ECOLE NATIONALE SUPERIEUREDES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS
COURS DE
INSTITUTIONS FINANCIERES ET FINANCES PUBLIQUES
PAR M. DJEUKOU JOSEPH DOCTEUR EN DROIT PUBLIC
CYCLE DES INSPECTEURS DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS NIVEAU II, ANNEE ACADEMIQUE 2011/2012
Présentation cours de finances publiques
Enseignant : Dr DJEUKOU Joseph
I – Considérations générales
Les finances publiques s’entendent de l’ensemble des règles qui organisent la création des ressources et en assurent leur répartition au sein de l’Etat. Il s’agit d’un ensemble générique à l’intérieur duquel on range entre autres, le Droit fiscal, le Droit de l’endettement, le Droit de la comptabilité publique et le Droit budgétaire.
C’est sur ces deux derniers points que porte le cours de Finances publiques que nous dispenserons cette année.
Pour l’étudiant du niveau indiqué, l’enseignement des finances publiques est intéressant au moins pour trois raisons :
- D’abord, il lui permet de savoir d’où proviennent les ressources que l’Etat utilise pour satisfaire les besoins des populations.
- Ensuite, il concourt à imprégner l’apprenant des règles et mécanismes suivant lesquels ces ressources sont utilisées.
- Enfin, l’enseignement favorise une meilleure compréhension par l’étudiant, des instruments de contrôle de l’utilisation des ressources étatiques.
Il s’agit donc d’un enseignement important, dont la maîtrise par l’étudiant est nécessaire et de nature à soutenir au mieux l’appréhension de la vie financière de l’Etat.
Par ailleurs, au-delà des aspects liés à certaines considérations historiques des finances publiques, l’ossature du cours s’articule autour de quatre titres suivants :
Les concepts et grands principes du droit budgétaire L’élaboration de la loi de finances L’exécution de la loi de finances Et le contrôle de l’exécution du budget.
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Plan du cours
Introduction générale
§ 1 – L’objet des finances publiques§ 2 – L’évolution des finances publiques § 3 – Les bases juridiques des finances publiques
Partie I : Les concepts et grands principes du droit budgétaire
Chapitre I : Loi de finances et budget de l’Etat
Section I : Le concept de budget de l’Etat§ 1 – L’évolution de la notion de budget de l’Etat § 2 – Les composantes du budget de l’Etat
Section II : La notion de la loi de finances § 1 – La définition de la loi de finances § 2 – La typologie de la loi de finances
Chapitre II : Les grands principes du droit budgétaire
Section I : Le principe de l’annualité§ 1 – La signification du principe§ 2 – La justification du principe§ 3 – L’interrogation au principe
Section II : Le principe de l’unité budgétaire § 1 – La signification du principe § 2 – La justification du principe§ 3 – L’interrogation au principe
Section III : Le principe de l’universalité budgétaire§ 1 – La signification du principe § 2 – L’interrogation au principe
Section IV : Le principe de spécialité des crédits§ 1 – La signification du principe § 2 – L’interrogation au principe
Section V : Le principe de l’équilibre budgétaire§ 1 – La théorie classique de l’équilibre budgétaire § 2 – La remise en cause de l’équilibre
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Partie II : L’élaboration de la loi de finances
Chapitre I : La préparation de la loi de finances
Section I : Les autorités chargées de la préparation de la loi de finances§ 1 – Les ministres dépensiers § 2 – Le ministre des finances§ 3 – Le premier ministre§ 4 – Le Président de la République
Section II : La prévision des masses budgétaire§ 1 – L’évaluation des recettes publiques§ 2 – L’évaluation des dépenses publiques
Chapitre II : L’autorisation parlementaire
Section I : L’examen et le vote de la loi de finances§ 1 – L’examen de la loi de finance § 2 – Le vote de la loi de finance
Section II : La portée juridique de l’autorisation parlementaire§ 1 – En matière de recettes publiques § 2 – En matière de dépenses publiques
Partie III : L’Exécution de la loi de finance
Chapitre I : Les agents chargés de l’exécution de la loi de finances :Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables
Section I : Les ordonnateurs § 1 – Les pouvoirs de l’ordonnateur § 2 – Les catégories d’ordonnateur
Section II : Les comptables publics § 1 – Les attributions des comptables publics § 2 – Les différentes catégories des comptables publics
Section III : Les exceptions à la règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics § 1 – En matière d’exécution des recettes publiques § 2 – En matière d’exécution des dépenses publiques
Chapitre II : Les règles relatives à l’exécution de la loi de finances
Section I : La réalisation des recettes et dépenses publiques§ 1 – L’exécution de la dépense publique § 2 – L’exécution des recettes publiques
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Section II : La comptabilisation des recettes et des dépenses § 1 – Les solutions possibles : le système de l’exercice et le système de gestion.§ 2 – Le système retenu au Cameroun
Partie IV : Le contrôle de l’exécution de la loi de finances
Chapitre I : Les différents types de contrôle
Section I : Le contrôle administratif§ 1 – Le contrôle financier§ 2 – Le contrôle des comptables publics§ 3 – Le contrôle des services spécialisés de l’Etat
Section II : Le contrôle juridictionnel§ 1 – La chambre des comptes de la Cour suprême§ 2 – Les tribunaux régionaux des comptes
Section III : Le contrôle parlementaire§ 1 – Le contrôle en cours d’exécution de la loi de finance § 2 – Les commissions d’enquêtes§ 3 – Le contrôle à posteriori : le vote de la loi de règlement
Chapitre II : La sanction des irrégularités
Section I : Le régime de responsabilité des comptables publics§ 1 – L’étendue de la responsabilité des comptables publics§ 2 – Les garanties de la responsabilité des comptables publics
Section II : Le régime de responsabilité des ordonnateurs § 1 – Les sanctions traditionnelles § 2 – Les sanctions du conseil de discipline budgétaire et financière
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INTRODUCTION
L’étude des problèmes financiers des collectivités publiques relève de la
science des finances encore appelée Finances publiques, ou même droit budgétaire.
§.1 L’objet des finances publiques
Le domaine des finances publiques présente des contours flous. La doctrine
(les auteurs) a tenté de dégager le champ d’application et par conséquent l’objet des
finances publiques. Il existe à ce sujet trois critères essentiels : organique, matériel et
celui tiré de la nature des moyens mis en œuvre.
A. Le critère organique
Il s’attache au statut juridique de la personne morale. Ainsi seront rattachées
au droit des finances publiques les activités financières de l’Etat et des autres
collectivités et organismes publics. On conclut que l’activité financière des
organismes privés obéira au droit des finances privées.
B. Le critère matériel
C’est celui que semble défendre Paul Marie GAUDEMET pour qui les finances
publiques constituent « la branche du droit public qui a pour objet l’étude des règles
et des opérations relatives aux deniers publics ». C’est aussi la position de Gaston
JEZE qui présente les finances publiques comme « L’étude des moyens par lesquels
l’Etat se procure les ressources nécessaires à la couverture des dépenses publiques
et en répartir la charge entre tous les citoyens ». On fait valoir que la définition de M.
GOUDEMET est imprécise en raison de la difficulté juridique à définir la notion de
deniers publics.
C. Le critère de la nature des moyens juridiques mis en œuvre
L’idée ici, c’est qu’on parlera des finances publiques seulement dans les cas
où la personne morale utilise ses prérogatives de puissance publique. Dans le cas
contraire, il s’agit de finances privées. Cette distinction permet d’identifier les activités
financières des personnes morales publiques et à les opposer aux activités
financières des personnes morales privées.
De tous ces critères, celui le plus répandu est le critère matériel. Le prof.
François DURUEL, le résume ainsi : « Les finances publiques ont pour objet l’étude
des problèmes financiers concernant les personnes publiques, des mécanismes qui
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s’y rapportent et des règles juridiques qui les régissent, en d’autres termes, elles
couvrent l’étude des moyens et des mécanismes par lesquels les collectivités
publiques déterminent leurs dépenses, les couvrent et en répartissant les charges
entre les citoyens ».
§.2 L’évolution historique des finances publiques
Datant du XIXe siècle, la théorie des finances classiques, s’oppose à celle qui
s’est développée après 1919 s’appliquant aux finances modernes.
A. les finances publiques classiques
Nées dans le cadre de l’Etat libéral, c'est-à-dire intervenant le mois possible
dans la vie économique (Etat gendarme), les finances classiques sont simplement
destinées à financer les activités essentielles de l’Etat : diplomatie, défense, police et
justice. Elles présentent selon les théoriciens de l’époque, quatre caractéristiques.
- Elles sont tout d’abord limitées quant à leur domaine d’intervention et ont,
par conséquent, un volume réduit.
- Elles sont neutres et insensibles. On veut par là dire qu’elles ne sont pas
destinées à atteindre des objectifs financiers, pas plus qu’elles ne doivent se porter
au secours des secteurs en difficulté.
- Seul l’impôt est légitime.
Les autres catégories de ressources sont inconciliables avec les nécessités
de l’Etat libéral. Les revenus du domaine sont négligeables, de même que les
manipulations monétaires sont exclues et l’emprunt très peu utilisé.
- Le budget de l’Etat doit être équilibré. Les dépenses doivent être égales aux
recettes définitivement acquises, c'est-à-dire aux impôts effectivement perçus.
Réaliser l’équilibre budgétaire est plus qu’une règle, presque un dogme.
Quoique très largement irréaliste au moment même où elle était admise, la
théorie des finances classiques, ne cadre plus avec l’Etat devenu interventionniste.
B. Les finances publiques modernes
Deux évènements précipitent la fin de l’Etat libéral et consacrent l’avènement
de l’Etat interventionniste (Etat providence). Il s’agit de la première guerre mondiale
et de la grande crise économique de 1929.
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L’Etat interventionniste va engendrer la naissance d’une nouvelle approche
des finances publiques qui auront des caractéristiques inverses aux précédentes à
savoir :
- l’augmentation en volume des finances publiques. Le volume des dépenses
publiques va s’enfler et ne cesser de croître, et l’Etat va se procurer les ressources
par tous les moyens.
- Les finances publiques ne sont plus neutres. Désormais, les recettes comme
les dépenses sont utilisées pour orienter l’activité du pays. On se préoccupe, avant
toute décision financière, de son incidence économique et sociale. Par exemple,
l’Etat peut prélever l’impôt pour lutter contre l’inflation, des dépenses
d’investissement, type « grands travaux » peuvent être mises en œuvre pour lutter
contre le chômage et déclencher une reprise des affaires.
- L’équilibre budgétaire n’est plus un dogme.
Si l’équilibre est souhaitable, il n’est plus indispensable. On préfèrera même le
plus souvent le déséquilibre budgétaire pourvu qu’il y ait équilibre de l’économie.
§.2 Les bases juridiques des finances publiques
Au Cameroun, les sources formelles des finances publiques sont essentiellement
constituées par la Constitution, la loi et les règlements. La Cour Suprême statuant
comme Conseil constitutionnel, chargé du contrôle de la constitutionnalité des lois
n’a pas pu à ce jour rendre des décisions interprétant les dispositions relatives au
droit budgétaire, ce qui explique la place négligeable de la jurisprudence.
A. La Constitution
La loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin
1972, comporte des dispositions, certes laconiques, relatives aux finances publiques.
C’est ainsi que l’article 26 donne compétence au Parlement concernant le
budget, la création des impôts et la détermination de l’assiette, du taux et des
modalités de recouvrement de ceux-ci rappelant ainsi le principe de consentement à
l’impôt. L’article 16 dans son alinéa 2 (b), donne compétence à l’Assemblée
nationale pour le vote du budget de l’Etat et consacre les douzièmes provisoires en
disposant que : « Au cours de l’une de ses sessions, l’Assemblée nationale vote le
budget de l’Etat. Au cas où le budget n’aurait pas été adopté avant la fin de l’année
budgétaire en cours, le Président de la République est habilité à reconduire, par
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douzième, le budget de l’exercice précédent jusqu’à l’adoption du nouveau budget ».
Les articles 18 al 3 (a) et 23 al 3 (a) limitent le pouvoir d’initiative et d’amendement
de l’Assemblée Nationale et du Sénat en matière de diminution des ressources ou
d’aggravation d’une charge.
Comme innovation, la Constitution de 1996 institue la juridiction des comptes
comprenant la Chambre des comptes de la Cour Suprême et les juridictions
inférieures de comptes, chargées de contrôler et de statuer sur les comptes publics
et ceux des entreprises publiques et parapubliques.
B. la loi
La Constitution détermine le domaine d’intervention de la loi en matière
financière. En dehors de lois de finances annuelles, le législateur a édicté de
nombreux textes dont l’importance en matière financière n’est plus à démontrer. Il
s’agit de :
- La loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat.
