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9™ Année.— N° 48. LE NUMÉRO : 1 0 CENTIMES Jeudi 19 Juin 1879.

COURRIER DE CANNESUnsix

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ET DE LA PROVENGEJournal d'Intérêt Local et Régional, Politique et Littéraire

PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE

R6daoLour o n oïiwf : R O G E R P A S C A L I S

ANNONCESAvis ÎWera, = I franc. laligne.Réclames » *ft cent —Annonces légales...... > 85 — —

Pour les autres annonces on traite à forfait.

Tout ce qui concerne la rédaction devra être adressé*u Rédacteur du journa l , rue Bivouac, 1S.

Les Annohoes sont reçue» è. Paris, chez MM Havas-Lafflte-BuLLiar^ place de la Bourse, 8 ; Dongrel & Bullier, rue Vivienne, 33, et àMarseille, chez M. Laurent, rue d'Aix, 32.

AVISLes lecteurs du COURRIER DE

CANNES sont informés qu'à partird'aujourd'hui Jeudi, 19 Juin, lejournal sera livré, au numéro, auprix dé DIX CENTIMES, sans qu'ilsubisse aucune diminution dans sonformat.

Carnet, le .18 Juin IS19

Tout est pour le lieux.. .dans la njeilleme des républiques... celleque n'a point su trouver Jérôme Paturot.CePaturot-lâ, il faut le dire.avait le tort decliereber vers -18 ce qui no devait so trou-ver qu'après 71. La République Fran-çaise, heureusement, a pris la suite desaffaires de Paturot, et le Jérôme île cojournal a mis au jour le trésor vainement

1 "recherché par son prédécesseur • « Quand< on va au fond des choses, dit—il, on voit« qu'à tout prendre notre sîtuattoc pohti-4, que n'est pas mauvaise... *

On voit f.. Qui voit? — La République,naturellement1.. La situation politique,en effet, n'est pas mauvaise.... pour elle ;c'est une bonne situation de politique d'eautrouble, et ses Jérômes y peuvent pocher Al'aise;—que peuvent-ils souhaiter do mieux,et que leur importe le reste ? — La, Répu-blique prêche assez ordinairement pour desconvertis, souvent plus croyants qu'elle-même. Mais elle a compris, cette fois, quesi croyants qu'ils soient, ses lecteurs pour-raient quelque peu hausser les épaules acette affirmation que « la'sîtuation politique

1 n'est pas mauvaise. » Aussi a-t-elle bienvite ajouté, pour prévenir toutes objectionsou réflexions ironiques ; « il y a des appa-rences fâcheuses, mais ce ne sont que de;apparences,,. >

' Est-i! possible de plus galamment se moquerdtt public î Saurait-on mieux dire que l'onconsidère ses lecteurs comme de vëritabhgogos politiques, tous prêts A accepter divessies pour des lanternes ' — Les appa-rences sont fâcheuses, mais ce ne sont quedes apparences ; —donc tout est pour le

' mieux ! — II n'y a eu qu'une apparenced'amnistie ; les protestations contre les loisFerry ne sont qu'apparences ; apparenteseulement a été l'élection de Blanqui, appa-rente aussi sa grâce, apparentes surtout la

• faiblesse et l'incapacité du gouvernement.• Les grèves ne sont qu'apparences,aussi bîique la stagnation des affaires et la détres'des classes ouvrières,...

Mais tout cela n'est fâcheux qu'en appa-rence....

Si la mauvaise foi était bannie du restido la terre elle trouverait un refuge assun-chez les journaux républicains ; et !a Répu-blique française leur-donné énergiquemenle ton. Ils savent tous, depuis le plus petijusqu'au plus grand, farder la vérité, ou lidissimuler, présenter les plus tristes chose;sous uu aspect gracieux ; ils dénaturent hdiscussion avec un art infini, sachant pajl'oubli d'un mot ou d'un incident, donneitort à qui a raison, faire uu provocateurd'un provoqué. Dociles crieirrs publics, ilsrépandent, suivant le mot d'ordre qui leurest donné, des histoires plus ou moins

