95

III.1.3 Conclusion sur la dispersion 98 III.2 CARACTÉRISATION DU GREFFAGE DE LA SILICE 99 III.2.1 Mesures de polymère lié 99

III.2.1.1 Influence de l’agent de recouvrement 99 III.2.1.2 Influence de l’agent de couplage 104 III.2.1.3 Conclusion sur les mesures de polymère lié 105

III.2.2 Mesures de gonflement dans l’eau 106 III.2.2.1 Séchage préliminaire des échantillons 106 III.2.2.2 Influence du taux d’agent de greffage 108 III.2.2.3 Effet de l’encombrement stérique des agents de greffage 109 III.2.2.4 Conclusion sur les mesures de gonflement dans l’eau 110

III.2.3 Conclusion sur la caractérisation du greffage 110 III.3 SUIVI DU PROCESSUS DE VULCANISATION 110 III.3.1 Matrice seule et en présence de charge 111 III.3.2 Influence des traitements de surface de la silice 116

III.3.2.1 Influence des agents de recouvrement 116 III.3.2.2 Influence du taux d’agent de couplage 124

III.3.3 Mesures de gonflement sur les mélanges vulcanisés 127 III.3.3.1 Influence des agents de recouvrement 128 III.3.3.2 Influence de l’agent de couplage 129

III.3.4 Conclusion sur la vulcanisation 130 III.4 Bilan sur les matériaux mis en œuvre 131

CHAPITRE IV : CARACTÉRISATION MÉCANIQUE : VISCOÉLASTICITÉ LINÉAIRE ET NON LINÉAIRE (EFFET PAYNE) 133

IV.1 INTRODUCTION 134 IV.2 COMPORTEMENT DE LA MATRICE, INFLUENCE DE LA PRÉSENCE DE CHARGE (SILICE NON TRAITÉE) 135 IV.2.1 Viscoélasticité linéaire 135 IV.2.2 Viscoélasticité non linéaire : effet Payne 139 IV.3 INFLUENCE DES AGENTS DE RECOUVREMENT 143 IV.3.1 Viscoélasticité linéaire 143

IV.3.1.1 Etude de la relaxation principale 143 IV.3.1.2 Analyse du module caoutchoutique 148 IV.3.1.3 Evolution du module caoutchoutique avec la température 149 IV.3.1.4 Conclusion - modèle de morphologie 150

IV.3.2 Viscoélasticité non linéaire 152 IV.3.2.1 Premier balayage en déformation :effet sur le module initial 152 IV.3.2.2 Premier balayage en déformation : effet sur le facteur de perte 157 IV.3.2.3 Effet Payne : effet du taux d’agent de recouvrement 160 IV.3.2.4 Effet Payne : effet de la longueur de l’agent de recouvrement 164 IV.3.2.5 Conclusion 168

IV.4 INFLUENCE DE L’AGENT DE COUPLAGE 170 IV.4.1 Viscoélasticité linéaire 170

IV.4.1.1 Viscoélasticité linéaire 171 IV.4.1.2 Evolution du module caoutchoutique avec la température 173 IV.4.1.3 Influence d’une sur-réticulation 175 IV.4.1.4 Conclusion 176

IV.4.2 Viscoélasticité non linéaire 177 IV.4.2.1 Premier balayage en déformation :effet sur le module initial 177

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Sommaire

5

IV.4.2.2 Premier balayage en déformation :effet sur le facteur de perte 179 IV.4.2.3 Deuxième balayage : effet Payne 180 IV.4.2.4 Conclusion 186

IV.5 INTERPRÉTATIONS 187 IV.5.1.1 Modèle de Kraus 188 IV.5.1.2 Modèle de Mayer et Göritz 190 IV.5.1.3 Modèle proposé dans le cadre de notre étude 195 IV.5.1.4 Conclusion 200

IV.6 CONCLUSIONS 201

CHAPITRE V :GRANDES DÉFORMATIONS ET ENDOMMAGEMENT 204

V.1 COMPORTEMENT AUX GRANDES DÉFORMATIONS 205 V.1.1 Matrice seule et chargée avec la silice non traitée 205 V.1.2 Influence des agents de recouvrement 209

V.1.2.1 Influence du taux (série AR8) 209 V.1.2.2 Influence de la taille de la chaîne alkyle (série ARn) 214

V.1.3 Influence de l’agent de couplage 217 V.1.4 Discussion 221 V.2 CARACTÉRISATION DE L’ENDOMMAGEMENT 224 V.2.1 Variation volumique sous traction 224

V.2.1.1 Influence de la charge 224 V.2.1.2 Influence des agents de recouvrement 225 V.2.1.3 Influence de l’agent de couplage 227 V.2.1.4 Conclusion 228

V.2.2 Diffusion aux petits angles sous traction 231 V.2.2.1 Profils de diffusion 2D 231 V.2.2.2 Longueurs de corrélation 233

V.2.3 Conclusions sur l’endommagement 238 V.3 CONCLUSIONS 238

CONCLUSION GENERALE 240 ANNEXES : 245

ANNEXE –1 : Silice greffée en solution 246 ANNEXE –2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG) 251 ANNEXE –3 : Etude du greffage par EELS 257 ANNEXE –4 : Réticulation de la matrice non chargée 262 ANNEXE –5 : Etude par Calorimétrie différentielle à balayage (DSC) 270

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Introduction

6

Introduction

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Introduction

7

L’utilisation des élastomères couvre un large domaine d’application (colle, étanchéité,

semelle de chaussures, article sportif, automobile et particulièrement celui des pneumatiques).

Cela s’explique par les propriétés mécaniques uniques d’élasticité, d’extensibilité et leur

capacité à dissiper de l’énergie. Les nombreuses formulations possibles offrent la possibilité

de mettre en œuvre des matériaux très spécifiques en fonction de l’application désirée et

l’obtention des formes les plus complexes. Dans ces formulations interviennent des charges

qui pour leur majorité améliorent considérablement les propriétés d’usage et plus

particulièrement les propriétés mécaniques (rigidité, résistance à la rupture, dissipation

d’énergie). Néanmoins, l’interprétation du renforcement engendré par la présence de ces

charges demeure complexe. L’abondante littérature sur ce sujet attribue ce renforcement à un

effet hydrodynamique, à la présence d’un réseau de charge dont la rigidité dépendrait des

interactions charge-charge et à des phénomènes à l’échelle moléculaire qui impliquerait les

interactions entre la matrice et la surface de la charge. Ces derniers sont à considérer tout

particulièrement en raison des dimensions nanoscopiques des charges utilisées, qui conduisent

à une surface d’interface très importante (100 à 400m²/g). Une telle surface favoriserait les

nombreuses interactions entre la charge et l’élastomère et pouvant ainsi conduire à la

formation d’une couche de polymère avec une mobilité modifiée par rapport à celle de la

matrice.

Les récentes innovations dans ce type de matériaux concernent principalement les propriétés

intrinsèques de la charge (taille, structure et activité de surface). Depuis environ 100 ans, la

charge renforçante principalement utilisée par les manufacturiers de pneumatique est le noir

de carbone. La nature chimique de ce type de charge, proche de celle de la majorité des

élastomères hydrocarbonés, favorise son incorporation et sa compatibilité. Cependant,

l’introduction de la silice se présente comme une alternative intéressante car elle permet

d’améliorer un certain nombre de propriétés mécaniques (abrasion, dissipation d’énergie). La

morphologie de la silice est quasi identique à celle du noir de carbone. Elle se différencie par

sa nature chimique et la présence de silanols de surface (caractère polaire) qui engendrent de

très fortes interactions charge-charge. Cette forte réactivité surfacique peut donc se présenter

comme un handicap pour la dispersion. Mais depuis quelques années sont apparues des silices

dites hautement dispersibles1,2. Elles se caractérisent par une grande structure beaucoup plus

fragile que celle des silices traditionnelles. Cette innovation rend la rupture des agglomérats

plus facile et une meilleure dispersion lors de la mise en œuvre. De plus, la silice offre la

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Introduction

8

possibilité de traitements de surface par le biais de molécules silanes. Ces molécules greffées

à la surface permettent de modifier les interactions charge-charge et à l’interface entre la

matrice et la charge. L’utilisation d’un silane, dit agent de couplage, permettant la formation

de liaisons covalentes entre la charge et la matrice s’est avérée très innovante pour

l’application pneumatique.

En effet, aux petites déformations, la perte de linéarité du module (Effet Payne) qui engendre

la dissipation d’énergie mise en cause dans la résistance au roulement implique des

mécanismes qui dépendent considérablement les interactions entre les charges et avec la

matrice. De plus le comportement aux grandes déformations et l’apparition de

l’endommagement sont considérablement influencés par la présence de ce traitement.

De plus, ce traitement de surface de la silice nécessite lors de l’incorporation de la silice

d’adapter la formulation et la méthode de mise en œuvre3. Ce traitement surfacique peut donc

induire donc des modifications des propriétés surfaciques engendrant des transformations de

la capacité d’adsorption en surface, des chaînes et des éléments de formulation.

Il est donc indispensable pour analyser l’effet des interactions charge –charge et charge –

matricede mettre en œuvre des systèmes modèles. La caractérisation rigoureuse (dispersion,

interaction à l’interface) de ces systèmes apparaît nécessaire car elle devrait conduire à une

connaissance précise des matériaux selon les différents traitements de la surface de la charge.

Cette connaissance est primordiale dans l’identification et l’interprétation des différents

mécanismes intervenant dans le renforcement.

La silice présente donc un intérêt industriel, et scientifique incontestable. Rhodia Silica

System et le laboratoire GEMPPM (INSA de Lyon) ont souhaité dans le cadre de cette

collaboration comprendre le rôle du traitement de surface de la charge sur la morphologie et la

mise en œuvre des mélanges et les conséquences sur les propriétés mécaniques des

élastomères chargés.

Une matrice SBR classique est renforcée par une fraction volumique constante de silice dite

hautement dispersible. Le large panel de molécules silanes existantes offre la possibilité de

modifier la surface de la charge et les interactions qui en dépendent de manière progressive

selon les propriétés souhaitées. La surface de la charge peut être traitée à différents taux de

recouvrement, par des molécules de différentes tailles pouvant présenter différentes

fonctionnalités : des agents de recouvrement ou de couplage.

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Introduction

9

Dans une première partie, des rappels bibliographiques permettront de définir les principales

caractéristiques des élastomères chargés. Les propriétés de la matrice et le rôle de la

vulcanisation seront précisées ainsi que les caractéristiques essentielles de la charge. Divers

concepts concernant la microstructure résultant de la mise en œuvre des élastomères chargés

seront définis. Les principaux courants d’interprétation résultant de l’analyse du

comportement mécanique pour les petites déformations et le comportement aux grandes

déformations seront rappelés.

Le choix des matériaux ainsi que leur formulation et leur mise en œuvre seront présentés dans

le chapitre II. Ce chapitre présentera également les techniques de caractérisation et le

protocole d’étude.

La caractérisation de la dispersion de la charge au sein de l’élastomère, la caractérisation des

interactions entre la charge et la matrice en fonction du traitement de surface seront étudié

dans le chapitre III. La réticulation de la matrice en présence de la charge et de ses traitements

fera l’objet d’une étude rigoureuse au sein de ce chapitre.

Après avoir caractérisé précisément ces matériaux, le Chapitre IV sera consacré à l’étude du

comportement aux petites déformations. Ce chapitre sera composé de résultats expérimentaux

et d’interprétation permettant de comprendre le rôle de ces différents types d’interface dans

cette gamme de déformation.

Le comportement aux grandes déformations permettra au cours du Chapitre V d’interpréter le

rôle des interactions à l’interface sur le renforcement et de caractériser l’endommagement

pouvant apparaître au cours de la sollicitation.

La conclusion reprendra l’ensemble de ces interprétations dans une synthèse qui décrira le

rôle des traitements de surface de la silice, au cours de la mise en œuvre et leur impact sur le

renforcement.

Références :

1 Y. BOMAL, P. COCHET, B. DEJEAN, A new generation silica for tires, L’Actu. Chim., 1, 42, 1996 2 RHODIA, EP0520862, 1991 3 R.RAULINE, Eur. Pat. 0 501227A1, to Cie. Generales de Etablissements Michelin-Michelin & Cie.,

1992

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Chapitre I : Bibliographie

10

Chapitre I : Bibliographie

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Chapitre I : Bibliographie

11

Un élastomère est un polymère constitué de chaînes longues et flexibles qui possède

l’impressionnante faculté de pouvoir supporter de très grandes déformations. Il se caractérise

aussi par la quasi recouvrance de ses propriétés initiales quand la sollicitation cesse. La

recouvrance est rendue possible par la vulcanisation qui est un processus de création de

liaisons chimiques entre les chaînes macromoléculaires, celles-ci formant alors un réseau

tridimensionnel stable. Toutefois, l’amélioration des performances d’un élastomère requiert,

dans la plupart des applications, l’incorporation de charges renforçantes. Leur présence a pour

but, principalement, d’accroître les propriétés mécaniques de l’élastomère (module élastique,

résistance à la déchirure, et propriétés à la rupture), et d’augmenter sa capacité à dissiper en

partie l’énergie fournie. L’influence de la charge est observée dans tous les domaines de

déformations. Aux petites déformations, la quasi-linéarité du module élastique du polymère

disparaît avec l’introduction de la charge. Aux grandes déformations, la consolidation

augmente considérablement.

En pratique, différents types de charges (silice, noir de carbone) sont utilisés mais leur choix

reste encore empirique car l’interprétation des mécanismes moléculaires intervenant dans le

renforcement reste en partie soumise à discussion. Une première partie présentera les

constituants principaux, et la mise en œuvre des élastomères chargés. Une seconde partie

traitant de la microstructure de l’élastomère chargé introduira différents concepts nécessaires

à l’interprétation du comportement mécanique présentée dans la troisième partie.

I.1 Les élastomères chargés – principaux constituants et mise en œuvre

I.1.1 L’élastomère et la réticulation1

Les chaînes macromoléculaires constituant un élastomère sont de différentes longueurs. Une

chaîne contient en moyenne plusieurs milliers voire plusieurs centaines de milliers de motifs

monomères enchaînés. Ces chaînes se trouvent sous forme de pelotes statistiques. La cohésion

du matériau est assurée par le biais d’interactions physiques (enchevêtrements moléculaires)

et chimiques (vulcanisation). La vulcanisation peut être réalisée de différentes manières selon

l’élastomère, grâce à l’existence de sites actifs au sein de l’élastomère ou grâce à l'action d'un

agent de vulcanisation au niveau des insaturations de la chaîne polymère. La dernière solution

est la plus courante pour les élastomères hydrocarbonés. L’agent de vulcanisation le plus

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Chapitre I : Bibliographie

12

répandu est le soufre qui en se fixant sur les chaînes, forme des ponts entre ces dernières. Le

soufre se fixe sur les chaînes naturellement ou est aidé par une série de réactions nécessitant

des activateurs et des accélérateurs afin d’optimiser cette réaction.

1. L’influence du nombre de ponts1.

Certaines des propriétés mécaniques (élasticité) que nous définirons ultérieurement, sont

considérablement améliorées lorsque le degré de réticulation augmente (nombre de ponts),

tandis que d’autres se dégradent, comme le montre la figure I-1. On peut retenir que d’une

manière générale, la vulcanisation des élastomères permet d’augmenter l’élasticité, mais

réduit leurs propriétés à la rupture au-delà d’un seuil.

Figure I-1 : Influence de la densité de réticulation1 sur différentes propriétés mécaniques

2. Influence de la longueur des ponts1

A même degré de réticulation, plus la longueur des ponts est importante, plus les mouvements

entre les chaînes qu'ils relient sont facilités. Néanmoins la longueur de ces ponts reste

généralement très inférieure à la distance entre deux nœuds de réticulation. En fait, la

littérature ne fait pas état d'une influence de cette longueur des ponts sur les propriétés

mécaniques de l'élastomère si ce n'est une légère augmentation de la résistance à la rupture et

la déchirure.

3. Influence de la répartition des ponts1

L’hétérogénéité de la réticulation (résultat de la vulcanisation) permettrait d’améliorer les

propriétés mécaniques par une meilleure dissipation de l’énergie de déformation2.

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Chapitre I : Bibliographie

13

L’introduction de charges conduit au renforcement des élastomères (augmentation de la

contrainte à une déformation donnée), qui se traduit aussi par l’amélioration des propriétés à

la rupture (déformation et contrainte). L’optimisation des propriétés mécaniques des

élastomères en présence de charges réside dans la nature et les caractéristiques de ces

dernières.

I.1.2 La charge La charge consiste en une phase rigide introduite, entre autres, pour l’amélioration des

propriétés mécaniques. Le renforcement lié à la présence de charges permet d’accroître le

domaine d’application des élastomères.

Ainsi selon les applications et le renforcement souhaité, différents types de charge peuvent

être utilisés :

- Très peu renforçantes: craie naturelle, talc

- Semi-renforcantes : Kaolins, silicoaluminates, carbonates de calcium (étanchéité)

- Renforçantes : Noir de carbone, silice (pneumatique).

Les paramètres qui permettent de caractériser les charges sont :

• La structure : La structure de la charge se définit selon différentes échelles de taille. La

structure primaire de la plupart des charges nanométriques découle du regroupement lors

de la synthèse de particules élémentaires sous forme d’agrégat indivisible. Une attraction

plus faible existe aussi entre les agrégats conduisant à la formation d’une structure

secondaire sous forme d’agglomérats. La structure secondaire est destructible sous l’effet

d’une action mécanique comme par exemple lors du malaxage ou au cours de

sollicitations.

• La surface Spécifique : C’est la surface développée de la charge par unité de masse. Plus

la taille de la particule est petite plus la surface spécifique est grande. Elle est de 10 à

40m²/g pour les kaolins, de quelques m²/g à 150m²/g pour les noirs de carbone et elle

peut atteindre 400m²/g pour certaines silices. On verra ultérieurement que plus la surface

spécifique est grande plus le renforcement potentiel est important.

• L’activité chimique de surface : elle permet de contrôler la compatibilité ( dispersion et

formation d’interactions) entre la charge et la matrice. L’énergie de surface3 détermine les

interactions charge - charge et polymère – charge. Elle comprend deux composantes :

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Chapitre I : Bibliographie

14

sps

ds γγγ += (I-1)

où γds est la composante dispersive correspondant aux interactions entre la matrice et la

charge, γsps est la composante spécifique ou polaire dont dépendent souvent les

interactions charge –charge.

Les noirs de carbone s’incorporent très facilement dans les élastomères hydrocarbonés du fait

de leurs natures chimiques proches, comme la silice dans les silicones. La chimie de surface

de la charge permet grâce à différents traitements de surface de moduler l’activité chimique

de celle-ci. Ainsi, dans le cas de noirs de carbone, le traitement de la charge est possible par

acide4, par plasma5, par l’ozone6. Ces traitements modifient la charge dans sa totalité et ne

permettent que de limiter le nombre d’interactions.

Dans le cas de la silice, son incorporation au sein d’élastomères hydrocarbonés nécessite

généralement l’utilisation d’un traitement de surface afin d’améliorer leur compatibilité7. Un

tel traitement peut être réalisé par greffage de chaînes alkyles par estérification en milieu

alcoolique8. On utilise souvent le greffage de molécules silanes qui peuvent jouer selon leur

nature le rôle soit d’agents de recouvrement qui permettent de limiter les interactions 9, 10, soit

d’agents de couplage qui permettent l’établissement de liaisons covalentes avec la silice7.

La différence entre ces deux voies (estérification ou utilisation de silanes) est que la première

est un traitement global de la surface alors que la seconde permet de contrôler le traitement

de surface en variant la quantité (surface traitée) et la fonctionnalité du greffage (formation de

liaison covalente ou non).

Les trois paramètres caractéristiques des charges que sont la structure, la surface spécifique et

l'activité chimique vont être déterminants lors de l'incorporation et la dispersion de la charge

au sein de la matrice. Ainsi, dans le cas de charges renforçantes avec une grande surface

spécifique et une structure élevée, la mise en œuvre nécessite un très fort cisaillement afin de

désagglomérer et de mouiller le maximum de surface de charges.

I.1.3 Mise en œuvre des élastomères chargés Pour les élastomères chargés, la mise en œuvre est une étape déterminante car elle

conditionne l’incorporation et la dispersion homogène non seulement des charges

renforçantes mais aussi des différents ingrédients de la formulation. Elle implique l’utilisation

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Chapitre I : Bibliographie

15

de malaxeurs et de mélangeurs qui produisent un très fort cisaillement. La charge est

introduite dans la matrice malaxée. Son incorporation augmente le cisaillement mécanique et

la température. En fonction du taux de charges, l'intensité du cisaillement varie et influence

ainsi la désagglomération. Pour de faibles taux de charge (φ<15%), Mele et coll.11, après une

caractérisation rigoureuse de la dispersion de leurs échantillons, ont constaté qu’une

population d’agrégats et d’agglomérats disparaît au profit uniquement d’agrégats pour les plus

forts taux de charges.

L'étape de mélange s'accompagne d'une augmentation puis d’une diminution de la viscosité.

Dans le cas des noirs de carbone, Freakley12 interprète l’augmentation de viscosité par la

formation des interactions physiques entre la matrice et la charge. Il attribue ensuite la

diminution à la désagglomération des charges en agrégats indivisibles. Durant ce processus de

désagglomération et de dispersion, un maximum de la surface de la charge se trouve en

contact avec l’élastomère et la charge. L’auteur observe finalement une seconde diminution

de viscosité qui serait due à la réduction de la masse molaire du caoutchouc sous l’effet du

cisaillement (dans le cas de caoutchouc naturel pour lequel il existe des chaînes de très grande

longueur).

On peut ajouter que la dispersion des charges au sein de la matrice dépend du temps de

malaxage. Le malaxeur sert à la dispersion des constituants mais aussi de réacteur chimique

entre ces constituants dans le cas du greffage de silane sur la surface de la silice. Le

renforcement qui dépend à la fois de la présence, de la dispersion des charges et de l’état de

surface de la charge dépend donc grandement du protocole de mise en œuvre.

Dans la partie suivante, nous allons nous intéresser à la microstructure de l’élastomère chargé

qui s’établit durant cette phase d’incorporation et de dispersion de la charge.

I.2 Microstructure d’un élastomère chargé

I.2.1 Formation d’un réseau de charge : agglomération et percolation

Le niveau d'agglomération des charges au sein de l'élastomère dépend du processus de mise

en œuvre, de la nature et de la quantité de charges. Quand le taux de charges augmente, un

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Chapitre I : Bibliographie

16

réseau continu de celles-ci peut s’établir au-dessus d’un certain seuil, seuil de percolation

géométrique φc. Au niveau des propriétés mécaniques, on attend une différence entre un

réseau de charges liées uniquement par des liaisons directes (charge–charge) et un réseau

constitué de liaisons charge-matrice-charge pour lequel la transmission des contraintes se fait

par l’intermédiaire d’une phase de polymère, éventuellement aux propriétés modifiées 13, 14.

La mise en évidence du seuil de percolation est possible par :

- Des mesures mécaniques : on observe une augmentation du module très importante à partir

de 20% en volume de billes dures15

- Des mesures électriques lorsque les particules sont conductrices (cas des noirs de

carbone)16, 17, 18, 19.

- Microscopie électronique à transmission20.

En outre, la complexité de la structure de la charge sous forme d’agglomérats (formés

d’agrégats) et l’existence d’un réseau formé d’agglomérats peut laisser supposer qu’une partie

de l’élastomère peut être momentanément emprisonnée dans la structure de la charge.

I.2.2 Polymère Occlus Une partie de l’élastomère pénètre dans les vides interparticulaires et pourrait ainsi être

emprisonné dans les agglomérats. Cet élastomère ne subirait plus l’effet d’une sollicitation

mécanique et ne participerait donc pas à la macro déformation. Comme le montre la figure I-

2, cet élastomère peut être immobilisé dans les espaces intra ou inter agrégats. Pour les faibles

taux de charges et dans le cas d’une bonne dispersion, le polymère occlus est principalement

d’origine intra-agrégat. Pour les forts taux de charges, le polymère occlus peut être également

de type inter-agglomérat.

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Chapitre I : Bibliographie

17

gomme occluse ‘’inter’’

gomme occluse ‘’intra’’

gomme liée

Figure I-2 : Schéma indiquant la différence entre polymère lié et polymère occlus

D’après Medalia21, le principal paramètre intervenant dans la notion de polymère occlus est

la structure de la charge. En se basant sur une étude des agrégats par microscopie

électronique, et sur des mesures d’adsorption de DBP ( Di(n-diButyl Phtalate)i, il propose la

relation suivante permettant d’estimer la fraction effective de charge à partir de la fraction

réelle et de la structure du noir de carbone.

46.1)0214.01( DBPA

eff+

=φφ ( I-2)

où DBPA est la valeur issue des mesures d'adsorption de DBP en cm3/100g et φ la fraction

volumique de charges.

En fait, la quantité de polymère occlus dépend de la charge mais aussi de la mise en œuvre et

du malaxage qui peuvent influencer l'état d'agglomération final des charges, ce que ne prend

pas en compte Medalia dans son estimation. On peut donc s'interroger sur la pertinence de la

formule I-2.

I.2.3 Polymère lié Dès la mise en œuvre, la charge et l’élastomère interagissent de telle manière qu'un bon

solvant ne peut que partiellement dissoudre le matériau non réticulé (cru). La quantité de

polymère ne pouvant être ainsi extraite s'appelle le polymère lié. Il dépend de la nature des

interactions entre la charge et la matrice. Ces dernières sont essentiellement de nature

physique dans le cas des noirs de carbone et de la silice. 22, 23

i Cette méthode de mesure consiste à estimer la quantité d’huile qui s’absorbe progressivement sur la poudre de noir de carbone. Au point critique où l’on observe une augmentation de viscosité, le volume d’huile ajouté correspond au volume mort à l’intérieur de la charge (agrégats et agglomérats). Cette mesure est fonction de la structure de la charge.

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Chapitre I : Bibliographie

18

Comme le rappellent Leblanc24, et Cotten25, 26, de nombreux phénomènes interviennent dans

la formation du polymère lié. Les interactions entre la charge et la matrice se créent dès le

malaxage lors du processus de mise en œuvre, c’est à dire lors du ‘’mouillage’’ des particules

par les chaînes de polymères, en même temps que la dispersion.

La quantité de polymère lié dépend :

• De la fraction volumique et la nature de la charge.

Pour Gessler et coll.27, le taux de polymère lié augmenterait proportionnellement à la teneur

en noir de carbone. Wolff et coll22 montrent une évolution en deux régimes autour d’un taux

(40phr) en dessous duquel le gel obtenu après extraction n’est pas cohérent (sans forme, ni

tenue). Pour les faibles taux de charge, la distance entre deux particules doit être

suffisamment grande pour limiter les adsorptions de segments d’une même chaîne sur

plusieurs particules.

• De la surface spécifique et de la structure.

L’influence de la surface spécifique est rapportée sur la figureI-3 : le taux de polymère lié

augmente avec la surface spécifique (CTAB) dans le cas des noirs de carbone. Toutefois,

d’autres auteurs rapportent une tendance inverse : la quantité de polymère lié exprimée en

gramme par unité de surface augmenterait quand leur surface spécifique diminue. Cette

singularité peut trouver son origine dans la valeur plus importante de l’énergie superficielle

des noirs à faible surface spécifique due fait de leur méthode d’élaboration de ces charges

(température d’obtention)22.

• De la chimie donc de l'énergie de la surface (cf. figure I-4).

La silice possèdant une composante dispersive de son énergie de surface moins importante

que les noirs de carbone, les mesures de polymère lié sont généralement inférieures pour

celle-ci 3. Vidal et coll.28 observent également que la modification de la surface de la silice par

le greffage de chaînes alkyles entraîne une diminution de la valeur de polymère lié.

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Chapitre I : Bibliographie

19

Figure I-3 Polymère lié en fonction de la mesure de surface spécifique (CTAB) pour différents noirs de carbone introduits à 50phr dans une matrice SBR22

Figure I-4 : Valeur de polymère lié en fonction de γds pour différents noirs de carbone22.

Il faut également prendre en compte la nature du caoutchouc (nature chimique du monomère,

masse moléculaire27) ainsi que les conditions de mise en oeuvre (durée de malaxage,

température) et de stockage29 . La mesure dépend aussi de la méthode et des conditions

d’extraction du polymère non lié : la température, le temps d’extraction et la nature du

solvant30. Dans le cas de SBR chargé avec de la silice, les taux de polymère lié mesurés sont

considérablement diminués en présence d’une atmosphère d’ammoniac22, 31.

Le taux de polymère lié dépend donc de nombreux paramètres. Cela explique que pour des

systèmes proches, les valeurs de polymère lié rapportées dans la littérature peuvent fluctuer

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Chapitre I : Bibliographie

20

d’une étude à l’autre. Toutefois, cette technique reste très intéressante pour comparer des

systèmes élaborés de manière identique.

En complément de ces différentes études qui relient les caractéristiques des systèmes

élastomères chargés à la quantité de polymère lié, certains auteurs se sont intéressés à la

mobilité de ce polymère lié, par des mesures de RMN (résonance magnétique nucléaire)

essentiellement. Ces études montrent que le polymère lié peut se trouver sous la forme :

• de filament connecteurs32:

En fonction de la dispersion et de la fraction de charge, un certain nombre de chaînes peuvent

relier les charges.

• de caoutchouc fortement lié :

Des travaux de HRMN du solide33 (dans le cas de noirs de carbone) démontrent l’existence

de cette phase qui est en contact avec la charge par le biais de liaisons de type Van der Waals.

Waldrop et coll.34 concluent que la diminution de mobilité n’est pas très importante

contrairement aux travaux de Haidar et coll.35 qui considèrent la formation d’une couche

ayant un comportement quasi vitreux.

Au final, l’ensemble des caractéristiques discutées dans ce paragraphe telles que « réseau de

charge », « polymère occlus » et « polymère lié », dépend de l’efficacité du processus

d’incorporation des charges. Ces différentes caractéristiques sont à la base de l'interprétation

du comportement viscoélastique des élastomères chargés.

I.3 Propriétés mécaniques des élastomères et des élastomères chargés.

I.3.1 Comportement mécanique d’un élastomère – élasticité caoutchoutique

Dans ce paragraphe, nous présenterons d’abord l’évolution du module élastique pour de très

faibles déformations en fonction de la température (mesures mécaniques dynamiques) puis

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Chapitre I : Bibliographie

21

l’évolution de la contrainte en fonction de la déformation pour des déformations plus grandes,

jusqu’à la rupture.

a) b)

Figure I-5 : a) courbe de spectrométrie mécanique typique, module élastique en fonction de la température1, b) contrainte – déformation typique

Un élastomère qui subit une sollicitation mécanique possède une réponse viscoélastique. Pour

de très faibles sollicitations le comportement de l’élastomère est linéaire et le module est

indépendant de la déformation ( ou de la contrainte) appliquée.

Sur la figure I-5a, la courbe montre le comportement typique d’un élastomère lors d’une

sollicitation dynamique à fréquence constante en fonction de la température36 :

• A basse température, l’élastomère est dans l’état vitreux. Le module mesuré est de l’ordre

de quelques GPa. Cette rigidité est due au grand nombre d’interactions de type Wan der

Waals entre les chaînes. L’énergie mise en jeu dans les interactions entre les segments est

supérieure à celle de l’agitation thermique.

• Quand la température augmente, on observe une diminution brutale du module élastique

pour une température appelée température de relaxation α (Tα) (associée à la température

de transition vitreuse Tg de l’élastomère). La valeur de Tα dépend de la mobilité

intrinsèque des chaînes influencée par l’encombrement stérique des segments, leur

polarité, et très légèrement de la réticulation.

• Pour les plus fortes températures, correspondant à l’état caoutchoutique, la valeur du

module est comprise entre 0.1 et 1 MPa. L’agitation thermique devient prédominante sur

les interactions entre les chaînes. Le module de l’élastomère est directement lié à

l’enchevêtrement des chaînes (liaisons physiques) et à la réticulation (liaisons chimiques).

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Chapitre I : Bibliographie

22

La majorité des applications impliquent des élastomères à l’état caoutchoutique. Dans cet état,

dans un domaine de déformation inférieur à 0.5, le module élastique est considéré linéaire.

Pour de plus grandes déformations, on observe un comportement non linéaire comme le

montre la courbe contrainte – déformation de la figure I-5b.

L’élasticité caoutchoutique37 se modélise en considérant dans un premier temps le modèle

gaussien. Ce modèle très simple considère les chaînes comme un assemblage indépendant de

segments libres en rotation. L’élasticité caoutchoutique est dite entropique car elle se déduit

d’une description statistique des nombreuses conformations possibles de ces segments.

L’élastomère se compose d’un assemblage de ces chaînes gaussiennes. Son élasticité dépend

de la longueur des chaînes entre nœuds et a fortiori de la réticulation.

La contrainte lors de l’extension d’un réseau affine de chaînes gausiennes sans interactions

entre les chaînes en dehors des nœuds, s’écrit d’après Flory et Huhn 38 :

⎟⎠⎞

⎜⎝⎛ −==

λλσ 1²/ GSfvraie (I-3)

avec G = NkT (I-4)

où N est le nombre de chaînes entre points de réticulation par unité de volume, k la constante

de Boltzman, T la température et λ l’allongement.

La contrainte nominale s’écrit :

⎟⎠⎞

⎜⎝⎛ −=== 20

1//λ

λλσσ GSf vraienominale (I-5)

Du fait de l’extensibilité limite des chaînes, les écarts entre la théorie affine et l’expérience

pour les plus grandes déformations ont conduit Arruda et Boyce39 à remplacer l’approche

gaussienne par une autre approche faisant intervenir la fonction réciproque de Langevin.

L’équation I-4 devient ainsi :

( )[ ] )/(/3/ 2/11222/1 nLn NkT ccvraie λλλλσ −−−= (I-6)

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Chapitre I : Bibliographie

23

avec λc =[(λ2+2/λ)/3]1/2, n est un paramètre qui permet de reproduire la courbure positive

(durcissement) de la courbe de traction, L-1 est la fonction inverse de Langevin.

Le développement en série de L-1 conduit à l’expression suivante:

531

175297

59)( xxxxL ⋅+⋅+=− (I-7)

Cette relation (I-6) permet de décrire le comportement de matrice élastomère pour de grandes

déformations. Par contre, dans le cas des matrices chargées, les modèles décrits

précédemment perdent leur validité.

I.3.2 Comportement mécanique d’un élastomère chargé

I.3.2.1 Comportement dans le domaine linéaire Le comportement caractéristique d’élastomères chargés (avec différents taux de charges) en

fonction de la température est présenté dans le domaine linéaire (dans ce cas, le module est

indépendant de la contrainte appliquée)(cf. figure I-6).

a) b)

c)

Figure I-6 : a) évolution du module élastique E', b) module de perte E'', c)facteur de perte tan delta en fonction de la température40 , pour différentes fractions massiques de silice (0, 5, 20, 40, 60, 80 phr)

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Chapitre I : Bibliographie

24

Comme pour la matrice, l'élastomère chargé présente une relaxation principale qui se traduit à

une fréquence donnée, lorsqu'on augmente la température par une chute du module élastique

et un pic pour le module de perte et le facteur de perte. Comme pour la matrice l’évolution de

module élastique présente trois domaines :

- Au niveau du plateau vitreux l’élastomère chargé présente un module plus important que

celui de la matrice, du à la présence d’une phase (charge) plus rigide que la matrice.

- Certains auteurs ont trouvé que la valeur de la température de relaxation Tα diminue avec

la présence de charges et l’augmentation de la fraction volumique. Mele et coll.11

observent plutôt un effet inverse et attribuent cette variation de Tα à la présence d'une

couche de polymère lié, dit à mobilité modifiée, dont la quantité dépend de la fraction

volumique de charges. Sternstein et coll.41 observent également une variation de Tα avec

l'introduction de charges (silice). Cependant après renormalisation, dans le cas de

systèmes sans agent de couplage, ils constatent une superposition parfaite des courbes de

module de perte, et utilisent cette constatation pour mettre en doute l’influence

significative de la couche liée. Par contre, en présence d'agent de couplage (liant de

manière covalente la silice avec la matrice) la superposition n'est plus possible, traduisant

une modification de la mobilité de la matrice.

- Dans l’état caoutchoutique, l'augmentation du module élastique avec la fraction

volumique de charge est beaucoup plus importante que dans le domaine vitreux. La valeur

du module élastique décroît avec l'augmentation de la température traduisant la mise en

jeu de mécanismes thermiquement activés.

Différents phénomènes physiques ont été proposés dans la littérature pour interpréter ce

dernier résultat:

Effet hydrodynamique ou d'inclusion rigide

Beaucoup de théories sur le renforcement trouvent leurs fondements en considérant l’effet

hydrodynamique des charges dans un fluide, définit en 1906 par Einstein42. Le modèle est

développé pour des charges rigides sphériques, incompressibles, isolées et entièrement

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Chapitre I : Bibliographie

25

mouillables, dispersées dans un milieu continu de viscosité constante η0. Il conduit à une

expression de la viscosité du mélange en fonction de la fraction volumique de charge Φ:

η= η0 (1 +2.5Φ) (I-8)

où η0 est une constante et φ est la fraction volumique de charges.

Smallwood43 remplaça la viscosité par le module de Young pour obtenir :

E=E0(1+2.5Φ) (I-9)

Cette équation n’est applicable que pour les milieux très dilués. Guth et Gold44 ont modifié

cette équation en introduisant un terme du second ordre qui traduit les interactions entre

particules pour de plus fortes fractions de charge :

E= E0 (1 +2.5Φ + 14.1Φ2) (I-10)

Ces équations ont été utilisées par différents auteurs dans le cas des élastomères chargés.

Ainsi Schuster et coll.45 montrent dans le cas de systèmes avec une fraction volumique de

charges constante (20%) une validité de ces équations pour des particules (i) de diamètre

supérieur à 100 nm dans le cas d’interactions fortes entre la charge et la matrice, et (ii) de

diamètres supérieurs à 200 nm lorsque ces interactions sont faibles. Guth46 proposa une

évolution de l’équation (I-10) pour tenir compte de l’agrégation et de l’anisotropie possible

des charges introduites :

E= E0 (1 +0.67 f Φ + 1.62 f 2Φ2) (I-11)

où f le facteur de forme est défini comme le rapport des axes d’un ellipsoïde enveloppe d’un

agrégat moyen.

Ces équations ne rendent compte que partiellement du comportement complexe des

élastomères chargés. En particulier, Kraus47 montre une grande divergence entre ses mesures

et l'estimation du module par l'équation (I-10) pour les forts taux de charges. Cette sous

estimation peut être due aux interactions entre particules, à la présence de matrice occluse

dans la structure de la charge ou à l’existence de polymère lié.

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Chapitre I : Bibliographie

26

Une autre démarche pour modéliser le comportement de polymères chargés est l’utilisation de

modèles micromécaniques. On peut faire appel au modèle autocohérent à 2+1 phases.48, 49 La

méthode consiste à prendre une inclusion sphérique que l’on enveloppe dans une couche de

matrice (en respectant la fraction volumique). Cette sphère composée de la charge et la

matrice est ensuite introduite dans un milieu équivalent homogène (MEH) avec les propriétés

mécaniques du composite. La déformation du milieu homogénéisé soumis à une contrainte

uniforme est la moyenne volumique des déformations de chaque phase. Le module de

cisaillement est alors obtenu en faisant le rapport entre la contrainte appliquée et la

déformation du milieu homogénéisé. Selon certains auteurs, dans le domaine vitreux, ce

modèle reste valable jusqu'à des fractions volumiques de charges de 40% quelle que soit leur

taille (nanoscopique ou micronique).49, 50 Néanmoins, dans le plateau caoutchoutique, il peine

à décrire le comportement des nanocomposites51. Chabert51 utilise alors un modèle à 3+1

phases pour introduire la phase de polymère aux propriétés modifiées à la surface de la charge

(interphase). Une telle démarche ne prend pas en compte l’agglomération des charges qui peut

se produire pour des taux de charge inférieurs au seuil de percolation. Dans ce cas,

Shaterzadeh52 tente d'en rendre compte en utilisant le modèle 2+1 phases en deux étapes. La

deuxième étape permet d’introduire des hétérogénéités de concentrations de charges.

Formation d'agglomérats ou d'un réseau de charge

Kraus53 considère que le renforcement mécanique serait du aux interactions (type Van der

Walls) entre les agrégats. Celles ci sont à l'origine de la formation d’agglomérats voire d’un

réseau percolant pour les fortes fractions de charges. Brodnyan54 propose une expression du

module élastique, proche de celle d’Einstein, qui prend en compte, outre l'influence du facteur

de forme et du taux de charge, cette agglomération :

⎟⎠⎞

⎜⎝⎛

−−+=

max

508.1

/1)1(407.05.2

φφφφ fGG mc (I-12)

où f est le facteur de forme, et φmax est la fraction d’empilement maximale.

Pour mieux cerner l’influence de ce phénomène, des travaux récents et originaux ont été

réalisés impliquant la viscoélasticité de fluides magnéto-rhéologiques55 et de mélanges

élastomères chargés en particules magnétiques56. L’application d’un champ magnétique

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Chapitre I : Bibliographie

27

augmente le module élastique ; cette augmentation est interprétée par l’agglomération de

particules sous forme de colonne dues à leurs interactions croissantes.

Le phénomène d'agglomération peut conduire à l'existence d'une matrice occluse. Medalia57

prend en compte l’augmentation du module élastique en présence de charges par une

contribution supplémentaire de cette matrice occluse augmentant le taux de charges effectif

(cf. équation I-2). Alberola et coll.58 tente de rendre compte de l’effet de cette matrice occluse

en utilisant un modèle autocohérent à 3+1 phases, dans lequel la matrice occluse est entourée

par une coquille de renfort elle-même entourée d’une coquille de matrice.

Pour des nanocomposites avec des fractions volumiques de charge dépassant 20%, les

distances interparticulaires sont nécessairement faibles et la surface d’interaction grande.

Selon Klüppel59, les agglomérats peuvent être reliés entre eux par le biais d'une phase de

polymère lié et former ainsi une structure fractale (réseau percolant). Il en déduit une

expression du module élastique de l'élastomère chargé prenant en compte une couche de

polymère autour du réseau de charges. De la même manière, Chabert51 montre que le

renforcement peut s’expliquer par la présence d’un réseau de charge dont la rigidité est

assurée par de la matrice confinée entre les particules (polymère lié) et/ou des liaisons

interparticulaires fortes.

Adsorption de chaines en surface de la charge

La notion de polymère lié conduit à s’interroger sur l’état physique de cette couche de

polymère au voisinage de la charge. On peut la considérer comme une interphase rigide

autour de la charge60 ou comme une couche de matrice avec des propriétés graduelles61 allant

de l’état vitreux à l’état caoutchoutique. Il faut noter que les mesures de DSC ne révèlent

généralement pas de modification de la transition vitreuse de tels systèmes. Par contre,

Arrighi et coll62 observent une deuxième relaxation sur les mesures de tanδ qui augmente

avec le taux de charge et qui est serait attribuée aux différentes mobilités dans la couche de

polymère lié.

En terme de renforcement mécanique, on peut considérer l’effet d’une telle couche (couche

vitreuse à l’interphase) en terme de fraction effective de charges, comme expliqué

précédemment (effet hydrodynamique). Cette augmentation de la fraction volumique de

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Chapitre I : Bibliographie

28

charges dépendrait de la température et de la fréquence de sollicitation en rapport avec la

fraction de polymère immobilisé.

Plutôt que de considérer l'adsorption de chaînes polymère à la surface de la charge sous

l'angle d'une augmentation de la quantité effective de renfort, Maier et Göritz63 considèrent

cette adsorption comme responsable d'une sur-réticulation globale de la matrice. Les

conséquences sont interprétées en terme de modification de l'élasticité entropique de

l'élastomère, chaque site d'adsorption étant responsable d'un nœud de réticulation

supplémentaire. Hess et coll.64 observent l’existence de filaments connecteurs entre les

charges par microscopie électronique. Ces filaments jouent le rôle de pont entre les agrégats

contribuant ainsi au module élastique.

Pour conclure, le module élastique des élastomères chargés dépend à une température

donnée de phénomènes interdépendants. Le taux et le type de charges vont influencer la

dispersion puisqu’ils vont conditionner l'intensité du cisaillement lors de la mise en œuvre. En

outre, les traitements de la charge vont modifier les interactions charge-charge et charge-

matrice.9, 65 Cela aura des conséquences sur la dispersion obtenue, sur la mobilité de la matrice

au voisinage de l'interface, et s'il y a formation d'une structure connexe de charge, sur la

nature des liaisons qui le constituent.

Le paragraphe suivant va présenter l'évolution du module élastique en fonction du taux de

déformation qui fait apparaître un effet non linéaire appelé effet Payne. Nous verrons

également l’influence des différents paramètres sur l’amplitude de cet effet ainsi que les

différents mécanismes évoqués dans son interprétation.

I.3.2.2 Propriétés viscoélastiques aux petites déformations : l’effet Payne

A - Définition de l'effet Payne Dans le domaine de déformations inférieures à 100%, la matrice élastomère montre un

comportement linéaire. L'introduction de charges conduit à une non-linéarité du

comportement comme le montre la figure I-7. Aux faibles déformations on observe un plateau

(module initial G'0) correspondant au module dans le plateau caoutchoutique discuté

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Chapitre I : Bibliographie

29

précédemment. La valeur du module décroît avec la déformation jusqu'à une valeur G'∞ où

elle se stabilise. Ce phénomène est connu sous le nom d’effet Payne66.

a) b)

Figure I-7 : Effet Payne pour la matrice et la matrice chargée, a) courbes typique d’effet Payne pour un élastomère chargé (module élastique, de perte et facteur de perte), b) évolution du module élastique pour la matrice et la matrice chargée67

La chute de module élastique est associée à un maximum du module de perte G’’ traduisant

une dissipation d’énergie, d'autant plus élevée que la chute de G' est importante.

La mesure du module élastique initial après un tout premier balayage à déformation croissante

n'est pas reproductible. Toutefois, une superposition de la première et de la seconde courbe

nécessiterait des temps d'attentes trop grands par rapport aux temps d'expérience.68 Les

balayages en déformation suivants sont reproductibles à condition d'attendre un temps

suffisant entre chaque balayage.69 De plus, la courbe d'effet Payne est insensible à

l'application d'une déformation statique pour peu que l'échantillon ait pu relaxer durant ce

même temps.70

B - Influence de différents paramètres sur l’amplitude de l’effet Payne

Différents paramètres influencent l'intensité de ce phénomène.

i. Influence du taux de charges

L’amplitude de l’effet Payne augmente avec la fraction de charges (figure I-8). Ainsi, le

module initial montre une forte sensibilité à la fraction volumique de charge, ce qui n’est pas

le cas du module aux plus grandes déformations G’∞. L’augmentation de l’amplitude est très

influencée pour les taux dépassant le seuil de percolation. Cette sensibilité est associée à de

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Chapitre I : Bibliographie

30

fortes dissipations d’énergie comme le montre l’évolution du facteur de perte en fonction de

la déformation (figure I-8b)

b)

Figure I-8 : Effet Payne pour différents taux de charge (noir de carbone), a) module élastique 71 , b) facteur de perte71

ii. Influence de la dispersion

L’effet Payne est influencé par la dispersion de la charge au sein de la matrice. Les travaux de

Medalia71 montrent dans le cas d’un noir de carbone une baisse du module G’0 avec des temps

de malaxage croissants (cf. figure I-9).

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Chapitre I : Bibliographie

31

Figure I-9 : effet de la dispersion sur l'effet Payne pour un mélange SBR1712 chargé avec 69phr de noir de carbone N220, à température ambiante et à 0.1Hz 71

iii. Influence de la surface spécifique et de la structure

L’effet Payne augmente avec la surface spécifique de la charge comme le montre la figure I-

10. G’0 est très sensible à la surface spécifique alors que G’∞ l’est beaucoup moins.

Figure I-10 : Dépendance de G'0 en fonction de la surface spécifique des noirs de carbone53

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Chapitre I : Bibliographie

32

La structure d’une charge est associée à la taille, la forme et au nombre de particules par

agrégats. La structure a peu d’influence sur le module initial mais G’∞ augmente avec la

structure comme Medalia71 le montre par la figure I-11.

Figure I-11 : Effet de la surface (BET) et de la structure (DBPA) sur l'amplitude de E' (SBR 1500 chargé avec 50phr de noir de carbone, 25°C, 0.25Hz)71

C - Interprétation de l’effet Payne et mécanismes

L’effet Payne est interprété par des processus de désagglomération ou rupture du réseau de

charges ou par des mécanismes mis en jeu à l'interface charge-matrice.

Pour Payne66, la valeur du module G’0 dépend du réseau de charges et des interactions

entre les particules renforçantes. Voet19 a en effet mis en évidence la rupture d'un réseau de

charge avec le taux de déformation (dans le cas des noirs de carbone) en couplant des mesures

de conductivité avec les mesures de module élastique. Il montre que les mesures de

conductivité et de module initial diminue conjointement à taux de déformation croissant. En

outre, la valeur du module initial G’0 est plus faible lors de la décharge. La valeur du module

à une déformation donnée résulterait d'un état d'équilibre dans le processus de rupture et de

reformation du réseau de charge. Ce mécanisme engendrerait une dissipation d'énergie

(associée au maximum de G''). Après la rupture du réseau, la valeur du module aux grandes

déformations G’∞ dépendrait de deux facteurs : de l’effet hydrodynamique résultant de la

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Chapitre I : Bibliographie

33

présence des charges et de la contribution de liaisons fortes entre la charge et la matrice (cf.

figure I-12). La différence entre le module G∞ et le module Gmatrice s’exprime ainsi :

G∞ = Gmatrice . F(f, φ) . F(A) (I-13)

où F(f, φ) est l’effet hydrodynamique connu pour dépendre du facteur de forme f, et de la

concentration volumique de charge φ, et F(A) terme dépendant de la nature des liaisons

charge-matrice. F(A) peut être déterminé par des mesures de gonflement.

Payne a étudié la forme de la courbe du module élastique en fonction du travail fourni lors de

la déformation. Il considère dans ce cas la grandeur normée (G’-G’∞)/(G’0-G’∞) en fonction

du travail fourni. Pour l’ensemble des systèmes étudiés, Payne trouve une courbe unique

révélant un processus unique de décroissance indépendamment de la composition du mélange.

Influence dela STRUCTURE

LIAISONS FORTES

Effet HYDRODYNAMIQUE

Déformation

G’

G’0

G’oo

G’matrice

Figure I-12 : Interprétation de la courbe du module de cisaillement en fonction de la déformation

Selon ces hypothèses, Kraus53 a proposé un modèle phénoménologique pour décrire l’effet

Payne. Ce modèle considère les mêmes mécanismes que Payne mais introduit une force de

rappel entre les charges par le biais de forces de Van der Waals comme responsable de

l’évolution du module élastique G’ en fonction de la déformation. La valeur du module

élastique dépend du nombre de contacts entre les particules. Sous l’effet de la déformation, le

phénomène de rupture et la reformation du réseau de charge diminue le nombre de ces

contacts. Cela s'accompagne d'une dissipation d’énergie dont la signature est l’évolution du

module G’’. Son maximum G’’max est obtenu pour la déformation cyclique où le nombre de

contacts interparticules cassés et reformés est le plus important.

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Chapitre I : Bibliographie

34

Ce modèle néglige néanmoins la dépendance en fréquence et en température de l'effet Payne

comme l’auteur le signale et comme des travaux récents le montrent9. Cette interprétation est

basée sur le comportement du noir de carbone où les interactions entre les particules sont de

type Van der Waals ; l’utilisation de charges comme la silice implique aussi, entre les

particules, des liaisons hydrogènes fortes qui ne sont pas évoqués par Kraus. En outre, ce

dernier ne fait pas mention d’une éventuelle décohésion entre la charge et la matrice. Huber et

Vilgis72 reprennent le modèle de Kraus, en considérant la dimension fractale et la connectivité

du réseau de charges. Les évolutions de G’ et de G’’ sont reliées à ces paramètres

morphologiques ce qui donne une dimension physique au modèle de Kraus.

Wang73 utilise le concept de gomme occluse décrit au paragraphe I.2.2. Ainsi l’effet Payne

résulterait de contributions conjointes du mécanisme de ruptures et de reformations du réseau

et de la libération de la gomme occluse.

Néanmoins, Funt74 montre par des mesures de conductivité que l’effet Payne est observable

pour des fractions volumiques de charges n’engendrant pas forcément la formation d'un

réseau de charges. Pour lui, l’augmentation du module initial provient plutôt d'une

augmentation de la densité de réticulation attribuée à l’enchevêtrement entre le polymère lié et

le polymère libre. Lors d’une déformation, la chute de module résulterait du

désenchevêtrement des chaînes.

En considérant l’effet Payne comme résultat d’un mécanisme de désorption et d'adsorption de

chaînes en surface de la charge, Maier et Göritz63 propose un modèle qui considère les charges

comme des nœuds de réticulation multifonctionnels. Deux types de liens s’établiraient entre la

charge et les chaînes de la matrice, des liens stables résultant d'un grand nombre de points

d’ancrage et des liens instables pour lesquelles les chaînes auraient très peu de points

d’adsorption. Une variation de l'état d’équilibre entre le nombre de chaînes adsorbées et

désorbées en fonction de la température et de la contrainte, permettrait d’expliquer la chute de

module initial avec la température et la décroissance de G’ en fonction de la déformation. La

dissipation d’énergie au cours d'un cycle de déformation serait directement attribuée au

glissement des segments de chaînes sur la surface de la charge. La dépendance en température

est bien décrite par ce type d'interprétation. D'ailleurs, un parallèle intéressant peut être fait en

considérant l’influence de la température sur l’extraction du polymère lié. La température

active la désorption des chaînes de la surface de la charge, responsables de la formation du

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Chapitre I : Bibliographie

35

polymère lié22.Cependant l'interprétation de Maier et Göritz néglige l’effet hydrodynamique

de la charge, l’influence de l’agglomération, et la présence de volume occlus. L’application de

ce modèle conduit donc à une surestimation du nombre de liaisons entre la matrice et la

charge9.

