0
La censure des Super-Héros
dans les comic books :
Le Comics Code Authority
AZZARELLO, Brian. Batman : Damned. DC Comics, 2018. ISBN : 1-40129-140-6.
Université Rennes 2 Département Lettres
UFR Arts, Lettres, Communication Licence Professionnelle des métiers du livre :
Documentation et bibliothèque 2018-2019
Elodie MENU Outils de culture littéraire et artistique
Enseignant Référent : S. DUPAS
1
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................... 2
I. Histoire des comic books ....................................................................................................... 3
1. Des débuts prometteurs : 1934-1937 ............................................................................... 3
2. Âge d’or : 1938-1955 ......................................................................................................... 3
3. Âge d’argent : 1956-1968 .................................................................................................. 4
4. Âge de bronze : 1970-1979 ................................................................................................ 5
5. De l’époque moderne à nos jours ..................................................................................... 5
II. Comics Code Authority .......................................................................................................... 6
1. Association of Comic Magazine Publishers ....................................................................... 6
2. Création du Comic code Authority .................................................................................... 7
3. Conséquences du Comics Code Authority ......................................................................... 9
4. Abandon du Comic Code Authority ................................................................................... 9
III. Une sexualité qui fait débat ................................................................................................ 11
1. Les rapports sexuels......................................................................................................... 11
2. L’homosexualité ............................................................................................................... 12
Conclusion .................................................................................................................................... 13
Bibliographie ................................................................................................................................ 15
Annexes ........................................................................................................................................ 16
2
Introduction
Au début du siècle dernier, l’allongement du temps consacré aux loisirs et l’explosion de
l’industrie culturelle envers les jeunes ont préparé le terrain pour l’avènement des comic books
aux Etats-Unis. Dès les années 1930, les jeunes deviennent des consommateurs actifs de cette
nouvelle forme de lecture.
La totalité de la culture de masse (télé, cinéma, radio, musique, …) était visée par les
défenseurs de la jeunesse. Les comic books étaient au centre des débats pour deux raisons
essentielles. D’une part, ils étaient initialement destinés aux enfants. D’autre part, ce sont des
supports culturels marginaux. Les éditeurs et auteurs n’ont, à l’époque, aucun soutien dans le
star-systeme, médiatique, politique et économique.
Les comic books sont étroitement liés à l’histoire et aux faits de société. Les thèmes abordés
ont parfois provoqué un torrent de reproches, et de haine envers ce média. Il était vu comme un
produit d’arriération sociale et intellectuelle par de nombreuses organisations populaires. En
1940, Sterling North, auteur de livre pour enfant, avait défini les comic books comme étant une «
honte nationale », un « cauchemar sur mauvais papier ». Selon lui, ils devaient être éradiqués au
nom de la littérature1. A la fin de cette décennie, Frederic Wertham, psychiatre germano-
américain avait engagé une croisade personnelle contre ce média, certain de protéger la jeunesse.
Sa chasse aux sorcières incita les éditeurs de l’époque à créer un code de censure afin de calmer
les esprits : le Comics Code Authority (CCA). Cette accréditation était à l’opposé du droit à la
liberté d’expression inscrite dans le premier amendement des Etats-Unis. C’est la raison pour
laquelle elle ne faisait pas office de loi, mais plutôt de guide, d’un contrat à respecter. A la suite de
sa création, les tensions se sont calmées. La plupart des éditeurs ont respecté les restrictions pour
maintenir leur popularité.
Mais les restrictions du CCA ont eu des répercussions à long terme sur l’industrie du comic
book. Des générations d’enfants ayant grandi en suivant des récits d’aventures fantastiques et
d’horreur ont grandi dans la frustration de la disparition de leurs monstres préférés et de
l’émergence d’aventures édulcorées. Devenus auteurs à l’âge adulte, une certaine vengeance
apparue à travers des illustrations et des récits dépassant bien au-delà les limites des thématiques
censurées de l’époque2. A partir des années 1990, le CCA est de plus en plus ignoré et la popularité
des aventures sombres, réservées à un public mature, explose. En 2011, le CCA est officiellement
abandonné par tous.
On peut alors se demander si les formes de censure se sont également éteintes avec l’arrêt du
CCA. Et si les plaintes reposent sur les mêmes thèmes qu’à la fin du XXème siècle.
La première partie de ce document est consacré à l’évolution des comics de leur création à
aujourd’hui. Ensuite, l’élaboration du CCA est expliquée un peu plus en détail dans une seconde
partie. Les derniers paragraphes sont centrés sur le sujet de censure le plus employé à notre
1 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :
Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1. 2 COWSILL, Alan, IRVINE, Alex, K. MANNING, Matthew, Mc AVENNIE, Michael, et Wallace, Daniel. Les chroniques
de DC Comics. Paris : Tournon-Semic, 2011. ISBN : 978-2-351000-644-3.
3
époque. Les exemples développés sont essentiellement des publications des deux grandes
maisons d’édition de comic books : DC comics et Marvel. Pour terminer, la loi française de 1949
sur la création de la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la
jeunesse sera présentée. Elle a été promulguée essentiellement contre le contenu des comic
books américains3.
I. Histoire des comic books
1. Des débuts prometteurs : 1934-1937
Les premières planches, considérées comme étant les ancêtres des comic books d’aujourd’hui,
ont vu le jour en 1933 sur un fascicule de Gulf comic weekly, de la société pétrolière Gulf Oil. Elles
étaient offertes aux clients des stations-services de l’entreprise4. Durant la même année, Maxwell
Charles Gaines réalise que les pages des quotidiens peuvent être pliées en 2 pour obtenir un
format agréable pour les enfants. C’est la naissance des funnies on parade, publié par l’Eastern
color printing company. Suite à la popularité de ces produits, la société a publié, en 1934, Famous
Funnies, un magazine uniquement consacré à la bande dessinée4. Le premier comic book a vu le
jour.
