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District de Delémont

4 | Mardi 16 juillet 2019 | Le Quotidien Jurassien

Dans l’épisodeprécédent:tournée de routinepour David Boillatquand se présente«Crazy», un poulainchancelant.

«C’ est bizarre, je n’ai ja-mais vu un truc pa-

reil», remarque notre vétéri-naire. Devant lui, Crazy, jeunefranches-montagnes de toutjuste deux mois, dos rond, pei-ne à se tenir debout et à mettreune jambe devant l’autre.Comme s’il titubait.

Numéro d’équilibristeL’éleveur fournit les rensei-

gnements préalables: «Il a tou-jours été comme ça. Nousavons déjà eu le vétérinaire eton pensait qu’il se remettrait,mais il ne suit pas sa mère, ilest toujours couché, il se sou-lage ainsi.»

Le praticien tourne autourdu poulain, l’examine soustoutes les coutures: «Il plieles pattes, il fait un numérod’équilibriste le pauvre! Il acertainement eu un problè-me de développement, une

malformation. Peut-êtremême qu’il lui manque unevertèbre? En plus, je n’ai ja-mais vu ça, il a des touffes depoil au boulet.» Il sort son sté-thoscope et constate: «Il pré-sente encore un gros souffleau cœur.»

«ll faut abrégerses souffrances»

Le diagnostic tombe commeun couperet, même si le vetoprend des gants: «Ce poulain,tu ne peux pas le laisser com-me ça: il n’a pas d’avenir. Ilfaut abréger ses souffrances.»Depuis le temps, le paysan sedoutait bien qu’on se dirigeaitvers cette issue. Il acquiesce:«Oui, il faut l’eu-thanasier.»

Crazy s’appro-che péniblementde sa mère Héroï-ne, pour tirer unpeu de lait. Alors,le vétérinaire expli-que comment sepratiquera l’intervention: «Jelui administrerai d’abord uncalmant qui l’endormira, ceciafin d’éviter la phase d’excita-tion qui accompagne parfoisl’injection de la solution léta-le.»

Sous l’effet du sédatif, lepoulain lâche prise, s’endortentre les bras du vétérinaire ets’écroule doucement. La suite,nous ne la verrons pas. Deuxminutes plus tard, on entendle professionnel déclarer der-rière le mur: «Il n’a pas beau-coup résisté. D’habitude, ils sedébattent toujours un peu.»

«Une délivrance»Dans la voiture qui nous

emmène vers une nouvelle in-tervention, le médecin se ditsoulagé: «C’est plutôt une déli-vrance. Il n’aurait pas survécuet, de toute façon, il souffraittrop. Mais je suis content quele propriétaire ait pris la déci-

sion de lui-même.»

En finir avecles traitementsest une sage déci-sion, mais s’y ré-signer n’est pastoujours simple:«Certains de mes

clients paysans sont parfoistrès sensibles, parfois davan-tage que certains propriétai-res de chien. J’en ai vu qui lâ-chent une larme quand ilsdoivent se résoudre à eutha-nasier un animal.»

«Certes, chaque bête estimportante, apprécie notreinterlocuteur. Mais, il fautéviter l’acharnement théra-peutique. De plus, il s’agitégalement de considérer l’as-pect financier de la chose.Certaines bêtes sont réfor-mées (n.d.l.r.: partent pour laboucherie), c’est comme ça

que ça se passe.» Cristina Ma-riani, l’assistante, abonde ence sens: «Il faut savoir qu’à lacampagne, nous avons affaireà des animaux de rente, quifinissent à l’abattoir. Depuistoute petite, j’ai vu les veaux,les poulains partir à la bou-cherie. Oui, la viande nepousse pas en barquettes! Ce

qui m’importe, c’est que lesanimaux soient bien traitésavant d’arriver à cette étape.»

Demain, un épisode plusléger avec un gros plan sur lesbobos des petits animaux queDavid soigne à son cabinet endébut d’après-midi.

VÉRONIQUE ERARD-GUENOT

■ DANS LES PAS DU VÉTÉRINAIRE

L’euthanasie en dernier recours

Lors de sa tournée, David Boillat s’arrête parfois en rase campagne, pour délivrer des médicaments à un client.PHOTO VEG

Le feuilleton de la semaine

«C’est plutôtune délivrance.De toute façon,il n’aurait passurvécu, il n’avaitpas d’avenir.»