Cette deuxième interprétation est une approche intéressante mais au même titre que celle

impliquant la rupture du réseau de charge, l'effet Payne ne peut être interprété en tant que tel.

L’effet Payne apparaît aussi pour des taux de charges pour lesquels la formation d’un réseau

de charges n’est pas envisageable. Le module initial doit tenir compte de la dispersion de la

charge et des interactions charge-charge mais aussi de l’adsorption de chaînes à la surface

pouvant conduire à la formation de polymère lié. Le module initial pourrait alors correspondre

à un couplage viscoélastique de la matrice avec la structure plus ou moins agglomérée de la

charge. Les mécanismes engendrant alors l’effet Payne doivent considérer le mécanisme de

désagglomération et d’agglomération mais aussi le phénomène thermiquement activé de

désorption - adsorption de chaînes en surface de la charge ou le désenchevêtrement des

chaînes de la couche de polymère lié. Décorréler ces deux mécanismes est une tâche difficile.

En synthétisant ces deux approches certains auteurs considèrent la désagglomération de

charge en présence de polymère lié.

Yatsuyanagi et coll.75 relient la valeur du module jusqu'à 10% de déformation à

l’épaisseur de la couche de polymère lié identifiée par la RMN. Cette couche peut être

percolante avec la diminution de la distance interparticulaire engendrée par l'augmentation de

la fraction volumique de charges. Leur interprétation reprend le mécanisme de désorption et

d’adsorption de chaînes instables.

Kluppel76 considère lui aussi la rupture et la reformation d’un réseau de charges comme

une bonne interprétation de la chute de module avec la déformation. Son modèle considère la

formation de clusters interpénétrés de charges quand la fraction volumique est au-dessus du

seuil de percolation. Cependant, la dissipation d’énergie selon lui est sous estimée dans les

modèles n'impliquant que la rupture du réseau parce qu'ils négligent aux grandes déformations

la perte d’énergie liée au désenchevêtrement et au glissement des chaînes au voisinage de la

charge. Cette dissipation se localiserait dans la zone de transition entre le caoutchouc lié et la

phase de caoutchouc libre. Cette interprétation est similaire à celle de Macosko et coll.77 qui

ont observé l'effet sur des systèmes non réticulés. Pour Kluppel, la dépendance du module

élastique avec la fraction volumique de charge est obtenue grâce à l’équation (I-14) :

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Chapitre I : Bibliographie

36

( ) f

Bf

dd

P dddGG

+

⎟⎟⎠

⎞⎜⎜⎝

⎛ ∆−∆+≅

33

3

23

0

,

62' φ (I-14)

où GP est le module du cluster de charges, d la taille de la particule et ∆ l’épaisseur de la

couche de polymère lié, df,b la dimension fractale du squelette (cluster), et df la dimension

fractale des agrégats, entraînant une dépendance en puissance de 3.5.

Les interprétations du comportement des élastomères chargés dans cette gamme de

déformation impliquent donc la structure de la charge et les interactions avec la matrice. Aux

plus grandes déformations, le renforcement des élastomères chargés doit également considérer

la morphologie de la charge et ses interactions avec les chaînes dans des mécanismes qui vont

conduire à la rupture du matériau.

I.3.2.3 Comportement aux grandes déformations Les élastomères chargés possèdent une grande capacité d’élongation associée à un phénomène

dissipatif. Les principaux mécanismes responsables de ces propriétés sont décrits dans cette

partie.

A - Effet Mullins Le comportement mécanique des élastomères chargés est modifié après l’application d’une

première extension. Cette extension entraîne une perte de rigidité pour les déformations

suivantes et une déformation rémanente (cf. figure I-13). Ce phénomène appelé effet Mullins

est recouvrable partiellement à température ambiante sur des temps très longs (plusieurs

jours) ou en quelques heures à des températures proches de celle de la vulcanisation,

n’excluant pas une rigidité retrouvée par la réactivation du processus de vulcanisation78.

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Chapitre I : Bibliographie

37

Con

train

te, σ

Déformation, ε

1

2

1 &2

ε1

Figure I-13 : représentation de l'Effet Mullins

Mullins79,80 assimile le renforcement dans cette gamme de déformation (>1) à une

modification de l’élasticité par une amplification de la contrainte et de la déformation. Lors de

la sollicitation, les zones pauvres en charges sont principalement déformées ce qui augmente

localement la contrainte. Expérimentalement, Yatsuyanagi et col.81 montrent par des

observations au microscope électronique à transmission (MET) la rupture du réseau

secondaire (agglomérats) durant la déformation. Une réorganisation du réseau de charges

sous l’effet de la traction est également observée par AFM (Atomic Force Microscope) 82 et

par une augmentation de la conductivité dans la direction de traction avec des mélanges

chargés avec des noirs de carbone16.

En considérant que la matrice subit localement de fortes déformations, certains auteurs

interprètent l'effet Mullins par des phénomènes faisant intervenir essentiellement les chaînes

macromoléculaires. Bueche83, 84 l'interprète (cf. figure I-14) comme la rupture de chaînes

attachées sur des particules adjacentes. Du fait de la distribution en taille des chaînes

interparticulaires, à chaque déformation, un certain nombre de chaînes atteignent leur limite

d'extensibilité. Les chaînes cassées lors de la première déformation ne participent donc plus

aux déformations suivantes expliquant l’adoucissement de la contrainte observé entre deux

montées en déformation.

En considérant des phénomènes à l'interface entre la charge et la matrice, Dannenberg85 ou

Boonstra86 proposent un mécanisme impliquant le glissement des segments de chaînes

adsorbés sur la surface de la charge sous l’effet de la déformation. Ce glissement permet au

réseau d’accommoder la déformation appliquée et prévient ainsi la rupture (cf. figure I-14).

Durant ce processus, la contrainte est redistribuée sur les chaînes voisines. La redistribution

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Chapitre I : Bibliographie

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de contrainte entraîne un alignement des molécules et une résistance supplémentaire. Ce type

de comportement implique deux phases, tout d’abord les chaînes emmagasinent de l’énergie

qui est ensuite restituée lors du glissement conduisant à un comportement à hystérésis. La

présence éventuelle de liaisons chimiques entre la charge et la matrice impliquerait aussi la

rupture des chaînes sous l’effet de la déformation.

Expérimentalement, de récents travaux9 utilisant des techniques de biréfringence, montrent

l’existence d’une orientation moléculaire induite par la traction. Ils mettent aussi en avant la

présence de chaînes courtes ou fortement étirées ne répondant plus à la statistique gaussienne

durant la déformation. Ces mesures montrent aussi une orientation plus forte des chaînes en

présence de liaisons covalentes entre la charge et la matrice. Pour conclure, l'auteur9 montre

qu’à orientation égale la contrainte est plus forte dans un système chargé que dans la matrice

seule.

a)

AB

C

AB

C

AB

C

AB

C

AB

C

AB

C

b)

Figure I-14 : a) mécanisme de déformation selon BUECHE, b) DANNENBERG

Comme cité précédemment, l'adsorption de chaînes en surface de la charge peut conduire à la

formation d'une couche de polymère immobilisé. L’interprétation de Wagner87 considère la

déformation plastique de cette couche sous l'effet de la sollicitation, écartant toute

contribution de cette couche pour les sollicitations suivantes.

Kilian et coll.88 synthétisent ces différents modèles. Leur interprétation de l’effet Mullins

implique le réseau de charges et sa déformation sous l’effet d’une déformation. Ce réseau

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Chapitre I : Bibliographie

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serait formé de liaisons directes charge – charge (agglomérats) et de liaisons indirectes charge

– matrice – charge. Quand la contrainte associée à la déformation dépasse un certain seuil, la

structure des agglomérats est irréversiblement brisée et déformée. Ce phénomène serait

responsable de la déformation rémanente après la décharge. Pour les déformations suivantes,

les mécanismes mis en jeux se fondent sur les interprétations de Boonstra.

L’étude de l’effet Mullins apporte des informations sur les mécanismes pouvant intervenir

durant la déformation sous traction. Les mécanismes mis en jeux sont proches de ceux décrit

pour l’effet Payne. Mais dans cette gamme de déformation conduisant à la rupture, le

phénomène d’endommagement est rarement considéré.

L’endommagement peut apparaître sous forme de décohésions à l’interface entre la charge et

la matrice ou de cavités au voisinage de la charge.

B - Endommagement et Propriétés ultimes

La présence de charges modifie les propriétés à la rupture. L’origine de cette augmentation

provient de phénomènes décrits précédemment ayant pour conséquence l’amplification de la

contrainte mais n’explique pas l’augmentation de la déformation à la rupture. Lors des

grandes déformations il apparaît de fortes concentrations de contrainte autour des plus gros

agglomérats de renfort. Cette concentration de contrainte amorce une décohésion à l’interface

entre la charge et la matrice, mise en évidence expérimentalement en traction 82, 89 et par

gonflement10.

Farris90 observe cet endommagement par des mesures de dilatation volumique et interprète la

forme de la courbe contrainte -déformation en considérant la décohésion et la formation de

vide. La contrainte de "démouillage"91 dépend de l’état de l’interface (degré d’interaction)

entre la charge et la matrice, et des propriétés de la matrice comme par exemple son degré de

réticulation. En améliorant l'adhésion de la matrice sur la surface de la charge par l’utilisation

d’agent de couplage (silane)92, on limite la décohésion. Cela a été vérifié expérimentalement

au cours de mesure de gonflement: en présence d'agent de couplage, aucune décohésion à

l'interface n'est observable.10 Cependant si l’adhérence entre la matrice et la charge est très

forte, une cavité peut se former au sein de la matrice au voisinage de l’interface93.

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Chapitre I : Bibliographie

40

L’interface entre les deux phases semble déterminante sur les propriétés à la rupture. La

contrainte à la rupture est accrue par l’utilisation de promoteur d’adhésion comme les agents

de couplage qui améliorent le transfert de contrainte et augmentent la réticulation du

composite. Ce phénomène intervient au détriment de la déformation à la rupture. A l’inverse,

de faibles interactions à l’interface limitent le transfert de contrainte et risquent d’engendrer

des décohésions et la formation de vacuoles autour des charges. Cela a pour conséquence

d'améliorer la déformation à la rupture au détriment de la contrainte.

De très nombreux modèles mécaniques tels que ceux proposés par Farris90, Fedors91, Gent94,

Fond95 et thermodynamiques Schapery et coll.96 utilisent l'endommagement (décohésion et

formation de vide) pour interpréter le comportement en traction mais ces auteurs ne

considèrent que des phénomènes simples impliquant des charges de grosses tailles très peu

renforçantes.

Les propriétés ultimes doivent prendre en compte l’ensemble des mécanismes décrits

précédemment (rupture de chaînes, réorganisation de la structure de la charge, formation de

cavité ou de vide) dans un environnement où pendant la déformation, l’initiation et la

croissance des déchirures ou des vides sont contrôlées par la réponse viscoélastique du

matériau.

L’enveloppe totale de rupture de ce type de matériau doit être considérée. Cette dernière est

obtenue en traçant le logarithme de la contrainte corrigée de l’élasticité entropique par le

facteur (Tref/T avec Tref une température de référence arbitraire) en fonction de la déformation

à la rupture. Les tests réalisés à différentes températures et vitesse de déformations conduisent

à une courbe unique comme la figure I-15 le montre. Contrainte et déformation à la rupture se

déplacent sur la courbe lorsque la vitesse de déformation et / ou la température varient.

A température élevée et vitesse faible, les propriétés à la rupture se dégradent (contrainte et

déformation à la rupture sont faibles). Pour de faibles températures et une grande vitesse, la

contrainte à la rupture est améliorée et la déformation à la rupture passe par un maximum. Les

propriétés à la rupture sont donc optimales dans une région intermédiaire.

En présence de charges, à température donnée, la contrainte à la rupture augmente avec la

fraction de charges. La déformation à la rupture est globalement moins importante, mais l'on

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Chapitre I : Bibliographie

41

observe une amélioration de cette déformation avec la température. Cette variation de

propriétés avec la température est telle que l'on peut observer dans une certaine gamme de

température une déformation à la rupture plus importante avec des charges que sans charges.

Figure I-15 : Enveloppes rupture97 pour une matrice SBR chargée avec différent taux de noir de carbone. (les courbes en train plein correspond au modèle Bueche)

Lapra9 a montré qu’en fonction de la température, la matrice SBR non chargée avait un seuil

de déformation optimum avant rupture pour 273°K alors que dans le cas d’une même matrice

chargée avec de la silice (traitée ou non), le maximum est obtenu pour des températures

proches de l’ambiante. Halpin et Bueche 98 n’excluent pas l’immobilisation du polymère au

voisinage de la charge dans leur interprétation de ce décalage vers les hautes températures des

propriétés ultimes.

I.4 Conclusion

Des petites, aux grandes déformations, le renforcement des élastomères chargés est largement

influencé par les différentes interactions se créant lors de la mise en œuvre. Les interactions

entre les particules de charge sont responsables de l'agglomération et/ou de la formation d’un

réseau percolant. Ces structures peuvent emprisonner une partie de la matrice. Sous l'effet

d'une sollicitation, les agglomérats de charge peuvent se rompre et libérer ainsi la matrice

occluse. Les interactions à l’interface dépendent de la nature de la charge et de la matrice et

influencent le renforcement par leur nombre et leur intensité. On peut observer à l’interface la

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Chapitre I : Bibliographie

42

formation d’une couche de polymère lié plus ou moins épaisse en fonction de l'affinité entre

la charge et la matrice.

Finalement l’activité de surface de la charge se présente comme un paramètre déterminant

dans le renforcement d’élastomère. La modifier permettrait d'observer et de comprendre le

rôle des différentes interactions sur le renforcement (effets de réseau ou d’interface). Par

rapport au noir de carbone, la silice présente un certain intérêt lié à la présence des silanols de

surface. Cette chimie de surface permet l’utilisation des différentes molécules silanes comme

traitement de surface. Ce traitement améliore la dispersion de la silice et permet le contrôle

des interactions entre la charge et la matrice. Il offre également la liberté de traiter la surface

en quantité (surface recouverte) et, grâce au large panel de molécules existantes, de varier en

taille, et en fonctionnalité le traitement. Les traitements de surface peuvent être mono

fonctionnels et seulement se greffer sur la charge comme un agent de recouvrement ou

bifonctionnels et également former une liaison covalente avec la matrice (agent de couplage).

L'utilisation de silane présente donc l’immense avantage de pouvoir moduler les propriétés

des mélanges selon les caractéristiques désirées. Néanmoins, l’ensemble des travaux

précédents utilisant la silice, se soucie peu des inconvénients que ce type de charge implique

lors de la mise en œuvre. La silice par sa chimie de surface et sa morphologie particulière

possède la capacité d’adsorber les éléments de la formulation, plus particulièrement les

accélérateurs de vulcanisation qui sont basiques98. Il est important de considérer ce

phénomène car l’homogénéité de la réticulation du composite en dépend, ce qui aura des

conséquences sur les propriétés des matériaux.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

48

Chapitre II : Matériaux et Techniques Expérimentales

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

49

II.1 Matériaux et Mise en œuvre

II.1.1 Matrice et vulcanisation Le SBR (Styrene-Butadiene Rubber ) est, de loin, l’élastomère de synthèse dont la production

est la plus forte (plus de la moitié de la production totale). Pour l’application pneumatique, on

fabrique le SBR par polymérisation en solution par voie anionique.

Le SBR est un copolymère statistique de styrène et de butadiène. Le butadiène peut

polymériser sous deux formes : polybutadiène 1-4 (linéaire) et polybutadiène 1-2 (groupement

vinyle pendant), (cf. figure II.1). La matrice choisie, pour cette étude, est non étendue aux

huiles, et composée de 25% en masse de styrène et de 55% de polybutadiène 1-2. Cette

composition conduit à une température de transition α d’environ –14°C. Elle est

commercialisée sous le nom de SBR 5525-0 par BAYER. L’ensemble des mélanges est

réalisé avec une gomme provenant de la même balle afin de s’affranchir des variations de

composition.

CH *CH2* x

* CH2 CH CH

CH2 *y

CH2

* CH2 CH *CH

z

Figure II-1 : Structure chimique des unités polystyrène et polybutadiène

Comme nous l’avons défini dans le chapitre I, la matrice est constituée de longues chaînes

linéaires ayant à température ambiante, une grande flexibilité intrinsèque et ne possédant pas

de groupements donnant lieu à des forces intermoléculaires importantes. Sous l’effet d’une

contrainte, de telles molécules enchevêtrées glissent les unes sur les autres conduisant à la

déformation de l’ensemble. Il est donc nécessaire de les unir entre elles par un certain nombre

de points d’attache, que l’on appelle des nœuds de réticulation (ou ponts), de manière à

former un réseau tridimensionnel résistant et permanent. Ce réseau est obtenu par la

vulcanisation.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

50

Vulcanisation de la matrice SBR La vulcanisation par le soufre a été découverte par GOODYEAR en 1839 et brevetée par

HANCOCK en 1844. Malgré une grande variété de systèmes de réticulation, le soufre reste le

plus utilisé.

La réticulation de la matrice SBR a lieu au cours de la réaction de vulcanisation réalisée à

température élevée (~150°C ou plus) en présence de soufre moléculaire S8.

Lorsque le soufre est utilisé seul, la vulcanisation conduit principalement à des ponts de 40 à

50 atomes de soufre et à de très nombreuses modifications de chaînes (sulfures cycliques).

Dans ce cas, la durée de vulcanisation est très longue (environ 6 heures à 140°C).

Il est courant d'utiliser un système de vulcanisation plus complet comprenant des

accélérateurs. Le réseau formé en présence d’accélérateurs et d’activateurs conduit à des ponts

plus courts et peu de modifications de chaînes. L’activateur couramment utilisé est l’oxyde de

zinc (ZnO). Du fait de sa mauvaise solubilisation dans les élastomères et nécessite l’utilisation

conjointe d’un acide gras tel que l’acide stéarique.

Les accélérateurs (cf. figure II-2) utilisés dans cette étude sont très courants. Le CBS (n-

cyclohexyl-2-benzothiazyl-sulfénamide) appartient à la famille des ’’accélérateurs à action

différée’’. Leur action ne se déclenche qu’au-delà de leur température de décomposition. La

DPG (diphenylguanidine) appartient à la famille des guanidines, qui ont la particularité d’être

des accélérateurs basiques et sont utilisés comme accélérateur secondaire.

N

SC S NH

C6H5 NH

C6H5 NHC NH

N Cyclohexyl-2benzothiazyl sulfénamide: CBS

Diphényl guanidine: DPG

Figure II-2 Accélérateurs utilisés dans cette étude

La vulcanisation au soufre accéléré se déroule en plusieurs étapes comme l’indique la figure

II.3.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

51

Accélérateurs(DPG CBS)

Activateur(ZnO)

Acide Gras(Acide Stéarique)

Agent devulcanisation(soufre)

Caoutchouc Vulcanisat final

ComplexeActivateur

soluble

Complexe Actif

Rég

énér

atio

n du

com

plex

e ac

tivat

eur

ETAPE 1

ETAPE 2

ETAPE 3&4 Figure II-3: Mécanisme de vulcanisation1

Etape 1- Formation de sel de zinc et du complexe soluble2.

Au cours de l’étape 1, l’acide stéarique solubilise le ZnO. Ils s’associent pour former un

complexe activateur considéré comme un surfactant permettant la solubilisation des

accélérateurs. Ce processus conduit à la formation du catalyseur.

Ac S HAc S S X

Ac S N R2AcSZnAc S

ZnO

Sel insoluble dans le caoutchouc (II-1)

Etape 2- Formation de l’agent actif de sulfuration

L’étape 2, consiste en la formation du complexe actif de sulfuration par réaction du

complexe activateur soluble avec le soufre.

AcSZnAc SAcide Stéarique

LigandAcSZnAc S

RC

OO-

RC

O O-

++

Complexe soluble dans le caoutchouc

S8

S6

S SS6

S S

+

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

52

ZnAc S Sx Sy AcS

Agent actif de sulfuration (thiomercaptide) (II-2)

Etape 3- Formation d’un composé intermédiaire lié au caoutchouc

L’agent actif se lie à la chaîne polymère.

Zn

Ac S Sx

S

Sx AcS

CHCH

H

CR'

Ac S Sx CR

CHH

CR'

ZnSz SAc

δ−

δ++ δ-

δ+

δ- δ+

+

+ ZnS +

matrice

R

(II-3)

On a aussi :

2 H Sy SAc+ AcS Sx Zn Sx SAcZnS + SH2Agent actif régénéré (II-4)

Etape 4- Formation de ponts polysulfures

a) Au cours de cette étape, l'agent actif de sulfuration réagit avec un groupement de la matrice

:

Ac S Sx CR

CHH

CR'

AcSSxSx ZnCR2

CHH

CR2'

SxCR

CHH CH

R2

CH

CR'

CR2'

ZnAc S Sx Sx AcS

+

+Régénération du complexe soluble

(II-5)

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

53

b) on observe également la réaction d'un groupement du polymère avec une autre chaîne de

polymère

CR'

CR

CHHAc S Sx Zn Sx CH2

R3

CH

CR3'

SxCR

CHH CH

R3

CH

CR'

CR3'

SZn AcS SxH

+

+ +

(II-6)

La formation des sulfures entraîne la régénération du complexe soluble.

AcS SxH + 1/2 ZnO ZnAc S Sx Sx AcS + 1/2 OH2 (II-7)

Les ponts polysulfures sont thermiquement instables. Sous l’effet de la température ils sont

décomposés en ponts de réticulation, cycliques, mono ou disulfurés. Le contrôle de la

longueur des ponts est possible en faisant varier le rapport soufre / accélérateur.

Il existe trois types de système de vulcanisation

1. les systèmes conventionnels (CV)

Ces systèmes, riches en soufre et pauvres en accélérateur, permettent la formation de

ponts longs, polysulfures

2. Les systèmes semi-efficaces, (semi-EV)

Pour ces systèmes, la teneur en soufre et la teneur en accélérateur sont équivalentes

3. Les systèmes efficaces (EV)

Pauvres en soufre et riches en accélérateur, ces derniers conduisent à la formation de ponts

courts majoritairement mono et di sulfures.

Dans notre cas le système choisi est considéré comme efficace (rapport Soufre /

Accélérateur >1).

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

54

II.1.2 La silice : Synthèse, morphologie, chimie Synthèse La silice utilisée dans cette étude est une silice de précipitation obtenue en milieu liquide par

hydrolyse – précipitation d’un silicate alcalin soluble. L’addition d’acide conduit à la

formation d’acide silicique, Si(OH)4, qui va conduire à la naissance de particules colloïdales

de très petites tailles (sol). Le sol se transforme en gel ou en précipité lors d’une réaction

dépendant du pH.

En phase aqueuse, les différents paramètres de la synthèse (pH, température, force ionique,

concentration) sont déterminants pour le résultat final du fait de l’équilibre entre croissance

(polymérisation – condensation) et agrégation (coagulation) (cf. figure II-4). Les silices de

précipitation sont synthétisées en favorisant d'abord la croissance puis l’agrégation. La phase

de séchage permet la conversion des précipités en poudre.

condensation

croissance

agrégationgermes

pH>7

Silicate soluble Na 2SiO 3

Na2SiO 3 + H 2SO4 → SiO 2 + H2O + Na 2SO4

Hydrolyse

Précipitation

OH

Si OHOH

OH

SiOHOH

OOH

SiOHOH

OH

Figure II-4 : Schéma réactionnel de la synthèse de la silice

Caractéristiques (morphologie et chimie de surface)3 Etant donné le processus de synthèse, les grains de la poudre de silice de précipitation ne se

présentent pas sous une forme simple lisse et compacte mais présente une certaine porosité.

La texture et la morphologie caractérisée par différents paramètres (surface spécifique, masse

volumique apparente, porosité) est dépendante de la taille des grains et de l’échelle

d’observation. Pour un grand nombre de matériaux à texture complexe, des lois du type P≈Lm

peuvent être appliquées ( P est un paramètre décrivant la texture par exemple la surface

spécifique), m est un exposant fractal non entier, et L est la taille de l’objet. Lorsqu’une loi de

ce type est observée la structure du matériau devient invariante par changement d’échelle.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

55

La surface spécifique et la porosité sont souvent caractérisées à l'aide de techniques

d’adsorption (donnant accès à la surface spécifique). La caractérisation est réalisée à partir de

mesures d’adsorption en phase gazeuse (N2 BET) ou en phase liquide (bromure de

céthyltrimethylamonium, CTAB).

Dans le cas de la silice de précipitation4 , la plus petite entité que l’on peut disperser est

appelée agrégat dans lequel les particules élémentaires de 5 à 30 nm sont reliées par

condensation des silanols de surface (cf. figure II-5). La taille des particules indestructibles

(agrégats) détermine la surface spécifique qui varie de 25 à 400m²/g. Les agrégats de silice se

rassemblent pour former des agglomérats d’une taille variant de quelques centaines de

nanomètres à quelques microns. Les liaisons au sein de ces agglomérats sont des liaisons

physiques (liaisons hydrogènes). L’aptitude des agglomérats à se diviser influence la

dispersibilité de la silice.

Agglomération

Malaxage

Tailles 5 à 30 nm 40 à 100 nmjusqu’à plusieurscentaines de µmètres

Particule Agrégat Agglomérat

Figure II-5 :Taille des différentes structures

Une autre propriété importante de la silice est son activité chimique5. Les groupements

chimiques en surface sont constitués essentiellement de groupes hydroxyles –OH (silanols).

Les silanols sont associés à la présence d’eau (de 4 à 7%) qui est absorbée à la surface par

formation d’une liaison hydrogène et qui rend difficile le mouillage de la surface par

l’élastomère. La présence d’hydroxyles apparaît sous plusieurs configurations : silanol simple

≡Si-OH ou géminé =Si(OH)2 (cf. figure II.6). Ces silanols peuvent s’associer par

l’intermédiaire de liaisons hydrogène entre eux ou avec l’eau de surface. On distinguera ainsi

les silanols isolés (voisins trop éloignés), vicinaux, et internes dans ce cas non accessibles à

certaines molécules adsorbables. En général, le nombre de silanols3 est compris entre 4 et 6 8

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

56

OH/nm2.

SiOH

SiOHOH

Figure II-6 : différents types de silanols

La silice utilisée dans cette étude est dite hautement dispersible et désignée sous la référence

commerciale Z1165 MP® de Rhodia Silica System. Elle possède une surface spécifique BET

de 160m²/g et CTAB de 155m²/g. Les valeurs obtenues par ces deux techniques très proches

traduisent une faible microporosité.

II.1.3 Traitements de surface

II.1.3.1 L’agent de couplage Les premières utilisations des silanes remontent à une quarantaine d’année, en tant qu’adhésif.

Leur application en tant qu’agent de couplage date de 1971, lorsque la société Degussa

commercialisa le bis (3-triéthoxysilylpropyl)-tétrasulfane (TESPT). Ce dernier fut

initialement utilisé avec la silice de précipitation qui conduisait auparavant à des mélanges

dont les caractéristiques étaient inférieures à celles obtenues avec des noirs de carbone.

Jusqu’en 1992, l’agent de couplage trouve une application dans les semelles de chaussures

transparentes et colorées et d’autres mélanges nécessitant des charges claires.

Traditionnellement l’agent de couplage utilisé pour les mélanges avec de la silice est la

molécule TESPT ( bis (3-triethoxysilylpropyl-)tetrasulfane), commercialisée sous le nom de

Si69 par la société Degussa. Sa forte teneur en soufre entraînerait un relargage de soufre très

peu contrôlable et une instabilité qui engendrerait des réactions précoces avec la matrice.

Plus généralement, les agents de couplage silanes sont bifonctionnels et ont pour formule : Z-

R-Si(X)3-N.

Z désigne un groupe organo fonctionnel pouvant former des liaisons covalentes avec les

polymères. Z peut être un groupe polysulfide, disulfide, amino, mercapto, vinyl, epoxy ….

R est un groupe alkyl.

X est le groupe hydrolysable capable de former de fortes liaisons covalentes avec les groupes

hydroxyles en surface de la silice. X peut être Cl, OCH3, OC2H5 ou OC2H4OCH3 (N compris

entre 0 et 2).

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

57

Pour cette étude, afin de bien différencier l’effet de la vulcanisation et celui du couplage

charge matrice, une molécule très proche a été utilisée, la TESPD ( bis (triethoxysilylpropyl-

)disulfane) (cf. figure II-7). Elle ne possède que deux soufres ce qui implique une meilleure

stabilité (cf. tableau II-1)

Type de liaison Energie de liaison

(kJ.mol)

-S-S-S-S- 226

-C-S-S-C- 268

-C-S-S-C- 272

-C-S-C- 285

-C-C-C- 346

Tableau II-1 : Energie de liaison

Si C2H5O S CH2 CH2CH2

S CH2 CH2CH2 Si C2H5O

3

3 Figure II-7: agent de couplage TESPD

D’après les rapports techniques Degussa7, jusqu’à 170°C, cette molécule ne joue pas le rôle

de donneur de soufre contrairement au TESPT qui joue effectivement ce rôle à partir de

150°C. Comme les figures II-8 & II-9 le montrent, ces molécules peuvent aussi devenir des

accepteurs de soufre.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

58

Figure II-8 : distribution du nombre de soufres, et longueur moyenne de la chaîne après chauffage avec présence de soufre pendant une heure à différentes températures a) TESPT, b) TESPD6

On remarque qu’en présence de soufre seul le TESPT (Si69) incorpore facilement du soufre et

dans des temps très courts, inférieurs à 10 minutes7. La molécule TESPD est

remarquablement plus stable. Cette stabilité est due à la forte énergie de dissociation de la

liaison disulfane en comparaison avec la liaison polysulfane. Cela conduit à une sulfuration de

TESPD très lente.

Figure II-9 : a) distribution du nombre de soufre, et longueur moyenne de chaîne of TESPD après chauffage en présence soufre, ZnO, d’acide stéarique, et de CBS a) pour une heure en fonction de la température, b) à 160°C en fonction du temps7.

La sulfuration de TESPD (augmentant la réactivité de la molécule) est néanmoins possible en

présence d’activateurs (ZnO, acide stéarique) et d’accélérateur (CBS) et nécessite des

températures supérieures à 140°C.

a) b)

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

59

II.1.3.2 Les agents de recouvrement

Si CH2 CH3n

C2H5

O

C2H5 O

C2H5

O

Le pied

Figure II-10 : Formule semi -développée des agents de couplage avec n = 0, 2, 7, 15

Les agents de recouvrement utilisés dans cette étude possèdent le même pied réactif

(triethoxy) que l’agent de couplage, la différence se trouve dans la non-réactivité de la tête et

la longueur variable de la chaîne alkyle formant le ‘’spacer’’. Cet agent de recouvrement se

greffe sur la surface de la silice par les mêmes processus que l’agent de couplage. La fonction

de l’agent de recouvrement est de rendre la surface de la silice hydrophobe, et inactive

(aucune réaction n’est possible avec le polymère).

II.1.3.3 Réaction de greffage

Le greffage de la silice nécessite une élévation de température et la présence d’eau7.

L’hydrolyse des molécules silanes est toujours nécessaire, et est associée à un dégagement

d’éthanol. Le greffage commence dès le début de la phase de malaxage. Les molécules de

silane possèdent toutes dans cette étude trois groupes ethoxy impliquant deux types de

réaction : (1) le greffage sur la surface et (2) une polycondensation avec les groupes ethoxy

voisins. De ces réactions résultent trois modèles, le premier dit ’’vertical’’ suppose la

réaction du silane et de la silice et admet la possibilité que d’autres molécules silanes viennent

condenser sur les molécules déjà greffées. Le deuxième modèle peu réaliste suppose que tous

les silanes forment trois liaisons siloxanes avec la silice. Ce modèle n’est pas réalisable

géométriquement8 du fait de l’encombrement stérique.

Le troisième modèle (plus probable) est dit ’’horizontal’’7, 9 (cf. figure II-11). Ce greffage

suppose qu'un des trois groupes ethoxy hydrolysés réagit avec la surface.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

60

Si OH

Si OH

Si OH

Si OH

SiO2 Si CH3 n CH3

C2H5

O

C2H5 O

C2H5

O

+

silica

Si OOSiSi OOSiSi O

CH2 CH3n Si

C2H5OHSiO2

Si O

CH2 CH3n

CH2 CH3n

OH2

+ 4Chaleur

Figure II-11 : processus de greffage horizontal de la molécule de silane sur la surface de la silice7

Après hydrolyse, les groupes éthoxy restants réagissent par condensation avec des paires de

silanes voisins accrochés en surface de la silice. Ce modèle ’’horizontal’’ semble le plus

probable pour Hunsche et coll.7, 9 compte tenu des résultats de RMN du silicium et du

carbone, et des analyses d’évaporation d’éthanol résultant de l’hydrolyse. L’hydrolyse et la

réaction de greffage deviennent significatives pour des températures de 60°C, et très rapides

pour les températures de mise en œuvre habituelles comprises entre 120°C et 160°C. A ces

mêmes températures, la deuxième réaction de condensation demande des temps plus longs.

Afin d’accélérer ce processus, l’acide stéarique est introduit en première phase car sa faible

acidité catalyse la réaction d’hydrolyse et de condensation.

L’optimisation du processus de greffage dépend donc de paramètres expérimentaux comme la

durée et le nombre de phases de malaxage et la température maximale atteinte durant cette

phase (dump temperature). Un bon greffage dépend aussi de la désagglomération de la silice

qui sous l’effet du cisaillement augmente la surface accessible et donc le nombre de sites de

greffage. La dispersion de la silice et le traitement de surface sont deux évènements

concomitants. Ce processus de greffage ainsi décrit est commun à l’ensemble des traitements

de surface utilisés dans cette étude.

Pour l’agent de couplage, qui possède la capacité de réagir avec la matrice, une réaction

supplémentaire intervient. L’agent de couplage réagit de différentes manières. Durant la phase

de malaxage une réticulation prématurée peut se produire, si la température de dégradation de

la molécule est atteinte. Sinon la liaison avec la matrice intervient en présence du système de

vulcanisation lors de la phase de réticulation de la matrice9 (cf. figure II-12). Les deux

processus, vulcanisation et couplage se trouvent alors en compétition, d’une part pour

l’utilisation des accélérateurs et d’autre part pour la consommation du soufre qui est aussi

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

61

incorporé dans l’agent de couplage. Le couplage et la réticulation se présentent donc comme

deux évènements difficile à décorréler.

Si O SCH2CH2 CH2SiOSiSi O CH2CH2 CH2

OSCH2CH2 CH2SiSi O

S SaCC

CH

SiO2

Si O

Si O SCH2CH2 CH2SiOSiSi O CH2CH2 CH2

OSCH2CH2 CH2SiSi O

S SaSiO2

Si O

C

C

CH2

+

Figure II-12 : réaction de l’agent de couplage avec la matrice7

II.1.4 Formulation et protocole de mise en œuvre

II.1.4.1 Formulation Cette formulation est simplifiée au maximum(cf. tableau II-2). Le taux de charges et le

système de vulcanisation sont maintenus constants. Seul le traitement de surface de la charge

évolue par sa quantité, sa taille, et sa fonctionnalité.

Mélange phr = Pour cent parts de matrice

Matrice 100 SBR 5525-0 (Bayer)

Charge 50 Silice Z1165 MP (Rhodia)

Traitement de surface variable Agent de couplage ou agents de

recouvrement

6PPD 1.45 Antioxidant et Antiozonant*

Acide stéarique 1.1

ZnO 1.82 Activateurs de vulcanisation

Système de vulcanisation

S 1.1 Vulcanisant

CBS 1.3

DPG 1.45 Accélérateurs de vulcanisation

*l’antioxidant et antiozonant (para-phenylenediamine) protège le mélange contre le vieillissement prématuré.

Tableau II-2 : formulation des mélanges.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

62

II.1.4.2 Mise en œuvre, histoire thermomécanique Le protocole de mise en œuvre utilisé pour cette étude vient du Brevet Michelin RAULINE10

(crée pour le pneu vert). Il se décompose en plusieurs phases de malaxage à l’aide d’un

mélangeur Banbury et d’un mélangeur à cylindres. Durant ces phases de malaxage les

différents ingrédients sont incorporés comme l’indique la figure II-13.

1- SBR + Silice + traitement desurface + 6PPD + Acide Stéarique

2- ZnO

Ambiante

60°C

80°C

150°C

160°C

Température

Temps

3- S + CBS + DPG

5 min 5 min 8 min 30 à 50 min

Vulcanisation

1 2 3

1 nuit 1 nuit

1 & 2 : mélangeur interne Banbury3 : mélangeur à cylindres

4

Figure II-13 : Histoire thermique du mélange au cours de la mise en œuvre (en noir : l’évolution de la température).

• L’étape 1 consiste en un malaxage de la matrice et l’incorporation de la charge et du

traitement de surface, l’antioxydant (6PPD) et l’acide stéarique. L’incorporation de la

silice dans l’élastomère augmente considérablement l’intensité du cisaillement et la

température du mélange malaxé. La silice est désagglomérée et dispersée. Sous l’effet

de la température, elle libère l’eau adsorbée naturellement sur sa surface. Le

mélangeur interne Banbury sert aussi de réacteur chimique pour le greffage de la

charge.

• L’étape 2 permet de finaliser les processus de dispersion et de greffage amorcés lors

de l'étape 1 et sert également à l’incorporation du ZnO.

• L’étape 3 consiste en l’incorporation du système de vulcanisation. Il est réalisé sur un

mélangeur externe (cylindres) impliquant des températures plus faibles prévenant

toute réaction prématurée du système de vulcanisation.

• L’étape 4 est la vulcanisation du matériau par le soufre et l’établissement de liaisons

covalentes par le biais de l’agent de couplage (lorsqu'il est utilisé). La mise en forme

des éprouvettes est réalisée durant cette étape sous presse.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

63

II.1.4.3 Mélanges réalisés

Les différents mélanges réalisés au cours de cette étude sont référencés et décrits dans le

tableau suivant II-3.

Le mélange avec la matrice réticulée seule a été réalisé comme référence et sera noté M. Le

recouvrement optimal de la surface de 100% est obtenu selon Wolff et coll.11 à raison d’un

pied par nm². En conservant cette hypothèse, différents taux d’agent de recouvrement et

d’agent de couplage sont introduits (25% à 125% de la surface). Silice

Phr

Traitement de

surface* Concentration

(phr)

Nombre de

molécules par nm²

Recouvrement, selon

Wolff12, (%)** Nom

0 - - - - M (matrice)

50 - - - 0 Si

50 AR 8 carbones 1.02 0.3 25 AR8-25

50 AR 8 carbones 2.05 0.6 50 AR8-50

50 AR 8 carbones 3.07 0.8 75 AR8-75

50 AR 8 carbones 4.08 1.1 100 AR8-100

50 AR 8 carbones 5.12 1.4 125 AR8-125

50 AR 1 carbone 2 0.8 75 Ar1

50 AR 3 carbones 2.3 0.8 75 AR3

50 AR 8 carbones 3.07 0.8 75 AR8

50 AR 16 carbones 4.32 0.8 75 AR16

50 AC TESPD 0.88 0.1 (0.2 pied) 25 AC-25

50 AC TESPD 1.76 0.3 (0.6 pied) 50 AC-50

50 AC TESPD 2.64 0.4 (0.8 pied) 75 AC-75

50 AC TESPD 3.52 0.6 (1.2 pieds) 100 AC-100

50 AC TESPD 4.4 0.7 (1.4 pieds) 125 AC-125

50 AC TESPD 2.64 0.4 (0.8 pieds) 75 AC-75S+***

*AR est utilisé pour Agent de Recouvrement, AC pour Agent de Couplage, ** Avec l’hypothèse que le recouvrement est proportionnel au nombre de pieds réactifs introduits *** système de vulcanisation doublé

Tableau II-3 : Spécifications des mélanges Dans la suite de ce manuscrit, les quantités d’agent de greffage seront exprimées en taux de

recouvrement selon Wolff.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

64

Les différents échantillons présentés dans le tableau II-3, se composent en trois séries (AR8,

ARn, AC). La série AR8 privilégie un type d’agent de recouvrement ( la molécule avec 8

carbones) qui est introduit avec des concentrations susceptibles de couvrir différentes

fractions de surface. Pour la série AC comme pour AR8, l'agent de couplage est introduit avec

des concentrations permettant de couvrir théoriquement différentes fractions de surface. Pour

la série ARn, les quantités introduites sont susceptibles de couvrir une surface constante (75%

de la surface de la charge) par différents agents de recouvrement (variant en longueur de

chaîne alkyle).

Remarque : Afin de voir l’influence de la réticulation, une série très proche de la série AR8

nommée AR8bis sera utilisée. Seul le système de vulcanisation est modifié (soufre et

accélérateurs) comme le tableau II-4 le montre.

Système de vulcanisation

normal bis

S 1.1 1.6 Agent vulcanisant

CBS 1.3 1.9

DPG 1.45 2.14 Accélérateurs de vulcanisation

Tableau II-4 : modification du système de vulcanisation pour la série d’échantillon AR8bis

II.2 Techniques expérimentales La cinétique de vulcanisation des mélanges est analysée par des mesures rhéométriques.

L’étude de la dispersion des charges couple des techniques indirectes comme la diffusion aux

petits angles de rayons X et de la lumière, et directe comme la microscopie électronique. Les

taux de polymère lié sont mesurés avec un protocole propre à cette étude. Les mélanges

vulcanisés sont caractérisés par des mesures de gonflement. Le comportement mécanique aux

petites déformations est caractérisé par des mesures dynamiques en fonction de la température

et de la déformation, et aux grandes déformations par des mesures de traction.

L’endommagement est caractérisé par des mesures de dilatation volumique et de diffusion de

lumière couplées aux mesures de traction.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

65

Pour résumer, les différentes étapes de la caractérisation se déroulent comme cela est indiqué

dans le tableau suivant :

Etat du

mélange

T (°C) temps Caractérisation

Rés

ulta

ts

Mise en œuvre Variable 2 jours

Cru Tambiante • Mesure de polymère lié Ch-3

Vulcanisation 150°C variable • Suivi de la vulcanisation par mesures rhéologiques (rhéomètrie)

Ch-3

• Mesures physico-chimiques : - Reprise en eau - Mesures de gonflement

Ch-3

• Caractérisation morphologique : Etude de la dispersion de la charge : SAXS, USAXS, SALS, MET, MEB Ch-3

• Caractérisation mécanique : 1. Petites déformations - Domaine linéaire : spectrométrie

mécanique en fonction de la température - Non-linéarité : Effet Payne,

caractérisation mécanique en fonction de la déformation

Ch-4

Rét

icul

é

Tambiante

2. Grandes déformations

- Grandes déformations : essai en traction jusqu’à rupture

- Endommagement et mesures couplés sous traction : dilatation volumique grâce au ‘’Cavitomètre’’ et diffusion de lumière aux petits angles

Ch-5

Tableau II-5 : protocole de caractérisation

Ces différentes techniques sont décrites dans les paragraphes suivants.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

66

II.2.1 Caractérisation des mélanges à cru

II.2.1.1 Mesures de polymère lié

Comme nous l’avons vu au chapitre I, les mesures de polymère lié dépendent de nombreux

paramètres comme la formulation ou les conditions de mélange. Il est donc important de bien

choisir les conditions expérimentales pour la détermination du taux de polymère lié (durée de

présence en solution, nature du solvant, température d’extraction, nombre de lavages…).

La méthode la plus utilisée consiste à placer un morceau d’échantillon non réticulé dans un

solvant pendant plusieurs jours. Le solvant peut être renouvelé plusieurs fois. Le résidu est

ensuite récupéré sur une grille ou un papier filtre. Le taux de polymère lié est déduit après

séchage de la mesure de la masse avant et après calcination (où il ne reste que la matière

minérale). Cette technique est utilisable pour les élastomères chargés avec de la silice.

L’inconvénient provient de la phase de filtration : dans le cas où les interactions entre la silice

et la matrice sont faibles, le résidu n’a pas de forme (il est dit non cohérent) et passe à travers

les mailles de la grille de filtration ou colmate les pores du filtre utilisé.

Un protocole d’extraction permettant la mesure de très faibles taux de polymère lié a été mis

au point et utilisé. Ce protocole (cf. figure II-14) s’inspire de ceux adoptés par Wolff et coll. 12

et Vuillaume17.

• 500 mg de mélange non réticulé coupé en petits morceaux sont placés dans 50g de

Xylène. Le mélange est dissout sous agitation magnétique pendant 48heures. On

constate qu’au-delà de cette période d’agitation dans le solvant les taux de polymère

lié n’évoluent plus.

• Quand l’ensemble du mélange est en solution, l’extraction du polymère non lié est

faite par centrifugation durant laquelle la silice et le polymère lié viennent sédimenter.

La centrifugation est réalisée à 21000 tours/min pendant 10 minutes au laboratoire

LCPP (CPE-LYON). L’extraction par centrifugation a été adoptée pour pouvoir

récupérer les résidus.

• Le sédiment est ensuite séché à l’étuve à vide à la température de 60°C jusqu’au

moment où la masse n’évolue plus (24 heures). Le taux de polymère lié est ensuite

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

67

déterminé par thermogravimétrie (ATG) par un balayage en température de 45° à

1000°C sous air.

ech

echrésidu

mmm

Lié Polymèrearg

arg−= (gramme/ 1gramme de silice) (II-8)

où mrésidu est la masse après séchage, et mcharge est la masse de silice après calcination.

48 heures10 minutes21000tr/min

Xylene et polymèreextrait

60°C dans uneétuve sous vide CALCINATION -ATG

Xylène Polymère lié

Figure II-14: protocole d'extraction et de mesure du polymère lié

Une correction est apportée dans le cas de la silice greffée. Cette correction consiste à

soustraire la masse du greffage sur la surface de la silice résultant de la calcination. Cette

correction peut atteindre 20% de la masse du polymère lié obtenue après séchage pour les

recouvrements les plus importants.

L’extraction du polymère dépend de plusieurs paramètres, du temps d’agitation dans le

solvant, de la concentration, de la température de mise en solution, le nombre de lavages.

Nous avons choisi d’étudier l’influence de 2 paramètres afin d’optimiser ce protocole : la

température d’extraction et le nombre de lavages. Certains mélanges ont subit une série de

lavages et de centrifugations, afin de déterminer le nombre de lavages nécessaires à

l’extraction d’un maximum de polymère. Comme la figure II-15 l’indique, un unique lavage

est suffisant, des lavages supplémentaires ne font pas évoluer le taux significativement, ce

résultat est également observé par Vuillaume13. La température semble avoir peu d'influence.

Comme l’indique Wolff et coll.16 qui ont observé une baisse importante voir la disparition du

polymère lié à 100°C, la température déplace l’équilibre entre l’adsorption et la désorption du

polymère présent en surface. Dans notre cas, la centrifugation se fait à température ambiante

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

68

ce qui peut laisser supposer une réadsorption du polymère. L’extraction du polymère libre est

donc réalisée à température ambiante et la mesure est effectuée après un lavage.

0 1 2 30.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

1.4

1.6

1.8

2.0

poly

mèr

e lié

(g/g

)

Nombre de lavages

ambiant 50°C 100°C

Figure II-15: Evolution du taux de polymère lié avec le nombre de lavages et la température (échantillon

AR8).

Remarque : Dans le cas de mélange SBR silice, Wolff et coll.16 diminuent considérablement

le taux de polymère lié par un traitement avec de l’ammoniac. Dans leur cas, ce traitement

diminuerait le taux de 20.5% à 3% en cassant les liaisons physiques entre le polymère et la

silice.

Par le passé d’autres auteurs ont observé ce phénomène mais ne l’interprétèrent pas de la

même manière. Polmanteer 14 attribue cette chute de polymère lié à la destruction superficielle

de la silice, par la rupture de liaisons siloxanes. Malgré son efficacité, ce traitement n’a donc

pas été retenu car il risque d’agir directement au niveau des traitements de surface utilisés

dans cette étude.

II.2.1.2 Suivi de la vulcanisation Afin de déterminer l’optimum de vulcanisation d’un mélange, le déroulement de celle ci est

suivi grâce à un rhéomètre de type ODR (rhéomètre à disque oscillant). Le mélange est placé

dans une chambre thermiquement régulée (température de vulcanisation, 150°C) et subit

l’oscillation d’un rotor biconique. L’amplitude de l’oscillation est de quelques degrés (±3°)

correspondant à une déformation en cisaillement d’environ 40% (figure II-16).

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

69

EchantillonRotorPlaques

chauffantes

Figure II-16: Schéma de principe de la mesure de rhéométrie

Ce dispositif permet de suivre le couple résultant de la déformation imposée en fonction du

temps. L’amplitude et la fréquence sont fixes. La courbe de la figure II-17 montre l’évolution

typique du couple en fonction du temps.

0 1000 2000 3000 40000

10

20

30

40

50

60

∆C

Retard

Pente

Cmin, couple minimum

Cmax, couple maximum

0 1000 2000 3000 40000.00

0.02

0.04

0.06

torq

ue d

iffer

entia

te

Time (s)

Cou

ple

(N.m

)

Temps (s)

Figure II-17: courbe typique du couple et de sa dérivée en fonction du temps au cours de la vulcanisation

II.2.2 Caractérisation physico-chimique des mélanges réticulés

II.2.2.1 Mesures de gonflement dans l’eau

Cette mesure donne une indication sur le taux de recouvrement de la silice. L’élastomère seul,

hydrophobe, ne gonfle pas après un séjour prolongé en présence d’eau. Dans le cas de

mélanges chargés avec de la silice (hydrophile), les molécules d’eau s’adsorbent sur sa

surface et ainsi sur l’ensemble du réseau de charge présent au sein de l'élastomère. Elles

peuvent ainsi provoquer un gonflement du mélange. La mesure est donc influencée par le

greffage de la silice (modification de l'hydrophobie de la silice) et la réticulation de la matrice

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

70

modifiant la capacité de l'élastomère à gonfler. Ces résultats restent qualitatifs mais

permettent des comparaisons sur une même série de matériaux.

Protocole

• Deux échantillons d’un gramme de mélanges sont découpés en parallélépipède

identique afin d’offrir une surface constante de contact. Ces échantillons sont d’abord

séchés à 100°C dans une étuve à vide (10-3 Pa) pendant 24 heures afin d’éliminer le

maximum d’eau. La quantité d’eau évacuée est estimée par une pesée. L’échantillon

séché est ensuite immédiatement placé dans de l’eau distillée à 60°C pendant une

semaine. La reprise en eau est estimée par la différence de masse entre l’échantillon

sec (msec) et la masse de ce même échantillon après son séjour dans l’eau (mech. + eau

reprise).

• Les valeurs comparées sont obtenues à partir de la formule suivante :

Reprise en eau (%massique) = (mech. + eau reprise - msec) / msec *100 (II-9)

II.2.2.2 Mesure de gonflement dans un solvant Mis en présence d’un solvant adéquat, les réseaux élastomères gonflent. Cette aptitude dépend

des interactions entre les molécules de solvant et les chaînes, et de la longueur des chaînes

entre nœuds de réticulation. Dans notre étude, on peut s'attendre à ce que les mesures de

gonflement soient modifiées en fonction des greffages réalisés. Dans le cas de l'agent de

couplage, on peut penser que le greffage à la surface de la silice contribue en tant que nœud

de réseau multifonctionnel permanent. Dans le cas du traitement avec différents agents de

recouvrement il est possible d’imaginer une décohésion entre la charge et la matrice suivie de

l’apparition d’une interphase de solvant. Toutefois le solvant ne détruisant pas la totalité des

liaisons physiques, ces mesures permettent seulement de donner des informations

quantitatives sans différentiation de l’influence respective de la réticulation et de la qualité de

l’interface.

Protocole

• Un gramme de mélange réticulé découpé sous forme d’un parallélépipède est introduit

dans du xylène pour un période de cinq jours. Le composite est ensuite séché

rapidement en surface. Il est ensuite complètement séché sous étuve et à nouveau pesé.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

71

• Le taux de gonflement calculé correspond au rapport du volume gonflé du polymère

réticulé dans le composite après extraction des chaînes libres et du volume sec. Il

s’écrit : m

gonflée

solvant

polymer

MMM

Gφρ

ρ−⎟⎟

⎞⎜⎜⎝

⎛ −+=

111

sec

sec (II-10)

où φm est la fraction de charge dans le mélange initial.

II.2.3 Caractérisation morphologique de la charge et de sa répartition Dans le cadre de cette étude le croisement de différentes techniques (la microscopie

électronique et la diffusion aux petits angles de rayons X et de lumière) permet une

caractérisation de la morphologie et de la dispersion de la charge à toutes les échelles de

tailles (cf. Figure II-18). La microscopie permet une observation directe de la structure des

mélanges. A contrario, les techniques de diffusion ne permettent pas de visualiser la structure

au sens propre, mais elle apportent des informations sur la corrélation spatiale des entités

diffusantes en moyennant sur le volume sous le faisceau.

II.2.3.1 Techniques de diffusion aux petits angles

A - Principe Indépendamment du type de rayonnement rayon X ou lumière utilisé, la diffusion aux petits

angles fait appel aux mêmes principes physiques. Le choix d’une technique par rapport à une

autre est motivé par la nature, la composition du matériau (contraste) et l’échelle de taille

observée (cf. Figure II-18).

Dimension (nm)

1 10 102 103 104

Small Angle Scattering Ultra Small AngleScattering

Microscope optique

Small Angle LightScattering

X-Ray

Figure II-18: Domaine d’investigation des différentes méthodes de diffusion.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

72

La source produit un faisceau incident qui arrive sur l’échantillon sous forme d’onde plane.

Lors de l’interaction radiation - entités diffusantes, une partie du faisceau incident est dévié de

sa trajectoire initiale. Sur le schéma de la figure II-19, l’onde incidente est définie par le

vecteur ki et l’onde diffusée par le vecteur kd. La différence entre les deux est le vecteur de

diffusion q. le vecteur k est défini en intensité par k=2π/λ (λ est la longueur d’onde du

rayonnement). L’intensité du vecteur d’onde q s’écrit donc:

( )2sin4 θλπ

=q (II-11)

où θ est l’angle de diffusion.