Cette loi fixe les conditions d’élaboration, de présentation, d’exécution et de contrôle
de l’exécution de la loi de finances. elle est d’application progressive pour une
période n’excédant pas cinq (05) ans, à compter du 1er janvier 2008, et entrera en
vigueur dans son intégralité le 1er janvier 2013 date à laquelle l’ordonnance
n°62/OF/04 du 7 février 1962 sera abrogée.
- La loi n°2009/010 du 10 juillet 2009 portant régime financier des collectivités
locales décentralisées.
Ces deux textes constituent l’ossature du système budgétaire camerounais.
D’autres textes de loi ont une portée limitée comme la loi n°74/18 du 5
décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs et gérants des crédits publics
et des entreprises d’Etat modifiée par la loi n°76/4 du 8 juillet 1976.
C. Les textes réglementaires
Le pouvoir réglementaire en matière financière est essentiellement dérivé de
la loi.
C’est ainsi que la loi n°2007/006 fixant régime financier précise que le régime
de la comptabilité publique est fixée par un décret portant réglement de la
comptabilité publique.
Cette même loi ouvre la faculté au pouvoir réglementaire de modifier les
crédits ouverts dans la loi de finances à travers les virements de crédits, les décrets
d’avance et l’annulation de crédits.
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L’organisation et le fonctionnement du Conseil de discipline budgétaire et
financière, organe chargé de la sanction des irrégularités et fautes de gestion des
ordonnateurs du budget est fixé par un texte réglementaire (Décret n°2008/028 du 17
janvier 2008).
Les règlements constituent donc avec les lois les véritables sources du droit
budgétaire.
PLAN DU COURS
Le présent cours porte exclusivement sur les finances publiques de l’Etat,
même si certaines règles et principes étudiés s’appliquent aussi aux finances des
collectivités territoriales décentralisées et des Etablissements publics administratifs. Il
est articulé autour des quatre (04) titres suivants :
TITRE I : LES CONCEPTS ET GRANDS PRINCIPES DU DROIT
BUDGETAIRE
TITRE II : L’ELABORATION DE LA LOI DE FINANCES
TITRE III : L’EXECUTION DE LA LOI DE FINANCES
TITRE IV : LE CONTRÔLE DE L’EXECUTION DE LA LOI DE FINANCES
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TITRE I : LES CONCEPTS ET GRANDS PRINCIPES DU DROIT BUDGETAIRE
Au centre des finances publiques de l’Etat, se trouve les concepts de budget
ou de loi de finances qu’il faut au préalable clarifier. Leur élaboration et leur
exécution reposent un certain nombre de principes essentiels qui remontent depuis
les finances classiques.
CHAPITRE I : LOI DE FINANCES ET BUDGET DE L’ETAT
Autrefois, les expressions « budget » et « loi de finances » étaient
synonymes : on les emploie encore l’une pour l’autre. En réalité, les notions sont
distinctes.
Section I : Le concept de budget de l’Etat
§.1 L’évolution de la notion de budget de l’Etat
Initialement, le droit financier a été construit autour de la notion de budget. Il
résultait de l’article 1er de l’ordonnance n°62/OF/04 du 07 février 1962 portant régime
financier de la République Fédérale du Cameroun que : « Le budget de l’Etat prévoit
et autorise en la forme législative les charges et les ressources de l’Etat dont il
détermine la nature et le montant.
- Il fixe en termes financiers les objectifs administratifs et sociaux de la
République du Cameroun.
- Il est arrêté annuellement par l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi
de finances ».
Il se dégageait de cette définition les caractéristiques suivantes du budget de
l’Etat :
- c’est un acte de prévision, c'est-à-dire une évaluation a priori des recettes et
des dépenses de l’année à venir ;
- c’est un acte d’autorisation, c'est-à-dire une décision du Parlement donnant au
gouvernement pouvoir de percevoir les recettes et d’effectuer les dépenses
publiques.
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- Il est un acte périodique, car il est arrêté annuellement ;
- Il est voté par le Parlement dans le cadre de la loi de finances. Il en résulte
que le budget n’est qu’un élément de la loi de finances.
La loi 2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat donne
une nouvelle définition de la notion de budget. Aux termes de son article 5 (al 2),
« Le budget décrit les ressources et les charges de l’Etat autorisées par la loi de
finances sous forme de recettes et de dépenses, dans le cadre d’un exercice
budgétaire ». Il en ressort que le budget n’est plus que la partie descriptive de loi de
finances comportant une évaluation des ressources attendues et des affectations de
crédits projetés.
§.2 Les composantes du budget de l’Etat
Suivant l’article 5 (7) de la loi n°2007/006 du 29 décembre 2007, « Le budget
de l’Etat est constitué du budget général, des budgets annexes et des comptes
spéciaux du Trésor ».
A. Le budget général
C’est le document unique qui dans la loi de finances, retrace toutes les
recettes et toutes les dépenses de l’Etat.
B. Les budgets annexes
Ils retracent les seules opérations de services de l’Etat non dotés de la
personnalité morale résultant de leur activité de production des biens ou de
prestations de services donnant lieu à paiement de prix, quand elles sont effectuées
à titre principal par ces services.
La création d’un budget annexe et l’affectation d’une recette à un budget
annexe ne peuvent résulter que d’une disposition de la loi de finances.
C. Les comptes spéciaux du Trésor (CST)
Ils retracent les recettes et dépenses affectées ainsi que les opérations de
caractère temporaire.
Les CST ne peuvent être ouverts que par une disposition de la loi de finances
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Section II : La notion de loi de finances
La loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat
contrairement à l’ordonnance n°62/OF/04 du 07 février 1962, donne une définition de
la notion de loi de finances, et précise sa diversité.
§.1 Définition de la loi de finances
Il résulte de l’article 2 (1) de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 que : « La
loi de finances prévoit et autorise chaque année, l’ensemble des ressources et
charges de l’Etat en déterminant leur nature, leur montant, leur affectation et en
fixant leur équilibre ». La loi de finances est à la fois un acte de prévision, un acte
d’autorisation et un acte périodique (annuel). Elle présente aussi l’ensemble des
programmes concourant à la réalisation des objectifs de développement
économique, social et culturel du pays.
§.2 La typologie de loi de finances
La loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 à travers son article 4 précise qu’ont
le caractère de loi de finances : la loi de finances de l’année, les lois de finances
rectificatives, la loi de règlement, la loi prévue à l’article 4 de la dite loi.
A. La loi de finances de l’année
Encore appelée loi de finances initiale, c’est elle qui est votée par le Parlement
en début d’exercice budgétaire et qui prévoit et autorise, pour une période de 12
mois allant du 1er janvier au 31 décembre de l’année, l’ensemble des charges et des
ressources de l’Etat. Elle comprend deux parties distinctes déterminées à l’article 18
de la loi n°2007/006.
B. Les lois de finances rectificatives
Encore appelées collectifs budgétaires, les lois de finances rectificatives
peuvent, en cours d’année, modifier les dispositions de la loi de finances de l’année.
Elles ratifient les modifications apportées par décret aux crédits ouverts par la
dernière loi de finances.
C. La loi de règlement
C’est la loi de constatation de la dernière loi de finances exécutée.
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D. La première partie de la loi de finances
Adoptée et promulguée au cas où la deuxième partie n’a pu être adoptée dans
les délais prévus la première partie de la loi de finances de l’année a aussi la
caractère d’une loi de finances.
CHAPITRE II : LES GRANDS PRINCIPES DU DROIT BUDGÉTAIRE
Traditionnellement, le droit budgétaire repose sur un certain nombre de rites
ou règles (annualité, unité, universalité, spécialité, équilibre).
La raison d’être de ces principes nés des finances publiques classiques est
facile à appréhender.
Politiquement, ils permettent au Parlement de contrôler dans les moindres
détails l’activité financière de l’Etat.
Au plan technique, ils constituent de méthodes claires et honnêtes de
présentation des documents budgétaires et visent à assurer une gestion claire et
méthodique des finances publiques.
Dans la pratique, l’application de ces règles a été relativisée. En effet, le rôle
économique et social joué par les finances de l’Etat a fait apparaître les obstacles
techniques que l’existence de ces règles met à la réalisation des tâches nouvelles de
la puissance publique. Ainsi l’évolution a consisté à adapter ces règles qui
demeurent une condition essentielle d’une gestion rigoureuse des finances publiques
aux nouvelles fonctions économiques des finances publiques de l’Etat.
Section I : Principe de l’annualité budgétaire
§.1 La signification du principe
De façon simple le principe peut ainsi s’énoncer : la loi de finances est établie
chaque année pour un an. Ainsi, la règle présente un triple aspect :
- la loi de finances (budget) doit être présentée et votée avant le début de
chaque année. C’est le principe de l’antériorité.
- L’autorisation concernant les dépenses et les recettes n’est valable que pour
un an.
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- Le gouvernement doit s’en tenir à l’exécution annuelle, c'est-à-dire que
l’exécution des dépenses et des recettes doit s’opérer entre le 1er janvier et le
31 décembre.
§.2 Justification du principe
Au plan politique, la règle de l’annualité qui découle du principe de
consentement de l’impôt, a pour raison d’être de permettre au Parlement d’exercer
un contrôle régulier sur les finances publiques.
Au plan économique, le budget s’inscrit dans un contexte économique qu’il
contribue à modifier. Une prévision des conséquences économiques de la gestion
budgétaire est difficile à établir de façon précise au-delà de l’année.
§.3 Les dérogations au principe
Certaines décisions budgétaires ont une portée soit inférieure, soit supérieure
à un an.
A. Les dérogations budgétaires dont la portée est inférieure à un an
Elles sont constituées par les douzièmes provisoires, les lois de finances
rectificatives et les modifications des crédits ouverts par voie réglementaire.
1) Les douzièmes provisoires
Ils trouvent leur fondement dans l’article 16 (2) de la Constitution de 1996 d’où
il ressort que « Au cas où le budget n’aurait pas été avant la fin de l’année
budgétaire en cours, le Président de la République est habilité à reconduire par
douzième, le budget de l’exercice précédent jusqu’à l’adoption du nouveau budget ».
Concrètement, par ordonnance, le Président de la république, dans cette hypothèse,
reconduit le budget antérieur à raison d’un douzième pour chaque mois de retard.
2) Les lois de finances rectificatives ou collectifs budgétaires
Elles interviennent en cours d’exercice pour modifier la loi de finances de
l’année.
Les lois de finances rectificatives sont présentées dans les mêmes formes que
les lois de finances initiales. Elles bouleversent l’équilibre financier initial et sont
utilisées comme instrument juridique d’action conjoncturelle.
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3) Les modifications des crédits ouverts par voie réglementaire
a) Les décrets d’avance
En cas d’urgence, des décrets d’avance peuvent ouvrir des crédits
supplémentaires sans modifier l’équilibre budgétaire arrêté par la dernière loi de
finances, en annulant des crédits ou en constatant de nouvelles recettes (Article 54
(1) loi 2007/006).
Ces décrets d’avance sont pris dans le cadre d’un plafond cumulé de crédits
ouverts qui ne peut excéder 5% des crédits ouverts par la loi de finances de l’année.
Les modifications ainsi apportées aux crédits par décret d’avance doivent être
soumis au Parlement pour ratification dans le prochain projet de loi de finances
afférent à l’année en cours.
b) L’annulation de crédits
L’article 55 (1) de la loi 2007/006 indique qu’un crédit peut être annulé par
décret pris sur rapport du Ministre chargé des finances afin de préserver l’équilibre
financier tel que défini par la dernière loi de finances afférente à l’année concernée,
ou parce qu’il est devenu sans objet. Tout décret d’annulation est transmis, pour
information au Parlement dès sa signature.
c) Le virement de crédits
Ils sont prévus à l’article 53 de la loi n°2007/006. Il s’agit des modifications
apportées à l’affectation des crédits budgétaires et non pas à leur montant.
B. Les dérogations dont la période excède un an
Elles constituent les exceptions les plus importantes au principe de l’annualité.
1) Les reports de crédits
Normalement, la règle de l’annualité interdit les reports de crédits d’une année
sur l’autre. C’est dans ce sens qu’il résulte de l’article 56 (1) de la loi n°2007/006 que
« Sous réserve des dispositions concernant les autorisations d’engagement, les
crédits ouverts au titre d’une année ne créent aucun droit au titre des années
suivantes ». En conséquence les crédits non utilisés à la fin d’un exercice sont
réputés être annulés.
