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Faut-il dilater les coronaires avant une chirurgie non cardiaque ?

Coronary artery stenting and non-cardiac surgery

Vicenzi MN, Meislitzer T, Heitzinger B, Halaj M, Fleisher LA, Metzler H. Brit J Anaesth 2006;96:686-93.

L’approche thérapeutique de la maladie coronaire ayant évolué aufil des ans, de plus en plus de patients bénéficient d’une ou plu-sieurs dilatations coronaires avec mise en place de stent dans lessemaines ou mois précédent un geste chirurgical non cardiaque.Cette « préparation » peut être fortuite ou intentionnelle. La miseen place de stents coronaires n’est pas sans poser des problèmesdifficiles aux médecins anesthésistes car les stents dits actifsnécessitent le maintien d’un traitement antiplaquettaire associantun antiagrégant et un inhibiteur des récepteurs plaquettairesGIIb3a pour éviter le risque de thrombose. Ce risque est jugé par-ticulièrement important dans les deux ou trois mois qui suivent lamise en place du stent mais persiste au delà. Il est bien difficiled’effectuer des études randomisées pour connaître l’intérêt desuspendre ou non un traitement antiplaquettaire le temps d’effec-tuer un geste chirurgical chez un patient porteur de stent coronaireet, le plus souvent, le risque de thrombose est mis en exergue pourjustifier le report de la chirurgie programmée, tandis que la chirur-gie d’urgence s’impose dans un contexte hémostatique plus diffi-cile mais dont l’impact n’a pas été évalué jusqu’à présent.

Trois centres autrichiens ont joint leurs efforts pour évaluer unecohorte de patients soumis à un geste chirurgical dans cecontexte. Cent trois patients ont été ainsi recensés sur une périodede trois ans. Pour être inclus, les patients devaient avoir bénéficiéd’une mise en place de stent dans l’année écoulée. Les recomman-

dations vis-à-vis des traitements en cours étaient de continuer lesantiplaquettaires (aspirine + clopidrogel) durant la période péri-opératoire ou de les interrompre sur une période de moins de3 ans. De plus tous les patients recevaient de l’héparine non frac-tionnée à dose thérapeutique (> 1,5 fois TCA) ou de l’énoxaparine.Des complications postopératoires (décès — infarctus du myocarde— insuffisance cardiaque aiguë — angor — troubles du rythme —élévation du taux de troponine — réintervention cardiaque) sontapparues chez la moitié des patients. Les patients ont été analysésselon que la pose de stent avait été effectuée moins de 35 joursavant la chirurgie, 35-90 jours avant ou plus de 90 jours avant.L’odds ratio pour la survenue de complications était de 2,11 quandle délai entre la pose du stent et la chirurgie était inférieur à35 jours. Par ailleurs, seuls deux patients ont eu des suites opéra-toires compliquées par un syndrome hémorragique majeur. Finale-ment, la mortalité de cette série était de 8,8 %.

Bien des informations manquent pour porter un jugement définitifsur l’attitude à tenir à partir des résultats de cette étude ; en par-ticulier, les caractéristiques des stents (actifs — non actifs)n’étaient pas connues. Sur le versant hémorragique, on peutremarquer que dans le cadre d’une politique de maintien du trai-tement antiplaquettaire, l’incidence des hémorragies graves estrestée inférieure à 2 %. À l’inverse, le taux de thrombose de stentn’est pas connu mais l’incidence de complications cardiovasculairesétait élevée. L’information essentielle est la mise en exergue dudélai entre la pose de stent et la chirurgie. Plus ce délai est court,plus le risque de complication cardiovasculaire est élevé et,notamment, il semble prudent de surseoir à la chirurgie program-mée dans le mois suivant la mise en place de stent, même souscouvert d’un traitement antiagrégant.

Francis Bonnet

Hôpital Tenon, Paris.

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