HISTOSÉMINAIRE « TUMEURS ÉPITHÉLIALES CUTANÉES »
Cas n°3
Dr Eric Frouin1,2, Dr Delphine Dansette3
1.Service d’Anatomie et Cytologie Pathologique, CHU de Poitiers2.LITEC, EA 4331, Université de Poitiers
3. Anatomie et Cytologie Pathologiques, CH La Roche sur Yon
Cas Clinique
• Homme de 59 ans
• Lésion kystique axillaire droite
• Excision chirurgicale : tumeur jaunâtre ulcérée de 2,6 cm de grand axe.
Récepteur aux androgènes (RA)
Ki67 P53
• Quels diagnostics proposez-vous face à cette tumeur?
A. Carcinome épidermoïde à différenciation sébacée
B. Kyste sébacé
C. Adénome sébacé
D. Sébacéome
E. Carcinome sébacé
• Quels diagnostics proposez-vous face à cette tumeur?
A. Carcinome épidermoïde à différenciation sébacée
B. Kyste sébacé
C. Adénome sébacé
D. Sébacéome
E. Carcinome sébacé
• Quelles techniques complémentaires demandez-vous devant cette tumeur?
A. Une recherche de mutation du gène BRAF
B. Une recherche d’instabilité des microsatellites
C. Une analyse immunohistochimique des protéines MLH1, PMS2, MSH2, MSH6
D. Une recherche d’hyperméthylation du promoteur du gène MLH1
E. Une enquête oncogénétique
• Quelles techniques complémentaires demandez-vous devant cette tumeur?
A. Une recherche de mutation du gène BRAF
B. Une recherche d’instabilité des microsatellites
C. Une analyse immunohistochimique des protéines MLH1, PMS2, MSH2, MSH6
D. Une recherche d’hyperméthylation du promoteur du gène MLH1
E. Une enquête oncogénétique
MSH2 MSH6
MLH1 PMS2Perte combinée des protéines MSH2/MSH6
Tissu sain
BAT26NR21 BAT25
MONO27
NR24
Instabilité des 5 microsatellites dans la tumeur
Phénotype MSI-High
Tumeur
Dr G. Tachon ; Laboratoire de Cancérologie Biologique – CHU de Poitiers.
CARCINOME SEBACE (DE GRADE 1) AVEC PERTE D’EXPRESSION DES
PROTEINES MSH2/MSH6 ET INSTABILITE DES MICROSATELLITES
DEVANT FAIRE RECHERCHER UN SYNDROME DE MUIR-TORRE
Carcinome sébacé
• Incidence : 0,05 à 0,2/100 000 habitants/an
• Âge médian de 73 ans (20-100 ans)
• Homme = Femme
• Deux formes: – Oculaire (ou périoculaire) : 75%
• 1% des tumeurs palpébrales (4,7% des tumeurs malignes)
– Extra-oculaire
• 14,8% sur le tronc, 6,5% sur les extrémités
• Taille de la lésion : – <1 cm : 53% ; >3 cm : 10,8%
• Rapporté associé à une immunodépression (Transplantation), sur naevus verruco-sébacé, après radiothérapie
Dasgupta T. Cancer. 2009
Tryggvason G. Head and Neck 2012
CS oculaire
• Adulte, 60 ans
• Prédominance féminine
• Lésion nodulaire, parfois ulcérée, paupière (supérieure), sourcil.
• Diagnostic clinique : – CBC > CE
–Chalazion
CS extra-oculaire• Face, cuir chevelu
• Tronc
• Hommes > Femmes ; 70 ans
• Plaques érythémateuse, parfois jaunâtres ou nodulaires
Gosh SK, et al. Dermatol Online J.2008;14:8.
Forme in situ pure (paupière/conjonctive)Extension pagétoïde
Métaplasie malpighienne kératinisante
Forme pseudo-glandulaire
Forme médullaire
Grade 1• Bien limité
• Massifs de taille équivalente
Grade 2• Grade 1
• + Massifs infiltrants ou fusionnés
Grade 3• Tumeurs très
infiltrantes
• Tumeurs médullaires
Très discuté – Corrélé au pronostic – Recommandé dans l’OMS
Grade des carcinomes sébacés
Problématiques des tumeurs sébacées
Est-ce sébacé?
Est-ce malin?
Est-ce d’origine génétique?
EST-CE SEBACE?
Sébocytes matures
Sécrétion holocrineCe n’est pas de la nécrose!