Le report de crédits qui conduit à la prolongation de la validité de crédits qui
sont votés pour un an constitue une exception au principe de l’annualité. La loi
n°2007/006 prévoit le report de crédits dans deux hypothèses : les crédits de
paiement ouverts sur un programme et les crédits ouverts au titre d’un fonds de
concours (article 56 (4) et (5)).
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2) L es autorisations d’engagement
Encore appelées autorisation de programme, les autorisations d’engagement
constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées au cours d’une
période n’excédant pas trois (03) ans (article 15 (2) loi 2007/006). Concrètement, ce
sont les crédits d’investissement permettant de réaliser des programmes
d’équipement s’échelonnant sur plusieurs années. L’autorisation d’engagement
permet ainsi à l’ordonnateur d’engager financièrement l’Etat sur plusieurs années
pour la totalité des opérations à réaliser, mais elle ne permet pas d’opérer le
paiement. Les crédits de paiement ne sont effectivement débloqués chaque année
que au fur et à mesure des travaux effectués dans l’exercice budgétaire. Ces crédits
de paiement peuvent être reportés sur l’exercice suivant.
Section II : Le principe de l’unité budgétaire
Le principe de l’unité budgétaire trouve son fondement à l’article 5 (5) de la loi
n°2007/006 qui énonce que « Toutes les recettes et toutes les dépenses sont
retracées dans un document unique intitulé Budget général ». Il s’agit d’un principe
qui est assorti des exceptions.
§.1 Signification du principe de l’unité
La règle de l’unité budgétaire présente un double volet : un volet matériel et un
volet formel.
- Au sens matériel, le principe de l’unité signifie que le budget englobe toutes
les recettes et toutes les dépenses de l’Etat.
- Au sens formel, il oblige des recettes et des dépenses à figurer dans un
document unique.
Ces deux aspects sont en fait complémentaires.
§.2 Justification du principe de l’unité
Au plan politique, la règle de l’unité permet le contrôle efficace du Parlement
sur le gouvernement. En effet, en réunissant dans un document unique toutes les
recettes et toutes les dépenses, on permettrait aux parlementaires de prendre
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connaissance du montant et de la composition du budget. A partir de cette vue
d’ensemble, ceux-ci pourraient émettre les jugements politiques sur les dépenses
engagées par le gouvernement.
Au plan technique, le principe assure une présentation claire du budget. Si
les recettes et dépenses se trouvent disséminées dans de multiples documents, il est
impossible d’avoir une vue d’ensemble de la situation financière. Le gouvernement
peut ainsi masquer un déséquilibre budgétaire en présentant un compte principal en
équilibre et en disposant le déficit dans les comptes secondaires.
§.3 Les dérogations au principe de l’unité
La distinction doit être faite entre les atténuations formelles et les véritables
exceptions au principe.
A. Les aménagements au principe
Au sens formel, toutes les recettes et dépenses de l’Etat devraient figurer
dans un compte unique. Sur ce plan, la règle de l’unité n’est plus appliquée de façon
rigide. Elle comporte en pratique certains aménagements qui ne portent pas atteinte
au principe lui-même. A côté du budget général, la loi de finances regroupe deux
autres catégories de compte. Les budgets annexes et les comptes spéciaux de
Trésor.
1) Les budgets annexes
Ils retracent les seules opérations des services de l’Etat non dotés de la
personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de
prestations de services donnant lieu à paiement de prix, quand elles sont effectuées
à titre principal par ces services. La création d’un budget annexe et l’affectation d’une
recette à un budget annexe ne peuvent résulter que d’une disposition de la loi de
finances.
Les opérations de budget annexes sont prévues, autorisées et exécutées
dans les mêmes conditions que celles du budget général.
2) Les comptes spéciaux du Trésor
Les comptes spéciaux du Trésor retracent les recettes et dépenses affectées
ainsi que les opérations à caractère temporaire. Ils ne peuvent être ouverts que par
une disposition expresse d’une loi de finances. Il existe cinq catégories de comptes
spéciaux du Trésor.
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- Les comptes d’affectation spéciale : Ils retracent, dans les conditions prévues
par la loi de finances, des opérations financées au moyen de recettes
particulières qui sont par nature en relation directe avec les dépenses
concernées.
- Les comptes d’exploitation : Ils retracent les opérations à caractère industriel
et commercial effectuées à titre accessoire par les services de l’Etat non dotés
de la personnalité morale.
- Les comptes d’opérations monétaires : ils retracent les opérations de recettes
et de dépenses à caractère monétaire, notamment les charges liées à
l’émission de monnaie et aux opérations de change.
- Les comptes de règlement avec les gouvernements étrangers : Ils retracent
des opérations faites en application d’accords internationaux approuvés par la
loi.
- Les comptes de concours financiers : Ils retracent les prêts et avances
consentis par l’Etat. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur
ou catégories de débiteur.
B. Les exceptions au principe de l’unité : les budgets autonomes
Les budgets autonomes constituent en l’état actuel de droit positif la seule
exception au principe de l’unité.
Par définition, le budget autonome est le budget d’une personne morale de
droit public dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.
Il y a budget autonome à deux conditions :
- la loi prévoit que la personne morale de droit public justifie de la personnalité
juridique ;
- et qu’elle possède l’autonomie financière.
La conséquence est que les opérations de dépenses et de recettes de cette
personne figurant dans un budget autonome distinct du budget de l’Etat.
Par exemple, le budget de la commune est préparé par le maire, voté par le
conseil municipal et à nouveau exécuté par le maire. De même, à l’Université le
budget est préparé par le Recteur, voté par le conseil d’administration et exécuté par
le Recteur de l’Université. Il y a 3 intérêts qui s’attachent aux budgets autonomes :
- ils ne figurent pas dans la loi de finances ;
- le parlement ne prend aucune décision financière à leur égard ;
- ils sont gérés par les autorités autres que les autorités de l’Etat.
19
Cependant, cette autonomie a un caractère relatif ; car les personnes morales
sont soumises à l’autorité de tutelle, de sorte que si le budget échappe au parlement,
il doit néanmoins être approuvé par le gouvernement. Enfin, les budgets autonomes
obéissent à la procédure ordinaire de contrôle de finances publiques.
Section III : Le principe de l’universalité budgétaire
La règle de l’universalité est assez proche de celle de l’unité. Mais les deux
principes ne se confondent pas.
§.1 La signification du principe de l’universalité
La règle de l’universalité traduit l’expression de deux règles essentielles du
droit budgétaire.
A. La règle du produit
Elle se trouve ainsi formulée à l’article 5 al 4 de la loi n°2006/007 : « Dans le
budget de l’Etat, il est fait recette du montant intégral des produits sans contraction
des recettes et des dépenses ».
Encore appelée règle de la non contraction des recettes et des dépenses ou
de la non compensation, elle impose l’obligation de n’inscrire les recettes et les
dépenses au budget que dans leur montant intégral.
Ainsi, un service de perception des impôts doit indiquer en dépenses les frais
de recouvrement, et en recettes les impôts recouvrés et ne pas se contenter de
présenter les recettes nettes.
Si cette règle permet une gestion financière claire et sincère, elle se révèle
parfois gênante dans la réalisation d’opérations courantes.
B. La règle de la non affectation
Elle interdit que certaines recettes servent à couvrir certaines dépenses. C’est
le sens de l’article 5 al 2 de la loi n°2007/006 qui dispose que « L’ensemble des
recettes assure l’exécution de l’ensemble de dépenses ». Ainsi, l’ensemble des
recettes encaissées par le Trésor pour le compte de l’Etat doit se confondre en une
masse unique couvrant sans distinction de provenance les dépenses de l’Etat. Elle
se traduit par au niveau comptable de l’unité de caisse.
20
Cette règle évite que l’égalité soit rompue entre les divers services publics. Si
l’affectation était admise, certaines dépenses ne pourraient être réalisées du fait des
rentrées insuffisantes alors que pour d’autres, il serait possible de dépenser plus que
nécessaire du fait des rentrées supérieures aux prévisions.
§. Les exceptions au principe de l’Universalité
La plupart des exceptions au principe de l’universalité touche la règle de la
non affectation. Elles sont constituées par :
Les taxes parafiscales.
Elles sont perçues dans un intérêt économique et social au profit d’une
personne morale de droit public ou privé autre que l’Etat, les collectivités territoriales
décentralisées et les établissements publics administratifs.
Les fonds de concours
Ils sont constitués par des fonds à caractère non fiscal versés par les
personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d’intérêt public et
par les produits, des dons et legs attribués à l’Etat. L’emploi de ces fonds doit être
conforme à l’intention de la partie versante.
Le rétablissement de crédits
L’article 48 de la loi 2007/006 prévoit deux cas rétablissements de crédits :
- la restitution au Trésor des sommes payées indûment ou à titre provisoire sur
crédits budgétaires ;
- les recettes consécutives à des cessions entre services de l’Etat ayant donné
lieu à paiement sur crédits budgétaires.
Dans les deux cas, les crédits correspondants sont réinscrits non en recettes
au budget général mais au chapitre budgétaire qui avait effectué le paiement.
Les budgets annexes
Les recettes que leur procurent les biens et services qu’ils produisent leur sont
affectées.
Les comptes spéciaux du Trésor
La nature des comptes spéciaux du Trésor exige qu’une affectation soit
réalisée au niveau de chaque compte spécial.
Section IV : Le principe de spécialité des crédits
21
Cette règle concerne non seulement la présentation mais aussi, et surtout,
l’exécution des dépenses publiques.
§.1 Signification de la règle
La règle de la spécialité de crédits veut que les crédits ouverts par la loi de
finances soient affectés à des dépenses déterminées. Ainsi, les crédits budgétaires
ne sont pas accordés en bloc pour n’importe quel usage, ils sont spécialisés par
chapitre. Le chapitre représente un ministère, un organe constitutionnel, un groupe
homogène de services ou d’unités administratives mettant en œuvre des
programmes ou un ensemble d’opérations de nature spécifique. Au sein de chaque
chapitre, les crédits sont présentés par sections, programmes, actions, articles et
paragraphes.
L’utilisation des fonds ayant été autorisée de manière si détaillée par le
parlement, il en résulte des conséquences suivantes :
- l’engagement des dépenses au-delà des crédits ouverts est interdit, dans la
mesure où les crédits ont un caractère limitatif ;
- l’imputation d’une dépense ne s’effectue que sur le chapitre qui doit
régulièrement le supporter ;
- la dotation d’un chapitre ne peut être complétée par l’excédent non utilisée
d’un autre chapitre. En conséquence, les reliquats non utilisés d’un chapitre
doivent être annulés.
La règle de la spécialité des crédits dans sa rigueur peut être gênante pour
l’administration, c’est la raison pour laquelle elle connaît des assouplissements.
§.2 Les dérogations au principe de la spécialité des crédits
Certaines ne constituent que de simples assouplissements au principe tandis
que d’autres, à l’instar des crédits non spécialisés forment des exceptions au
principe.
A. Les assouplissements au principe
Ils sont constitués par les virements de crédits et les crédits évaluatifs
1) Les virements de crédits
22
Ils conduisent à modifier la nature ou la destination de la dépense prévue par
la loi de finances. Ils consistent à faire passer sur un chapitre des crédits inutilisés au
titre d’un autre chapitre.
Il résulte de l’article 53 de la loi n°2007/006 que :
- Des virements de crédits peuvent être effectués de chapitre à chapitre par
décret du Premier Ministre.
- Des virements de crédits peuvent être effectués à l’intérieur d’un même
chapitre, d’une section à une autre, d’un programme à un autre, par arrêté du
Ministre chargé des finances, sur proposition de l’ordonnateur.
2) Les crédits évaluatifs
Ce sont les crédits relatifs aux charges et au remboursement de la dette de
l’Etat, aux réparations civiles, à la mise en jeu des garanties accordées par l’Etat et
aux catastrophes et calamités naturelles.
Les dépenses auxquelles s’appliquent les crédits évaluatifs s’imputent, si
nécessaire, au-delà de la dotation inscrite. Dans ce cas, le gouvernement informe le
Parlement des motifs de dépassement et des perspectives d’exécution pour le reste
de l’année.
B. Les exceptions au principe : les crédits non spécialisés
Il s’agit des crédits dont la destination ne peut être fixée à l’avance.
1) Les crédits globaux
Les crédits globaux sont ceux destinés à couvrir les dépenses éventuelles. Il
s’agit des dépenses prévues dans leur principe, mais dont la répartition précisée par
unité paraît impossible ou prématurée au moment du vote de la loi de finances (Ex.
les frais de réception des personnalités étrangères).
Les crédits globaux dérogent à la règle de la spécialité, puisqu’ils ne sont pas
affectés à la dépense ayant un objet déterminé. Les crédits les concernant figurent
dans la rubrique des charges communes du Ministère des finances.
