INTÉGRABILITÉ ET CHAOS DANSLES SYSTÈMES HAMILTONIENS
LE SCÉNARIO DE KAM
Joey Dumont Raphaël Dubé-Demers
909 157 579 907 159 700
Dynamique non-linéaire,
chaos et complexité
PHY — 2502
Louis J. Dubé
Département de physique,
génie physique et optique
Ipsa scientia potestas est
21 avril 2011
(Cette page fut intentionnellement laissée vide.)
Résumé
Le principal objet de ce rapport est d’investiguer les effets d’une perturbation non-linéaire
sur un Hamiltonien autrement complètement intégrable. Nous présentons sommairement les
concepts cruciaux de la mécanique hamiltonienne, soit les transformations canoniques, les va-
riables angle-action et mentionnons les conditions d’intégrabilité. Le caractère fondamental de
la symétrie symplectique est souligné. La topologie restreinte des systèmes hamiltoniens est
aussi présentée, servant d’introduction à l’analyse dynamique d’un système non-linéaire. Nous
nous concentrons sur les systèmes conservatifs.
Par la suite, la non-linéarité est introduite et le scénario de KAM est présenté. Nous trouvons
que les structures de la topologie initiale ne sont que légèrement modifiées si la perturbation
est petite. L’espace de phase est divisé en régions stables et en régions chaotiques. Plus la
perturbation est grande, plus les régions chaotiques augmentent en surface. Après un certain
seuil, la totalité de l’espace de phase est chaotique et chaque point en est visité de manière
ergodique.
TABLE DES MATIÈRES
Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . i
Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iii
Table des figures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . v
1 Mécanique Hamiltonienne 1
1.1 Bref historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2 Propriétés des systèmes hamiltoniens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2.1 Forme symplectique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2.2 Crochets de Poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2.3 Intégrabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.3 Transformations canoniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3.1 Transformation de Hamilton-Jacobi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3.2 Variables angle-action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2 Théorème de KAM 9
2.1 Potentiel de Hénon-Heiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.2 Notions utiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.2.1 Tores invariants et tores résonants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.2.2 Section de Poincaré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.3 Conclusions explicites du théorème de KAM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3.1 Limite de faible perturbation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3.2 Processus de destruction des tores invariants . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.3.3 Considérations des grandes perturbations . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.3.4 Système avec un grand nombre de degrés de liberté et hypothèse ergodique 17
2.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Bibliographie 18
iii
TABLE DES FIGURES
1.1 Mouvement circulaire de deux oscillateurs harmoniques découplés dans l’espace
de phase [8, p.487]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2.1 Potentiel de Hénon-Heiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.2 Courbe de niveau pour la cuvette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.3 Section de Poincaré pour le potentiel de Hénon-Heiles intégrable . . . . . . . . 12
2.4 Section de Poincaré pour le potentiel non-intégrable avec E = 1/12 . . . . . . . 14
2.5 Section de Poincaré pour le potentiel non-intégrable avec E = 1/8 . . . . . . . . 15
2.6 Section de Poincaré pour le potentiel non-intégrable avec E = 1/6 . . . . . . . . 17
v
SECTION 1
MÉCANIQUE HAMILTONIENNE
(i) Avant-propos Les premières années de formation du physicien en devenir le plonge dans
la recherche de solutions analytiques à plusieurs types d’équations différentielles, la majorité
étant linéaires. Malheureusement, ce dernier apprend assez rapidement que la plupart des
problèmes physiques n’ont pas de solution analytique.
Une nouvelle analyse s’impose. Les efforts du mathématicien Henri Poincaré [17] amenèrent
des techniques qualitatives novatrices qui explorent les caractéristiques topologiques de l’espace
de phase d’un système dynamique sans toutefois en nécessiter les solutions exactes.
(ii) Systèmes hamiltoniens Les systèmes hamiltoniens, qui possèdent une structure ma-
thématique particulière, nous servent de base dans l’exploration du théorème de KAM. Nous y
dévouons donc un premier chapitre. Nous traiterons de l’importance de la forme symplectique
et des conséquences de cette structure sur l’espace de phase.
Par la suite, les crochets de Poisson seront introduits, ainsi que leur relation avec les constantes
du mouvement. Le concept d’involution, instrumental dans la qualification de l’intégrabilité
des systèmes hamiltoniens, sera présenté. Les conditions d’intégrabilité seront énoncées et une
continuation naturelle nous mènera vers les transformations canoniques et, surtout, vers les
variables angle-action avec lesquelles nous découvrons la topologie toroïdale de l’espace de
phase.
Survol du chapitre1.1 Bref historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2 Propriétés des systèmes hamiltoniens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2.1 Forme symplectique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2.2 Crochets de Poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2.3 Intégrabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.3 Transformations canoniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3.1 Transformation de Hamilton-Jacobi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3.2 Variables angle-action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1
Intégrabilité et chaos dans les systèmes hamiltoniens : le scénario de KAM
1.1 Bref historique
Le formalisme hamiltonien, fruit des efforts du mathématicien irlandais Willliam Rowan
Hamilton, voit le jour aux alentours de 1833. Dans un traité intitulé On a General Methodin Dynamics [10], Hamilton dérive les équations de mouvement d’un système à partir d’un
principe variationnel. Cette technique se base grandement sur le principe de moindre action,
i.e. la Nature choisit la trajectoire qui limite les variations dans l’énergie.