θSource

Echantillon

ikr

dkrqr

Figure II-19: schéma de diffusion

La diffusion par un échantillon macroscopique résulte de la moyenne temporelle statistique de

toutes les ondes diffusées et de leurs interférences. La préparation de l’échantillon et le choix

des conditions expérimentales conduisent à la caractérisation et à la distinction des matériaux

homogènes et hétérogènes, isotropes, et anisotropes. La signature de ces paramètres

structuraux sera visible sur le signal diffusé.

B - Mise en œuvre spécifique des matériaux

L’utilisation de ces différentes techniques a nécessité la fabrication de films pour chacun des

mélanges de 0.5 mm d’épaisseur pour la diffusion aux petits angles de rayons X, et de 0.1mm

pour la diffusion aux petits angles de lumière. Ces épaisseurs sont choisies afin d’obtenir une

intensité transmise suffisante (0.3). L’obtention de tels films est délicate dans le cas des

matériaux mis en œuvre pour ce travail. Elle nécessite la fabrication de plaques

compensatrices calibrées pour les moules de vulcanisation et la réalisation de la vulcanisation

entre deux feuilles de Kapton (ne se déformant pas sous l’effet de la chaleur). Ces feuilles

permettent de démouler les films sans les détériorer et de protéger la surface de la pollution

pour les expérimentations. L’inconvénient de ce procédé est le piégeage de bulles créées au

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

73

cours de la vulcanisation, une vérification au microscope optique de ce phénomène s’impose

afin de choisir une partie de l’échantillon sans bulle d’air.

C - Dispositif expérimental

Diffusion aux ultra petits angles et aux petits angles de rayon X (USAXS & SAXS)

Dans cette étude, la diffusion aux petits angles de rayon X a été réalisée sur la ligne D2AM

de l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) de Grenoble. Un faisceau de rayon X

monochromatique de longueur d’onde λ =1.52Å et d’énergie E=8keV a été utilisé.

La diffusion aux ultra petits angles de rayon X (USAXS) est réalisée avec une distance entre

l’échantillon et le détecteur de 2.01m et la diffusion aux petits angles (SAXS) avec une

distance de 0.75m. Les domaines de vecteur d’onde balayés sont [7.8*10–4 Å-1 à 1.61*10 –2 Å-

1] et [1.61*10–2 Å-1 à 0.15 Å-1] dans le cas de l’USAXS et du SAXS respectivement.

Les diagrammes de diffusion sont enregistrés sur un détecteur bidimensionnel à

refroidissement par effet Peltier. Le temps d’acquisition est de 5 secondes. Les images de

diffusion X sont corrigées de la réponse du détecteur sans faisceau (dark) ainsi que de la

diffusion de l’air et du dispositif de fenêtres. Le traitement des images est réalisé à l’aide des

logiciels BM2IMG et Fit 2D développés à l’ESRF. L’évolution de la diffusion in situ au cours

de la déformation a été suivie grâce à un dispositif de traction miniaturisé conçu au sein du

laboratoire GEMPPM.

EchantillonBeam stop

2DDétecteur

IoIntensité diffusée, I

Source, λ

Figure II-20 : 2 : Schéma du dispositif expérimental

Diffusion aux petits angles de lumière

La diffusion aux petits angles de lumière reprend le même principe que celui décrit par la

figure II-20. La source utilisée pour cette expérience est un laser de longueur d’onde

λ=632nm. Une caméra CCD permet l’acquisition des profils de diffusion. La gamme de

vecteur d’onde q correspondante s’étend de 9,6.10-5 à 4.10-4 Å-1. Ces mesures ont été réalisées

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

74

au Laboratoire de Spectrométrie Physique de l’Université J.Fourrier (Grenoble) et au CEMEF

(Ecole des Mines de Paris) situé à Sophia Antipolis.

D - Protocole d’analyse des résultats L’analyse des résultats comporte deux parties, l’étude morphologique et la dispersion de la

charge à l’état initial et l’étude du signal obtenu in situ sous traction.

L’étude morphologique de la structure primaire (particule, agrégat) fait appel respectivement

aux résultats des mesures de SAXS et de l’USAXS. L’analyse de ces résultats est basée sur

une approche voisine de l’approche unifiée de Beaucage et coll.15 pour la caractérisation

d’entités diffusantes sphériques. Pour la caractérisation de la structure secondaire, les mesures

de SALS sont couplées à une observation au microscope électronique à balayage (MEB).

L’étude du signal issu des mesures in situ durant la traction nécessite quelques corrections et

peut faire intervenir de nouvelles entités diffusantes.

Etude de la morphologie de la charge Les clichés obtenus à l’état initial sur le détecteur présentent dans le cas de matériaux

amorphes chargés des profils isotropes, n’indiquant aucune anisotropie dans la dispersion.

L’extraction des courbes d’intensité en fonction du vecteur d’onde consiste donc en une

moyenne angulaire (0 à 360°).

• Pour les petits vecteurs d’onde, le régime de Guinier est défini pour qRg ≤ 1.

L’analyse de Guinier est une façon pratique d’analyser la taille des entités diffusantes.

Le rayon de giration Rg de l’entité diffusante est déterminé, et est en relation directe

avec la taille observée.

Pour des sphères, l’intensité diffusée s’écrit :

3/²²)( RgqeqI −∝ (II-12)

L’expression du rayon de giration pour une sphère est la suivante : RRg 5/3= . En

pratique, cette analyse implique dans le cas de sphères diffusantes de tracer

ln(I(q)=f(q²). Le rayon de giration Rg est déterminé par la pente de la partie linéaire de

la courbe.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

75

• Pour les plus grands vecteurs d’onde, le domaine de Porod est défini pour qRg>3.

L’exposant fractal d est obtenu en traçant le logarithme de l’intensité en fonction du

logarithme du vecteur d’onde et en considérant la pente de la partie linéaire de la zone

incriminée. Dans ce domaine l’intensité peut s’écrire :

I(q) ∝ q-d (II-13)

où d est une constante positive. Si d est égale à 4 les interfaces sont considérées

comme nettes, si d est compris entre 3 et 4, les interfaces sont des fractals de surface.

Pour les objets présentant une dimension fractale d comprise entre 1 et 3, les entités

diffusantes présentent un fractal de masse. Les fractals de surface prennent en compte

la rugosité de la surface et sa porosité et les fractals de masse prennent en compte

l’arrangement dans l’espace des masses (dans le cas de charge renforçante

l’arrangement des particules en agrégats et en agglomérats).

Etude sous traction in situ Cette étude utilise cette technique pour l’analyse sous traction du comportement dans les

gammes de tailles explorées par l’USAXS et le SALS. L’analyse des résultats permet

d’interpréter les profils de diffusion par des moyennes angulaires dans le sens de la traction et

perpendiculairement à celui-ci. Au cours de la déformation chaque acquisition est corrigée de

l’épaisseur qui évolue en fonction de la traction.

II.2.3.2 Microscopie électronique

La microscopie électronique à balayage a été utilisée afin de caractériser la macrodispersion

de la silice au sein de nos mélanges. Le protocole de préparation et de caractérisation a été

mis au point au CRA (Centre de Recherche d’Aubervilliers) de la société Rhodia.

Afin de détecter les gros agglomérats de charge, une procédure de gonflement de la phase

élastomère est réalisée dans du styrène. A l'état gonflé, le styrène est polymérisé à la

température de 50°C figeant ainsi la microstructure de la charge.

Les échantillons gonflés sont ensuite coupés par ultramicrotomie, puis observés en électrons

retrodiffusés aux grossissements de 200 et de 1000. Ces informations permettent de détecter

les agglomérats de silice de l’ordre du micromètre.

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

76

II.2.4 Caractérisation mécanique

II.2.4.1 Petites déformations : Spectrométrie mécanique La spectrométrie mécanique permet l’étude des propriétés viscoélastiques d’un matériau par

la mesure de son module dynamique en fonction de la température (mesures isochrones) ou en

fonction de la fréquence de sollicitation (mesures isothermes). L’échantillon est sollicité par

l’application d’une contrainte σ (ou d’une déformation ε) sinusoïdale.

σ* = σ0 exp( iωt ) ou ε* = ε0 exp( iωt ) (II-14)

Dans le domaine linéaire, l’amplitude de la sollicitation est faible, de l’ordre de 10-4. La

réponse en régime linéaire est également sinusoïdale et déphasée d’un angle δ par apport à la

sollicitation.

ε* = ε0 exp( iωt - δ ) ou σ* = σ0 exp( iωt + δ ) (II-15)

Le module dynamique G* s’exprime ainsi :

E* = σ*/ε* = E’ + iE’’ (II-16)

où E’ est le module de conservation ou élastique en lien avec l’énergie élastique emmagasinée

de manière réversible dans le matériau, E’’ est le module de perte ou visqueux correspondant

à l’énergie dissipée par frottements visqueux dans le matériau.

Le déphasage entre la contrainte et la déformation donne accès au coefficient de frottement

intérieur qui caractérise l’énergie dissipée sous forme de chaleur par rapport au maximum

d’énergie élastique stockée au cours d’un cycle. Le facteur de perte s’exprime ainsi :

Tan δ = E’’ / E’ (II-17)

Dans le cas de sollicitation en cisaillement ces définitions sont transposables et le module E

devient le module G. Les variations du module complexe et du facteur de perte tan δ, en

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

77

fonction de la température ou de la fréquence, permettent de caractériser les relaxations

mécaniques associées aux divers degrés de liberté des chaînes macromoléculaires.

Dans le cadre de notre étude, les mesures du module dynamique dans le domaine linéaire ont

été réalisées en fonction de la température sur un pendule de torsion inversé fonctionnant en

régime harmonique. Ce dispositif a été mis au point au laboratoire16 (GEMPPM, Insa de

Lyon) selon le principe décrit par la figure II-21et est commercialisé par METRAVIB S.A.

Toutes les mesures ont été effectuées à une fréquence de 0.1 Hz (mesures isochrones) sur une

rampe de température allant de 173 K à 373 K à 1 K/minute. Les éprouvettes testées sont des

parallélépipèdes rectangles de longueur 15mm, de largeur 6mm et d’épaisseur comprise entre

2 et 3mm. Le module de cisaillement dynamique est calculé de la manière suivante :

*

** 1

ΘΓ

=f

G (II-18)

où Γ* est le couple de torsion et Θ* est la déformation angulaire de l’échantillon. le facteur de

forme f pour des échantillons de forme parallélépipédique s’écrit :

Llef ⋅⋅

=3β (II-19)

où β varie en fonction de e/l.

Figure II-21 : Schéma de principe du pendule de torsion

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

78

Les mesures de non-linéarité (effet Payne) ont été réalisées sur un viscoanalyseur de type

METRAVIB RDS VA 2000 en cisaillement plan. Les mesures consistent à déterminer le

module complexe G* définit par l’équation (II-18) à température et fréquence constante en

fonction de la déformation. Ce dispositif mesure le déplacement d et la force F.

Deux échantillons parallélépipédiques (de longueur 7mm, de largeur 3mm, d’épaisseur

comprise entre 2 et 2,5 ) sont collés sur les supports par une fine couche de colle cyanolite.

Le déroulement de l’essai consiste en un balayage croissant en déformation, un temps de

relaxation d’environ 30 minutes, et un deuxième balayage croissant en déformation. L’intérêt

de se protocole sera discuter ultérieurement.

Chacun des essais est réalisé à la fréquence de 5Hz à température ambiante (25°C). Le

déplacement permet de balayer des déformations (γ=d/e) comprises entre 5.10-4 et 1,2.

L’angle δ (déphasage entre la force et le déplacement) est obtenu par un calcul traitant les

signaux obtenus pour F et d. Les modules G’ et G’’ sont calculés selon les relations

suivantes :

δδ tan'''cos2

1' ⋅=⋅⋅⋅

⋅= GG et Sd

eFG (II-20)

où F et d sont les amplitudes respectives de la force et du déplacement, e et S sont

respectivement l’épaisseur, et la surface de l’éprouvette. Le facteur ½ provient de la

géométrie utilisée qui consiste à solliciter deux éprouvettes (cf. figure II-16).

Figure II-22 : Principe de la sollicitation en cisaillement.

Remarque : L’équation (II-18) semble difficile à appliquer en tenant compte du comportement

non linéaire des élastomères au-dessus d’une certaine déformation. Cependant des

investigations pour lesquelles l’amplitude de déformation en cisaillement n’excédait pas 20%,

ont montré que la réponse du matériau produisait un signal quasi sinusoïdal avec peu voire

pas d’harmoniques bien que le module mesuré soit dépendant du niveau de déformation.17

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

79

II.2.4.2 Grandes déformations

A - Mesures de traction Ces essais de traction uniaxiale ont été réalisés à température ambiante sur une machine de

traction MTS. La cellule de force permet des mesures de force F de 500N. La déformation ε

de l’éprouvette est contrôlée par un extensomètre. Les éprouvettes sont maintenues durant

l’essai par des mors pneumatiques prévenant tout glissement de l’éprouvette durant la

traction.

Les éprouvettes en forme d’haltères offrent une longueur utile de 20mm pour une largeur de

4mm et une épaisseur comprise entre 2 et 2,5 mm.

Les vitesses de traverse sont de 500mm/min et 3.6mm/min correspondant à une vitesse de

déformation initiale de 0.4 s-1 et de 0.003 s-1. Les essais sont réalisés à température ambiante

(25°C).

• La déformation macroscopique est caractérisée par les taux d’extension dans les trois

directions λx= lx/l0x, λy= ly/l0y, λz= lz/l0z où lx, ly et lz sont les longueurs

instantanées dans les direction x, y et z , l0x, l0y et l0z sont les longueurs instantanées

dans les direction x, y et z. Si x est la direction de déformation, on observe une contraction

dans les deux autres directions : λy=λz=λx-0,5 en l’absence de variation de volume

(coefficient de poisson égale à 0.5 – cas des élastomères). Dans le cas d’une déformation

uniaxiale, la déformation nominale est aussi utilisée : ε=(lx-lox)/lox= λx-1.

• La contrainte (σ) est définie comme étant le rapport de la force appliquée sur la surface.

σvraie = f / S, σnominal = f / S0 = σvraie / λ (II-21)

où S0 est la surface initiale et S est la surface durant la déformation

B - Mesures de dilatation volumique Cet appareil permet de mesurer la dilatation de l’échantillon au cours d’un essai de traction. Il

reprend le principe du dilatomètre de Farris18. La dilatation volumique est obtenue en

mesurant les différences de pression grâce à un capteur de pression différentielle extrêmement

précis, entre l’enceinte de l’éprouvette et une enceinte référence. Ce dispositif est utilisé en

traction, à température ambiante, à des vitesses de déformation inférieures à 15mm/min, pour

une déformation pouvant aller jusqu’à 300%. Ce dispositif permet aussi de réaliser des essais

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

80

cycliques. Au cours de l’essai, la force, la température, et le déplacement sont enregistrés. Son

schéma de principe est présenté Figure II-23. Les éprouvettes utilisées ont une longueur

efficace de 15mm, une largeur de 10mm et une épaisseur comprise entre 2 et 2.5mm.

Mesure de changement de volume 19

On considère constant le volume intérieur de l’enceinte contenant un volume Vg de gaz et Ve

le volume initial de l’échantillon.

Vi=Vg+Ve=cte (II-22)

Lors de la traction, le volume de l’échantillon varie de ∆Ve en vérifiant :

∆Vg + ∆Ve = 0 (II-23)

Soit Pog et Vo

g respectivement la pression initiale et le volume initial du gaz, (on suppose la

température constante), Pog Vo

g = Pg Vg

⇔ Pog Vo

g = (Pog + ∆Pg) (Vo

g + ∆Vg) (II-24)

⇔ gg

gg V

PP

V ∆+∆

= 000 (II-25)

L’expression II-25 est obtenue en négligeant les termes, du second ordre.

En utilisant (II-22), on obtient :

eg Vx

xV ∆+

=10 (II-26)

avec 0g

g

PP

x∆

= . X est mesuré grâce au capteur de pression différentielle qui fournit une tension

proportionnelle à la différence de pression entre l’enceinte de l’échantillon et l’enceinte de

référence.

L’équation(II-26) devient

xx

VV

VV

e

g

e

e

+=

∆10

0

0 (II-27)

x <<1 donc l’équation précédente devient

xVV

VV

e

g

e

e0

0

0 =∆

(II-28)

La sensibilité du capteur de pression annoncée par le fabriquant est de 5V/psi.

Or 1psi est égale 6897.5 Pa. La lecture du signal se fait au mV près ce qui donne une pression

de 1.38 Pa. Le bruit de fond donne un signal d’une largeur de 1mm conduisant à une

appréciation de 0.4mV/mm. Le dispositif conduit donc à x<10-5 et d’après (II-28) à

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

81

%3.010.3 3 =<∆ −

VeVe pour un volume initial de l’échantillon de 390mm3. Cette précision

peut être augmentée en réduisant le volume de gaz de la chambre échantillon. La

reproductibilité sur un grand nombre d’essais s’est avérée très bonne.

N2

∆P

EchantillonEnceinte référence

Capteur de pressiondifférentiel

enceinte échantillon

mors fixe + capteur de force

mors mobile

Système mécaniquede déformation

Pompe

Figure II-23 : Schéma de principe du dispositif ''cavitomètre'' permettant les mesures de dilatation volumique au cours d’un essai de traction

Références : 1 Livre Synthèse , Propriétés et Technologie des Elastomères, IFOCA 2 A.Y.CORAN, Vulcanization, Encyclopedia of Polymer Science and Engineering, Wiley, New York, 17, 666, 1989 3 A.P.LEGRAND, H.HOMMEL, A.TUEL, A.VIDAL, H.BALARD, E.PAPIRER, P.LEVITZ, M.CZERNICHOWSKI, R.ERRE, H.VAN DAMME, J.P.GALLAS, J.F.LAVALLEY, O.BARRES, A.BURNEAU, Y.GRILLET, Hydroxyls of silica powders, Advances in Colloid and Interface Science, 33, 91, 1990 4 Y. BOMAL, P. COCHET, B. DEJEAN, A new generation silica for tires, L’Act. Chim, 1, 42, 1996 5 M. WAGNER, Renforcement des élastomères par les charges : mobilité moléculaire et spécificité des interactions à l’interface silice/caoutchouc styrène butadiène, Thèse, Université de Haute Alsace, 1999

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Chapitre II : Matériaux et Techniques expérimentales

82

6 H.D. LUGINSLAND, Reactivity of the Sulfur Functions of the Disulfane Silane TESPD and the Tetrasulfane Silane Si 69, Technical Report from DEGUSSA, T R 8 0 5 . 1 E 7 A. HUNSCHE, U. GÖRL, A. MÜLLER, M. KNAACK, TH. GÖBEL, Investigations concerning the reaction silica/organosilane and organosilane/polymer. Part 1 : Reaction mechanism and reaction model for silica/organosilane, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 50, 881, 1997 8 K.TABAR HEYDAR, Contribution à la préparation de greffes bien définies de différentes fonctions chimiques à l‘extrémité de longues chaînes à la surface de silices, Thèse, Université Claude Bernard LYON 1, 1989 9 A. HUNSCHE, U. GÖRL, H.G.KOBAN, T. LEHMAN, Investigations on the reaction silica/organosilane and organosilane/polymer. Part 2 : Kinetic aspects of the silica - organosilane reaction, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 51, 525, 1998 10 R.RAULINE, Eur. Pat. 0 501227A1, to Cie. Generales de Etablissements Michelin-Michelin & Cie., 1992 11 S.WOLFF, M.J. WANG, E.H. TAN, Surface Energy of Fillers and its Effect on Rubber Reinforcement, Kautsch. Gummi Kunststoffe, 47, 780, 1994 12 S.WOLFF, M.-J. WANG, E. H. TAN, Filler-Elastomer Interactions. II: Study on Bound Rubber, Rubber Chem. Technol. 66, 163, 1993 13 K.VUILLAUME, Interactions élastomères/charges : mécanismes de déplacement des molécules adsorbées et coadsorbées, Thèse, Université de Haute Alsace, 2001 14 K.E. POLMANTEER, W. LENTZ, Reinforcement Studies-Effect of Silica Structure on Properties and Crosslink Density, Rubber Chem. Technol. 48, 795, 1975 15 G.BEAUCAGE, S.RANE, D.W.SCHAFFER, G.LONG, D.FISHER, Morphology of polyethylene-carbon black composites, J. Polym. Sci., 37, 1105, 1999 16 S.ETIENNE, J.Y.CAVAILLE, J.PEREZ, R.POINT, M SALVIA, Automatic system for analysis of micromechanical properties, Review of Scientific Instruments, 53, 1261, 1982 17 L.CHAZEAU, J.D.BROWN, L.C.YANYO, S.S.STERNSTEIN, Modulus recovery kinetics and other insights into the Payne effect for filled elastomers, Polym. Compos., 21, 202, 2000 18 R.J.FARRIS, J. Appl. Polym. Sci., 8, 25, 1964 19 R. VASSOILLE, Laboratoire GEMPPM, Insa de Lyon

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

85

Chapitre III : Caractérisation morphologique et physico - chimique des mélanges

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

86

Comme nous avons pu le voir dans le chapitre I, les propriétés mécaniques des élastomères

chargés sont connues pour dépendre de l’effet hydrodynamique lié à la présence de la

charge. Elles sont également fortement influencées par l’état de dispersion de la silice au

sein de la matrice polymère, par les interactions charge–charge et charge- matrice et par la

réticulation de la matrice. Dès lors, les performances mécaniques des matériaux que nous

avons élaborés peuvent être affectées par les différents traitements de surface utilisés. En

effet, les molécules utilisées (silanes) réagissent avec une partie des silanols de surface. On

peut envisager différents aspects résultant de cette modification des propriétés de surface de

la charge :

1- Un effet sur la dispersion et la rigidité du réseau par le biais des interactions entre les

agrégats de silice.

2- Une évolution de la mouillabilité à l’interface qui conditionnera les interactions entre la

charge et la matrice.

3- La modification de la réticulation du fait des interactions avec les éléments de la

formulation. En effet, l’acidité naturelle (apportée par la présence de silanols de surface)

de la silice suscitera des physisorptions parasites avec les éléments de la vulcanisation

(basiques). Les éléments les plus adsorbés sont généralement les accélérateurs, en raison

de leur composition chimique contenant les fonctions basiques(NH)1. Le greffage de

silane va minimiser la présence de silanols (-OH) et gêner l’accessibilité de la surface

par encombrement stérique réduisant ainsi ces adsorptions en surface. La silice et les

différents types de greffage peuvent donc influencer considérablement la cinétique de

vulcanisation. Gorl et coll.2 ont montré que l’agent de couplage (soufré) utilise des

mécanismes similaires à la réaction de vulcanisation pour former des liaisons covalentes

avec la matrice. Il utilise des éléments du système de vulcanisation et possède aussi la

capacité de larguer ou d’incorporer du soufre. Cela conduit à une compétition entre la

vulcanisation et le couplage charge- matrice.

La dispersion de la charge après la mise en œuvre est donc analysée en fonction des

différents traitements de surface utilisés, par diffusion aux petits angles et par microscopie.

Après mélange avec la silice, l’état non vulcanisé des matériaux (ils sont dits crus) permet

l’extraction des chaînes polymère non liées à la silice, et ainsi de caractériser l’efficacité du

greffage et plus globalement les interactions charge-charge et charge-matrice. Dans ce but,

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

87

des mesures de polymère lié ont été effectuées. La caractérisation du greffage a été

complétée par des mesures de gonflement dans l’eau sur les matériaux vulcanisés.

Afin de comprendre l’influence de la silice et de ses différents traitements de surface sur la

vulcanisation globale du composite, un rhéomètre permet de suivre dans le temps l’évolution

de la réaction de vulcanisation (état, cinétique) en appliquant un couple de torsion. Après

réticulation, des mesures de gonflement renseignent également sur l’état de réticulation de

chacun des mélanges.

III.1 Dispersion de la silice au sein de la matrice

III.1.1 Rappels et remarques préliminaires.

La silice se caractérise selon différentes échelles de taille. La structure primaire de la silice

va de la particule élémentaire à l’agrégat indivisible formé de particules fortement liées, sur

un domaine de taille qui peut aller de 40nm à 100nm. La structure secondaire est formée par

le regroupement de ces agrégats sous forme d’agglomérats. Les agrégats sont reliés entre

eux par des liaisons faibles de type Van der Walls. La silice avant incorporation se présente

sous forme d’agglomérats de tailles différentes (de quelques centaines de nanomètres à

200µm pour la micro-perle). La caractérisation par diffusion des X et de la lumière aux

petits angles complétée par l’observation sous microscopie électroniqu, donne accès à

l’ensemble des tailles caractéristiques des entités constitutives de la structure (cf. Tableau

III-1).

Agglomération

Malaxage

Tailles 5 à 30 nm 40 à 100 nmjusqu’à plusieurscentaines de µmètres

Particule Agrégat Agglomérat

Techniques decaractérisation

SAXS USAXSIndirecte : SALSDirecte : MEB

Structure primaire Structure secondaire

Tableau III-1: domaines de tailles et techniques de caractérisation correspondantes

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

88

III.1.1.1 Caractérisation de la silice avant et après incorporation dans le SBR.

A titre préliminaire, nous avons commencé par comparer les profils de diffusion de la silice

avant et après l’incorporation au sein de la matrice. Les images résultant de la diffusion de la

silice au sein de la matrice SBR sont présentées sur la figure III-1. On constate que les

spectres ne présentent pas de direction privilégiée, ce qui indique une dispersion isotrope des

charges au sein de la matrice. On constate que la dispersion est homogène aussi bien aux

échelles caractéristiques sondées par les rayons X que par la lumière (figure III-1a et figure

III-1b respectivement). On peut noter que cette conclusion est générale pour l’ensemble des

matériaux étudiés.

a) b)

Figure III-1 : Image type de diffusion aux petits angles de matériau SBR chargé silice à l’état initial (non étiré) obtenu par a) SAXS, b) SALS Une moyenne angulaire sur ce type d’image conduit ensuite à l’obtention de profil

d’intensité en fonction du vecteur d’onde q, comme le montre la figure III-2.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

89

1E-3 0.01 0.11E-5

1E-4

1E-3

0.01

0.1

1

10

100

1000

Régime de Guinier

Régime de Guinier

Régime de Porod

Régime de Porod

ParticuleAgrégat

USAXS SAXSInte

nsité

de

diffu

sion

(uni

té a

rbitr

aire

)

Vecteur d'onde, q (Å-1)

Si silice (non incorporée)

Figure III-2 : Diffusion aux petits angles et aux ultra petits angles de rayon X pour la matrice et la matrice chargée avec de la silice et pour la silice non incorporée.

Dans le domaine d’observation exploré par diffusion des rayons X (figure III-2), les tailles

caractéristiques correspondent à la structure primaire de la silice. Les spectres de diffusion

de la silice dispersée dans la matrice et de la silice en poudre ne présentent pas de

différences significatives. Ce résultat confirme que l’incorporation de la charge et la mise en

œuvre des mélanges caoutchoucs ne modifient pas la structure primaire de la silice. Dans le

cas de la silice non incorporée, on observe pour les plus petits vecteurs d’onde une remontée

de l’intensité indiquant la présence de plus gros agglomérats. L’incorporation de la silice

dans le polymère nécessite un très fort cisaillement qui brise ces gros agglomérats en

agglomérats de taille inférieure voire en agrégats.

Dans le cas de la silice avant incorporation, l’analyse du profil de la figure III-2 conduit à la

détermination des tailles caractéristiques. La particule primaire assimilable à une sphère

mesure 9 nm et l’agrégat indivisible constitué de ces sphères aurait une taille moyenne de

70nm.

On peut également déterminer à partir de ces données la valeur de l’exposant fractal qui

caractérise le domaine de Porod. On obtient un exposant fractal égal à 3.3 pour le domaine

correspondant à la particule élémentaire. Cette valeur correspond à un fractal de surface

décrivant la rugosité de la charge. Elle est en accord avec les données trouvées dans la

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

90

littérature pour les silices de précipitation3. L’exposant fractal décrivant l’agrégat est proche

de 2 (fractal de masse) décrivant l’arrangement des particules formant l’agrégat. Un tel

exposant correspond à des structures relativement ouvertes.

III.1.1.2 Diffusion de la matrice aux petits angles Dans un deuxième temps, nous avons comparé les spectres obtenus pour la matrice seule et

la matrice chargée. On constate que la matrice non chargée présente un excès de diffusion

pour les valeurs de vecteur d’onde inférieures à 5.10-3 Å -1(cf. figure III-3). Dans ce domaine

de vecteur d’onde, les entités diffusantes sont de taille relativement importante (plusieurs

centaines de nanomètre).

1E-3 0.01 0.11E-5

1E-4

1E-3

0.01

0.1

1

10

100

1000

10000

Inte

nsité

de

diffu

sion

(uni

té a

rbitr

aire

)

Vecteur d'onde, q (Å-1)

M: matrice Si silice (non incorporée)

Figure III-3 : Spectre de diffusion de rayon X aux petits angles et aux ultra petits angles de la matrice seule (moyenne angulaire), de la matrice chargée avec de la silice, et de la silice non incorporée.

Afin d’identifier ces entités diffusantes, nous avons réalisé des observations microscopiques

sur des lames obtenues par ultra-microtomie complétées par des analyses EDX (Energy

Dispersive X-ray Analysis) (cf. figure III-4). La diffusion observée résulte de la présence

d’amas de ZnO mal dispersés. Notons que la détection du signal de cuivre (Cu) observable

sur la Figure III-4 provient de la lame sur laquelle l’échantillon est déposé. Le ZnO est un

élément nécessaire à la vulcanisation qui est introduit en deuxième phase de malaxage. Sa

mauvaise dispersion, dans le cas de la matrice SBR non chargée, peut être due au

cisaillement beaucoup moins important durant la mise en œuvre, en raison de la faible

viscosité du mélange en l'absence de charge. La diffusion des amas de ZnO est confirmée

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

91

par diffusion de lumière aux petits angles correspondant au domaine de vecteurs d’onde

[7,8.10-5, 4.10-4 Å –1] .

1µm

Figure III-4 : Présence de particules de ZnO au sein de la matrice, image réalisée par microscopie électronique à transmission (MET) et analyse EDX des particules.

Cette présence d’entités diffusantes au sein de la matrice non chargée est préjudiciable pour

le dépouillement de nos données dans le domaine correspondant. En effet, afin d’obtenir le

signal de diffusion de la silice seule au sein de la matrice, il est nécessaire de soustraire le

signal de diffusion obtenu avec la matrice à celui du composite. Nous n’avons pu le faire

puisque dans notre cas toute soustraction du signal de la matrice dans ces domaines de

vecteur d’onde conduirait à des intensités négatives qui n’ont aucune signification physique.

On pourra néanmoins comparer les résultats de l’ensemble des matériaux sans cette

correction.

III.1.2 Influence des différents traitements de surface

Nous commencerons dans ce paragraphe par présenter la caractérisation de la structure

primaire de notre silice par diffusion de rayon X aux petits angles après traitement de sa

surface et incorporation dans la matrice. La structure secondaire sera ensuite déterminée à

partir des résultats de diffusion de lumière aux petits angles et de microscopie à balayage

(MEB).

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

92

III.1.2.1 Silice traitée avec différents agents de recouvrement

Le greffage des agents de recouvrement en surface est réalisé durant l’incorporation et la

dispersion de la charge au sein de la matrice. L’influence de ces traitements sur les profils de

diffusion est présentée sur les courbes de la figure III-5.

1E-4 1E-3 0.01 0.11E-5

1E-4

1E-3

0.01

0.1

1

10

100

1000

Structure secondaire Structure primaire

SALS SAXSUSAXSInte

nsité

de

diffu

sion

(uni

té a

rbitr

aire

)

Vecteur d'onde, q (Å-1)

Si AR3 AR8 AR16

Figure III-5 : Spectres de diffusion (moyenne angulaire) obtenus par USAXS, SAXS et SALS pour la silice traitée avec différents agents de recouvrement.

A - Structure primaire

Dans le domaine de vecteurs d’onde correspondant, aucune différence notable n’est

observée en fonction de la taille des agents de recouvrement sur les profils de diffusion. Les

tailles caractéristiques (calculées à partir de l’équation II-12, Chapitre II) de la structure

primaire sont présentées dans le tableau III-2. Les valeurs confirment que la structure

primaire de la silice n’est pas sensible à la mise en œuvre et au greffage.

Echantillon : Si AR3 AR8 AR16

Particule (nm) 9 9 8 8

Agrégat(nm)(±5) 67 68 68 69

Tableau III-2 : Tailles caractéristiques de la structure primaire déterminées à partir des profils de

diffusion des X aux petits angles. De la même manière, si on calcule les exposants fractals, on trouve des valeurs identiques à

celles obtenues avec la silice non incorporée.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

93

B - Structure secondaire La diffusion de lumière aux petits angles (SALS), (cf. figure III-5), permet une analyse des

entités diffusantes sur une épaisseur de 0.1 mm de composite. Dans le domaine exploré, la

charge présente une grande distribution de tailles. L’extraction d’une taille particulière

apparaît peu réaliste. Néanmoins, la comparaison des profils ne montre pas de différences

majeures entre les différents échantillons. De plus, l’extraction d’un exposant fractal dans le

régime de Porod correspondant montre des valeurs comprises entre 1 et 1.3 caractéristiques

d’un fractal de masse très ouvert.

Ces résultats sont complétés par une analyse en microscopie. Les différentes images

suivantes (Figures III-6,III-7, III-8) présentent la macrodispersion des charges au sein de la

matrice. Une comparaison des différents mélanges Si, AR8 et AR16, permet de conclure

qu’aucune différence de dispersion n’est observable dans ce domaine d’observation.

L’observation de la dispersion de la silice traitée avec les agents de recouvrement plus

courts AR1 et AR3 (non présenté ici), conduit aux mêmes conclusions.

Figure III-6 : Macrodispersion de la silice non traitée dans le mélange Si.

10µm

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

94

Figure III-7 : Macrodispersion de la silice traitée avec un agent de recouvrement (8 Carbones) dans le

mélange AR8.

Figure III-8 : Macrodispersion de la silice traitée avec un agent de recouvrement (16 Carbones) dans le

mélange AR16.

Remarque :

Pour être certain de la représentativité et de la pertinence des observations de

macrodispersion comme technique de caractérisation de la dispersion des charges dans nos

échantillons, nous avons réalisé la même expérience sur un échantillon mis en œuvre avec

10µm

10µm

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

95

un autre type de silice. Celle-ci est une silice très peu dispersible. Les images présentées4 ci

dessous comparent la macrodispersion dans le SBR de cette silice non traitée (Figure III-9)

et de la silice utilisée pour notre étude (silice hautement dispersible) (Figure III-6).

Dans le premier cas, de gros agglomérats sont visibles en surface et peuvent atteindre la

dizaine de micromètre. La technique d’observation des macrodispersion est donc

performante pour caractériser nos échantillons dans ce domaine de taille.

Figure III-9 : Macrodispersion dans SBR d'une silice (50 Phr) peu dispersible (Rhodia Z175).

III.1.2.2 Silice traitée avec l’agent de couplage Le deuxième traitement de surface réalisé consiste en un greffage d’agents de couplage, qui

par définition offre la possibilité de former des liaisons covalentes avec la matrice. La figure

III-10 décrit les profils de diffusion obtenus par SAXS, USAXS et SALS avec différents

taux d’agent de couplage (mélanges de la série des AC).

10µm

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

96

1E-4 1E-3 0.01 0.11E-5

1E-4

1E-3

0.01

0.1

1

10

100

1000

SALS USAXS SAXSInte

nsité

de

diffu

sion

(uni

té a

rbitr

aire

)

Vecteur d'onde, q (Å-1)

Si AC25 AC75 AC125

Figure III-10 : Courbes de diffusion obtenues par USAXS, SAXS et SALS pour les composites avec de

la silice traitée avec différents taux d'agent de couplage.

A - Influence de l’agent de couplage sur la structure primaire Comme observé précédemment avec les agents de recouvrement, la présence de l’agent de

couplage en différentes quantités ne modifie pas la structure primaire de la charge, (cf.

figure III-10 et tableau III-3).

Echantillon : Si AC25 AC75 AC125

Particule (nm) 8 8 8 8

Agrégat (nm)(±5) 67 73 70 75

Tableau III-3 : Tailles caractéristiques de la structure primaire en présence d'agent de couplage déterminées à partir des profils de diffusion.

Ce résultat n’a rien de surprenant car les interactions entre les particules formant les agrégats

sont très fortes. Le malaxage ne peut pas les briser.

B - Influence de l’agent de couplage sur la structure secondaire

La superposition des profils de diffusion de lumière aux petits angles ne permet pas de

discerner de différences notables dans la distribution de taille des entités diffusantes, que la

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

97

silice soit traitée ou non par l’agent de couplage. En outre les valeurs des exposants fractals

pour la gamme de taille correspondant à l’agglomérat sont identiques à celles observées en

présence d’agent de recouvrement (entre 1 et 1.3).

Les trois images ci-dessous (Figures III-11,III-12,III-13) montrent l’influence de trois

différents taux d’agent de couplage (AC25, AC75, AC125) sur la macrodispersion. Comme

dans le cas des agents de recouvrement, on ne voit pas d’influence du traitement de surface.

Figure III-11 : Macrodispersion dans SBR de silice traitée avec l'agent de couplage (Mélange AC25).

10µm

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

98

Figure III-12 : Macrodispersion dans SBR de silice traitée avec l'agent de couplage (mélange AC75).

Figure III-13 : Macrodispersion dans SBR de silice traitée avec l'agent de couplage (mélange AC125).

III.1.3 Conclusion sur la dispersion

La caractérisation de la macrodispersion des mélanges de la série AR8 n’a pu être réalisée.

Par contre les profils de diffusion de lumière étant identiques on considérera que ces

systèmes présentent également le même état de dispersion.

10µm

10µm

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

99

En considérant l’ensemble des résultats, on peut raisonnablement conclure que la dispersion

de la silice dans les différents échantillons mis en œuvre est identique, indépendamment du

traitement de surface. Cela est lié au caractère hautement dispersible de la silice utilisée et

aux forts taux de cisaillement mis en jeu lors de la mise en œuvre.

III.2 Caractérisation du greffage de la silice Le traitement de la surface de la silice n’influence pas sa dispersion dans la matrice.

Néanmoins, il modifie les interactions charge-charge et charge-matrice. Une estimation de

ces modifications nécessite une caractérisation, la plus complète possible, de la surface de la

silice. La mesure du polymère lié est une des techniques que nous avons employées à cet

effet.

III.2.1 Mesures de polymère lié

Le taux de polymère lié est déterminé suivant le protocole décrit dans le chapitre II. Ce

protocole permet, contrairement aux techniques d’extraction les plus répandues, de mesurer

le taux de polymère lié pour les échantillons avec la silice la plus traitée (AR8-100&125 et

AR16), échantillons qui donnent après extraction un résidu ne pouvant être filtré par une

grille ou colmatant les pores des filtres. Le solvant utilisé (xylène) pour l’extraction du

polymère non lié dissout entièrement la matrice SBR de cette étude. L’erreur sur les mesures

est évaluée à 5% pour les mesures en grammes pour un gramme de silice. Au cours de ses

travaux sur des mélanges équivalents, Wagner5 a constaté que l’application d’une traction à

forte déformation de l’éprouvette non réticulée dans le solvant ne modifiait pas la mesure du

polymère lié. Si cela ne permet pas de conclure quant à l’existence de gomme occluse (en

effet celle ci peut être déjà détruite lors du gonflement dans le solvant), cela indique

néanmoins que la gomme occluse n’a pas d’influence sur nos mesures.

III.2.1.1 Influence de l’agent de recouvrement

La figure III-14a montre les taux de polymère lié obtenus avec les deux séries de mélange

avec agents de recouvrement AR8 & ARn. Le taux de polymère lié est le plus élevé quand la

silice est non traitée (0.8g/g de silice, cf. figure III-14a). Ce taux traduit des interactions

importantes entre la silice brute et la matrice. On observe ensuite une diminution du taux de

polymère lié avec la quantité d’agent de recouvrement AR8 introduite, ou la longueur de

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

100

l’agent de recouvrement lorsqu’il est introduit à taux constant.i Le greffage de la silice

conduit à une modification de son énergie de surface, qui diminuent ses interactions avec la

matrice.

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1.0

1.1

1.2

1.3

0 20 40 60 80 100 120 140 160

Taux AR8

Longueur de la chaine alkyle ARn

Poly

mèr

e lié

pou

r 1g

de s

ilice

AR 8 - taux (%)

0 2 4 6 8 10 12 14 16

Monocouche

Silice recouverte avec 75% d'agent de couplage

AR - Longueur du Spacer (nC)

a)

0 2 4 6 8 10 12 14 16 180

20

40

60

80

100

120

140

160 Taux de recouvrement Ar8=0.24 + 9.37 (nC)couverture (75%)

AR

8 - t

aux

(%)

Longueur du Spacer (nC)

b) Figure III-14 : a) mesures de polymère lié en grammes pour 1 gramme de silice, b) correspondance linéaire entre quantité de silane introduit AR8 et les longueurs de chaînes alkyles des agents de recouvrement introduites à taux constanti.

Le taux asymptotique auquel conduisent les deux types de recouvrement est égal à environ

0.26g/g(silice). Ce taux est propre au cadre de cette étude c’est à dire à la technique

d’extraction et au taux de charge des matériaux (50phr). La taille des silices utilisées conduit

à des distances entre particules faibles. Dans l’hypothèse d’une répartition cubique centrée

des particules, les distances moyennes sont estimées à 15 et 110 nm selon que l’on considère

la particule primaire ou l’agrégat. Pour une répartition cubique face centrée, les distances

moyennes calculées sont encore plus faibles et comprises entre 4.3 et 30 nm. La masse

i On rappelle que ce taux correspond à un nombre de pieds éthoxy introduit conduisant d’après Wolff un recouvrement de 75% de la surface de silice lorsque l’agent de recouvrement contient 8 carbones.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

101

moléculaire du SBR étant de l’ordre de 200000 g/mol, le rayon de giration des chaînes de la

matrice est compris entre 30nm et 40nmii. On voit qu’il est comparable aux distances

moyennes calculées entre particules. Il est donc possible qu’une même chaîne soit adsorbée

sur plusieurs particules ; en outre une même chaîne peut avoir plusieurs sites d’adsorption

sur une même particule.6 De ce fait, au cours de l’extraction, un équilibre entre adsorptions

et désorptions de ces chaînes « multiadsorbées » empêchent leur extraction.

Avec la série AR8, la valeur asymptotique est atteinte (i.e. l’écart entre la valeur mesurée et

la valeur asymptotique est inférieur à 5% de la variation maximale de polymère lié) pour des

taux supérieurs ou de l’ordre de ceux introduits dans l’échantillon AR8-100. L’écart entre

les valeurs minimale et maximale de polymère lié correspond au passage d’une silice sans

greffage à une silice totalement recouverte par les silanes. Le taux de silane dans

l’échantillon AR8-100 correspond donc à celui qu’il faut introduire pour recouvrir 100% de

la surface de silice. Nous confirmons ainsi les estimations de Wolff7 à partir desquelles nous

avons déterminé le taux d’AR8 à introduire dans nos différents échantillons. Cela signifie

également que l’échantillon AR8-125 contient un excès de silane AR8 non greffé.

Dans le cas de la série ARn, la limite minimale (avec la définition précédente) de polymère

lié est atteinte pour une chaîne alkyl contenant environ 11 carbones. Comme pour AR8-125,

l’échantillon AR16 contient des silanes en excès dans la matrice. Cela a d’ailleurs été

confirmé par des mesures préliminaires en Infra-Rouge sur les solvants issus des mesures de

polymère lié, mesures qui ont montré la présence de silane dans le solvant dans le seul cas

de l’échantillon AR16. Nous avons ajusté les deux échelles des ordonnées de manière à

obtenir une superposition des deux courbes. La superposition est très satisfaisante et permet

de déduire une relation linéaire entre taux de AR8 et longueur de la chaîne alkyle (ARn)

lorsqu’elle est introduit au taux constant que nous avons choisii (Figure III-14b). Comme le

suggèrent ces résultats, on peut faire l’hypothèse raisonnable que l’utilisation d’un silane de

longueur donnée conduit à un taux de polymère lié PL en fonction du taux de silane

introduit (exprimé en pourcentage du nombre d’AR8 à introduire pour un recouvrement

total) qui suit le même type de loi que celle donnée par la courbe de la figure III-14a. Cette

loi peut s’écrire :

ii Le Handbook of Polymer Physics donne un rayon de 600*10000/M0.5 pour le polystyrène et 800*10000/M0.5 pour la chaîne polybutadiène.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

102

PL(taux ,l)=0.26+0.54*exp(-taux/22*l/8) (III-1)

avec l la longueur de la chaîne alkyl.

De cette loi, on peut déduire le taux minimal TauxR d’agent de recouvrement d’une

longueur donnée à introduire pour un recouvrement maximal de cette silice (toujours avec la

définition précédente).

TauxR(l)=800/l (III-2)

Il est possible d’en déduire la quantité en nombre de mole de silane par grammes de silice :

NR= TauxR(l) * 2.2 10-4 (III-3)

On peut faire l’hypothèse que toutes les molécules de silanes introduites pour un

recouvrement maximum sont greffés sur la silice. On peut alors déduire une estimation de

l’encombrement stérique minimal ESmin (minimal car il est obtenu pour un recouvrement

maximal de la surface) des agents de recouvrement utilisés (cf. Tableau III-4).

Echantillon Surface recouverte

(m²/g de silice) ESmin (Ų)

AR1 16 12

AR3 50 37 AR8 128 96

AR16 240* 192 *valeurs obtenues dans l’hypothèse d’une monocouche

Tableau III-4 : Estimation de l’encombrement stérique minimal des différents ARn, et estimation de la surface recouverte avec les taux introduits (en prenant pour surface spécifique de la silice 160m²/g).

Ces valeurs sont très supérieures aux estimations de Wasserman et coll.8 qui estime, à partir

de mesures de rayon X en réflexion aux petits angles, que l’aire projetée d’une chaîne alkyle

de longueur comprise entre 10 et 18 carbones est de 21Ų. Vrancken et coll.9 trouvent 50 Ų

pour une molécule d’agent de couplage APTS (γ-aminopropyltriethoxysilane), se

rapprochant le plus de AR8, qui serait une valeur en accord avec nos estimations. Ces deux

études portent sur des silices greffées en solution, ce qui pourrait expliquer en partie les

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

103

différences de résultats. La proportionnalité de l’aire minimale occupée par les ARn avec

leur longueur, suggère que les conformations des chaînes alkyles greffées consistent en un

balayage de la surface de silice autour de leur point d’ancrage, sur une distance

étonnamment proportionnelle à leur rayon de giration calculé dans l’hypothèse Gaussienne

(malgré le nombre très faible d’unités répétitives).

Si l’on fait l’hypothèse grossière que la surface recouverte est proportionnelle à la quantité

d’agent de recouvrement introduit (cela suppose donc qu’elle ne l’est pas à la quantité de

polymère lié), les échantillons AR8-25, AR8-50, AR8-75 et A8-100 contiennent une silice

respectivement greffée à 25, 50, 75 et 100%. On peut également estimer la surface

recouverte pour les différents échantillons ARn (cf. Tableau III-1). La valeur trouvée pour

AR16 traduit qu’il est largement en excès, un tiers n’aurait pas été greffé.

Les différentes valeurs de polymère lié permettent également d’évaluer une épaisseur

moyenne de polymère pouvant envelopper la surface de la charge. Le tableau III-5 indique

l’épaisseur de cette couche en surface de la silice en supposant que toute la surface de la

charge est accessible, que le greffage est uniformément réparti sur la surface et que le

polymère forme une couche homogène d’égale épaisseur.

Echantillons série AR8 Epaisseur (nm) Pourcentage de matrice concerné

Si 5.3 40

AR8-25 3.0 22

AR8-50 2.3 17

AR8-75 2.2 17

AR8-100 1.8 14

AR8-125 1.8 14

Echantillons série ARn Epaisseur (nm) Pourcentage de matrice concernée

AR1 4.0 30

AR3 2.7 20

AR8 2.1 16

AR16 1.7 13

Tableau III-5 : Estimation de l'épaisseur de polymère en surface de la silice (erreur ± 0.1nm)iii, et

quantité de matrice concernée

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

104

Ces estimations d’épaisseur sont à rapprocher de celles de Wolff et coll.10 qui ont estimé une

couche de 4 à 8nm d’épaisseur. Dans leur cas, il s’agit de différents noirs de carbones dans

une matrice SBR. Les fortes interactions entre ces deux composants expliquent que les

valeurs de Wolff et coll. soient supérieures à celles mesurées avec la silice. Nos épaisseurs

sont très inférieures à l’estimation faite précédemment du rayon de giration des chaînes de

Styrene-butadiene de la matrice, de l’ordre de 30nm. Elles paraissent donc logiques et l’on

peut tout à fait envisager dans nos matériaux une couche de polymère à mobilité restreinte

ayant cette épaisseur. Le pourcentage de matrice concernée par cette diminution de mobilité

est considérable (cf. Tableau III-5). Il est maximal et de l’ordre de 40% pour Si. Il est de

l’ordre de 13%, sa valeur minimale, pour AR8-100&125 et AR16.

III.2.1.2 Influence de l’agent de couplage

Les mélanges contenant un agent de couplage ont un taux de polymère lié beaucoup plus

élevé. Cela est probablement du à des liaisons covalentes créées durant la phase de

malaxage. Cette réticulation est cependant inattendue. L’agent de couplage TESPD est

connu pour sa grande stabilité à des températures inférieures à 170°C (cf. chapitre II). Les

mélanges crus sur lesquels sont prélevés les échantillons n’ont pas subi le traitement de

vulcanisation. Ils ont seulement subi une phase de malaxage au cours de laquelle la

température de tombée a toujours été contrôlée à 160°C. Mais cette température n’est qu’une

moyenne macroscopique. Il est alors possible que l’échauffement local combiné à un fort

cisaillement lors du malaxage soit responsable de la rupture des molécules de TESPD. Les

mesures de polymère lié réalisées sur les échantillons AC prennent donc en compte une

certaine quantité de chaînes physiquement adsorbées (comme dans les mesures sur AR8 et

ARn) et un nombre très peu contrôlable de liaisons chimiques, conduisant à une mesure peu

précise. Les mesures de taux de polymère lié ne sont donc pas exploitables afin de

caractériser l’efficacité du greffage. Néanmoins il semble raisonnable de considérer que la

présence d’agent de couplage limite l’adsorption physique de chaînes en surface et que, sans

l’anomalie venant de la mise en œuvre, le taux de polymère lié diminuerait avec le taux

d’agent de couplage.

iii L’épaisseur e est estimée par l’équation suivante : e = V/S = PL / (S*ρ), où S est la surface spécifique de la charge (160m²/g) et ρ ≈0.95 est la masse volumique du polymère.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

105

III.2.1.3 Conclusion sur les mesures de polymère lié

Les mesures de polymère lié sont une technique performante pour évaluer l’efficacité du

greffage des silices. Ce dernier permet en effet de réduire, par encombrement stérique, les

adsorptions de chaîne à la surface de la silice et donc de diminuer la quantité de polymère

adsorbé. Au-dessus d’un certain taux de couverture la quantité de polymère lié n’évolue

plus. Cela permet d’estimer l’encombrement stérique minimal des chaînes greffées. Dans la

gamme des agents étudiés ici, il est proportionnel à la longueur de la chaîne greffée étirée.

Les quantités de polymère lié considérables permettent d’envisager qu’une fraction

importante de la matrice présente une mobilité restreinte par leur adsorption en surface des

charges. Additionnée à la fraction volumique de silice (20%), cette couche peut former une

structure percolante dont l’impact sur les propriétés mécaniques n’est donc pas à négliger. Afin de compléter l’analyse du greffage, nous avons mis en œuvre d’autres techniques telles

que la RMN, la spectroscopie Infra Rouge ou la thermogravimétrie (ATG). Ces techniques,

souvent utilisées dans le cas de silice greffée en solution, auraient pu s’avérer des outils

performants. Cependant quand le greffage est réalisé lors de la mise en œuvre au sein de la

matrice, la présence de polymère lié en quantité importante ne permet pas d’obtenir les

résultats escomptés. En RMN comme en spectroscopie Infra Rouge, le rapport signal bruit

est trop faible pour extraire des informations exploitables. En outre, en Infra rouge, les pics

d’adsorption très proches de la matrice et de la silice sont extrêmement difficiles à

déconvoluer. En ATG, les pertes de masse engendrées par le polymère lié masquent les

pertes d’eau due à la condensation des silanols restants (cf. Annexe 2). De plus, les résultats

obtenus dans le cas de silices greffées en solution restent sujets à caution quant il s’agit de

les extrapoler à des silices greffées lors du malaxage, car le greffage n’est pas réalisé dans

les mêmes conditions (cisaillement, température). Une autre technique d’analyse locale a été

expérimentée. Cette approche consistait après extraction du polymère non lié à venir scanner

localement la surface des particules de silice sous microscope électronique à transmission

grâce à une sonde et d’identifier les atomes et les types de liaisons en présence par EELS

(Spectroscopie de pertes d’énergie des électrons). L’intensité du faisceau électronique

dégradait la zone analysée ne permettant pas l’extraction de résultats. Ce travail est décrit en

Annexe 3.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

106

III.2.2 Mesures de gonflement dans l’eau

Les mesures de polymère lié ne sont qu’une indication de l’encombrement stérique des

chaînes greffés à la surface de la silice. Leur exploitation ne fait pas la distinction entre les

molécules greffées sur la silice et celles ayant polycondensé avec des silanes déjà greffés. La

technique qui nous est apparue la plus efficace pour lever cette ambiguïté s’intéresse au

silanols en surface de la silice. Il s’agit des mesures de gonflement dans l’eau. Elles ont été

réalisées sur les échantillons réticulés.

