19
La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics Code Authority AZZARELLO, Brian. Batman : Damned. DC Comics, 2018. ISBN : 1-40129-140-6. Université Rennes 2 Département Lettres UFR Arts, Lettres, Communication Licence Professionnelle des métiers du livre : Documentation et bibliothèque 2018-2019 Elodie MENU Outils de culture littéraire et artistique Enseignant Référent : S. DUPAS

La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

0

La censure des Super-Héros

dans les comic books :

Le Comics Code Authority

AZZARELLO, Brian. Batman : Damned. DC Comics, 2018. ISBN : 1-40129-140-6.

Université Rennes 2 Département Lettres

UFR Arts, Lettres, Communication Licence Professionnelle des métiers du livre :

Documentation et bibliothèque 2018-2019

Elodie MENU Outils de culture littéraire et artistique

Enseignant Référent : S. DUPAS

Page 2: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

1

Sommaire

Introduction ................................................................................................................................... 2

I. Histoire des comic books ....................................................................................................... 3

1. Des débuts prometteurs : 1934-1937 ............................................................................... 3

2. Âge d’or : 1938-1955 ......................................................................................................... 3

3. Âge d’argent : 1956-1968 .................................................................................................. 4

4. Âge de bronze : 1970-1979 ................................................................................................ 5

5. De l’époque moderne à nos jours ..................................................................................... 5

II. Comics Code Authority .......................................................................................................... 6

1. Association of Comic Magazine Publishers ....................................................................... 6

2. Création du Comic code Authority .................................................................................... 7

3. Conséquences du Comics Code Authority ......................................................................... 9

4. Abandon du Comic Code Authority ................................................................................... 9

III. Une sexualité qui fait débat ................................................................................................ 11

1. Les rapports sexuels......................................................................................................... 11

2. L’homosexualité ............................................................................................................... 12

Conclusion .................................................................................................................................... 13

Bibliographie ................................................................................................................................ 15

Annexes ........................................................................................................................................ 16

Page 3: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

2

Introduction

Au début du siècle dernier, l’allongement du temps consacré aux loisirs et l’explosion de

l’industrie culturelle envers les jeunes ont préparé le terrain pour l’avènement des comic books

aux Etats-Unis. Dès les années 1930, les jeunes deviennent des consommateurs actifs de cette

nouvelle forme de lecture.

La totalité de la culture de masse (télé, cinéma, radio, musique, …) était visée par les

défenseurs de la jeunesse. Les comic books étaient au centre des débats pour deux raisons

essentielles. D’une part, ils étaient initialement destinés aux enfants. D’autre part, ce sont des

supports culturels marginaux. Les éditeurs et auteurs n’ont, à l’époque, aucun soutien dans le

star-systeme, médiatique, politique et économique.

Les comic books sont étroitement liés à l’histoire et aux faits de société. Les thèmes abordés

ont parfois provoqué un torrent de reproches, et de haine envers ce média. Il était vu comme un

produit d’arriération sociale et intellectuelle par de nombreuses organisations populaires. En

1940, Sterling North, auteur de livre pour enfant, avait défini les comic books comme étant une «

honte nationale », un « cauchemar sur mauvais papier ». Selon lui, ils devaient être éradiqués au

nom de la littérature1. A la fin de cette décennie, Frederic Wertham, psychiatre germano-

américain avait engagé une croisade personnelle contre ce média, certain de protéger la jeunesse.

Sa chasse aux sorcières incita les éditeurs de l’époque à créer un code de censure afin de calmer

les esprits : le Comics Code Authority (CCA). Cette accréditation était à l’opposé du droit à la

liberté d’expression inscrite dans le premier amendement des Etats-Unis. C’est la raison pour

laquelle elle ne faisait pas office de loi, mais plutôt de guide, d’un contrat à respecter. A la suite de

sa création, les tensions se sont calmées. La plupart des éditeurs ont respecté les restrictions pour

maintenir leur popularité.

Mais les restrictions du CCA ont eu des répercussions à long terme sur l’industrie du comic

book. Des générations d’enfants ayant grandi en suivant des récits d’aventures fantastiques et

d’horreur ont grandi dans la frustration de la disparition de leurs monstres préférés et de

l’émergence d’aventures édulcorées. Devenus auteurs à l’âge adulte, une certaine vengeance

apparue à travers des illustrations et des récits dépassant bien au-delà les limites des thématiques

censurées de l’époque2. A partir des années 1990, le CCA est de plus en plus ignoré et la popularité

des aventures sombres, réservées à un public mature, explose. En 2011, le CCA est officiellement

abandonné par tous.

On peut alors se demander si les formes de censure se sont également éteintes avec l’arrêt du

CCA. Et si les plaintes reposent sur les mêmes thèmes qu’à la fin du XXème siècle.