Au début, les histoires reprenaient les aventures de personnages connus du grand public. Le
défis des premières maisons d’édition a été de publier de l’inédit, en fidélisant le lecteur. Donc,
dans l’idée d’offrir au public des contenus originaux et variés, Malcom Wheeler-Nicholson a créé la
maison d’édition DC comics en 1934. Après des débuts financiers difficiles, le premier numéro de
Détective comics est sorti en mars 1937, autour d’aventures policières et d’enquêtes. Il est à ce
jour encore publié. Les publications de genre explosent réellement à partir de 1938. On retrouve
des magazines sur les thèmes de la guerre, sur la science-fiction et des enquêtes policières
essentiellement4.
2. Âge d’or : 1938-1955
La popularité des comics est due essentiellement à trois facteurs : la thématisations des
publications, la multiplication des éditeurs et l’apparition de Superman. Entre 1938 et 1955, les
thèmes des aventures se diversifient, fidélisant les lecteurs à leurs personnages préférés. C’est
également l’avènement des super-héros qui deviennent incontournables dans le monde du comic
book. Cette période est définie comme étant l’âge d’or de ce média. Avec la fin de la guerre,
l’engouement des super-héros décroit, et les ventes de fascicules également.
En 1938, Superman est né de la plume de Sheldon Mayer. Il a fait sa première apparition dans
le magazine Action comics n°1 chez DC comics. Sa sortie est un réel succès et les tirages des
3 PASAMONIK, Didier. La Loi du 16 juillet 1949 a 60 ans. ActuaBD [en ligne], 21 juillet 2009 [consulté le
20/02/2019]. Disponible sur le web : <https://www.actuabd.com/La-Loi-du-16-juillet-1949-a-60-ans>. 4 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :
Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.
4
fascicules passent de 200 milles à un demi-million d’exemplaire4. La maison d’édition a continué
sur sa lancée des super-héros avec la sortie de Batman, dans Detective Comics n°27, en mai 1939.
Dans le but de surfer sur la vague créée avec Superman, Martin Goodman fonde Marvel Comics,
autrefois nommé Timely comics, en 19395. En cinq ans, l’industrie du comic books a accru
exponentiellement pour atteindre une cinquantaine d’éditeur en 1939. Un bon nombre d’entre
eux ont publié des aventures de super-héros. C’est à partir de cette époque que ce type de
personnage fût représenté spécifiquement dans les comic books.
La période de la seconde guerre mondiale a servi de carburant au phénomène. Des
personnages patriotiques sont créés et envoyés au front. Ils combattent les espions nazi et
saboteurs japonais. Ils empêchent également les bombes atomiques de réduire en cendre des
villes d’innocents. Le plus connus d’entre eux est Captain America envoyé combattre les forces de
l’AXE dans Captain America Comics n°1, en décembre 1940. Le concept reposait sur le fait que
combattre les ennemis dans les comics donnait de l’espoir aux lecteurs quant à leur défaite.
En 1943, le rationnement du papier a eu un effet sur le nombre de pages par fascicule qui a
diminué pour un prix en continuelle augmentation. De plus, le monde des éditeurs évolue du fait
que certains d’entre eux partent sur le front, pour ne plus revenir par la suite. Après la guerre, la
gloire des super-héros décroît. Avec le retour de la paix, ils perdent un peu de légitimité. Donc les
éditeurs se sont concentrés sur les nouvelles modes, pour ne pas perdre leur public. Les jeunes
d’après guerres réclamaient des aventures de femmes athlétiques comme Wonder Woman, et
sauvages comme Sheena, reine de la jungle. Ce nouveau type de personnage est nommé « good
girl art » par les amateurs6. A partir de 1945, la plupart des aventures de comic books s’éloignent
du thème des super héros pour parler de romance, de western, d’humour adolescent, de crime et
d’animaux comiques. Avec l’intérêt pour les nouvelles technologies et les voyages spatiaux, la
science-fiction fait son apparition dans les fascicules.
Avec cette diversité éditoriale et thématique des comic books, de plus en plus de protestations
se sont dressées contre la publication de certaines illustrations, et thèmes abordés, jugés néfastes
pour le jeune public. La fin de l’âge d’or s’achève avec l’avènement du Comic Code Authority, créé
en 1954.
3. Âge d’argent : 1956-1968
L’âge d’argent est une nouvelle ère importante dans l’univers du comic book. Le Comic Code
Authority (CCA) a entrainé bon nombre de changements à la fois du côté éditorial et scénaristique.
Des maisons d’éditions ont fait faillite, généralement, à cause d’un manque de diversité dans
leurs aventures. Le commerce de comic books des années 1960 était gouverné par deux éditeurs
phares : DC comics et Marvel. Le CCA a également entrainé un grand nombre de modifications
dans les thèmes abordés dans les fascicules. Les récits d’horreurs ont, pour la plupart, disparus.
Aucune censure ne parvenait à les rendre acceptables aux yeux du CCA6. Quatre courants sont
5 Marvel Comics. Wikipédia, l’encyclopédie libre [en ligne]. Fondation Wikimedia, 2007 [consulté le 17/03/2019].
Disponible sur le web : < https://fr.wikipedia.org/wiki/Marvel_Comics>. 6 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :
Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.
5
devenus alors populaires auprès du public : les récits de guerres, la science-fiction, le fantastique
(rejetons des histoires d’horreur) et les aventures à trame historique. Le western et les romances
ont continué leur envolée sous des formes édulcorées contraintes par le CCA.
Ces années ont vu naître la nouvelle génération de super-héros. C’est l’ascension d’une
nouvelle phase d’innovation et de nouveauté pour convenir au code de censure. En 1958, les
jeunes sont invités à interagir avec les auteurs et avec leurs pairs grâce au courrier des lecteurs,
créant ainsi la base de la communauté des fans. A cette époque, il y a eu un autre changement
social important qui entraina une augmentation des ventes de fascicules. Les adolescents et pré-
adolescents s’achetaient eux même leurs comic books. Ce loisir n’était plus supervisé par les
parents.
4. Âge de bronze : 1970-1979
Les années 1970 ont vu l’industrie des comics muter en profondeur. La société et les mœurs
ont beaucoup évoluées à cette période. Les aventures des super-héros sont le reflet des
problèmes et des débats populaires. Le succès des comic books croît de nouveau face à une
censure qui s’épuise.