Cette approche se révèle très prolifique et permet la simplification de la résolution de sys-
tèmes physiques à plusieurs degrés de liberté. De plus, sa structure mathématique inhérente
révèle des symétries peu apparentes dans le formalisme Newtonien.
1.2 Propriétés des systèmes hamiltoniens 1
1.2.1 Forme symplectique
Rappelons la forme standard du Hamiltonien, soit
H = T + U (1.1)
où T est l’énergie cinétique et U est l’énergie potentielle. Les équations de mouvement sont
obtenues avec les équations
dq
dt=∂H (p, q)
dp(1.2a)
dp
dt= −∂H (p, q)
dq, (1.2b)
un système de 2N équations différentielles du premier ordre, où N est le nombre de degrés
de liberté du système. Notons la symétrie dans ce système d’équation. Si nous définissons un
vecteur x =
[q
p
]avec dim(x) = 2N et une matrice
SN =
[0 IN
−IN 0
], (1.3)
où 0 est une matriceN×N de zéros et IN est la matrice identité de dimensionN . La matrice SN
définit le groupe des matrices symplectiques. Nous écrivons le système à l’aide d’une équation
matricielle :dx
dt= SN ·
∂H
∂x. (1.4)
(i) Conservation du volume de phase Nous montrons que la condition symplectique énon-
cée en Eq.(1.4) implique la conservation du volume de phase. Par conséquent, la condition
symplectique est sans doute la propriété la plus fondamentale des systèmes hamiltoniens.
1. Le début de cette section suit approximativement [15].
2 de 20
1.2 Propriétés des systèmes hamiltoniens
Nous prenons la divergence du champ de vitesse, soit :
∂
∂x
dx
dt=
∂
∂q
(∂H
∂p
)+
∂
∂p
(−∂H∂q
)=
∂2H
∂q∂p− ∂2H
∂p∂q
= 0
puisque H est une fonction de classe au moins C2 (par construction 2). Les termes entre paren-
thèses découlent de la multiplication SN · ∂H∂x . La divergence du champ de vitesses étant nulle,
il ne peut y avoir de création ou d’annihilation de volume dans un espace symplectique avec un
Hamiltonien conservatif.
Ce résultat restreint la topologie de l’espace de phase. Nous pouvons déduire de ce résultat
qu’il ne peut y avoir d’attracteurs (répulseurs) dans les systèmes hamiltoniens, puisque cela
impliquerait une diminution (augmentation) du volume de phase.
1.2.2 Crochets de Poisson
Note 1. Pour cette sous-section, nous utilisons la notation d’Einstein. Tout indice répété est
sommé. Dans la plupart des cas, la somme sera fera sur les N degrés de liberté du système.
Les crochets de Poisson ont une importance toute aussi fondamentale, étant tout à fait
équivalents à la condition symplectique. Définissons-les.
Définition 2. Les crochets de Poisson de deux variables u, v par rapport à deux variables cano-
niques q, p sont données par :
[u, v]q,p =∂u
∂qi
∂v
∂pi− ∂u
∂pi
∂v
∂qi. (1.5)
(ii) Caractère fondamental Nous reconnaissons une symétrie symplectique aux crochets
de Poisson. Explicitons cette symétrie dans le cadre des systèmes hamiltoniens en calculant les
crochets de Poisson entre les variables canoniques. Nous laissons tomber l’indice q, p puisque
les crochets de Poisson seront toujours pris avec ces variables. Avec la définition plus haut
[qi, qj ] =∂qi∂qk
∂qj∂pk− ∂qi∂pk
∂qj∂qk
= 0
puisque les variables canoniques sont indépendantes (par construction)[1, 8]. Le même résultat
peut être obtenu pour [pi, pj ]. Le seul calcul restant est
[qi, pj ] =∂qi∂qk
∂pj∂pk− ∂qi∂pk
∂pj∂qk
=∂qi∂qk
∂pj∂pk
= δikδjk
2. La dérivation par la méthode variationelle prend pour acquis des fonctions de classe C2 [1].
3 de 20
Intégrabilité et chaos dans les systèmes hamiltoniens : le scénario de KAM
= δij
= −[pj , qi].
Ces résultats sont fondamentaux, puisque nous pouvons prouver qu’un ensemble de variables
obéissant à ces relations est nécessairement canoniques [1, 8].
Exprimons ces résultats sous forme plus compacte. La symétrie sera apparente. Nous construi-
sons une matrice 2n × 2n dont les éléments sont données par [xi, xj ] où x est notre vecteur
contenant les coordonnées et moments généralisés.