La première partie de ce document est consacré à l’évolution des comics de leur création à

aujourd’hui. Ensuite, l’élaboration du CCA est expliquée un peu plus en détail dans une seconde

partie. Les derniers paragraphes sont centrés sur le sujet de censure le plus employé à notre

1 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :

Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1. 2 COWSILL, Alan, IRVINE, Alex, K. MANNING, Matthew, Mc AVENNIE, Michael, et Wallace, Daniel. Les chroniques

de DC Comics. Paris : Tournon-Semic, 2011. ISBN : 978-2-351000-644-3.

Page 4: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

3

époque. Les exemples développés sont essentiellement des publications des deux grandes

maisons d’édition de comic books : DC comics et Marvel. Pour terminer, la loi française de 1949

sur la création de la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la

jeunesse sera présentée. Elle a été promulguée essentiellement contre le contenu des comic

books américains3.

I. Histoire des comic books

1. Des débuts prometteurs : 1934-1937

Les premières planches, considérées comme étant les ancêtres des comic books d’aujourd’hui,

ont vu le jour en 1933 sur un fascicule de Gulf comic weekly, de la société pétrolière Gulf Oil. Elles

étaient offertes aux clients des stations-services de l’entreprise4. Durant la même année, Maxwell

Charles Gaines réalise que les pages des quotidiens peuvent être pliées en 2 pour obtenir un

format agréable pour les enfants. C’est la naissance des funnies on parade, publié par l’Eastern

color printing company. Suite à la popularité de ces produits, la société a publié, en 1934, Famous

Funnies, un magazine uniquement consacré à la bande dessinée4. Le premier comic book a vu le

jour.

Au début, les histoires reprenaient les aventures de personnages connus du grand public. Le

défis des premières maisons d’édition a été de publier de l’inédit, en fidélisant le lecteur. Donc,

dans l’idée d’offrir au public des contenus originaux et variés, Malcom Wheeler-Nicholson a créé la

maison d’édition DC comics en 1934. Après des débuts financiers difficiles, le premier numéro de

Détective comics est sorti en mars 1937, autour d’aventures policières et d’enquêtes. Il est à ce

jour encore publié. Les publications de genre explosent réellement à partir de 1938. On retrouve

des magazines sur les thèmes de la guerre, sur la science-fiction et des enquêtes policières

essentiellement4.

2. Âge d’or : 1938-1955

La popularité des comics est due essentiellement à trois facteurs : la thématisations des

publications, la multiplication des éditeurs et l’apparition de Superman. Entre 1938 et 1955, les

thèmes des aventures se diversifient, fidélisant les lecteurs à leurs personnages préférés. C’est

également l’avènement des super-héros qui deviennent incontournables dans le monde du comic

book. Cette période est définie comme étant l’âge d’or de ce média. Avec la fin de la guerre,

l’engouement des super-héros décroit, et les ventes de fascicules également.

En 1938, Superman est né de la plume de Sheldon Mayer. Il a fait sa première apparition dans

le magazine Action comics n°1 chez DC comics. Sa sortie est un réel succès et les tirages des

3 PASAMONIK, Didier. La Loi du 16 juillet 1949 a 60 ans. ActuaBD [en ligne], 21 juillet 2009 [consulté le

20/02/2019]. Disponible sur le web : <https://www.actuabd.com/La-Loi-du-16-juillet-1949-a-60-ans>. 4 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :

Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.

Page 5: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

4

fascicules passent de 200 milles à un demi-million d’exemplaire4. La maison d’édition a continué

sur sa lancée des super-héros avec la sortie de Batman, dans Detective Comics n°27, en mai 1939.

Dans le but de surfer sur la vague créée avec Superman, Martin Goodman fonde Marvel Comics,

autrefois nommé Timely comics, en 19395. En cinq ans, l’industrie du comic books a accru

exponentiellement pour atteindre une cinquantaine d’éditeur en 1939. Un bon nombre d’entre

eux ont publié des aventures de super-héros. C’est à partir de cette époque que ce type de

personnage fût représenté spécifiquement dans les comic books.

La période de la seconde guerre mondiale a servi de carburant au phénomène. Des

personnages patriotiques sont créés et envoyés au front. Ils combattent les espions nazi et

saboteurs japonais. Ils empêchent également les bombes atomiques de réduire en cendre des

villes d’innocents. Le plus connus d’entre eux est Captain America envoyé combattre les forces de

l’AXE dans Captain America Comics n°1, en décembre 1940. Le concept reposait sur le fait que

combattre les ennemis dans les comics donnait de l’espoir aux lecteurs quant à leur défaite.