Les éditeurs ont engagé des changements d’idéaux, en conséquence des débats idéologiques
autour de la guerre du Vietnam7. Les héros ont arrêté de combattre uniquement des malfrats et
mégalomanes, et luttent contre la haine et l’injustice.
En 1971, Marvel et DC mettent en scène des aventures autour des ravages de la drogue, en
écho avec le phénomène de la société de l’époque. Ces publications sont sorties sans le macaron
du CCA, et ont pourtant connu un grand succès. Les critères d’exclusion du CCA ont été réduits
suite à cela. Il était alors possible d’illustrer des problèmes sociaux de manière négative et dans un
but pédagogique. Des personnages monstrueux de la littérature ont pu de nouveau être mis en
lumière, comme dans the tomb of Dracula de la maison Marvel, en 1972.
A cette période, les enfants ayant connu les premiers comic books sont devenus adultes. Donc
de plus en plus d’adultes lisaient et achetaient les fascicules. Les auteurs ont alors du s’adapter à
cette explosion de demande de la part d’un public de plus en plus hétérogène. C’est le début du
succès des comics plus sombres, publié sans le macaron du CCA.
5. De l’époque moderne à nos jours
Dans les années 1980, l’univers des comic books s’est adapté aux différents publics, et à leurs
diverses attentes. La communauté de fan est active et participe de plus en plus à des évènements
dédiés à leurs héros, comme la convention annuelle du Comic Con de San Diego, fondée en 1970.
Bien qu’une nouvelle vague de censure fasse débat à la fin des années 1980 suite à la publication
d’illustrations obscènes, les maisons d’éditions s’émancipent doucement mais surement du CCA.
A cette période, les librairies spécialisées envahissent le pays. Ce phénomène est une aubaine
pour les petits éditeurs qui connaissent alors un succès croissant grâce à une plus grande visibilité
et à la qualité de leur contenu7. Ces commerces sont également des lieux d’échanges et de débats
7 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :
Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.
6
entre la communauté de fan. Ce qui fait augmenter considérablement les ventes. Pourtant, dans
les années 1990, les librairies généralistes commencent à vendre des graphic novels. Ce sont des
albums regroupant les épisodes d’une même aventure, autrefois vendus en plusieurs fascicules.
Ce nouveau système de vente entraina une crise extrêmement grave de la vente directe des comic
books.
Aux yeux de la société, ce média ne passe plus uniquement pour un loisir enfantin et rivalise
avec la littérature classique. Sont publiées des histoires plus profonde, sophistiquée, parfois plus
sombre pour un public adulte, comme par exemple Secret war des maisons Marvel, en 2004
C’est également le début des labels pour adultes. Les maisons d’éditions ont décidé de créer
des collections réservées à un public spécifique afin de garder une liberté artistique tout en se
préservant des appels à la censure. Ainsi, le public était prévenu du contenu plus sombre et aux
illustrations plus crues que ne pourraient renfermer les autres fascicules. Ceux qui connaissent le
plus grand succès, encore de nos jours sont le Black label de DC comics et le Label Epic de Marvel.
A notre époque, les comic books connaissent toujours un grand succès. Ils touchent un public
de plus en plus large avec l’émergence des films sur les super-héros et la montée de loisir tels que
le cosplay. En revanche, ces nouveaux lecteurs se tournent généralement vers les graphic novels,
plus accessibles pour découvrir une aventure rapidement et entièrement. L’ère du numérique a
également un impact sur les ventes de fascicules, puisqu’ils sont également de plus en plus lus
illégalement en streaming. C’est dans cette société du web 2.0, que les éditeurs et auteurs
véhiculent des rumeurs plus ou moins avérées de censure pour amener des débats au sein de la
communauté de fan et augmenter les ventes.
II. Comics Code Authority
1. Association of Comic Magazine Publishers
A partir de 1946, dans une atmosphère tendue, post guerre mondiale et avec les signes d’un
début de guerre froide, les campagnes d’opinions contre la criminalité des jeunes se focalisent sur
des modes populaires en marges des valeurs chrétiennes et familiales de l’époque. La musique
Rock et les comic books sont, entre autre, les boucs émissaires de cette chasse aux sorcières. Ils
seraient une des causes profondes de la vague de délinquance juvénile.
C’est donc au pic de l’âge d’or des comic books, que ces derniers sont accusés d’être une des
sources principales de la corruption de la jeunesse américaine. La médiatisation disproportionnée
de cas isolés de délinquance juvénile inspirée de crimes trouvés dans les comics a amplifié
l’ampleur du phénomène. En 1947, un garçon de douze ans est retrouvé pendu, un comic book à
ses pieds. L'enquête de police conclut que le petit Billy Becker s'était suicidé en voulant imiter une
scène représentée dans les pages du fascicule. En 1948 trois garçons âgés de 6 à 8 ans avaient
essayé de pendre un autre enfant de 7 ans en s'amusant à remettre en scène un comic book8.
8 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :
Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.
7
De plus, la croisade menée par Frederic Wertham, psychiatre germano-américain, contre
l’influence dévastatrice des comics croît en popularité. Ses discours et son profil professionnel, le
rend crédible auprès des parents et des autorités civiles et religieuses face à la montée de la
délinquance juvénile. Dans cette même période, des organisations religieuses (Committee on
Evaluation of Comic Books, fondée en 1948 par le révérend Murrell) et des associations de parents
diffusent des listes de comic books jugés acceptables aux yeux des valeurs chrétiennes et
familiales. Des groupes de personnes (des maires, des officiers de polices, des parents, des
groupes religieux, etc.) se sont permis de juger, stigmatiser et de censurer des comic books sans
autorisations législatives.
Jusqu’en 1949, des décrets et amendements à l’échelle locale se sont multipliés dans une
cinquantaine de villes américaines pour contrôler la publication des comics. A Los Angeles, en
1948, un décret municipal a été adopté interdisant, sous peine d’amende ou de prison, toutes
publications de fascicules contenant des scènes violentes. La même année, la législature de New-
York a promulgué une loi ayant pour but l’étude de chaque publication des comic books avant
l’autorisation d’une distribution. L'hystérie a atteint son paroxysme avec la déferlante d’autodafés
de comic books à partir de décembre 1948. Apportés « spontanément » par les enfants ou
collectés par les élèves d'écoles paroissiales, les fascicules étaient jetés en tas sur le sol avant
d'être brûlés en public9.