[x,x] = SN . (1.6)
(iii) Constantes du mouvement Notons que nous pouvons définir les constantes du mou-
vement à l’aide des crochets de Poisson. Soit deux fonctions F et G qui dépendent des co-
ordonnées et moments et possiblement du temps. Calculons la dérivée totale par rapport au
temps :
dF
dt=∂F
∂qiqi +
∂F
∂pipi +
∂F
∂t
=∂F
∂qi
∂H
∂pi− ∂F
∂pi
∂H
∂qi+∂F
∂t
= [F,H] +∂F
∂t. (1.7)
Pour que la fonction F soit une constante du mouvement, il faut que dFdt = 0, donc
[F,H] = −∂F∂t.
Une définition plus restrictive demande que [F,H] = ∂F∂t = 0. Elle donne néanmoins des
résultats plus riches. Nous adoptons cette dernière en notant que nous considérons seulement
les systèmes conservatifs.
Nous définissons un concept qui nous sera important plus tard.
Définition 3. Soit deux constantes du mouvement F et G. Si
[F,G] = 0, (1.8)
nous disons de ces deux constantes qu’elles sont en involution.
Lorsque les constantes du mouvement sont en involution, alors elles sont indépendantes.
Cela réduit la topologie de l’espace de phase du système [15], comme nous allons le voir dans
la prochaine section.
1.2.3 Intégrabilité
Nous énonçons, sans le prouver, le théorème de Liouville concernant l’intégration de sys-
tèmes hamiltoniens.
4 de 20
1.3 Transformations canoniques
Théorème 4 (Intégrabilité des systèmes hamiltoniens (Liouville) [3]). Un système hamiltonienconservatif est intégrable si et seulement s’il possède n constantes du mouvement qui sont toutes eninvolution mutuelle. En d’autres mots, le système est intégrable si les n constantes du mouvementrespectent
[ni, nj ] = 0 ∀i, j. (1.9)
La preuve est lourde et nous ne prétendons pas pouvoir l’exposer adéquatement (voir [3,
§50]). Essentiellement, la condition d’involution contraint la topologie de l’espace de phase à
un tore de dimension N [15].
Si les conditions du théorème de Liouville sont respectées, alors il est possible de trouver un
ensemble de coordonnées (I,ϕ) qui font en sorte que H = H(I) [8, §10.1]. Le tore mentionné
ci-haut devient apparent dans ces coordonnées.
Avant de pouvoir les présenter plus en détail, nous devons faire un détour vers les transfor-
mations canoniques.
1.3 Transformations canoniques
Parfois, le système est difficilement solutionable dans la représentation que nous utilisons.
Les transformations canoniques nous donnent une manière de transformer les équations du
mouvement en préservant la structure symplectique.
1.3.1 Transformation de Hamilton-Jacobi
Nous ignorons la théorie introductive (voir [1, 3, 8, 15]) et passons tout de suite à une
transformation très utile, la transformation d’Hamilton-Jacobi. Le principe en est simple : trans-
former les coordonnées et moments généralisés (qi, pi) en de nouvelles coordonnées (Qi, Pi)
qui sont des constantes du mouvement.
En rappelant les équations du mouvement Eq.(1.2), nous voyons que le Hamiltonien trans-
formé, K, doit être identiquement nul pour que les (Qi, Pi) soient constants. Cela nous donne
l’équation [1, 8]
K = H +∂S
∂t
H +∂S
∂t= 0 (1.10)
où S est la fonction génératrice de la transformation. Nous prenons une transformation de type
F2 [1, p.62], soit S = S(qi, Pi, t). Dans ce cas, les moments pi peuvent être exprimés en fonction
de la fonction génératrice
pi =∂S
∂qi
et nous obtenons l’équation de Hamilton-Jacobi :
H
(qi,
∂S
∂qi, t
)+∂S
∂t= 0, (1.11)
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Intégrabilité et chaos dans les systèmes hamiltoniens : le scénario de KAM
une équation différentielle partielle en S. Une solution générale à une telle équation peut être
trouvée sous la forme
S = S(qi, αi, t)
où αi sont les n constantes d’intégration nécessaires. Nous pouvons identifer ces constantes à
Pi, les moments généralisés dans ces nouvelles coordonnées. Les équations de transformation
s’écrivent maintenant
pi =∂S(q, α, t)
∂qi(1.12a)
Qi ≡ βi =∂S(q, α, t)
∂αi(1.12b)
où q = {qi|i = 1 . . . N} et α = {αi|i = 1 . . . N} . Pour chaque degré de liberté i, Eq.(1.12b) peut
être inversée pour obtenir qi = qi(α, β, t). Une substitution de ce résultat dans Eq.(1.12a) nous
donne les solutions pi = pi(α, β, t).
1.3.2 Variables angle-action
(i) Introduction Si nous sommes en présence d’un système intégrable, il est possible de
trouver une transformation canonique telle que H = H(p) seulement. Cela provient du fait que
nous avons N constantes du mouvement que nous pouvons choisir comme étant les moments
canoniques, i.e. les pi = ni(q,p) ont des dérivées temporelles nulles puisque les ni sont des
constantes. Nous avons alors
dp
dt=∂H
∂q
dni(p, q)
dt= 0
et nous avons le résultat H = H(p). Notons que les ni peuvent être n’importe quelles fonctions
de q et de p, cela ne change pas le résultat. Nous faisons le choix particulier
(q,p) 7→ (I,ϕ)
et nous définissons la variable d’action comme étant [15, §7] :
Ii =1
2π
˛pi · dqi. (1.13)
Avant d’aller plus loin, notons que nous arrivons à ces résultats en prenant une fonction géné-
ratrice de type F2 [1, p.62]. Dans ce cas, les coordonnées s’écrivent
p =∂S(I, q)
∂q
ϕ =∂S(I, q)
∂I.