En 1943, le rationnement du papier a eu un effet sur le nombre de pages par fascicule qui a

diminué pour un prix en continuelle augmentation. De plus, le monde des éditeurs évolue du fait

que certains d’entre eux partent sur le front, pour ne plus revenir par la suite. Après la guerre, la

gloire des super-héros décroît. Avec le retour de la paix, ils perdent un peu de légitimité. Donc les

éditeurs se sont concentrés sur les nouvelles modes, pour ne pas perdre leur public. Les jeunes

d’après guerres réclamaient des aventures de femmes athlétiques comme Wonder Woman, et

sauvages comme Sheena, reine de la jungle. Ce nouveau type de personnage est nommé « good

girl art » par les amateurs6. A partir de 1945, la plupart des aventures de comic books s’éloignent

du thème des super héros pour parler de romance, de western, d’humour adolescent, de crime et

d’animaux comiques. Avec l’intérêt pour les nouvelles technologies et les voyages spatiaux, la

science-fiction fait son apparition dans les fascicules.

Avec cette diversité éditoriale et thématique des comic books, de plus en plus de protestations

se sont dressées contre la publication de certaines illustrations, et thèmes abordés, jugés néfastes

pour le jeune public. La fin de l’âge d’or s’achève avec l’avènement du Comic Code Authority, créé

en 1954.

3. Âge d’argent : 1956-1968

L’âge d’argent est une nouvelle ère importante dans l’univers du comic book. Le Comic Code

Authority (CCA) a entrainé bon nombre de changements à la fois du côté éditorial et scénaristique.

Des maisons d’éditions ont fait faillite, généralement, à cause d’un manque de diversité dans

leurs aventures. Le commerce de comic books des années 1960 était gouverné par deux éditeurs

phares : DC comics et Marvel. Le CCA a également entrainé un grand nombre de modifications

dans les thèmes abordés dans les fascicules. Les récits d’horreurs ont, pour la plupart, disparus.

Aucune censure ne parvenait à les rendre acceptables aux yeux du CCA6. Quatre courants sont

5 Marvel Comics. Wikipédia, l’encyclopédie libre [en ligne]. Fondation Wikimedia, 2007 [consulté le 17/03/2019].

Disponible sur le web : < https://fr.wikipedia.org/wiki/Marvel_Comics>. 6 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :

Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.

Page 6: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

5

devenus alors populaires auprès du public : les récits de guerres, la science-fiction, le fantastique

(rejetons des histoires d’horreur) et les aventures à trame historique. Le western et les romances

ont continué leur envolée sous des formes édulcorées contraintes par le CCA.

Ces années ont vu naître la nouvelle génération de super-héros. C’est l’ascension d’une

nouvelle phase d’innovation et de nouveauté pour convenir au code de censure. En 1958, les

jeunes sont invités à interagir avec les auteurs et avec leurs pairs grâce au courrier des lecteurs,

créant ainsi la base de la communauté des fans. A cette époque, il y a eu un autre changement

social important qui entraina une augmentation des ventes de fascicules. Les adolescents et pré-

adolescents s’achetaient eux même leurs comic books. Ce loisir n’était plus supervisé par les

parents.

4. Âge de bronze : 1970-1979

Les années 1970 ont vu l’industrie des comics muter en profondeur. La société et les mœurs

ont beaucoup évoluées à cette période. Les aventures des super-héros sont le reflet des

problèmes et des débats populaires. Le succès des comic books croît de nouveau face à une

censure qui s’épuise.

Les éditeurs ont engagé des changements d’idéaux, en conséquence des débats idéologiques

autour de la guerre du Vietnam7. Les héros ont arrêté de combattre uniquement des malfrats et

mégalomanes, et luttent contre la haine et l’injustice.

En 1971, Marvel et DC mettent en scène des aventures autour des ravages de la drogue, en

écho avec le phénomène de la société de l’époque. Ces publications sont sorties sans le macaron

du CCA, et ont pourtant connu un grand succès. Les critères d’exclusion du CCA ont été réduits

suite à cela. Il était alors possible d’illustrer des problèmes sociaux de manière négative et dans un

but pédagogique. Des personnages monstrueux de la littérature ont pu de nouveau être mis en

lumière, comme dans the tomb of Dracula de la maison Marvel, en 1972.

A cette période, les enfants ayant connu les premiers comic books sont devenus adultes. Donc

de plus en plus d’adultes lisaient et achetaient les fascicules. Les auteurs ont alors du s’adapter à

cette explosion de demande de la part d’un public de plus en plus hétérogène. C’est le début du

succès des comics plus sombres, publié sans le macaron du CCA.

5. De l’époque moderne à nos jours

Dans les années 1980, l’univers des comic books s’est adapté aux différents publics, et à leurs

diverses attentes. La communauté de fan est active et participe de plus en plus à des évènements

dédiés à leurs héros, comme la convention annuelle du Comic Con de San Diego, fondée en 1970.

Bien qu’une nouvelle vague de censure fasse débat à la fin des années 1980 suite à la publication

d’illustrations obscènes, les maisons d’éditions s’émancipent doucement mais surement du CCA.

