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Page 1: Investissements d’avenir Perte du label Idex : à qui la fauteInvestissements d’avenir.La création de l’université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées n’a pas convaincu

COLLECTIVITÉS6

- L A G A Z E T T E D U M I D I -

DU 9 AU 15 MAI 2016 - N° 8520www.forumeco.com

«Déception », « coupd e m a s s u e » ,« gueule de bois »Depuis que le gou-v e r n e m e n t a

annoncé, dans un communi-qué publié vendredi 29 avril,avoir retiré à Toulouse le labelIdex, attribué de manière pro-batoire depuis 2013, et la dota-tion de 25 M€ par an qui allaitavec, le monde universitaire etpolitique accuse le coup. Etde chercher aussitôt les respon-sables de l’échec à faire recon-naître le projet Uniti, qui devaitfaire émerger Toulouse commed’autres villes en France, en tantque « site d’enseignement et derecherche d’excellence et à l’at-tractivité internationale ».

Le premier coup de feu estparti dès le lendemain, le30 avril, de la mairie de Tou-louse. Dans un communiqué,le maire Jean-Luc Moudenc aainsi estimé que la perte dulabel sanctionnait « le manqued’ambition des acteurs univer-sitaires toulousains à constituerun ensemble pluridiscipli-naire d’enseignement supé-rieur et de recherche de rayon-nement mondial à Toulouse ».En ligne de mire, le choix faitpar les trois universités et 13

grandes écoles d’opter pour lafédéralisation, plutôt que pourla fusion en une seule entité ;certains commentateurs notantdéjà que «ce n’est pas un hasardsi ailleurs en France, les projetsqui ont été labellisés Idex sontdéfendus par des universitésqui ont fusionné ».

Lors d’une conférence depresse donnée mardi 3 mai, ledirecteur de Sciences Po Tou-louse Philippe Raimbault, dontl’école participait aussi au pro-jet Uniti, a également estimé« comme le maire de Toulouseque nous avions manquéd’ambition, mais je pense aussique la forme fédérale était lameilleure possible. Avec plusde 100 000 étudiants, unefusion de tous les établisse-ments n’est tout simplementpas envisageable ». Aux côtésdu directeur de l’IEP, JulienWeisbein, qui dirige le labora-toire des sciences sociales dupolitique (Lassp), notait poursa part que le projet toulousain« paie surtout le prix de l’iner-tie des mondes de l’enseigne-ment et de la recherche quisont très cloisonnés. Le tempsdes institutions, celui queprend l’évolution de leurs cul-tures respectives, est beaucoup

plus long que celui d’un projetIdex ! ». Cependant, les deuxhommes refusent d’attribuerl’échec à la seule présidente del’université fédérale de ToulouseMidi-Pyrénées (UFTMP),Marie-France Barthet : « cetéchec ne repose pas sur uneresponsabilité personnelle,mais collective ».

INCOMPRÉHENSIONQuant à l’intéressée, qui rece-

vait la presse le 4 mai entouréedes principaux présidents d’u-niversité et d’écoles d’ingé-nieurs, l’heure est encore « auchoc et à l’incompréhension,parce que nous nous attendions

plutôt à une prolongation de lapériode probatoire ». Car nonseulement, rappelle-t-elle, lesexperts envoyés par le Comitéd’arbitrage (Car) chargé d’attri-buer les labels Idex l’avaientassurée « que nous avions unevraie dynamique de change-ment », mais surtout, sil’UFTMP a apporté des modi-fications au projet qui avait étélabellisé, « cela a été fait avecl’accord de l’État, et la signaturedu Premier ministre » Jean-Marc Ayrault. « Donc nousavons réalisé ce qui étaitconvenu avec l’État, et celui-cinous a donné de l’argent pen-dant trois ans pour réaliser le

projet tel qu’il avait été définiavec lui, c’est-à-dire une gou-vernance fédérale et la mise enœuvre des actions prévues,comme les chaires et l’École de docteurs, les équipe-ments mutualisés, l’innova-tion pédagogique… », poursuitMarie-France Barthet. Or, « lejury international n’a tenuaucun compte du contrat passéavec l’État, donc nous ne savonsplus quelle parole est vraie, oumême ce que l’État veut! ».