Les variables angulaires ϕ conjuguées à I représentent des trajectoires sur le N -tore.
6 de 20
1.3 Transformations canoniques
FIGURE 1.1 – Mouvement circulaire de deux oscillateurs harmoniques découplés dans l’espacede phase [8, p.487].
(ii) Fréquences intrinsèques du système Les équations du mouvement sont données, par
construction :
I = 0
ϕ =∂H(I)
∂I
= ω(I)
où nous pouvons interpréter ω(I) comme étant un vecteur de vitesse angulaire sur le tore
à N -dimensions. Cette interpération est possible puisque la variation de ϕi après un circuit
correspond à 2π. Faisons-en la vérification. Regardons la variation de ϕ sur un degré de liberté,
∆iϕ
∆iϕ =
˛∂ϕ
∂qidqi
=
˛∂2S
∂qi∂Idqi
=d
dI
˛∂S
∂qidqi
=∂
∂I
˛pi dqi
=∂
∂I(2πIi)
∆iϕj = 2πδij . (1.14)
La variation de ϕi est nulle sur un degré de liberté j et est de 2π sur un circuit.
Après le formalisme des coordonnées angle-action, il est possible de trouver les fréquences
intrinsèques du système sans avoir résolu le système ! Cela sera très utile dans l’application du
théorème de KAM.
Quelques remarques sont nécesssaires. Si un système possède plusieurs degrés de liberté,
les ratios entre les fréquences nous donneront des informations qualitatives sur le mouvement
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Intégrabilité et chaos dans les systèmes hamiltoniens : le scénario de KAM
du système. Si les ratios sont des nombres rationels, les mouvements sur le N -tore sont alors
fermés et les orbites sont dites périodiques.
D’un autre côté, si les ratios sont des irrationnels, alors les orbites sur le tore ne seront
pas fermés et ces orbites quasipériodiques rempliront le tore. Le concept de quasipériodicité est
central dans l’application du théorème de KAM.
8 de 20
SECTION 2
THÉORÈME DE KAM
(i) Bref historique L’occurence de problèmes physiques représentés par la mécanique ha-
miltonienne est considérable. Sur cet ensemble, la plupart des systèmes décrits s’avèrent non
intégrables. Plusieurs phénomènes de grand intérêt, par exemple, le mouvement des planètes
autour du Soleil, sont concernés.
En 1954, Andrey Nikolaevich Kolmogorov publie l’article On conservation of conditionallyperiodic motions for a small change in Hamilton’s function [12, 13]. Dans celui-ci, il introduit
le théorème, dit aujourd’hui de KAM, et en expose ses conditions d’applicabilité. De plus, il
couche sur papier une méthode qu’il croit être en mesure de prouver son théorème [15]. Le
travail n’est complété que plusieurs années plus tard par Arnol’d en 1963 [2] et spécialisé par
Möser en 1973.
(ii) Structure de cette section Certains outils conceptuels à l’aide d’un problème physique
bien connu seront présentées. Malheureusement, la présentation exhaustive de la théorie ma-
thématique sous-jacente sera impossible ici, puisqu’elle dépasse grandement l’ampleur de ce
travail [5]. Nous nous pencherons toutefois sur certains aspects qui lui sont reliées.
Survol du chapitre2.1 Potentiel de Hénon-Heiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.2 Notions utiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.2.1 Tores invariants et tores résonants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.2.2 Section de Poincaré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.3 Conclusions explicites du théorème de KAM . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3.1 Limite de faible perturbation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3.2 Processus de destruction des tores invariants . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.3.3 Considérations des grandes perturbations . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.3.4 Système avec un grand nombre de degrés de liberté et hypothèse ergo-
dique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
9
Intégrabilité et chaos dans les systèmes hamiltoniens : le scénario de KAM
2.1 Potentiel de Hénon-Heiles
Nous introduisons le potentiel de Hénon-Heiles (voir [11]) :
V (x, y) =k
2
(x2 + y2
)+ λ
(x2y − 1
3y3
)
FIGURE 2.1 – Potentiel de Hénon-Heiles
Il sert à la descrition du mouvement des étoiles autour du centre galactique. Sa formulation
traduit explicitement le fait que le mouvement est confiné dans le plan xy. Le Hamiltonien
permettant de décrire le mouvement d’une particule de masse m soumise à ce potentiel est
trivialement obtenu. Nous ne présenterons que les équations du mouvement en découlant,
soit 1 :d2x
dt2= −x− 2xy ;
d2y
dt2= −y − x2 + y2. (2.1)
Nous avons choisi de présenté ce problème puisqu’il est très particulier [14]. Premièrement,
c’est un système non intégrable, dû à la présence du terme en −y3. Deuxièmement, puisqu’il
s’agit d’un potentiel asymétrique (voir Fig.(2.2)), nous verrons plus loin que l’augmentation
de l’énergie dans le système entraîne les mêmes effets 2 que l’augmentation de ε 3. Et troisiè-
mement, un simple changement de signe devant le terme en y3 rend le système parfaitement
intégrable.