îîr debout, mais qui ont toujours late do préparer les escamotages parié-taires que l'on prémédite, et d'en

létourner l'attention.Il y avait à la Chambre un jeune et cou-

ïgeux iléputê, plein de fougue et d'audace,e député avait l'inquiétante habitude de•ter leurs vérités à la face de ceux quiinterrompaient ; il avait toujours les po-lies bourrées de preuves, d'argumentsirf kominem, et l'on avait une peur bleue

la production de ces arguments aura d'une importante discussion. Il fallajter. On avaitdéjatout tenté pour clore

aboucha de ce dangereux représentant:ippe'sà l'ordre et censure. Il fallait prq-oquer et faire prévoir un scandale tel que'on put prononcer son exclusion momenta-léa. Aussitôt toute la presse républicainel'entrer eu campagne : on tronque hulula-ient pour la province les comptes-renduses précédentes séances, on présente lasroupes d<i la droite comme surrexcitésutre mesura, on va emprunter des mots àAssomoir, et on leur prêle l'intentionien arrêtée de faire du boucan

l'uis, au moment de la lutte. M, de Cas-agnacn'apas plutôt prononcé vingt paroles,,u sujet du discours violent et haineux pro-

> a Kpiual, que la censure est récla-contre lui. L'orateur fait observer

:]u.'qn \eut le censurer parcequ'il a use destermes dont le ministre s'est servi â Epinal.

débat s'envenime ; on se menace ; leirésident se couvre,—largement ;—la cen-

re est prononcée avec exclusion tempo-ire, et... le tour estjouù.—On va pouvoirscuteF les lois Ferry sans que les preuves; M. de Cassagnae viennent troubler leipos de M, Girerd, sans que tant d'autres,, te garde des sceaux en tête, aient la

crainte d'entendre raconter en public cer-uns détails peu édifiants de leur vie poli[que.

Et c'est ainsi que la République fran-çaise peut affirmer que les seules apparencesont fâcheuses, et que tout est pour lelieux, d'ailleurs.

Il est vrai quelle vient de remporter uneictoiro - le Sénat a voté à une très faibleiiajorité le retour du parlement a Pans.—*our obtenir ce rbtour, les ministres ontépondu de l'ordre ,— mais ils répondent

de tant de choses,ces ministres! et leur ide quelques jours nous offre si peu derantie pour l'avenir ! Les intéressés essa

l'amusant, d'endormir les défiancespays,—Ils ont fait des gorges chaudes

du spectre rouge, ils en font aujourd'huidu pompier du 15 mai. Mais ils savent î

veille qu'ils ont sous la main uno armétde ces pompiers-là, une armée qui feraiidifficilement un ioyage, mais toujours prêt*A traverser un pont pour aller saisir leparlement dans la souricière où ils l'ondécidé a se laisser prendre. Il faut dira qu

w bagarres ruinent le pays et le tuent,]est toujours quelqu'un qui y trouve socompte : le patron de la République Fran-çaise en sait bien quelque chose. — Ntsonge-t-il pas déjà à cette bagarre prévueet n'a-t-îl pas apprécié les profits à en tirerlorsqu'il fait dire u son journal que la situa-tion politique n'est pas mauvaise ?..

Il y a bien encore l'Algérie ; mais ceest un simple nuage que ne peut manquede dissiper la présence d'un habit noir. Siles ministres se refusent A parler de cetteaffaire, c'est qu'elle est tout-à-fait insign:fiante : une simple douzaine de mille insu;

bien armés nous menacent; mais, bah!insurgés!... on connait bien cela, au

listèro ; ils sont utiles souvent, et n'ontaïs compromis la situation politique = .

le ceux qui s'en servent,— au contraire !En somme, pas le moindre point noirest visible à l'horizon politique de laépubhgue française. Au Palais de la

'résidence, on voit l'avenir couleur dee, et l'on n'y saurait admettre que, tan-que l'on peut se plonger dans une bai-)ire de 40,000 francs, tout n'est pas

iour le mieux dans la meilleure des repu-

H. PASCALIS.

Une cause célèbre à CannesI8TORIQUB

L'affaire de MM. Girard fait son cheminns le monde. — La Çoinéihe politique de

,yon, journal qui ai.nio bien à rire, a trouvéde bons sujets^ a dauber, et elle s'ennie à cœur joie. — Nous n'avons pas le

ourage de priver nos lecteurs de ce pi-fuantmorceau \ le voici'

I

i de idont

SOMBRES l'RÉLUDES

C'était pendant l'horreur d'umnts obscures et froides de printei>us a gratifiés la République.Le calendrier marquait 16 Mai, — date

fatale et sombre qui avait heureuiement,pour correctif ce millésime enchanteur :1879.