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ANIMAUXBIEN GARDÉS

ABATTOIRSSOUS SURVEILLANCE

UNE FEMMEQUI N’A PAS PEUR SE SALIR

«SPARO»A DISPARU

À LA VIE,À LA MORT

LE CŒURET LA RAISON

�«Ça va mieux depuisque le désinfecteur estintervenu et qu’il esttombé un peu de pluie,mais j’évite toujours d’ouvrirles fenêtres, car il y en aencore», a assuré hierun résident du chemindes Chênes à Courrendlin.�Il évoque bien entendul’invasion de chenillesurticantes qui se sontattaquées depuis quelquessemaines à un alignementde chênes bordantun lotissement situéà la sortie du villageen direction de Vicques.�«J’en ai déjàbrûlé 13 kilos»,relève Patrick Sauvain,désinfecteur à Delémont,qui a posé des piègessur les troncs des six arbrestouchés.

«Tout le quartier était infec-té et cela a beaucoup perturbénotre quotidien pendant deuxà trois semaines», note un au-tre résident du chemin desChênes. Il se félicite de pou-voir à nouveau utiliser son bal-con, mais continue à laisserfermées les fenêtres situées ducôté des chênes, en attendantque les chenilles se transfor-ment en papillons.

«C’est la première fois quej’étais appelé pour éliminerdes chenilles processionnai-res, qui sont déjà présentes àGenève et en Alsace», expliquele désinfecteur qui a été sur-pris d’être appelé en vingt-quatre heures pour trois casd’invasion de chênes par ceslarves de lépidoptères.

Brûler les nidsSi les chenilles s’étant éta-

blies dans deux arbres, l’un

près du casino Barrière àCourrendlin et l’autre à Monti-gnez, ont pu être éradiquées,Patrick Sauvain a dû faire faceà une invasion beaucoup plusimportante au chemin desChênes à Courrendlin.

«La première étape a consis-té à brûler les nids. Il y en avaitdes centaines et nous avonsainsi pu évacuer 13 kg de che-nilles brûlées. Cette opérationa permis d’enlever 80% deslarves», estime le désinfec-

teur. Il a ensuite placé une col-lerette entourée de silicone au-tour des troncs des six arbrestouchés.

Piégéespar des collerettes

«Lorsque les 20% de chenil-les restantes descendront del’arbre pour aller faire leur co-con dans le sol, la collerette lesmènera dans un tuyau qui lesfera tomber dans un sac rem-pli de terre, où elles commen-

ceront leur cocon», détaille lespécialiste qui récupérera lessacs à la fin de l’automne et enbrûlera le contenu.

La troisième étape consiste-ra à poser des nichoirs à mé-sanges, car ces oiseaux ado-rent les chenilles procession-naires. «J’ai déjà pris contactavec les Ateliers protégés ju-rassiens pour leur proposer deréaliser ces nichoirs», annon-ce Patrick Sauvain. Il va, enjuin prochain, poser de nou-

velles collerettes sur les sixchênes de Courrendlin afin depiéger les chenilles proces-sionnaires qui auront réussi àse reproduire dans le sol.

Origine difficileà expliquer

«Il sera nécessaire d’à nou-veau intervenir si l’on souhaitecouper leur cycle de reproduc-tion», insiste le désinfecteur.Il constate que le réchauffe-ment climatique, mais égale-ment la démocratisation desvoyages, lui amène du boulotlié à l’arrivée de nouvelles es-pèces.

Lorsqu’on lui demandecomment les papillons noctur-nes pondant les œufs donnantnaissance aux chenilles sontarrivés dans le Jura, PatrickSauvain avoue ne pas le savoir.Il pense toutefois que ces pa-pillons ont été transportés in-volontairement par desconducteurs de camions ou devéhicules venant du sud de laSuisse ou d’Alsace et ont en-suite trouvé dans la région unclimat favorable pour éclore.

«Il est important que lesgardes forestiers et les privéscontrôlent leurs chênes afinde pouvoir intervenir rapide-ment en cas d’invasion»,conseille le désinfecteur.

Il recommande égalementde ne pas s’attaquer seul auxchenilles, car cette opérationn’est pas anodine et peut sesolder par de très nombreuseset douloureuses piqûres.

THIERRY BÉDAT

■ COURRENDLIN

Urticantes et toujours présentes

Plusieurs pièges ont été posés pour attraper les chenilles processionnaires, encore bien présentes hier sur les six arbres situés le long du chemindes Chênes à Courrendlin. PHOTOS DANIÈLE LUDWIG

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