A cette période, les librairies spécialisées envahissent le pays. Ce phénomène est une aubaine

pour les petits éditeurs qui connaissent alors un succès croissant grâce à une plus grande visibilité

et à la qualité de leur contenu7. Ces commerces sont également des lieux d’échanges et de débats

7 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :

Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.

Page 7: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

6

entre la communauté de fan. Ce qui fait augmenter considérablement les ventes. Pourtant, dans

les années 1990, les librairies généralistes commencent à vendre des graphic novels. Ce sont des

albums regroupant les épisodes d’une même aventure, autrefois vendus en plusieurs fascicules.

Ce nouveau système de vente entraina une crise extrêmement grave de la vente directe des comic

books.

Aux yeux de la société, ce média ne passe plus uniquement pour un loisir enfantin et rivalise

avec la littérature classique. Sont publiées des histoires plus profonde, sophistiquée, parfois plus

sombre pour un public adulte, comme par exemple Secret war des maisons Marvel, en 2004

C’est également le début des labels pour adultes. Les maisons d’éditions ont décidé de créer

des collections réservées à un public spécifique afin de garder une liberté artistique tout en se

préservant des appels à la censure. Ainsi, le public était prévenu du contenu plus sombre et aux

illustrations plus crues que ne pourraient renfermer les autres fascicules. Ceux qui connaissent le

plus grand succès, encore de nos jours sont le Black label de DC comics et le Label Epic de Marvel.

A notre époque, les comic books connaissent toujours un grand succès. Ils touchent un public

de plus en plus large avec l’émergence des films sur les super-héros et la montée de loisir tels que

le cosplay. En revanche, ces nouveaux lecteurs se tournent généralement vers les graphic novels,

plus accessibles pour découvrir une aventure rapidement et entièrement. L’ère du numérique a

également un impact sur les ventes de fascicules, puisqu’ils sont également de plus en plus lus

illégalement en streaming. C’est dans cette société du web 2.0, que les éditeurs et auteurs

véhiculent des rumeurs plus ou moins avérées de censure pour amener des débats au sein de la

communauté de fan et augmenter les ventes.

II. Comics Code Authority

1. Association of Comic Magazine Publishers

A partir de 1946, dans une atmosphère tendue, post guerre mondiale et avec les signes d’un

début de guerre froide, les campagnes d’opinions contre la criminalité des jeunes se focalisent sur

des modes populaires en marges des valeurs chrétiennes et familiales de l’époque. La musique

Rock et les comic books sont, entre autre, les boucs émissaires de cette chasse aux sorcières. Ils

seraient une des causes profondes de la vague de délinquance juvénile.

C’est donc au pic de l’âge d’or des comic books, que ces derniers sont accusés d’être une des

sources principales de la corruption de la jeunesse américaine. La médiatisation disproportionnée

de cas isolés de délinquance juvénile inspirée de crimes trouvés dans les comics a amplifié

l’ampleur du phénomène. En 1947, un garçon de douze ans est retrouvé pendu, un comic book à

ses pieds. L'enquête de police conclut que le petit Billy Becker s'était suicidé en voulant imiter une

scène représentée dans les pages du fascicule. En 1948 trois garçons âgés de 6 à 8 ans avaient

essayé de pendre un autre enfant de 7 ans en s'amusant à remettre en scène un comic book8.

8 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :

Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.

Page 8: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

7

De plus, la croisade menée par Frederic Wertham, psychiatre germano-américain, contre

l’influence dévastatrice des comics croît en popularité. Ses discours et son profil professionnel, le

rend crédible auprès des parents et des autorités civiles et religieuses face à la montée de la

délinquance juvénile. Dans cette même période, des organisations religieuses (Committee on

Evaluation of Comic Books, fondée en 1948 par le révérend Murrell) et des associations de parents

diffusent des listes de comic books jugés acceptables aux yeux des valeurs chrétiennes et

familiales. Des groupes de personnes (des maires, des officiers de polices, des parents, des

groupes religieux, etc.) se sont permis de juger, stigmatiser et de censurer des comic books sans

autorisations législatives.

Jusqu’en 1949, des décrets et amendements à l’échelle locale se sont multipliés dans une

cinquantaine de villes américaines pour contrôler la publication des comics. A Los Angeles, en

1948, un décret municipal a été adopté interdisant, sous peine d’amende ou de prison, toutes

publications de fascicules contenant des scènes violentes. La même année, la législature de New-

York a promulgué une loi ayant pour but l’étude de chaque publication des comic books avant

l’autorisation d’une distribution. L'hystérie a atteint son paroxysme avec la déferlante d’autodafés

de comic books à partir de décembre 1948. Apportés « spontanément » par les enfants ou

collectés par les élèves d'écoles paroissiales, les fascicules étaient jetés en tas sur le sol avant

d'être brûlés en public9.