Il est à noter que tous les traitements qui suivent seront effectués dans la cuvette du potentiel
pour ET ≤ 16 .
Les lignes pointillées rouges servent à délimiter ladite région.
1. Les constantes λ et k ont été choisis égaux à 1, pour des fins de simplicité.2. En sous entendant les mêmes effets que ceux que nous recherchons, à savoir, la destruction des îlots de KAM.3. En référence au terme non linéraire rendant le système non intégrable.
10 de 20
2.2 Notions utiles
FIGURE 2.2 – Courbe de niveau pour la cuvette
K1,0 K0,5 0 0,5 1,0
K1,0
K0,5
0,5
1,0
2.2 Notions utiles
2.2.1 Tores invariants et tores résonants
Avant d’exposer les conclusions du théorème, il faut introduire une distinction capitale. En
effet, il existe, mathématiquement parlant, deux types de tores dans lesquels les trajectoires
peuvent se confiner : invariants ou résonants. Les tores résonants correspondent à ce qui a été
décrit plus haut comme des tores pour lesquels les ratios des fréquences R sont des entiers 4.
Inversement, les tores dont les ratios des fréquences sont irrationnels sont dits invariants.
La justification est très intuitive : dans le premier cas, si le ratio des fréquences R ∈ Q(l’ensemble des nombres rationels), il existera un temps 5 pour lequel les différentes trajectoires
auront toutes complétées un nombre entier de révolutions. Le système retournera alors à sa
condition initiale. À l’inverse, lorsque le rapport des fréquences est irrationnel, il sera impossible
de trouver un tel temps [19].
2.2.2 Section de Poincaré
Il sera très utile d’introduire un outil conceptuel appelé la section de Poincaré [18]. Dans un
système hamiltonien, la section de Poincaré se définit comme étant un plan ayant pour abscisse
la coordonnée généralisée qi et pour ordonnée le moment conjugué pi. Ce plan se trace en
fixant les autres coordonnées généralisées qj : i 6= j et en fesant varier librement les moments
généralisés, le tout à énergie constante 6. En laissant varier une autre coordonnée généralisée
4. Nous faisons référence aux fréquences intrinsèques provenant de la transformation canonique permettant d’ex-primer H = H(I).
5. En fait, nous devrions parler de période.6. Puisque nous considérons des hamiltoniens indépendant du temps.
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Intégrabilité et chaos dans les systèmes hamiltoniens : le scénario de KAM
pj : i 6= j, nous aurions alors une surface de sections de Poincaré 7 . Pour le problème d’intérêt,
nous avons créé de telles sections en fixant x = 0. La section suivante présente le problème
intégrable, pour une énergie E = 112 .
FIGURE 2.3 – Section de Poincaré pour le potentiel de Hénon-Heiles intégrable
−0.5 −0.4 −0.3 −0.2 −0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4−0.5
−0.4
−0.3
−0.2
−0.1
0
0.1
0.2
0.3
0.4
0.5
y
dy/d
tE=1/12
Remarque 5. Il ne faut surtout pas confondre un plan de phase et une section de Poincaré,
même si les axes semblent être les mêmes. En effet, dans le plan de phase, on retrouve la
valeur de pi (qi) ∀ t, tandis que la section présente pi (qi)∀t : t(qj = C).
Il peut être dit que la section de Poincaré procure une vision stroboscopique du système. Nous
pouvons très facilement visualiser les différents comportements en fonction des différentes
conditions initiales. Chacune des structures représente une coupe transversale d’un tore et il y a
donc réduction d’ordre, par construction. Chacun des tores est relié à une condition initiale bien
définie. Autrement dit, on voit très bien l’évolution de la dynamique en fonction des conditions
initiales. De plus, il y a discrétisation de la dynamique, ce qui permet de clarifier le diagramme.
On comprend déjà mieux comment les trajectoires peuvent être non périodiques, tout en étant
confinées à des régions bien définies. Dans le cas d’intérêt, en dépit du fait que le système
soit intégrable, toutes les structures représentent des orbites quasipériodiques. Effectivement,
trouver des conditions initiales qui donneront des orbites périodiques est plus difficile. Une
seule orbite périodique, produirait, dans le présent cas, un seul point. Les sections de tores
présenté dans cette figure ont une forme fermée. En effet, les trajectoirs quasipériodiques sont
denses.
Note 6. La fabrication de ces sections est rendue possible grâce au logiciel MATLAB [7]. En
premier lieu, nous avons solutionné le système d’équations différentielles du premier ordre pour
7. Elle ne sera cependant pas utilisée ici.
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2.3 Conclusions explicites du théorème de KAM
différentes conditions initiales. Un ensemble de conditions initiales représentant une même
figure implique toujours la même énergie. En deuxième lieu, il s’agit de trouver les points
correspondant au plan d’intérêt. Pour ce faire nous avons utilisé une technique d’interpolation
linéaire qui ne sera pas présentée ici [16]. On peut dire, à titre informatif, que toutes les sections
de Poincaré utilisées dans le présent document sont de type P±. Les points présents sur la
section proviennent de trajectoires croisant le plan dans les deux directions. Une fois la collecte
effectuée, il ne reste qu’à placer les points sur un graphique.