III.2.2.1 Séchage préliminaire des échantillons

Ces mesures nécessitent au préalable une phase de séchage des échantillons (le protocole et

conditions expérimentales sont décrites dans le chapitre II). Lors de cette phase, la quantité

d’eau extraite de l’éprouvette Si correspond à 10 % près à l’humidité naturelle de la silice

(6%)(comparaison des masses sur un gramme de silice). Cette équivalence permet de

vérifier l’efficacité du séchage dont la quantité d’eau extraite provient conjointement de la

silice en surface et de celle au cœur de l’éprouvette. La littérature indique (cf. figure III-15)

qu’une molécule d’eau s’adsorbe par le biais de deux silanols3. A partir du nombre de

silanols estimés par ATG sur une silice greffée (cf. Annexe 2), soit 6 OH/nm², nous pouvons

évaluer la quantité d’eau adsorbée, et par conséquent extractible par séchage. En supposant

que le greffage d’un silane consomme un hydroxyle, et que chaque silane introduit réagi

avec la surface tant que la surface n’est pas totalement recouverte, on peut estimer la

quantité de silanols présents en surface des silices greffées (courbe avec les symboles ν) et

en déduire la quantité d’eau extractible lors du séchage. La figure III-16 montre un bon

accord entre nos calculs et la mesure expérimentale sur l’échantillon Si (taux de

recouvrement nul). La figure III-16 montre également la quantité d’eau extraite en fonction

du taux d’AR8 introduit. Avec le greffage, la surface de la silice devient progressivement

hydrophobe. La chute observée traduit directement la consommation croissante du nombre

de silanols.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

107

.

OSi

OSi

OSiO O

HH

OSi

OSi

OSiO O

HH

OHH

OOSi

OSiO O

H H

H

OOSi

OSiO O

H

O

H

H

+ H2O

+ H2O

Figure III-15 : Adsorption d'eau sur les sites silanols

0 20 40 60 80 100 120 140

3x1020

4x1020

5x1020

6x1020

nom

bre

de m

oléc

ules

d'e

au e

xtra

ite, n

H2O

Taux (%)

paire de OH pouvant accueillir de l'eau H2O extraite avec AR-8 H2O extraite avec AC

Figure III-16: Eau extraite en fonction du taux de silane, données expérimentales et estimations

La bonne concordance de ces calculs avec l’expérience (à l’exception notable de AR8-25)

confirme nos hypothèses. On vérifie en particulier que le greffage maximum est atteint avec

l’échantillon AR8-100. La figure présente également les mesures réalisées sur la série AC.

La quantité d’eau extraite avec cette série est toujours inférieure aux prédictions. Une raison

pourrait être la sur-réticulation au voisinage de la silice liée à la présence des agents de

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

108

couplage. Cette sur-réticulation empêcherait après mise en œuvre une réabsorption des

molécules d’eau.

Après la phase de séchage les éprouvettes sont immergées dans l’eau, et selon le protocole

décrit dans le chapitre II, les mesures de gonflement dans l’eau sont ensuite effectuées.

III.2.2.2 Influence du taux d’agent de greffage

La figure III-17 présente les mesures de gonflement dans l’eau réalisées sur les séries AR8

et AC.

0 20 40 60 80 100 120 140

2.6

2.8

3.0

3.2

3.4

3.6

3.8

4.0

4.2

4.4

4.6

4.8

5.0

(∆m

/min

i)*10

0

taux (%)

Agent de recouvrement (AR8) Agent de couplage (vulcanisé) Agent de couplage (cru)

Figure III-17 : Gonflement dans l’eau (exprimé en variation relative de masse) d’élastomères chargés avec de la silice traitée avec un agent de couplage et un agent de recouvrement en fonction du taux

Les quantités d’eau reprises chutent avec l’augmentation du taux de silane jusqu’à ce

qu’apparaisse un effet de saturation, pour des taux compris entre 75% et 100%. Dans le cas

des agents de recouvrement, ce taux est en accord avec les mesures de polymère lié. Les

valeurs minimales sont loin d’être nulles car le greffage ne peut utiliser tous les silanols de

la silice du fait de l’encombrement stérique des silanes greffés. Les quantités d’eau reprises

sont plus faibles avec l’agent de couplage qui en formant des liaisons covalentes entre la

charge et la matrice réticule cette dernière très localement. Pour confirmer cet effet, nous

avons réalisé des mesures de gonflement dans l’eau sur les échantillons de la série AC non

réticulés. Les quantités mesurées sont en effet plus élevées qu’avec les échantillons non

vulcanisés.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

109

Remarque : La décroissance de la reprise en eau avec l’agent de couplage n’est pas linéaire

avec le taux introduit. Les mécanismes de gonflement dans l’eau sont en effet plus complexe

qu’une simple adsorption d’une monocouche d’eau sur les silanols.

III.2.2.3 Effet de l’encombrement stérique des agents de greffage La courbe de la figure III-18 présente la quantité d’eau reprise pour la série ARn, exprimée

en pourcentage de la masse de l’échantillon. Son allure est différente de celle présentée sur

la figure III-17. Pour mieux s’en convaincre, nous avons tracé sur la même figure les valeurs

de reprise en eau de la série AR8 en utilisant la correspondance entre longueur et taux

établie précédemment (Figure III-14). Les deux séries présentent la même valeur minimale,

autour de 3.6.

Mais avec les mélanges de la série ARn, la valeur de reprise en eau est pratiquement

constante quels que soient les échantillons avec agent de recouvrement. Dans ces matériaux,

la quantité de silane introduite est constante. Elle conduit donc naturellement à la

consommation du même nombre de silanols, ce que confirme nos résultats. La valeur

obtenue pour AR16 légèrement plus élevée, confirmerait les observations précédentes. Une

partie de cet agent n’aurait pu se greffer du fait de son encombrement stérique trop

important.

3.4

3.6

3.8

4.0

4.2

4.4

4.6

4.8

0 20 40 60 80 100 120 140 160

AR8 ARn

gonf

lem

ent,

(∆m

/min

i)*10

0

AR8 - taux (%)

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18

ARn, Longueur de la chaîne alkyle (nC)

Figure III-18 : Mesure de gonflement dans l’eau pour les séries ARn et AR8 à partir de l’équivalence

taux / longueur établie au paragraphe III-2-1

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

110

III.2.2.4 Conclusion sur les mesures de gonflement dans l’eau

Les mesures de reprise en eau confirment nos analyses précédentes sur la série AR8. Le

greffage maximal de la surface de silice avec un agent de recouvrement AR8 est observé

avec l’échantillon AR8-100. Les échantillons AR8-75, AR8-50 et AR8-25 ont donc tous

leurs silanes greffés en surface de la silice, de même pour les échantillons AR1, AR3.

L’échantillon AR16 quant à lui contient des silanes qui pour une partie n’ont pas réagi avec

la surface de la silice. Ces mesures apportent également de précieuses indications sur la série

AC, pour laquelle les mesures de polymère lié étaient impossible. Elles indiquent un

greffage progressif avec le taux d’AC introduit jusqu’à 75%. Les valeurs mesurées sont

ensuite constantes. Par analogie avec la série AR8, cela suggère un encombrement stérique

de cet agent de couplage identique à celui d’un AR avec une chaîne alkyl à 11 carbones.

Cette estimation apparaît réaliste.

III.2.3 Conclusion sur la caractérisation du greffage

Parmi les nombreuses techniques que nous avons abordées, les mesures de polymère lié et

de gonflement dans l’eau se sont révélées les plus concluantes. Elles ont permis une

caractérisation de l’efficacité des différents traitements de surface et de l’encombrement

stérique des différents agents de greffage sur la surface de la silice. Les mesures de polymère

lié sont également une indication directe du degré d’interactions entre la matrice et la charge

et de l’influence des traitement de surface sur ces interactions. Ces différentes informations

vont être capitales dans la compréhension du comportement mécanique des différents

matériaux mis en œuvre, en particulier du transfert de contrainte entre la charge et la

matrice. Elles vont également nous permettre d’approfondir l’analyse de l’influence des

différents traitements de surface sur les processus de vulcanisation.

III.3 Suivi du processus de vulcanisation

Les matériaux crus ont été vulcanisés dans un rhéomètre, à une température de 150°C (cf.

Chapitre II). L’utilisation de ce rhéomètre permet ainsi le suivi du processus de réticulation

au cours du temps.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

111

III.3.1 Matrice seule et en présence de charges

La figure III-19 présente, dans le cas de la matrice SBR, l’évolution du couple mesuré à

l’aide du rhéomètre et de sa dérivée en fonction du temps. Durant les premières secondes, la

mise en température de l’échantillon entraîne une chute du couple jusqu’à la valeur Cmin.

Cette valeur correspond à la viscosité initiale du mélange à 150°C avant que la vulcanisation

ne commence. La vulcanisation progressive de la matrice se traduit ensuite par une

augmentation du couple mesuré jusqu’à une valeur appelée Cmax, qui dépend de l’état de

réticulation finale du matériau.

La vulcanisation par le soufre nécessite, nous l’avons vu dans le chapitre II, une formulation

complexe : des activateurs (ZnO, acide stéarique) et des accélérateurs (CBS, DPG). Les

accélérateurs jouent un rôle primordial sur la cinétique de vulcanisation comme le montrent

les mesures réalisées sur des échantillons avec le CBS seul et la DPG seule (cf. figures III-

19 et III-20).

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

112

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000

10

20

30

40

50Temperature 150°C

Cou

ple

(N.m

)

Temps (s)

Matrice CBS & DPG CBS DPG

a)

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000.00

0.02

0.04

0.06

0.08

0.10

Cou

ple

dériv

é (N

.m.s

-1)

Temps (s)

Matrice CBS & DPG CBS DPG

b)

Figure III-19: Suivi du couple au cours de la vulcanisation à 150°C de la matrice avec le CBS seul, la DPG seule et avec la formulation classique.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

113

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000

10

20

30

40

50

Cou

ple

(N.m

)

Temps (s)

Matrice CBS + DPG CBS DPG

a)

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000.0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

Cou

ple

dériv

é (N

.m.s

-1)

Temps (s)

Matrice CBS + DPG CBS DPG

b)

Figure III-20: suivi du couple au cours de la vulcanisation à 175°C de la matrice avec le CBS seul, la DPG seule et avec la formulation classique. On observe que le CBS agit comme un ’’retardateur’’ à la vulcanisation en repoussant le

temps de début de réaction. Le CBS doit se décomposer avant de réagir ce qui explique ce

comportement11. Une fois le processus chimique engagé, la vulcanisation est très rapide et

agit sur le couple final par la formation de ponts de soufre courts et nombreux. Des études

précédentes (Annexe 4) ont en effet prouvé qu’une augmentation du ratio de la quantité de

CBS par la quantité de souffre introduite conduit après vulcanisation à une réduction de la

longueur moyenne des ponts soufre et à une augmentation de leur nombre.

La DPG réagit dès les temps courts mais donne une cinétique de vulcanisation lente. Elle

conduit à des ponts de souffre plus longs et donc en moindre quantité, d’où un couple final

plus bas. L’utilisation simultanément, dans des proportions équivalentes, des deux

accélérateurs conduit à un processus de vulcanisation qui démarre très tôt (propre au DPG)

et une vulcanisation rapide (propre à l’action du CBS).

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

114

Une élévation de la température (figure III-20) active la vulcanisation pour l’échantillon

avec le CBS seul. Elle conduit également à une augmentation de la vitesse de réaction dans

l’échantillon avec la seule DPG. La combinaison de ces deux effets sur l’échantillon

contenant les deux accélérateurs conduit à une réticulation débutant très tôt et très rapide. L’introduction de 50 phr de silice dans la matrice augmente considérablement la valeur du

couple (cf. figure III-21a). Cette augmentation est typique de la présence d’une phase rigide

au sein de la matrice. Le temps auquel débute la réaction ainsi que la vitesse de réaction sont

influencés par la présence de la silice (cf. figure III-21b). En présence de cette dernière, et

en comparaison avec la matrice seule, la réaction commence plus tôt et sa cinétique est plus

lente.

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000

10

20

30

40

50

60

70

Cou

ple

(N.m

)

Temps (s)

M : matrice Si

a)

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000.00

0.02

0.04

0.06

0.08

0.10

0.12

0.14

Dér

ivée

du

coup

le (N

.m.s

-1)

Temps (s)

M : matrice Si

b)

Figure III-21 : Suivi du processus de vulcanisation grâce au rhéomètre Monsanto de la matrice et de la matrice en présence de 50 phr de silice : a) couple, b) dérivée du couple en fonction du temps.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

115

La différence de cinétique observée en présence de charges au sein de la matrice pourrait

provenir de différents phénomènes. Une première hypothèse impliquerait la mauvaise

dispersion du ZnO (activateur de vulcanisation). Lors de la mise en œuvre des mélanges,

l’incorporation de la charge engendre un cisaillement important qui permet une dispersion

homogène de chacun des éléments de la formulation. La mise en œuvre de la matrice seule

n’engendre pas la même intensité de cisaillement. La dispersion des éléments de la

formulation, en particulier de ZnO, peut se trouver altérée (cf. paragraphe III-1), réduisant

ainsi l’efficacité de la réaction avec les autres éléments de vulcanisation.

Or une étude12 présentée figure III-22, a montré dans le cas de la vulcanisation de la matrice,

qu’une diminution du taux de ZnO aurait un effet sur le temps de déclenchement de la

réaction. Le retard de vulcanisation ne peut donc pas être expliqué par une meilleure

dispersion du ZnO en présence de silice.

0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 20000

20

40

60

80

100Matrice SBR/BR

Cou

ple

(N.m

)

Temps (s)

ZnO, 0.5phr ZnO, 2.5phr

Figure III-22 : Influence du taux de ZnO sur la vulcanisation de la matrice

La littérature montre qu’il existe une grande affinité entre la silice et les accélérateurs

courants. D’après Zaborski1, la silice non traitée adsorbe les accélérateurs. L’auteur montre

qu’elle serait capable d’adsorber 1.84 molécules de DPG par nm². Des mesures d’adsorption

en solvant, réalisées avec la même silice et les mêmes proportions que celles utilisées dans

nos formulations (50phr de silice pour 1.3 phr de CBS et 1.45 de DPG), montrent que la

totalité des deux accélérateurs (CBS & DPG) est adsorbée en surface (cf. Annexe-1). Ces

résultats sont largement vérifiés par Zaborski pour la silice non traitéeiv. Pour cet auteur, la

DPG se désorbe difficilement au cours de la vulcanisation. Cela conduit à une réticulation

plus importante au voisinage de la charge. La courbe de vulcanisation de notre mélange

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

116

chargé semble correspondre à ces observations. Le départ rapide serait dû à une réticulation

rapide au voisinage de la charge où se trouve la majeure partie des accélérateurs. La

cinétique lente refléterait la réticulation croissante autour de la charge et la vulcanisation

lente de la matrice en déficit d’accélérateur. Le Couple maximum n’atteint pas de plateau,

révélant ainsi un processus lent au cours duquel se forment majoritairement des ponts

polysulfures longs et d’une grande instabilité.

III.3.2 Influence des traitements de surface de la silice

Les mesures de polymère lié ont montré que le traitement de surface de la charge modifiait

les interactions à l’interface polymère-charge. Le greffage de silane pourrait modifier

l’adsorption des accélérateurs en surface de la silice. Comment cela va-t-il influencer le

processus de vulcanisation ?

III.3.2.1 Influence des agents de recouvrement

A - Influence du taux d’agent de recouvrement AR8

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000

10

20

30

40

50

60

70

Cou

ple

(N.m

)

Temps (s)

Agent de recouvrement avec 8 carbones M : matrice Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

a)

iv Les quantités utilisées dans cette étude correspondent à 8.28E19 molécules pour 1gramme de silice. Un gramme de silice possède une surface spécifique de 160m²/g et peut selon l’hypothèse de l’auteur accueillir 2.9E20 molécules de DPG sur sa surface, laissant encore une grande marge d’adsorption.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

117

0 20 40 60 80 100 120 140

10

20

30

40

50

60

Cou

ple

(N.m

)

Taux de recouvrement (%)

Cmin Cmax ∆ C

b) Figure III-23 : a) Couple en fonction du temps b) évolution du couple maximal et minimal en fonction du taux d’agent de recouvrement.

La figure III-23 présente l’évolution du couple en fonction du temps pour les différentes

quantités d’agent de recouvrement (AR8) introduites. On observe une chute du couple Cmin

(de 24 à 7 N.m) et du couple maximum Cmax (de 63 à 51 N.m) lorsque le taux augmente

(laissant un delta couple (∆C) à peu près constant en fonction du taux de silane introduit). Le

couple minimum tend vers celui de la matrice non chargée, prouvant une limitation des

interactions entre la matrice et les charges. Ces résultats confirment donc les mesures de

polymère lié obtenues sur cette série de matériaux (crus). La figure III-24 montre la relation

quasi linéaire qui existe entre le couple minimum et le taux de polymère lié pour les valeurs

inférieures à 0.5g/g de silice. Pour les valeurs supérieures, le greffage n’est pas suffisant

pour avoir une influence sur les interactions entre les charges.

0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8

6

8

10

12

14

16

18

20

22

24

26

Cou

ple,

Cm

in(N

.m)

Polymère lié, (g/ 1g de silice)

Figure III-24 : Couple minimum (Cmin) en fonction des mesures de polymère lié (série AR8).

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

118

Les valeurs du couple maximum (Cmax) suivent une évolution parallèle au couple minimum

(Cmin). Elles dépendent principalement de l’état de réticulation du mélange, mais sont

également influencées par les interactions charge-matrice et charge-charge. Les mesures de

∆C sont parfois utilisées comme un indicateur de la réticulation. C’est possible lorsqu’on

s’intéresse à une seule formulation. Mais l’analyse de ce paramètre pour des systèmes aussi

complexes possédant des interactions différentes entre la charge et la matrice, demeure

problématique.

La figure III-25a) décrit l’évolution de la dérivée du couple en fonction du temps. On en

déduit l’évolution de la position et du maximum d’intensité du pic de dérivée en fonction du

taux de silane introduit, présenté sur la figure III-25b). La position du pic de dérivée se

déplace vers les temps croissants continuellement jusqu’à une valeur seuil d’environ 1500

secondes pour 100% de recouvrement. Le maximum de dérivée croît continuellement avec

la quantité de silane introduite.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

119

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000.00

0.02

0.04

0.06

0.08

0.10

Cou

ple

dériv

é (N

.m.s

-1)

Temps (s)

Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

a)

0 20 40 60 80 100 120 140200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

AR-8 - taux (%)

posi

tion

max

i pic

de

dériv

ée

0.03

0.04

0.05

0.06

0.07

0.08

0.09

0.10

0.11

0.12

intensité max du pic de dérivée

b) Figure III-25: a) dérivée du couple en fonction du temps et b) position valeur du maximum du pic de dérivée, en fonction du taux de d’agent de recouvrement

La cinétique de vulcanisation est donc affectée par le greffage. Cette cinétique se rapproche,

à taux de greffage croissant, de celle observée dans le cas de la matrice avec le seul CBS.

Ainsi, le greffage pourrait agir en limitant, par encombrement stérique, l’adsorption du CBS

lors de la mise en œuvre, ce dernier étant totalement adsorbé en l’absence de greffage (cf.

paragraphe précédent). L’adsorption de la DPG, du fait de la petite taille de cette molécule,

serait quant à elle totale et indépendante du greffage, et sa désorption serait difficile, comme

le suggèrent les études de Zaborski citées plus haut. Il est même envisageable que sa

désorption soit ralentie en présence d’agent de greffage.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

120

Pour confirmer nos hypothèses, des mesures d’adsorption d’accélérateur en présence d’agent

de recouvrement ont d’abord été réalisées (tableau III-6) (protocole de greffage et de mesure

en Annexe 1).

Adsorption (%) ± 5% DPG CBS DPG&CBS

Si 100 100 99 100 Ar-8 98 75 97 95

Tableau III-6 : mesures d’adsorption dans le solvant du DPG et du CBS en présence d’agent de

recouvrement On notera que ces mesures doivent être commentées avec précautions : l’affinité du xylène

et de la silice est différente de celle de la matrice et les affinités entre les accélérateurs et le

solvant ne sont pas les mêmes que celles avec la matrice. Néanmoins, elles sont indicatives

des attractions possibles entre les accélérateurs et la silice en fonction du greffage. Elles

indiquent qu’en présence d’agent de recouvrement, la DPG seule est adsorbée dans sa

totalité alors que le CBS seul l’est en plus faible quantité.v

Une étude vient compléter notre analyse. Elle a été réalisée par Eisenbach et coll.13, sur des

caoutchouc naturel (NR) et SBR chargés avec de la silice. L’agent de greffage est ici un

agent de couplage TESPT. Les quantités d’accélérateurs introduites sont voisines des nôtres

et le taux de charge est de 30phr. Les accélérateurs utilisés dans cette publication sont

principalement des benthiazoles et des thiurames. Ces accélérateurs sont utilisés comme

‘’retardateurs’’ et sont identifiés par EELS grâce à l’azote (N) qu’ils contiennent. L’un de

ces accélérateurs possède une chimie très proche du CBS. Cette étude confirme bien

l’augmentation de la quantité d’accélérateurs présents au sein de la matrice lorsque l’on

ajoute un agent de greffage, ce dernier empêchant par encombrement stérique l’adsorption

de l’accélérateur.

Rappelons que la hauteur du pic de dérivée est directement reliée à la pente au point

d’inflexion. L’augmentation progressive de ce paramètre avec le taux d’AR8 correspond à

l’évolution de la réticulation qui devient de plus en plus homogène (par action du CBS).

Pour des recouvrements supérieurs à 100%, le retard se stabilise du fait de la saturation du

recouvrement de la surface.

v Quand les deux accélérateurs sont introduits conjointement, ils sont adsorbés dans leur quasi-totalité, que la silice soit greffée ou non. Il semblerait donc (même si cette synergie n’a jusqu’à présent jamais été relatée dans la littérature) que DPG et CBS possèdent des affinités : la DPG serait d’abord absorbée (plus grande basicité), et le CBS viendrait ensuite s’adsorber sur la couche de DPG.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

121

B - Influence de la taille de l’agent de recouvrement (ARn)

La figure III-26 présente cette fois l’évolution du couple en fonction du temps pour la série

ARn. L’influence de la taille de l’agent de recouvrement est très similaire à celle du taux

d’AR8 : on observe une chute du couple minimum et du couple maximum avec la longueur

de la chaîne alkyle des silanes, jusqu’à des valeurs identiques à celle mesurée pour les taux

les plus élevés d’AR8. La valeur du ∆C est également comparable.

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000

10

20

30

40

50

60

70 M: Matrice Si Ar1 Ar3 Ar8 Ar16

Cou

ple,

(N.m

)

Temps (s)

a)

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18

10

20

30

40

50

60

Cou

ple

(N.m

)

Longueur de la chaîne alkyle (nC)

Cmin Cmax ∆ C

b)

Figure III-26: a) Couple en fonction du temps et b) Evolution du couple maximal et minimal en fonction du taux d’agent de recouvrement

Le couple minimum montre également une dépendance avec le taux de polymère lié (figure

III-27) très similaire à celle observée avec la série AR8. Cela confirme l’équivalence entre

taux et longueur d’agent de recouvrement telle que celle discutée dans le paragraphe III-2-1-

1.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

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0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8

6

8

10

12

14

16

18

20

22

24

26

Cou

ple,

Cm

in(N

.m)

Polymère lié (g/1g of silica)

AR8, quantité de silane AR, longueur de la chaîne alkyle(nC)

Figure III-27 : Couple minimum (Cmin) en fonction des mesures de polymère lié.

L’évolution de la dérivée du couple en fonction du temps (figure III-28a) confirme cette

analyse. On observe une augmentation du temps au maximum de pic de dérivée avec la

longueur de la chaîne alkyl, jusqu’à la valeur de 1600s environ pour AR16. Cette même

valeur avait été trouvée précédemment pour AR75-125. En utilisant l’équivalence établie

précédemment entre taux d’AR8 et longueur d’ARn, il est possible de comparer cette courbe

avec celle obtenue avec la série ARn. La superposition des courbes est relativement bonne

(figure III-28b).

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123

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 35000.00

0.02

0.04

0.06 Si Ar1 Ar3 Ar8 Ar16

Cou

ple

dériv

é (N

.m.s

-1)

Temps (s)

a)

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

0 20 40 60 80 100 120 140 160

AR8 ARn

Pos

ition

du

pic,

tem

ps (s

)

AR8 - taux (%)

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18ARn, Longueur de la chaîne alkyle

b)

Figure III-28 : a) dérivée du couple en fonction du temps et b) position du pic de dérivée, en fonction de la longueur de l’agent de recouvrement, comparaison avec le taux d’AR8.

La comparaison des niveaux du maximum des pics de dérivée est moins satisfaisante.

Contrairement à ce qui était observé avec les différents taux d’AR8, le maximum de ce pic

n’augmente quasiment pas avec l’augmentation des longueurs d’ARn (figure III-29). Si le

maximum du pic est très proche pour les systèmes avec les agents de différentes longueurs,

cela vient peut être de la quantité de silanols qui est identique pour cette série, selon un

mécanisme qu’il reste à identifier.

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124

0.03

0.04

0.05

0.06

0.07

0.08

0 20 40 60 80 100 120 140 160

AR8 ARn

vite

sse

de ré

actio

n -

max

imum

de

la d

ériv

ée

AR8, taux de recouvrement (%)

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18

ARn, Longueur de la chaîne alkyle

Figure III-29 : Maximum du pic de dérivée du couple, en fonction de la longueur de l’agent de

recouvrement, comparaison avec le taux d’AR8.

L’effet de la longueur de l’agent de recouvrement s’explique donc de la même manière que

l’effet d’un taux croissant d’AR8, par un recouvrement progressif de la surface de la silice.

Cela conduit à une adsorption moins importante du CBS qui va donc être plus présent dans

la matrice. Les conséquences sont une modification de la cinétique de vulcanisation, des

ponts polysulfures plus courts et plus nombreux, et une réticulation plus homogène, i.e.

moins concentrée au voisinage de la matrice.

III.3.2.2 Influence du taux d’agent de couplage. Outre un recouvrement de la surface de silice, l’agent de couplage conduit à une réticulation

supplémentaire entre la silice et les chaînes de la matrice. La figure III-30 présente

l’évolution du couple en fonction du taux d’agent de couplage (le taux étant toujours

exprimé en pourcentage du nombre de silane AR8 nécessaire à la couverture totale de la

silice). Sur la figure III-30b sont relevées l’évolution du couple Cmin, Cmax et la variation de

couple ∆C. Comme précédemment, l’introduction d’agent de greffage conduit à une

diminution du couple Cmin. Cependant, sa valeur est toujours supérieure à celle mesurée avec

AR8. Le recouvrement de la silice permet de réduire les interactions charge-charge et

charge-matrice mais il semble qu’une réaction prématurée des agents de couplage ait eu lieu

avant même l’expérience sur rhéomètre, c’est à dire au cours du malaxage. Cette réticulation

prématurée a déjà été suggérée lors de l’analyse des mesures de polymère lié. Par contre, le

couple Cmax ainsi que ∆C augmente avec le taux d’agent de couplage introduit.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

125

Contrairement aux agents de recouvrement, il y a réticulation entre agent de couplage et

chaîne polymère qui introduit des nœuds de réticulation supplémentaire dans la matrice.

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000

10

20

30

40

50

60

70

80

90

M : matrice Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125

coup

le (N

.m)

Temps (s)

a)

0 20 40 60 80 100 120 140

20

30

40

50

60

70

80

Cou

ple

(N*m

)

Taux d'agent de couplage (%)

Cmin Cmax deltaC

b)

Figure III-30: a) Couple en fonction du temps et b) évolution du couple maximal et minimal en fonction du taux d’agent de couplage

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

126

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000.00

0.02

0.04

0.06

0.08

0.10

0.12

Dér

ivée

du

coup

le

Temps (s)

Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125

a)

0 20 40 60 80 100 120 140200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

taux d'agent de couplage (%)

Pos

ition

du

pic,

tem

ps (s

)

0.04

0.06

0.08

0.10

0.12

0.14

0.16

0.18

0.20

Vitesse de réaction -m

aximum

de la dérivée

b)

Figure III-31: a) dérivée du couple en fonction du temps et b) position et valeur du maximum du pic de dérivée, en fonction du taux de d’agent de couplage

L’effet du taux d’agent de couplage sur la cinétique de réticulation est très similaire à celui

du taux d’AR8 (cf. Figure III-31). On observe l’augmentation du temps au maximum de

dérivée jusqu’à ce qu’il atteigne une valeur stable à partir du taux de 75%. La saturation

apparaît néanmoins plus tôt que pour AR8 car l’agent de couplage recouvre plus rapidement

la surface de la silice, du fait de son encombrement stérique plus important. La valeur est

stabilisée autour de 1300s, ce qui est légèrement inférieur à la valeur stabilisée mesurée avec

AR8. De toute évidence, l’agent de couplage contribue à la cinétique globale de réticulation

(globale au sens ou elle inclut la vulcanisation et le couplage avec la matrice). Cela est

confirmé par l’évolution du maximum du pic de dérivée du couple, similaire à celle observé

avec la série AR8 mais supérieure en valeur absolue. La différence entre les séries AC et

AR8 d’une part et la série ARn d’autre part réside dans la quantité de silanols présent. Elle

est décroissante dans le premier cas alors qu’elle est constante dans le second, voire

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

127

légèrement supérieur avec AR16. On peut donc avancer que la quantité de silanols présents

est en cause dans les différences observées entre les évolutions des maximums des pics des

séries AR8 et AC d’une part et celle de la série ARn d’autre part. Les silanols conditionnent

en effet la quantité d’eau présente en surface des silices. Rien cependant ne permet pour

l’instant de conclure sur ce point.

Pour conclure, l’influence du traitement par AC s’explique principalement par le

recouvrement de la surface de la silice auquel il conduit. Comme dit précédemment, ce

recouvrement conduit à une adsorption moins importante de l’accélérateur CBS et donc à

une modification de la cinétique de vulcanisation, à une réticulation plus homogène, et une

augmentation du nombre final de ponts polysulfures, plus courts et donc plus stables. A cet

effet, globalement commun à tous les agents de greffage, s’ajoute celui de la création d’une

liaison covalente entre la silice et la matrice, qui accroît ainsi le nombre de nœuds de

réticulation.

On notera un phénomène supplémentaire, qui est l’augmentation constante du couple Cmax,

même à des taux supérieurs à 100%, i.e. lorsque la surface ne peut plus accueillir de silanes.

Cela suppose qu’intervient également un phénomène de polycondensation des silanes en

excès qui vont ainsi créer des ponts supplémentaires entre les chaînes de polymères auxquels

ils sont liés (ou une libération du soufre). Cette polycondensation nécessite au préalable

l’hydrolyse des groupements éthoxy. Cela requiert de l’eau ou un catalyseur acide ou

basique. Cette réaction est donc plus probable au voisinage de la silice très hydrophile. Elle

est également possible, dans une moindre mesure, au sein de la matrice du fait qu’elle

contient de l’acide stéarique (cf. Annexe 4).

Pour confirmer cette analyse de la vulcanisation en présence d’agent de greffages, les

matériaux mis en œuvre ont été étudiés grâce à des mesures de gonflement.

III.3.3 Mesures de gonflement sur les mélanges vulcanisés

Les mesures de gonflement sont généralement utilisées pour caractériser la réticulation des

élastomères. La relation est simple dans le cas d’élastomères non chargés et l’on peut

aisément déduire de ces mesures leur concentration en nœud de réticulation. La relation est

beaucoup plus difficile dans le cas d’élastomères chargés. Le gonflement de la matrice

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

128

s’accompagne alors d’une possible décohésion à l’interface charge–matrice. Le gonflement

est ainsi le résultat de deux contributions difficiles à décorreler. Dans notre étude s’ajoute la

difficulté d’une modification de l’interface polymère-charge dont les conséquences sur le

gonflement sont difficilement quantifiables. Ces mesures renseignent donc peu sur l’état de

réticulation de la matrice. Elles permettent néanmoins de comparer les effets des différents

agents de recouvrement sur la réticulation, au sens large, du matériau, celle ci comprenant

les nœuds chimiques au sein de la matrice et créés (dans le cas d’AC) à l’interface charge

matrice, et les nœuds physiques à l’interface charge matrice et à l’origine du polymère lié.

Nous rappelons que les mesures de gonflement sont réalisées sur les mélanges vulcanisés

avec le solvant utilisé pour l’extraction du polymère non lié, selon le protocole décrit au

chapitre II.

III.3.3.1 Influence des agents de recouvrement

La figure III-32 présente les mesures de gonflement des matériaux de la série AR8 et ARn.

En utilisant l’équivalence entre taux et longueur de silane établi avec les mesures de

polymère lié, nous avons fait figurer les résultats des deux séries sur le même graphique.

6.2

6.4

6.6

6.8

7.0

7.2

7.4

7.6

7.8

8.0

0 20 40 60 80 100 120 140 160

AR8 ARn

Gon

flem

ent,

G

AR8 - taux (%)

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18ARn, Longueur de la chaîne alkyle (nC)

Figure III-32 : Mesures de gonflement, série AR-8, et série ARn

On observe que les deux séries présentent une évolution identique mais avec des valeurs

légèrement décalées. Par exemple, les résultats pour les échantillons AR8 et AR8-75 de

chacune des séries ne sont pas superposés. Ce décalage de 5% traduit une réticulation

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

129

légèrement différente entre les deux séries. Par contre chaque série a manifestement subit un

protocole de réticulation identique qui nous permettra de discuter, par la suite, les résultats à

l’intérieur d’une même série. L’ensemble des caractérisations présentées jusque là n’a pas

fait apparaître ce genre de décalage car il faisait intervenir soit les mélanges crus soit

l’interface. Cela ne remet pas en question les conclusions et discussions précédentes. A ce

décalage près, on vérifie une fois encore l’équivalence longueur–taux de silane. Le

gonflement des matériaux est d’autant plus important que la surface de la silice est

recouverte par les agents de recouvrement. La saturation apparaît encore une fois au

voisinage de 100% pour la série AR8. La saturation avec la série ARn est moins marquée, le

taux de gonflement augmente encore avec AR16. Dans cet échantillon, les silanes sont très

largement en excès, un tiers environ pourrait être présent dans la matrice. Ces silanes en

excès jouent le rôle d’un solvant de l’élastomère et réduisent la densité en nœud de

réticulation de la matrice, augmentant ainsi la valeur du gonflement.

III.3.3.2 Influence de l’agent de couplage La figure III-33 présente le taux de gonflement en fonction du taux d’agent de couplage

introduit. Il décroît très fortement, de manière continue. La décroissance atteint un facteur 8

environ pour 125% d’AC.

0 20 40 60 80 100 120 1400

2

4

6

8

10

Mes

ures

de

Gon

flem

ent (

%)

AC - taux de recouvrement (%)

Figure III-33 : Gonflement en fonction du taux d’agent de couplage.

Cela indique une réticulation globale du matériau de plus en plus dense. Elle inclut celle de

la matrice, et celle à l’interface charge-matrice réalisée par l’intermédiaire des agents de

couplage. Les mesures de polymère lié ayant indiqué une saturation de la surface de silice en

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

130

agent couplage pour des taux supérieurs à 75%, on aurait pu s’attendre à l’apparition d’un

plateau. Le fait qu’il n’en soit rien suggère que l’agent de couplage en excès contribue lui

aussi à la réticulation du matériau. La question se pose de sa localisation. Comme déjà

discuté précédemment, la nature des réactions mises en jeu favorise l’hypothèse d’une

localisation au voisinage de la silice.

III.3.4 Conclusion sur la vulcanisation

L’utilisation d’agents de greffage, en recouvrant la surface des charges, modifie l’adsorption

des accélérateurs nécessaires à la vulcanisation. Sans agent de greffage, la réticulation de la

matrice est hétérogène en raison de l’adsorption des deux accélérateurs en surface de la

silice: la réticulation est plus dense et les ponts polysulfures sont plus courts au voisinage de

la charge.

De part sa petite taille, l’adsorption du DPG n’est pas modifiée, mais sa désorption peut être

plus difficile en présence de greffage. Le CBS quant à lui voit son adsorption qui diminue

avec la surface de silice recouverte. Les conséquences sur la cinétique de vulcanisation, sont,

à taux de greffage croissant, un départ retardé puis une vitesse de réaction accélérée. La

modification de cette cinétique à taux d’agent de greffage croissant se traduit par la

formation de ponts polysulfures plus courts, et donc plus nombreux. En outre, leur

répartition est modifiée. On doit s’attendre à une réticulation plus homogène, i.e. moins

localisée au voisinage de la matrice, du fait d’une présence de CBS plus forte au sein de la

matrice. La différence entre agent de couplage et agent de recouvrement réside simplement

dans le pontage que vont permettre les agents de couplage entre la matrice et la charge. En

outre, l’agent de couplage lorsqu’il est introduit en excès peut aussi augmenter la densité de

réticulation par polycondensation. Pour résumer ces résultats, la figure III-34 représente

schématiquement l’état de la réticulation de nos matériaux en fonction des différents

traitements de surface.

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

131

a) b) c)

Traitement de surface (AR ou AC)

Chaîne élastomère

Liaison soufre de longueurs différentes

Liaison covalente de l’agent de couplage

Figure III-34 : Schéma de la réticulation de nos composites en fonction du traitement de surface de la silice : a) Silice non traitée, b) Agent de recouvrement, c) Agent de couplage

III.4 Bilan sur les matériaux mis en œuvre

Les différents matériaux que nous avons mis en œuvre présentent le même état de

dispersion. L’introduction d’un agent de recouvrement ou de couplage n’a pas d’influence

sur l’état de dispersion de la silice dans nos différents matériaux. Le greffage de la silice a

pour conséquence un recouvrement de la surface des charges. La surface recouverte dépend

du taux et de l’encombrement stérique de l’agent de greffage introduit. Elle apparaît comme

le paramètre le plus pertinent pour différencier nos différents matériaux. Son augmentation a

pour première conséquence une diminution des interactions polymère-charges et se

manifeste par une décroissance de la quantité de polymère lié. Ce recouvrement a pour

seconde conséquence une modification de la cinétique et de la localisation de la

vulcanisation. En limitant l’adsorption des accélérateurs, cette dernière devient plus

homogène (i.e. moins localisée au voisinage de la charge) et conduit à la formation de ponts

polysulfures plus courts (en moyenne) donc plus stables, et plus nombreux. Enfin la

troisième conséquence de ce recouvrement est une réduction du nombre de silanols, et par

conséquent la limitation de contacts silice-silice directs.

A ces caractéristiques communes il faut ajouter les particularités des échantillons AR16,

AC-100 et AC-125. Ces trois échantillons présentent un excès en agent de greffage. Une

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Chapitre III : Caractérisation Morphologique et Physico-chimique

132

partie importante d’AR16 doit être présente dans la matrice et agit comme un « solvant » de

la matrice. L’excèdent d’agent de couplage dans les échantillons AC-100 et AC-125 a quant

à lui probablement polycondensé et contribue ainsi à la réticulation de la matrice.

C’est à partir de cette caractérisation relativement précise que pourront être discutés dans les

chapitres qui suivent les propriétés mécaniques de nos matériaux.

Références : 1 M. ZABORSKI, J.B. DONNET, Activity of Fillers in elastomer networks of different Structure, Euro-Fillers 2001 Lodz Poland, 62, 2001 2 U. GÖRL, J. MÜNZENBERG, D. LUGINSLAND, A. MÜLLER, Investigations on the reaction silica/organosilane and organosilane/polymer. Part 4 : Studies on the chemistry of the silane - sulfur chain, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 52, 588, 1999 3 A.P.LEGRAND, H.HOMMEL, A.TUEL, A.VIDAL, H.BALARD, E.PAPIRER, P.LEVITZ, M.CZERNICHOWSKI, R.ERRE, H.VAN DAMME, J.P.GALLAS, J.F.LAVALLEY, O.BARRES, A.BURNEAU, Y.GRILLET, Hydroxyls in Silica powders, Advances in Colloid and Interface Science, 33, 91, 1990 4 Rapport interne, CRA RHODIA 5 M.WAGNER, Renforcement des élastomères par les charges : mobilité moléculaire et spécificité des interactions à l’interface silice/caoutchouc styrène butadiène, Thèse, Université de Haute Alsace, 1997 6 S.WOLFF, Chemical aspects of Rubber Reinforcement by fillers, Rubb. Chem. and Technol., 69, 325, 1996 7 S.WOLFF, M.J. WANG, E.H. TAN, Surface Energy of Fillers and its effect on Rubber Reinforcement I, Kautschuk Gummi Kunststoffe, 47, 780, 1994 8 S.R.WASSERMAN, G.M. WHITESIDES, I.M.TIDSWELL, B.M.OCKO, P.S.PERSHAN, J.D.AXE, The structure of self Assembled monolayers of alkylsilanes on silicon, J.Am. Chem. Soc., 111, 5882,1989 9 K.C.VRANCKEN, E.CASTELEYN, K.POSSEMIERS, P. VAN DER VOORT, E.F. VANSANT, Modelling id the reaction-phase interaction of Gamma-Aminopropyltriethoxysilane with Silica, J. Chem. Faraday, Trans., 89, 2037, 1993 10 S.WOLFF, M.J.WANG, E.H.TAN, Filler –elastomer interactions Part VII : Study on bound rubber, Rubb. Chem. and Technol., 66, 163, 1993 11 ’’Synthèse, propriétés et technologie des élastomères’’, ed. IFOCA, 1984 12 Rapport interne, CRA RHODIA 13 C.D. EISENBACH, A.RIBBE, New Insights into the distribution of compatibilizer and Vulcanization Accelerator/Retarder Additives in Filled Rubber by Element Spectroscopy imaging Electron Microscopy, Kautschuk Gummi Kunststoffe,47, 477, 1994

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

133

Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Viscoélasticité linéaire et non Linéaire

(effet Payne)

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

134

IV.1 Introduction

Les différentes caractérisations réalisées dans le chapitre III ont conduit à une bonne

connaissance de chacun des mélanges. En utilisant des agents de recouvrement en différentes

quantités ou de différentes longueurs, nous avons réussi à obtenir des systèmes avec une

dispersion identique, mais qui différent en terme de taux de greffage (nombre de silanols

ayant réagi) et taux de recouvrement (épaisseur de la couche de polymère lié). L’utilisation

d’agent de couplage a conduit à une dispersion également identique et à de fortes valeurs du

taux de polymère lié venant conjointement de l’adsorption physique des chaînes (qui se réduit

avec le recouvrement de la surface) et des liaisons covalentes réalisées (qui augmentent avec

le recouvrement). Un autre effet de ces traitements de surface est la modification de

l’adsorption des accélérateurs ce qui modifie la vulcanisation. Nous avons montré que le

traitement de la surface de la charge améliore l’efficacité de cette réaction en estompant

progressivement l’hétérogénéité de la réticulation.

Cette connaissance fournit une base de données importantes qui va permettre dans ce chapitre

d’interpréter les propriétés mécaniques de nos matériaux. L’influence de la charge et de ses

différents traitements de surface seront observés :

• Dans le domaine linéaire en fonction de la température

• A température ambiante, en fonction du taux de déformation (effet Payne).

L’interprétation du renforcement dans cette gamme de déformation considèrera l’ensemble

des caractéristiques de la morphologie. Ainsi les différents facteurs pouvant influencer la

valeur du module élastique sont :

- L’établissement d’un réseau pouvant se constituer par l’intermédiaire des contacts charge-

charge

- La présence de polymère occlus dans les aspérités des agglomérats ou d’une couche à

mobilité restreinte qui se traduirait par une augmentation du taux effectif de charge

- Les interactions à l’interface entre la charge et la matrice pouvant impliquer l’adsorption

ou multiadsorption de chaînes polymères avec différentes mobilités

- La présence d’une couche à mobilité restreinte dont l’épaisseur est fonction du traitement

de surface et qui augmenterait le volume effectif de charge

- La réticulation de la matrice.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

135

On cherchera à identifier les différents mécanismes responsables de la non–linéarité (effet

Payne) parmi ceux proposés dans la littérature et rappelés dans le chapitre I :

- Le processus de désagglomération – réagglomération du réseau de charge éventuellement

formé, ce réseau étant réduit en sous réseaux de plus en plus petits

- La libération du polymère occlus avec la désagglomération, réduisant le taux de charge

effectif avec la déformation.

- Le mécanisme de désorption et adsorption des chaînes à l’interface

Avant de commenter les expériences en fonction du traitement de surface, nous allons d’abord

comparer le comportement de la matrice non chargée avec celui du matériau contenant de la

silice non traitée.

IV.2 Comportement de la matrice, influence de la présence de charge (silice non traitée)

IV.2.1 Viscoélasticité linéaire

Les comportements viscoélastiques de la matrice SBR et celui de la matrice chargée silice non

traitée sont présentés sur la figure IV-1.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

136

150 200 250 300 350 400

106

107

108

109

Relaxation principale

Plateau caoutchoutique

Plateau vitreux

Mod

ule

Ela

stiq

ue, G

' (P

a)

Température (K)

M: matrice Si: silice non traitée

a)

150 200 250 300 350 400104

105

106

107

108

Mod

ule

de p

erte

, G'' (

Pa)

Température (K)

M: matrice Si: silice non traitée

b)

150 200 250 300 350 400

0.01

0.1

1

Fact

eur d

e pe

rte, t

anδ

Température (K)

M: matrice Si: silice non traitée

c)

Figure IV-1 a) Module élastique G', b) Module de perte G'', c) facteur de perte tanδ en fonction de la température pour la matrice et la matrice chargée avec la silice non traitée.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

137

L’évolution du module de conservation G’ en fonction de la température (figure IV-1a) fait

apparaître un renforcement (augmentation du module) sur toute la gamme de température.

Dans le plateau vitreux, de 170K à des températures proches de 250K, le module élastique de

la matrice est proche de 1GPa et celui de la matrice chargée est légèrement supérieur

(1.6GPa). Dans le domaine de température associé à la relaxation principale α, on constate

que la chute de module associée à cette relaxation est centrée sur exactement la même

température pour les deux matériaux. Cette chute du module élastique est accompagnée d’un

pic pour le module de perte et pour le facteur de perte (figure IV-1 b, c). Dans le plateau

caoutchoutique, le module de la matrice en présence de charge est beaucoup plus élevé qu’en

l’absence de celle-ci. A titre d’exemple, à 300K le module élastique est de l’ordre de 0.7 MPa

pour la matrice et de 9.5 MPa pour le matériau chargé.

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, le renforcement mécanique (en terme de module)

est lié à la présence de la phase rigide (effet hydrodynamique) et aux interactions entre les

charges (agglomération) et entre la charge et la matrice (polymère lié). Pour rendre compte de

l’effet hydrodynamique, on peut utiliser le modèle de Guth et Goldi. En utilisant un taux de

charge de 20%, cette expression sous estime largement le module mesuré à 300K (1.5 MPa

pour 9.5 MPa mesuré expérimentalement).

Les mesures de polymère lié (chapitre I) permettent de caractériser la quantité de polymère en

forte interaction avec la surface de la charge. Dans le cas de la silice non traitée, la quantité de

polymère lié représente 0.8g/1gramme de silice ce qui correspond à 40 % de la matrice. Une

telle fraction de matrice immobilisée en surface de la charge dans un état vitreux devrait avoir

une influence sur la température de transition α mais nous n’avons pas mis en évidence un tel

effet (cf. Figure IV-1c). On peut toutefois considérer l’effet du polymère lié par le biais d’un

taux de charge effectif. L’hypothèse la plus extrême considère tout le polymère lié sous la

forme d’une coquille autour de la charge, le taux de charge effectif passe alors de 50phr

(20%vol) à 145phr (58%vol). Malgré cette hypothèse sévère, la valeur estimée est toujours

inférieure à la valeur expérimentale (5,2 MPa). Il apparaît donc que l’effet hydrodynamique

même corrigé d’une couche de polymère lié à l’état vitreux, ne permet pas de rendre compte

de la valeur expérimentale du module. Cette dernière remarque implique que la valeur du

module élastique pour ce type de composites ne peut négliger un effet de réseau.

ii Expression de Guth et Gold (IV-1) : G’=G’matrice(1+2.5φ+14.1φ²)

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

138

La valeur du taux de charges choisie dans cette étude est légèrement supérieure au seuil de

percolation. On va d’abord évaluer l’hypothèse d’un réseau de charges résultant uniquement

d’interaction entre les agrégats (charge – charge). En utilisant un modèle 2+1 phases, avec la

matrice en inclusion dans une phase silice continue, on trouve 1.6 GPa, ce qui surestime

largement la valeur expérimentale. En partant du concept de fraction de charges effective,

Klüppel et coll.1 considère la présence de polymère lié à l’état vitreux autour d’un réseau de

charge percolant (pour 50 phr). Le module résultant est obtenu grâce à l’expression (IV-1) :

( ) f

Bf

dd

P dddGG

+

⎟⎟⎠

⎞⎜⎜⎝

⎛ ∆−∆+≅

33

3

23

0

,

62' φ (IV-1)

où GP est le module du cluster de charge qui peut être choisi égal à 1 GPa (valeur de module

de la matrice vitreuse), d la taille de la particule (9nm) et ∆ l’épaisseur de la couche de

polymère lié, df,b la dimension fractale du squelette (proche de 1, cf. chapitre III), et df la

dimension fractale des agrégats (égale à 2 cf. chapitre III), entraînant une dépendance en

puissance 4 (pour cette silice). Ce modèle surestime également la valeur expérimentale, en

donnant une trop grande importance au module du cluster de charge et en considérant que

l’ensemble du polymère lié possède les mêmes caractéristiques mécaniques que le cluster. De

plus le terme relatant la présence de polymère lié ne peut dépasser la valeur de 5 (épaisseur

maxi 3.67) en tenant compte de 0.2%vol de silice. Des valeurs supérieures impliqueraient des

fractions supérieures à 100% de composite ayant un module Gp. Dans notre cas (mélange Si),

ce terme est égal à 8 pour une épaisseur de polymère lié de 5nm. Les valeurs calculées sont

donc fausses.

Finalement, la valeur du module élastique mesurée pour ce système élastomère-silice non

traitée implique vraisemblablement un effet de réseau, mais ce réseau ne serait pas constitué

uniquement de liaisons directes charge-charge. En outre, l’existence d’une couche de

polymère vitreux, assurant le transfert de contrainte entre les différentes charges est souvent

évoqué pour expliquer le renforcement2. Le réseau serait dans ce cas formé d’agglomérats de

silice liés entre eux par une couche de polymère lié.

Par la suite et afin de valider notre hypothèse de réseau mixte (charge-polymère lié-charge),

nous allons nous intéresser à l’évolution du module lors de balayages en déformation,

autrement appelé effet Payne.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

139

IV.2.2 Viscoélasticité non linéaire : effet Payne

Les courbes présentées dans cette partie montrent la dépendance de la réponse mécanique du

matériau sollicité à taux de déformation croissante à température ambiante (300K). Le

protocole de déformation décrit, dans le chapitre II, comprend 2 balayages en

déformation croissante de γ ≈ 1.10-4 à γ ≈ 1.

Lors du premier comme lors du deuxième balayage, on observe pour le matériau chargé un

comportement typique de l’effet Payne (chute du module élastique G’ et maximum du module

de perte G’’). Un tel comportement est absent pour la matrice (ou non significatif) (cf. figure

IV-2). On peut noter sur la figure IV-2a que la différence essentielle entre le 1er et le 2ième

balayage se situe au niveau de la valeur du module initial. On appellera par la suite G’0-1 et

G’0-2 les deux modules initiaux correspondants respectivement au premier et au deuxième

balayage en déformation.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

140

1E-3 0.01 0.1 10.0

2.0x106

4.0x106

6.0x106

8.0x106

1.0x107

1.2x107

1.4x107

G'oo

G'0-2

G'0-1

Si : 1er balayage en déformation Si : 2ieme balayage

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

M : matrice 1er balayage en déformation M : matrice 2ieme balayage

a)

1E-3 0.01 0.1 10.0

5.0x105

1.0x106

1.5x106

2.0x106

2.5x106

G'max-2

G''max-1

Mod

ule

de p

erte

, G'' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

M : 1er balayage en déformation M : 2ieme balayage Si : 1er balayage en déformation Si : 2ieme balayage

b)

1E-3 0.01 0.1 1

0.15

0.20

0.25

0.30

0.35

0.40

Fact

eur d

e pe

rte, t

anδ

Déformation, γ (mm/mm)

M : 1er balayage en déformation M : 2ieme balayage Si : 1er balayage en déformation Si : 2ieme balayage

c)

Figure IV-2 : a) Module élastique, b) Module de perte, c) facteur de perte, de l’échantillon Si en fonction de la déformation

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

141

Le deuxième balayage montre une non-linéarité (associée à la chute de G’0 à G’∞) moins

importante et un module final (G’∞) quasi identique.

Il faut souligner à ce stade que la notion de module infini est assez mal adapté dans le cas de

nos résultats. En effet, il n’y a pas de plateau net et les valeurs de module G’ chutent

régulièrement. Nous avons donc utilisé dans un premier temps la déformation maximale

appliquée pour déterminer G’∞ (déformation égale à 1). Or, cela conduit à des valeurs

inférieures à celles estimées grâce à l’expression de Guth et Gold (cf. figure IV-3). On peut

donc s’interroger sur l’origine de cette valeur anormalement faible.

En fait, notre estimation de G’∞ peut paraître arbitraire puisqu’il est visible sur les courbes

figure IV-2 que le module G’ ne présente pas de plateau au maximum de la déformation testée

mais qu’au contraire il continue à décroître lentement. Cette décroissance est d’ailleurs

quasiment linéaire avec le logarithme du taux de déformation, lorsque la déformation dépasse

les 20%. En outre, on verra par la suite que cette décroissance est similaire quel que soit le

traitement appliqué à la silice. Elle est également similaire à celle mesurée avec la matrice

SBR renforcée par la même quantité de noir de carbone (N234) (cf. Figure IV-3). Cette

décroissance ne semble donc pas dépendre des interactions charge-matrice.