2) Les fonds secrets ou fonds spéciaux
Ce sont les crédits accordés en bloc selon la nature du régime soit au chef de
l’Etat, soit au chef du gouvernement ou même aux deux, pour raison d’Etat. Ils
peuvent les répartir entre leurs Ministres.
Ces crédits n’ont aucune affectation particulière. Chaque autorité les utilise à
sa guise et aucun contrôle n’est effectué sur leur gestion.
Section V : Le principe de l’équilibre budgétaire
23
Il s’agit d’une règle doctrinale chère aux finances classiques mais qui par la
suite a été remise en cause.
§.1 La théorie classique de l’équilibre budgétaire
La conception de l’équilibre des auteurs libéraux est extrêmement simple :
selon eux, le budget de l’Etat doit être voté et exécuté en équilibre des recettes et
des dépenses. L’égalité mathématique entre les recettes et les dépenses était la
règle d’or de la gestion budgétaire. Les financiers classiques transposaient dans le
domaine des finances publiques le principe élémentaire des finances privées d’après
lequel un particulier ne doit pas dépenser plus qu’il n’encaisse de peur de courir à la
ruine.
Cependant, le dogme de l’équilibre a été battu en brèche lorsqu’on s’est
aperçu :
- que les budgets étaient présentés et votés en équilibre mais que leur
exécution se soldait le plus souvent par un déficit ;
- que l’équilibre des budgets présentés était le plus souvent artificiel, car bien
souvent les dépenses extraordinaires étaient exclues de ces budgets pour en
faciliter l’équilibre (lequel devait être financé par l’emprunt).
Ces observations conduisirent à mettre en doute la valeur du dogme de
l’équilibre budgétaire.
§.2 La remise en cause de l’équilibre budgétaire
Le développement de l’interventionnisme de l’Etat a conduit à la remise en
cause du principe classique de l’équilibre favorisant ainsi l’éclosion des théories de
déséquilibre. Elles sont au nombre de trois : la théorie du budget classique, la théorie
du déficit systématique et la théorie de l’impasse.
A. La théorie du budget classique
Elle est née de l’observation que l’économie d’un pays est traversée
périodiquement des phases de récession et de prospérité. A la base de cette théorie
de budgets cycliques se trouve l’idée suivante : il convient de réaliser des excédents
budgétaires dans les années de prospérité et dans les périodes de dépression on
24
pourra admettre des déficits ; ces déficits étant financés par les excédents réalisés
dans les années prospères.
Un avantage de cette théorie est de permettre de régulariser le cycle
économique. La théorie de budgets classiques est assez séduisante, cependant de
grandes difficultés d’application pratique se présentent.
Ces difficultés tiennent d’abord à l’irrégularité des cycles économiques.
Rien .ne dit que la durée de la période de prospérité sera égale à la durée de la
période de dépression ; rien ne dit que le montant des excédents réalisés les bonnes
années permettra de compenser le déficit des années de crise.
Par ailleurs, la théorie du budget cyclique pose de problèmes comptables et
politiques assez délicats. Le problème comptable est celui de savoir comment
comptabiliser les excédents qui auront été réalisés dans les années de prospérité ?
Mais le problème politique est plus grave. C’est celui de la défense des excédents
réalisés dans les bonnes années contre les appétits multiples qui se manifestent dès
que les excédents budgétaires se réalisent.
La théorie du budget cyclique n’est pas une véritable entorse à la règle de
l’équilibre puisque le principe des budgets cycliques est de réaliser l’équilibre entre
les recettes et les dépenses non pas chaque année budgétaire prise
individuellement, mais pour l’ensemble des années comprises dans le cycle
économique.
B. La théorie du déficit systématique
Cette théorie a été développée notamment sous l’influence de KEYNES. En
effet pour certains financiers particulièrement audacieux, le déficit ne serait pas un
mal, il aurait un effet bénéfique.
- Le déficit ne serait pas un mal
Il ne peut pas appauvrir le pays, puisque, si l’Etat effectue un supplément de
dépenses, il y aura quelques particuliers pour en profiter.
- Le déficit serait avantageux pour l’Etat
En effet le supplément de dépenses aura pour effet s’injecter dans le pays un
pouvoir d’achat supplémentaire qu’il s’agisse des dépenses de fonctionnement ou
des dépenses d’investissement. Il doit donc constituer un stimulant pour l’économie.
Cependant, cette thèse se heurte à certaines objections.
25
- Le déficit systématique par la charge d’emprunt qu’il impose et
l’alourdissement de la dette publique auquel il conduit accroît les frais généraux de la
nation et la met en mauvaise posture dans la compétition internationale.
- D’autre part, par l’effet inflationniste et par la dégradation monétaire
auxquels il risque d’aboutir, le déficit systématique est dangereux pour l’économie
d’un pays.
C’est pour cela que cette théorie de déficit systématique n’a guère reçu
d’application pratique.
C. La théorie de l’impasse
L’impasse ne s’appréhende aisément qu’en la comparant au déficit. C’est ainsi
que le déficit budgétaire est l’excédent de l’ensemble des dépenses du budget
général sur l’ensemble des recettes budgétaires, le déficit budgétaire est pris en
charge par le Trésor public.
L’impasse désigne l’excédent des dépenses budgétaires (y compris
l’amortissement de la dette publique) et des charges résultant de la gestion des
comptes particuliers du Trésor sur l’ensemble des recettes budgétaires. L’impasse
est financée par des emprunts, des ressources de trésorerie, et éventuellement par
les avances de l’institut d’émission. Schématiquement, l’impasse est constituée des
charges du Trésor et du déficit budgétaire.
Malgré l’existence des différentes théories de déséquilibre, l’équilibre
budgétaire reste un idéal, car constitue un principe de gestion rigoureuse des
finances publiques.
26
TITRE II : L’ELABORATION DE LA LOI DE FINANCES
L’élaboration de la loi de finances est une œuvre collective du gouvernement
et du Parlement. Le gouvernement le prévoit, tandis que le Parlement l’autorise par
son vote.
Elle apparaît comme une opération complexe en raison des techniques qui
l’entourent, mais d’une grande importance politique car elle fait intervenir les plus
grands organes de l’Etat.
CHAPITRE I : LA PRÉPARATION DE LA LOI DE FINANCES
La préparation de la loi de finances renvoie à la définition des organes
chargés au sein de l’exécutif de la prévision et à la détermination des recettes et des
dépenses.
Section I : Les autorités chargées de la préparation de la loi de finances
Au sein de l’exécutif, la préparation des lois de finances incombe à des
autorités définies par la loi. L’article 33 de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007
portant régime financier dispose que : « Sous l’autorité du Président de la
République, le Premier Ministre coordonne la préparation des projets de lois de
finances, assurée par le Ministre chargé des finances, en concertation avec les
organes constitutionnels, les Ministres ou les responsables des services
concernés ». La préparation du projet de lois de finances fait donc intervenir :
- les chefs de département ministériels ;
- le Ministre chargé des finances ;
- le Premier Ministre ;
- le Président de la République.
§.1 Les Ministres dépensiers
Chaque Ministre dit dépensier ou organe constitutionnel (Conseil économique
et social, Assemblée Nationale, …) est chargé du travail de préparation des
27
prévisions de dépenses pour son département ou services. Il centralise les
demandes de crédits qui lui sont adressées par les chefs des services extérieurs,
donne son avis sur ces diverses demandes, y ajoute les demandes propres à
l’administration centrale et arrête le projet du budget des dépenses de son ministère
qu’il adresse au Ministre chargé des finances.
§.2 Le Ministre des finances
La préparation des projets des lois de finances est assurée par le Ministre des
finances. Il est aidé en cela par la Direction générale du budget (décret n°2008/365
du 8 novembre 2008 portant organisation eu Ministère des finances) qui est chargé
de la prévision des évolutions budgétaires, du cadrage budgétaire, de la collecte et
de l’exploitation des informations relatives à la préparation du budget, de
l’élaboration des projets de lois de finances de l’Etat.
§.3 Le Premier Ministre
Avant la nouvelle loi de 2007, fixant le régime financier de l’Etat, le Premier
Ministre n’avait aucune responsabilité particulière en matière budgétaire. Aux termes
de l’article 33 de cette loi, il coordonne désormais la préparation des projets de lois
de finances.
A ce titre, il notifie les arbitrages aux Ministres ou aux responsables des
services concernés.
§.4 Le Président de la République
L’ensemble du processus de préparation des lois de finances est placé sous
l’autorité du Président de la République. Ceci est tout à fait normal dans le système
constitutionnel du Cameroun où c’est le Président de la République qui définit la
politique de la nation et partage l’initiative de lois avec les membres du Parlement.
Dans la pratique, le Président de la République édicte chaque année une
circulaire relative à la préparation de la loi de finances de l’année à venir.
Adressée au Premier Ministre, vices Premiers Ministres, Ministres d’Etat,
Ministres, Secrétaires d’Etat et Gouverneurs de régions, cette circulaire expose les
28
orientations générales de la politique budgétaire pour l’exercice à venir et précise les
dispositions à prendre sur le plan technique à l’effet de garantir les objectifs
macroéconomiques définis.
Cette circulaire dans un souci de rationalisation établit un calendrier de la
préparation du projet de loi de finances de l’année. Les dates proposées par le chef
de l’Etat varient d’une année à l’autre mais les grands moments de la préparation du
projet de lois de finances de l’année restent :
- détermination par le Ministre des finances pour le compte du chef de l’Etat de
l’enveloppe globale des recettes escomptées pour l’exercice à venir ;
- la discussion avec chaque Ministre intéressé de l’enveloppe de mesures
nouvelles accordées à son département ;
- la mise en forme de l’avant projet de budget ;
- l’adoption du budget en Conseil des Ministres ;
- le dépôt du projet de lois de finances sur le bureau de l’Assemblée Nationale.
Section II : La prévision des masses budgétaires
C’est l’aspect technique du travail budgétaire, qui consiste en l’évaluation
prévisionnelle d’une part des recettes publiques et, d’autre part des dépenses
publiques.
§.1 L’évaluation des recettes publiques
Les méthodes d’évaluation des recettes ont évolué depuis la période
classique. Les méthodes d’évaluation automatiques longtemps préconisées sont
abandonnées pour des méthodes à la fois plus précises et souples.
A. Les méthodes d’évaluation automatiques
Elles consistent en la règle de la pénultième année corrigée par le système dit
de majoration.
1) la règle dite de la pénultième année
Cette règle fut introduite en France par M. DE VILLELE pour le budget 1828.
Son principe est simple. Il faut prendre pour base de l’évaluation des recettes, le
résultat du dernier exercice connu c'est-à-dire l’avant dernière année. Ainsi pour la loi
29
de finances 2010, la base de l’évaluation des recettes est le résultat de l’exercice
2008.
Cette règle permet d’avoir une évaluation sinon exacte, du moins rapprochée
de la réalité. On a reproché à ce système de donner une évaluation trop faible des
ressources et, par là, d’exiger un effort fiscal excessif du contribuable.
2) Le système de majoration
Il fut introduit en France par Léon SAY en 1882 pour corriger la règle de la
pénultième année. Il prend pour base le résultat de la pénultième année auquel, il est
ajoutée une majoration d’une somme fixée automatiquement et égale à la moyenne
des augmentations des recettes réalisées les cinq dernières années. Ce système fut
abandonné cependant rapidement.
B. Les méthodes d’évaluation directe
Ces méthodes sont aussi dites souples dans la mesure où elles n’ignorent pas
complètement les résultats des exercices clos. Seulement dans les calculs on tient
compte des facteurs économiques et législatifs. Trois éléments fondamentaux
interviennent dans le calcul prévisionnel : les derniers chiffres des rendements
fiscaux, l’accroissement du produit national brut au cours de l’année suivante, les
effets de modification de la législation intervenue en cours d’année.
§.2 L’évaluation des dépenses publiques
L’évaluation des dépenses publiques est une opération directe puisqu’elle
traduit les besoins exprimés par les ministères dépensiers et corrigés par le Ministre
des finances. Dans la prévision des dépenses publiques on distingue les services
votés et les mesures nouvelles.
A. Les service votés
Les services votés représentent le minimum de dotation que le gouvernement
juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans les
conditions qui ont été approuvées l’année précédente par le parlement. Dans la
pratique, les services votés sont considérés comme la reprise pure et simple des
autorisations budgétaires de l’année précédente. Ils représentent les dotations de
crédits que réclament l’ensemble des services publics pour fonctionner dans les
mêmes conditions qu’auparavant.