Nous remarquons qu’une courbe tracée par une collection de point a une largeur non nulle.
Pour un système intégrable, nous devrions retrouver une simple courbe par condition initiale.
L’erreur provient de la résolution numérique qui fait apparaître des erreurs globales, locales et
de troncatures [6]. Cependant, à l’échelle considérée, on peut montrer que ces causes n’en-
gendrent pas une erreur significative. En fait, la principale cause d’imprécision est l’erreur
d’interpolation. Le rendu qualitatif est toutefois suffisant. Heureusement, puisqu’il s’agit d’une
technique simple et peu coûteuse.
2.3 Conclusions explicites du théorème de KAM
2.3.1 Limite de faible perturbation
Considérons la limite ε � 1. Le théorème de KAM nous dit que les tores résonants seront
détruits aussitôt que ε 6= 0. Plus précisément, ils laisseront la place à un nombre fini de points
fixes. Il en résultera un nombre égal de points hyperboliques et de points elliptiques. Ce résultat
est connu comme étant le théorème de Poincaré-Birkhoff [4]. En regardant attentivement les
branches stables et instables émanant des points fixes, dans le plan de phase, on voit qu’elles se
coupent un nombre infini de fois 8. Subséquemment, ces intersections peuvent être qualifiées
d’hétérocliniques. Cette conclusion est triviale 9, puisque les branches stables et instables se
coupent éventuellement. Comme nous pouvons définir un nombre infini de conditions initiales
dans une région finie 10, il est nécessaire de remarquer la complexité de la structure engendrée.
Le patron précédemment décrit se répète à toutes les échelles. Les régions correspondant aux
tores résonants qui ont été détruits sont denses. Chaque trajectoire émanant de ces régions
parcourera ultimement le voisinage de chacun des points circonscrits par cette même région.
La connaissance du théorème de KAM nous renseigne également sur le sort des tores in-
variants. Ils ne sont pas tous détruits. Le scénario de destruction de ces tores sera présenté
éventuellement. Dès que ε 6= 0, certains de ces tores sont détruits, il en résulte des trajec-
toires chaotiques. Elles sont denses dans les nouvelles régions créées, autrefois occupées par
les tores résonants et peu irrationels. Toutefois, si la perturbation reste faible, la majorité des
tores invariants survivent. La plupart du temps, ils sont substantiellement transformés, quoique
leur aspect qualitatif demeure semblable. Les trajectoires sont légèrement changées, mais leur
caractère quasipériodique est préservé.
8. Puisqu’elles sont circonscrites de part et d’autre par des tores invariants (voir le texte plus loin)9. Puisque les observations ne pourraient être expliquées par des trajectoires homocliniques, la déduction est consé-
quente.10. On peut considérer les conditions initiales comme un ensemble de Cantor.
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Intégrabilité et chaos dans les systèmes hamiltoniens : le scénario de KAM
En tentant de visualiser une section où cohabite les deux types de trajectoires, nous remar-
quons que les régions où les tores invariants engendrent des orbites quasipériodiques forment
des structures concentriques 11. Elles sont baignées dans une grande région où les orbites sont
quasipériodiques et par une région chaotique. Cette image illustre très bien pourquoi de telles
structures concentriques d’orbites quasipériodiques sont très souvent appelées îles ou îlots de
KAM.
Le processus de destruction des îlots de KAM peut alors s’apparenter à une bifurcation
noeud-selle. Chaque condition initiale est donc susceptible de résulter en une trajectoire chao-
tique ou quasipériodique. Le résultat dépendera de la perturbation. Afin de bien visualiser ce
comportement, l’analyse de notre problème-exemple est nécessaire. Dans la Fig.(2.3), nous
voyons clairement que les différentes conditions initiales résultent toutes en orbites (quasi-
)périodiques. Il y a cinq conditions initiales dans cette figure et nous remarquons que deux
d’entre elles produisent des orbites très près l’une de l’autre. Ce résultat est conséquent à l’idée
développé jusqu’ici puisque ce système est intégrable.
La Fig.(2.4) montre une autre section de Poincaré présentant les mêmes conditions initiales
et les mêmes conditions d’énergie, sauf que le potentiel est maintenant non-intégrable.