0.01 0.1 10

1x106

2x106

3x106

4x106

5x106

6x106

7x106

8x106

9x106

1x107

1x107

G'oo/o.2 à γ=0.2

Module selon Guth et Gold (20 vol%)

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

Mélange Si (50phr) Mélange avec Noir de carbone (N234, 50phr)

Figure IV-3 : a) Courbe d’effet Payne en G’ pour l’échantillon Si et pour du SBR renforcé par du noir de carbone

On peut donc douter de la validité de la mesure de module pour les déformations dépassant

20%. D’ailleurs, à ces taux de déformations, l’enregistrement des signaux périodiques de

contrainte et déformation met nettement en évidence la non linéarité de la réponse stabilisée.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

142

Le traitement des données brutes, qui repose toujours sur un formalisme linéaire est alors

discutable. L’application des équations de viscoélasticité linéaire lors des mesures d’effet

Payne a également été discutée par Chazeau et coll.3. Ces auteurs déterminent que la limite de

validité des mesures dynamiques en déformation est de l’ordre de 0.2 (erreur inférieure à

10%). Enfin, si on regarde les données expérimentales, le taux de déformation de 20% conduit

à des valeurs qui sont au-dessus de l’estimation de Guth et Gold (cf. Figure IV-3). Les valeurs

de module final seront donc par la suite, estimées pour une déformation de 0.2 et notées G’∞ /

0 .2 mais les courbes seront tracées avec l’ensemble des données. Avec les valeurs de G’∞/0.2,

l’amplitude de l’effet Payne est donc de 2.4 MPa pour le premier balayage et de 1.9MPa pour

le deuxième balayage.

On choisit de déterminer l’apparition de la non linéarité pour une chute de 5% de l’effet

Payne. Cette perte de linéarité apparaît, pour le premier balayage, pour une déformation

γ≈2.5 10-3 et pour une contrainte de 0.03MPa ; lors du deuxième balayage, elle apparaît pour

une déformation très proche γ≈2 10-3 et une contrainte beaucoup plus faible 0.015MPa. On

constate également que le module de perte est moins important lors du deuxième balayage

(G’’max-1 > G’’max-2). Le facteur de perte tanδ (cf. figure IV-2c) défini comme l’énergie

dissipée au cours d’un cycle sur l’énergie élastique fournie lors d’un quart de cycle présente

un maximum équivalent en intensité mais décalé vers les plus petites déformations (pour le

deuxième balayage γ≈ 2.5 10-2 au lieu de γ≈ 6.7 10-2 pour le premier balayage). Les valeurs

pour les faibles déformations sont plus élevées lors du deuxième balayage alors que le

comportement est identique pour les deux balayages aux déformations après le maximum.

Il apparaît donc des différences notables entre le premier et le deuxième balayage. Il faut

ajouter que malgré les précautions expérimentales prises lors du montage de l’échantillon, les

valeurs de G’0-1 peuvent fluctuer entre différentes éprouvettes d’un même échantillon. A

l’inverse, G’0-2 est très reproductible. De plus, sans avoir cherché à quantifier plus avant ce

phénomène, il apparaît que, même après un temps très long entre les deux balayages, le

module initial G’0-2 ne retrouve pas la valeur initiale G’0-1.

On peut donc avancer qu’en présence de charges, l’application d’un premier balayage

provoque des dégâts irréversibles qui expliquent la chute du module élastique initial (G’0-1 >

G’0-2). Au vu de la littérature, ces phénomènes peuvent être des ruptures des liaisons charge –

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

143

charge au sein des agglomérats, des glissements des points d’adsorption des chaînes sur la

charge (augmentant ainsi leur longueur entre ces points, et donc leurs possibilités

conformationnelles), et/ ou la rupture des chaînes les plus courtes entre les agglomérats.4

Toutefois, à ce stade de la discussion, il n’est pas possible de les différencier. Nous venons de mettre en évidence le rôle de la charge au sein de la matrice. Sa présence

augmente considérablement le module élastique et les phénomènes dissipatifs. L’effet

hydrodynamique des charges ne permet pas de rendre compte de l’augmentation de module

même en introduisant une fraction effective de charges qui tient compte de la fraction de

polymère lié. Par ailleurs, les valeurs de module obtenues ne permettent pas de considérer la

formation d’un réseau percolant de charges. Ainsi, on envisage que la présence de polymère

lié en forte concentration impliquerait la formation d’un réseau percolant de type charge –

polymère lié – charge. Cette couche de polymère lié présenterait différentes mobilités en

fonction de la proximité de la surface de la charge et son rôle du point de vue mécanique

serait fondamental. Par conséquent, en considérant comme nous l’avons observé au cours du

chapitre III les différentes épaisseurs de polymère lié en fonction du traitement de la surface,

il paraît intéressant de comparer les valeurs de module élastique des matériaux

correspondants. On pourra suivre l’évolution du comportement en fonction soit du

recouvrement progressif de la surface de la charge, soit de la taille du traitement à

recouvrement constant.

IV.3 Influence des agents de recouvrement

IV.3.1 Viscoélasticité linéaire

IV.3.1.1 Etude de la relaxation principale

L’influence du traitement de surface de la charge avec un agent de recouvrement AR8 en

quantités variables est décrite par les courbes de la figure IV-4. Dans le plateau vitreux,

indépendamment du taux de traitement de surface utilisé, les valeurs du module G’ restent

identiques, du fait du taux de charges identique pour tous ces mélanges (50 phr). En revanche,

dans le plateau caoutchoutique, les valeurs de module élastique sont sensibles à la présence du

traitement de surface (cf. Figure IV-4a). A une température donnée (300K), on observe que le

module G’ diminue avec le taux d’AR8 (cf. figure IV-4d).

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

144

Pour l’ensemble des mélanges, la température Tα est identique à celle de la matrice avec la

silice non traitée mais le maximum du pic de facteur de perte augmente avec le taux d’AR8.

L’influence d’une couche de polymère à plus faible mobilité pourrait à défaut d’influencer la

température de transition α, étaler la largeur du pic et / ou présenter un deuxième pic de

relaxation dans le plateau caoutchoutique5. De fait, on observe la présence d’un deuxième pic

sur les courbes de tanδ (cf. FigureIV-4c).

150 200 250 300 350 400

1E7

1E8

1E9

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Température (K)

Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

a)

150 200 250 300 350 400

106

107

108

Mod

ule

de p

erte

, G'' (

Pa)

Température (K)

Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

b)

150 200 250 300 350 4000.01

0.1

1

Deuxième pic de relaxation

Relaxation α

Fact

eur d

e pe

rte, t

anδ

Température (K)

Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

c)

0 20 40 60 80 100 120 1402

3

4

5

6

7

8

9

10

Mod

ule

élas

tique

, G' (

MPa

)

AR8 - Taux (%)

d)

Figure IV-4 : a) module élastique G’, b) module de perte G’’, c) facteur de perte, en fonction de la température et d) Module élastique à 300K en fonction du taux de recouvrement

Les aires respectives des deux pics de tanδ ont été estimées après déconvolution. Leurs

valeurs évoluent avec le recouvrement de la surface de la charge (cf. Figure IV-5). Bien que le

pic associé à la relaxation α soit plus intense, la déconvolution (à l’aide de fonctions

gaussiennes), fait apparaître que son aire est plus faible que celle du deuxième pic (qui s’étend

sur une très large gamme de température). Pour le premier pic (relaxation α), on observe une

augmentation de l’aire qui traduit une plus grande mobilité de la matrice polymère dans son

ensemble. On peut aussi tracer l’évolution de cette aire en fonction du taux de polymère lié

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

145

(Figure IV-6). On constate que l’aire du pic varie quasi linéairement avec le taux de polymère

lié pour les échantillons avec agent de recouvrement mais sature pour la silice non traitée. Il

n’est donc pas possible de conclure que la chute de tanδ est due à l’immobilisation du

polymère lié sous la forme d’une couche vitreuse. D’ailleurs des mesures de DSC (présentées

en Annexe 5) indiquent que l’introduction de la charge ne modifie pas non plus la variation

de capacité calorifique (∆Cp) au passage de la transition vitreuse.

On constate que le deuxième pic (non présent pour la matrice seule) augmente avec le taux

d’AR8, c’est à dire lorsque le taux de polymère lié diminue. Il est donc difficile d’associer ce

pic à un phénomène de type relaxation α du polymère lié.

0 20 40 60 80 100 120 140

10

15

20

25

30

Aire

du

pic

de re

laxa

tion

AR8 - Taux (%)

pic de relaxation α pic de relaxation à T

α + 50°C

Figure IV-5 : Aire des pics de relaxations observables sur la courbe de tanδ, en fonction du taux d’AR8

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

146

0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8

9

10

11

12

13125% 0

AR8 - Taux

Aire

du

pic

de tr

ansi

tion

α

Taux de polymère lié (gramme/ 1gramme de silice)

Figure IV-6 : Aire du pic de relaxation alpha en fonction du taux de polymère lié

Pour la série ARn, seuls sont présentés les résultats avec les échantillons AR8 et AR 16,

comparés à la matrice non traitée (FigureIV-7). L’observation de la courbe de module G’ en

fonction de la température conduit aux mêmes conclusions qu’avec la série AR8 : G’ dans le

plateau vitreux est indépendant du traitement de surface, Tα est identique à celle de la matrice

avec la silice non traitée, le maximum du pic α a tendance à augmenter avec la longueur du

silane, un second pic très large est présent et il est lui aussi de plus en plus important avec la

longueur du silane, enfin le module caoutchoutique décroît avec la longueur de la chaîne

alkyl.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

147

150 200 250 300 350 400106

107

108

109

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Température, T(K)

Si AR8 AR16

a)

150 200 250 300 350 400105

106

107

108

Mod

ule

de p

erte

, G'' (

Pa)

Température,T (K)

Si AR8 AR16

b)

150 200 250 300 350 400

0.01

0.1

1

Fact

eur d

e pe

rte, t

anδ

Température, T (K)

Si AR8 AR16

c)

Figure IV-7 : a) module élastique G’, b) module de perte G’’, c) facteur de perte, en fonction de la température pour les deux plus grandes longueurs de spacer (8, 16 carbones) et la silice non traitée

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

148

IV.3.1.2 Analyse du module caoutchoutique

Revenons maintenant à l’évolution des modules dans le plateau caoutchoutique en fonction du

taux d’AR8 (cf. figure IV-4d). La diminution de G’ avec le taux d’AR8 peut être liée à

différents mécanismes (effet hydrodynamique, effet de dispersion, réseau percolant de

charges, polymère occlus…). L’effet de la dispersion et du polymère occlus ne peut pas être

invoqué pour expliquer cette évolution puisque la dispersion est similaire pour tous les

échantillons de cette étude. Dans le cas de la silice non traitée, nous avons proposé que le

niveau de module caoutchoutique soit du à un effet du réseau mixte (charge et couche liante)

car la contribution du polymère lié en terme de volume effectif était insuffisante. Nous avons

vérifié que c’était encore le cas pour les matériaux de la série AR8. Pour ces échantillons,

l’épaisseur de la couche de polymère lié a été estimée en fonction du taux de greffage dans le

chapitre III et varie de 5nm pour la silice non traitée à 1.8nm pour la silice la plus recouverte.

Les valeurs de module estimées par l’équation de Guth et Gold en utilisant un taux de charge

effectif incluant la couche de polymère lié sont rapportées dans le tableau IV-1. Les valeurs

calculées sont toujours inférieures aux valeurs mesurées avec les différents traitements de

surface. Nous avons également vérifié que l’hypothèse d’un réseau de charges percolant qui

surestimait le module du matériau avec de la silice non traitée n’est pas plus adaptée pour les

matériaux AR8. Les résultats obtenus avec le modèle de Klüppel (CCA) sont rapportés dans

le tableau IV-1

Taux de charge

effectif * Echantillons

G’ (MPa)

Mesuré à 300K Masse

(phr) Vol (%)

G’ obtenu par Guth et

Gold ** (MPa)

G’ obtenu par le

modèle CCA

(MPa)

M : matrice 0.7 0 0 0.7 - Taux de charge

réel - 50 20 1.5 1.6

Si 9.5 145 58 5.2 - AR8-25 9.5 103 41 3.2 395 AR8-50 6.8 92 37 2.8 140 AR8-75 6.0 90 36 2.7 120 AR8-100 5.2 83 33 2.5 62.9

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

149

AR8-125 5.0 83 33 2.5 62.9 AR16 3.8 81 33 2.4 53.2

*volume effectif obtenu en considérant la couche de polymère lié en plus du volume initial de charge

** G’=G’matrice(1+2.5φ+14.1φ²) où φ est le taux de charge

Tableau IV-1 : comparaison entre le module G' mesuré et celui obtenu par Guth et Gold en considérant le volume effectif de charge comme étant l'addition du taux de charge initiale 50phr et la couche liante

L’évolution des modules dans le plateau caoutchoutique en fonction de la longueur de la

chaîne alkyle (cf. figure IV-7) montre une tendance similaire. La contribution du polymère lié

(épaisseur 1.7 nm) en terme de volume effectif demeure encore insuffisante. En considérant

ce volume effectif, la valeur obtenue avec Guth et Gold (2.4 MPa) est encore inférieure à la

valeur mesurée(3.8MPa). Cette épaisseur dans l’expression du modèle CCA surestime encore

largement la valeur du module mesuré (53 MPa).

Pour conclure, l’hypothèse mise en avant pour interpréter les mesures de module dans le

plateau caoutchoutique dans le cas de la silice non traitée se trouve étayée. Elle fait intervenir

l’existence d’un réseau mixte charge-polymère-charge, dans lequel il existe des contacts

silice-silice et des interactions silice matrice au sein d’une matrice réticulée. La couche de

polymère lié est un élément de cette microstructure complexe et intervient dans la

transmission des contraintes.

IV.3.1.3 Evolution du module caoutchoutique avec la température

Ainsi, à une température donnée et pour un traitement de surface, la valeur du module G’ est

liée à la réticulation de la matrice et à un état d’équilibre qui reflèterait à la fois les

interactions entre les particules, et les interactions entre la matrice et la charge. Il paraît donc

intéressant d’analyser les variations de module élastique de ces matériaux en fonction de la

température, car celle-ci va modifier la mobilité de la matrice et du polymère lié, sans

modifier outre mesure la morphologie du réseau.

Nous avons calculé l’énergie d’activation associée à la décroissance de G’ avec la

température. L’hypothèse d’une activation de type d’Arrhenius est faite en représentant

ln(G’*273/T)= ln(G’o) –Ea / RT en fonction de 1/T. Cette équation suppose que le module est

directement proportionnel au nombre de sites régi par ce processus Arrhénien. Les énergies

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

150

d’activation Ea sont déterminées en ajustant linéairement la courbe de module élastique

(corrigé de l’effet entropique du réseau (*273/T) dans le plateau caoutchoutique).

Echantillon Energie d’activation (kJ/mol) (±1)

Si 43 Ar8-25 43 Ar8-50 42 Ar8-75 41

Ar8-100 39 Ar8-125 38

AR16 37

Tableau IV-2 : Mesures d'énergie d'activation dans le plateau caoutchoutique

Le calcul des énergies d’activation montre une diminution régulière avec le taux d’AR8 ou

avec la longueur de la chaîne. L’énergie à fournir pour observer une chute du module diminue

donc avec le recouvrement de la charge. Ce phénomène thermiquement activé pourrait être

associé à un changement d’équilibre, progressif avec la température, du ratio de segment de

chaînes adsorbées et désorbées physiquement à l’interface entre la matrice et la charge. Cela

conduirait à une diminution de la quantité de polymère lié par rapport à celle de la matrice.

On peut également envisager l’existence d’un gradient de mobilité du polymère, de la surface

de la charge vers la matrice, à l’origine d’un gradient de rigidité. L’augmentation de la

température conduirait alors à une agitation thermique plus importante capable de

contrebalancer progressivement les contraintes topologiques induites par la multiadsorption

des chaînes à la surface des charges. Ces deux mécanismes diffèrent par leur localisation dans

la couche de polymère lié. Le premier fait d’abord intervenir les contacts matrice-charge (i.e.

les sites d’adsorption), le second la frontière entre la matrice et le polymère à mobilité réduite.

Ils restent difficiles à distinguer du fait de la faible épaisseur de polymère concernée

(quelques nm).

IV.3.1.4 Conclusion - modèle de morphologie

L’ensemble des résultats permet donc maintenant de proposer un modèle de morphologie

pour nos matériaux. De manière globale, on peut voir le matériau comme un ensemble

d’agrégats reliés par des liaisons fortes (type hydrogène) et des liaisons faibles avec le

polymère lié. Du fait de l’absence de réseau percolant silice-silice, on peut raisonnablement

décrire la structure de charges comme un assemblage de sous-structure (agrégats liés par des

liaisons fortes) reliés par du polymère lié (cf. Figure IV-8). Par la suite, nous utiliserons la

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

151

notation réseau (S-PL-S) pour désigner cette structure. L’épaisseur de la couche de polymère

lié diminuant avec la présence croissante du greffage permet d’expliquer en grande partie la

chute de rigidité mesurée dans le domaine linéaire pour les matériaux avec agents de

recouvrement. De plus, en augmentant la température, l’épaisseur de la couche de polymère

lié diminue (soit par desadsorption, soit du fait de l’agitation thermique plus importante) et

conduit à la rupture d’un certain nombre de liens entre les sous structures (sans modifier la

rigidité de la sous-structure) d’où une chute de module (cf. Figure IV-9).

Il est important de rappeler que la réticulation de la matrice proche de la charge est

légèrement modifiée en présence du traitement de surface. De plus, comme le montre la figure

IV-8, la rigidité des agglomérats peut également être influencée par la présence du greffage.

On peut supposer que les contacts charge-charge subsistent en nombre égal (même

dispersion) en présence du greffage mais localement, l’intensité des interactions tendrait à

diminuer. Toutefois, dans le domaine de très petites déformations (comportement

viscoélastique), les agglomérats ne seraient que peu sollicités, la déformation agirait

principalement sur les liaisons entre les agglomérats par le biais de la couche de polymère lié.

Matrice réticulée

Silice avec et sans

greffage

Polymère lié

Aggrégat

OHOH

OH

OHOH

OH

OH

OH

RR

R

ROH

OH

OH

Figure IV-8 : Schéma du réseau impliquant des agglomérats de charges et une couche de polymère lié en fonction du traitement de surface : l’utilisation des agents de recouvrement conduit à une diminution de l’épaisseur de polymère lié ce qui limite la rigidité du réseau S-PL-S. Au sein d’une sous structure, le greffage peut modifier l’intensité des interactions charge-charge.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

152

Matriceréticulée

Silice avec

greffage

Polymère lié

OH

RR

R

ROH

OH

OH

OH

RR

R

ROH

OH

OH

Figure IV-9 : Schéma du réseau impliquant des agglomérats de charges et une couche de polymère lié en fonction de la température : l’épaisseur de la couche de polymère diminue et réduit le nombre de contacts entre sous-structures

En d’autres termes, les déformations mises en jeu dans le domaine linéaire n’engendreraient

pas de réelle modification des sous-structures du composite. Des déformations plus

importantes devraient générer des changements dans l’organisation des agglomérats et dans

l’épaisseur ou la rigidité de la couche de polymère les reliant. D’ailleurs dans le cas de la

silice non traitée, les mesures d’effet Payne lors des deux déformations ont déjà fait apparaître

de nombreux mécanismes (réversibles et irréversibles) dont certains mettaient en jeu

directement les interactions charge-matrice. C’est pourquoi il paraît particulièrement

intéressant d’étudier de manière approfondie l’effet Payne des matériaux avec agent de

recouvrement.

IV.3.2 Viscoélasticité non linéaire

IV.3.2.1 Premier balayage en déformation :effet sur le module initial

Comme dans le cas de la silice brute, nous avons réalisé lors des essais deux balayages

successifs. Les résultats sont illustrés par la Figure IV-10 pour quelques matériaux de la série

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

153

AR8 (Figure IV-10a) et ARn (Figure IV-10b). Ces courbes sont représentatives de l’ensemble

des données expérimentales obtenues, certains matériaux ont été omis par souci de lisibilité.

1E-3 0.01 0.1 10.0

2.0x106

4.0x106

6.0x106

8.0x106

1.0x107

1.2x107

1.4x107

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

1er balayageen déformation

Si AR8-25 AR8-75 AR8-125

2ièmebalayage Si AR8-25 AR8-75 AR8-125

a)

1E-3 0.01 0.1 10.0

2.0x106

4.0x106

6.0x106

8.0x106

1.0x107

1.2x107

1.4x107

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

1er balayage en déformation

Si AR1 AR8 AR16

2ième balayage Si AR1 AR8 AR16

b)

Figure IV-10: Influence du premier et du deuxième balayage en déformation sur les valeurs de G’, a) pour différents taux d’AR-8, b) pour différentes longueurs de chaînes alkyles.

Les observations faites pour la silice non traitée sont donc confirmées. On observe une chute

marquée de G’0 entre les deux balayages et une apparition de la non linéarité pour des

déformations plus faibles lors du deuxième balayage. En ce qui concerne G’∞, on observe

toujours que les valeurs chutent en dessous de l’estimation de Guth et Gold. Pour des

déformations égales à 0.2, on constate que les différences de G’∞ / 0.2 entre premier et

deuxième balayage sont faibles. Afin de comparer les différents matériaux, les courbes de la figure IV-11 montrent la

différence entre les deux modules initiaux G’0-1 et G’0-2. La différence entre ces deux

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

154

grandeurs (G’0-1 - G’0-2 ) est tracée en fonction des taux d’AR8 introduits (cf. figure IV-11a).

Les courbes en fonction de la longueur des chaînes alkyles sont présentées figure IV-11b.

Comme déjà évoqué au paragraphe IV-1.1.2, on observe une grande sensibilité à la première

déformation pour la silice non traitée. La différence entre les deux modules est sensible à la

présence du greffage mais ne semble pas dépendre de la quantité introduite et de la taille de

celui-ci. Les valeurs de ∆G’∞ / 0.2 (non présentées), correspondant à la différence de valeurs de

G’∞ / 0.2 entre les deux balayages en déformation, se situent entre 0.5MPa pour la silice non

traitée et 0.2 et 0.1 MPa en présence de greffage. Elles évoluent de la même manière que

∆G’0.

0 20 40 60 80 100 120 1400

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

Mod

ule

élas

tique

initi

al, G

' O (M

Pa)

AR8 - Taux (%)

G'0-1 G'0-2 ∆G'0

a)

0 2 4 6 8 10 12 14 16 180

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

Mod

ule

élas

tique

initi

al, G

' O (M

Pa)

ARn, Longueur de la chaîne alkyle (nC)

G'0-1 G'0-2 ∆G'0

b)

Figure IV-11: Influence de la première déformation sur le module élastique initial G’0 a) en fonction du taux d’ AR-8, b) en fonction de la longueur de la chaîne alkyle (ARn)

Comme le greffage ne semble pas le paramètre prépondérant, on peut s’interroger sur la

différence qui existe entre d’une part les silices traitées et d’autre part la silice non traitée.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

155

Nous avons réalisé des essais avec le même protocole sur des mélanges crus (non réticulés).

L’endommagement prématuré de ces mélanges ne permet pas d’appliquer des déformations

aussi importantes : les balayages en déformation ne dépassent pas pour ces échantillons γ ≈

0.04 (au lieu de 1). On observe des différences, par rapport aux systèmes réticulés, en terme

de chute de module initial G’01-G’02. Cette chute de module n’est pas observable dans le cas

des mélanges avec la silice greffée (où la contrainte maximale imposée est de l’ordre de

0.1MPa). A l’opposé, une chute du module (G’01-G’02) est observable pour la silice brute mais

cette fois les contraintes intervenant sont deux fois plus importantes (0.2 MPa). Ces

observations suggèrent que les niveaux de contrainte atteints lors du premier balayage sont

déterminants.

Nous avons donc calculé les contraintes mises en jeux durant le premier balayage pour les

différents systèmes ( figure IV-12). Ces courbes montrent que le mélange chargé avec la silice

non traitée subit une contrainte plus importante que l’ensemble des mélanges avec les silices

greffées. Lors du premier balayage en déformation, un certain nombre de ruptures de liaisons

silice-silice se produiraient au sein des sous structures (cf. figure IV-8). La restauration de ces

agglomérats est très lente et quasi-impossible dans les temps de l’expérience. Lors des

balayages en déformation suivants, la contribution de ces sous-structures au module global du

matériau se trouvent atténuée.

1E-4 1E-3 0.01 0.1 1

0.0

2.0x105

4.0x105

6.0x105

8.0x105

1.0x106

Con

train

te (P

a)

Déformation en cisaillement, γ (mm/mm)

Si Ar8-25 Ar8-50 Ar8-75 Ar8-100 Ar8-125

a)

1E-4 1E-3 0.01 0.1 1

0.0

2.0x105

4.0x105

6.0x105

8.0x105

1.0x106

Con

train

te (P

a)

Déformation en cisaillement, γ (mm/mm)

Si AR1 AR3 AR8 AR16

b)

Figure IV-12: Contrainte appliquée pendant la première déformation, a) pour différents taux d’AR-8, b) pour des silanes de différentes longueurs.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

156

Bien que la chute de module (G’0-1- G’0-2 ) soit constante quel que soit le taux d’AR8 et la

longueur de chaînes alkyles (spacer), une évolution (identique) de G’0-1 et G’0-2 avec ces deux

paramètres est néanmoins observable. Nous avons donc représenté ces évolutions en fonction

des mesures de polymère lié (cf. figure IV-13). On retrouve bien, sur cette représentation la

différence entre premier et deuxième balayage (écart pour un matériau donné entre symboles

ronds et carrés). Cette différence correspond à la contribution des mécanismes non réversibles

mis en jeu lors du premier balayage. Dans le cas du deuxième balayage (symboles ronds), la

courbe montrent une quasi-linéarité dans le cas du recouvrement progressif de la silice par

l’agent de recouvrement AR8 ainsi que pour les différents agents de recouvrement de la série

ARn. Cette linéarité confirme l’importance du polymère lié dans le mécanisme réversible

d’effet Payne. Une exception à la linéarité est observable pour le mélange AR16 mais, comme

nous le verrons par la suite, ce dernier montre lors de la première déformation un

endommagement conséquent dès les déformations supérieures à 0.1.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

157

0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.93

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

Taux 0% à 125%

Mod

ule

élas

tique

, G' (

MP

a)

Polymère lié (g/g de silice)

Mélanges Série AR8 G'0-1 G'0-2

a)

0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,81

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

Fort endommagement après le 1erbalayage

Longueur de chaîne alkyle nC 0 à 16

Mod

ule

élas

tique

, G0'(

MP

a)

Polymère lié (g/g silice)

Mélanges série ARn G'0-1 G'0-2

b)

Figure IV-13 : évolution des modules initiaux en fonction du taux de polymère lié, a) série AR8, b) série ARn

Pour résumer, lors de la première déformation, les mesures d’effet Payne implique la rupture

d’une partie des liaisons charge-charge qui assurent la cohésion des sous-structures du réseau

(S-PL-S). Ces ruptures sont à l’origine de la chute (G’0-1- G’0-2 ) et dépendent du niveau de

contrainte appliquée au matériau. Après la première déformation, et pour toutes les

déformations ultérieures (si la contrainte maximale appliquée ne change pas), l’influence du

polymère lié devient prépondérante sur la valeur du module initial (G’0-2).

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

158

IV.3.2.2 Premier balayage en déformation : effet sur le facteur de perte

La figure IV-14 présente les courbes de tanδ obtenues lors du premier (symboles pleins) et du

deuxième balayage (symboles creux) pour différents systèmes avec agent de recouvrement

AR8 (FigureIV-14a) et ARn (FigureIV-14b). Là encore, certains matériaux ont été omis par

souci de lisibilité. Le nombre élevé de courbes permet de faire ressortir les tendances fortes en

terme de dissipation d’énergie.

1E-4 1E-3 0.01 0.1 1

0.15

0.20

0.25

0.30

0.35

0.40

1er balayage en déformation Si AR-25 AR-75 AR-125

2ieme balayage Si AR-25 AR-75 AR-125

tanφ

Déformation, γ (mm/mm)

a)

1E-4 1E-3 0.01 0.1 1

0.10

0.15

0.20

0.25

0.30

0.35

0.402ième balayage

Si AR1 AR8 AR16

1er balayage en déformation Si AR1 AR8 AR16

Tan

φ

Déformation, γ (mm/mm)

b)

Figure IV-14 : influence du premier balayage et du deuxième balayage sur les valeurs du facteur de perte, a) série AR8, b) série ARn

Tout d’abord, on observe systématiquement un niveau de tanδ plus élevé aux très faibles

déformations lors du deuxième passage. Or l’application d’une première déformation

provoque des dégâts irréversibles qui conduisent à la chute de G’0. La réponse du matériau

présente lors du balayage suivant un comportement où la composante visqueuse du module

serait plus importante (rappelons que le facteur de perte est le rapport de G’’/G’).

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

159

Lors du deuxième balayage, le pic de tanδ semble décalé vers les plus faibles déformations.

On pourrait croire que la non-linéarité est plus précoce. En fait, la superposition des courbes

pour les grandes déformations indique qu’il n’en est rien. La chute de module mesurée lors du

premier balayage est la conséquence à la fois du mécanisme responsable de la chute de

module observée lors du deuxième balayage, et d’une modification progressive et irréversible

de la structure du réseau induite par l’augmentation, à chaque incrément de déformation, du

niveau de contrainte maximal que voit le matériau.

Aux plus grandes déformations, on observe pour certains matériaux (AR8-100 et AR8-125,

AR16) un plateau voire une remontée du facteur de perte indiquant l’apparition d’un nouveau

mécanisme dissipatif. Il est observé sur les deux balayages, il est donc réversible à l’échelle

du temps de notre expérience. On l’attribue à l’apparition d’un endommagement car comme

nous le verrons dans le chapitre V, il se manifeste en traction sous la forme de cavitations. Ce

dernier point suggère que le matériau présente dans ce cas un comportement fortement non-

linéaire au cours d’un cycle de sollicitation. Les valeurs de modules et de tan δ qui en sont

déduites sont alors à discuter avec précautions.

En conclusion, les observations faites en terme de dissipation étayent l’hypothèse proposée

précédemment. Lors du 1er balayage en déformation, on observe, en même temps que le

phénomène qui sera observé lors du deuxième balayage, un phénomène assimilable à l’effet

Mullins résultant de la destruction des agglomérats de silice (ou sous structures) au sein du

réseau (S-PL-S). Ce phénomène met donc principalement en jeu des aspects irréversibles. On

remarque qu’il est plus sensible à l’état de contrainte appliquée qu’au traitement de surface.

Cela suggère qu’au niveau du contact, il suffit de greffer une molécule silane pour diminuer la

rigidité de la sous-structures.

Lors du deuxième balayage, la chute de module est cette fois uniquement associée aux

modifications des interactions entre les sous structures par le biais du polymère lié, ce qui

explique la réversibilité. C’est ce que nous choisirons d’appeler Effet Payne dans la suite de

ce travail. Cette modification pourrait être le résultat d’une désadsorption des chaînes du

polymère lié sous l’effet de la contrainte. Cela conduirait ainsi à une mobilité plus grande de

ce polymère (à la fois par une diminution directe du nombre de sites d’ancrage et par la

libération des enchevêtrements piégés par ces sites) et donc à une diminution de la rigidité du

lien entre sous structure. Une seconde hypothèse serait que l’apport d’une énergie mécanique

permettrait l’activation thermomécanique de la relaxation principale des chaînes du polymère

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

160

lié, dont la mobilité serait graduellement de plus en plus faibles lorsqu’on se rapproche de la

surface de la charge. Il faut noter que l’effet Payne est parfois suivi de l’apparition d’un autre

phénomène, également réversible, mais plus fortement dissipatif, qui serait du à une

désadhésion totale (après désadsorption progressive ou affaiblissement progressif de la

couche de polymère lié) entre certaines surfaces de charges et la matrice. La friction entre les

surfaces ainsi créées serait alors responsable de la forte dissipation mesurée au cours du cycle

de mesure.

Finalement les mesures faites lors des deux balayages permettent d’observer pour un même

échantillon de manière différente la contribution des agglomérats de charge et des interactions

charge matrice. Beaucoup d’auteurs ne considèrent que la première déformation lors de

l’analyse de l’effet Payne et donc l’interprètent en terme de désagglomération. Lors de la

première déformation la sous structure (interactions charge-charge) évolue avec la

déformation. Afin de mieux comprendre la contribution du polymère lié lors de l’effet Payne,

la suite de ce chapitre se focalisera sur le deuxième balayage en déformation.

IV.3.2.3 Effet Payne : effet du taux d’agent de recouvrement Les courbes de la figure IV-15a, montrent l’évolution de G’ au cours du deuxième balayage

en déformation. La figure IV-15b permet d’apprécier l’évolution du module initial (G’0), du

module infini (G’∞ / 0.2) et de l’amplitude d’effet Payne (G’0 - G’∞ / 0.2) en fonction du

recouvrement de la surface pour la série de mélange (AR8).

1E-4 1E-3 0.01 0.1 10

1x106

2x106

3x106

4x106

5x106

6x106

7x106

8x106

Mod

ule

G' (

Pa)

Déformation (mm/mm)

Si Ar8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

a)

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

161

0 20 40 60 80 100 120 140

1x106

2x106

3x106

4x106

5x106

6x106

7x106

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

AR8 - Taux (%)

G'0 G'oo / 0.2 ∆G'

b)

Figure IV-15 : a) Module élastique en fonction de la déformation, b) Module élastique initiale G’0 et infini G’∞ / 0.2 en fonction du recouvrement (AR8)

Lorsque le taux d’AR8 augmente (c’est à dire lorsque le taux de polymère lié diminue) et ce

jusqu’à la valeur de recouvrement de 75%, on constate que le module initial diminue

fortement. Pour le taux supérieur, le module initial G’0 n’évolue quasiment plus. Par contre, le

module infini G’∞ / 0.2 n’est que peu sensible aux traitements de surface. Il chute légèrement

avec le recouvrement et se stabilise à une valeur très proche de l’estimation de Guth et Gold.

L’évolution de l’amplitude de l’effet Payne avec le recouvrement progressif de la surface de

la silice est donc essentiellement liée à l’évolution de la valeur du module initial. La chute du

module est d’autant plus marquée que la valeur de polymère lié est grande et contribue à la

rigidité initiale du réseau S-PL-S. L’effet Payne serait donc du à l’effet de la diminution des

transferts de contraintes entre sous structures, par augmentation locale de la mobilité du

polymère lié.

Apparition de la non-linéarité

Ensuite, on peut évaluer l’influence du recouvrement sur l’apparition de la non linéarité. Les

valeurs de la déformation et de la contrainte correspondant à une perte de linéarité de 5% sont

représentées en fonction du taux de recouvrement sur la figure IV-16. Compte tenu de

l’imprécision sur la mesure (± 5 10-4), la déformation à partir de laquelle commence la chute

de module G’, est comprise entre 1.5 10-3 et 2.2 10-3 et ne présente pas d’évolution

significative en fonction du recouvrement. La contrainte de perte de linéarité (pour laquelle la

précision est évaluée à ± 1500 Pa) diminue considérablement avec la présence de greffage et

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

162

l’augmentation de celui-ci. La non-linéarité commencerait pour des valeurs proches en

déformation mais des contraintes différentes.

1E-3 0.01 0.1

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Nor

mal

isat

ion

(G' -

G' oo

)/(G

' 0 - G

' oo)

Déformation, γ (mm/mm)

Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

a)

0 20 40 60 80 100 120 1400.0000

0.0005

0.0010

0.0015

0.0020

Chute d'effet Payne de 5%

AR8 - Taux (%)

Déf

orm

atio

n (m

m/m

m)

6000

8000

10000

12000

14000

16000

Con

train

te (P

a)

b)

Figure IV-16 : a) courbes de module élastique normées, b) déformation et contrainte de perte de linéarité (5% d’amplitude d’effet Payne)

Aspects dissipatifs

La figure IV-17 montre les courbes du module de perte et du facteur de perte en fonction de la

déformation pour la série AR8.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

163

1E-4 1E-3 0.01 0.1 1

2.0x105

4.0x105

6.0x105

8.0x105

1.0x106

1.2x106

1.4x106

1.6x106

1.8x106

Mod

ulus

G'' (

MPa

)

Deformation, γ (mm/mm)

Si Ar8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

a)

1E-3 0.01 0.1 1

0.20

0.25

0.30

0.35

0.40

0.45

fact

eur d

e pe

rte, t

an δ

Déformation, γ (mm/mm)

Si Ar8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

b)

Figure IV-17 : a) Module de perte G’’, b) facteur de perte, en fonction de la déformation

Le module G’’ présente un pic centré sur une déformation proche de 0.01 pour l’ensemble des

matériaux. Son maximum chute avec le recouvrement de la charge. Comme dans le cas du

module G’, les mesures montrent un phénomène de saturation pour les forts taux de

recouvrement, à partir des taux supérieurs à 100% (IV-17a). Il existe donc une forte

corrélation entre les aspects dissipatifs de l’effet Payne et la quantité de polymère lié (donc le

recouvrement de la surface).

Les courbes de facteur de perte des différents matériaux sont présentées figure IV-17b. Les

valeurs de tan δ sont comprises entre 0.2 et 0.25 aux très faibles déformations. Le maximum

de facteur de perte tan δ apparaît pour une déformation équivalente γ=0.02 pour l’ensemble

des matériaux. On n’observe pas de tendance nette au niveau de la valeur maximale de tan δ.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

164

Après le maximum du pic, le facteur de perte décroît pour les mélanges avec la silice non

traitée et pour les faibles valeurs de recouvrement (25 et 50%) alors qu’il réaugmente pour les

recouvrements plus importants. Pour AR8-75 cette forte dissipation commencerait pour une

déformation γ≈ 0.146 et une contrainte de 0.32MPa. Pour les mélanges AR8-100 et AR8-125,

elle se manifeste plus précocement pour une déformation γ≈ 0.08 correspondant à une

contrainte 0.13MPa. Le mécanisme associé à cette manifestation de dissipation d’énergie a

lieu de manière significative pour les échantillons où les taux de polymère lié sont les plus

faibles (les taux de greffage les plus élevés). Il intervient suite à l’effet Payne, qui

correspondrait à la diminution de la quantité de polymère lié assurant la connexité du réseau

renforçant. On associe donc cette manifestation à un phénomène de friction des chaînes sur la

surface de la charge, cela étant d’autant plus fréquent que le nombre de sites d’absorption à la

surface est plus faible. A noter que les mêmes mécanismes à l’interface conduiraient, pour

une sollicitation en traction, à l’apparition d’endommagement sous la forme de cavitation.

En conclusion, le recouvrement progressif de la surface par un agent de recouvrement (AR8)

conduit à une diminution de l’effet Payne, i.e. principalement due à la chute du module initial.

Cette chute serait due à la « mobilisation » progressive de la couche de polymère lié assurant

le contact entre deux sous-structures. Pour les plus grandes déformations, un phénomène

d’endommagement est observable et ce dernier est exacerbé avec les forts taux de

recouvrement de la surface (100% et 125%).

L’utilisation de molécules de différentes tailles à recouvrement constant conduit également à

une diminution du taux de polymère lié. Nous allons donc maintenant examiner si l’on

observe les mêmes conséquences sur l’effet Payne.

IV.3.2.4 Effet Payne : effet de la longueur de l’agent de recouvrement Comme précédemment, les courbes présentées par la figure IV-18 décrivent l’évolution du

module G’ pour le deuxième balayage en déformation.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

165

1E-3 0.01 0.1 10

1x106

2x106

3x106

4x106

5x106

6x106

7x106

8x106

Si Ar1 Ar3 Ar8 Ar16

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

déformation, γ (mm/mm)

a)

0 2 4 6 8 10 12 14 16

1

2

3

4

5

6

7

Mod

ule

élas

tique

, G' (

MP

a)

ARn - Longueur de la chaîne alkyle (nC)

G'0 G'oo /0.2 ∆G'

b)

Figure IV-18 : a) Module élastique en fonction de la déformation, b) Module élastique initiale G’0 et infini G’∞ / 0.2 en fonction du recouvrement (AR)

On observe des tendances tout à fait similaires à celles observées pour la série AR8 : lorsque

la longueur de l’agent de recouvrement augmente, l’amplitude de l’effet Payne diminue par

diminution du module initial alors que la valeur de G’∞ / 0.2 est quasi identique. Par contre, le

phénomène de saturation de l’amplitude de l’effet Payne pour les forts taux n’apparaît pas (cf.

figureIV-15b). Cela pourrait être attribué à l’effet plastifiant lié à la présence d’AR16 au sein

de la matrice.

La figure IV-19 décrit la perte de linéarité, en contrainte et en déformation, en fonction de la

longueur de la chaîne alkyle. La linéarité cesse pour des déformations du même ordre que

celles mesurées pour les échantillons AR8, comprises entre 2 10-3 et 2.5 10-3 (± 5 10-4). On

constate également la même évolution de la contrainte à appliquer pour observer la perte de

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

166

linéarité. On retrouve donc, comme pour la série AR8, que l’effet Payne est plutôt dépendant

de la déformation. Une manière de le vérifier est de tracer les courbes de chute de module

normalisé par rapport à l’écart maximum de module (Figure IV-19a).

1E-3 0.01 0.1

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Nor

mal

isat

ion

(G' -

G' oo

)/(G

' 0 - G

' oo)

Déformation, γ (mm/mm)

Si AR1 AR3 AR8 AR16

a)

0 2 4 6 8 10 12 14 16 180.0000

0.0005

0.0010

0.0015

0.0020

0.0025

Chute d'effet Payne de 5%

AR - longueur de chaîne alkyle (nC)

défo

rmat

ion

(mm

/mm

)

8000

9000

10000

11000

12000

13000

14000

15000

Con

train

te (P

a)

b)

Figure IV-19 : a) courbes de module élastique normées, b) déformation et contrainte de perte de linéarité (0.05*∆G’)

Aspects dissipatifs

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

167

1E-3 0.01 0.1 1

2.0x105

4.0x105

6.0x105

8.0x105

1.0x106

1.2x106

1.4x106

1.6x106

1.8x106

Mod

ule

de p

erte

, G'' (

Pa)

déformation, γ (mm/mm)

Si AR1 AR3 AR8 AR16

a)

1E-4 1E-3 0.01 0.1 10.15

0.20

0.25

0.30

0.35

0.40

Fact

eur d

e pe

rte, t

anδ

déformation, γ (mm/mm)

Si AR1 AR3 AR8 AR16

b)

Figure IV-20 : a) Module de perte G’’, b) facteur de perte, en fonction de la déformation.

Comme représenté sur les courbes de la figure IV-20, le pic de G’’ est centré sur une

déformation de 0.01 alors que celui de tan δ apparaît pour une déformation proche γ=0.02.

Ces déformations sont identiques pour l’ensemble des matériaux (comme pour la série AR8).

Les valeurs de G’’ et de tan δ montrent un maximum qui diminue avec la longueur de la

chaîne, sans effet de saturation.

Dans le cas d’AR16, le pic de G’’ devient quasi inexistant et la valeur de G’’ reste identique à

celle observée pour les plus petites déformations. Suite à cette observation, on pourrait

conclure que l’allongement du spacer (chaîne alkyle) permet de diminuer voir supprimer les

effets dissipatifs associés à l’effet Payne. Toutefois, les agents qui présentent un spacer de

longueur élevée conduisent également à l’apparition du deuxième effet dissipatif aux plus

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

168

grandes déformations (cf. figure IV-20b). Dans le cas de l’AR16, on constate que ce

deuxième effet devient prédominant : la dissipation est quasiment continûment croissante. On

retrouve que la deuxième manifestation de dissipation d’énergie a lieu de manière

significative pour les échantillons où les taux de polymère lié sont les plus faibles. Nous

avons proposé que les mécanismes associés à cette dissipation d’énergie soient des

frottements à l’interface matrice-charge créée après désadsorption ou relaxation du polymère

initialement lié. Cet ‘endommagement’ se manifeste pour une déformation γ≈ 0.146 et une

contrainte de 0.32MPa dans le cas de l’échantillon AR8. Pour AR16, la déformation et la

contrainte diminuent encore γ≈0.05 et la contrainte vaut 0.09MPa. D’ailleurs, si on compare

la courbe de tanδ de l’AR16 à celle obtenue pour l’AR8-125 (cf. figure IV-21), on constate

que le mécanisme est plus intense pour l’échantillon AR16. On interprète cet effet par une

désorption des chaînes de la couche de polymère lié facilitée par le plus fort encombrement

stérique d’AR16.

1E-3 0.01 0.1 10.15

0.20

0.25

0.30

0.35

0.40

Fact

eur d

e pe

rte, t

anδ

Déformation, γ (mm/mm)

AR16 AR8-125

Figure IV-21 : Facteur de perte en fonction de la déformation pour les échantillons AR16 et AR125.

Finalement, les observations des courbes de G’’ et de facteur de perte pour les échantillons de

la série ARn permettent de confirmer les conclusions tirées de l’étude des échantillons AR8 à

propos des mécanismes de dissipation d’énergie pour les déformations inférieures à 1.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

169

IV.3.2.5 Conclusion

Nous venons de voir que les deux séries de matériaux avec agent de recouvrement font

apparaître des tendances tout à fait similaires. Tout d’abord, la chute de G’ associée à l’effet

Payne s’observe pour des déformations quasi identiques quels que soient les échantillons. Les

différences viennent principalement de la différence de module initial G’0, ce qui va

conditionner la valeur de la contrainte pour laquelle la non-linéarité va apparaître.

Or comme nous l’avions déjà proposé à la vue des résultats de spectrométrie mécanique, les

valeurs de module initial sont fortement dépendantes de la morphologie complexe de ces

élastomères chargés. Cette morphologie présente différents niveaux d’échelle comme

schématisée sur la figure IV-8. Le polymère lié assure la connexité macroscopique d’un

réseau composé de sous-structures où les liaisons entre agrégats sont des liaisons silice-silice.

Lors d’un premier balayage, de nombreux mécanismes de déformations sont mis en jeu à la

fois de nature réversible (déformation du polymère, réduction de la quantité effective de

polymère lié, i.e. à mobilité réduite) et irréversible (rupture des liaisons silice-silice intra

agglomérats, de chaînes polymères les plus courtes, glissements des sites d’adsorption sur la

surface des charges comme décrit par Boosnstra). Bien évidemment, seul le premier type de

mécanismes permet un recouvrement (de ce fait uniquement partiel) de la valeur du module

initial G’0 entre un premier et un deuxième balayage.

Lors du deuxième balayage, tant que la déformation ne dépasse pas la valeur maximale

appliquée lors du premier passage, les effets sont uniquement de nature réversible. C’est cet

effet que nous appelons effet Payne. L’ensemble des données quantitatives ont été résumées

dans le tableau IV- 3.

• La perte de linéarité est observée pour une déformation équivalente pour l’ensemble

de ces traitements, les contraintes sont alors liées à la valeur de module initial

correspondant.

• L’amplitude de l’effet Payne résulte directement de la variation de module initial, le

module infini est peu sensible au traitement de la surface avec des agents de

recouvrement. Cette variation résulterait d’un mécanisme thermo-mécaniquement

activé au sein du polymère lié. Une première possibilité est une réduction de son

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

170

épaisseur, de la matrice vers la charge. La seconde est une désadsorption progressive à

l’interface charge-matrice. Les deux scénarii conduisent à une mobilité

progressivement plus importante de la matrice au voisinage des charges, dans les

zones assurant la jonction entre sous structures (cf. Figure IV-22). Il faut ajouter que,

pour les faibles recouvrements de silane ou les molécules courtes (AR1 et AR3), ce

mécanisme pourrait être également influencé (limité) par la réticulation hétérogène (cf.

chapitre III).

• Les effets dissipatifs associés à l’effet Payne sont mis en évidence par l’apparition

d’un pic de facteur de perte. Ce pic apparaît pour une déformation identique pour

l’ensemble des échantillons mais son intensité diminue toutefois avec la longueur de la

chaîne alkyle alors qu’il reste relativement stable lorsqu’on augmente le taux d’AR8.

Pour les taux plus faibles de polymère lié (épaisseur de la couche de polymère lié

inférieure à 2nm), on observe l’apparition d’un mécanisme dissipatif aux taux de

déformation plus élevés. Cette forte dissipation correspondrait à la friction aux

interfaces engendrées par la désadsorption totale des chaînes du polymère lié.

Perte effet Payne 5% ∆G’ tanδ, endommagement

Série Echantillons Déformation

(±5 10-4)

Contrainte

(Pa) (±1500)

(MPa) Déformation Contrainte

(MPa)

Si Si 15000 5.3 - -

AR8-25 15000 3.3 - -

AR8-50 3.2 - -

AR8-75 2.5 0.146 0.32

AR8-100

2.35 0.08 0.13

AR8

AR8-125 6000 2.6 0.08 0.13

AR1 14500 4.4 - -

AR3 4.3 - -

AR8 3.8 0.146 0.32

AR16 8000 2.0 0.049 0.09

AR

Con

stan

t ent

re 0

.001

5 et

0.0

020

Tableau IV-3 : bilan pour les échantillons des séries AR8 et AR de la perte de linéarité de 5% et de l'endommagement.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

171

Matriceréticulée

Silice

Polymère lié

Aggrégat

Après le premier balayageen déformation

G’0-2

Durant le deuxième balayageen déformation: effet Payne

Mécanismes irréversibles

Figure IV-22 :Schéma illustrant les mécanismes mis en jeu dans l’effet Payne : sous l’effet de la déformation, la quantité de polymère à mobilité réduite (polymère lié) diminue ce qui limite la rigidité du réseau S-PL-S.

IV.4 Influence de l’agent de couplage

IV.4.1 Viscoélasticité linéaire

La série de mélanges étudiée dans cette partie correspond aux systèmes chargés avec de la

silice traitée avec différents taux d’agent de couplage. Les taux introduits correspondent

théoriquement au même recouvrement que la série (AR8) en présence d’agent de

recouvrement. Cependant, comme cela est indiqué dans le chapitre III, l’estimation de

l’épaisseur de la couche de polymère lié n’a pas été possible dans le cas de ces systèmes.

Néanmoins les mesures de reprises en eau (cf. Chapitre III) permettent d’estimer que le

recouvrement maximal de la surface est obtenu pour un taux de l’ordre de 75%. Au-delà de ce

taux, l’agent de couplage en excès (non greffé) peut polycondenser au voisinage de la surface

ou dans la matrice, augmentant ainsi le taux de réticulation de l’élastomère.

IV.4.1.1 Viscoélasticité linéaire Les courbes de la figure IV-23 montrent la dépendance en température des modules G’, G’’ et

du facteur de perte tanδ obtenus par torsion dynamique dans le domaine linéaire.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

172

Figure IV-23 : a) Module élastique, b) module de perte, c) facteur de perte, en fonction de la température et d) Module élastique à 300K en fonction du taux d’AC

En ce qui concerne les modules, on constate que l’augmentation du taux d’agent de couplage

n’affecte pas les valeurs du module élastique dans le plateau vitreux. Par contre, dans le

plateau caoutchoutique, les différences apparaissent. La valeur du module G’ pour une

température donnée (300K, figure IV-23d), décroît avec le recouvrement de l’agent de

couplage jusqu’à une valeur seuil de 75%. Les valeurs de module G’ réaugmentent ensuite

pour les taux d’agent de couplage supérieurs. Cette réaugmentation est la différence

essentielle entre les résultats de la série AC par rapport à ceux de la série AR8. Dans le cas

des agents de couplage, deux phénomènes expliquent ces résultats :

• Le recouvrement de la charge jusqu’à 75% qui fait baisser le module comme un agent de

recouvrement

• Le couplage avec la matrice qui augmente la réticulation de la matrice.

En ce qui concerne le pic de relaxation principale α , on constate que la position du maximum

de module de perte (figure IV-23b) ou celle du maximum de tanδ (figure IV-23c) ne sont pas

150 200 250 300 350 400

106

107

108

109M

odul

e él

astiq

ue, G

'(Pa)

Température (K)

Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125

a)

150 200 250 300 350 400

105

106

107

108

109

Mod

ule

de p

erte

, G'' (

Pa)

Température (K)

Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125

b)

150 200 250 300 350 400

0.01

0.1

1

Deuxième pic de relaxation

Relaxation α

Fact

eur d

e pe

rte, t

anδ

Température (K)

Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125

c)

0 20 40 60 80 100 120 140

2

4

6

8

10Température 300 K

Mod

ule

élas

tique

, G' (

MP

a)

AC - Taux (%)

d)

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

173

affectées par le taux d’agent de couplage. Ainsi, la réticulation croissante des mélanges avec

des taux d’agent de couplage croissants, ne semble pas affecter la position de la relaxation α.

Par contre, l’amplitude du pic de facteur de perte est plus faible pour la silice non traitée ou

faiblement traitée. Cela est en accord avec la variation de module dans le plateau

caoutchoutique, car l’amplitude du pic de relaxation principale α varie souvent comme la

chute de module entre les plateaux vitreux et caoutchoutique. Aux plus hautes températures,

on note, comme dans le cas des matériaux avec agent de recouvrement, la présence d’un

deuxième pic. Après déconvolution, les aires respectives des deux pics ont été estimées et

leurs évolutions en fonction du taux d’agent de couplage sont rapportées Figure IV- 24.

0 20 40 60 80 100 120 140

10

15

20

25

30

Aire

du

pic

de re

laxa

tion

AC - Taux (%)

pic de relaxation α pic de relaxation à T

α + 50°C

Figure IV-24 : Evolution des aires des pics de relaxation en fonction du taux d’agent de couplage.

On observe une évolution de l’aire du pic de relaxation α qui rappelle celle tracée pour les

matériaux de la série AR8.

Lorsque le taux d’agent de couplage augmente, l’aire du deuxième pic est stable voire même

décroissante. Celui ci avait été attribué à des phénomènes de relaxation ou de friction

(accroissement de la mobilité) du polymère lié. Les résultats pour la série AC sont donc en

accord avec cette hypothèse, puisque l’utilisation d’agent de couplage, par la création de sites

d’ancrage permanent entre la matrice, limiterait la possibilité d’une amplification de la

mobilité du polymère lié.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

174

IV.4.1.2 Evolution du module caoutchoutique avec la température

Afin de caractériser l’évolution du module G’ avec la température, nous avons calculé

l’énergie d’activation associée à la décroissance de G’ avec la température. Les énergies sont

déterminées à partir du tracé de ln(G’*273/T)= ln(G’o) –Ea / RT et rapportées dans le tableau

IV-4 pour les différents matériaux de la série AC.