Pour éviter les autorités nationales de promulguer des lois de censure, les grands éditeurs de

l’époque ont créé l’Association of comic magazine publishers (ACMP) en 1948. Ils s’engageaient à

respecter un code d’autocensure autour de la nudité, de la représentation du crime, du sadisme,

du langage vulgaire, de la représentation positive du divorce et de la critique des groupes raciaux

et religieux9. Cette acte de paix de la part des professionnels de l’éditions ne calma que très

légèrement les colères et n’eut pas l’impact espéré. Donc, en 1950, le sénateur démocrate Estes

Kefauver a demandé à Frederic Wertham une enquête à propos de l’incidence des comic books

sur la délinquance juvénile. Il en est ressortit qu’ils n’étaient qu’une cause secondaire à ce

phénomène. Les mouvements contre les fascicules illustrés se sont temporairement apaisés suite

à la publication de cette enquête.

Pourtant, la lutte contre les comic books a persévéré pendant quelques années. Une autre

association de professionnels s’est donc formée dans le but de rédiger un code national

d’autorégulation des publications de comic books.

2. Création du Comic code Authority

Les sénateurs Hendrickson et Kefauver, entre avril et juin 1954, ont présidé une commission

dont le but était de « déterminer les possibles effets criminogènes sur les enfants des comic books

policiers et fantastiques » et d’examiner une éventuelle violation des lois fédérales. Des

professionnels de multiples domaines ont été entendus, dont Frederic Wertham, qui défendait

fermement l’interdiction de publication des comic books. Il était convaincu de protéger les enfants

9 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :

Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.

Page 9: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

8

des idées néfastes véhiculées par les comics. Pour une majorité d’expert, « les comic books étaient

inoffensifs pour les enfants équilibrés mais susceptibles d'influencer des enfants à problèmes »9.

La commission s’est achevée sur des accusations d’incitation à la délinquance de la part des

Editeurs. Il leur est également reproché de prioriser leur profits commerciaux au potentiel éducatif

de leurs produits.

Suite au mouvement de masse contre ce média, un petit groupe de professionnels des

maisons d’éditions de comic books s’est rassemblé à l’automne 1954 pour créer la Comics

Magazine Association of America (CMAA). Leurs objectifs étaient d’empêcher une nouvelle

diabolisation des comics par le grand public et de donner une meilleure image à ces créations

artistiques. Pour atteindre ces buts, le Comic Code authority (CCA) a été élaboré9. Il a été rédigé

principalement par Charles F. Murphy, magistrat municipal new yorkais, désigné comme secrétaire

exécutif de la CMAA, en collaboration avec des ministres du culte catholique, protestant, juif et

des mères de familles. Il est signé le 27 octobre 1954 par 26 éditeurs. Les articles du CCA

regroupaient les thèmes à proscrire des comic books : l’incitation au crime, à la violence et à la

torture, l’exhibition d’armes, les scènes sanglantes, de luxure, de dépravation, de nudité, de

sadisme, de masochisme et de viol, l’allusion aux morts vivants, aux vampires, aux loup-garou et

au cannibalisme, le langage inapproprié pour un jeune public, la moquerie ou la caricature de

personne en fonction du genre, de la couleur de peau, et de l’état physique. Le divorce ne pouvait

être suggéré ou caricaturé. Des articles encourageaient, au contraire, la valorisation des valeurs du

foyer et de la sainteté du mariage ainsi que le respect des parents et des figures d’autorité10. Dans

la pratique, il appartenait aux éditeurs de soumettre les planches qu'ils avaient l'intention de

publier à la CMAA. Celle-ci les examinait et ordonnait des modifications, le cas échéant, afin que

les illustrations soient en conformité avec le Code. Après correction, les planches devaient être

réexaminées pour recevoir le cachet d’autorisation du CCA.

Ce code ne faisait pas office de loi. Les éditeurs avaient la possibilité de refuser d’estampiller

leurs ouvrages par le macaron de censure (annexe 1). Seulement, les parents refusaient, la plupart

du temps, d’acheter un comic book à leur enfant sans l’assurance d’un contenu jugé approprié.

Les distributeurs, eux-mêmes, retournaient les fascicules s’ils ne comportaient pas la marque.

Certain éditeur ont donc adhéré par la suite au CCA en voyant leur chiffre d’affaire diminuer. Cette

« mascarade hypocrite » a été fortement critiquée par les professionnels non adhérents qui ont

accusé les membres du CMAA d’être « tombés dans le commercialisme ».