L'aiguille du cadran du beffroi municipal,irofitant de ce qu'elle était absolument in-isible dans l'obscurité, s'était, fonction-laire infi.Me, arrêtée-ià flâner en route etie marquait que 11 h.,5, alors qu'il étaittl h. 28,

Un homme enveloppé d'un manteau cou-yurdu ti'mpsse glîsàait mystérieusement

dans la rue d'Anlibe?, à Cannes (Alpes-Uamimes).

Les hautes maisons profilaient leursnasses couleur ébène sous un ciel couleurEncre de la petite verlu. ;

L'homme au manteau était île tailleithlétïque. Un observateur, pour peu qu'ileût eu le soin préalable de se munir d'unelanterne, d'un bec de gaz ou d'un Jabloch-koff faciles à porter en secret, même en•oyaye, aurait pu lire sur les traits de

l'homme une expression terrible.

L'éclair oblique de son œil révélait d'a-bord, que, sous les apparences plus que ro-bustes do ce promeneur noctnrne, se ea-ibaient des aptitudes do procureur retors;il remplissait, en effet, chez M8 Guzagnaire.notaire et maire de Cannes, les fonctionsutiles de gratte-papier timbré.

Bt pourtant sa démarche, légère quoiquepesante, dénotait un homme de guerre ; pa;un de ces contrastes que se plaît u créer ledestin railleur, ce personnage A remploipaisible avait, en effet, en poche le brevetd'officier de.l'armée territoriale.,

Lo vont de nuit soulevait sa chevelure.Il allait à grand pas, et on l'entendit

murmurer des paroles effrayantes, entreautres celles-ci ;

Girard fils s'est conduit a mon égardd'une façon vraiment peu..,, délicate-..Parla mort!.,. Par le sang!... Je croisqu'il m'a rossé à coups de canne \-.._ Enferet damnation!..., il me semble mêmequ'il a profité pour cela du moment où, ab-sorbé par mes.fonctions- île. saute-ruisseau,

j'avais oublié mon caractère d'officier...Ventre Mahom !...U rouge en monte A monfront de héros!... Il va se passer des choseshorriblement atroces.,. Vingmca/ vin-gincef troun de DiouJ...

Ayant prononce ces derniers mots d'unevoixdebas^e taille qui ronflait comme untonnerre lointain, le terrible Légiot — carl'homme avait reçu de ses ancêtres ce nombucolique'et harmonieux de Légiot, — leterrible Légiot, dis-je, tira de son -sein unsifflât d'argent en meichîor et modula surcet instrument élégant quelques sons plain-tifs.

A ce signal, un chapeau recouvert d'unvoile blanc comme neïge émergea de l'em-brasure d'une porte voisine,..

Le capitaine Légiot l'aperçut et dit •— C'est bien!... Il estàson poste... A

lui le pèro, à moi l'enfant !... Attendons lescoupables !. .

Et sa main serra fiévreusement sous lesplis do son manteau une arme redoutable,le Code, A l'aide de laquelle lui et son pa-tron avaient déjà commis plus d'un crime,et son index chercha dans l'obscurité unegâchette sur laquelle étaient gravés cesmots : tapage nocturne.

Un drame inouï se préparait ainsi dansl'ombre, tandis que dormaient paisiblement

s paisibles habitants de Cannes.

II

TROIS SCÉLÉRATS

A ce même moment, dans une r>îsîne, troîshorarapsi mine sinistre étaient.sis autour d'une (able sur laquelle !

trouvait mie lampe, laquelle lampe — ciiconstance aggravante — était allumée.

Ceshoromea étaient M, Girard, ancitnaire de Cannes, son fils.et M.Rigal1,avocatit banquier.

Du premier coup d'œil il était facile deconstater que ces trois hommes étaient'dfîoirs et profonds scélérats.

Ils causaient entre eu*, avec un cynismerévoltant, des choses les plus épouvantables

On avait, un instant, entendu le pèredire, du ton froid et calme que donne hlongue habitude du crime, ces huit motsentre mille autres pins terribles encore

— On ne se croirait, vraiment, pusprintemps ! = ..