Echantillon Energie d’activation (kJ/mol) (±1)

Si 43 AC-25 37 AC-50 37 AC-75 35

AC-100 39 AC-125 42

Tableau IV-4 : Mesures d'énergie d'activation dans le plateau caoutchoutique

On observe que les valeurs d’énergie d’activation diminuent pour les taux inférieurs à 75%

puis réaugmentent. La décroissance avec la température semble liée comme précédemment

(cas des agents de recouvrement) à l’évolution de l’épaisseur de la couche de polymère lié en

surface de la charge. Plus la température augmente plus la couche immobilisée se réduit, par

une diminution du nombre de chaînes adsorbées, ou par l’activation de la relaxation principale

d’une couche de plus en plus épaisse du polymère lié. Dans le cas de l’agent de couplage, la

couche immobilisée est le résultat de l’adsorption physique de chaînes mais aussi de la

formation des liaisons covalentes entre la charge et la matrice, l’augmentation du module et

de l’énergie d’activation pour les taux supérieures à 75% est attribuée à la réticulation due à

l’excès d’agent de couplage qui limiterait les mécanismes de réduction de polymère lié

physiquement.

Finalement, l’évolution des modules dans le plateau caoutchoutique conduit à des conclusions

très similaires à celles tirées de l’analyse de la valeur du module à 300K. On retiendra donc

que la différence essentielle pour la série AC, par rapport à la série AR, s’observe pour les

matériaux avec des taux d’agent de couplage supérieur à 75%. Pour ces derniers, le module

dans le plateau caoutchoutique augmente avec l’excès de silane qui polycondense.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

175

Afin d’obtenir un complément d’information sur l’influence de la réticulation, nous avons

réalisé un mélange pour lequel le système de réticulation a été doublé. Nous allons étudier

par la suite le comportement de ce matériau.

IV.4.1.3 Influence d’une sur-réticulation

La courbe de la figure IV-25 montre l’évolution du module élastique en fonction de la

température pour des mélanges chargés avec de la silice traitée avec un taux de 75% d’agent

de couplage, et dont la réticulation de la matrice varie (AC75 présenté précédemment et AC-

75S+ où le système de réticulation est doublé). On peut considérer que pour ces deux

matériaux, l’interface charge matrice est maintenue constante et seule la vulcanisation est

différente.

160 180 200 220 240 260 280 300 320 340 360 380106

107

108

109

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Température, T (K)

AC75 AC75S+

a)

160 180 200 220 240 260 280 300 320 340 360 380

0,01

0,1

1 AC75 AC75S+

Fact

eur d

e pe

rte, t

anδ

Température, T (K)

b)

Figure IV-25 : influence de la réticulation, a) module élastique et b) facteur de perte en fonction de la température

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

176

Les courbes obtenues indiquent que la réticulation de la matrice influence principalement les

valeurs de module dans le plateau caoutchoutique. Plus la réticulation augmente, plus le

valeur de module caoutchoutique est élevée. La pente de la courbe dans le plateau

caoutchoutique augmente également avec la réticulation, jusqu’à devenir positive pour le

matériau sur réticulé. Cela se traduit par des énergies d’activation qui varient fortement pour

ces deux matériaux (cf. Tableau IV-5). Finalement, plus la réticulation augmente, plus le

comportement se rapproche d’un comportement de type élasticité entropique.

Echantillon Energie d’activation (kJ/mol) (±1)

AC-75 35 AC-75 S+ 48

Tableau IV-5 : Energie d'activation dans la phase caoutchoutique en fonction de la vulcanisation de la matrice

Le fait le plus surprenant est que la position en température de la relaxation α, Tα, n’est pas

identique pour les deux échantillons. La relaxation principale étant associée à la transition

vitreuse, nous avons confirmé cette évolution par des mesures de DSCii. La transition

vitreuse, et par la même la relaxation α, sont donc sensibles à la réticulation de la matrice.

Or, pour les matériaux avec agent de couplage, pour lesquelles la réticulation globale des

échantillons augmente avec le traitement progressif de la surface par l’agent de couplage,

nous n’avons pas constaté de décalage de la température de transition α (cf. figure IV-23). On

peut penser que la modification de la température de relaxation n’est observable que lorsque

la réticulation est modifiée globalement pour toute la matière polymère. En d’autres termes,

dans le cas des forts taux d’AC, ces courbes indiqueraient, lorsque la surface est saturée en

agent de couplage, que la réticulation supplémentaire offerte par l’excès de couplage est

localisée au voisinage de la charge.

IV.4.1.4 Conclusion

Pour conclure d’une manière générale sur le comportement viscoélastique des matériaux avec

agent de couplage, on peut revenir sur le modèle de morphologie proposé au paragraphe IV-

1.2.5. Les points spécifiques de ce modèle sont la présence de sous-structures (agrégats liés

ii les mesures ont été réalisées à l’aide d’une DSC Pyris Diamond de Perkin Elmer, avec une vitesse de balayage de 10°/min

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

177

par des liaisons fortes de type hydrogène) et l’importance de la couche de polymère lié qui

assure la connexité macroscopique du réseau formé de ces sous-structures.

Pour les matériaux avec agent de recouvrement, la chute de rigidité mesurée dans le domaine

linéaire était expliquée par la diminution de l’épaisseur de la couche de polymère lié avec la

présence croissante du greffage.

En présence d’agent de couplage, la couche de polymère lié joue donc un rôle équivalent

dans la transmission des efforts au sein du réseau formé des sous-structures. La principale

différence vient de la formation des liaisons covalentes à la surface et au voisinage de la

charge, ce qui renforce l’hétérogénéité de réticulation qui est présente dans ces matériaux (cf.

Chapitre III). Cela se traduit par une remontée de module aux forts taux d’agent de couplage

et par la diminution du deuxième mécanisme de dissipation d’énergie associé à une rupture de

l’interface charge-matrice. Par la suite, nous allons voir si la présence de ces liaisons

covalentes à la surface de la charge modifie le comportement non linéaire des matériaux en

fonction du taux de déformation.

IV.4.2 Viscoélasticité non linéaire

Nous allons d’abord comparer les courbes obtenues lors d'un premier et d’un deuxième

balayage, pour évaluer l’importance des effets irréversibles pour ces systèmes, puis nous nous

focaliserons sur le deuxième balayage pour ne retenir que les effets réversibles impliquant

plus spécifiquement le polymère lié.

IV.4.2.1 Premier balayage en déformation :effet sur le module initial La Figure IV-26 illustre les résultats obtenus lors de deux balayages successifs pour quelques

matériaux de la série AC. Une fois encore, nous avons choisi quelques courbes significatives

et représentatives de l’ensemble des données afin ’’d’alléger la représentation’’.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

178

1E-3 0.01 0.1 10.0

2.0x106

4.0x106

6.0x106

8.0x106

1.0x107

1.2x107

1.4x107

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

1ère Balayage dedéformation

Si AC-25 AC-75 AC-125

2ième balayage Si AC-25 AC-75 AC-125

Figure IV-26 : influence du premier balayage et du deuxième balayage sur les valeurs de G’ pour

différents matériaux de la série AC

On retrouve encore une fois que, suite au premier balayage, seule la valeur du module initial

G’0 diminue notablement alors que G’∞ n’évolue que de façon mineure. Les données

quantitatives (différence de module initial entre le premier et le deuxième balayage en

déformation) sont rapportées en fonction du taux d’agent de couplage introduit sur la

figureIV-27a.

0 20 40 60 80 100 120 1400

2

4

6

8

10

12

Mod

ule

élas

tique

, G'(M

Pa)

AC - Taux (%)

G'01 G'02 ∆G'0

a)

10-4 10-3 10-2 10-1 100

0.0

2.0x105

4.0x105

6.0x105

8.0x105

1.0x106

1.2x106

Con

train

te, (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125

b)

Figure IV-27: a)Evolution du module élastique initiale G’0, b) Contrainte en fonction de la déformation pour le premier balayage en déformation

Comme observé avec les agents de recouvrement, la différence de module initial ∆G’0 varie

fortement entre le matériau avec la silice non traitée et celui avec le plus faible taux d’agent

de couplage. Puis, pour les taux supérieurs à 100%, ∆G’0 n’évolue quasiment pas. Finalement,

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

179

pour le taux le plus élevé, on constate que ∆G’0 augmente à nouveau. La figure IV-27b

rapporte les contraintes supportées par les différents matériaux lors du premier balayage en

déformation. Pour la silice non traitée, on note que la contrainte est légèrement supérieure

durant presque tout le balayage en déformation. Les contraintes appliquées sur l’ensemble des

autres échantillons lors du premier balayage en déformation sont presque équivalentes à

l’exception de AC-125 qui présente une contrainte finale légèrement plus élevée. Ces mesures

permettent de dire qu’après le premier balayage, les différents échantillons de la série AC ont

subit pratiquement la même histoire mécanique (déformation et contrainte).

IV.4.2.2 Premier balayage en déformation :effet sur le facteur de perte

La figure IV-28 présente les courbes de tanδ obtenues lors du premier (symboles pleins) et du

deuxième balayage (symboles creux) pour différents systèmes avec agent de couplage. Les

tendances observées confirment les conclusions mises en avant dans le cas des agents de

recouvrement.

1E-4 1E-3 0.01 0.1 1

0.10

0.15

0.20

0.25

0.30

0.35

0.402ieme balayage

Si AC-25 AC-75 Ac-125

1er balayage en déformation Si Ac-25 AC-75 Ac-125

Fact

eur d

e pe

rte, t

anδ

Déformation, γ (mm/mm)

Figure IV-28 : influence du premier balayage et du deuxième balayage sur les valeurs du facteur de perte

pour les mélanges avec l’agent de couplage

On retrouve que le niveau de tanδ aux très faibles déformations est systématiquement plus

élevé lors du deuxième passage. Cela est en rapport avec le caractère moins ’’élastique ’’de la

réponse du matériau suite aux dégâts irréversibles provoqués lors du premier balayage. La

différence essentielle entre les séries AR et AC concerne le mécanisme dissipatif aux plus

grandes déformations qui était observé pour les matériaux AR8-100, AR8-125 et AR16. Ce

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

180

mécanisme, attribué à la décohésion silice-matrice est absent dans le cas des agents de

couplage, même aux taux les plus élevés. Cette observation est facilement explicable car la

présence de liaisons covalentes à l’interface et la réticulation supplémentaire au voisinage de

la charge dans le cas des forts taux d’AC sont bien évidemment un obstacle à ce mécanisme.

On peut encore une fois faire un parallèle entre cette manifestation (observée aux forts taux de

déformation) et le deuxième pic de tanδ (observé à plus hautes températures). En effet ces

deux phénomènes, observés dans le cas des agents de recouvrement, sont supprimés par

l’utilisation d’agent de couplage.

Finalement, les conclusions concernant la sensibilité au premier balayage en déformation sont

très proches de celle proposées avec l’agent de recouvrement. Pour la suite, nous allons

étudier plus spécifiquement l’effet Payne lors du deuxième balayage en déformation.

IV.4.2.3 Deuxième balayage : effet Payne

Les figures IV-29 montrent l’influence de différents taux d’agent de couplage sur l’effet

Payne (deuxième balayage en déformation).

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

181

1E-4 1E-3 0.01 0.1 10

1x106

2x106

3x106

4x106

5x106

6x106

7x106

8x106

Mod

ule

élas

tique

, G'(P

a)

déformation, γ (mm/mm)

Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125

a)

0 20 40 60 80 100 120 140

1

2

3

4

5

6

7

Mod

ule

élas

tique

, G' (

MPa

)

AC - Taux (%)

G'0 G'oo /0.2 ∆G'

b)

Figure IV-29 : a) Module élastique en fonction de la déformation, b) Module élastique initial G’0 et infini G’∞ / 0.2 en fonction du recouvrement (AC)

Une fois encore, l’amplitude de l’effet Payne est intimement liée à la valeur du module initial

(cf. figure IV-29b). On trouve une courbe en cloche avec une chute de module pour les faibles

taux d’agent de couplage, un plateau et une remontée pour les taux supérieurs à 75%. Cette

courbe en cloche n’est pas sans rappeler la courbe qui donne, pour les mêmes matériaux,

l’évolution du module dans le plateau caoutchoutique à une température constante. Il faut

noter que Ladouce et coll.6 ont observé une évolution similaire de l’amplitude de l’effet Payne

pour des matériaux SBR silice avec différents taux d’agent de couplage TESPT. Dans le cas

du TESPT, ils observent ce phénomène de saturation pour 66% de la surface couverte. La

différence de la valeur du taux à saturation est sans doute à mettre en relation avec

l’encombrement stérique respectif de ces deux molécules de couplage, celui du TESPD étant

logiquement plus faible.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

182

En fait, jusqu’à la valeur seuil de 75%, l’évolution de l’effet Payne est très semblable à celle

observée dans le cas des agents de recouvrement. Dans ce cas, on peut proposer que l’effet

Payne soit principalement sensible au recouvrement de la surface par l’agent de couplage ou

par l’agent de recouvrement. Au-delà de 75%, et pour un taux de greffage équivalent, l’agent

de couplage en excès (AC-100, AC-125) augmenterait la réticulation de la matrice au

voisinage de la charge, expliquant la remontée de l’effet Payne. Cet effet de réticulation est

confirmé par l’augmentation du module G’∞ / 0.2 aux grandes déformations pour les taux

d’agent de couplage supérieurs à 75%. La courbe entière d’effet Payne pour les échantillons

AC-100 et AC-125 peut être obtenue par multiplication par un facteur de la courbe obtenue

avec AC-75. On trouve respectivement un facteur de 1.07 et 1.45. Ce facteur traduit

directement l’augmentation du nombre de nœud de réticulation dans la matrice créé par

l’excès d’agent de couplage.

1E-4 1E-3 0.01 0.1 1

1.0x106

1.5x106

2.0x106

2.5x106

3.0x106

3.5x106

4.0x106

4.5x106

5.0x106

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

AC-75 AC-100 AC-125

Figure IV-30 : Effet Payne corrigé du facteur d’amplification lié à l’excès d’agent de couplage

Apparition de la non-linéarité

La perte de linéarité, avec l’utilisation d’agent de couplage est illustrée par la figure IV-30.

Une chute d’effet Payne de 5% est observable pour des déformations comprises entre 2.10-3 et

6.10-3. Malgré la faible précision de ces mesures (+/-5.10-4), on constate une variation

significative de la déformation correspondant à la perte de linéarité (celle ci était constante

dans le cas des agents de recouvrement). Ainsi, on retiendra que la présence d’agent de

couplage retarde l’apparition de la non-linéarité, sauf pour l’échantillon AC-125. La

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

183

contrainte correspondant à l’apparition de la non-linéarité varie également de façon notable,

sans qu’une tendance très nette n’émerge.

1E-3 0.01 0.1

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Nor

mal

isat

ion

(G' -

G' oo

)/(G

' 0 - G

' oo)

Déformation, γ (mm/mm)

Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125

a)

0 20 40 60 80 100 120 1400.000

0.001

0.002

0.003

0.004

0.005

0.006

Chute d'effet Payne de 5%

AC - Taux (%)

Déf

orm

atio

n (m

m/m

m)

7000

8000

9000

10000

11000

12000

13000

14000

15000

Contrainte (P

a)

b)

Figure IV-31 : a) courbes de module élastique normées, b) déformation et contrainte de perte de linéarité (5% d’amplitude d’effet Payne)

Aspects dissipatifs

Les figures IV-32a et IV-32b présentent respectivement les courbes de module de perte G’’ et

de facteur de perte tanδ pour les matériaux de la série AC.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

184

1E-4 1E-3 0.01 0.1 1

2.0x105

4.0x105

6.0x105

8.0x105

1.0x106

1.2x106

1.4x106

1.6x106

1.8x106

Mod

ule

de p

erte

, G'' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125

a)

1E-4 1E-3 0.01 0.1 1

0.20

0.25

0.30

0.35

0.40

Fact

eur d

e pe

rte, T

anδ

Déformation, γ (mm/mm)

Si Ac-25 Ac-50 Ac-75 Ac-100 Ac-125

b) Figure IV-32 : a) Module de perte G’’, b) facteur de perte, en fonction de la déformation.

Les courbes de module de perte montrent une évolution similaire à celle de G’ : le pic G’’ de

la silice non traitée est le plus marqué. Pour tous les matériaux avec l’agent de couplage, G’’

ne montre pas de maximum très marqué. Les niveaux de G’’ suivent également la courbe en

cloche avec une chute pour les faibles taux, une valeur minimale pour AC-75 et une remontée

pour AC-100 et AC-125.

Aux petites déformations le facteur de perte montre une valeur plus élevée pour l’ensemble

des mélanges avec la silice traitée par rapport à la silice non traitée. La courbe présente une

forme de pic dont le maximum est centré pour l’ensemble des échantillons avec agent de

couplage autour d’une déformation de γ ≈ 0.004. Cette valeur est légèrement plus élevée que

celle obtenue dans le cas du mélange avec la silice non traitée. Après avoir atteint le

maximum du pic, la valeur de tanδ décroît avec la déformation pour l’ensemble des quantités

de silanes introduites. On confirme par l’ensemble de ces résultats, que le phénomène

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

185

dissipatif du à la rupture des interfaces charges matrice est évité dans le cas de la série AC. Ce

phénomène impliquerait l’apparition d’endommagement par décohésion dans le cas de

sollicitations autres que le cisaillement. C’est donc sans conteste un des intérêts des agents de

couplage par rapport aux agents de recouvrement dans cette gamme de déformation.

Effet d’une sur-réticulation

Comme dans le cas du comportement viscoélastique linéaire, nous avons décidé de tester un

matériau pour lequel la réticulation a été volontairement exacerbée. La figure IV-33 reprend

la comparaison entre les matériaux chargés de silice AC-75 (échantillon montrant le plus

faible effet Payne), AC-125 (échantillon pour lequel l’effet Payne réaugmente) et ce matériau

pour lequel le système de réticulation est doublé(AC-75S+).

1E-3 0.01 0.1 15.0x105

1.0x106

1.5x106

2.0x106

2.5x106

3.0x106

3.5x106

Mod

ule,

G'(P

a)

Déformation, γ (mm/mm)

AC-75 AC-125 AC-75S+

a)

1E-4 1E-3 0.01 0.1 10.20

0.25

0.30

0.35

0.40

0.45

0.50

0.55

Fact

eur d

e pe

rte, t

anδ

Déformation, γ (mm/mm)

Ac-75 Ac-125 Ac-75S+

b)

Figure IV-33 : a)Module élastique, b) facteur de perte, en fonction de la déformation

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

186

Augmenter la réticulation dans la matrice conduit à un comportement similaire en terme

d’effet Payne à celui observé avec l’échantillon AC-125. Les modules G’0 et G’∞ augmentent

d’un même facteur par rapport à l’échantillon AC-75. Cela confirme notre analyse précédente

selon laquelle l’excès d’agent de couplage en polycondensant augmente le module de la

matrice. Par contre, les mesures de tanδ montrent une dissipation largement plus importante

dans le cas de AC75S+. Il est possible, même si c’est peu probable, qu’une partie de l’excès

de soufre introduit dans AC75S+ soit mal dispersée et forme donc de gros agglomérats.

IV.4.2.4 Conclusion La présence d’agent de couplage implique deux effets sur le module initial (cf. figure IV-34):

• Le recouvrement de la surface par greffage qui va influencer l’adsorption et la désorption

de chaîne en surface et donc la formation d’une couche immobilisée en surface de la

charge

• La formation de liaisons covalentes entre la matrice et la charge, augmentant la

réticulation globale du composite.

Les mécanismes de l’effet Payne demeurent les mêmes que ceux observés lors de l’utilisation

de l’agent de recouvrement :

• Réduction des liaisons charge-charge après le premier balayage en déformation

• Réduction de la couche de polymère immobilisée par désadsorption ou par un mécanisme

relaxationnel thermo-mécaniquement activé similaire à la relaxation alpha de

l’élastomère.

• Le recouvrement totale de la surface facilite mécanisme d’endommagement visible pour

les fortes déformations.

L’effet Payne, en présence d’une quantité croissante d’agent de couplage, est sensible à ces

deux aspects. Pour les faibles taux, il est principalement influencé par le recouvrement de la

charge, jusqu'à une valeur seuil de recouvrement, malgré la formation croissante de liaisons

covalentes. Pour les taux d’agent de couplage supérieurs, le recouvrement reste le même.

Dans ce cas, l’effet réticulant de l’agent de couplage se manifeste, les mécanismes à

l’interface demeurent les mêmes mais localement il semblerait que la mobilité des chaînes soit

réduite due fait de la présence de liaisons covalentes entre la charge et la matrice.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

187

1E-4 1E-3 0.01 0.1 10

1x106

2x106

3x106

4x106

5x106

6x106

7x106

8x106

Perte de linéarité

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

M Si Ar8 Ac-75

a)

1E-4 1E-3 0.01 0.1 10.0

2.0x105

4.0x105

6.0x105

8.0x105

1.0x106

1.2x106

1.4x106

1.6x106

1.8x106

Mod

ule

de p

erte

, G''(

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

M Si Ar8 Ac-75

b)

1E-4 1E-3 0,01 0,1 1

0,15

0,20

0,25

0,30

0,35

0,40Endommagement

Fac

teur

de

pert

e, ta

n δ

Déformation, γ (mm/mm)

M Si Ar8 Ac-75

c)

1E-4 1E-3 0.01 0.1-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Nor

mal

isat

ion

(G' -

G' oo

)/(G

' 0 - G

' oo)

Déformation, γ (mm/mm)

Si AR8 AC-75

d) Figure IV-34 : a) Module élastique, b) module de perte, c) facteur de perte, d) module élastique normé, en

fonction de la déformation

IV.5 Interprétations Afin de progresser dans l’analyse et de mettre à l’épreuve notre vision de l’effet Payne, nous

allons tenter de décrire nos résultats expérimentaux grâce à différents modèles. Nous nous

intéresserons ici uniquement au deuxième balayage puisque le premier fait intervenir un

mécanisme irréversible qui d’une part évolue avec le taux de déformation, et d’autre part se

manifeste uniquement lors du premier cycle sinusoïdal. Dans la littérature on peut distinguer

deux familles de modèles mettant en cause soit la rupture des liaisons charge – charge au sein

d’un réseau de charge soit un mécanisme de désorption et d’adsorption des chaînes en surface

de la charge. Dans le premier cas (réseau de charges), le formalisme le plus connu est celui de

Kraus, il propose une équation phénoménologique qui décrit assez bien la non-linéarité, mais

ne rend pas compte des valeurs des modules initial et final. Dans le deuxième cas (désorption

et d’adsorption des chaînes en surface de la charge), le modèle le plus couramment cité est

celui de Mayer et Göritz. Nous allons donc tester ces deux formalismes puis nous

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

188

développerons un modèle mixte qui essayera de traduire la morphologie complexe de nos

matériaux.

IV.5.1.1 Modèle de Kraus

A - Formalisme7

Kraus s’est intéressé au mécanisme de désagglomération et d’agglomération des renforts noirs

de carbone sous l’effet de la déformation. Cette interprétation prend en compte les

interactions de type Van der Waals entre agrégats.

ad0

R a)

Vd0

0d

F

0d

Fmax

b)

Figure IV-35 : a) définition des distances entre agrégats, b) Potentiel et Force résultants des interactions entre agrégats en fonction de la distance d

Entre deux particules sphériques de rayon a dont les plus proches surfaces sont séparées de la

distance d (cf. figureIV-35a), il apparaît un potentiel V associé à une force de rappel fonction

de d (cf. figure IV-35b). D’une force F appliquée entre deux agrégats séparés par une distance

do résulte une variation de distance entre les agrégats δd et une énergie stockée

proportionnelle à (δd)2K0 où K0 est la constante de force due aux interactions de Van der

Waals. S’il existe N0 liens entre agrégats par unité de volume Kraus écrit que :

20032

11'' RKNEE ≅− ∞ (IV-2)

où R est la distance entre les centres des agrégats.

En estimant N0 en partant de la fraction en volume de renfort introduit φ , la relation

précédente devient :

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

189

)5.182('' 22257.00 φαφα +∝− ∞ SEE (IV-3)

où S la surface spécifique, α est le rapport du volume effectif occupé par un agrégat (volume

de charge et volume occlus) sur le volume de charge de cet agrégat :

α = (2/π) ((1+ρ).DBP) (IV-4)

où ρ est la masse volumique de la charge. Kraus établit également en prenant en compte le

nombre de contacts restant en fonction de la déformation et de la vitesse, la relation suivante :

( ) mcEE

EE2

00 11

''''

εε+=

−−

∞ (IV-5)

où m et εc sont des paramètres ajustables et εc est la valeur pour laquelle le membre de droite

de l’équation est égale à ½.

On obtient de même avec les modules de perte :

( )( ) m

c

mc

EEEE

20

20

0 12

''''''''

εεεε

+=

−−

∞ (IV-6)

Les phénomènes dissipatifs sont attribués après la rupture des agglomérats aux frottements

entre les agrégats entre eux.

Ces équations sont directement transposables en cisaillement (E et ε deviennent G et γ).

Au niveau de l’Effet Payne le module aux grandes déformations G’∞ dépend plus de la

structure des agglomérats que de la surface spécifique. Ce résultat est en accord avec l’analyse

de Payne reliant la structure à la quantité de volume occlus augmentant la fraction de

polymère rigide, ce qui aurait pour conséquence d’augmenter le module élastique.

B - Application du modèle de KRAUS aux matériaux de l’étude

Les courbes expérimentales et les courbes ajustées issues du modèle de Kraus sont présentées

pour les mélanges Si, AR8 et Ac75, sur la figure IV-36. Les valeurs des paramètres ajustés

sont reportées pour l’ensemble des systèmes dans le tableau IV-6.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

190

1E-4 1E-3 0.01 0.11M

2M

3M

4M

5M

6M

7M

8M2ieme Balayage en déformation

Mod

ule

Ela

stiq

ue, G

' (P

a)

Déformation, γ mm/mm)

Mesures expérimentales Si AR8 AC75Modèle de Kraus Si AR8 AC75

Figure IV-36 : Mesures expérimentales de G' comparées aux valeurs obtenues avec le modèle de Kraus lors du premier balayage en déformation

Deux des paramètres intervenant dans le modèle de Kraus sont γc et m. γc correspond à la

déformation γ pour laquelle on observe une chute de moitié de l’amplitude d’effet Payne. Ce

paramètre serait lié au rapport des constantes de vitesse de rupture et de reformation des

contacts entre agrégats. Le paramètre m n’a pas de sens physique pour Kraus, mais comme

nous l’avons vu dans le chapitre I, dans un modèle très proche, Huber et Vilgis8, considère m

comme un paramètre lié à la morphologie de la charge.

Deuxième balayage en déformation Série Echantillon G'0 G'∞ γc m Si 7.23 1.9 0.01 0.51

AR1 6.12 1.68 0.016 0.58 AR3 5.92 1.63 0.013 0.59 AR8 5.24 1.45 0.009 0.6 AR

AR16 3.49 1.45 0.016 0.44

AR8-25 5.1 1.81 0.02 0.466 AR8-50 4.68 1.47 0.012 0.58 AR8-75 3.95 1.45 0.011 0.59 AR8-100 3.8 1.45 0.011 0.58

AR8

AR8-125 4.05 1.45 0.01 0.52

AC-25 2.88 1.45 0.047 0.44 AC-50 2.67 1.6 0.13 0.34 AC-75 2.3 1.48 0.13 0.35

AC-100 2.57 1.63 0.09 0.36 AC

AC-125 3.5 1.82 0.05 0.37

Tableau IV-6 : Paramètres du modèle de Kraus appliqué lors du second balayage en déformation pour l’ensemble des matériaux

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

191

Les deux paramètres γc et m sont associés respectivement à la position en déformation et

l’étalement de la courbe. La valeur de m (0.47<m<0.57) est relativement constante pour

l’ensemble des matériaux, qu’ils soient chargés avec de la silice traitée avec les agents de

recouvrement (ARn et AR8) ou l’agent de couplage (AC). Cette faible évolution d’un système

à l’autre traduirait le fait que le processus de désagglomération des charges est peu influencé

par les traitements de surface, pour des matériaux présentant des états de dispersion

identiques. Le paramètre (γc) varie de 0.05 à 0.16 alors que les courbes normées des

différentes séries étaient superposées. Les valeurs sont globalement plus élevées pour les

matériaux avec agent de couplage par rapport aux séries avec agents de recouvrement. Cela

correspond au fait que le domaine de linéarité du module G’ est plus grand en présence de

liaisons covalentes. Au sein d’une même série, on constate que les valeurs des paramètres

varient d’un matériau à l’autre sans qu’une tendance significative ne se dégage.

Finalement, il faut considérer que les variations des paramètres sont principalement dues au

processus d’ajustement, qui est mené jusqu’à ce que la valeur du paramètre d’ajustement R

soit supérieur à 0.99. On aurait pu choisir de décrire les courbe en fixant m et γc et ne faire

varier que le module initial. De fait, ce modèle propose une équation phénoménologique qui

décrit bien la forme de la courbe mais ne permet pas d’interpréter le module initial qui est le

seul paramètre qui varie significativement dans nos mesures d’effet Payne.

IV.5.1.2 Modèle de Mayer et Göritz9

A - Formalisme9

Dans ce modèle, le mécanisme dissipateur se situe à l’interface entre la charge et la matrice.

Le module aux faibles déformations G’0 serait du au nombre total de liaisons entre la charge

et la matrice, prenant en compte l’adsorption de chaînes polymère à la surface de la charge

soit physiquement par l’intermédiaire de liaisons faibles (de manière instable), soit

chimiquement donc de manière stable. Les liaisons stables peuvent aussi se former par

l’adsorption de plusieurs segments consécutifs sur un ou plusieurs agrégats. La chute de

module serait associée à un processus d’adsorption et de désorption du nombre de liens

résultant de cette déformation. Les liaisons instables pourront être détruites par l’apport d’une

très faible quantité d’énergie mécanique ou thermique. Le module élastique aux faibles

déformations G’0 s’écrit donc :

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

192

G’(γ) = (Nc + Nst + Ni(γ))kT (IV-7)

où Nc est la densité de réticulation chimique du réseau, Nst est la densité de liaisons stables

entre l’élastomère et les particules renforçantes et Ni est la densité de liaisons instables. T est

la température absolue et k la constante de Boltzman.

A une déformation donnée, un équilibre s’installe entre l’adsorption et la désorption. La

vitesse de désorption est proportionnelle à l’amplitude de déformation et la fraction de sites

instable occupés :

( )γ

γc

GGG i

st ++=

1'

'0' (IV-8)

G’st = (Nc + Nst)kT (IV-9)

et

G’i0 = Ni0kT (IV-10)

où Ni0 est le nombre maximal de liens instables par unité de volume (quand γ = 0) et diminue

lorsque T augmente.

La dissipation d’énergie résulterait du frottement des segments de chaînes glissant sur la

surface de la charge. Le module de perte est supposé proportionnel au nombre de liaisons

instables Ni et à la probabilité pour que cette liaison se transporte sur un site voisin.

( )20 1'''')(''

γγγc

cGGG ist+

+= (IV-11)

où G’’ est la contribution due aux frottements internes et G’’i0 la contribution due au

glissement des segments.

D’après des observations expérimentales le module de conservation et l’amplitude de l’effet

Payne décroît quand la température augmente. Une augmentation de la température dans ce

cas diminuerait le nombre de liaisons instables en augmentant l’agitation. La désorption des

chaînes de la surface des particules en fonction de la température est décrite par l’expression

suivante :

TkEi

iiBeNTN ⋅= ∞)(0 (IV-12)

où Ni∞ est une constante liée à la densité de liaisons instables indépendamment de la

température et Ei l’énergie d’activation. On retrouve ainsi le processus thermiquement activé

décrit lors de l’analyse de l’évolution du module caoutchoutique avec la température.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

193

B - Application aux matériaux de cette étude Sur les courbes de la figure IV-36, les points expérimentaux sont comparés aux courbes

obtenues par ajustement des paramètres du modèle de Mayer et Göritz pour les échantillons

Si, AR8 et AC75. Les différents paramètres permettant d’appliquer ce modèle sont répertoriés

dans le tableau IV-7 pour l’ensemble des mélanges étudiés.

1E-4 1E-3 0.01 0.11x106

2x106

3x106

4x106

5x106

6x106

7x106

8x106 2ième Balayage en déformation

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

Mesures expérimentales Si AR8 AC75Modèle de Mayer et Gorïtz Si AR8 AC75

Figure IV-37 : Mesures expérimentales de G' comparées valeurs obtenues avec le modèle de Mayer et Göritz

Ces différents paramètres utilisés sont : G’st qui correspond au nombre de liaisons stables, G’i0

qui correspond au nombre de liaisons instables susceptibles de se désorber ou de s’adsorber

aux cours de la déformation, et le paramètre C qui traduit la position de la chute de module

G’. Ce dernier paramètre va dépendre de la cinétique d’adsorption et de désorption des

chaînes à la surface de la charge (dans le cas de SBR chargé avec du noir de carbone, cette

valeur est proche de 25).

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

194

2ieme balayage en déformation Liaisons stables Liaisons instables

Série Echantillon G’st (MPa) Gi0 (MPa) liens /nm² C Si 1.7 5.8 22 62

AR1 1.3 5.1 19 58 AR3 1.4 4.8 18 68 AR8 1.3 4.3 16 106 AR

AR16 1.4 2.2 8 70

AR8-25 1.6 3.5 13 52 AR8-50 1.3 3.6 14 82 AR8-75 1.25 2.9 11 86 AR8-100 1.2 2.8 11 91

AR8

AR8-125 1.3 2.9 11 99

AC-25 1.1 1.8 7 24 AC-50 1.2 1.4 5 16 AC-75 1.2 1.1 4 15

AC-100 1.3 1.3 5 17 AC

AC-125 1.5 2.1 8 27

Tableau IV-7 : Paramètres du modèle de Mayer et Göritz lors du deuxième balayage en déformation pour l’ensemble des matériaux

Le paramètre G’st, associé au nombre de liaisons stables, est relativement constant

indépendamment des traitements de surface réalisés. Néanmoins on observe une valeur plus

élevée dans le cas de la silice non traitée qui pourrait refléter la plus forte réticulation près de

la charge, décelée dans le chapitre III. Cette plus forte réticulation ralentirait le processus de

désorption de chaînes selon notre hypothèse de mécanisme. Cependant le nombre de liaisons

instables est le plus important pour cet échantillon. On arrive donc à la conclusion paradoxale

que la silice non traitée possède le nombre le plus important de liaisons stables et instables.

On pourrait alors tenter d’expliquer cette incohérence apparente par la quantité de polymère

lié très importante avec cet échantillon, conduisant à un nombre important de chaînes

multiadsorbées et de chaînes pouvant se désorber. Néanmoins, la constance du nombre de

liaisons stables avec les deux séries AR semble alors incohérente si l’on se réfère à l’évolution

du polymère lié de ces matériaux. On observe également que le nombre de liaisons stables

prédit par le modèle est plus faible avec l'agent de couplage, ce qui paraît pour le moins

surprenant.

Par le biais du paramètre Gi0, on peut déterminer le nombre de liaisons instables mis en jeu

durant l’effet Payne et le rapporter à l’unité de surface (nm²). L’estimation du nombre de

liaisons instables par nm² de silice pour chacun des mélanges parait peu réaliste. Selon ces

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

195

estimations, la silice non traitée pourrait adsorber 22 segments de chaîne sur 1nm² qui ne

contient que 6 silanols, sachant que chaque segment peut appartenir à une chaîne distincte.

Enfin, le paramètre C est à relier à la déformation à laquelle est observée la perte de linéarité.

Ce paramètre qui devrait être relativement constant au sein d’une même série, prend des

valeurs qui passent du simple au double.

Les valeurs incohérentes obtenues pour les différents paramètres montrent les limites de ce

modèle qui ne prend pas en compte dans la valeur du module initial l’effet hydrodynamique et

la possibilité de l’existence d’un réseau.

IV.5.1.3 Modèle proposé dans le cadre de notre étude La modélisation développée au sein du laboratoire comporte deux parties :

- La description de la valeur du module dans le domaine linéaire obtenue en fonction de la

température à l’aide d’un modèle de couplage mécanique. Dans ce travail, nous avons

utilisé le modèle à trois phases introduit par Christensen et Lo10 en deux étapes

successives.

- Le calcul de l’évolution du module élastique au cours de l’effet Payne après un premier

balayage sur les bases d’un processus thermo-mécaniquement activé.

A - Modélisation du module dans le domaine linéaire Cette première étape a pour but de décrire le module du matériau élastomère chargé en

gardant à l’esprit le schéma de la morphologie qui est issu des chapitres III et IV. On peut

utiliser un modèle à trois phases en deux étapes. Dans la première étape, on calcule les

propriétés d’un milieu homogène équivalent en considérant la matrice réticulée tramée par

une fraction de polymère lié (cf. IV-38). On choisit dans cette étape le module du polymère

lié et la fraction de polymère lié qui participe au transfert de contraintes entre les sous-

structures. Le module du milieu homogène équivalent est obtenu par le modèle trois phases.

La seconde étape considère la phase rigide de charges incluse au sein du milieu homogène

équivalent résultant de la première étape. En respectant les fractions volumiques de chacune

des phases (matrice et charge), le module du milieu équivalent résultant de cette deuxième

étape est calculé.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

196

Matriceréticulée

SilicePolymère lié

Milieu HomogèneEquivalent 1

Milieu HomogèneEquivalent 2

MHE 1

Etape 1

Etape 2

Figure IV-38: schéma représentant le modèle à 3 phases en deux étapes

Dans la première étape, le module de la matrice en fonction de la température correspond aux

modules expérimentaux déterminés lors de la mesure spectromécanique. La fraction

volumique de charges introduite lors de la deuxième étape est celle utilisée dans les matériaux

étudiés (20%vol), leur module est égal à 30GPa (cette valeur est déduite des données de la

littérature, et elle a peu d’influence sur les calculs puisqu’elle est très supérieure au module de

la matrice). Le volume de polymère liant correspond à celui mesuré expérimentalement (cf.

Chapitre III) à la température de 300 K. En considérant ce volume de polymère lié et le

module expérimental du composite à cette température, le module du polymère liant est

déterminé. Pour les courbes présentées sur la figure IV-39, correspondant aux échantillons Si

et AR8-75, les valeurs du module de liant correspondent respectivement à 20 et 25 MPa. On

peut penser que cet écart de module n’est pas nécessairement significatif. Dans le cas inverse,

cela indiquerait que le module du polymère lié augmente avec le recouvrement ou en d’autres

termes lorsque l’épaisseur de la couche polymère lié est faible le module élastique de celle-ci

est, en moyenne, élevé. Cette hypothèse est difficile à justifier du point de vue physique, nous

retiendrons par la suite une valeur unique de module de 20MPa.

Dans le cas de l’agent de couplage nous n’avons pas pu déterminer le taux de polymère lié

dans le chapitre III. En considérant le recouvrement très proche de celui obtenu en présence

d’agent de recouvrement, nous avons utilisé le taux de polymère lié de l’échantillon AR8-75.

Dans ce cas, la valeur du module de matrice liante est très inférieure (10 MPa) à celles

obtenues avec Si et Ar8-75. Une autre hypothèse de calcul est d’utiliser le module de matrice

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

197

liante de 20 MPa ce qui conduit à une valeur du volume liant faible de l’ordre de 5 à 7 %.

Cette valeur montre que dans le cas de l’agent de couplage (en présence de liaisons

covalentes), la couche de polymère lié (liaisons physiques) est paradoxalement très faible.

L’agent de couplage en se greffant possède aussi une très forte probabilité à polycondenser ce

qui augmente la probabilité de former de gros amas de silane qui limiteraient

considérablement l’accessibilité des chaînes à la surface.

Dans le domaine linéaire en fonction de la température (cf. Figure IV-39), les valeurs pour le

module du composite dans le plateau vitreux sont obtenues en considérant que la matrice

liante possède le même module que la matrice. Dans le plateau caoutchoutique, seule le

volume de matrice liante évolue avec la température selon un processus arrhenien dont

l’énergie d’activation correspond à celle obtenue lors des mesures dans le plateau

caoutchoutique par spectrométrie mécanique (cf. § IV-3-1). Le volume liant commence à

évoluer à partir de la température pour laquelle le module de la matrice correspond à celui du

polymère lié déterminé précédemment. Pour l’agent de couplage (AC-75), et pour les

températures les plus élevées (>350K), la fraction de matrice liante est quasi nulle (<0.1%).

150 200 250 300 350 400

106

107

108

109

Mod

ule

Elas

tique

, G' (

Pa)

Température, T (K)

Données expérimentales M: matrice Si AR8-75 AC-75

Modèle Si AR8-75 AC-75

Figure IV-39 : Module élastique en fonction de la température, les courbes avec les symboles correspondent aux courbes expérimentales et les courbes sans à la simulation grâce au modèle à trois phases

Il semble donc que le modèle proposé permet de rendre compte des données expérimentales

de spectrométrie mécanique avec un accord satisfaisant. Il repose toutefois sur des hypothèses

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

198

fortes : module unique de polymère liant déterminé sur une température et prise en compte du

volume liant dans sa totalité.

B - Modélisation de l’effet Payne Détermination du module initial

Dans ce cas, le module de la matrice est choisi égal à 0.7MPa, c’est à dire le module à la

température de test. Le module de la matrice liante est également déterminé en fonction de la

valeur du module après un deuxième balayage en déformation en considérant les taux de

volume liant mesuré dans le chapitre III.

Le tableau IV-8 présente l’ensemble des valeurs de volume liant nécessaire pour obtenir le

module initial après un premier balayage en déformation pour un module de matrice liante de

20MPa. En présence d’agent de couplage (AC-75), ne pouvant obtenir le couple volume liant

et Module liant correspondant à la valeur du module initial, la simulation a donc été réalisée

avec un module de matrice liante équivalente à celui utilisé pour AR8-75 mais le volume liant

est plus faible (7%). Les volumes issus du calcul sont inférieurs ou égaux aux valeurs

expérimentales et diminuent avec le recouvrement. Malgré les écarts de valeurs, il apparaît

que l’évolution des volumes calculée est en cohérence avec les valeurs mesurées

expérimentalement.

Echantillons Module initial (Pa)

Volume liant mesuré (%)

Volume liant issu du modèle (%)

Si 7.23E+06 40 27.9 Ar825 5.10E+06 22 19.4 AR850 4.68E+06 17 17.7 AR875 3.94E+06 17 14.7 AR8100 3.80E+06 14 14.2 AR8125 4.00E+06 14 15.0

AR1 6.12E+06 30 23.5 AR3 5.92E+06 20 22.6 AR8 5.24E+06 16 20.0 AR16 3.49E+06 13 13.0

AC25 2.88E+06 - 10.5 AC50 2.67E+06 - 9.7 AC75 2.30E+06 - 8.2

AC100 2.57E+06 - 9.2 AC125 3.50E+06 - 13.0

Tableau IV-8 : Estimation du volume de matrice liante dans le cas de la silice non traitée ou traitée avec des agents de recouvrement et l’agent de couplage pour un module de matrice liante de 20MPa.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

199

Evolution des modules en fonction de la déformation Afin de décrire l’évolution de l’effet Payne, nous avons choisi un processus thermo-

mécaniquement activé. La diminution de la quantité de polymère lié est liée à celle du nombre

de liens issu de l’ équilibre entre le nombre de chaînes adsorbées et désorbées. Le nombre de

liens en fonction de la contrainte peut être décrit par la relation suivante issue d’une statistique

à deux puits 11 :

⎥⎦

⎤⎢⎣

⎡⎟⎠⎞

⎜⎝⎛ −∆

+⋅⎥⎦

⎤⎢⎣

⎡⎟⎠⎞

⎜⎝⎛ ∆−

+

⎟⎠⎞

⎜⎝⎛−

⋅=∆

kTU

kTU

kTNNσν

σν

exp1exp1

exp10 (IV-13)

où N0 est le nombre initial de liaisons entre chaînes, ∆U est considéré comme une énergie

d’activation, ν représente la sensibilité à la désorption.

La procédure de modélisation est la suivante : la fraction de polymère lié initiale (Vl) est

déterminée à l’aide du modèle de couplage mécanique (paragraphe précédent). Le paramètre

Vl évolue proportionnellement à ∆N (IV-13) ; à chaque déformation correspond une

contrainte et donc une valeur de Vl. La valeur de Vl obtenue est ensuite réintroduite dans le

modèle à deux phases afin de déterminer le module élastique correspondant (cf. figure IV-38).

Le module G’∞ /0.2 correspond au cas où plus aucun polymère lié ne participe au couplage

mécanique entre les sous-structures. Dans notre cas ∆U est fixée et correspond à l’énergie

d’activation obtenue lors des mesures de module dans le domaine linéaire (paragraphe IV-3-1

et IV-4-1) et ν prend des valeurs comprises entre 0.7 et 1.10-25. Ces paramètres permettent de

décrire les deux plateaux correspondant respectivement à G’0 et G’∞, mais la chute de module

n’est pas parfaitement décrite. Afin d’améliorer la description de la chute de module, on

pourrait distribuer la valeur du paramètre d’activation12. Cependant dans le cadre de cette

étude nous nous sommes limités à une valeur unique de ce paramètre.

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

200

1E-4 1E-3 0.01 0.1 10

1x106

2x106

3x106

4x106

5x106

6x106

7x106

8x106

Mod

ule

élas

tique

, G' (

Pa)

Déformation, γ (mm/mm)

Mesures expérimentales Si AR8 AC-75

Modèle 2 phases Si AR8 AC-75

Figure IV-40 : modélisation de l’effet Payne par le modèle à deux phases

IV.5.1.4 Conclusion

Finalement, nos efforts de modélisation ont porté sur deux aspects : le module dans le plateau

caoutchoutique et la description du mécanisme réversible associé à l’effet Payne. L’objectif

d’une telle approche est de rendre compte des deux points principaux de nos mesures : la

valeur de module (dans le plateau caoutchoutique ou dans le plateau initial lors de l’effet

Payne) qui dépend fortement du traitement de surface, la forme de la courbe d’effet Payne

qui est toujours très semblable indépendamment les systèmes.

En terme de module dans le plateau caoutchoutique, les valeurs expérimentales de nos

mélanges ont été comparées aux résultats des calculs issus de différentes théories. Les calculs

considérant un réseau percolant de charges conduisent à une surestimation des mesures. A

l’inverse, l’utilisation de la formule de Guth et Gold, même en intégrant la fraction de

polymère lié dans le taux de charges effectif, sous estime les données expérimentales. On peut

alors utiliser le modèle à trois phases en deux étapes successives, afin de rendre compte de la

formation d’un réseau percolant contenant des sous-structures constituées d’agglomérats de

charge, reliées entre elles par du polymère lié (mais pas nécessairement vitreux).

Ce modèle sert de point de départ pour la modélisation de l’effet Payne. La prise en compte

d’une fraction de polymère lié, impliquée dans le transfert de contraintes entre sous-

structures, permet de considérer les mécanismes thermo-mécaniquement activés responsables

de la chute de module élastique avec la température et la déformation. Nous avons utilisé une

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

201

formulation statistique issue d’un modèle à deux puits afin de décrire l’équilibre entre le

nombre de molécules adsorbées et non adsorbées sur la surface. L’évolution de la quantité de

polymère lié assurant le transfert des contraintes a été reliée à ce nombre de liens (dans une

vision relativement proche de celle de Mayer et Göritz) mais réintégrée dans le modèle de

couplage mécanique (calcul du module du composite). La description de la forme de la courbe

est certes moins satisfaisante que dans le cas d’une équation phénoménologique telle que celle

de Kraus, mais le sens physique des paramètres introduits est clairement identifié et les

valeurs numériques obtenues sont compatibles avec les caractéristiques des différents

matériaux. Une perspective intéressante en terme de modélisation résiderait dans le

développement d’un modèle de type éléments discrets, qui permettrait de décrire

explicitement la microstructure et la transmission des efforts aux points de contacts entre les

différents constituants.

IV.6 Conclusions Lors de ce chapitre, nous avons constaté que les réponses mécaniques viscoélastiques

linéaires de nos différents systèmes différent essentiellement en terme de module dans le

plateau caoutchoutique. On observe que le module diminue avec le recouvrement progressif

de la surface et la longueur de l’agent de recouvrement. Dans le cas d’un agent de couplage,

ce module diminue avec le recouvrement jusqu’à une valeur seuil puis réaugmente pour les

recouvrements supérieurs par un effet de réticulation des molécules d’agent de couplage en

excès. Cette différence de module se retrouve lors des mesures d’effet Payne. L’interprétation

a été faite sur la base de l’existence d’un réseau percolant mixte formé d’agglomérats de

charges reliés entre eux par une couche de polymère lié. La quantité de polymère lié, qui varie

avec le recouvrement de la surface, permet d’expliquer les différences de module initial.

Lorsque la surface est totalement recouverte, la présence de liaisons covalentes contribue à la

réticulation globale, donc au niveau de module.

Lors de l’application d’un premier balayage interviennent des processus irréversibles (rupture

d’agglomérats, glissements de chaînes). Ces mécanismes se manifestent principalement au

cours du premier cycle de déformation sinusoïdale appliqué et conduisent à une diminution de

la rigidité de la structure. A ces mécanismes immédiats et irréversibles vient se superposer la

modification du polymère lié reliant les sous-structures. Celle-ci est le résultat soit d’un

processus de désadsorption de chaînes (tel qu’évoqué par Mayer et Göritz), soit d’une

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

202

augmentation de la mobilité des chaînes par un processus de type relaxation principale. Ce

second mécanisme est réversible. Il se stabilise après quelques cycles sinusoïdaux. La

structure définitivement modifiée après l’application de la déformation maximale atteinte lors

du premier balayage est alors sollicitée lors d’un second balayage dans lequel n’intervient que

le mécanisme réversible. Ce mécanisme réversible a été décrit à l’aide d’un processus thermo-

mécaniquement activé, résultant d’un équilibre entre adsorption et desadsorption des chaînes

à l’interface. A la différence du modèle de Mayer et Göritz qui conduit à des valeurs peu

cohérentes des paramètres, la description proposée intègre un modèle de couplage mécanique,

qui traduit l’aspect composite des matériaux étudiés.

Pour les plus grandes déformations, une forte dissipation est observable pour les échantillons

fortement recouverts (AR8-100, AR8-125 et AR16). L’utilisation de l’agent de couplage

prévient cette forte dissipation grâce à la formation de liaisons covalentes entre les chaînes et

la charge. Afin de confirmer le lien entre cette manifestation dissipative et l’apparition de

l’endommagement, nous allons étudier le domaine des plus grandes déformations dans le

chapitre suivant.

Références : 1 G. HEINRICH, M.KLÜPPEL, Recent advances in the theory of filler networking in elastomers, Advances in Polymer Science, 160, 1, 2002 2 B.HAIDAR, H. SALAH DERRADGJI, A.VIDAL, E. PAPIRER, Physical aging phenomena in silica and glass beads filled elastomers (EPDM), Macromol. Symp., 108, 147, 1996 3 L.CHAZEAU, J.D.BROWN, L.C.YANYO, S.S.STERNSTEIN, Modulus recovery kinetics and other insights into the Payne effect for filled elastomers, Polym. Compos., 21, 202, 2000 4 B.B.BOONSTRA, “Reinforcement of Elastomers”, Ed G.Krauss, Interscience, 1965 5 V.ARRIGHI, I.J.McEWEN, H.QIAN, M.B.SERRANO PRIETO, The glass transition and interfacial layer in styrene-butadiene rubber containing silica nanofiller, Polymer, 44, 6259, 2003 6 L. LADOUCE, Y. BOMAL, Dynamic Mechanical Properties of Precipitated Silica Filled Rubber: Influence of Morphology and Coupling Agent, Rubb. Chem. Technol., 76, 145, 2003 7 G.KRAUS, Mechanical losses in Carbon Black-Filled Rubbers, J. Appl. Poly. Sci.: Appl. Poly. Symp., 39, 75, 1984 8 G.HUBER,T.A. VILGIS, Universal properties of filled rubbers : Mechanisms for reinforcement on different length scales, Kautsch. Gummi Kunst, 52, 102, 1999 9 P.G. MAIER, D. GORITZ, Molecular Interpretation of the Payne effect, Kautsch. Gummi Kunstst., 49, 18, 1996

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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations

203

10 R.M.CHRISTENSEN, K.H.LO, Solutions for effective Shear properties in three phases sphere and

cylinder models, J. of Mechanics and Physics of Solids, 27, 315, 1979 11 J. PEREZ, Physics and Mechanics of Amorphous polymer , Ed. A.A. Balkema, Rotterdam

/Broohfield, 1998 12 C. GAUTHIER, E. REYNAUD, R.VASSOILLE, L. LADOUCE , Analysis of the non linear

viscoelastic behaviour of Silica filled Styrene Butadiene Rubber, Polymer, in press

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

204

Chapitre V : Grandes déformations et endommagement

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

205

Dans le chapitre précédent, nous avons étudié la réponse viscoélastique et l’effet Payne des

différents matériaux en fonction du traitement de surface utilisé. Cette étude réalisée pour des

déformations inférieures à 1, a révélé l’importance de la desadsorption des chaînes de la

couche de polymère lié sous l’effet de la déformation. Au cours de la déformation (<1), pour

des taux supérieurs à 75% et des longueurs de chaîne alkyle supérieures à 8 carbones,

l’utilisation d’agent de recouvrement engendre de fortes dissipations d’énergie attribuables à

l’apparition de l’endommagement. Dans le cas de l’agent de couplage, le module initial chute

jusqu’à une valeur seuil puis réaugmente du fait de la réticulation. Pour les déformations

supérieures à 0.1, la formation de liaisons covalentes permet de prévenir l’endommagement

en limitant la décohésion aux interfaces.

Dans la continuité de la caractérisation mécanique, l’exploration des plus grandes gammes de

déformation devrait permettre de confirmer et/ou d’exacerber les effets observés. Le présent

chapitre s’intéresse au comportement en traction en fonction du traitement de la surface. Nous

chercherons ensuite à caractériser l’endommagement qui apparaît durant la déformation. Des

mesures de dilatation volumique couplées à la traction permettront de suivre la formation

éventuelle de vides au sein du composite, du fait de la décohésion aux interfaces. La diffusion

aux petits angles in-situ devrait aussi aider à interpréter les différents mécanismes mis en jeu.