30
Puisqu’il s’agit de la reconduction des mesures antérieures, l’évaluation des
services votés est relativement simple. Le seul travail consiste à actualiser ces
dépenses indispensables pour tenir compte de l’augmentation de certaines
dépenses (par exemple, la hausse du traitement des personnels de l’Etat en cours
d’année qui aura des répercussions sur l’année suivante) ; soit la suppression de
certaines charges autorisées les années précédentes.
B. Les mesures nouvelles
Les mesures nouvelles encore appelées autorisations nouvelles représentent
l’incidence financière des actions nouvelles déterminées à partir des priorités
gouvernementales qu’un ou plusieurs services comptent entreprendre au titre d’un
exercice budgétaire donné. Il ne s’agit donc ni de simples correctifs apportés aux
services votés, ni de l’incidence financière de l’actualisation des services votés.
C’est sur les mesures nouvelles que porte l’essentiel de la discussion entre le
Ministre des finances et ses pairs. L’état récapitulatif de ces mesures nouvelles sera
établi par le Ministre des finances qui le soumettra à la sanction du Conseil de
Ministre qui tranchera en dernier ressort avant que le projet global du budget ne soit
soumis à l’Assemblée Nationale.
CHAPITRE II : L’AUTORISATION PARLEMENTAIRE
Dans le processus d’élaboration de la loi de finances, la prise de la décision
définitive relève traditionnellement de la compétence du Parlement. Elle porte le nom
d’autorisation. Elle comporte un double aspect : elle est d’abord une décision du
Parlement portant sur les recettes et les dépenses de l’Etat ; elle est ensuite un
pouvoir donné au gouvernement d’exécuter les dispositions votées.
L’autorisation parlementaire, préalable à l’exécution du budget se traduit par
l’examen et le vote de la loi de finances.
Section I : L’examen et le vote de la loi de finances
A la différence de la préparation, l’examen et le vote de la loi de finances, qui
constituent la phase juridiquement décisive, sont largement réglementés par les
textes.
31
§.1 L’examen de la loi de finances
La procédure d’examen comporte, comme pour toute loi, un examen en
commission puis en séance publique. L’examen en commission relève de la
Commission des finances. La particularité au niveau de lois de finances tient au fait
que les délais de dépôt des projets de loi de finances à examiner est fixé par la loi, et
que le pouvoir d’amendement de parlementaire est limité.
A. Le délai de dépôt des projets de la loi de finances
Le projet de loi de finances de l’année, y compris les annexes obligatoires,
doit être déposé sur le bureau du parlement au plus tard, quinze (15) jours avant le
début de la session.
Le dépôt du projet de loi de règlement et de ses annexes quant à lui, doit
intervenir au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle de l’exercice auquel il
se rapporte.
Ces délais semblent simplement indicatifs car ils ne sont pas assortis de
sanction. En pratique d’ailleurs, le gouvernement les respecte rarement.
B. Les restrictions au droit d’amendement des parlementaires
Pendant la discussion, les parlementaires ont le droit d’apporter des
amendements au projet soumis par le gouvernement mais ce droit d’amendement
est soumis à des restrictions. A la suite de l’article 18 al 3 de la Constitution, l’article
44 de la loi 2007/006 prescrit que « Aucune proposition d’amendement à une loi de
finances ne peut être présentée par un parlementaire si elle a pour effet, soit une
diminution des ressources publiques, soit l’aggravation des charges publiques sans
réduction à due concurrence d’autres dépenses ou création de recettes nouvelles
d’égale importance ».
§.2 Le vote de la loi de finances
Les règles particulières concernent les délais et les modalités de vote
A. Les délais de vote de la loi de finances
Le Parlement dispose d’un délai de vingt (20) jours, à compter de l’ouverture
de la session budgétaire pour se prononcer définitivement sur la loi de finances.
Toutefois, au moment du dépôt des textes, le gouvernement peut déclarer l’urgence,
32
et ramener ce délai à dix (10) jours. L’urgence doit être motivée par des évènements
à caractère exceptionnel qui ont empêché le fonctionnement normal des institutions.
Si ces délais sont expirés et que la première partie de la loi de finances a été
définitivement adoptée, cette partie est promulguée.
Malgré ces délais, il est prévu que « Si la loi de finances de l’année n’est pas
adoptée avant le début de l’exercice, le Président de la République peut, par voie
d’ordonnance, reconduire, par douzième, le budget de l’exercice précédent jusqu’à
l’adoption du nouveau budget » (article 42, loi n°2007/006).
B. Les modalités de vote de la loi de finances
Contrairement à ce qui se passe pour une loi ordinaire, le vote de la loi de
finances doit se faire dans un certain ordre.
La loi de finances de l’année et la loi de règlement sont votées séparément.
Le vote de l’une ne conditionne pas celui de l’autre.
La première partie de la loi de finances de l’année est discutée et votée par
article.
La deuxième partie ne peut être discutée par le parlement qu’après l’adoption
de la première partie. Le vote des dépenses s’effectue par chapitre après examen en
deux temps, l’ensemble des programmes d’une part, les moyens détaillés par section
et par paragraphe d’autre part.
Les crédits des budgets annexes et des comptes spéciaux sont votés par
budget annexe et par compte spécial.
Section II : La portée juridique de l’autorisation parlementaire
La portée juridique de la loi de finances différe selon qu’il s’agit des recettes
publiques ou des dépenses publiques.
§.1 En matière de recettes publiques
A l’égard des recettes prévues, l’autorisation est un véritable acte d’autorité
donnant l’ordre aux fonctionnaires de procéder au recouvrement des impôts
existants.
33
Mais les services ne peuvent pas percevoir des impôts non prévus par la
législation en vigueur. Ce principe est rappelé traditionnellement par chaque loi de
finances.
En ce qui concerne les recettes non fiscales (produits du domaine par
exemple), l’autorisation a un caractère moins impératif puisque certaines recettes
dépendent de la réalisation de l’activité déterminée. Mais dans tous les cas, les
responsables des services sous peine de sanctions doivent recouvrer l’intégralité des
recettes résultant de l’application de la législation en vigueur.
§.2 En matière de dépenses publiques
L’autorisation ne comporte pas obligation sauf pour certaines dépenses
obligatoires. Lorsque les crédits sont alloués par le Parlement, le Ministre
ordonnateur n’est pas obligé de procéder à leur utilisation.
Mais l’autorisation ne permet au ministère d’utiliser les crédits que
conformément à l’objet pour lequel ils ont été accordés. La règle de la spécialité des
crédits demeure toujours en vigueur.
34
TITRE III : L’EXECUTION DE LA LOI DE FINANCES
Assurée par le gouvernement, l’exécution de la loi de finances se traduit par la
réalisation des opérations de recettes et de dépenses publiques. Elle doit se dérouler
conformément à l’autorisation budgétaire telle que donnée par le Parlement, sous
réserve des modifications qui peuvent résulter des décisions prises en matière de
gestion des crédits.
Cette exécution se déroule conformément à une organisation financière
reposant sur un principe, celui de la séparation des ordonnateurs et des comptables,
et obéit à certaines règles, connues sous le nom des règles de la comptabilité
publique
CHAPITRE I : LES AGENTS CHARGÉS DE L’EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCES : LE PRINCIPE DE LA SÉPARATION DES ORDONNATEURS ET DES
COMPTABLES PUBLICS
L’exécution de la loi de finances comporte deux phases essentielles. D’abord
une phase administrative au cours de laquelle est précisée la décision de dépenser
ou de recevoir une recette. Cette phase est exercée par l’ordonnateur. Ensuite une
phase comptable, au cours de laquelle est effectuée le paiement de la dépense ou le
recouvrement de la recette. Elle est confiée à un comptable. Ces deux fonctionnaires
appartiennent à des hiérarchies administratives distinctes et exercent des attributions
différentes.
La règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics est
clairement affirmée à l’article 46 (2) de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007
portant régime financier de l’Etat en ces termes : « Les fonctions d’ordonnateur et de
comptable public sont et demeurent séparées et incompatibles tant pour ce qui
concerne l’exécution des recettes que l’exécution des dépenses ». Par la division du
travail qu’elle assure entre des deux catégories d’agent, cette règle au plan
technique, permet une meilleure exécution des opérations financières.
Section I : Les ordonnateurs
Les ordonnateurs sont des agents publics des différentes administrations qui,
en sus de leurs fonctions découlant de l’appartenance à la fonction publique,
35
bénéficient d’un statut particulier leur donnant des pouvoirs de décision dans le
domaine financier. La loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 fixant régime financier de
l’Etat définit clairement leurs fonctions et établit leur typologie.
§.1 Les pouvoirs de l’ordonnateur
Les ordonnateurs prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses.
En matière de recettes, ils émettent des titres de perception. En matière de
dépenses, ils jugent de l’opportunité des dépenses de l’Etat, qu’ils engagent,
liquident et ordonnancent. Ils ont la responsabilité de la bonne exécution des
programmes.
Les ordonnateurs sont en outre, astreints à la production d’un compte
administratif annuel retraçant leurs actes de gestion et d’un rapport de performance
sur les programmes dont ils ont la charge.
§.2 Les catégories d’ordonnateurs
La classification des ordonnateurs n’est pas identique en matière des
dépenses publiques et des recettes publiques.
A. Les catégories d’ordonnateurs en matière de recettes publiques
Il existe deux (02) catégories d’ordonnateurs chargés de l’exécution des
recettes publiques. L’ordonnateur principal et les ordonnateurs délégués.
L’ordonnateur principal c’est le Ministre chargé des finances.
Les ordonnateurs délégués sont :
- les chefs de département ministériels ou assimilés, pour les recettes
produites par leurs administrations ;
- les responsables des administrations fiscales (impôts, douanes).
Les chefs de département ministériel peuvent constituer, sous leur
responsabilité, les régisseurs de recettes (l’agent habilité à effectuer certaines
opérations de recettes pour le compte et sous le contrôle d’un comptable public).
B. Les catégories d’ordonnateurs en matière des dépenses publiques
Le législateur (camerounais) distingue trois (03) catégories d’ordonnateurs en
matière de dépenses publiques : les ordonnateurs principaux, les ordonnateurs
secondaires et les ordonnateurs délégués.
36
1) Les ordonnateurs principaux
Ils sont constitués par les chefs de départements ministériels ou assimilées et
les présidents des organes constitutionnels (Président de l’Assemblée Nationale,
Président du Conseil économique et social par exemple).
2) Les ordonnateurs secondaires
Ce sont les responsables des services déconcentrés de l’Etat qui reçoivent les
autorisations de dépenses des ordonnateurs principaux.
3) Les ordonnateurs délégués
Il s’agit des responsables désignés par les ordonnateurs principaux ou
secondaires pour des matières expressément définies. Cette délégation prend la
forme d’un acte administratif de l’ordonnateur principal ou secondaire.
Section II : Les comptables publics
Suivant l’article 58 (1) de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant
régime financier de l’Etat, « les comptables publics sont des agents régulièrement
préposés aux comptes et/ou chargés du recouvrement, de la garde et du maniement
des fonds et valeurs ».
Ils sont nommés par le Ministre en charge des finances, ou avec son
agrément.
§.1 Les attributions des comptables publics
Les comptables publics sont seuls chargés :
- de percevoir les produits de toute nature, dont le recouvrement a été
régulièrement autorisé au profit de l’Etat, des collectivités publiques et
établissements publics ;
- de payer les dépenses régulièrement ordonnancées par les ordonnateurs ;
- d’assurer la garde et la gestion des fonds et valeurs de l’Etat, des
collectivités et établissements publics ;
- de rendre compte annuellement des comptes qui comprennent toutes les
opérations qu’ils sont tenus par les lois et règlements de rattacher à leur
gestion.
37
§.2 Les différentes catégories des comptables publics
Les comptables publics sont constitués des comptables patents et des
comptables de fait.
A. Les comptables publics patents
Est comptable public patent, toute personne régulièrement proposé aux
comptes et chargé de maniement des derniers ou valeurs. Relèvent de cette
catégorie :
- les comptables du Trésor (Directeur général du trésor, les Trésoriers
payeurs généraux, les Receveurs et percepteurs du finances, les Agents
comptables nommés auprès des Etablissements publics administratifs) ;
- les comptables des domaines ;
- les receveurs municipaux, dans la mesure où les recettes municipales sont
gérées par des personnels autres que les comptables du trésor.
B. Les comptables de fait
Est comptable de fait toute personne qui, n’ayant pas la qualité de comptable
ou n’agissant pas en cette qualité, s’ingère dans les opérations de recettes et de
dépenses, de maniement des valeurs, des deniers publics.
Le comptable de fait est soumis à toutes les obligations d’un comptable
patent du point de vue des opérations faites par lui et de sa responsabilité
personnelle et pécuniaire.