Et le fils, sans mnnifester la inoïndnémotion, avait répondu ;

— Nous aurons encore de la piuie !.,.Co A quoi M8 Rîgal, baissant soigneus

ment la voix, avait ajouté avec un ray*cruel dans le regard :

— Ça ne fait pas l'affaire des abricots.Horrible !Enfin'les t ois complices s'étaient levés

ats'étaient mystérieusement serrélamain.Bt l'on avait pu entendre M. Rigal, avec

ma inflexion de voix qui dénotait deWm-ires accointances, articuler ce mot caba-istique :

— Bonsoir !EtGirard'pére et fila, sansaucun trem-

blement dans le larynx, avaient répété :— Bonsoir !MM. Girard s'étaient dirigés vers la

porte.. Qu'allaient-ils fairof

Les projets les plus sinistres avaient sou-dainement germé dans leur cervelle :deux êtres aux instincts féroces, sanscun souci des lois divines et humaines,vaut la société entière, insultant: aux ins-

tutîona les plus dignes de' respect, al-lient.... se coucher chez eux,

Brrrr !III

LE CRIME

Cependant Légiot veillait,a= rouge au front, la boue nus pieds, la haincau cœur I

II guettait [es conspirateurs.Girard père et fils ne tardèrent ffts4,pto

altre sur le seuil de M. Rigal. , -,, ;,j'Quand ils eurent fait quelques pas dans

i rue, Légiot s'avança et, se campant de-ant ces misérables A la façon des héros an-iques, il leur adressa ces paroles courtoises:

— Enfin, je vous trouverai, cochons!Co mot semblait devoir attirer sur les

tnaulos du commandant Légiot une de ces•éponses en bois de coudrier, analogue Aille qui avait naguère charmé sa vaillante:hi»e, et ledit Légiot se prenait à sonderiixieusement l'horizon, lorsque le maire-

notaire de Cannes fit enfin son apparition,Î chef orné du voile virginal qui donno unliqunnt tout particulier à son adorable

Qu'y a-t-.il donc i s'écria M° Ûazagnairaen prenant l'air uaïf d'une panthère quis'éiaiiee sur sa proie,

MM. Girard surpris dans l'accomplisse-ment du crime qu'ils voulaient perpétrer,répondirent néanmoins avec l'audace decoupe-jarrets •

— C'est M. Légiot qui nous insulte!~ Lâches! s'écria le colonel Légiot en

haussant la voix.— Oh ! oh 1 s'exclama Gazngnaire, voilà

du tapago nocturne ou je ne ni y connais... Lâches, cochons, ce sont là des

expressions de nature à troubler la tran-quillité' il; le repos publics.. = Moi, ça trou-ble mon repoii, d'abord !... Et toi. Légiot,(a tranquillité n'est-elle pas dérangée?...

— Elle l'est ! répondit Légiot.Aussitôt, M" Gazagnaire, extirpant de sa

poche un petit cor de cliasso de platine en•rmeil, le porta à ses lèvres purpurines eti tira quelques modulations célestes.Deux ombres surgirent sous la forme d'a-

gents de police en bourgeois.Légiot leur donna son Codo à aiguille ;

Gaziignaireleui confia un procès-verbal àpercussion centrale, en leur disant. « Faitesle nécessaire! »

Et les deux agents plongèrent CPS nrmeameurtrières dans lesjioitrines.seélérales deMM. Girard père et fils, tandis que le voilacandide de M. le maire volait- dans l'air,

bmme une colombe au-dessus d'un ni&u->léa.

IVLA COUR D'ASSISES

Nous.sonimes dans le temple de Thémîs,à Cannes.

Une foule énorme emplit la salle d'au-dience.

On va juger deux grands coupablos : Gi-rard père et fils, accusés de s'être laisséfrapper, la nuit, sur un gran'd 'chetein,d'un coup de procès-verbal système Re-•mlngton.

Sur le fauteuil du président de cette Courd'assises se trouve léjuge'de paix'de Garnies.

Le siège du ministère public, vn l'impor-tance des débats, est occupé par le commis-saire central en personne.

Les bancs des jurés sont occupés parl'Opinion publique, une darae qui n'aimepas qu'on lui conte des craques et qui veutVoir lés: choses de près.

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