Architecture labyrintique
Le récepteur aux androgènes
Le Récepteur aux Androgènes• Positif dans presque tous les carcinomes sébacés
– Surtout dans les sébocytes immatures
– Doit être fort et diffus
– Utile si forme médullaire ou peu différenciée
– Négatif dans les formes ductales, kératinisantes
• Négatif dans les CE, +/-positif dans les CBC
Si négatif : douter du diagnostic!
Asadi-Amoli F. Am J Clin Pathol. 2010
Les gouttelettes lipidiques
• Soulignent les vacuoles des sébocytes
• Positif dans 8,3 à 77% des CS
• Positifs aussi dans les CE!
• Adipopiline>>> Périlipine
Adipophiline
Périlipine
Muthusamy K. J Clin Pathol. 2006
Le facteur XIIIa (clone AC-1A1)
Carcinome sébacé
Carcinome épidermoïdeCarcinome sébacé
Autres marqueurs
Ber-EP4
CK7
EMA
• EMA : + dans les CE
• Ber-EP4 : Paupières surtout
• CK7, CK17
• P63/P40 : + CE et CBC
• ……
P16
EST-CE MALIN?
Classification des lésions/tumeurs sébacées
Hyperplasie sébacée
Adénome sébacé
Sébacéome
Di Leonardo M, Dermatopathology Practical and Conceptual: Jan-Mar 1997;Vol 3:1
Carcinome sébacé
La difficulté des tumeurs sébacées : Les lésions intermédiaires
• Adénome versus sébacéome
• Sébacéome/adénome versus Carcinome
Mitoses Atypies cytonucléaires
Nécrose Infiltration
Une réaction inflammatoire notamment
granulomateuse n’est pas un signe de malignité !
L’index de prolifération (Ki-67)
• Pas de seuil
– 30% dans les CS
– 10%1 - 15%2 dans les tumeurs bénignes
1Cabral ES. Am J Dermatopathol 20062Sinson H, Thèse de médecine 2019
Ki67 dans un adénome
Ki67 dans un carcinome
La protéine P53
• Surexpression = malin
• Pas de seuil
– 50%2 - 30%1 dans les CS
– 5/15%2 à 10%1 dans les tumeurs bénignes
• Marquage fort et diffus3
1Cabral ES. Am J Dermatopathol 20062Sinson H, Thèse de médecine 20193Shalin SC. Am J Dermatopathol 2012
P53 dans un adénome
P53 dans un carcinome
EST-CE D’ORIGINE GENETIQUE?
SYNDROME DE MUIR-TORRE
- Association d’une tumeur de nature sébacée et/ou de
kératoacanthomes multiples et d’un cancer profond
- Prévalence du SMT parmi les tumeurs sébacées non connue
- 22% des tumeurs sébacées seraient être la porte d’entrée
SYNDROME DE LYNCH
- Prédispose au développement de cancer à un âge précoce
- Cancer colorectal, de l’endomètre, uretère, tumeurs
cérébrales
- Autosomique dominant
Mutation germinale monoallélique d’un gène MMR
MSH2, MSH6, MLH1 et PMS2
Second événement somatique
Perte protéine
MMR
Instabilité microsatellitaire
Akhtar S. J Am Acad Dermatol. 1999
Dépistage du syndrome de Muir-Torre
Immunohistochimie- 4 protéines MMR
MLH1/PMS2 et MSH2/MSH6
Biologie moléculaireRecherche d’instabilité des
microsatellites
Interrogatoire- Critères d’Amsterdam/Bethesda
- Score de Roberts
Génotypage- Consultation d’oncogénétique
- Orienté par l’IHC
Immunohistochimie
PREVALENCE DE LA PERTE D’EXPRESSION DES PROTEINES MMR EN
POITOU-CHARENTES SUR DES TUMEURS SEBACEES CERTAINES
→ 66,7%
25 %
80 %
66 %
Patients à haut risque de syndrome de Muir-Torre (Roberts et al.)
Id nos résultats (Jessup et al.)
31 % Stratégie à 2 anticorps (MSH2, MLH1) et exclusion des cas de SMT/SL connu (Lamba et al.)