FIGURE 2.4 – Section de Poincaré pour le potentiel non-intégrable avec E = 1/12
−0.4 −0.3 −0.2 −0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5−0.5
−0.4
−0.3
−0.2
−0.1
0
0.1
0.2
0.3
0.4
0.5
y
dy/d
t
E=1/12
Dans cette figure, on retrouve encore des orbites quasipériodiques. Retenons-la comme
figure de base pour comparaison. Nous sommes en présence de tores invariants, puisqu’ils
existent dans le système non intégrable. La question est maintenant de savoir ce qu’il advien-
dra d’eux en fonction de la perturbation grandissante. Rapellons que, dans notre exemple, nous
augmenterons la valeur de l’énergie, au lieu de varier directement les paramètres λ et k. Nous
retrouvons tout de même l’effet recherché. Nous avons choisi cette façon de faire puisqu’elle
est simple. Nous pouvons nous permettre d’utiliser les mêmes équations du mouvement. En
11. Où chacune des courbes fermées représente l’évolution de la dynamique pour une condition initiale précise.
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2.3 Conclusions explicites du théorème de KAM
changeant seulement la valeur de E, et en conservant fixe les valeurs de (y, py), on change
seulement la valeur de px. La programmation en est grandement simplifiée. Il faut comprendre
que lorsque nous faisions référence aux conditions initiales inchangées, nous réfèrions aux va-
leurs utilisées pour faire les sections de Poincaré, soit y et py. La Fig.(2.5) présente les mêmes
conditions initiales avec une énergie de E = 18 .
FIGURE 2.5 – Section de Poincaré pour le potentiel non-intégrable avec E = 1/8
−0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8−0.5
−0.4
−0.3
−0.2
−0.1
0
0.1
0.2
0.3
0.4
0.5
y
dy/d
t
E=1/8
On remarque, pour la première fois, des orbites chaotiques. En fait, une seule condition
initiale résultant en une trajectroire chaotique suffit, pour un temps suffisament grand, à couvrir
l’entièreté de la région chaotique. Nous discuterons plus loin de l’aspect ergodique amené par
un tel comportement. On retrouve des tores invariants, mais ceux-ci sont maintenant modifiés.
Ils représentent encore des orbites ouvertes, i.e. quasipériodiques.
2.3.2 Processus de destruction des tores invariants
Le théorème de KAM nous renseigne de manière exacte sur la destruction des tores inva-
riants en fonction de la perturbation. En effet, on peut montrer que les tores se détruiront dans
un ordre précis et établi à l’avance par la construction même du système.
En résumé, les différentes conditions initiales font correspondre des tores invariants et ré-
sonants. Nous savons déjà que les tores résonants seront détruits typiquement ∀ ε 6= 0. Nous
savons également que les tores invariants seront détruits ou non en fonction de la perturbation.
Leur destruction dépendra de leurs fréquences intrinsèques. Conséquemment, les différentes
conditions initiales correspondent différents ratios R. Dans le cas d’espèce, R est irrationnel.
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Intégrabilité et chaos dans les systèmes hamiltoniens : le scénario de KAM
Proposons une écriture différente pour R, soit R = R [a1, a2, a3, a4, . . . , a∞] tel que
R ≡ a1 +1
a2 + 1a3+ 1
a4+...
(2.2)
où les ai ∈ N. On peut dire que, en fonction de R, l’approximation convergera plus ou moins
rapidement.
Définition 7. La mesure de l’irrationnalité de R est fonction de la vitesse de convergence de la
série l’explicitant. Plus la vitesse de convergence est lente, plus R sera irrationnel.
Le théorème de KAM nous dit que les tores invariants ayant les ratios Ri les plus faiblement
irrationnels seront détruits les premiers. Ensuite, ils disparraîtrons successivement du moins
irrationnel au plus irrationel. On peut maintenant connaître l’ordre de destruction des tores.
En effet, on peut déterminer, à partir des conditions initiales, quels seront les tores les plus
robustes et les moins robustes. Il s’agit d’un des résultats de l’effort fournie par l’équipe KAM.
Grâce à ce théorème, quelqu’un qui analyse un système peut, à l’avance, déterminer sous
quelles conditions initiales le système sera contenu dans un tore invariant. De même, une ana-
lyse plus poussée des différentes conditions initiales utilisées dans notre système d’intérêt aurait
permis de savoir lesquels engendreraient les tores les plus résistants.
De plus, la théorie des nombres nous apprend qu’il existe une limite à l’irrationnalité. En
effet, la convergence la plus lente est obtenue par le nombre d’or, soit Ror =(√
5 + 1)/2, dont
le développement en fraction continue est :
Ror = [1, 1, 1, 1, . . .] = 1 +1
1 + 11+ 1
1+...
Nous pouvons faire le travail inverse. Il est possible de rechercher l’ensemble de conditions
initiales engendrant le tore le plus stable sous perturbation. C’est un gain inestimable pour
notre connaissance et contrôle du système.
2.3.3 Considérations des grandes perturbations
Lorsque ε ≈ 1, il existe une possibilité que tous les tores invariants soient détruits. Cette
probabilité est non nulle puisqu’il existe une limite mathématique à l’irrationnalité. Le théorème
de KAM ne peut garantir la stabilité d’une trajectoire ∀ ε. Autrement dit, si la perturbation est
suffisament grande, il se peut que tous les tores invariants soient détruits, résultant alors en une
seule région remplie de manière dense par des trajectoires chaotiques. Dans notre problème
d’intérêt, lorsque E = 1/6, pratiquement tous les tores invariants sonts détruits. La Fig.(2.6)
montre très bien cela.