Pour éviter les autorités nationales de promulguer des lois de censure, les grands éditeurs de
l’époque ont créé l’Association of comic magazine publishers (ACMP) en 1948. Ils s’engageaient à
respecter un code d’autocensure autour de la nudité, de la représentation du crime, du sadisme,
du langage vulgaire, de la représentation positive du divorce et de la critique des groupes raciaux
et religieux9. Cette acte de paix de la part des professionnels de l’éditions ne calma que très
légèrement les colères et n’eut pas l’impact espéré. Donc, en 1950, le sénateur démocrate Estes
Kefauver a demandé à Frederic Wertham une enquête à propos de l’incidence des comic books
sur la délinquance juvénile. Il en est ressortit qu’ils n’étaient qu’une cause secondaire à ce
phénomène. Les mouvements contre les fascicules illustrés se sont temporairement apaisés suite
à la publication de cette enquête.
Pourtant, la lutte contre les comic books a persévéré pendant quelques années. Une autre
association de professionnels s’est donc formée dans le but de rédiger un code national
d’autorégulation des publications de comic books.
2. Création du Comic code Authority
Les sénateurs Hendrickson et Kefauver, entre avril et juin 1954, ont présidé une commission
dont le but était de « déterminer les possibles effets criminogènes sur les enfants des comic books
policiers et fantastiques » et d’examiner une éventuelle violation des lois fédérales. Des
professionnels de multiples domaines ont été entendus, dont Frederic Wertham, qui défendait
fermement l’interdiction de publication des comic books. Il était convaincu de protéger les enfants
9 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :
Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.
8
des idées néfastes véhiculées par les comics. Pour une majorité d’expert, « les comic books étaient
inoffensifs pour les enfants équilibrés mais susceptibles d'influencer des enfants à problèmes »9.
La commission s’est achevée sur des accusations d’incitation à la délinquance de la part des
Editeurs. Il leur est également reproché de prioriser leur profits commerciaux au potentiel éducatif
de leurs produits.
Suite au mouvement de masse contre ce média, un petit groupe de professionnels des
maisons d’éditions de comic books s’est rassemblé à l’automne 1954 pour créer la Comics
Magazine Association of America (CMAA). Leurs objectifs étaient d’empêcher une nouvelle
diabolisation des comics par le grand public et de donner une meilleure image à ces créations
artistiques. Pour atteindre ces buts, le Comic Code authority (CCA) a été élaboré9. Il a été rédigé
principalement par Charles F. Murphy, magistrat municipal new yorkais, désigné comme secrétaire
exécutif de la CMAA, en collaboration avec des ministres du culte catholique, protestant, juif et
des mères de familles. Il est signé le 27 octobre 1954 par 26 éditeurs. Les articles du CCA
regroupaient les thèmes à proscrire des comic books : l’incitation au crime, à la violence et à la
torture, l’exhibition d’armes, les scènes sanglantes, de luxure, de dépravation, de nudité, de
sadisme, de masochisme et de viol, l’allusion aux morts vivants, aux vampires, aux loup-garou et
au cannibalisme, le langage inapproprié pour un jeune public, la moquerie ou la caricature de
personne en fonction du genre, de la couleur de peau, et de l’état physique. Le divorce ne pouvait
être suggéré ou caricaturé. Des articles encourageaient, au contraire, la valorisation des valeurs du
foyer et de la sainteté du mariage ainsi que le respect des parents et des figures d’autorité10. Dans
la pratique, il appartenait aux éditeurs de soumettre les planches qu'ils avaient l'intention de
publier à la CMAA. Celle-ci les examinait et ordonnait des modifications, le cas échéant, afin que
les illustrations soient en conformité avec le Code. Après correction, les planches devaient être
réexaminées pour recevoir le cachet d’autorisation du CCA.
Ce code ne faisait pas office de loi. Les éditeurs avaient la possibilité de refuser d’estampiller
leurs ouvrages par le macaron de censure (annexe 1). Seulement, les parents refusaient, la plupart
du temps, d’acheter un comic book à leur enfant sans l’assurance d’un contenu jugé approprié.
Les distributeurs, eux-mêmes, retournaient les fascicules s’ils ne comportaient pas la marque.
Certain éditeur ont donc adhéré par la suite au CCA en voyant leur chiffre d’affaire diminuer. Cette
« mascarade hypocrite » a été fortement critiquée par les professionnels non adhérents qui ont
accusé les membres du CMAA d’être « tombés dans le commercialisme ».
Cet évènement brisa le monde éditorial entre les auteurs qui militaient pour la liberté
artistique et ceux qui luttaient pour survivre dans le monde des affaires. Un évènement, bien plus
draconien que le CCA a contribué à briser la résistance des derniers éditeurs réfractaires. L’Etat de
New-York, en 1955, a adopté une loi sur l’interdiction de vente des comic books aux mineurs. Il
était alors interdit de publier, distribuer, vendre et posséder tous livres, brochures ou magazines
illustrés dont le titre comprenait les mots « crime », « sex », « horror » ou « terror » et dont le
contenu était consacré à la description d'actes relatifs aux quatre termes incriminés. Ainsi, les
10 PASAMONIK, Didier. Mort officielle du « Comic Code Authority ». ActuaBD [en ligne], 24 janvier 2011 [consulté
le 20/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.actuabd.com/Mort-officielle-du-Comic-Code.
9
éditeurs, qui avaient presque tous leur siège social à New York ont été contraint à respecter cette
mesure11.
Ces réformes sont parvenues à calmer les communautés religieuses et familiales, mais elles
ont eu d’énormes conséquences sur l’industrie du comic book.
3. Conséquences du Comics Code Authority
À partir de 1956, les médias se firent de moins en moins l'écho de l'animosité du public envers
les comic books. L’aversion contre les comics a été fulgurante et s’est arrêtée aussi rapidement
après l’instauration du CCA et la disparition des comics d’horreurs10.