UNE FÉDÉRALISATIONASSUMÉE

Pour Marie-France Barthet, ilne fait donc aucun doute quela sanction de la délabellisationobéit à des considérations pluspolitiques que techniques. Unavis que semble partager, en fili-grane, la présidente de régionCarole Delga, laquelle a estimédans un communiqué publiéle 3 mai que « la sanction portedavantage sur la gouvernancechoisie, le modèle fédéral, etnon la fusion comme le préco-nise le jury ». « On est dans l’idéologie plus que dans l’ana-lyse du processus de change-ment », appuie, pour sa part,Jean-Michel Minovez, le pré-sident de l’université de Tou-

louse II Jean-Jaurès. Poura u t a n t , c e l u i - c i , t o u tcomme la présidente del’UFTMP continue à croire enla fédéralisation. « Je continue-rai à défendre le modèle fédé-ral », prévient ainsi le premier,tandis que Marie-France Bar-thet souligne que la loi du22 juillet 2013 « prévoyait troismodèles de regroupementpour les universités: la fusion,la fédération et l’association.Mais à aucun moment, dansl’examen du projet, on ne nousa dit que la forme fédérale seraitinterdite! De toute façon, nousne pourrons pas faire de fusioncentralisée. Si nous voulons êtreagiles, il faut rester dans unefédération ». Un messagequ’elle compte faire passer dèsla semaine prochaine à l’occa-sion d’un rendez-vous portantsur le contrat quinquennal desite 2016-2020 de l’UFTMP avecl’État, dans l’attente d’une éven-tuelle rencontre avec le Premierministre Manuel Valls. L’univer-sité fédérale sera égalementattentive aux promesses d’ac-compagnement promises parle gouvernement, « mais encorefaudra-t-il savoir de quoi il s’a-git ! », souligne sa présidente.

Simon Castéran

Investissements d’avenir. La création de l’université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées n’a pas convaincu le jury internationalmandaté par l’État pour attribuer les initiatives d’excellence (Idex).

Perte du label Idex : à qui la faute ?

SC

L ors de la conférence depresse convoquée, le 3mai dans les locaux de

Sciences Po Toulouse, le pré-sident de l’Institut d’étudespolitiques (IEP), PhilippeRaimbault, a choisi d’attaquer« par un sujet polémique, quidure depuis plusieurs années:le déménagement » de l’école.Elle devait à l’origine venir s’établir quai Saint-Pierre,dans un bâtiment de plus de4000 m2. Or, le refus de la mai-rie de Toulouse de délivrer unpermis de construire enjuillet 2014 avait mis fin auprojet.

« Heureusement, grâce àune convention d’associationavec l’université Toulouse ICapitole, nous avons réussi àconvenir et sécuriser un relo-gement dans la Manufactured e s Ta b a c s e n s e p t e m -bre 2018 », rappelle PhilippeRaimbault, qui espère néan-moins « que le chantier conti-nuera à bien avancer, car nousn’avons aucune marge demanœuvre: nos locaux sont à

bout de souffle, à tel point quenous sommes obligés de limi-ter nos promotions ». Profi-tant du départ programmé dela Toulouse School of Econo-mics (TSE) à la rentrée 2018,qui devrait déménager de l’au-tre côté du canal de Brienne,l’IEP devrait investir les bâti-ments A, B et D de la Manu-facture, échangeant les2800 m2 vieillissants de la ruedes Puits-Creusés contre4314 m2 de surface utile.

EXERCICE D’ÉQUILIBRISMEUn déménagement d’autant

plus nécessaire « qu’il est coor-donné avec l’entrée en vigueurde l’accord de partenariat quenous avons conclu avec l’uni-versité Complutense deMadrid », ajoute PhilippeRaimbault.

