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LES PLUS CONCERNÉSEN SONT-ILSÉQUITABLEMENTBÉNÉFICIAIRES?

Plus de six cents milliards de francs suisses sont maintenant déposés auprès de nosinstitutions de prévoyance. Cette somme est clairement susceptible d’influencer nosvies économiques et politiques. A quel point la concurrence joue-t’elle?

TEXTE > Pierre E. Michel

46 >>> PRÉVOYANCE > le deuxième pilier

LES GROUPES BANCAIRES UBS et Crédit Suissese sont départis de leurs activités de prévoyance. Ilétait de notoriété publique que les établissementsbancaires assujettissaient régulièrement leurs propo-sitions de crédit de l’obligation pour l’entreprise de luiapporter en contre-affaire sa caisse de pension afind’en reprendre l’administration et la gestion desactifs. Cette façon de faire est fort heureusement envoie de disparition. Il est toutefois intéressant de rele-ver que ces activités étaient exercées chez ellesessentiellement hors bilan.

La situation est toute différente chez les assurances:une scission claire et nette de leurs activités de pré-

voyance provoquerait un dégonflement substantiel deleur bilan. La particularité des institutions de pré-voyance (ci-après: IP) captives des assurances estqu’elles sont de facto des coquilles vides. Tous leursengagements sont intégralement repris par l’assu-rance (ci-après: la Mère) qui s’oblige en retour à luifournir les prestations définies contractuellemententre l’IP et ses affiliés. L’activité opérationnelle del’IP se passe dans l’assurance.Si l’on s’intéresse aux questions de conflit d’inté-rêts, un point crucial concerne le comportement dela Mère: elle, qui profite des revenus générés par lesfonds des affiliées de l’IP repris dans son bilan, sou-haite tout naturellement optimiser ses résultats afinde plaire à ses actionnaires. Elle a ainsi tout intérêtà diminuer ses charges soit à payer à son IP captiveles prestations les plus basses possibles. L’histoire adémontré que ces prestations étaient systématique-ment proches du taux minimum fixé par le ConseilFédéral. Les assurances ont donc tout avantage à ceque ce taux soit le plus bas possible. La même logi-que s’applique au taux de conversion, dont la vitessed’abaissement demandée par le lobby des assuran-ces aurait pu être utile à Isaac Newton, à défaut depomme. Il y a, à n’en pas douter, un conflit d’intérêtpatent entre les actionnaires de l’assurance Mère etles affiliés de l’IP: ils ont des intérêts diamétrale-

46 EXEL L’ESPRIT POSITIF DES MANAGERS MODERNES

Publi-Rédactionnel

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ment opposés. Le lobby des assu-rances a donc des raisons d’en-tourer nos politiciens.

Il y a malheureusement un autredomaine dans lequel la concur-rence est faussée, celui de la réas-surance. L’IP est l’assureur enpremier ressort des prestationsdéfinies contractuellement avecses affiliées. Or, beaucoup d’IPconsidèrent plus intéressant ouplus raisonnable de se réassurertotalement ou partiellement. Pourdiverses raisons, ce sont les assu-rances qui jouent le rôle tradition-nellement dévolu aux réassu-reurs. Elles se trouvent donc dansla situation de proposer desconditions de réassurance à leurspropres concurrents. Sachant queles primes de réassurance condi-tionnent les primes d’assurance,les assurances influencent ainsil’attractivité de leurs concurrentsen pilotant l’un des critères les

plus importants de choix de pres-tataire de service de prévoyancepar une caisse de pension. Cesimportantes distorsions de laconcurrence, dont on parle peu,ne sont pas prêtes d’être corri-gées, trop d’intérêts y trouventleur compte.On a beaucoup parlé en revanched’hypothétiques délits d’initiés.Pourquoi y a-t’il eu autant de bruità ce sujet? Peut-être parce que lessommes accumulées dans la pré-voyance attirent de nouveauxappétits, comme ceux des syndi-cats par exemple. La démagogie sefait vite une place dans les débatssociaux. Ou peut-être parce quedes particuliers se défendent moinsbien que des institutions et font unmeilleur gibier de potence médiati-que. Le bruit fait autour de l’affaireSwissfirst nous paraît excessif. On aassisté à un lynchage médiatique etla montagne a accouché d’une sou-ris. Il existe en Suisse une loi sur le

sujet, qui s’applique à tous, y com-pris aux gérants de fonds de pré-voyance. Ce n’est pas là que le bâtblesse le plus.Même si nous ne souhaitons pasdiminuer systématiquement lemérite des assurances dans leursoutien au développement de laPrévoyance en Suisse, notre expé-rience nous a démontré que laprésence d’actionnaires dans l’en-vironnement de la prévoyanceétait préjudiciable aux intérêtsdes affiliées et encore plus auxassurés, leurs collaborateurs.Après plusieurs années deréflexion, avec l’aide de nos audi-teurs et de l’autorité de surveil-lance, notre conseil de fondationest arrivé à la conclusion que lameilleure manière de suivre l’es-prit de notre système de pré-voyance était de structurer lefonctionnement de notre institu-tion de manière à assurer que lesrevenus des capitaux placésreviennent à leurs propriétaires,les assurés, sous déduction desfrais d’administration et des mon-tants alloués au renforcement dubilan de l’IP, à l’exclusion d’éven-tuels actionnaires. Cette manièrede faire a le mérite indubitabled’exclure tout conflit d’intérêt.Sommes-nous plus royalistes quele roi? L’avenir nous le dira. �

Pierre E. MichelLa Collective de Prévoyance - Copré

Directeur de la Fondation,

membre du Conseil.

Le bruit fait autour del’affaire Swissfirst nousparaît excessif. On a assistéà un lynchage médiatiqueet la montagne a accouchéd’une souris.

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