V.1 Comportement aux grandes déformations

V.1.1 Matrice seule et chargée avec la silice non traitée

L’introduction de charges au sein de la matrice modifie la courbe contrainte-déformation

obtenue lors d’un essai de traction (cf. figure V-1a). Le renforcement se manifeste par une

augmentation de la contrainte à une déformation donnée et une amélioration des propriétés à

la rupture (augmentation de la déformation à rupture de 5 à 7.5 et de la contrainte nominale de

4 à 18 MPa). C’est un point clé de l’utilisation de nanocharges dans les matrices élastomères

d’obtenir à la fois un effet de renfort et l’amélioration des propriétés à rupture.

Une représentation différente des mêmes résultats est obtenue en traçant le module de corde

(première dérivée de la contrainte par rapport à la déformation) (cf. figure V-1b). On constate

que celui de la matrice non chargée augmente peu avec le taux de déformation. Pour des

déformations supérieures à 3, l’augmentation devient un peu plus marquée, c’est la phase de

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

206

consolidation. Dans le cas de la matrice chargée, la courbe présente une forme différente. On

peut y distinguer trois régions : le domaine de l’effet Payne avec l’apparition d’un minimum

assimilable à G’∞ (ε comprises entre 0 et1), une remontée du module qui se stabilise (pour les

déformations comprises entre 1 et 5) et la région terminale (consolidation) conduisant à la

rupture de l’éprouvette (ε supérieures à 5).

0 1 2 3 4 5 6 7 80

5

10

15

20

Domaine de sollicitationsde l'effet Payne

Con

train

te n

omin

ale,

σ (M

Pa)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

M : Matrice SBR Si: SBR + Silice seule

a)

0 1 2 3 4 5 6 7 80

2

4

6

8

10

Minimum correspondant au point d'inflexion

Mod

ule

de c

orde

(MP

a)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

M Si

b)

Figure V-1 : Essais de traction à température ambiante et ε*=0.4s-1, a) courbe contrainte nominale – déformation nominale, b) module de corde en fonction de la déformation nominale, pour la matrice et la matrice chargée

Afin d’interpréter le renforcement aux grandes déformations, on évoque souvent le rôle de

l’amplification de la déformation. En effet, du fait de l’hétérogénéité de la répartition des

charges, les zones de plus faible module se déforment au détriment des zones plus rigides1.

Localement, le taux de déformation devient donc supérieur au taux macroscopique. D’après

Kucherskii2, on peut estimer le facteur d’amplification en considérant le taux de déformation

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

207

au minimum du module de corde (correspondant au point d’inflexion). La déformation de la

phase caoutchoutique dans les mélanges chargés au point d’inflexion (εk composite)

correspondrait à la limite d’extension des chaînes les plus courtes du réseau dans le

composite. Kucherskii propose l’équation V-3 pour estimer le facteur d’amplification :

K=εk matrice / εk composite. (V-1)

Le facteur d’amplification pour le mélange SBR chargé avec de la silice est estimé à 2.8 par

cette méthode.

Pour obtenir une mesure plus directe du facteur d’amplification, Lapra3 propose d’utiliser

l’imagerie AFM lors d’un essai de traction. En repérant un certain nombre d’agglomérats de

charges (zones claires sur la figure V-2), la détermination d’un facteur d’amplification

consiste à faire le rapport entre la déformation mesurée entre deux agglomérats et la

déformation macroscopique. Sur des matériaux SBR-silice chargés à 27phr, et pour des

déformations supérieures à 1, Lapra détermine des facteurs d’amplification de la déformation

entre 2.5 et 2.8.

Figure V-2 : Image AFM de la surface d’un matériau SBR chargé (essai GEMPPM)

Toutefois, la comparaison entre l’estimation du facteur d’amplification grâce à l’équation (V-

3) et la détermination par AFM n’est pas triviale (déformation différente, taux de charge

différent). La conclusion commune de ces deux approches est que la déformation est

hétérogène à l’échelle micronique.

1.5µm

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

208

Description théorique des résultats

Nous avons vu dans le chapitre I que le caractère entropique de l’élasticité caoutchoutique

peut-être décrit par l’expression de Flory et Huhn4 dans l’hypothèse gaussienne. Dans le cas

de la matrice non chargée, cette approche permet de décrire la courbe contrainte nominale en

fonction de la déformation nominale pour des déformations n’excédant pas 3.5 (Figure V-3).

Pour cette description, le module initial utilisé est égal à 0.3 MPa. On peut affiner la

description du comportement lorsque les chaînes atteignent leur limite d’extensibilité. En

conservant le même module initial, nous avons testé la formulation d’Arruda et Boyce5 (Eq.

I-6 Chapitre I) en ajustant la courbe par le biais du paramètre n. Dans cette description, n est

lié à la longueur de persistance, et reflète la rigidité de la chaîne. Plus ce paramètre augmente,

plus l’estimation issue de la formulation d’Arruda et Boyce tend vers celle de l’approche

gaussienne (Figure V-3).

0 1 2 3 4 50.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

Con

train

te n

omin

ale,

σ (M

Pa)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

M : expérimental Approche Gaussienne

Approche Arruda et Boyce (8 chaînes) n = 20 n = 35 n = 60

Figure V-3 : Courbe de traction contrainte nominale en fonction de déformation nominale de la matrice et interprétation par la théorie d'élasticité

Dans le cas des systèmes chargés, ces deux approches ne permettent pas de décrire

correctement le comportement du matériau et les paramètres perdent leur sens physique. Cela

se comprend aisément vu la diversité des mécanismes de déformation conduisant à la rupture

de l’éprouvette : mécanismes associés à la première sollicitation dans la gamme de

déformation associée à l’effet Payne (désagglomération, desadsorption) mais également

apparition de l’endommagement (décohésion, cavitation). Les paramètres liés au matériau qui

interviennent dans ces différents mécanismes impliquent à la fois le réseau vulcanisé, le

réseau connexe de charges (s’il existe) et les interfaces matrice / charge. L’influence des

traitements de surface utilisés dans cette étude devrait donc également se manifester dans

cette gamme de déformation.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

209

Dans la partie suivante, le comportement aux grandes déformations est analysé pour les

agents de recouvrement en fonction du taux de couverture (AR8) et de la taille du traitement à

taux de couverture constant (ARn) et pour l’agent de couplage en fonction du taux de

couverture (AC).

V.1.2 Influence des agents de recouvrement

V.1.2.1 Influence du taux (série AR8) Les courbes de la figure V-4a présentent les courbes (contrainte nominale en fonction de la

déformation nominale) pour les différents mélanges de la série AR8. On observe que

l’augmentation du taux d’AR8 entraîne une chute de la contrainte à déformation donnée.

Cette chute de contrainte se stabilise pour les taux les plus élevés (taux d’AR8 supérieurs à

100%). Cette chute du renforcement est liée au recouvrement progressif de la surface de la

charge, et le phénomène de saturation peut être attribué au recouvrement total de la surface

(cf. chapitre III). La rupture des éprouvettes a lieu dans une gamme relativement faible de

déformations (comprises entre 5.7 et 7) et pour une large gamme de contraintes comprises

entre 8 et 16 MPa.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

210

0 1 2 3 4 5 6 70

2

4

6

8

10

12

14

16

18

Con

train

te n

omin

ale,

σ (M

Pa)

Déformation nominale (mm/mm)

Si Ar8-25 Ar8-50 Ar8-75 Ar8-100 Ar8-125

a)

0 1 2 3 4 5 6 7 80

1

2

3

4

5

6

Inversion de tendance

minimum correspondant au point d'inflexion

Mod

ule

de c

orde

(MP

a)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

Si Ar8-25 Ar8-50 Ar8-75 Ar8-100 Ar8-125

b)

Figure V-4 : Résultats de traction pour les matériaux de la série AR8 (Tamb, ε*=0.4 s-1), a) courbe contrainte déformation, b) Module de corde en fonction de la déformation

En ce qui concerne les modules de corde (figure V-4b), la forme des courbes se décompose,

comme précédemment, en trois régions, respectivement comprises entre 0 et 1, 1 et 5, et au-

delà de 5.

Dans la première région (ε comprise entre 0 et1), le taux d’AR8 influence la position du

minimum et la valeur du module de corde associé. Rappelons que ce minimum correspond au

point d’inflexion de la courbe contrainte déformation. La déformation au minimum de la

courbe de module de corde se situe entre ε ≈ 0.6 et ε≈1, et augmente avec le taux d’AR8. On

peut calculer, selon l’hypothèse de Kucherskii4, le facteur d’amplification en fonction de ce

taux. Malgré l’absence d’une tendance nette, on peut néanmoins déceler une légère

diminution de ce facteur avec le recouvrement de la surface jusqu’à une valeur seuil

d’environ 2.2 (cf. figureV-5). Cette décroissance correspond à une apparition retardée de la

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

211

limite d’extension des chaînes les plus courtes du réseau dans le composite. On peut donc

supposer que l’utilisation d’agent de recouvrement conduit à une distribution en taille des

longueurs entre nœuds de réticulation plus étroite. Cela confirmerait ainsi les conclusions du

Chapitre III : le recouvrement de la surface des charges conduit à une adsorption moins

importante du CBS et par conséquent à une réticulation plus homogène et moins localisée au

voisinage de la matrice. Par ailleurs, la valeur du module au minimum décroît

progressivement de 0.8 à 0.3 MPa lorsque le taux d’AR8 augmente. La valeur de module reste

constante (et égale à 0.3 MPa) pour le recouvrement maximum (100 et 125%). Dans le cas

des mesures d’effet Payne (mesures de cisaillement), on avait observé une évolution similaire

de G’∞ mais l’amplitude des variations était plus faible. Cette différence d’amplitude est

probablement en rapport avec le mode de sollicitation (cisaillement ou traction).

0 20 40 60 80 100 120 1400.8

1.0

1.2

1.4

1.6

1.8

2.0

2.2

2.4

2.6

2.8

3.0

MatriceK, f

acte

ur d

'am

plifi

catio

n

AR8 - Taux (%)

Figure V-5 : Facteur d'amplification en fonction du taux d’AR8

Au-delà du minimum (ε comprises entre 1 et 5), les modules les plus élevés correspondent

au système avec la silice non traitée. Les valeurs de module de corde sont d’autant plus faibles

que le taux d’AR8 est élevé. On observe une évolution de la forme de la courbe. Une rupture

de pente est observable pour des déformations proches de 3 pour les échantillons Si et AR8-

25 et donne lieu ensuite à une sorte de plateau. Pour les autres taux, la présence de ce plateau

n’est pas observée. A ces taux de déformations, les premières ruptures du réseau de charges et

la desadsorption du polymère lié reliant les sous-structures se sont déjà manifestées et les

décohésions à l’interface deviennent importantes. Ces décohésions vont se développer avec la

déformation d’autant plus facilement que le nombre d’interactions entre la matrice et la

charge est limité. Cela conduit à des modules de corde qui augmentent moins rapidement avec

la déformation avant le plateau. On est en présence de deux phénomènes concomitants : la

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

212

déformation du réseau vulcanisé et l’apparition et le développement des décohésions. Le

développement de l’endommagement limite l’influence de la charge et conduit à la formation

de ligaments de matrice dont le comportement dépend de la réticulation que nous savons

légèrement différente en fonction du traitement de la charge.

Dans la troisième région (ε >5), l’ordre des courbes s’inverse conduisant à un module plus

faible pour Si et un module croissant avec le traitement de la charge. Dans cette zone de

consolidation, toutes les chaînes du réseau vulcanisé atteignent leur limite d’extensibilité. Les

propriétés sont donc, là encore, fortement influencées par la réticulation du réseau. Comme

rappelé dans le paragraphe précédent, plus la surface est couverte, moins les accélérateurs de

vulcanisation se sont adsorbés. Cela entraîne la formation de ponts plus courts et donc

légèrement plus nombreux en présence de silice traitée que de silice non traitée. Le

comportement dans la zone terminale (ε>5) reflèterait donc cette différence de réticulation par

une consolidation plus rapide et un allongement à la rupture qui décroît légèrement.

Afin de valider cette hypothèse, nous avons réalisé des essais sur une série d’échantillons

(AR8bis) pour laquelle le traitement de surface de la charge est identique mais le système de

vulcanisation a été augmenté afin d’estomper cet effet d’hétérogénéité de la réticulation. Dans

ces échantillons, le système de vulcanisation (Soufre, accélérateurs) dans la matrice est de fait

plus important. Les courbes sont présentées par la figure V-7. Les courbes contrainte-

déformation des matériaux de cette série se classent comme celles de la série AR8 : les

contraintes à un taux de déformation donné diminuent avec le taux d’agent de recouvrement.

Par contre, les courbes de module de corde ne présentent pas la zone d’inversion avant la

rupture. On peut également remarquer, en comparant les séries AR8 et AR8bis, des

déformations à la rupture inférieures (4.5 et 5.5) pour AR8bis attribuable à l’augmentation du

taux de réticulation globale (due certes à la concentration plus forte en CBS mais aussi et

surtout à la quantité de soufre introduite plus importante).

Enfin, pour revenir à la série AR8, on observe que la rupture survient pour des déformations

quasi identiques (à la légère diminution près expliquée précédemment) et des contraintes

d’autant plus faibles que la surface est recouverte. Ce résultat est la conséquence des

mécanismes décrit plus haut. La couverture de la surface par les agents de recouvrement

facilite l’initiation d’une décohésion à l’interface charge-matrice. La déformation de

l’échantillon se concentre donc dans les ligaments de matrice entre ces zones de décohésions.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

213

La section totale de ligaments sera d’autant plus faible que le nombre de décohésion sera

important (cf. figure V-6). Néanmoins, ces ligaments ont la même déformation à rupture

(toujours à la légère différence de réticulation près). Cela conduit donc à taux de

recouvrement croisant, à la chute de la contrainte à rupture pour un taux de déformation à

rupture identique.

Section S1 S2 S3 S4

Vide

ligament

Figure V-6 : Représentation schématique de la décohésion et des ligaments de matrice

En conclusion, (si on néglige les conséquences sur le processus de réticulation), le

recouvrement progressif de la charge par le biais de l’agent de recouvrement (AR8) induit une

chute du renforcement initial qui est lié à la chute de rigidité du réseau par la diminution de la

quantité de polymère lié transmettant les efforts. Le traitement de la charge conduit également

à un comportement à la rupture (déformation équivalente et chute de la contrainte avec le

recouvrement) qui traduit un endommagement à l’interface entre la matrice et la charge

d’autant plus facile que le nombre de liaisons entre la silice et la matrice est limité.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

214

0 1 2 3 4 5 60

2

4

6

8

10

12

14

16

18

Con

train

te n

omin

ale,

σ (M

Pa)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

Agent de recouvrement (8 carbones) réticulation supplémentaire

Ar8-25 bis Ar8-50 bis Ar8-75 bis Ar8-100 bis Ar8-125 bis

a)

0 1 2 3 4 5 60

2

4

6

8

Mod

ule

de c

orde

(MP

a)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

Agent de recouvrement (8 carbones) réticulation supplémentaire

Ar8-25 bis Ar8-50 bis Ar8-75 bis Ar8-100 bis Ar8-125 bis

b)

Figure V-7 : a) Courbe contrainte-déformation nominale, b) Module de corde en fonction de la déformation pour la série AR8bis, (ε*=0.4 s-1).

V.1.2.2 Influence de la taille de la chaîne alkyle (série ARn) Le comportement des matériaux dont la charge est recouverte avec des agents de

recouvrement de plus en plus longs suit une tendance similaire à celle observée dans la série

précédente. La contrainte à une déformation donnée décroît avec la longueur de l’agent de

recouvrement ( figure V-8). Par contre, alors qu’une saturation de la chute était observée pour

les taux d’AR8 les plus élevés, celle-ci n’est pas présente dans le cas des systèmes ARn.

Ainsi, le comportement de l’échantillon AR16 est bien inférieur à celui de AR8, indiquant

peut-être un effet plastifiant de l’AR16 en excès. Les déformations et les contraintes à la

rupture sont comparables à celles observées avec la série précédente (AR8). La gamme de

déformation à rupture est restreinte, comprise entre 6 et 7 et les contraintes varient de 8 et 16

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

215

MPa. Les contraintes à rupture les plus élevées sont obtenues pour les agents de recouvrement

les plus courts ou la silice non traitée.

0 1 2 3 4 5 6 7 80

2

4

6

8

10

12

14

16

18

Con

train

te n

omin

ale,

σ (M

Pa)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

Si AR1 AR3 AR8 AR16

a)

0 1 2 3 4 5 6 70

2

4

6

Minimum correspondant au point d'inflexion

Mod

ule

de c

orde

(MP

a)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

Si AR1 AR3 AR8 AR16

b)

Figure V-8 : Essais de traction pour la série ARn (ε*=0.4 s-1 ) a) courbe contrainte déformation b) module de corde en fonction de la déformation

Les courbes du module de corde en fonction de la déformation (figure V-8b) présentent

encore trois régions caractéristiques. Dans la première région, en fonction des traitements de

surface, le module de corde passe par un minimum pour des déformations allant de ε≈0.6

(pour la silice non traitée) à ε≈1.1 pour l’agent de recouvrement le plus long (AR16). Ces

déformations correspondent à une amplification K qui chute d’environ 2.8 pour la silice non

traitée à 1.7 pour (AR16). La figure V-9 présente l’évolution de K en fonction de la longueur

de la chaîne alkyle.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

216

0 2 4 6 8 10 12 14 16 180.8

1.0

1.2

1.4

1.6

1.8

2.0

2.2

2.4

2.6

2.8

3.0

MatriceK F

acte

ur d

'am

plifi

catio

n

ARn - longueur de chaîne alkyle (nC)

Figure V-9 : Facteur d'amplification en fonction de la longueur de chaîne alkyle (ARn)

Pour des déformations plus importantes (entre 1 et 5), les mélanges Si, AR1 et AR3

présentent des courbes de module de corde avec des niveaux différents mais une allure

similaire (comportement appelé type 1). Cette allure se caractérise par une augmentation

rapide du module de corde jusqu’à une rupture de pente observée pour des déformations

comprises entre 3.5 et 4, puis un plateau. Pour les mélanges AR8 et AR16, les modules de

corde sont plus faibles et augmentent plus lentement sans apparition de plateau

(comportement type 2). Ainsi, sur l’ensemble des deux séries avec agent de recouvrement, la

forme de courbe de type 1 correspond à l’ensemble des matériaux dont l’étude de l’effet

Payne ne révélait pas de deuxième pic de facteur de perte. A l’inverse, pour les mélanges AR8

et AR16 ainsi que pour les échantillons AR8-100 et AR8-125 (comportement type 2), ce pic

était observé et attribué à l’apparition de l’endommagement. On peut donc proposer que la

forme de courbe de type 1 est en relation avec le développement moins rapide de

l’endommagement du fait d’un recouvrement plus faible de la surface.

La troisième région de la courbe de module de corde (déformations supérieures à 5)

correspond au durcissement qui conduit à la rupture de l’éprouvette. Pour les échantillons Si,

AR1 et AR 3, on retrouve, comme pour les matériaux de la série AR8, que les courbes se

croisent. Dans le cas d’AR8 et AR16, les niveaux de module de corde sont bien inférieurs

mais les pentes augmentent encore, ce qui permet de valider les conclusions précédentes :

dans cette zone, les caractéristiques de la matrice vulcanisée deviennent prépondérantes.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

217

Finalement, le comportement aux grandes déformations dépend beaucoup du traitement de la

surface de la silice. Les mécanismes mis en jeu sont le développement de l’endommagement

du aux décohésions à l’interface et la déformation du réseau vulcanisé. L’utilisation d’un

agent de couplage conduit à la formation des liaisons covalentes entre la charge et la matrice

ce qui permet de prévenir ou de retarder l’endommagement observé avec les agents de

recouvrement et contribue à la réticulation. Les propriétés en traction des mélanges (AC)

utilisant cet agent d’interface sont présentées dans le paragraphe suivant.

V.1.3 Influence de l’agent de couplage

Les courbes de la figure V-10a, présentent l’évolution de la contrainte en fonction de la

déformation pour les différents taux d’agent de couplage. On observe cette fois que les

contraintes les plus faibles sont obtenues pour la silice non traitée à déformation donnée.

L’utilisation d’un agent de couplage, dès les faibles taux (25%), conduit à une augmentation

des contraintes. Ce renforcement augmente continuellement avec l’accroissement du taux. La

rupture se produit pour une déformation décroissante avec le taux d’AC introduit. Cette

dernière passe de 7 pour la silice non traitée à 3 pour AC-125. Les contraintes à la rupture se

confinent dans une gamme de valeurs relativement proches, elles sont comprises entre 15 et

17 MPa.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

218

0 1 2 3 4 5 6 7 80

2

4

6

8

10

12

14

16

18

Con

train

te n

omin

ale,

σ (M

Pa)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125

a)

0 1 2 3 4 5 6 7 80

2

4

6

8

10

Mod

ule

de c

orde

(MP

a)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125

b)

Figure V-10 : courbes de traction pour la série AC (Tamb, ε*=0.4 s-1), a) courbe contrainte déformation, b) Module de corde en fonction de la déformation

L’évolution du module de corde est décrit par la figure V-10b pour l’ensemble de ces

mélanges. Le minimum du module de corde (point d’inflexion) est localisé à des déformations

comprises entre ε≈0.7 (pour la silice non traitée) et ε≈0.5 (pour AC-125). L’amplification de

déformation est constante pour des taux d’AC jusqu’à 75 % et augmente légèrement pour les

taux d’agent de couplage supérieurs (cf. figure V-11). Il est important de rappeler que pour les

mélanges AC-75, AC-100, et AC-125, la caractérisation du greffage (Chapitre III) et les

propriétés aux faibles déformations (Chapitre IV) permettent de considérer que le greffage

maximal est atteint. L’évolution du facteur d’amplification est le résultat de deux phénomènes

concomitants : le recouvrement de la surface qui conduit à une réticulation plus homogène

(même observation que pour les agents de recouvrement) et une augmentation du degré de

réticulation par la polycondensation de l’agent de couplage en excès (effet surtout sensible

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

219

pour les taux supérieurs à 75). Ces deux phénomènes ont des effets antagonistes sur le facteur

d’amplification qui expliquent ainsi sa décroissance puis sa remontée avec le taux d’AC. On

constate également l’augmentation de la valeur du module de corde au minimum de la courbe

qui augmente avec le taux d’agent de couplage et passe de 0.8 à 1.7 MPa. Cette évolution est

très similaire à celle observée pour G’∞.

0 20 40 60 80 100 120 1400,81,01,21,41,61,82,02,22,42,62,83,03,23,43,63,84,0

MatriceK F

acte

ur d

'am

plifi

catio

n

AC - Taux (%)

Figure V-11 : Facteur d'amplification en fonction du taux d’AC

Pour les taux de déformations supérieures, les courbes du module de corde en fonction de la

déformation ont toute une forme de type 1 (augmentation rapide suivie d’un plateau). Le

plateau apparaît d’autant plus rapidement et sa valeur est d’autant plus élevée (de 4MPa à

7MPa) que le taux d’agent de couplage est important. Le niveau du plateau de module de

corde dépend donc de l’état de réticulation globale du composite (réticulation de la matrice et

nombre de liaisons covalentes entre la charge et la matrice).

Pour reprendre l’interprétation faite en présence d’agent de recouvrement, sous l’effet de la

déformation, les mécanismes mis en jeu sont tout d’abord un affaiblissement du réseau S-PL-

S au niveau des jonctions entre sous-structures, puis la déformation du réseau vulcanisé et le

développement de l’endommagement. Dans le cas des agents de couplage, du fait des liaisons

chimiques charge matrice, la silice joue le rôle de nœud de réticulation multi-fonctionnel qui

augmentent considérablement l’effet de la réticulation. Ce couplage retarde également le

développement de l’endommagement. Cela conduit à des niveaux de renforcement supérieurs

à ceux obtenus pour la silice non traitée et à la diminution des valeurs de déformation à

rupture.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

220

Pour confirmer l’influence d’une réticulation supplémentaire, on peut étudier le

comportement jusqu’à rupture du mélange AC-75S+ pour lequel le recouvrement est

identique mais la réticulation de la matrice est doublée.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.00

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

22C

ontra

inte

nom

inal

e, σ

(MP

a)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

AC75 AC125 AC75S+

a)

0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,50

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

Mod

ule

de c

orde

(MP

a)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

AC75 AC125 AC75S+

b)

Figure V-12 : a) courbe contrainte déformation, b) Module de corde en fonction de la déformation pour AC75, AC125, et le mélange AC75S+ ‘’sur réticulé’’, ε= 0.4 s-1

. L’évolution de la courbe contrainte déformation est en accord avec les conclusions

avancées précédemment : dans le cas d’une bonne interface, lorsque la réticulation augmente,

le durcissement est plus prononcé et plus précoce et la déformation à rupture diminue. En

terme de module de corde, l’augmentation de la réticulation est observable sur la valeur du

minimum et sur la forme de la courbe (type1) et le facteur d’amplification de AC75S+ est

égal à 5.5. L’effet d’une sur-réticulation de la matrice non chargé conduit également à des

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

221

observations similaires. Des mesures de déformation et de contrainte à rupture de la matrice

en fonction du taux de réticulation sont présentées dans l’Annexe-4.

V.1.4 Discussion

Nous venons de décrire le comportement en traction en faisant évoluer le recouvrement de la

surface par un agent de recouvrement (AR8 ou ARn) puis par un agent de couplage (AC). Il

paraît intéressant de comparer maintenant les deux types de greffages. La figure V-13

présente le comportement des échantillons Si, AR8, AR16 et AC-75, et celui de la matrice

non chargée.

1. La présence de silice non traitée engendre un renforcement largement supérieur à celui de

la matrice non chargée.

2. La silice traitée par des agents de recouvrements conduit à une diminution du

renforcement. Il semble que ce traitement tend à annihiler le renforcement engendré par

la charge. Ainsi, le comportement de l’échantillon AR16 devient presque comparable à

celui de la matrice non chargée,.

3. La silice traitée avec un agent de couplage grâce à la formation de liaisons covalentes

entre la charge et la matrice montre un renforcement considérablement accru qui conduit

également à une diminution de l’allongement à rupture.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

222

0 1 2 3 4 5 6 7 80

5

10

15

20

3

2

1

Con

train

te n

omin

ale,

σ (M

Pa)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

M : Matrice Si

Agents de recouvrement AR8 AR16

Agent de couplage AC75

a)

0 1 2 3 4 5 6 7 80

2

4

6

8

10

3

21

Mod

ule

de c

orde

(MP

a)

Déformation nominale, ε(mm/mm)

M : Matrice Si

Agents de recouvrement AR8 AR16

Agent de couplage AC75

b)

Figure V-13 : a) courbe contrainte déformation, b) Module de corde en fonction de la déformation pour les différents types de traitement de surface, ε= 0.4 s-1

Lorsque la silice est traitée par des agents de recouvrement, l’évolution de la contrainte en

fonction de la déformation montre une réduction du renforcement par rapport aux mélanges

chargés avec la silice non traitée. Aux petites déformations (<1) la rigidité du mélange est

réduite. Pour des déformations supérieures, les plus faibles interactions entre la matrice et la

charge favorisent la décohésion aux interfaces. Ce phénomène serait favorisé par la

réticulation moins serrée au voisinage de la charge traitée. Les caractéristiques de la rupture

(rappelées par la figure V-14) seraient la conséquence de ce processus d’endommagement.

Les décohésions entraîneraient la formation de ligaments de matrice autour des charges. La

contrainte serait la conséquence de ce processus qui ne serait pas initialisé aux mêmes

déformations en fonction du recouvrement de la surface de la charge ou de la longueur de la

molécule d’agent de recouvrement. Et la valeur de la contrainte à la rupture serait le résultat

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

223

de la section totale plus ou moins importante des ligaments pour lesquels la déformation à la

rupture reste quasiment constante. La légère baisse de cette dernière serait simplement liée à

la petite différence de réticulation (ponts plus courts et donc un peu plus nombreux avec le

taux de recouvrement).

En présence d’agent de couplage, les interactions entre la matrice et la charge sont favorisées

par la formation de liaisons covalentes qui ont pour conséquence d’augmenter le degré de

réticulation du composite. L’agent de couplage en créant des liaisons chimiques entre la

charge et la matrice limiterait le phénomène de décohésion évoqué pour la silice traitée avec

les agents de recouvrement. Ce phénomène d’endommagement serait soit retardé vers de plus

grandes déformations soit remplacé par un autre type d’endommagement. Dans le cas de

liaisons fortes charge matrice, certains auteurs considèrent en effet la formation de cavités au

sein de la matrice (au voisinage de la charge)6. Quel qu’en soit l’origine, le phénomène de

fléchissement du module est interprété par la propagation de cet endommagement (cf. figure

V-13b). L’augmentation de la réticulation est responsable d’une rupture qui se produit pour

des contraintes équivalentes (cf. figure V-14) et des déformations décroissantes avec la

quantité d’agent de couplage.

3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 5.5 6.0 6.5 7.0 7.5

8

10

12

14

16

18

Con

train

te à

la ru

ptur

e, σ

r (M

Pa)

Déformation à la rupture, εr (mm/mm)

Agents de recouvrement AR8 (différents taux de recouvrement (%)) ARn (longueur de chaîne alkyle (nC))

Agent de couplage AC (différents taux de recouvrement (%))

Figure V-14 : enveloppe rupture pour l'ensemble des matériaux

Dans cette gamme de déformation, la qualité de l’interface, plus résistante en présence de

liaisons covalentes ou au contraire affaibli en présence d’agent de recouvrement est donc le

facteur déterminant dans le renforcement d’élastomères chargés en particulier parce qu’il

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

224

conditionne les mécanismes d’endommagement. Les mesures qui vont suivre s’intéressent à

mieux caractériser cet endommagement.

V.2 Caractérisation de l’endommagement

Nous nous limiterons ici à caractériser l’endommagement se manifestant par la formation de

vide, c’est à dire le mécanisme de notre point de vue prépondérant. La première technique

utilisée est la dilatométrie. La seconde est la diffusion de lumières aux petits angles. Les deux

techniques ont l’avantage de permettre des mesures in-situ au cours de la déformation.

V.2.1 Variation volumique sous traction

Ces mesures sont réalisées grâce à un dispositif conçu au sein du laboratoire GEMPPM, dont

le principe est décrit dans le chapitre II. Pour des raisons techniques liées à la puissance du

moteur, les vitesses de déformation sont beaucoup plus lentes que celles utilisés lors des

essais de traction discutés précédemment. De plus la géométrie du dispositif ne permet pas

dans notre cas d’atteindre des déformations supérieures à 3.

V.2.1.1 Influence de la charge La figure V-15 représente les mesures de variation volumique ∆V/V0 (%) sous traction pour

la matrice et la matrice en présence de charges. V0 correspond au volume initial de

l’éprouvette. Les mesures ne révèlent pas de variation volumique lors de la traction de la

matrice. Ce résultat confirme l’incompressibilité de l’élastomère non chargé (coefficient de

Poisson de 0.4999) et permet de valider la technique. En présence de charges, la dilatation

volumique est observable dès le début de la traction. Elle augmente ensuite avec la

déformation pour atteindre une valeur proche de 4% pour une déformation nominale de 3.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

225

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.50

1

2

3

4

Lim

ite g

éom

étriq

ue

du d

ispo

sitif

de

mes

ure

Dila

tatio

n vo

lum

ique

, ∆V/

V 0 (%

)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

M : Matrice Si

Figure V-15 : Mesure de dilatation volumique en fonction de la déformation, ε*=0.003s-1

Il y donc bien formation de cavités au sein de l’élastomère lorsqu’il est sollicité en traction.

Nous allons maintenant examiner en quoi le traitement de surface de la silice l’influence.

V.2.1.2 Influence des agents de recouvrement

La variation volumique des échantillons de la série AR8 sous traction est reportée en fonction

de la déformation figure V-16a et en fonction de la contrainte figure V-16b. La variation

volumique apparaît dès les faibles déformations et croit pour l’ensemble des échantillons avec

la déformation. A déformation donnée sa valeur décroît avec le recouvrement de la surface.

Son évolution en fonction de la contrainte montre au contraire, qu’à contrainte donnée, elle

croit avec le taux de recouvrement. La détermination d’une valeur précise correspondant au

début de la décohésion est difficile. Ce qu’il faut retenir est que la contrainte nécessaire pour

obtenir un début de cavitation est très faible que la silice soit traitée ou non. Par contre,

l’agent de recouvrement facilite d’autant plus la cavitation qu’il recouvre une part importante

de la surface de la silice et que les contraintes sont importantes.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

226

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.00.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

4.0

Dila

tatio

n vo

lum

ique

, ∆V

/V0 (

%)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

a)

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.00.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

Dila

tatio

n vo

lum

ique

, ∆V

/V0 (

%)

Contrainte nominale, ε (mm/mm)

Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

b)

Figure V-16 : Mesures de dilatation volumique en fonction a) de la déformation, b) de la contrainte, ε*=0.003s-1

La variation volumique des échantillons de la série ARn sous traction est reportée en fonction

de la déformation figure V-17a) et en fonction de la contrainte figure V-17b). L’influence de

la longueur de la chaîne alkyl est très similaire à celle du taux d’AR8. On retrouve encore une

fois l’équivalence entre taux et longueur de l’agent de recouvrement à ceci près qu’à niveau

de déformation donné, l’augmentation du taux d’agent de recouvrement semble plus efficace

que l’augmentation de sa longueur. En fait cet effet s’explique par la réticulation très

légèrement supérieure de la série AR8 par rapport à celle de la série ARn (évoquée au

chapitre III). Elle conduit à des niveaux de contraintes plus importants et donc à une

cavitation plus importante pour la série AR8.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

227

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.00.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

4.0

Dila

tatio

n vo

lum

ique

, ∆V

/Vo

(%)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

Si Ar1 Ar3 Ar8 Ar16

a)

0 1 2 3 4 50.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

4.0

Dila

tatio

n vo

lum

ique

, ∆V

/V0 (

%)

Contrainte nominale, σ (MPa)

Si AR1 AR3 AR8 AR16

b)

Figure V-17 : Mesures de dilatation volumique (ARn) en fonction a) de la déformation, b) de la contrainte, ε*=0.003s-1

V.2.1.3 Influence de l’agent de couplage

Les courbes représentées par la figure V-18 (a) et (b) illustrent l’évolution de la dilatation

volumique en fonction respectivement de la déformation et de la contrainte pour la série AC.

On observe en comparant la figure V-18 (a) et la figure V-17 (a) que la concavité initiale des

courbes de dilatation volumiques en fonction de la déformation est différente selon que la

silice est traitée avec agent de recouvrement ou qu’elle est traitée avec de l’agent de couplage.

En d’autres termes, le greffage avec un agent de couplage semble ralentir l’apparition de

cavitations aux faibles déformations. La dilatation volumique apparaît réellement pour des

déformations de l’ordre de 0.5 alors qu’elle apparaissait dès le début de la déformation pour

les échantillons Si et AR8. En outre, cette variation volumique s’accélère avec la déformation

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

228

(l’accélération croit avec le taux d’AC) pour dépasser celle de la silice traitée pour des

déformations de l’ordre de 3.5 dans le cas d’AC-75. L’observation de la dilatation volumique

en fonction de la contrainte appliquée montre des courbes qui se superposent pour tous les

échantillons traités avec AC, quel qu’en soit le taux introduit. Ainsi, il a suffi d’introduire

seulement 25% de taux d’AC pour modifier les mécanismes de cavitation de la même manière

qu’avec des taux d’AC supérieurs. Ces courbes montrent l’absence de cavitation pour des

contraintes inférieures à 1 MPa. Elles se distinguent ainsi nettement de celle de la silice non

traitée qui montre une cavitation plus précoce.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.50.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

4.0

4.5

Dila

tatio

n vo

lum

ique

, ∆V/

V 0 (%

)

Déformation nominale, ε (mm/mm)

Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125

a)

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 110.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

4.0

4.5

5.0

5.5

Dila

tatio

n vo

lum

ique

, ∆V/

V 0 (%

)

Contrainte nominale, σ (MPa)

Si AC-25 AC-50 AC-75 AC-100 AC-125

b)

Figure V-18 : Mesures de dilatation volumique en fonction a) de la déformation, b) de la contrainte, ε*=0.003s-1

V.2.1.4 Conclusion

Les mesures de dilatation volumique montrent deux types de comportement en fonction du

traitement de la surface de la silice(cf. figure V-19). Pour la silice non traitée et traitée avec

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

229

les agents de recouvrement la contrainte et la déformation de décohésion sont faibles. Pour

des déformations croissantes et équivalentes, la dilatation volumique diminue avec le

traitement de la surface. Ce phénomène s’explique par les niveaux de contrainte moins

importants quand la silice est traitée. Les mélanges avec la silice traitée montre une sensibilité

croissante à la contrainte avec le taux croissant d’agent de recouvrement ou la longueur de la

chaîne. Ces observations montrent que l’endommagement localisé à l’interface et dépend du

nombre d’interaction entre la matrice et la charge et apparaît d’autant plus facilement que leur

nombre est limité.

En présence de liaisons covalentes entre la matrice et la charge par le biais de l’agent de

couplage, les mesures montre que la décohésion à l’interface est retardée en déformation et en

contrainte. L’endommagement est influencé par la présence de l’agent de couplage mais n’est

pas significativement sensible à la quantité. La dilatation volumique tend ensuite avec la

déformation à devenir équivalente à celle observée quand la silice est non traitée ou traitée

avec agent de recouvrement.

L’initiation de l’endommagement dans le cas de fortes interactions (covalentes) à l’interface

est retardée mais les contraintes mises en jeux, le font croître très rapidement. En présence de

ce type de liaisons les mécanismes qui retardent l’apparition de l’endommagement peuvent

faire intervenir des mécanismes de réorganisation de la structure interne du composite lié à la

forte cohésion existant entre la charge et la matrice.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

230

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.00

1

2

3

4

5 M: Matrice Si AR8 AC75

Dila

tatio

n vo

lum

ique

, ∆V

/V0 (

%)

Déformation nominale, ε (%)

a)

0 1 2 3 4 5 6 7 80

1

2

3

4

5 M: Matrice Si AR8 AC75

Dila

tatio

n vo

lum

ique

, ∆V

/V0 (

%)

Contraite nominale, σ (MPa)

b)

Figure V-19 : Mesures de dilatation volumique en fonction a) de la déformation, b) de la contrainte pour les différents types d'interface, ε*=0.003s-1

Ces deux processus d’endommagement observés précédemment implique une décohésion et

la formation de vide à l’interface entre la charge et la matrice. Des techniques comme la

diffusion aux petits angles devrait permettrent de visualiser l’apparition des changements

morphologiques et la création de ces nouvelles entités diffusantes.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

231

V.2.2 Diffusion aux petits angles sous traction

V.2.2.1 Profils de diffusion 2D Afin d’approfondir notre analyse de l’endommagement, des mesures sous traction couplée à

la diffusion aux petits et ultra petits angles de rayon X et de lumière ont été réalisées. SAXS et

USAXS ne dévoilent pas de variations du profil de diffusion pendant la déformation. Aucune

hétérogénéité n’est donc visible dans les domaines de taille explorés par ces techniques.

Inversement, la diffusion de lumière montre une évolution significative des profils de

diffusion quels que soient les échantillons chargés testés.

0 50 100 150 200 250 300 3500

1

2

3

4

5321

Silice non traitée ou avec agent de recouvrement ∆V/V contrainte

Agent de couplage ∆V/V contrainte

Déformation, ε (mm/mm)

Dila

tatio

n vo

lum

ique

, ∆V/

V (%

)

0

2

4

6

8

Contrainte, σ (M

Pa)

Figure V-20 : Courbe de dilatation volumique et de contrainte en présence ou non de liaisons covalentes

Nous nous sommes limités ici à l’étude des échantillons Matrice, Si, AC-75, AC-125 et AR8.

Comme nous l’observons avec les mesures de dilatométrie, la différence entre ces 4

échantillons se situe au niveau de la présence ou non de liaisons covalentes (i.e. Si et AR8,

d’une part, et AC-75 et AC-125 d’autre part présentent le même comportement). Nous nous

bornerons par la suite à présenter les résultats obtenus avec AC et Si, c’est à dire

respectivement avec et sans liaison covalente à l’interface.

Les profils de diffusion obtenus à l’état initial ont déjà été discutés au chapitre III. Ils sont

identiques pour tous les échantillons. Nous disposons des profils mesurés en continu à chaque

incrément de déformation. A partir de leur évolution, nous avons distingué deux domaines

significatifs de déformation, le premier correspond à des déformations inférieures à 1, le

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

232

second au-delà. Dans chacun de ces deux domaines, nous avons sélectionné deux taux de

déformation pour lesquels les profils obtenus sont représentatifs :

- Un taux de déformation nominal de 0.75. A ce taux, les mesures au dilatomètre ont

montré une différence significative entre l’échantillon avec agent de couplage et celui

avec la silice non traitée, alors que les niveaux de contrainte sont identiques (cf. Figure V-

20).

- Un taux de déformation nominal de 2.5, taux pour lequel les niveaux de contraintes

diffèrent fortement, et les courbes de variations de volume se sont rapprochées.

Les profils obtenus à un taux de 75% sont présentés sur les figures V-21. Nous n’avons pas

présenté les profils de diffusion de la matrice car ils n’évoluent pas avec la traction. Les

agglomérats de ZnO ont pourtant été détectés par diffusion de lumière. Leur faible

concentration, visible en microscopie, implique des distances entre agglomérats beaucoup

trop grande pour qu’elles soient observables. C’est d’autant plus vrai lorsque l’échantillon est

déformé. En outre, l’absence de modification du profil signifie également que les agglomérats

de ZnO ne sont pas affectés par la traction. Toute modification des profils de diffusion dans

les échantillons avec charge n’est donc pas attribuable à la matrice.

L’échantillon Si montre une diffusion anisotrope allongée perpendiculairement à la direction

de la traction (figure V-19 a). Ce type de profil correspondrait à la diffusion d’entités

allongées dans le sens de la traction. La dilatation volumique déjà présente à ce taux de

déformation permet d’attribuer cette diffusion à la présence d’une décohésion à l’interface et à

la formation de vides.

En présence de liaisons covalentes, un profil très différent, en forme de « papillon », apparaît

allongé dans la direction de traction. Ce profil ne peut être le résultat de la formation de vides,

comme l’indique les mesures de dilatométrie. La formation d’un profil dit ‘’papillon’’ a déjà

été rapportée dans la littérature. Bastide et coll.7 l’observent dans le cas de gels gonflés,

formés de clusters de chaînes plus réticulées que le matériau en moyenne, déformés en

traction. Ils associent ce phénomène à la réorganisation spatiale du réseau de clusters, ces

derniers se déformant moins que les régions moins réticulées. Par ailleurs, DeGroot et coll.8

observe ce phénomène pour des suspensions de silice colloïdale dans du PDMS

(polydiméthylsiloxane) liquide sollicité en cisaillement. Ce phénomène ne se produit qu’en

présence d’agglomérats de charge. Ils l’attribuent à la rupture de ces agglomérats et leur

réorganisation par contraction et orientation dans la direction de sollicitation. Nos résultats

correspondent à ce dernier cas. La présence d’agent de couplage a donc pour conséquence, en

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

233

limitant la décohésion à l’interface, d’étirer les sous structures. Cet étirement forcément très

hétérogène conduit à l’apparition de nouvelles longueurs de corrélation dans la direction de la

sollicitation.

a) b)

Figure V-21: a) profil de diffusion pour Si, et b) en présence d'agent de couplage pour 0.75 de déformation

La figure V-22 présente les profils de diffusion obtenus à un taux de déformation de 2.5. Dans

le cas de Si, la tendance déjà observée à 0.75 est amplifiée. Les entités diffusantes (les vides)

se sont encore allongées. Pour la silice traitée avec l’agent de couplage, le profil de diffusion

possède une orientation perpendiculaire à celle du profil précédent. La visualisation de tous

les profils intermédiaires montre qu’il est le résultat d’une augmentation progressive de sa

largeur dans le sens perpendiculaire à la traction tandis que celle dans le sens parallèle s’est

légèrement contracté. Cela donne un profil très similaire à celui obtenu avec Si. A la diffusion

attribuée au réarrangement des charges qui s’est légèrement estompée s’est donc superposée

la diffusion d’entités allongées dans le sens de la traction. La similitude des deux profils est à

relier aux résultats de dilatation volumique qui montrent que les deux matériaux sont

endommagés de manière très proche à ces gammes de déformation.

Direction de traction

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

234

a) b)

Figure V-22 : a) profil de diffusion pour Si, et b) en présence d'agent de couplage pour les déformations de 2.5

V.2.2.2 Longueurs de corrélation

Afin d’obtenir les informations sous forme de courbe d’intensité en fonction du vecteur

d’onde, une moyenne sectorielle est réalisée en considérant les profils d’intensité sur un an gle

de quelques degrés selon les deux directions impliquées dans ces mesures : dans le sens de la

traction et dans le sens perpendiculaire à cette dernière.

L’analyse quantitative de ces courbes nécessite au préalable d’effectuer certaines corrections.

Au cours de la traction l’épaisseur de l’échantillon diminue avec la déformation. Une

correction doit donc être réalisée sur les valeurs de l’intensité afin de s’affranchir de

l’augmentation d’intensité provoquée par l’amincissement de l’éprouvette. Elle consiste à

prendre le rapport de l’intensité et de l’épaisseur du film. L’épaisseur du film en cours de

déformation est estimée à partir des résultats de dilatation volumique : 5.0

0

00 1 ⎥

⎤⎢⎣

⎡⎟⎟⎠

⎞⎜⎜⎝

⎛+

∆=

LL

VVee (V-4)

où e0 est l’épaisseur initiale, L0 la longueur initiale, et L l’extension.

Il aurait été utile de soustraire au signal des composites le signal de la matrice. Cela nous

aurait permis d’obtenir le seul signal des entités diffusantes (vides et charge), et d’ainsi

permettre un traitement plus quantitatif. Mais cela s’est avéré impossible. En effet, dans cette

gamme de vecteur d’onde, du fait de la présence de ZnO mal dispersé, la matrice en l’absence

de charge diffuse plus dans la gamme de q observée que les mélanges chargés (cf. Chapitre

III).

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

235

1E-4 1E-3100

1000

Silice non traitée

Inte

nsité

diff

usée

, I (U

A)

vecteur d'onde q (A°-1)

déformation ε=0 ε=0.89 ε=2.31 ε=3.7

1E-4 1E-3100

1000

Silice traitée avec Ac

Inte

nsité

diff

usée

, I (U

A)

vecteur d'onde q (A°-1)

déformation ε=0 ε=0.89 ε=2.31 ε=3.7

a)

1E-4 1E-3100

1000

Silice non traitée

Inte

nsité

diff

usée

, I (U

A)

vecteur d'onde q (A°-1)

déformation ε=0 ε=0.89 ε=2.31 ε=3.7

1E-4 1E-3100

1000

Silice traitée avec AC

Inte

nsité

diff

usée

, I (U

A)

vecteur d'onde q (A°-1)

déformation ε=0 ε=0.89 ε=2.31 ε=3.7

b)

Figure V-23 : Courbes d'intensité diffusée perpendiculairement(a), et parallèlement (b) à la direction de la traction à différents taux de déformation, les traits continus correspondent à l'expression de Debye (respectivement pour la silice non traitée Si et la silice traitée avec l’agent de couplage

La figure V-23 présente néanmoins les courbes d’intensités diffusées à différents taux de

déformation pour l’échantillon AC et Si, obtenues dans les directions parallèle et

perpendiculaire au sens de traction. Celles obtenues à déformation nulle ont déjà été discutées

au chapitre III. En tracé logarithmique, elles montrent un comportement asymptotique avec

une pente de l’ordre de -1, caractéristique d’un fractal de masse très ouvert. L’application

d’une déformation conduit à une augmentation globale de l’intensité. La correction

d’épaisseur ayant été effectuée, on peut attribuer cette augmentation à la multiplication du

volume d’entités diffusantes. La déformation ne modifie pas l’allure générale des courbes. La

dimension fractale est constante. Cette remarque reste valable avec l’échantillon Si. Aucune

distance caractéristique ne semble émerger. Un traitement classique (avec un tracé du type

Guinier) pour déterminer les tailles des différentes entités diffusantes ne peut donc s’appliquer

ici du fait d’une distribution manifestement trop large des tailles caractéristiques. De plus

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

236

l’augmentation d’intensité observée montre que les entités diffusantes ne changent pas de

taille. Face à cette difficulté, il reste néanmoins possible d’extraire une longueur de

corrélation représentative des dimensions des profils discutés précédemment.

Le traitement utilisé par la suite pour analyser les profils de diffusion se base sur les

hypothèses de la diffusion de particules dans un système dilué.

Debye et coll.9 montrent que, pour une structure biphasée, l’intensité diffusée par un système

isotropique peut s’écrire :

∫∞

=0

2 )sin()()( drqr

qrrrCqI γ (V-5)

où γ(r) est la fonction de corrélation représentant la distribution de distances entre les régions

d’indice de réfraction différent. Si la distribution de distances est aléatoire, la fonction de

corrélation prend la forme suivante

γ(r) = exp (-r/a1) (V-6)

où a1 est une distance de corrélation.

L’intensité se simplifie dans ce cas en couplant ces deux équations:

21

21)(

aqwKqI

++= (V-7)

où K est une constante et w est proportionnel à a13.

Cette expression permet de simuler de manière satisfaisante les différentes courbes d’intensité

résultant de la traction comme le montre la figure V-23.

Ce traitement a été appliqué à l’ensemble des profils de diffusion pour les deux types de

comportement. Les évolutions de la longueur de corrélation en fonction de la déformation

dans les deux directions (parallèle et perpendiculaire à la traction) sont représentées sur la

figureV-24 suivante. Le traitement est utilisé de façon abusive car il nécessite des figures de

diffusion isotropes et un comportement asymptotique différent (-4). Toutefois, il nous permet

de donner un ordre de grandeur des longueurs de corrélation en fonction de la déformation.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

237

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.01500

2000

2500

3000

3500

4000

4500Silice non traitée

a 1, lo

ngue

ur d

e co

rrél

atio

n (A

°)

Déformation, ε (mm/mm)

perpendiculairement parallèlement à la direction de traction

a)

-0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.01500

2000

2500

3000

3500

4000

4500

Effet "papillon"

Silice traitée avec l'agent de couplage

a 1, lo

ngue

ur d

e co

rrél

atio

n

Déformation, ε (mm/mm)

perpendiculairement parallèlement à la direction de traction

b)

Figure V-24 : Evolution de la longueur de corrélation pour les deux types de comportement observé a) en l’absence et b) en présence de liaisons covalentes.

Malgré les limites des approximations engendrées par l’équation utilisée, on peut tenter une

interprétation de ces résultats. L’évolution des longueurs de corrélations mesurées

perpendiculairement à la traction est identiques (décroissance) pour les deux types

d’échantillon. On peut raisonnablement associer cette longueur de corrélation à la dimension

latérale des vides allongés dans le sens de la traction. On constate une légère différence aux

petites déformations où la variation est progressive pour Si et présente une valeur quasi

constante avec AC. Ceci pourrait être la manifestation du retard à la cavitation créé par

l’agent de couplage.

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

238

Dans la direction parallèle à la traction, le comportement des deux échantillons est très

différent. La longueur de corrélation diminue pour les deux échantillons jusqu’à une

déformation comprise entre 0.75 et 1. La chute est nettement plus importante en présence

d’agent de couplage. Les courbes diffèrent ensuite puisque avec AC la longueur de corrélation

augmente tandis que pour Si, elle se stabilise pour les plus fortes déformations. On notera que

les valeurs ont tendance à se rejoindre aux grandes déformations. La différence relevée entre

les deux échantillons correspond à l’apparition du profil en forme de « papillon » décrit plus

haut. L’analyse de ces résultats indique que le processus de cavitation est très peu différent

aux grandes déformations, comme le laissait déjà supposer la simple observation des profils.

La stabilité de la longueur de corrélation dans le cas de Si peut sembler paradoxale si l’on fait

l’hypothèse qu’elle est associée à la seule longueur des vides étirés dans le sens de la traction.

On aurait pu s’attendre à une augmentation de cette longueur avec la déformation. Cela

indiquerait que l’augmentation de la cavitation se fait par nucléation de cavités de plus en plus

nombreuses plutôt que par croissance des cavités créées initialement dans ce domaine de

déformations (de 0 à environ 3).

V.2.3 Conclusions sur l’endommagement

La déformation de nos différents échantillons conduit à un mécanisme d’endommagement par

décohésion. Ce dernier apparaît plus rapidement en l’absence de liaisons covalentes.

Cependant, l’effet des liaisons covalentes s’estompe aux grandes déformations. Pour celles-ci,

la cavitation des échantillons avec agent de couplage a tendance à être plus rapide que sans

du fait des niveaux de contraintes plus élevés, et cela d’autant plus que le taux d’agent de

couplage est important. La diffusion de lumière a confirmé la présence de vides qui croissent

avec la déformation indépendamment du traitement de la surface, mais dont la création est

retardée en présence d’agent de couplage. Elle a également fait apparaître un mécanisme,

limité à des taux de déformation intermédiaire, de réorganisation du réseau de charge en

présence de l’agent de couplage qui conduit à une déformation inhomogène des sous-

structures de charges.

V.3 Conclusions

Les résultats de ce chapitre ont permis de faire apparaître deux grandes tendances en fonction

du type de traitement de surface réalisé. Dans un premier cas, en l’absence de liaisons

covalentes, le renforcement diminue avec le recouvrement de la surface. Cette diminution est

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Chapitre V : Caractérisation mécanique aux grandes déformations

239

attribuable à la plus faible quantité de polymère lié intervenant dans le transfert des

contraintes entre sous-structures dans le réseau S-PL-S. De plus, l’utilisation des agents de

recouvrement en limitant les interactions à l’interface facilite la décohésion et la formation de

vides qui vont également limiter le transfert de la contrainte. Cela conduit à des déformations

à rupture importante et un niveau de contrainte à rupture décroissant. Dans le cas d’une bonne

cohésion par le biais des liaisons covalentes, on observe un renforcement croissant avec le

taux d’AC. La forte cohésion à l’interface maintient le transfert de la contrainte en retardant

l’apparition de la décohésion. Ce retard en déformation permet une réorganisation des sous

structures. Néanmoins lorsqu’il est enfin initié l’endommagement (formation de vides) croit

plus rapidement avec la déformation du fait des forts niveaux de contrainte. L’effet réticulant

lié de l’agent de couplage se voit également sur les propriétés à la rupture où l’on observe une

contrainte constante et une déformation qui diminue avec le taux.