On remarque que la région accessible au système est densément remplie 12 par les trajec-
toires, à l’exception d’un îlot de KAM, le dernier tore invariant à survivre. On peut dire que
les conditions initiales qui ont mené à ce tore correspodent au ratio R le plus irrationnel du
système. Bref, dans la limite des grandes perturbations, la prévalence de la stabilité des orbites
n’est pas assurée, mais elle est toutefois vérifiable.
12. Pour un plus grand plaisir visuelle, la région n’est pas vraiment remplie, il aurait simplement fallu laisser le tempscourrir plus longtemps.
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2.3 Conclusions explicites du théorème de KAM
FIGURE 2.6 – Section de Poincaré pour le potentiel non-intégrable avec E = 1/6
−0.5 0 0.5 1−0.8
−0.6
−0.4
−0.2
0
0.2
0.4
0.6
y
dy/d
t
E=1/6
On remarque bien, en comparant les trois dernières figures, l’augmentation de la surface
densément remplie, et inversement, la diminution de la surface occupée par les îlots de KAM.
2.3.4 Système avec un grand nombre de degrés de liberté et hypothèseergodique
Considérons un système de dimension n � 1. On reconnaît bien là le domaine de la phy-
sique statistique, domaine où n ≈ 1023. Il est bien connu que l’on peut décrire un tel système,
malgré sa dimension considérable, par le formalisme hamiltonien. La discussion que nous avons
eu jusqu’à maintenant s’applique donc. Pour des conditions données, il se peut fort bien que
le système soit en fait une composition de tores résonants et invariant détruits, mais égale-
ment de tores résonants conservés. Dans une telle situation, on sait que certaines orbites seront
périodiques, donc stables 13.
L’hypothèse ergodique consiste à dire, pour le formalisme [9] µ canonique, que la probabi-
lité de retrouver le système dans un état Ei est la même que de retrouver le système dans un
état Ej si ces deux états sont de même énergie 14. De plus, cette probabilité doit être la même
pour une moyenne temporelle 〈 〉τ et spatiale 〈 〉Σ.
〈P (Ei)〉τ = 〈P (Ei)〉Σ = 〈P (Ej)〉τ = 〈P (Ej)〉Σ (2.3)
Rapidement, on constate que cela ne sera pas vrai pour un système où cohabitent des trajec-
toires périodiques et quasipériodiques. Heureusement, il existe une explication.
13. En considérant une perturbation constante, et non l’ensemble des valeurs pouvant être prisent par la perturba-tion.
14. Plus précisément, il faudrait parler de distributions d’énergie ayant la même énergie totale.
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Intégrabilité et chaos dans les systèmes hamiltoniens : le scénario de KAM
Le théorème de Liouville nous dit que l’hyperespace de phase a un volume constant. Consé-
quemment, plus la dimension n du système augmente, plus le volume de chacun des tores
diminue. Dans le régime de la physique statistique, on peut considérer que le volume de cha-
cun des tores est infinitésimalement petit.
La distrubution des tores invariants et des tores résonants s’apparente aux distributions des
nombres irrationels et des nombres rationels. Si nous choisissons un point sur la ligne réel, la
probabilité de tomber sur un nombre rationel est nulle puisque la mesure de l’ensemble est
nulle. De ce fait, la probabilité d’obtenir un nombre irrationel est de 1. La situation est la même
avec les tores invariants. L’ensemble des tores résonants, bien que dense, a une mesure nulle
dans l’espace de phase d’un système dynamique pour n� 1.
Le scénario de KAM ne confirme pas, mais n’infirme pas non plus l’hypothèse ergodique. Il
nous permet cependant de se faire une meilleur idée des concepts en jeu.
2.4 Conclusion
Le théorème de KAM porte sur les systèmes décrits par le formalisme de Hamilton. Il s’ap-
plique peu importe la taille du système d’intérêt. Il nous renseigne sur l’effet d’une perturbation
sur un système intégrable. On apprend, en premier lieu, que l’effet de la perturbation est fonc-
tion des conditions initiales. Certaines conditions initiales engendreront directement des orbites
qualitativement différentes de celles du système intégrable. En deuxième lieu, nous voyons que
la stabilité globale d’un système perturbé dépend de la magnitude de la perturbation. En troi-
sième lieu, on apprend que le théorème ne contradie pas l’hypothèse ergodique, dans l’approxi-
mation d’un hyperspace de phase avec un grand nombre de dimensions. En considérant une
perturbation suffisament forte, le système peut aussi glisser dans un état ergodique 15.
Finalement, on conclut que la structure toroïdale du plan de phase, conséquence de la
nature symplectique du formalisme de Hamilton, qui permet de soutenir ce théorème. Voilà
pourquoi que dans une immense mer chaotique subsistent des îlots de régularités.
15. Dans certaines conditions, il peut y avoir absence totale de strucures périodiques.
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[19] STROGATZ, S.H. 1994. Nonlinear Dynamics and Chaos : With Applications to Physics,Biology, Chemistry, and Engineering. Studies in nonlinearity. Westview Press.
Note 8. Les documents dans la bibliographie dont la copie papier n’est pas en annexe ne furent
pas consultés dans le cadre de la recherche. Leur inclusion est justifiée par le fait que le lecteur
pourrait être intéressé par ces articles.
CONSUMMATUM EST.
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