➢ Cancer colorectal et de l’endomètre
15 à 20 %
Lamba AR. Fam Cancer 2015Jessup CJ. Hum Pathol 2016. Roberts ME. Genet Med 2014.Sinson H. Thèse de médecine 2019
Immunohistochimie
MSH2/MSH6 (70%)
MLH1/PMS2 (18,6%)
MSH6 isolée (8,6%)
PMS2 isolée (1,4%)
MLH1/PMS2/MSH6 (1,4%)
Jessup CJ. Hum Pathol 2016. Sinson H. Thèse de médecine 2019
Une stratégie à 2 anticorps
(MSH6/PMS2) n’est pas
recommandée
Biologie moléculaire : Instabilité des microsatellites
• 60% des tumeurs sont MSI-High1
• BM vs IHC :
– 82% de concordance (2 anticorps)2
– 100% de concordance3,4
– Tumeurs avec perte isolée de MSH6 peuvent être MSS
1Kruse R. J Invest Dermatol. 2003.2Lamba AR. Fam cancer. 2015.3Entius MM. Clin Cancer Res. 20004Sinson H. Thèse de médecine 2019
Biologie moléculaire
• Pas d’hyperméthylation du promoteur de MLH1
• Pas de mutation du gène BRAF
– Pas d’expression de BRAF (clone VE1 en IHC).
Cornejo KM. Hum Pathol. 2014Boennelycke M. Pathol Res Pract. 2015 Kwon MJ. Pathol Res Pract 2017Sinson H. Thèse Médecine 2019
Discordance IHC et dépistage SMT
• 18 tumeurs sébacées MSI-High
– Mutations somatiques dans un des gènes du système Mismatch Repair (MMR) dans 12 tumeurs (66,7%)
– Sans mutation germinale associée
– Deuxième événement somatique (LOH, Mutation somatique)
– Pas de spécificité histologique
Joly MO. Human Mut. 2015
Greffe d’organe solide
Développement de tumeurs sébacées
- 7,4% des patients avec une tumeur sébacée dans notre expérience
- Délai moyen >10 ans
- 80% phénotype MMR anormal
Conduite à tenir
- Interrogatoire +++
Physiopathologie
- Traitement immunosuppresseur favorise l’émergence des tumeurs sébacées
- Immunosuppression démasque un SMT silencieux
Harwood CA. J Invest Dermatol. 2001Roberts ME. J Genet Couns. 2013Sinson H. Thèse de Médecine 2019
Score de la Mayo Clinic (de Roberts)2 points = MT
Cancers colorectaux, de l’endomètre, de l’ovaire, de l’intestin grêle, de l’uretère pelvienne et rénale et des voies biliaires.
Roberts ME. Genet in medicine. 2014
Age de survenue de la
première tumeur sébacée
> 60 ans 0 point
≤ 60 ans 1 point
Nombre total de tumeurs
sébacées
1 0 point
2 ou plus 2 points
Histoire personnelle de
cancer du spectre Lynch*
Non 0 point
Oui 1 point
Histoire familiale de cancer
du spectre Lynch*
Non 0 point
Oui 1 point
Score de Roberts
• Sensibilité de 100%, mais une spécificité de 81%.
• Consultation oncogénétique > IHC ou BioMol : Moins de Faux positifs!
• Mais :– Ne peut pas être facilement réalisé par le pathologiste– Dans notre expérience : 1 patient avec un SL connu avait un
score <2– Pas été validé par de grandes séries !
Roberts ME. Genet in medicine. 2014Sinson H. Thèse de médecine 2019
Qui doit initier le dépistage?
Les cliniciens
Score de Roberts
- Score de Roberts est plus spécifique
- Peu / pas de suivi initié par le médecin prescripteur
- 10% de patients avec les critères de SMT sans consultation d’oncogénétique
Les pathologistes
IHC et/ou BM
- Techniques simples
- Pathologistes formés et informés
- Trop de faux positifs !
LE TRAITEMENT
Traitement
• Chirurgie avec exérèse complète – Marges inconnues
– Cartographie si région péri-oculaire (tumeurs pagétoïdes)
• Ganglion sentinelle : – Tumeurs péri-oculaires (15% +)
– pT2c ou plus (envahissant l’épaisseur de la paupière ou > 2 cm)
– 1er relais = parotide : risque de faux négatif.
Ho VH. Arch Otolaryngol Head Neck Surg. 2007SA HS. Br J Ophthalmol 2018
En conclusion
• Attention à la paupière et aux formes pagétoïdes
• Si tumeur peu différenciée :
– Sébocytes matures, sécrétion holocrine
– Récepteur aux androgènes (Facteur XIIIa?).
• Pour la malignité : Ki67 (30%); P53?
• Grader le carcinome sébacé et utiliser le TNM pour les paupières
• Dépistage SMT :
– IHC/BM et/ou Score de Roberts
– Attention patients greffés
• Traitement : GS si péri-oculaire pT2c ou plus
Merci de votre attention