Section III : Les exceptions à la règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics
La règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables s’est montrée
en certains aspects d’une rigueur excessive. C’est la raison pour laquelle elle connaît
des assouplissements tant en matière de recettes que de dépenses.
§.1 En matière d’exécution des recettes publiques
Le principe est écarté en matière fiscale par certaines considérations
pratiques telles que la rapidité ou la simplicité du recouvrement.
38
L’impôt direct, les taxes sur le chiffre d’affaires, les droits d’enregistrement et
du timbre ou taxes assimilées, les droits de douane sont établies, liquidés et
recouvrés par une administration fiscale spécialisée. Les services des comptables
directs du Trésor n’interviennent pas. Dans ces administrations fiscales, une division
du travail cependant est établie. Il existe des comptables spéciaux (les Receveurs
des impôts, Receveurs des douanes) chargés du recouvrement de l’impôt assis par
les agents d’assiette.
§.2 En matière d’exécution des dépenses publiques
L’application de la règle de la séparation comporte deux exceptions.
A. Les fonds spéciaux ou fonds secrets
Ils sont mis à la disposition du gouvernement pour financer des dépenses de
propagande, de contre espionnage, de police politique, etc.
Les ordonnateurs manient directement ces fonds.
B. Les régies d’avances
La législation ouvre la possibilité d’instituer les régisseurs d’avances qui
reçoivent, avant service fait, d’un comptable public, des sommes limitées quant à
leur montant et quant à la durée de leur utilisation. On facilite ainsi le paiement des
dépenses courantes de faible ampleur (menues dépenses de matériel, personnel
payé à la vacation, recours urgent). Le régisseur de la caisse d’avance est nommé
par décision du Ministre des finances sur proposition du Ministre intéressé.
En fin d’exercice, la caisse d’avance est clôturée et le reliquat de fonds
reversé au Trésor.
CHAPITRE II : LES RÈGLES RELATIVES À L’EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCES
La loi de finances votée par le Parlement doit être exécutée. Le
Gouvernement chargé de son exécution procède à la réalisation des recettes et des
dépenses publiques puis à leur comptabilisation.
39
Section I : La réalisation des recettes et dépenses publiques
Bien que les principes généraux de l’exécution budgétaire s’appliquent aux
dépenses comme aux recettes et que les ordonnateurs et les comptables chargés de
l’exécution soient compétents pour ces deux types d’opérations, il est préférable
d’examiner séparément l’exécution des dépenses et l’exécution des recettes car
elles soulèvent, toutes de même, quelques problèmes spécifiques.
§.1 L’exécution de la dépense publique
Au-delà de la procédure d’exécution des dépenses publiques, le régime
juridique des dettes de l’Etat présente des singularités.
A. La procédure d’exécution des dépenses publiques
L’exécution des dépenses publiques consiste en quatre opérations
successives : l’engagement, la liquidation, l’ordonnancement et le paiement. Les trois
premières conformément au principe de la séparation des administrateurs et des
comptables, forment la phase administrative, tandis que le quatrième relève de la
phase comptable.
1. La phase administrative
Constituée de trois étapes distinctes : l’engagement, la liquidation et
l’ordonnancement, la phase administrative est de la responsabilité exclusive de
l’ordonnateur.
a) L’engagement
C’est l’acte par lequel l’Etat est juridiquement engagé. C’est un acte
fondamental car c’est lui qui rend l’Etat débiteur.
L’engagement est en principe volontaire et prend alors la forme d’un acte
juridique par lequel l’administrateur crée une obligation pour la personne publique. Il
peut s’agir d’un acte unilatéral (nomination d’un agent, organisation d’une réception,
réalisation d’une expropriation) ou d’un contrat (passation de marché de travaux,
marché des fournitures, commandes, etc.).
Mais l’engagement peut aussi simplement constater l’existence d’une dette
née d’ailleurs d’un fait juridique engageant la responsabilité de la collectivité publique
et mettant à sa charge l’obligation d’indemniser la victime.
40
Dans ce cas, l’engagement n’est pas le fait générateur de la dette. Celui-ci
résulte, selon le cas, d’un fait dommageable ou d’une décision de réparation.
L’ordonnateur se contente ici de tirer la conséquence de l’évènement extérieur sur
lequel il n’a aucune prise.
Pour des raisons pratiques, les opérations d’engagement sur le budget de
l’Etat au titre d’un exercice budgétaire sont arrêtées au plus tard le 30 novembre.
b) La liquidation
Elle a pour objet de vérifier la réalité de la dette et d’arrêter le montant de la
dépense. Effectuée par l’ordonnateur, la liquidation n’intervient qu’après constatation
du service fait.
Le service fait consiste à vérifier que le créancier de l’Etat a exécuté
préalablement les obligations mises à sa charge et en a apporté la preuve. Un
fonctionnaire ne peut être payé qu’après avoir effectué son travail ; un marché de
fourniture ne peut être réglé qu’après livraison des marchandises. La créance contre
l’Etat ne devient liquide et, par la suite, exigible qu’après service fait. Il s’agit d’une
règle de bonne gestion financière puisqu’elle protège l’Etat contre la mauvaise
exécution des obligations mises à la charge de ses créanciers.
L’objet de la liquidation est d’ordre purement financière à savoir l’évaluation du
montant final des dépenses occasionnées par la décision dont l’engagement a été
l’expression comptable.
c) L’ordonnancement
L’ordonnancement ou mandatement consiste pour l’autorité administrative qui
a engagé la dépense, constaté le service fait et liquidé la créance, à donner l’ordre
au comptable de payer le créancier. Il se matérialise dans un titre remis au créancier
et permettant à celui-ci d’obtenir le paiement de sa créance auprès de la caisse du
comptable assignataire.
L’ordonnancement est soumis à des règles strictes :
- il doit comporter toutes les pièces indispensables pour permettre au
comptable de vérifier lors du paiement la régularité de la dépense ;
- il doit énoncer l’exercice, le chapitre et s’il y a lieu, l’article auquel s’applique
la dépense ;
- il doit être soumis, avant signature, au visa du Contrôleur financier qui vérifie
la régularité de l’imputation et, en même temps, la dotation du chapitre
intéressé.
41
Les opérations d’ordonnancement au titre d’un exercice budgétaire sont
arrêtées le 31 décembre de la même année.
2. La phase comptable
Elle se résume au paiement, acte par lequel l’Etat se libère de sa dette.
Le paiement est effectué par un comptable. En principe, la dépense est
payable sur la caisse du comptable du Trésor du lieu de résidence de l’ordonnateur.
Ce comptable est alors le comptable assignataire de la dépense.
Le rôle du comptable public comporte un double aspect : d’une part, il doit
avant de payer, effectuer une opération consistant à contrôler la régularité des
opérations précédentes ; d’autre part, en cas de dépense régulière, il effectue une
opération de caisse en procédant au paiement effectif de la dépense.
Le rôle de « payeur » consiste pour le comptable à vérifier au vu du titre de
paiement accompagné des pièces justificatives la régularité de l’opération de
dépenses depuis l’engagement. Il contrôle donc la qualité de l’ordonnateur, l’exacte
imputation au chapitre, la disponibilité des crédits, la validité de la créance
(intervention des contrôles, justification du service fait, etc.). Si la dépense lui paraît
régulière, il accepte d’honorer le titre de paiement. Mais le comptable a parfaitement
le droit de refuser de payer les ordonnancements ou mandatements qu’il estime
irréguliers. L’ordonnateur doit alors procéder aux régularisations qui s’imposent.
Dans les cas où celles-ci s’avèrent impossibles, l’ordonnateur peut passer outre
l’opposition du comptable et le contraindre à payer grâce à son droit de réquisition.
Il ne peut cependant pas exercer celui-ci lorsque le refus du comptable est justifié
par l’absence de crédits ou des visas du contrôle financier. Le droit de réquisition a
pour effet de transférer la responsabilité du comptable à l’ordonnateur ; cependant, le
comptable public avertit au préalable le Ministère des finances avant de donner suite
aux ordres de l’ordonnateur.
Comme cassier, le comptable doit procéder à un règlement libératoire, c’est-à-
dire verser les sommes nécessaires au désintéressement du créancier après avoir
effectué certaines vérifications. Auparavant, le comptable doit s’enquérir du fait qu’il
n’y ait pas opposition, c’est-à-dire que cette somme ne soit pas réclamée par un
tiers. En l’absence d’opposition, le comptable peut accorder son visa (« vu, bon à
payer ») sur le titre de paiement. Il procède alors au versement des fonds, après une
vérification d’identité (pour ne pas verser les fonds à une personne autre que le
créancier) et en exigeant une quittance régulière de la part du bénéficiaire. Le
42
règlement matériel des dépenses obéit à des modalités particulières : le virement à
un compte bancaire ou postal est obligatoire pour toutes les dépenses supérieurs à
un certain montant. Le règlement en numéraire ne peut intervenir que dans des cas
limités.
B. Le régime juridique des dettes de l’Etat
Les dettes de l’Etat sont soumises à un régime juridique particulier, tout à fait
exorbitant du droit commun. Ce régime se caractérise essentiellement par les deux
traits suivants : l’impossibilité de mettre en œuvre une procédure d’exécution contre
les personnes publiques et l’existence de la prescription quadriennale.
1) L’absence de voies d’exécution forcée
Il n’existe pas de voies d’exécution contre les biens des personnes publiques.
Celles-ci se trouvent donc dans une situation juridique plus favorable que les simples
particuliers. Elles peuvent refuser de payer leurs dettes et aucun moyen de droit ne
peut les y obliger.
Cette règle exorbitante a été justifiée par le fait que les biens des personnes
publiques sont au service de l’intérêt général et que les droits de chaque particulier
doivent s’effacer devant l’intérêt de tous. En réalité, il semble que cette règle ait un
motif pratique. Les voies d’exécution exigeant parfois l’utilisation de la force publique,
il serait paradoxal que l’administration utilise contre elle-même sa propre force.
2) La déchéance quadriennale
Les dettes de l’Etat s’éteignent au bout de quatre (04) ans, si elles n’ont pas
été réglées entre temps. C’est le principe de la prescription quadriennale formulée en
ces termes à l’article 251 de l’ordonnance n°62/OF/04 du 07 février 1962 : « Sont
prescrites et définitivement éteintes au profit de l’Etat, sans préjudice des
déchéances spéciales prononcées par les lois et règlements ou consenties par des
marchés et des conventions, outre les créances qui, n’ayant pas été acquittées avant
l’exercice auquel elles appartiennent, n’auraient pu, à défaut de justifications
suffisantes, être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre année à
partir de l’ouverture de l’exercice ».
Ce principe permet d’accélérer l’apurement des comptes de l’Etat et de
sauvegarder les derniers publics.
La déchéance quadriennale peut être néanmoins interrompu dans les
hypothèses suivantes :
43
- quand le créancier a présenté dans les délais une demande de règlement
accompagnée de toutes les pièces justificatives ;
- quand le créancier a engagé une action en justice ;
- quand le non paiement de la créance dans les délais déterminés résulte du
fait de l’administration à la suite d’un pourvoi de cette dernière.
§.2 L’exécution des recettes publiques
En matière de recettes publiques, l’autorisation budgétaire contenue dans la
loi de finances crée une véritable obligation à l’encontre des autorités administratives
qui doivent procéder à la perception des recettes sous peine d’engager leur
responsabilité.
L’exécution des recettes s’opère selon les mêmes principes (séparation des
ordonnateurs et des comptables) que pour les dépenses. Mais les recettes publiques
obéissent à certaines règles particulières qui tiennent pour la plupart, à ce que
l’essentiel des recettes autorisées dans la loi de finances sont des recettes fiscales.
A. La phase administrative
Elle relève en principe de l’ordonnateur et sa portée est de faire naître une
créance de l’Etat, d’en déterminer le montant, et d’en ordonner le recouvrement par
l’émission d’un titre de perception. Elle comporte trois étapes :
1) Le fait générateur de la créance
Il correspond à la phase de l’engagement pour la dépense. En matière fiscale,
on appelle cette première phase l’opération « d’assiette ». Elle consiste à déterminer
la matière imposable qui doit être imputé à chaque contribuable et à évaluer son
montant.
2) La liquidation
La liquidation consiste à chiffrer exactement le montant de la recette.
En matière fiscale, il s’agira d’appliquer un taux et de calculer le montant de la
dette de chaque contribuable. Elle est effectuée par l’administration fiscale ou,
directement, par le contribuable lui-même, ou encore, en cas de contestations, par le
juge.