Cet évènement brisa le monde éditorial entre les auteurs qui militaient pour la liberté

artistique et ceux qui luttaient pour survivre dans le monde des affaires. Un évènement, bien plus

draconien que le CCA a contribué à briser la résistance des derniers éditeurs réfractaires. L’Etat de

New-York, en 1955, a adopté une loi sur l’interdiction de vente des comic books aux mineurs. Il

était alors interdit de publier, distribuer, vendre et posséder tous livres, brochures ou magazines

illustrés dont le titre comprenait les mots « crime », « sex », « horror » ou « terror » et dont le

contenu était consacré à la description d'actes relatifs aux quatre termes incriminés. Ainsi, les

10 PASAMONIK, Didier. Mort officielle du « Comic Code Authority ». ActuaBD [en ligne], 24 janvier 2011 [consulté

le 20/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.actuabd.com/Mort-officielle-du-Comic-Code.

Page 10: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

9

éditeurs, qui avaient presque tous leur siège social à New York ont été contraint à respecter cette

mesure11.

Ces réformes sont parvenues à calmer les communautés religieuses et familiales, mais elles

ont eu d’énormes conséquences sur l’industrie du comic book.

3. Conséquences du Comics Code Authority

À partir de 1956, les médias se firent de moins en moins l'écho de l'animosité du public envers

les comic books. L’aversion contre les comics a été fulgurante et s’est arrêtée aussi rapidement

après l’instauration du CCA et la disparition des comics d’horreurs10.

Le paysage éditorial de comic books a été appauvri par ces mesures restrictives. Les petits et

les très petits éditeurs ont été les victimes les plus directes de ces changements, alors que presque

aucun éditeur « important » en termes de volume de production ne fit les frais de la crise du

Comics code. Seul EC comics, connu essentiellement pour ses comic books d’horreur et satiriques,

a été directement visé et touché par le CAA. A cette époque, 900 personnes ont perdu leur emploi

suite aux modifications thématiques imposées par le nouveau règlement. Des maisons d’éditions

beaucoup trop contraintes par les nouvelles règles n’ont pas su se renouveler, et se sont

écroulées.

Des projets, initialement acceptables par le CMAA, ont parfois été refusés sous une volonté

idéologique ou politique extérieure aux ambitions du code de censure. En février 1956, EC comics

a publié Judgement Day dans Incredible Science Fiction n°33. L’aventure met en avant un

astronaute qui, à la fin de l’histoire, retire son casque et révèle sa couleur de peau. Ce détail

offensa un des membres du CMAA, qui menaça Bill Gaines, l’auteur du fascicule, de censurer son

ouvrage. Plusieurs cas similaires ont eu lieu, mais n’ont pas été ébruités afin de conserver la

crédibilité de la commission de censure.

Le CCA a tout de même fait progresser l’industrie du comic book en provoquant la séparation

des récits pour adultes, plus sombres et plus complexes, des récits tous publics. Dans les années

1980, DC comics apposait un label sur les couvertures des fascicules informant sur la tranche d’âge

cible du récit : E « everyone » concernant le large public, T « teen » pour les adolescents et M

« Mature » consacré aux adultes. Les années 1990 voient le jour des labels exclusivement pour

adultes : le Black label et VERTIGO de DC comics, et le Label EPIC de Marvel. C’est la création de

ces labels qui a enclenché officieusement, mais définitivement, le déclin de l’importance du CCA

aux yeux des lecteurs11.

4. Abandon du Comic Code Authority

Pendant une vingtaine d’année, les éditeurs se sont pliés aux règles du CCA. L’évolution des

idéologies sociétales et de l’émergence de problèmes sociaux et sanitaires comme la toxicomanie

chez les jeunes ont entrainé la modification des restrictions du code. Cette nouvelle liberté

artistique, cumulée à la publication de labels pour adultes a causé l’abandon progressif du CCA.

11 GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Nantes :

Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.

Page 11: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

10

Les normes du CCA contraignaient énormément les projets pédagogiques tels que les

campagnes contre la drogue. En 1971, Marvel a publié The amazing spider-man n°95-97, qui met

en scène des problèmes de toxicomanie. La même année, DC comics a sorti une aventure de

Green Lantern et de Green Arrow autour de l’addiction à la drogue du jeune Speedy, jeune

équipier de l’archer12. Suite à la popularité de ces numéros, les restrictions imposées par le CCA

ont été modifiées pour devenir plus abordables. Ainsi, les problèmes sociétaux et sanitaires ont pu

être abordés de manière pédagogique. Les références au sexe et l’emploi de grossièretés verbales

étaient également tolérés de plus en plus après l’adoucissement du code.

Dans les années 1980, la critique des comic books est devenue épisodique. Elle perdure

principalement à l’échelle locale et est de plus en plus absente dans les débats nationaux. Les

militants contre la montée de la violence ont, à cette époque, changé de boucs émissaires. La

télévision et le hard rock étaient alors au cœur des polémiques. D’ailleurs, les nouvelles lois locales

ne portaient plus exclusivement sur les comic books mais sur les contenus obscènes de tous les

media quels qu’ils soient.