Le paysage éditorial de comic books a été appauvri par ces mesures restrictives. Les petits et
les très petits éditeurs ont été les victimes les plus directes de ces changements, alors que presque
aucun éditeur « important » en termes de volume de production ne fit les frais de la crise du
Comics code. Seul EC comics, connu essentiellement pour ses comic books d’horreur et satiriques,
a été directement visé et touché par le CAA. A cette époque, 900 personnes ont perdu leur emploi
suite aux modifications thématiques imposées par le nouveau règlement. Des maisons d’éditions
beaucoup trop contraintes par les nouvelles règles n’ont pas su se renouveler, et se sont
écroulées.
Des projets, initialement acceptables par le CMAA, ont parfois été refusés sous une volonté
idéologique ou politique extérieure aux ambitions du code de censure. En février 1956, EC comics
a publié Judgement Day dans Incredible Science Fiction n°33. L’aventure met en avant un
astronaute qui, à la fin de l’histoire, retire son casque et révèle sa couleur de peau. Ce détail
offensa un des membres du CMAA, qui menaça Bill Gaines, l’auteur du fascicule, de censurer son
ouvrage. Plusieurs cas similaires ont eu lieu, mais n’ont pas été ébruités afin de conserver la
crédibilité de la commission de censure.
Le CCA a tout de même fait progresser l’industrie du comic book en provoquant la séparation
des récits pour adultes, plus sombres et plus complexes, des récits tous publics. Dans les années
1980, DC comics apposait un label sur les couvertures des fascicules informant sur la tranche d’âge
cible du récit : E « everyone » concernant le large public, T « teen » pour les adolescents et M
« Mature » consacré aux adultes. Les années 1990 voient le jour des labels exclusivement pour
adultes : le Black label et VERTIGO de DC comics, et le Label EPIC de Marvel. C’est la création de
ces labels qui a enclenché officieusement, mais définitivement, le déclin de l’importance du CCA
aux yeux des lecteurs11.
4. Abandon du Comic Code Authority
Pendant une vingtaine d’année, les éditeurs se sont pliés aux règles du CCA. L’évolution des
idéologies sociétales et de l’émergence de problèmes sociaux et sanitaires comme la toxicomanie
chez les jeunes ont entrainé la modification des restrictions du code. Cette nouvelle liberté
artistique, cumulée à la publication de labels pour adultes a causé l’abandon progressif du CCA.
11 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :
Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.
10
Les normes du CCA contraignaient énormément les projets pédagogiques tels que les
campagnes contre la drogue. En 1971, Marvel a publié The amazing spider-man n°95-97, qui met
en scène des problèmes de toxicomanie. La même année, DC comics a sorti une aventure de
Green Lantern et de Green Arrow autour de l’addiction à la drogue du jeune Speedy, jeune
équipier de l’archer12. Suite à la popularité de ces numéros, les restrictions imposées par le CCA
ont été modifiées pour devenir plus abordables. Ainsi, les problèmes sociétaux et sanitaires ont pu
être abordés de manière pédagogique. Les références au sexe et l’emploi de grossièretés verbales
étaient également tolérés de plus en plus après l’adoucissement du code.
Dans les années 1980, la critique des comic books est devenue épisodique. Elle perdure
principalement à l’échelle locale et est de plus en plus absente dans les débats nationaux. Les
militants contre la montée de la violence ont, à cette époque, changé de boucs émissaires. La
télévision et le hard rock étaient alors au cœur des polémiques. D’ailleurs, les nouvelles lois locales
ne portaient plus exclusivement sur les comic books mais sur les contenus obscènes de tous les
media quels qu’ils soient.
Grâce à cette nouvelle liberté, un certain nombre d'auteurs s'étaient considérablement
émancipé des normes du CCA. Le contrôle exercé par le CMAA avait connu un recul considérable
pendant cette période. Le nombre de parution, sans le macaron dudit code, représentant des
scènes et illustrations violentes croit considérablement, dès le début de la décennie. Chez Marvel,
l’un des premiers exemples était la publication de Daredevil de Frank Miller en 1981. C’était le
début de la popularité des personnages brutaux et sanglant comme Wolverine et the Punisher.
Malgré le fait que DC Comics s’accroche longtemps au CCA, des publications sans le macaron dudit
code sont également distribuées. En 1986, Watchmen marque le début d’une ère nouvelle du
comic books pour adulte qui s’apparentent de plus en plus à de la littérature13.
Et pourtant, à la fin des années 1980, des débats sur un retour strict à la censure se font
entendre suite à des affaires de ventes de fascicules pornographiques. Les auteurs ont abusés de
cette nouvelle vague artistique, et sont allés au-delà des attentes des lecteurs. Marvel et DC ont
alors annoncé la mise en place de mesures imposant des limites à la liberté de leurs auteurs dans
le but de ne pas envenimer les tensions populaires.
Dans les années 1990, les maisons d’éditions ont su éteindre le brasier des protestations avant
qu’il ne réduise en cendre l’avancée prodigieuse des décennies précédentes. A la fin du XIXème
siècle, nombreuses sont les maisons d’éditions ayant arrêté de greffer le macaron du CCA sur leur
fascicules. Marvel ont été les premiers à abandonner définitivement les restrictions du code, en
1991. DC comics et Archie comics sont, quant à eux, les derniers à l’avoir délaissé en 201114.
Toutefois, des organisations conservatrices américaines continuent leur combat contre les
comic books. En février 2019, un projet de publication sur le retour du Christ a été annulé.
12 HARLEY. DCPODCASTERS SPECIAL # : la censure chez les DC Comics. DC planet [en ligne], 06 octobre 2018
[consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.dcplanet.fr/238026-dcpodcasters-special-1-la-censure-chez-dc-comics.
13 COWSILL, Alan, IRVINE, Alex, K. MANNING, Matthew, Mc AVENNIE, Michael, et Wallace, Daniel. Les chroniques de DC Comics. Paris : Tournon-Semic, 2011. ISBN : 978-2-351000-644-3.
14 PASAMONIK, Didier. Mort officielle du « Comic Code Authority ». ActuaBD [en ligne], 24 janvier 2011 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.actuabd.com/Mort-officielle-du-Comic-Code.