44
3) L’établissement du titre de perception
Toute créance liquidée fait l’objet d’un titre de perception qui est peut être
constitué par un ordre de recette, un extrait de décision de justice, un acte formant
titre, un arrêté de débet.
En matière fiscale au Cameroun, l’émission d’un titre exécutoire, constituée
par l’avis de mise en recouvrement (impôts directs, TVA et taxes assimilées) ou le
titre de perception (droits d’enregistrement, du timbre et taxes assimilées) n’intervient
que lorsque le contribuable ne s’acquitte pas volontairement de sa dette dans les
délais.
B. La phase comptable
C’est la phase en recouvrement ou de l’encaissement. Elle incombe, en
principe, au comptable du Trésor et doit faire l’objet d’une imputation, c’est-à-dire
d’une justification de l’entrée en caisse. En matière fiscale, le recouvrement est
effectué par le Receveur des impôts ou le Receveur des douanes.
Le règlement est effectué par le versement d’espèces, remise de chèques,
effets bancaires, par versement ou virement à l’un des comptes ouvert au nom du
Trésor public.
Section II : La comptabilisation des recettes et des dépenses
L’autorisation parlementaire est accordée annuellement. Or l’exécution des
dépenses se déroule en plusieurs phases qui peuvent dépasser le cadre annuel.
Une dépense engagée au cours d’une année peut être soldée au cours de l’année
suivante. Ainsi, une question se pose : à quel exercice convient-il de rattacher les
crédits ouverts en 2007, engagés en 2007, mais payés en 2008 ? Deux systèmes
ont été successivement retenus.
§.1 Les solutions possibles : le système de l’exercice et le système de gestion
La comptabilisation annuelle des recettes et des dépenses peut être réalisée
suivant le système de l’exercice ou le système de gestion.
45
A. Le système de l’exercice
Il consiste à imputer recettes et dépenses uniquement sur la loi de finances en
vertu de laquelle elles ont été autorisées.
Dans notre exemple, le rattachement se fera donc à l’exercice 2007. On ne
tient donc pas compte du rattachement matériel des opérations, le système reposant
sur l’exercice pour lequel elles ont été autorisées, quelle que soit la date de leur
réalisation effective.
L’avantage du système de l’exercice est de permettre une exécution
budgétaire la plus conforme à l’autorisation parlementaire. Son inconvénient est de
retarder la clôture de l’exercice au dernier acte se rattachant à l’exécution du budget.
Ce système a nécessité sur le plan budgétaire, l’ouverture d’une période
complémentaire qui s’ajoute à l’année considérée au cours de laquelle les dépenses
et les recettes sont matériellement payées ou encaissées.
B. Le système de gestion
Il consiste à rattacher au titre de l’année considérée, uniquement les recettes
et les dépenses, effectivement payées ou encaissées entre le 1er janvier et le 31
décembre, au fur et à mesure de leur paiement ou encaissement. Au 31 décembre,
l’année budgétaire est considérée comme terminée, aucune opération ne peut plus
être prise en compte, après cette date, au titre de l’année écoulée. Ce système
prend en considération l’exécution matérielle des opérations, quelle que soit la loi de
finances qui les a autorisées.
Cette méthode présente l’avantage de la simplicité en évitant des
rattachements à différents exercices mais a l’inconvénient de ne pas être rigoureuse
et de permettre une présentation arbitraire des comptes.
§.2 Le système retenu au Cameroun
Le législateur camerounais prévoit dans la loi n°2007/006 du 26 décembre
2007 portant le régime financier de l’Etat, le système de gestion dans le cadre de la
comptabilité budgétaire des recettes et des dépenses, et le système de l’exercice
dans le cadre de la comptabilité générale de l’Etat.
46
A. Le système de gestion applicable dans la comptabilité budgétaire des recettes et des dépenses
Il résulte de l’article 62 (1) de la loi n°2007/006 que « la comptabilité
budgétaire retrace les opérations d’exécution du budget de la phase de
l’engagement à la phase de paiement. Elle est tenue par l’ordonnateur et le
comptable, chacun en ce qui le concerne ».
Le système de gestion retenue se traduit dans la phase comptable ainsi qu’il
suit :
- Les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de
laquelle elles sont encaissées par le comptable public.
- Les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours
de laquelle elles sont prises en charge par le comptable public.
Toutefois, les recettes et les dépenses peuvent être comptabilisées au cours
d’une période supplémentaire à l’exercice dont la date limite est fixée au 28 février
de l’année suivante, dans les conditions précisées par voie réglementaire (Article 62
al 3).
B. Le système de l’exercice applicable à la comptabilité générale de
l’Etat
La comptabilité générale de l’Etat aux termes de l’article 63 (1) de la loi
n°2007/006, « est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations
conformément au plan comptable général ».
Elle obéit au système de l’exercice en ce sens que « les opérations sont
prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent, indépendamment
de leur date de paiement ou d’encaissement » (Article 63 al 2).
47
TITRE IV : LE CONTRÔLE DE L’EXECUTION DE LA LOI DE FINANCES
Le contrôle de la bonne exécution des finances publiques est indispensable
pour assurer une bonne gestion des services publics.
Il est également essentiel, au point de vue politique. La loi de finances
s’analyse en une série d’autorisations données par le parlement. Pour que le vote du
budget ait un sens, il faut qu’il existe des mécanismes destinés à imposer au
gouvernement, le respect de ces autorisations.
Enfin, les contrôles dévoilant les irrégularités budgétaires et financières
doivent permettre de les sanctionner afin de réduire, dans toute la mesure du
possible, le nombre des infractions commises.
Différents types de contrôles sont été mis en place, et lorsqu’ils révèlent des
irrégularités, des sanctions pourraient être prises contre les agents chargés des
opérations.
CHAPITRE I : LES DIFFÉRENTS TYPES DE CONTRÔLE
On distingue trois types de contrôle sur l’exécution de la loi de finances : l’un
est réalisé par l’administration elle-même, l’autre opéré par des juridictions, le
troisième est exercé par le parlement.
Section I : Le contrôle administratif
Ce contrôle peut prendre trois aspects : le contrôle financier exercé sur les
dépenses engagées, le contrôle exercé par les comptables publics sur les opérations
effectuées par l’ordonnateur avant le paiement de la dépense, le contrôle assuré par
les services spécialisés de l’Etat.
§.1. Le contrôle financier
En principe, aucune opération ne peut être engagée sans le visa préalable du
Contrôleur financier.
48
Placés sous la supervision et le contrôle de la Direction Générale du Budget
du Ministère des finances, les contrôles financiers sont crées auprès des
départements (contrôle financier centraux), des circonscriptions administratives
régionales (contrôles financiers régionaux), départementaux et des établissements
publics administratifs (contrôle financiers spécialisées). Ils peuvent être crées, en
tant que de besoin auprès des collectivités territoriales décentralisées et des
arrondissements.
Le contrôle financier est un contrôle a priori qui s’exerce par l’intermédiaire de
deux visas.
D’abord, le contrôleur vise toutes des propositions d’engagement des
dépenses effectuées par l’ordonnateur. Il fait porter son examen sur la régularité
budgétaire et administrative et non l’utilité et l’opportunité de la dépense. Ce contrôle
de régularité porte sur les points suivants : l’imputation budgétaire de la dépense ; la
disponibilité des crédits ; l’exactitude de l’évaluation ; la conformité avec la
réglementation.
Si le visa est refusé, l’ordonnateur ne peut engager la dépense que sur avis
conforme du Ministre des finances.
Le second visa est apposé sur les ordonnancements et garantit au comptable
l’existence de l’engagement préalable et des crédits permettant de payer. Si ce visa
fait défaut, le comptable refusera de payer.
Le contrôle financier est lourd et entraîne d’importants retards. Pourtant il est
efficace car il intervient avant même la prise de décision et permet d’éviter les
erreurs financières graves.
§.2 Le contrôle exercé par les comptables publics.
Le contrôle du comptable portera d’abord sur la réalité de l’ordonnancement et
sur la qualité qui l’enjoint de payer. Il vérifiera ensuite la présence des visas attestant
que le contrôle financier a bien eu lieu.
Le comptable contrôlera ensuite la validité de la créance (y compris
notamment au regard de l’application de la prescription quadriennale). Enfin, le
comptable s’assurera du caractère libératoire du paiement qu’il est invité à effectuer.
49
Si l’un de ces contrôles s’avère être négatif, le comptable suspend le paiement
et renvoie alors le dossier à l’ordonnateur pour qu’il rectifie l’irrégularité constatée.
S’il payait néanmoins, sa responsabilité personnelle serait engagée.
L’ordonnateur peut néanmoins passer outre la décision du comptable et le
requérir. La réquisition a pour effet de décharger le comptable de sa responsabilité et
corrélativement de faire porter cette responsabilité sur l’ordonnateur. Le comptable
doit toutefois persister dans son refus en cas d’indisponibilité des crédits, d’absence
de service fait ou de visa du Contrôleur financier.
Il appartient ensuite au comptable, requis ou assuré par ces contrôles que la
dette de la collectivité est réelle et fondée, d’assurer le paiement en apposant son
visa : « Vu, bon à payer », il doit auparavant encore vérifier qu’il n’y a pas d’actions
ayant pour objet d’arrêter le paiement. C’est en particulier le cas lorsque le créancier
de l’Etat est lui-même débiteur envers des tiers qui disposent sur lui de créances
privilégiées. Les tiers doivent faire opposition au paiement entre les mains du
comptable (et non de l’ordonnateur) avant que le visa ne soit effectivement apposé.
§.3 Le contrôle assuré par les services spécialisés compétents de l’Etat
L’article 73 de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 fixant régime financier
de l’Etat, charge les services spécialisés de l’exécutif du « contrôle de régularité et
de performance ainsi que des missions d’audit de la gestion des administrations
publiques, des entreprises publiques, des établissements publics, ainsi que des
entités privées ayant reçu une subvention, un aval ou caution de l’Etat ou toute autre
personne morale de droit public ».
En attendant les textes réglementaires qui doivent les attributions,
l’organisation et le fonctionnement de ces services spécialisés, ainsi que les
modalités de ce contrôle comme le prévoit l’article 74 de la loi précitée, le Ministre
des finances possède en son sein des services chargés de ce type de contrôle, de
même le contrôle supérieur de l’Etat qui a vocation à exercer un contrôle sur les
finances publiques.
50
Section II : Le contrôle juridictionnel
Le contrôle juridictionnel telle que conçu par le législateur concerne
essentiellement les comptes publics et est exercé par la juridiction des comptes
constitués par la Chambre des comptes de la Cour Suprême et les tribunaux
régionaux des comptes.
§.1 La chambre des comptes de la Cour Suprême
Instituée par la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la
Constitution, son organisation et son fonctionnement précisées par la loi n°2003/005
du 21 avril 2003, et la loi n°2006/016 fixant l’organisation et le fonctionnement de la
Cour Suprême.
A. Les attributions contentieuses de la Chambre des comptes
La Chambre des comptes contrôle et juge les comptes de l’Etat et des
entreprises publiques et parapubliques.
Il s’agit d’un contentieux objectif. Pour paraphraser un adage célèbre, la
Chambre des comptes « juge les comptes et non les comptables », la Chambre
vérifie la régularité des opérations décrites dans la comptabilité sans prendre en
considération le comportement du comptable.
La Chambre des comptes ne juge pas que les comptables publics mais aussi
les comptables de fait. Elle ne juge pas la gestion des ordonnateurs.
Comme juge de cassation, la Chambre des comptes de la Cour Suprême
statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les
juridictions inférieures des comptes à savoir les Tribunaux régionaux des
comptes.
B. Attributions non contentieuse de la Chambre des comptes
Accessoirement à sa mission de contrôle et de jugement des comptes, la
Chambre des comptes est compétente pour :
- donner son avis sur les projets de loi de règlement présentés au parlement ;
- élaborer et publier le rapport annuel des comptes présentés au chef de
l’Etat ;
- connaître de toute matière qui lui est expressément attribuée par la loi.
51
§.2 Les Tribunaux régionaux des comptes
Les Tribunaux régionaux des comptes dont l’organisation et le fonctionnement
sont fixés par la loi n°2006/017 du 29 décembre 2006, sont des juridictions
inférieures de comptes au sens de l’article 41 de la Constitution. Il est crée un
Tribunal régional des comptes par région dont le siège est fixé au chef lieu de ladite
région. Toutefois, suivant les nécessités de service, le ressort d’un Tribunal régional
des comptes peut s’étendre sur plusieurs régions.
Le Tribunal régional des comptes est compétent pour contrôler et statuer sur
les comptes publics des collectivités territoriales décentralisées de son ressort et de
leurs établissements publics. Il connaît en outre de toute autre matière qui lui est
expressément attribuée par la loi.