Références : 1 L.MULLINS, N.R. TOBIN, Stress softening in rubber vulcanizates. I. Use of a strain-amplification factor to describe the elastic behavior of filler-reinforced vulcanized rubber, J. Appl. Polym. Sci., 9, 2993, 1965 2 A.M. KUCHERSKII, New characteristic of tensile stress–strain properties in rubbers, Polymer Testing, 22, 503, 2003 3 A.LAPRA, Caractérisation moléculaire et propriétés mécaniques des réseaux élastomères SBR renforcés par la silice, Thèse, Université Pierre et Marie Curie, Paris, 1999 4 P.J.FLORY, Principles of polymer chemistry, Cornell University Press, 1953 5 E.M.ARRUDA, M.C.BOYCE, A three-dimensional constitutive model for the large stretch behavior of rubber elastic materials, J. Mech. Phys. Solids, 41, 389, 1993 6 D.W.NICHOLSON, On the Detachment of a rigid inclusion from an Elastic Matrix, J. Adhesion, 10, 255, 1979 7 J.BASTIDE, L.LEIBLER, J.PROST, Scattering by deformed swollen gels : butterfly isointensity patterns, Macromolecules, 23, 1821, 1990 8 J.V.DEGROOT, C.W.MACOSKO, T.KUME, T.HASHIMOTO, Flow-Induced Anisotropic SALS in Silica-Filled PDMS Liquids, J. Colloid and Interface Sci., 166, 404, 1994 9 P.DEBYE, H.R.ANDERSON, H.BRUMBERGER, Scattering by inomogeneous solid. II. The correlation function and its application, J. Appl. Phys., 28, 679, 1957

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Conclusion générale

240

CONCLUSION GENERALE

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Conclusion générale

241

L’objectif principal de ce travail était de comprendre le rôle du traitement de surface de la

charge (silice) sur les propriétés mécaniques des élastomères chargés. Dans ce but, une silice

hautement dispersible a été choisie et incorporée à fraction volumique constante dans une

matrice classique (SBR). Le système de vulcanisation a été maintenu constant. Le seul

paramètre que nous avons choisi de faire évoluer dans la formulation est la quantité et le type

d’agent d’interface.

L’effet du traitement de la surface a donc pu être analysé en terme de taux, de taille et de

fonctionnalité. Deux séries ont été mises en œuvre avec des agents de recouvrement, pour

lesquelles soit une molécule silane avec une chaîne alkyle longue de 8 carbones est introduite

à différents taux (AR8), soit la longueur de la chaîne alkyle varie (ARn). Une troisième série

est constituée de matériaux élaborés avec différents taux d’agent de couplage. A l’aide d’un

protocole de caractérisation optimisé, nous avons déterminé précisément la dispersion, les

interactions entre la matrice et la charge et l’effet du traitement de la surface sur la

vulcanisation de la matrice, ainsi que le comportement mécanique aux petites et aux grandes

déformations.

Avec le protocole de mise en œuvre choisi et grâce au caractère hautement dispersible de la

silice, l’ensemble des matériaux présente une dispersion identique indépendamment des

traitements de surface effectuée. Cette information est primordiale pour l’interprétation du

comportement mécanique car elle permet de se placer dans des conditions où la quantité

d’interface est constante où seules la nature et la quantité des interactions entre le polymère et

la charge varient.

La caractérisation du greffage de ces systèmes s’est avéré être une tache délicate comme en

témoignent les nombreuses techniques explorées. Des mesures de polymère lié et de

gonflement dans l’eau se sont révélées pertinentes pour obtenir des informations sur les

interactions. En plus du greffage chimique, l’immobilisation des chaînes en surface résultant

de multiadsorptions de segments d’une même chaîne sur la surface est importante dans nos

systèmes. L’utilisation des agents de recouvrement permet, par encombrement stérique, de

réduire le nombre de sites d’adsorption en surface de la charge. Un parallèle intéressant entre

la taille des molécules silanes et le recouvrement de la surface a également pu être clairement

établi. La relation existant entre les deux permet d’estimer l’aire occupée en fonction de la

longueur de la chaîne alkyle et le taux maximum pouvant être greffé sur la surface de notre

silice. L’utilisation d’agent de couplage comme les agents de recouvrement permet de réduire

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Conclusion générale

242

les interactions physiques mais les chaînes adsorbées sont liées de manière covalente à la

charge. Pour les taux élevés, l’excès de silane se retrouverait au sein de la matrice dans le cas

des agents de recouvrement ou irait condenser avec les molécules greffées au voisinage de la

charge dans le cas de l’agent de couplage.

L’influence du traitement de la surface se manifeste également au niveau de la réticulation de

la matrice. La silice en adsorbant les accélérateurs de vulcanisation conduit à des

hétérogénéités de réticulation de la matrice (présence de ponts courts au voisinage de la

charge et de ponts longs, par déficit d’accélérateurs, au sein de la matrice). La présence de

greffage estompe progressivement ses hétérogénéités en limitant l’adsorption d’un des

accélérateurs (CBS) lors de la mise en œuvre. Ce phénomène souvent négligé a été considéré

pour l’interprétation du comportement mécanique.

Les mesures de spectromécanique dans le domaine linéaire en fonction de la température ont

permis de rendre compte du comportement viscoélastique des matériaux étudiés. Le

phénomène prépondérant s’observe dans le plateau caoutchoutique alors que la relaxation

principale reste identique.

En présence de traitement de surface, le module élastique suit l’évolution du taux de polymère

lié mesurée en fonction des différentes quantités introduites ou de la taille des silanes utilisés.

En présence de liaisons covalentes, on observe une diminution du module jusqu’à un taux

seuil de recouvrement. Une remontée du module est ensuite observée dans le cas d’un excès

de silane en surface correspondant à une forte réticulation par condensation des molécules

silanes.

L’interprétation de ces mesures en fonction des traitements de surface nécessite de faire

intervenir le polymère lié. On a donc considére la structure du composite comme un réseau

mixte formé d’agglomérats de charges reliés entre eux par une couche de ce polymère lié. La

rigidité de ce réseau est donc dépendante des interactions charge –charge au sein des sous

structure (agglomérats) et de la quantité de polymère lié reliant ces sous structures.

L’influence de la température sur le module élastique apparaît comme un phénomène

thermiquement activé ayant pour conséquence de réduire la fraction de polymère lié par

désorption des chaînes de la surface de la silice et par conséquent de diminuer la rigidité du

réseau mixte (agglomérats reliés par le polymère lié).

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Conclusion générale

243

Dans le domaine non linéaire, après deux balayages en déformation la non-linéarité du

module élastique (associé à une dissipation d’énergie) se compose d’une partie irréversible et

d’une partie réversible. L’irréversiblité apparaît après le premier balayage en déformation et

correspond à la rupture des liaisons charge – charge au sein des sous structures (agglomérats).

La réversibilité correspond à la désorption de chaîne à la surface de la charge ayant pour

conséquence de réduire la couche de polymère lié reliant les sous structures. A partir de ces

interprétations nous avons établi un modèle permettant de décrire à la fois l’évolution du

module en fonction de la température et de la déformation.

Pour les plus fortes déformations (>0.1) en l’absence de liaisons covalentes une forte

dissipation d’énergie est observable et assimilable à de l’endommagement. Cet

endommagement n’apparaît pas en présence de liaisons covalentes.

Dans la gamme des grandes déformations (>0.1 à la rupture), le renforcement dépend de la

rigidité du réseau mixte (liaison charge-charge au sein des sous structures et de la quantité de

polymère lié) et de la réticulation globale (matrice et liaisons covalentes). De plus, le

phénomène d’endommagement sous forme de décohésions entre la matrice et la charge,

devient prépondérant et est influencé par le type d’interactions à l’interface, c’est à dire la

nature des liaisons entre la matrice et la charge (physique ou covalentes). En présence de

liaisons covalentes, on observe un retardement dans l’apparition de la décohésion en

déformation et en contrainte. Ce retard est aussi associé à une réorganisation plus importante

(qu’en l’absence de liaisons covalentes) des agglomérats constituant les sous structures

(mesures de diffusion de lumière in situ).

Perspectives

On retiendra de ce travail que l’étude de l’interface et la détermination d’un taux de greffage

est un problème particulièrement complexe quand le traitement de la surface est réalisé au

sein de la matrice.

Tout d’abord sur cet aspect, différentes perspectives se dégagent. L’utilisation de silane avec

un pied possédant qu’un groupe éthoxy faciliterait la caractérisation du greffage et limiterait

l’incertitude venant de la polycondensation des silanes. Par ailleurs, la modélisation

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Conclusion générale

244

moléculaire permettrait de vérifier quelle quantité de silane est greffable (géométriquement)

en fonction de sa taille sur une silice bien définie.

Pour l’effet Payne, une perspective intéressante en terme de modélisation résiderait dans le

développement d’un modèle de type éléments discrets, qui permettrait de décrire

explicitement la microstructure complexe et la transmission des efforts à l’interface entre la

charge et la matrice.

Enfin, la diffusion de lumière sous traction s’est révélée très prometteuse pour l’étude de

l’endommagement. L’obtention des résultats est difficile techniquement et mériterait une

étude plus complète afin de décorréler la diffusion des charges de celle des vides.

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Annexe 1 : Silice greffée en solution

246246

Annexe 1 : Silice greffée en solution

Le greffage de la silice dans nos matériaux étant réalisé en présence de la matrice, il paraissait

intéressant d’évaluer l’efficacité du greffage des silices en solution dans des conditions a

priori plus facilement contrôlables. De plus les difficultés rencontrées dans l’extraction de la

silice greffée de la matrice, nécessaire aux différentes techniques de caractérisation du

greffage (ATG, EELS ou IR, mesures d’adsorption) nous ont convaincu d’utiliser ces silices

greffées en solution comme outil d’optimisation et de validation de ces techniques.

A-1.1 Protocole de greffage en solution

Nous avons choisi le xylène comme milieu réactif car ce dernier a une température

d’ébullition élevée (120°) et est un solvant dans lequel les accélérateurs de vulcanisation (cf.

paragraphe A-1-3) sont solubles.

Les traitements de surface utilisés, dans ce cas, se limitent à l’agent de couplage et un agent

de recouvrement AR-8. Les quantités de silane sont ramenées à 20 phr de silice et non 50 phr

comme dans nos matériaux. En effet, une fraction volumique de silice dans le solvant plus

importante conduit à la formation d’un gel physique qui ne permet plus une bonne dispersion

des silanes. Les agents de greffage ont été introduits à des taux de 25%, 75% et 100%

(exprimés en pourcentage de pieds nécessaires au recouvrement théorique de toute la surface

dans le cas d’AR8). L’agent de couplage a également été introduit à un taux de 200%. Les

différentes formulations sont reportées dans le tableau A-1-1. Le greffage se déroule à 120°C

(température d’ébullition du Xylène) sous agitation. Le temps de réaction est de deux heures.

Echantillons : Silice seule Silice traitée avec l’agent de

recouvrement AR8

Silice traitée avec l’agent de

couplage

Xylène (phr) 100 100 100

Silice Z1165MP (phr) 20 20 20

Silane En phr : 0.41, 1.23, 1.64

En taux :25%, 75%, 100%,

En phr :0.35, 1.06, 1.41, 2.82

En taux : de 25%, 75%, 100% et

200%

Tableau A- 1-1 : formulation pour le greffage en solution de la silice

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Annexe 1 : Silice greffée en solution

247247

A-1.2 Dosages par spectroscopie Infra Rouge de la solution après filtration

Après cette réaction, la silice greffée est récupérée par filtration puis séchée. Le solvant

résultant de la filtration est analysé par spectroscopie Infra Rouge. Ces mesures permettent de

déterminer la quantité de silane restée en surface de la charge, par différence de concentration

par rapport à la concentration initiale (cf. figure A-1-2).

Etalonnage

Pour pouvoir doser la concentration de silane au sein du solvant après filtration, une série de

solutions étalons a été réalisée avec différentes concentrations massiques de silanes 0.03%,

0.1%, 0.6%, 1%. Pour chacune de ces solutions les spectres Infra Rouge obtenus après

soustraction du signal du xylène sont présentés sur la figure A-1-1a. Le pic d’adsorbance

centré à 960cm-1 évolue avec la concentration de silane introduite. La valeur de son maximum

a permis d’établir une droite d’étalonnage (cf. figure A-1-1b). La même procédure est réalisée

pour le dosage de l’agent de couplage.

800 1000 1200

0.0

0.1

0.2

Abs

orba

nce

cm-1

Agent de recouvrement AR8 0.03% 0.1% 0.6% 1%

a)

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Annexe 1 : Silice greffée en solution

248248

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.00.00

0.02

0.04

0.06

0.08 maximum d'adsorbance (960cm-1) = 0.08* Concentration en silane

Abso

rban

ce m

axim

um(p

ic c

entré

à 9

60cm

-1)

Concentration en silane (AR8) (%)

b)

Figure A- 1-1 : Étalonnage des spectres IR pour le dosage de l'agent de recouvrement AR8, a) spectres IR, b) droite d’étalonnage

Résultats des dosages après greffage

Les résultats des mesures sur les différentes solutions issues du greffage (figure A-1-2a)

montrent dans le cas de l’agent de recouvrement AR8 une saturation rapide de la surface avec

la quantité de silane introduite. Le taux de saturation, estimé comme le taux réel en surface de

la silice au-delà duquel une partie des silanes introduits n'est plus greffée, est de l'ordre de

38%. Cette valeur est inférieure à la valeur estimée au chapitre III (100%). Cela peut être

attribué à une mauvaise désagglomération de la silice lors de ce type de greffage. En effet,

dans le cas d'un greffage dans le SBR, la silice subit lors du malaxage un cisaillement qu'il

n'est pas possible de reproduire lors d'un greffage en solution. La surface de silice accessible

aux silanes est donc beaucoup plus faible en solution.

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 1200

5

10

15

20

25

30

35

40

45Agent de recouvrement AR8

AR8

- Tau

x ré

el e

n su

rface

de

la s

ilice

(%)

AR8 - Taux introduit (%)

a)

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Annexe 1 : Silice greffée en solution

249249

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 2000

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

110Agent de couplage TESPD

AC -

Taux

réel

de

sila

ne e

n su

rface

de

la s

ilice

(%)

AC - Taux introduit (%)

b)

Figure A- 1-2: Courbe d'adorption de l'agent de recouvrement AR8 (a) et l'agent de couplage TESPD (b) sur la silice

Dans le cas de l'agent de couplage, le taux de AC à saturation est moins clairement défini (cf.

Figure A.1.2B). On peut néanmoins estimer que la saturation est atteinte pour des taux de

l'ordre de 80%.

D'après les résultats précédents, et en se référant au chapitre III, on aurait pu s'attendre à

obtenir une saturation pour un taux de 30% environ (les expériences de polymère lié et de

gonflement dans l'eau ont en effet permis d'estimer un taux de saturation en AC de l'ordre de

75%). En fait, le TESPD est une molécule comportant deux pieds. La température de greffage

(120°C) ne favorise pas sa rupture au niveau de la liaison soufre-soufre et donc la libération

du second pied réactif. De plus, la température atteinte conduit probablement à des réactions

de polycondensation entre ces pieds réactifs et d'autres molécules. Cela explique nos résultats.

Pour conclure, la technique de spectroscopie Infra-Rouge sur les solutions de greffage permet

d'obtenir des résultats finalement cohérents avec ceux présentés au chapitre III. Néanmoins,

elle ne semble pas la plus adaptée pour la caractérisation du greffage puisqu’elle ne peut se

faire qu'à partir de silices greffées en solution, pour lesquelles la taille des agglomérats, et

donc la surface accessible au greffage, est très différente de celle des silices greffées lors de

l’incorporation au sein de la matrice.

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Annexe 1 : Silice greffée en solution

250250

A-1.3 Adsorption des accélérateurs de vulcanisation Les mesures d’adsorption des accélérateurs (CBS et DPG) sont réalisées sur trois types de

silice, la silice seule, la silice greffée avec l’agent de recouvrement AR8 (avec un taux de

75%) et la silice greffée avec l’agent de couplage AC (avec un taux de 75%). Ces adsorptions

sont réalisées en milieu solvant (xylène) à une température de 80°C, proche de la température

d’incorporation du système de vulcanisation sur mélangeur externe. Après la phase de

greffage et la filtration, les silices sont mises en présence des accélérateurs dans des

proportions équivalentes à celle de la formulation utilisée pour l’élastomère, ramenées à 20

phr de charge (pour les raisons évoquées précédemment).

Les accélérateurs sont introduits individuellement (CBS et DPG) et conjointement avec la

silice seule, la silice greffée avec 75% d'AR8, et la silice greffée avec 75% d'AC (cf. tableau

A-1-3).

Silice seule Silice + 75% AR8 Silice + 75% AC (TESPD)

Xylène (phr) 100 100 100

Silice (phr) 20 20 20

Silane (phr) - 1.06 1.23

Accélérateurs :

CBS (phr) 0.52 0.52 0.52 0.52 0.52 0.52

DPG (phr) 0.58 0.58 0.58 0.58 0.58 0.58

Figure A- 1-3: Formulation utilisée pour les mesures d'adsorption des accélérateurs CBS et DPG.

Leurs dosages en fin de réaction sont réalisés, après filtration, par des mesures de

spectroscopie Infra Rouge pour la DPG, et des mesures d'HPLC pour le CBS (il est non

détectable par Spectroscopie I.R.). Les résultats sont présentés et discutés dans le chapitre III.

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Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)

251

Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)

Afin de caractériser notre silice et d’identifier les molécules greffées ou adsorbées sur sa

surface, la thermogravimétrie est apparue comme une technique simple à mettre en œuvre.

Elle peut théoriquement être utilisée pour déterminer le taux d’hydroxyle en surface de la

silice, la quantité de silane dans le cas de la silice greffée, et la quantité de polymère lié.

A-2.1 Rappel sur la technique et protocole La thermogravimétrie est une technique permettant de mesurer de très faibles variations de

masses sous l’action d'un gradient de température. L’utilisation de différents gradients de

température permet d’observer les cinétiques de dégradation propres à chacun des

constituants. L’observation de ces pertes de masses peut se faire sous différentes atmosphères

: azote (N2), ou air par exemple.

Le protocole utilisé est largement inspiré de la littérature concernant la caractérisation de la

silice1. La masse de l’échantillon est de l’ordre de 20mg. Une isotherme à 45°C pendant 2

heures permet de placer chaque échantillon dans les mêmes conditions d’humidité. On

effectue ensuite une montée en température à une vitesse de 5°C/min de 45°C à 1000°C sous

N2.

A-2.2 Caractérisation de la silice La figure A-2-1 présente les résultats d'ATG obtenus avec la silice. La première perte de

masse mesurée dans la gamme de température 100°C-200°C est attribuée à la déshydratation

de la silice. Les valeurs mesurées ne correspondent pas à la l’humidité naturelle de la silice

(6%). La différence est due aux conditions de stockage (dessiccateur) des échantillons et à

l’isotherme de 2 heures à 45°C effectué avant l'expérience.

La figure A-2-1 montre ensuite deux pertes de masse successives, l'une maximale aux

alentours de 400°C, l'autre aux alentours de 550°C. Ces deux phénomènes seraient dus à une

deshydroxylation de la silice. Le premier serait associé aux hydroxyles les plus accessibles et

le second aux hydroxyles interglobulaires. Ces pertes d'eau permettent de déterminer la

quantités de silanols en surface de la silice. Une molécule d'eau libérée nécessitant l'hydrolyse

de deux silanols, l'expression utilisée est :

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Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)

252

( ) ( )( )O2H

finale0OH2OH M100

TmTm2n2)SiO(n

2

−== (A-2-1)

où m(T0) - m(Tfinal) est la perte de masse pour des température comprises entre T0 et Tfinal,

MH2O est la masse molaire de l’eau. En utilisant la valeur de surface spécifique de 160m²/g on

obtient un nombre de silanols moyen en surface de la silice 6 OH par nm². Cette valeur est en

accord avec les données de la littérature.

0 200 400 600 800 100097

98

99

100

Température (°C)

perte

de

mas

se (%

)

-0.025

-0.020

-0.015

-0.010

-0.005

0.000

Dérivée

a)

0 200 400 600 800 1000-0.025

-0.020

-0.015

-0.010

-0.005

0.000

Dér

ivée

Température (°C)

Dérivée Dehydratation (1.86%) & Dehydroxylation (1.5%)

b) Figure A-2-1 : a) perte de masse mesurée par ATG pour la silice seule, et dérivée du signal, b) identification des différentes pertes de masses par déconvolution des pics.

A-2.3 Caractérisation de la silice greffée en solution avec Ar8

La quantité de silane (agent de recouvrement AR8) introduite lors du greffage de la silice en

solution est identique à celle introduite pour le mélange AR8-75 décrit dans le chapitre II

(rapportée à la masse de silice). La figure A-2-2 présente les pertes de masses mesurées par

ATG. Les pertes liées à l’adsorption du solvant dans lequel le greffage a été réalisé ont été

facilement identifiées et soustraites.

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Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)

253

0 200 400 600 800 100094

95

96

97

98

99

100p

erte

de

poi

ds (

%)

Température, T(°C)

SiAr8 H2O dm=0.86% greffage dm=3.6% OH- dm=0.93%

a)

0 200 400 600 800 1000-0.018

-0.016

-0.014

-0.012

-0.010

-0.008

-0.006

-0.004

-0.002

0.000

0.002

Dér

ivée

tem péra ture (°C)

SiAr8 H2O dm=0.86% greffage dm=3.6% OH dm=0.93%

b) Figure A-2-2: a) perte de masse, b) dérivée de la perte de masse et déconvolution des différentes pertes pour une silice greffée en solution par AR8. Comme précédemment la première perte de masse est l'eau adsorbée sur l'échantillon. La

quantité mesurée (0.86%) est moins importante que celle trouvée avec la silice non greffée

(1.86%). Ceci provient du recouvrement de la silice par des chaînes carbonées la rendant

hydrophobe. On observe ensuite une perte de masse de 3.6% centrée à environ 440°C qui

semblerait correspondre à la dégradation des chaînes carbonées greffées. Cette perte de masse

correspond à 10% près à la masse de silane introduite pour le greffage. On peut noter une

contradiction entre ces résultats et ceux de l'annexe 1 qui suggérait une saturation du greffage

en solution pour des taux de silane de l'ordre de 40%. On aurait donc du s'attendre à mesurer

une perte de masse liée au silane plus faible que celle introduite dans la solution. L'apparente

surestimation faite en ATG provient probablement d'une mauvaise déconvolution des pics

qu'il est toujours difficile de maîtriser.

On observe ensuite une perte de masse non négligeable centrée autour de 600°C, provenant de

la condensation d’hydroxyles isolés et n’ayant pas réagi lors du greffage. Cette perte de masse

estimée à 0.93% correspond à 3.5 OH/nm². Ce résultat indiquerait que, dans ce cas précis, une

moyenne de 2.5OH/nm² serait consommée durant le greffage. Avec l'hypothèse que les

silanes ont consommé un hydroxyle lors du greffage, on peut calculer la perte de masse

théorique liée à la dégradation des chaînes silanes greffées sur ces hydroxyles (avec

l'hypothèse que tous les groupes ethoxy sont hydrolysés). On trouve une valeur de 2.2%.

Cette valeur est bien plus faible que celle identifiée expérimentalement. Cela confirme les

problèmes de déconvolution signalés plus haut. Ils conduisent ici à une surestimation du pic

attribué aux silanes greffés et une sous-estimation de celui attribué aux hydroxyles.

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Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)

254

A-2.4 Caractérisation de la silice greffée par AR8 lors du malaxage

Nous avons réalisé des mesures d'ATG sur des silices extraites des échantillons AR8-75.

Pour ces mesures, l'atmosphère d’azote a été remplacée par de l’air sec afin de permettre une

dégradation totale du polymère lié. La figure A-2-3 présente les résultats de ces mesures.

Comme précédemment on observe un première perte de masse associée à la déshydratation.

Un pic de dérivée important est ensuite visible autour de 315°C. Il correspond à la

dégradation du butadiène 2 . Un second pic situé à 440°C est identifié comme provenant de la

dégradation du styrène. On voit ainsi clairement que la perte de masse liée au greffage est

totalement masquée par la très forte perte de masse provenant de la matrice adsorbée.

0 200 400 600 800 1000

75

80

85

90

95

100

Per

te d

e m

asse

(%)

Température, T(°C)

MSiAR8 H2O & matrice SBR OH

a)

0 200 400 600 800 1000-0.16

-0.14

-0.12

-0.10

-0.08

-0.06

-0.04

-0.02

0.00

0.02D

ériv

ée

Température (°C)

AR8 H2O & matrice SBR OH

b)

Figure A-2-3 : a) pertes de masses pour silice greffée au sein de la matrice, b) identification des différentes pertes de masses

On observe à plus haute température, autour de 600°C, un pic de faible intensité attribuable à

la condensation des silanols non consommés par la réaction de greffage. Avec les mêmes

hypothèses que précédemment, cela correspond à 1.2 silanols par nm2. Cela indiquerait une

consommation de 4.8OH/nm² lors du greffage au sein de la matrice. Cette valeur est très

largement supérieure à ce que donnerait une estimation raisonnable considérant un greffage

total de la surface par tous les silanes AR8 (cf. Chapitre III) et la consommation d'un silane

par molécule greffée. Il est fort probable que la déconvolution des pics telle que présentée sur

la figure A-2-3b sous estime énormément le pic lié aux hydroxyles. Les quantités de polymère

liés sont en effet extrêmement importante au regard des quantités d'hydroxyle mesurables. De

ce fait, les mesures d'ATG présentées apparaissent peu fiables pour une caractérisation du

greffage au sein de la matrice. La thermogravimétrie pourra donc être utilisée uniquement

pour la détermination du taux de polymère lié. A titre indicatif nous présentons sur les figures

A-2-4 a et b les mesures d'ATG réalisées sur les silices extraites de la série AR8 et ARn. Les

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Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)

255

quantités de polymère lié qui en ont été déduites sont présentées et discutées dans le chapitre

III.

0 200 400 600 800 1000-0.5

-0.4

-0.3

-0.2

-0.1

0.0

3

21

Dér

ivée

de

la p

erte

de

mas

se

Température, T (°C)

Si AR8-25 AR8-50 AR8-75 AR8-100 AR8-125

a)

0 200 400 600 800 1000-0.5

-0.4

-0.3

-0.2

-0.1

0.0

0.1

Dér

ivée

de

la p

erte

de

mas

se

Température, T (°C)

Si AR1 AR3 AR8 AR16

b) Figure A-2-4 : Mesures d'ATG pour les séries a) AR8 et b) ARn

A-2.5 Conclusion

La thermogravimétrie réalisée sur les silices utilisées dans cette étude a permis de confirmer

le taux de silanols de 6OH/nm² .

Néanmoins, elles n'ont pas permis de déterminer les quantités de silanols présents après

greffage. Dans le cas de silice greffée en solution, l'erreur commise reste faible, et provient de

la proximité des pics de perte de masse attribués aux hydroxyles d'une part et aux chaînes

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Annexe 2 : Mesures par thermogravimétrie (ATG)

256

greffées d'autre part. Néanmoins l'exploitation des résultats est difficile du fait des conditions

de mise en œuvre du greffage en solution qui ne conduit pas à la même surface de silice

accessible au greffage que dans le cas de silice greffée dans la matrice. L'exploitation de la

thermogravimétrie se révèle encore plus problématique lorsqu'il s'agit de caractériser le

greffage de silice réalise au sein de la matrice. En effet, la quantité importante de polymère lié

en surface des silices extraites de la matrice conduit à une mesure de perte de masse qui

empêche de déterminer précisément celle relative aux hydroxyles et aux silanes greffés. Pour

ces différentes raisons la thermogravimétrie a été essentiellement utilisée pour mesurer de

manière précise la quantité de polymère lié de nos différents échantillons.

Références : 1 S. EK, A. ROOT, M. PEUSSA, L. NIINISTÖ, Determination of the hydroxyl group content in silica

by thermogravimetry and a comparison with 1H MAS NMR results, Thermochimica Acta, 379, 201,

2001 2 WILLIAMS, Pyrolysis-thermogravimetric analysis of tyres and tyre components, Fuel, 74, 1277,

1995

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Annexe 3 : Etude du greffage par EELS

257257

Annexe 3 : Étude du greffage par EELS

La caractérisation de la surface de la silice en présence de greffage est apparue très

importante. Elle demeure très difficile en raison de la présence non négligeable de polymère

lié. La technique de spectroscopie de perte d'énergie des électrons (EELS) nous est apparue

très intéressante car elle offre la possibilité de caractériser directement et localement la

surface de la silice.

A-3.1 Description de la technique

La technique de pertes d’électrons couplée à la microscopie électronique à transmission

(TEM/EELS) est une méthode puissante d’analyse chimique et d’identification des liaisons

chimiques pour chaque élément présent. En spectroscopie à perte d’énergie des électrons

(EELS), le signal collecté provient des électrons incidents (accélérés par une tension de 200

000Volts) ayant perdu une énergie ∆E au cours de la traversée de l’échantillon. L’énergie

perdue par ces électrons se trouve dissipée soit sous forme de chaleur transmise au matériau,

soit dans l’émission de photons visibles, de photons X ou d’électrons Auger. L’EELS est très

bien adaptée à l’étude des éléments légers et des éléments de transition, le domaine d’analyse

optimal des pertes d’énergies se situant entre 200 et 1000 eV. Cette méthode paraît

intéressante dans le cadre de notre étude car la taille de la sonde(4Å) permet d’analyser

localement la surface des particules (cf. figure A-3-1).

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Annexe 3 : Etude du greffage par EELS

258258

SondeImage MET

Figure A- 3-1 : Balayage linéaire au voisinage d’une particule de silice

Figure A- 3-2: Spectre EELS résultant de l’analyse au voisinage de la particule

Une série de spectres (cf. figure A-3-2) a été obtenue en effectuant un balayage près de la

surface d’une particule de silice. Ces spectres contiennent un certain nombre d’informations

reflétant la composition et les liaisons de chaque partie sondée (cf. figure A-3-3).

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Annexe 3 : Etude du greffage par EELS

259259

Contribution du Si raies L2,3

Contribution deO raie K

Contribution deC raie K

Figure A- 3-3 : Spectre typique d’EELS et identification des raies

A-3.2 Simulation et analyse des résultats L’estimation du nombre de molécules de silane présente à la surface de la silice passe par la

détermination du nombre de liaisons Si-C propres à ces molécules et présente à la surface de

la silice. Le carbone peut provenir des chaînes macromoléculaires et de la couche de carbone

de la grille d’observation.

L’analyse quantitative de ces spectres n’est possible qu’en simulant la composition des

particules examinées et leur environnement. La particule de silice est assimilée dans ce cas à

une sphère pleine de quelques nanomètres, remplie d'atomes de silicium et d'oxygène en

respectant les concentrations de chacun des éléments (cf. figure A-3-4). Le greffage est simulé

par une sphère creuse de rayon 3Å dans laquelle les concentrations de chacun des éléments

sont introduites. Une sonde virtuelle vient ensuite réaliser le balayage linéaire souhaité et

indique le nombre d’atomes rencontrés. De cette simulation et à l’aide de spectres références,

les spectres expérimentaux sont reconstitués (cf. figure A-3-5).

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Annexe 3 : Etude du greffage par EELS

260260

Figure A- 3-4 : Simulation représentant une particule de silice greffée( vue en coupe).

100 120 140 160 180 2001000

2000

3000

4000

5000(1-x)SiO2+xSiC

Cou

nt (a

.u.)

Energy loss (eV)

SiO2 X=0 X=0.1 X=0.25 X=0.5 X=0.75

Figure A- 3-5 : Spectre reconstitué grâce à la simulation

Les spectres sont reconstruits à partir du spectre de SiO2, et du spectre résultant de la

probable présence de carbone sous la forme Si-C venant des molécules silanes à l’interface :

S = (1-X)SiO2+X SiC (A-3-1)

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Annexe 3 : Etude du greffage par EELS

261261

où X est la fraction de carbone sous la forme SiC.

On n’observe pas de différence appréciable entre les différents spectres pour des fractions X

comprises entre 0 et 0.25. D’après la simulation, la sonde ne peut rencontrer des valeurs de X

supérieures ou égale à 0.25. Les trop faibles fractions de liaisons Si-C introduite ne peuvent

donc pas être apprécier par cette technique. De plus, un problème expérimental vient encore

s’ajouter à cette difficulté. La figure A-2-6 présente la décomposition des spectres

expérimentaux. Le spectre noir est le spectre expérimental, le spectre rose est la silice, et le

spectre bleu est la signature du silicium. La reconstruction du spectre expérimental en vert par

une combinaison des spectres du silicium et de la silice, met en évidence une part non

négligeable de silicium (à la hauteur de 36%). Il apparaît donc que l’énergie du faisceau

dégrade la silice par destruction des siloxanes et entraîne la formation de silicium (Si-Si).

Figure A-3-6 : Spectre expérimental reconstitué à partir du spectre de la silice et de celui silicium

La technique d'EELS n'a pas été concluante dans les conditions expérimentales que nous

avons choisies. L’utilisation d’un faisceau moins puissant ne conduirait peut-être pas à une

telle dégradation. Il s'avère néanmoins que les banques de données aux énergies inférieures

sont rares...

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Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée

262262

Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée

Cette annexe rapporte différentes études réalisées pour étayer l'analyse des cinétiques de

réticulation, présentée au chapitre III, des différents matériaux mis en œuvre, ainsi que

l'analyse de leurs propriétés mécaniques présentées au chapitre V

A-4.1 Réticulation de la matrice par l'agent de couplage

A-4.1.1 Étude avec le dynasilane Une série de mélanges a été réalisée au CRA (Rhodia) pour étudier la possibilité d'une

réticulation des mélanges par un agent de couplage. L’agent de couplage choisi dans une

première étude est différent du TESPD. Il s'agit du dynasilane 3201. Il possède une tête très

réactive constituée d’un thiol (-SH) qui lui permet de se lier facilement à la matrice. En

l'absence de silice, la formation d’un pont de réticulation nécessite alors la condensation des

pieds d'au moins deux molécules de greffage. Celle-ci nécessite une hydrolyse des

groupements éthoxy présents. Cette réaction est possible en présence d’eau. La silice en

permet l'apport du fait de son humidité naturelle. En son absence, seul un catalyseur acide du

type de l’acide stéarique peut permettre cette hydrolyse. C'est ce rôle de catalyseur que nous

avons étudié.

A-4.1.1.1 Formulations mises en œuvre

Différents mélanges ont été mis en œuvre. La composition et l’ordre d’introduction des

constituants sont décrits dans les tableaux A-4-1 et A-4-2.

Témoin 1 2 3 4

SBR solution(5525-1) 100 100 100 100 100

Acide stéarique - - 1,1 - 1,1

ZnO - - - 1,82 1,82

Dynasilane 3201 - 0,75 0,75 0,75 0,75

Tableau A- 4-1: Formulation des mélanges en phr

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Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée

263263

Temps (min) Composant introduit

0 SB

1 Ac. Stéarique + Zn0

2 Agent de couplage

8 Tombée 150°C Tableau A- 4-2 : mise en œuvre

A-4.1.1.2 Comportement rhéologique

Le comportement rhéologique de ces différents mélanges non réticulés au soufre a été étudié

après 24 heures de stockage à 23°C. Le tableau A-4-1 ci-dessous indique les valeurs de leur

viscosité Mooneyi mesurée à 150°C au maximum (pic initial), et respectivement 2 et 4

minutes après le pic initial (ML1+2 et le ML1+4 ).

Témoin 1 2 3 4

Pic initial 63 58 105 67 92

ML1+2 49 45 96,5 58,5 92

ML1+4 44,5 42 92 55 91,5

Tableau A- 4-3 : Viscosité Mooney des différents mélanges.

Deux familles de comportement apparaissent. Le dynasilane 3201 seul (mélange 1) ou en

présence d’oxyde de zinc (ZnO) (mélange 3) ne modifie pas les propriétés rhéologiques de la

matrice SB, même si l'oxyde de zinc a un léger effet sur la viscosité initiale (mélange 3 en

comparaison avec mélange 1). Seuls les mélanges 2 et 4 contenants de l'acide stéarique ont

une viscosité initiale très forte. Cela indique clairement une réticulation des chaînes de

polymère via l'agent de couplage et démontre ainsi le rôle catalyseur de l'acide stéarique sur la

réaction de polycondensation.

A-4.1.1.3 Mesures de polymère lié

Pour confirmer ces résultats, des mesures de quantité de polymère lié ont été réalisées. Les

mélanges ont été immergés dans le xylène pendant 72 heures à température ambiante, puis

séchés 72 heures à 60°C en étuve ventilée.

I Un disque en métal est plongé dans le SB et est mis en rotation. La résistance au cisaillement, mesurée par le couple à appliquer au disque est exprimée en viscosité Mooney.

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Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée

264264

Les mélanges contenant de l’agent de couplage seul (mélange 1) ou en présence d’oxyde de

zinc (mélange 3) sont totalement dissous dans le xylène. Les mélanges 2 et 4 contenants de

l'acide stéarique ne sont pas dissous et présentent un pourcentage de polymère non extrait par

le solvant de 100%.

A-4.1.1.4 Conclusion

Les viscosités Mooney élevées, et les résultats de polymère lié démontrent donc qu’à l’issue

du malaxage (maximum 150°C), le couplage charge-matrice permet à lui seul de réticuler

totalement le matériau si la réaction d'hydrolyse préalable à la polycondensation des silanes

est rendu possible par la présence d'acide stéarique. On peut en déduire qu'en présence de

silice, son humidité naturelle rendant également possible la polycondensation conduirait aux

mêmes résultats.

A-4.1.2 Étude en présence de TESPD

Nous avons logiquement prolongé cette étude au cas de l'agent de couplage TESPD utilisé

dans nos mélanges. La figure A-4-1 présente ainsi le comportement rhéologique mesuré sur

rhéomètre Monsanto (cf. Chapitre II) d'un mélange identique à la matrice de nos matériaux

chargés, sans soufre, auquel est ajouté 1.1 phr d'acide stéarique (pour compenser le manque

d'humidité du fait de l'absence de silice). Ce mélange M3 montre un processus de réticulation

extrêmement lent et très limité (cf. Figure A-4-1). Il y a une très légère polycondensation du

TESPD mais la stabilité de cette molécule en l’absence de soufre (cf. chapitre II, paragraphe

1-3) réduit la possibilité de liaison avec la matrice à la température de vulcanisation pratiquée

(150°C).

Deux mélanges M1 et M2 ont donc été mis en œuvre avec la formulation M3 additionnée de

soufre, et pour le mélange M2 seulement de TESPD. L’incorporation de soufre conduit à une

forte augmentation du couple au cours du temps, présentée sur la figure A-4-1 (courbe

M1+TESPD). Néanmoins, on observe que l'augmentation de couple est plus importante pour

le mélange M1, sans TESPD que pour le mélange M2. Ces mesures ne permettent donc pas de

mettre en évidence une réticulation supplémentaire apportée par le TESPD. Cela ne doit

cependant pas remettre en cause l'interprétation du chapitre IV selon laquelle le TESPD en

excès a un effet réticulant en présence de silice. Dans ce dernier cas, le cisaillement très

important du à la présence de silice permet d'ouvrir la molécule de TESPD et rend ainsi

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Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée

265265

possible la réaction de couplage. Ici, le cisaillement trop faible ne permet pas cette rupture du

TESPD. Ce dernier ne peut donc que polycondenser avec d'autres TESPD, conduisant à des

assemblages de cette molécule non couplés à la matrice. Le TESPD peut alors jouer le rôle de

plastifiant et diminuer ainsi la valeur du couple finale Cmax mesurée par rhéométrie.

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 40000

10

20

30

40

50Température = 150°C

Cou

ple,

C (N

.m)

Temps (s)

M1=M : SBR+CBS+DPG+S8+ZnO+Ac.stéarique M2=M1 +TESPD M3=SBR+TESPD+CBS+DPG+ZnO+Ac.stéarique

Figure A- 4-1 : Vulcanisation de la matrice avec de l'acide stéarique, en présence de d'agent de couplage,

avec soufre (M2) et sans soufre (M3), et sans agent de couplage avec soufre (M1).

A-4.1.3 Conclusion

Cette étude a permis de mettre en évidence la possibilité de polycondensation des molécules

silanes au sein de la matrice. En présence de charges, cette réaction est d’autant plus probable

que la silice apporte une forte quantité d’eau (6 à 8%). Dans le cas d'une tête très réactive

avec la matrice (cas du dynasilane), il a pu être montré que cela conduit à la création de

nœuds de réticulation, et cela sans qu'il soit besoin d'ajouter du soufre. Dans le cas du TESPD,

les mesures réalisés dans cette étude n'ont pas permis de mettre en évidence cet effet

réticulant parce que la réaction de couplage nécessite outre la présence de soufre, celle de la

silice qui permet un cisaillement suffisant pour ouvrir cette molécule.

A-4.2 Influence du rapport CBS/soufre sur la réticulation

Cette étude a été réalisée au sein de l'équipe de recherche du CRA Rhodia. En modulant le

taux de soufre et le rapport accélérateur/soufre, des taux de réticulation ainsi qu'une

distribution de la longueur des ponts différents peuvent être obtenus. Plusieurs formulations

ont été utilisées. Les matériaux élaborés selon le même protocole de mise en œuvre que celui

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Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée

266266

utilisé dans notre travail ont été testés par mesure de gonflement dans le xylène pour

déterminer leur taux de réticulation.

La figure A-4-2 présente l'influence de la formulation en CBS et soufre sur ce taux de

réticulation. Avec un rapport CBS/Soufre constant (ici de 0.8), le taux de réticulation

augmente logiquement avec la concentration en soufre et CBS (La concentration en soufre est

choisie égale à 0.5, 1 et 3.5 phr). On observe également que l'augmentation du taux de soufre

pour une quantité constante de CBS (échantillons avec un rapport CBS/soufre respectivement

de 0.8 et 0.23 et une concentration en soufre respectivement de 1 phr et 3.5 phr, ou bien un

rapport CBS/soufre respectivement de 2.8 et 0.8 et une concentration en soufre

respectivement de 1 phr et 3.5 phr) conduit aussi à une augmentation du taux de réticulation.

On remarque enfin sur cette même figure que l'augmentation de la concentration en CBS pour

un taux de soufre constant conduit également à une augmentation du taux de réticulation, cet

effet étant d'autant plus notable que le taux de soufre est faible. L'ajout de CBS accroît le taux

de réticulation final en diminuant la longueur des ponts soufre entre chaînes de polymère

réticulés, et en augmentant ainsi le nombre total de nœuds de réticulation.

0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.50

20

40

60

80

100

120

140

160 C

BS

/S =

0.2

3 C

BS

/S =

0.8

CB

S/S

= 0

.28

CB

S/S

= 1

.8

CB

S/S

= 0

.8 C

BS

/S =

2.8

CB

S/S

=0.8

CB

S/S

=3.6

Taux

de

rétic

ulat

ion

Taux de soufre(S 8) (phr)

Figure A- 4-2 : Evolution du taux de réticulation en fonction du taux de soufre et du rapport CBS/Soufre

Ces résultats confirment les résultats du chapitre III. Dans le cas des systèmes chargés,

l’adsorption du CBS par la silice peu ou pas traitée conduit à des taux de réticulation de la

matrice plus faible loin de la charge, et favorise une plus forte réticulation de la matrice au

voisinage de cette charge. La présence de greffage, en évitant l’adsorption du CBS,

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Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée

267267

impliquerait une réticulation de la matrice plus homogène avec un taux de réticulation plus

important que celui observé en présence de silice non traitée.

A-4.3 Influence du taux de réticulation sur les propriétés mécaniques

L’évolution du couple au cours de la vulcanisation mesurée sur un rhéomètre Monsanto (cf.

Chapitre II) a été mesurée sur les différents matériaux mis en œuvre dans le cadre de l'étude

précédente (modulation du rapport CBS/Soufre et de la quantité de soufre). Les propriétés à

rupture de ces matériaux ont aussi été déterminées par un essai de traction à l'ambiante sur des

éprouvettes normalisées de type H3, avec une vitesse de traverse de 500mm/min.

La figure A-4-3a présente une augmentation linéaire du couple ∆C avec le taux de

réticulation déterminé par mesure de gonflement. Gonflement sur les matériaux réticulés et

évolution de leur viscosité au cours de la réticulation sont donc des mesures équivalentes pour

caractériser la densité de nœuds de réticulation. Cela est vrai uniquement dans le cas de

matériaux non chargés. En présence de silice, les deux mesures sont perturbées de manière

difficilement contrôlable par les hétérogénéités de déformation et les mécanismes interfaciaux

qu'elles induisent.

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Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée

268268

0 20 40 60 80 100 120 140 16020

30

40

50

60

70

80

Del

ta C

oupl

e, ∆

C (N

.m)

Taux de réticulation (1/2Mc 10 6)

a)

0 20 40 60 80 100 120 140 1600

2

4

6

8

10

taux de réticulation

Déf

orm

atio

n à

la ru

ptur

e (m

m/m

m)

0

2

4

6

8

10

CB

S/S

> C

BS

/SC

BS/S

< C

BS/S

Con

train

te à

la ru

ptur

e (M

Pa)

b)

Figure A- 4-3 : Evolution en fonction du taux de réticulation, a) de la différence de couple, b) des

propriétés à la rupture

La figure A-4-3b présente l'évolution des propriétés en rupture des échantillons en fonction du

taux de réticulation. En première approximation, on voit que la contrainte à rupture des

échantillons est indépendante du taux de réticulation alors que la déformation à rupture

diminue linéairement avec ce taux. Cela est directement la conséquence d'une diminution de

la longueur moyenne des chaînes entre nœud de réticulation avec l'augmentation de la

concentration de ces nœuds.

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Annexe 4 : Réticulation de la matrice non chargée

269269

On remarque également une influence, du second ordre, de la longueur des ponts de

réticulation. Celle ci est contrôlée par la quantité de CBS introduite. A même taux de

réticulation, une augmentation de la longueur de ces ponts, induite par une augmentation du

rapport CBS/Soufre, conduit à des propriétés en rupture plus faibles du fait d'une énergie de

rupture des chaînes polysulfure d'autant plus faible que leur longueur est importante.

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Annexe 5 : Etude par Calorimétrie différentielle à Balayage (DSC)

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Annexe 5 : Etude par Calorimétrie différentielle à balayage (DSC)

A-5.1 Principe et description de l’expérience Cette technique permet de mesurer à pression constante la capacité calorifique massique Cp

en fonction de la température. Ces mesures consistent à mesurer la différence de flux de

chaleur nécessitant la variation de température de deux creusets, l’un vide servant de

référence, et l’autre contenant l’échantillon analysé. La dérivée de cette énergie par rapport à

la température permet de calculer la capacité calorifique de l'échantillon. Le passage de la

transition vitreuse de l’ensemble de nos matériaux nécessite un apport d'énergie

supplémentaire par rapport à la capsule de référence. Ce passage s'accompagne donc d'une

variation ∆Cp(J/g.K-1) de la capacité calorifique. Les essais ont été réalisés sur un dispositif

DSC Pyris Diamond de Perkin Elmer sur des échantillons dont la masse est de l'ordre de 15

mg. La vitesse de balayage est égale à 10°C.min-1.

A-5.2 Résultats Pour les différents échantillons testés les résultats sont présentés dans le tableau A-5-1.

L’ensemble de ces résultats est rapporté à la masse de polymère testé (c’est à dire corrigée de

la masse de particules inorganiques (silice) présente dans les systèmes chargés).

Echantillons ∆Cp (J/g.K) (±10%)

M 0.49 Si 0.45

AR8 0.42 AR16 0.43 AC-75 0.45

Tableau A- 5-1 : Mesure de ∆Cp(J/g.K) pour les différents types de traitment de surface de la silice.

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Annexe 5 : Etude par Calorimétrie différentielle à Balayage (DSC)

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Les résultats obtenus sont relativement proches et n’indiquent pas de différences significatives

de mobilité au sein de la matrice en présence de charge. En particulier, on est très loin des

40% de variation attendue dans le cas de la silice seule si l'on se réfère aux résultats de

polymère lié du chapitre III. De plus, on ne voit pas d'influence du traitement de surface.

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FOLIO ADMINISTRATIF

THESE SOUTENUE DEVANT L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES DE LYON

NOM : RAMIER DATE de SOUTENANCE : 6 mai 2004 Prénoms : Julien - Louis TITRE :

Comportement mécanique d’élastomères chargés, Influence de l’adhésion charge – polymère,

Influence de la morphologie NATURE : Doctorat Numéro d'ordre : 04 ISAL 0028 Formation doctorale : Génie des Matériaux : Microstructure, Comportement macanique, Durabilité Cote B.I.U. - Lyon : T 50/210/19 / et bis CLASSE : RESUME :

Afin de comprendre les mécanismes de renforcement d’une matrice élastomère par des charges nanométriques, cette étude s’est focalisée sur la nature des interactions à l’interface charge - matrice en fonction du traitement de surface de la charge et leur influence sur les propriétés mécaniques. Dans ce but, des agents de recouvrement et un agent de couplage ont été utilisés afin de modifier l’interface d’un système SBR-Silice. Afin de pouvoir interpréter le comportement mécanique de ces matériaux, l’influence de ces traitements au niveau de la dispersion de la charge au sein de la matrice et sur la réticulation a été évaluée. Il s’avère que le procédé de mise en œuvre utilisé dans cette étude est tel que la dispersion des charges au sein de la matrice n’est pas influencée par les traitements de la silice. L’étude de l’interface silice matrice a permis de révéler l’influence de la quantité introduite d’agent de greffage et de leur taille, sur l’encombrement stérique en surface et la quantité d’interactions avec la matrice. Les traitements permettent de limiter les interactions physiques entre la matrice et la charge dans le cas des agents de recouvrement mais également de former des liaisons covalentes dans le cas l’agent de couplage. Les traitements de la surface de la silice permettent également de limiter les hétérogénéités de réticulation au sein de la matrice. La caractérisation mécanique a été réalisée aux petites déformations par spectrométrie mécanique en fonction de la température et en fonction de la déformation. Ces mesures ont permis de mettre en évidence l’influence des interactions charge -charge et charge – matrice sur l’effet Payne. Un modèle de réseau constitué de sous structures (agglomérats) reliées entre elles par une couche de polymère lié a été proposé pour interpréter l’ensemble des résultats. De plus, la présence de liaisons covalentes entre la matrice et la charge permet de limiter les interactions de nature réversible et de prévenir de l’endommagement pour les plus grandes déformations. Les essais en traction montrent une chute du renforcement quand on cherche à limiter les interactions physiques, alors que la présence des liaisons covalentes l’améliore en augmentant le degré de réticulation globale. De plus elles retardent également en déformation et en contrainte l’apparition de décohésions à l’interface entre la charge et la matrice. Le transfert de contraintes avant la décohésion permet alors une réorganisation plus importante des sous structures (agglomérats). MOTS-CLES : Nanocomposite, Renforcement, Elastomère, Silice, Silane, traitements de surface, Polymère lié, Effet Payne, Endommagement Laboratoire (s) de recherches : GEMPPM : Groupe d’étude de Métallurgie Physique et de Physique des Matériaux – INSA de LYON Directeur de thèse: C. GAUTHIER , L CHAZEAU Président du jury : P. NAVARD Composition du jury : F. LEQUEUX, A. ROBERTS, L. STELANDRE, M.N BOUCHEREAU, E. PEUVREL DISDIER, C.GAUTHIER, L. CHAZEAU

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FOLIO ADMINISTRATIF

THESE SOUTENUE DEVANT L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES DE LYON

Name : RAMIER Julien - Louis Defense date: 6th may 2004 Title :

Mechanical behaviour of filled elastomers, the influence of filler adhesion to polymer and the influence of morphology

NATURE : Doctorat Numéro d'ordre : 04 ISAL 0028 Formation doctorale : Génie des Matériaux : Microstructure, Comportement mécanique, Durabilité

Abstract: To understand the reinforcement mechanisms of filled elastomers, this study has been focused

on the interactions of the interface filler– matrix (silica-SBR), based on the surface treatment of the filler

and its influence on the mechanical behaviour. Covering and coupling agents have been used to modify

the interface. However, any interpretation of the mechanical behaviour must take into account the

influence of these treatments from a filler dispersion point of view. The characterisation of dispersion has

not shown a difference between the silica treatments. The studying of the silica-matrix interface has

shown the influence of the treatment in terms of introduced quantity and size, on the steric hindrance and

the interaction quantity with the matrix. This treatment limits the physical interactions between the

matrix and the filler with covering agents, but encourage the covalent bonds with coupling agent. The

mechanical characterisation of the small deformations is done by mechanical spectrometry depending on

temperature and deformation. These measurements have highlighted the influence of the interaction

filler-filler and filler-matrix on the Payne effect, in a model made of agglomerates linked to each other by

the bound rubber. The existence of covalent bonds between the matrix and the charge reduces damaging

for higher deformations. For large deformations, tensile tests have shown a decrease of the reinforcement

when searching to limit the physical interactions and an increase with the presence of covalent bonds by

increasing its crosslinking degree. They also delay the apparition of interfacial decohesions between the

filler and the matrix by a reorganisation of the agglomerates. KEY WORDS: Nanocomposite, Reinforcement, Elastomer, Silica, Silane, Surface treatment, Bound rubber, Payne Effect, Damage Laboratory : GEMPPM : Groupe d’étude de Métallurgie Physique et de Physique des Matériaux – INSA de LYON Research directory: C. GAUTHIER, L CHAZEAU President of jury: P. NAVARD Jury members: F. LEQUEUX, A. ROBERTS, L. STELANDRE, M.N BOUCHEREAU, E. PEUVREL DISDIER, C.GAUTHIER, L. CHAZEAU