11
L’histoire portait sur une collaboration entre Jésus Christ et le super-héros Sun-man. Ce dernier
devait recevoir l’enseignement pour devenir un vrai messie de l’humanité. Jugé comme
blasphématoire par une association de citoyens conservateurs américains, l’auteur, Mark Russell,
a renoncé à publier l’histoire15.
III. Une sexualité qui fait débat
1. Les rapports sexuels
Alors que le Comics Code Authority semble loin, la censure continue de frapper l’univers des
comic books. Dans une société où les démonstrations sexuelles sont de plus en plus présentes
dans les médias, elles restent sensiblement discrètes dans les aventures des supers-héros. Les
actes de censure font débat car ils ne sont pas cohérents aux yeux de tous.
Depuis l’avènement des comic books, les rapports sexuels sont, pour la plupart, suggérés mais
non illustrés explicitement. Les scènes de nudité se sont répandues vers les années 1990. Très vite,
elles se sont faites de plus en plus rare dès le début des années 2000. Dans un but commercial
essentiellement, et pour éviter une vague de désapprobation populaire, « la sexualité ne doit pas
choquer le public. »16 Dans l’album de Batman : the Widening Gyre (2009), les rapports sexuels
sont encore une fois uniquement suggérés. L’acte le plus explicite est un baiser entre deux
personnages. Et pourtant, tout le long de l’aventure, de nombreuses scènes violentes et
sanglantes y sont illustrées. La maison d’édition semble avoir engagé une autocensure en ce qui
concerne la sexualité. En 2017, DC comics a censuré les illustrations de Batman, white knight. La
scène de discussion entre Harley Queen et le Joker a été modifiée afin de ne pas voir la poitrine de
la demoiselle. Assise, nue sur un lit, Harley se voit maintenant vêtue de phylactères cachant ses
attributs féminins17 (annexe 2). L’autocensure va même plus loin en juin 2018. Le black label, qui
réunissait des aventures sombres pour un public mature, devient un magazine pour adolescent. La
liberté artistique subit alors un grand pas en arrière. A notre époque, où l’information circule très
rapidement et internationalement, on pourrait se demander si ces actes ont plus un but
commercial que réellement idéologique.
En 2018, la version censurée du second tirage des exemplaires de Batman : Damned, édité
sous le black label, a fait débat. La scène mettait en image le pénis de Bruce Wayne. L’illustration
censurée est présentée en couverture de ce document, l’extrait non censuré est en annexe 3. On
peut se demander si l’éditeur se méfie des réactions concernant les engagements artistiques qu’il
15 Accusé de blasphème, DC Comics renonce à publier une BD imaginant le retour de Jésus et sa collaboration
avec un super-héros. Francetvinfo [en ligne], 20 février 2019 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web : < https://www.francetvinfo.fr/culture/bd/accuse-de-blaspheme-dc-comics-renonce-a-publier-une-bd-imaginant-le-retour-de-jesus-et-sa-collaboration-avec-un-super-heros_3198743.html?fbclid=IwAR1fP_8mp6vePXbKurN7dP4qVL6R9g3tIPkBOrZC-e_JZB2iJi90kNeHI9Y#>.
16 WATCHFUL. DC Comics : une sexualité bridée. DC Planet [en ligne], 27 octobre 2018 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.dcplanet.fr/237794-dossier-dc-comics-une-sexualite-bridee.
17 MOCASSIN. L’édition non censurée de Batman : White Knight ne verra pas le jour. DC planet [en ligne], 22 juin 2018 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.dcplanet.fr/232920-ledition-non-censuree-de-batman-white-knight-ne-verra-pas-le-jour.
12
ne se sent pas de défendre, ou si c’est un acte purement commercial jouant sur la polémique en
donnant de la valeur à l’album à partir de la censure18.
Dans le monde des comic books, il perdure donc des interrogations, et même des paradoxes
concernant les contenus censurés. Le thème du viol dans les récits de super-héros est, par
exemple, très fréquent, il est tantôt suggéré, tantôt explicite. Dans Identity crisis n°2 (2004),
Doctor light viole de manière assez explicite Sue Dibny. Alors que les planches précédentes, en
annexe 4, mettent en image un acte d’une extrême violence, les illustrations censurées ne sont
pas toujours aussi explicites. Dans les pages de Batman : The killing joke, de 1988, réédité en 2008,
la violence morale et physique est exposée crûment, seule la case où est visible la poitrine de
Barbara Gordon, plus connue sous le nom de Batgirl, a été modifiée (annexe 5). Le viol de la jeune
femme y est implicite, mais n’est nullement mentionné19. Ces deux exemples ont animé les
organisations féministes qui réclamaient une modification de scénario face à l’image de la faible
femme qu’il faut sauver. Ces critiques n’ont absolument rien changé quant à la publication de ces
récits. Il serait intéressant de découvrir qui tire réellement les ficelles de la censure dans cet
univers du comic books.
2. L’homosexualité
Continuellement à l’image de la société, et soutenue de plus en plus par le star-systeme, les
comic books regorgent de personnage homosexuels. Seulement, leur présence est dissimulée dans
les pages, et rarement exposée au grand public. Avec le soutien du président de l’époque, Barack
Obama, les gays sont projetés sur le devant de la scène20. Toutefois, avec les rivalités entre
maisons d’éditions, et les revendications des organisations puritaines américaines, les auteurs
doivent faire preuve d’imagination pour exploiter ces thèmes sans attirer le courroux de la
censure.
C’est DC Comics qui, le premier, avait célébré un mariage entre deux personnages du même
sexe dans The Authority n°29 (2002). Plus récemment, la maison d’édition a repensé l'orientation
sexuelle d'un de ses plus grands personnages. En 2012, un an après l’autorisation du mariage gay
par l’Etat de New-York, Marvel met en scène le mariage de Northstar avec un personnage du
même sexe dans Astonishing Xmen21.
Pourtant, DC comics semble faire marche arrière en février 2019. Il s’oppose à la publication
du mariage homosexuel de Batwoman. Cet évènement fait débat dans la communauté des fans
qui ne comprennent pas les décisions de l’éditeur.