Les Tribunaux régionaux des comptes rendent des jugements, qui peuvent
faire l’objet de recours en révision ou de pourvoi en cassation devant la Chambre
des comptes de la Cour Suprême.
En attendant la mise place des Tribunaux régionaux des comptes, la Chambre
des comptes de la Cour Suprême exerce leurs attributions. C’est dire que le contrôle
juridictionnel de tous les comptes publics relève actuellement de la Chambre des
comptes de la Cour Suprême en raison de l’ineffectivité des Tribunaux régionaux des
comptes.
Section III : Le contrôle parlementaire
Le parlement conserve un droit de contrôle lui permettant de suivre la manière
dont la loi de finances est exécutée. Le contrôle peut intervenir pendant l’exécution
de la loi de finances ou a posteriori à travers le vote de la loi de règlement.
§.1 Le contrôle en cours d’exécution de la loi de finances
Certains mécanismes de contrôle participent du contrôle général du parlement
sur le gouvernement : c’est le cas des questions qu’elles soient écrites ou orales. Le
législateur dans la loi n°2007/006 met l’accent sur le contrôle exercé par les
rapporteurs de la Commission des finances et les commissions d’enquêtes
parlementaires.
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A. Le contrôle effectué par les rapporteurs de la Commission des financesLa commission chargée des finances désigne chaque année, à l’ouverture de
la première session ordinaire de l’année législative (mars) un rapporteur général pour
les recettes et des rapporteurs spéciaux chargés du contrôle des dépenses
publiques et du contrôle de l’usage des fonds publics, y compris des fonds de
développement publics.
Les rapporteurs spéciaux disposent du pouvoir de contrôle sur pièces et sur
place. Réserve faite des sujets à caractère secret touchant à la défense nationale, au
secret de l’instruction et au secret médical, aucun document ne peut leur être refusé.
§.2 Les commissions d’enquête
Il est permis au parlement dans la loi n°2007/006 de constituer des
commissions d’enquête sur un sujet intéressant les finances publiques. Dans le
temps, la mission de ces commissions d’enquête est limitée à six (06) mois, mais
cette durée peut être renouvelée en cas de besoin.
Les commissions d’enquête ont les mêmes pouvoirs que les rapporteurs
spéciaux chargés du contrôle des dépenses publiques. Elles peuvent se faire
assister des personnes de leur choix et procéder à des auditions. A l’exception du
Président de la République, les personnes dont l’audition est requise ne peuvent
refuser d’y déférer. En tout état de cause, toute entrave mise au fonctionnement
d’une commission est considérée comme un obstacle à l’exécution d’une mission de
service public.
Comme résultat de leur travail :
- les commissions d’enquête sont tenues de transmettre aux autorités
judiciaires, tout fait susceptible d’entraîner une sanction pénale dont elles
auraient connaissance ;
- elles peuvent saisir l’organe chargé de la discipline budgétaire et financière.
- Elles établissent à la fin des travaux un rapport, qui peut donner lieu à débat
sans vote au parlement.
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§.3 Le contrôle a posteriori : le vote de la loi de règlement
L’intervention du parlement dans le contrôle a posteriori de l’exécution des lois
de finances apparaît logique dans un régime politique qui a confié le pouvoir
financier aux assemblées. Puisque celles-ci donnent les autorisations budgétaires,
elles doivent intervenir pour vérifier leur correcte exécution et sanctionner les
irrégularités. Ce contrôle est exercé aux cours de l’examen des projets de loi de
règlement des budgets exécutés dont le vote permet d’arrêter de façon définitive les
résultats de l’exécution d’une loi de finances d’une année déterminée.
La loi de règlement permet théoriquement au parlement d’être informé de la
réalité d’exécution du budget et de la comparer aux crédits initiaux et additionnels. Si
l’exécution est trop différente des autorisations données, le Parlement pourrait
engager la responsabilité du Gouvernement et ce devrait être tout d’intérêt des lois
de règlement.
En pratique, le Parlement n’accorde que peu d’intérêt à la discussion et au
vote de la loi de règlement, qui ne donne pas l’occasion d’un véritable contrôle de
l’exécution du budget. Les parlementaires préfèrent consacrer l’essentiel de leur
temps à la discussion et au vote de la loi de finances initiale, tandis que la loi de
règlement est, le plus souvent, adoptée sans débats approfondis.
CHAPITRE II : LA SANCTION DES IRRÉGULARITÉS
Pour être efficaces, les multiples contrôles qui s’exercent sur les finances
publiques devraient déboucher, en cas d’infraction, sur la mise en jeu de la
responsabilité personnelle des agents chargés de l’exécution des lois de finances.
Cette mise en jeu s’effectue de façon différente selon qu’il s’agit des irrégularités
commises par des comptables publics ou des ordonnateurs. Les premiers sont
soumis à un régime très strict. La responsabilité des ordonnateurs est en revanche,
beaucoup plus difficile à mettre en œuvre.
Section I : Le régime de responsabilité des comptables publics
Les comptables publics encourent, comme tout citoyen, une responsabilité
pénale et, comme tout fonctionnaire, une responsabilité disciplinaire. Ils encourent
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aussi une responsabilité pécuniaire comme agents qui manient les deniers publics et
sont chargés de contrôler la régularité de leur emploi. Cette responsabilité est
particulièrement étendue et l’Etat dispose des garanties à l’égard du comptable.
§.1 L’étendue de la responsabilité des comptables publics
Tout comptable public est personnellement et pécuniairement responsable de
sa gestion, c'est-à-dire qu’il est tenu de rembourser à l’Etat, sur ses deniers
personnels, les sommes qu’il aurait négligé de recouvrer ou qu’il aurait payé
indûment. Cette responsabilité porte sur :
- les deniers et valeurs dont ils ont la charge ;
- le recouvrement des titres exécutoires pris en charge ;
- les paiements effectués ;
- l’exactitude des écritures qu’ils tiennent.
Au surplus, les comptables sont également responsables des actes des
comptables subordonnés soumis à leur pouvoir hiérarchique. Il en va de même des
fautes de leurs prédécesseurs à moins qu’ils n’aient, dans les six mois de leur prise
de fonction, formulé par écrit des réserves précises sur la gestion de ceux à qui ils
ont succédé.
Ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant que leur faute
de service leur a été imposée par un comptable hiérarchiquement supérieur (dont la
responsabilité se substitue alors à la leur) ou par la force majeure, il en va de même
en cas de réquisition régulière.
Le comptable est tenu de réparer les conséquences dommageables dans tous
les cas où sa responsabilité peut ainsi être mise en cause, soit par une autorité
administrative, soit par un juge de compte. C’est ce que l’on appelle la mise en débet
qui résulte d’un arrêté de débet pris généralement par le Ministre chargé des
finances, ou d’un arrêt de débet rendu par le juge des comptes.
Le comptable a la possibilité, dans l’un et l’autre cas de demander une remise
gracieuse qui le décharge de tout ou partie de sa dette. Cette décision dépend du
seul Ministre des finances.
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§.2 Les garanties de la responsabilité des comptables
Outre la garantie morale qui prend la forme du serment prêté par le comptable
au moment de son entrée en fonction, diverses garanties sont prises pour s’assurer
qu’en cas de mise en débet, le comptable soit en état d’assurer le paiement.
- Le comptable est soumis à l’obligation de cautionnement. Le cautionnement
peut être constitué en numéraire, en valeur et en immeubles. Il est restitué au
comptable à sa sortie de charge lorsqu’il a obtenu un arrêt de quitus de la juridiction
des comptes.
- Le Trésor bénéficie d’un privilège sur tous les biens meubles et immeubles
du comptable ainsi que ceux de sa femme, même séparée de biens, acquis depuis
son entrée en fonction.
En contre partie de sa garantie, le comptable perçoit une indemnité spéciale.
Section II : Le régime de responsabilité des ordonnateurs
A côté des sanctions traditionnelles applicables aux ordonnateurs, le
législateur a organisé des sanctions particulières susceptibles d’être prononcées
seulement par le Conseil de discipline budgétaire et financière.
§.1 Les sanctions traditionnelles
Les ordonnateurs sont à raison de leurs attributions responsables au plan civil,
pénal, disciplinaire et même politique.
- La responsabilité civile des ordonnateurs consiste à les faire condamner à
réparer pécuniairement la faute commise sur la base des articles 1382 et s du Code
civil.
- La responsabilité pénale peut être mise en jeu, tant à l’égard des
ordonnateurs principaux que des ordonnateurs délégués et secondaires. Il en va
ainsi en cas de malversations, des concussions (recevoir, exiger ou ordonner de
percevoir illégalement des taxes ou impôts non dus), prise illégale d’intérêts, trafic
d’influence, soustraction et détournement de fonds publics.
- Les poursuites disciplinaires ne peuvent évidemment être entreprises que
contre les agents publics (ce qui exclut les ordonnateurs principaux à savoir les
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Ministres). Prévus par les différents statuts de la fonction publique, cette
responsabilité permet à l’autorité hiérarchique de prononcer une sanction
disciplinaire contre un agent qui aurait commis une faute de service.
- La responsabilité politique ne concerne, pour les dépenses de l’Etat, que les
seuls Ministres. Elle peut théoriquement se traduire par la révocation du Ministre par
le Chef de l’Etat ou le vote d’une motion de censure par le Parlement.
Devant le peu d’efficacité de ces sanctions classiques, le législateur a mis en
place les sanctions prononcées par un organe spécialisé.
§.2 Les sanctions prononcées par le Conseil de discipline budgétaire et financière
Le Conseil de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF), dont l’organisation
et le fonctionnement sont fixés par le décret n°2008/028 du 17 janvier 2008
sanctionne les irrégularités et fautes de gestions commises par les ordonnateurs et
gestionnaires des crédits de l’Etat, des collectivités territoriales décentralisées, des
entreprises et organismes publics et parapublics et toute autre personne agissant en
cette qualité.
- Les agents publics exerçant d’autres fonctions à titre principal, mais agissant
occasionnellement ou subsidiairement comme ordonnateurs ou gestionnaires des
crédits de l’Etat.
Les irrégularités ou fautes de gestion justiciables devant le conseil sont
constituées par :
- l’engagement d’une dépense sans avoir reçu délégation à cet effet ;
- l’engagement d’une dépense sans pièces justificatives suffisantes ;
- l’engagement d’une dépense sans visa, autorisation ou réquisition préalable
de l’autorité compétente ;
- l’engagement d’une dépense ou certification des pièces sans justifications
de l’exécution des travaux, des prestations de biens et de services ;
- le recrutement et l’emploi effectif d’un agent sans intervention du contrôle
budgétaire quand ce contrôle est prévu par les règlements ;
- le recrutement d’un agent en infraction à la réglementation du travail en
vigueur ;
- la modification irrégulière de l’affectation des crédits ;
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- les appels à la concurrence, les lettres de commande et achats effectués en
infraction à la réglementation sur la passation des marchés publics ;
- l’utilisation à des fins personnelles des agents ou des biens de l’Etat et des
collectivités publiques lorsque ces avantages n’ont pas été accordés par les
lois et règlements.
Le CDBF peut être saisi par :
- Le Président de la République ;
- Le Premier Ministre
- le Ministre chargé du contrôle supérieur de l’Etat ;
- le Ministre supérieur hiérarchique de l’agent mis en cause ;
- toute autre autorité prévue par les textes en vigueur.
Les sanctions qui peuvent être prononcées par le CDBF sont pécuniaires et
administratives.
Par une série d’amendes, l’ordonnateur réparera pécuniairement son forfait. Il
peut être frappé d’une amende spéciale qui varie de 200 000 à 2 000 000 de F.CFA.
Il n’est pas exclu qu’à cette somme s’ajoutent, au titre de débet, le montant du
préjudicie réel subi par la personne publique ainsi qu’une amende spéciale de
procédure.
Comme sanction administrative, aux termes de l’article 14 nouveau de la loi
n°76/4 du 8 juillet 1976, tout agent reconnu fautif par le Conseil peut encourir l’un des
deux cas de déchéance suivants :
- l’interdiction d’assumer pendant un délai de cinq ans les fonctions
d’ordonnateur, de gestionnaire de crédits ou de comptable dans un service,
organisme public ou parapublic ou dans les entreprises d’Etat ;
- l’interdiction d’être responsable à quelque titre que ce soit, pendant un délai
de cinq à 10 ans, de l’administration de la gestion des services et entreprises
d’Etat.
Le CDBF statue par décisions, lesquelles ne sont pas susceptibles de recours
gracieux préalable mais, peuvent faire l’objet d’un recours en annulation devant la
juridiction administrative compétente.
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