Grâce à cette nouvelle liberté, un certain nombre d'auteurs s'étaient considérablement

émancipé des normes du CCA. Le contrôle exercé par le CMAA avait connu un recul considérable

pendant cette période. Le nombre de parution, sans le macaron dudit code, représentant des

scènes et illustrations violentes croit considérablement, dès le début de la décennie. Chez Marvel,

l’un des premiers exemples était la publication de Daredevil de Frank Miller en 1981. C’était le

début de la popularité des personnages brutaux et sanglant comme Wolverine et the Punisher.

Malgré le fait que DC Comics s’accroche longtemps au CCA, des publications sans le macaron dudit

code sont également distribuées. En 1986, Watchmen marque le début d’une ère nouvelle du

comic books pour adulte qui s’apparentent de plus en plus à de la littérature13.

Et pourtant, à la fin des années 1980, des débats sur un retour strict à la censure se font

entendre suite à des affaires de ventes de fascicules pornographiques. Les auteurs ont abusés de

cette nouvelle vague artistique, et sont allés au-delà des attentes des lecteurs. Marvel et DC ont

alors annoncé la mise en place de mesures imposant des limites à la liberté de leurs auteurs dans

le but de ne pas envenimer les tensions populaires.

Dans les années 1990, les maisons d’éditions ont su éteindre le brasier des protestations avant

qu’il ne réduise en cendre l’avancée prodigieuse des décennies précédentes. A la fin du XIXème

siècle, nombreuses sont les maisons d’éditions ayant arrêté de greffer le macaron du CCA sur leur

fascicules. Marvel ont été les premiers à abandonner définitivement les restrictions du code, en

1991. DC comics et Archie comics sont, quant à eux, les derniers à l’avoir délaissé en 201114.

Toutefois, des organisations conservatrices américaines continuent leur combat contre les

comic books. En février 2019, un projet de publication sur le retour du Christ a été annulé.

12 HARLEY. DCPODCASTERS SPECIAL # : la censure chez les DC Comics. DC planet [en ligne], 06 octobre 2018

[consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.dcplanet.fr/238026-dcpodcasters-special-1-la-censure-chez-dc-comics.

13 COWSILL, Alan, IRVINE, Alex, K. MANNING, Matthew, Mc AVENNIE, Michael, et Wallace, Daniel. Les chroniques de DC Comics. Paris : Tournon-Semic, 2011. ISBN : 978-2-351000-644-3.

14 PASAMONIK, Didier. Mort officielle du « Comic Code Authority ». ActuaBD [en ligne], 24 janvier 2011 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.actuabd.com/Mort-officielle-du-Comic-Code.

Page 12: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

11

L’histoire portait sur une collaboration entre Jésus Christ et le super-héros Sun-man. Ce dernier

devait recevoir l’enseignement pour devenir un vrai messie de l’humanité. Jugé comme

blasphématoire par une association de citoyens conservateurs américains, l’auteur, Mark Russell,

a renoncé à publier l’histoire15.

III. Une sexualité qui fait débat

1. Les rapports sexuels

Alors que le Comics Code Authority semble loin, la censure continue de frapper l’univers des

comic books. Dans une société où les démonstrations sexuelles sont de plus en plus présentes

dans les médias, elles restent sensiblement discrètes dans les aventures des supers-héros. Les

actes de censure font débat car ils ne sont pas cohérents aux yeux de tous.

Depuis l’avènement des comic books, les rapports sexuels sont, pour la plupart, suggérés mais

non illustrés explicitement. Les scènes de nudité se sont répandues vers les années 1990. Très vite,

elles se sont faites de plus en plus rare dès le début des années 2000. Dans un but commercial

essentiellement, et pour éviter une vague de désapprobation populaire, « la sexualité ne doit pas

choquer le public. »16 Dans l’album de Batman : the Widening Gyre (2009), les rapports sexuels

sont encore une fois uniquement suggérés. L’acte le plus explicite est un baiser entre deux

personnages. Et pourtant, tout le long de l’aventure, de nombreuses scènes violentes et

sanglantes y sont illustrées. La maison d’édition semble avoir engagé une autocensure en ce qui

concerne la sexualité. En 2017, DC comics a censuré les illustrations de Batman, white knight. La

scène de discussion entre Harley Queen et le Joker a été modifiée afin de ne pas voir la poitrine de

la demoiselle. Assise, nue sur un lit, Harley se voit maintenant vêtue de phylactères cachant ses

attributs féminins17 (annexe 2). L’autocensure va même plus loin en juin 2018. Le black label, qui

réunissait des aventures sombres pour un public mature, devient un magazine pour adolescent. La

liberté artistique subit alors un grand pas en arrière. A notre époque, où l’information circule très

rapidement et internationalement, on pourrait se demander si ces actes ont plus un but

commercial que réellement idéologique.