18 OURY, Antoine. Batman : censurez-moi ce pénis que l’on ne saurait voir. Actualitté [en ligne], 21 septembre
2018 [consulté le 03/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.actualitte.com/article/bd-manga-comics/batman-censurez-moi-ce-penis-que-l-on-ne-saurait-voir/91012.
19 WATCHFUL. DC Comics : une sexualité bridée. DC Planet [en ligne], 27 octobre 2018 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.dcplanet.fr/237794-dossier-dc-comics-une-sexualite-bridee.
20 MAAD, Assma. Un super-héros homosexuel chez DC Comics. LE FIGARO [en ligne], 23 mai 2012 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web : http://www.lefigaro.fr/bd/2012/05/23/03014-20120523ARTFIG00650-un-super-heros-homosexuel-chez-dc-comics.php.
21 MAAD, Assma. Marvel : mariage homosexuel chez les super-héros de X-Men. LE FIGARO [en ligne], 25 mai 2012 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web : http://www.lefigaro.fr/bd/2012/05/25/03014-20120525ARTFIG00442-marvel-mariage-homosexuel-chez-les-super-heros-de-x-men.php.
13
Les préférences de la jeune femme ont été dévoilées dès le retour de ses aventures en solitaire
de 2006. A cette époque, il n’y eu pas de déferlante médiatisée autour d’une potentielle demande
de censure.
Officiellement, DC se défend d’être contre le mariage en général dans ses récits, et non des
relations homosexuelles22. Il est vrai que rares sont les mariages qui ont réellement aboutit à une
promesse heureuse. L’un des rares mariages heureux que connais cette maison d’édition est celui
de Superman et Lois dans Superman : the wedding album, de 1996. Les récentes promesses de
mariage dans l’univers DC comics se sont souvent retrouvées sans suite. Dans Green Arrow and
Black Canary wedding special de 2007, l’héroïne subit la ruse de la déesse Aphrodite qui avait
remplacé son fiancé par un de ses acolytes. En 2018, dans Batman : the wedding, le mariage de
Batman et Catwoman a également été annulé suites aux manigances d’une alliance entre les
criminels de cet univers.
De plus, une centaine de personnages ouvertement gays évoluent dans l’univers DC comics
depuis plusieurs années. Il en existe d’ailleurs tout autant chez Marvel. On peut remarquer, que la
majorité des personnages homosexuels sont secondaires dans les récits. On peut imaginer que le
but d’introduire ces personnages en arrière-plan de l’histoire est de les dissimuler aux associations
idéologiques tout en proclamant la liberté sexuelle. Cette hypothèse est soutenue par le coming
out du personnage populaire Alan Scott, plus connu en tant que Green Lantern, dans Earth 2 de
juillet 2012. Dès l’annonce de sa publication, les voix des associations américaine conservatrices,
dont One Million Moms, se sont élevées contre la venue de héros gays. Ils dénoncent le fait que
les « enfants sont exposés à l’homosexualité de plus en plus tôt » et que les maisons d’éditions
comme Marvel et DC comics « se servent de leurs super-héros pour semer le trouble »23.
On peut alors supposer que la maison DC comics a annulé la publication du mariage de
Batwoman effectivement pour continuer dans sa lancée des mariages non heureux, et également
pour éviter une déflagration de critique de la part des organisations conservatrices.
Dans une société encore partagée sur le sujet de la liberté sexuelle, les auteurs doivent donc
faire preuve d’imagination sous forme d’autocensure, pour publier des récits sans être contraint
par des réfractaires extérieurs puissants.
Conclusion
La popularité des comic books est due essentiellement à trois facteurs : la thématisations des
publications, la multiplication des éditeurs et l’apparition des super-héros. Dès leur création, les
récits faisaient échos aux phénomènes de société. Comme la plupart des médias en marges du
22 PIQUET, Caroline. DC Comics censure le mariage lesbien de Batwoman, les auteurs démissionnent. Slate [en
ligne], 07 septembre 2013 [consulté le 10/02/2019]. Disponible sur le web : http://www.slate.fr/culture/77432/batwoman-comics-mariage-lesbien-auteurs.
23 MAAD, Assma. Green Lantern, nouveau héros homosexuel de DC Comics. LE FIGARO [en ligne], 04 juin 2012 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web : http://www.lefigaro.fr/bd/2012/06/04/03014-20120604ARTFIG00563-green-lantern-nouveau-heros-homosexuel-de-dc-comics.php.
14
contrôle religieux et politique, aux Etats-Unis, ils ont enclenché d’importants mouvements de
protestation.
L’adoption du CCA par la grande majorité des maisons d’édition de comic books en 1954 a
apaisé les tensions populaires de l’époque. Les restrictions imposées aux éditeurs ont entrainé de
grandes modifications au paysage éditorial et au sein même des publications. Les récits d’horreur
se sont éteints pour la plupart. A la demande d’un public spécifique, des éditeurs ont fait le choix
de les vendre sous le manteau, comme les comics érotiques. Grâce au CCA, les récits de genres se
sont diversifiés et spécialisé en fonction du public. Les maisons d’éditions ont fait preuve
d’ingéniosité pour contrer la censure en créant des labels pour adultes.
L’univers des comic books a énormément évolué en presque quatre-vingt-dix ans. Les éditeurs
ont su s’adapter au fils du temps pour garder son lectorat et séduire de nouveaux lecteurs. Même
si des cas de censure sont toujours en œuvres, ils sont ponctuels et isolés. L’Histoire a enseigné les
méthodes pour anticiper les réactions négatives de la société afin de pouvoir exploiter des thèmes
plus ou moins librement.
Le comic code authority fait écho à la loi du 16 juillet 1949 en France. La promulgation de cette
loi a pour objectif la mise en place d’une surveillance et d’un contrôle des publications destinées à
la jeunesse. Elle stipule que les œuvres littéraires destinées à la jeunesse ne peuvent comporter «
aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant
sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la
débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse.