Et c’est là que tout se com-plique: car si ce projet de filièred’études intégrée franco-espa-gnole, qui permettra à des étu-diants des deux côtés desPyrénées de décrocher undouble diplôme, encore fau-

dra-t-il avoir la place pouraccueillir les Espagnols à Tou-louse ! Prévu pour entrer envigueur dès la rentrée 2017,donc un an avant l’installationde Sciences Po dans ses nou-veaux locaux, ledit échangesera donc, faute de place,conditionné au nombre d’étudiants français qui choi-siront de partir étudier àMadrid…

LE SECTEUR PRIVÉ, PREMIERRECRUTEUR DE DIPLÔMÉS

Surtout, « cet accord avecl’université de Madrid marquenotre volonté d’internationa-

lisation, non seulement parceque l’Espagne est proche deToulouse, mais aussi parcequ’elle constitue un tremplinpour des pays comme l’Argen-tine, qui constituent un nou-veau marché professionneltrès intéressant », souligne ledirecteur de l’IEP.

De manière plus générale,celui-ci observe que « l’inser-tion professionnelle se fait deplus en plus grâce à la mobi-lité internationale, au pointque des étudiants de cin-quième année n’hésitent pasà repartir à l’étranger pour unstage ». Et de trouver desdébouchés professionnels, enFrance ou ailleurs dans lemonde, « à 55 % dans le sec-teur privé, car c’est un fait peuconnu, mais celui-ci a été lepremier recruteur de nosdiplômés pour la promotiond’avril 2016 », poursuit Phi-lippe Raimbault, tandis que lesecteur public n’a concernéque 28 % des embauches, etle monde associatif et desONG, 17 %. S. C.

Enseignement supérieur. Entre déménagement et internationalisation accrue,l’agenda de l’Institut d’études politiques de Toulouse ne manque pas de défis.

Sciences Po Toulouse ou lapolitique de l’équilibriste

SC

ActualitésL’IRT Saint Exupéry développe unassistant virtuel pour ContinentalAutomotiveL’IRT Saint Exupéry vient de lancer le projetMimiks (Multimodal Interactive Knowledgecapture System), dont l’objectif est dedévelopper des stratégies innovantes de recueilet de transmission des savoir-faire métier afind’optimiser la production de calculateursautomobiles embarqués. Piloté par la PMESimSoft3D, en collaboration avec le laboratoirede sciences humaines et sociales CLLE LTC(CNRS/Université Toulouse II - EPHP/UniversitéBordeaux 3), ce projet répond au besoin del’industriel Continental Automotive d’intensifierses démarches de capitalisation et detransmission systématique et automatisée dusavoir-faire de ses opérateurs techniciens.L’objectif du projet consiste à mettre en œuvredes interfaces homme-machine multimodales(modes texte tactile, photo, vidéo, 3D, réalitéaugmentée…) guidées par la voix et par unmoteur de dialogue intelligent pour recueillirdes savoir-faire métier structurés, grâce àl’utilisation d’un langage courant adapté àl’usage de l’opérateur technicien. Celapermettra ainsi au technicien de poursuivre sesactivités sur son poste de travail tout enrépondant aux questions de l’assistant virtuelqui le guide afin de recueillir une informationstructurée et exploitable. Doté d’un budget deprès de 500 K€, le projet Mimiks se déroulerasur deux ans. L’IRT Saint Exupéry est unaccélérateur de recherche technologique,associant des partenaires publics et privés,dont les travaux se concentrent sur troisdomaines stratégiques : les matériauxmultifonctionnels à haute performance,l’aéronef plus électrique et les systèmesembarqués.

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Philippe Raimbault, directeur deSciences Po Toulouse.

Marie-France Barthet, présidente de l’Université fédérale de ToulouseMidi-Pyrénées.

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André JOLY
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