»24
Les cibles de cette loi étaient essentiellement les comic books américains, les bandes dessinées
belges et italiennes. D’ailleurs, la presse réservée aux jeunes devait respecter un quota de
publications d’œuvres d’auteurs français. Jusqu’en 1980, il y a eu énormément de cas de censure
pour respecter la loi. En 1954, par exemple, dans Hors-la-loi n°6 de Morris, la raison de la mort des
Daltons a été censurée25. Dans la première version, Bob Dalton est tué d’une balle dans la tête,
alors que sur la planche publiée, le personnage tombe dans un tonneau et les raisons de la mort
restent mystérieuses (annexe 6).
Avec le temps, les condamnations sont ponctuelles et de plus en plus anodines. De nos jours,
la censure est plus souvent le fait d’une autocensure, comme dans l’univers des comic books, que
d’une action juridique. Mais cette loi n’a jamais été abrogée et perdure dans l’ombre des auteurs
de bandes dessinées pour la jeunesse.
24 PASAMONIK, Didier. La Loi du 16 juillet 1949 a 60 ans. ActuaBD [en ligne], 21 juillet 2009 [consulté le
20/02/2019]. Disponible sur le web : <https://www.actuabd.com/La-Loi-du-16-juillet-1949-a-60-ans>. 25 COULANGE, Bernard. Toute la vérité sur la mort des Dalton. BDoubliées [en ligne], [consulté le 27/03/2019].
Disponible sur le web : < https://bdoubliees.com/journalspirou/sfigures3/luckyluke/index.htm>.
15
Bibliographie
Accusé de blasphème, DC Comics renonce à publier une BD imaginant le retour de Jésus et sa
collaboration avec un super-héros. Francetvinfo [en ligne], 20 février 2019 [consulté le
20/02/2019]. Disponible sur le web : < https://www.francetvinfo.fr/culture/bd/accuse-de-
blaspheme-dc-comics-renonce-a-publier-une-bd-imaginant-le-retour-de-jesus-et-sa-
collaboration-avec-un-super-
heros_3198743.html?fbclid=IwAR1fP_8mp6vePXbKurN7dP4qVL6R9g3tIPkBOrZC-
e_JZB2iJi90kNeHI9Y#>.
COULANGE, Bernard. Toute la vérité sur la mort des Dalton. BDoubliées [en ligne], [consulté le
27/03/2019]. Disponible sur le web : <
https://bdoubliees.com/journalspirou/sfigures3/luckyluke/index.htm >.
COWSILL, Alan, IRVINE, Alex, K. MANNING, Matthew, Mc AVENNIE, Michael, et Wallace, Daniel.
Les chroniques de DC Comics. Paris : Tournon-Semic, 2011. ISBN : 978-2-351000-644-3.
GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-
Unis. Nantes : Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.
HARLEY. DCPODCASTERS SPECIAL # : la censure chez les DC Comics. DC planet [en ligne], 06
octobre 2018 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web :
https://www.dcplanet.fr/238026-dcpodcasters-special-1-la-censure-chez-dc-comics.
MAAD, Assma. Green Lantern, nouveau héros homosexuel de DC Comics. LE FIGARO [en ligne], 04
juin 2012 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web :
http://www.lefigaro.fr/bd/2012/06/04/03014-20120604ARTFIG00563-green-lantern-
nouveau-heros-homosexuel-de-dc-comics.php.
MAAD, Assma. Marvel : mariage homosexuel chez les super-héros de X-Men. LE FIGARO [en ligne],
25 mai 2012 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web :
http://www.lefigaro.fr/bd/2012/05/25/03014-20120525ARTFIG00442-marvel-mariage-
homosexuel-chez-les-super-heros-de-x-men.php.
MAAD, Assma. Un super-héros homosexuel chez DC Comics. LE FIGARO [en ligne], 23 mai 2012
[consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web :
http://www.lefigaro.fr/bd/2012/05/23/03014-20120523ARTFIG00650-un-super-heros-
homosexuel-chez-dc-comics.php.
MOCASSIN. L’édition non censurée de Batman : White Knight ne verra pas le jour. DC planet [en
ligne], 22 juin 2018 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web :
https://www.dcplanet.fr/232920-ledition-non-censuree-de-batman-white-knight-ne-verra-
pas-le-jour.
OURY, Antoine. Batman : censurez-moi ce pénis que l’on ne saurait voir. Actualitté [en ligne], 21
septembre 2018 [consulté le 03/02/2019]. Disponible sur le web :
https://www.actualitte.com/article/bd-manga-comics/batman-censurez-moi-ce-penis-que-
l-on-ne-saurait-voir/91012.
16
PASAMONIK, Didier. La Loi du 16 juillet 1949 a 60 ans. ActuaBD [en ligne], 21 juillet 2009 [consulté
le 20/02/2019]. Disponible sur le web : <https://www.actuabd.com/La-Loi-du-16-juillet-
1949-a-60-ans>.
PASAMONIK, Didier. Mort officielle du « Comic Code Authority ». ActuaBD [en ligne], 24 janvier
2011 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.actuabd.com/Mort-
officielle-du-Comic-Code.
PIQUET, Caroline. DC Comics censure le mariage lesbien de Batwoman, les auteurs démissionnent.
Slate [en ligne], 07 septembre 2013 [consulté le 10/02/2019]. Disponible sur le web :
http://www.slate.fr/culture/77432/batwoman-comics-mariage-lesbien-auteurs.
WATCHFUL. DC Comics : une sexualité bridée. DC Planet [en ligne], 27 octobre 2018 [consulté le
12/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.dcplanet.fr/237794-dossier-dc-comics-
une-sexualite-bridee.
Annexes
Annexe 1 : Macaron du Comic code Authority
Annexe 2 : Planche non censurée, à gauche, et censurée, à droite, de la page 15 de Batman : White
Knight n°4, DC Comics, 2017
17
Annexe 3 : Planche non censurée de la page 33, Batman : Damned, DC Comics, 2018
Annexe 4 : Page 10-11 de Identity Crisis n°2, DC Comics, 2004
18
Annexe 5 : Extrait de la page 26 non censurée, à gauche, et censurée, à droite, de Batman : The
killing Joke, DC Comics, 1988, réédition 2008
Annexe 6 : Extrait non censuré, à gauche, et censuré, à droite, de Hors-la-loi, de Morris, 1954