En 2018, la version censurée du second tirage des exemplaires de Batman : Damned, édité

sous le black label, a fait débat. La scène mettait en image le pénis de Bruce Wayne. L’illustration

censurée est présentée en couverture de ce document, l’extrait non censuré est en annexe 3. On

peut se demander si l’éditeur se méfie des réactions concernant les engagements artistiques qu’il

15 Accusé de blasphème, DC Comics renonce à publier une BD imaginant le retour de Jésus et sa collaboration

avec un super-héros. Francetvinfo [en ligne], 20 février 2019 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web : < https://www.francetvinfo.fr/culture/bd/accuse-de-blaspheme-dc-comics-renonce-a-publier-une-bd-imaginant-le-retour-de-jesus-et-sa-collaboration-avec-un-super-heros_3198743.html?fbclid=IwAR1fP_8mp6vePXbKurN7dP4qVL6R9g3tIPkBOrZC-e_JZB2iJi90kNeHI9Y#>.

16 WATCHFUL. DC Comics : une sexualité bridée. DC Planet [en ligne], 27 octobre 2018 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.dcplanet.fr/237794-dossier-dc-comics-une-sexualite-bridee.

17 MOCASSIN. L’édition non censurée de Batman : White Knight ne verra pas le jour. DC planet [en ligne], 22 juin 2018 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.dcplanet.fr/232920-ledition-non-censuree-de-batman-white-knight-ne-verra-pas-le-jour.

Page 13: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

12

ne se sent pas de défendre, ou si c’est un acte purement commercial jouant sur la polémique en

donnant de la valeur à l’album à partir de la censure18.

Dans le monde des comic books, il perdure donc des interrogations, et même des paradoxes

concernant les contenus censurés. Le thème du viol dans les récits de super-héros est, par

exemple, très fréquent, il est tantôt suggéré, tantôt explicite. Dans Identity crisis n°2 (2004),

Doctor light viole de manière assez explicite Sue Dibny. Alors que les planches précédentes, en

annexe 4, mettent en image un acte d’une extrême violence, les illustrations censurées ne sont

pas toujours aussi explicites. Dans les pages de Batman : The killing joke, de 1988, réédité en 2008,

la violence morale et physique est exposée crûment, seule la case où est visible la poitrine de

Barbara Gordon, plus connue sous le nom de Batgirl, a été modifiée (annexe 5). Le viol de la jeune

femme y est implicite, mais n’est nullement mentionné19. Ces deux exemples ont animé les

organisations féministes qui réclamaient une modification de scénario face à l’image de la faible

femme qu’il faut sauver. Ces critiques n’ont absolument rien changé quant à la publication de ces

récits. Il serait intéressant de découvrir qui tire réellement les ficelles de la censure dans cet

univers du comic books.

2. L’homosexualité

Continuellement à l’image de la société, et soutenue de plus en plus par le star-systeme, les

comic books regorgent de personnage homosexuels. Seulement, leur présence est dissimulée dans

les pages, et rarement exposée au grand public. Avec le soutien du président de l’époque, Barack

Obama, les gays sont projetés sur le devant de la scène20. Toutefois, avec les rivalités entre

maisons d’éditions, et les revendications des organisations puritaines américaines, les auteurs

doivent faire preuve d’imagination pour exploiter ces thèmes sans attirer le courroux de la

censure.

C’est DC Comics qui, le premier, avait célébré un mariage entre deux personnages du même

sexe dans The Authority n°29 (2002). Plus récemment, la maison d’édition a repensé l'orientation

sexuelle d'un de ses plus grands personnages. En 2012, un an après l’autorisation du mariage gay

par l’Etat de New-York, Marvel met en scène le mariage de Northstar avec un personnage du

même sexe dans Astonishing Xmen21.

Pourtant, DC comics semble faire marche arrière en février 2019. Il s’oppose à la publication

du mariage homosexuel de Batwoman. Cet évènement fait débat dans la communauté des fans

qui ne comprennent pas les décisions de l’éditeur.

18 OURY, Antoine. Batman : censurez-moi ce pénis que l’on ne saurait voir. Actualitté [en ligne], 21 septembre

2018 [consulté le 03/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.actualitte.com/article/bd-manga-comics/batman-censurez-moi-ce-penis-que-l-on-ne-saurait-voir/91012.

19 WATCHFUL. DC Comics : une sexualité bridée. DC Planet [en ligne], 27 octobre 2018 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.dcplanet.fr/237794-dossier-dc-comics-une-sexualite-bridee.

20 MAAD, Assma. Un super-héros homosexuel chez DC Comics. LE FIGARO [en ligne], 23 mai 2012 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web : http://www.lefigaro.fr/bd/2012/05/23/03014-20120523ARTFIG00650-un-super-heros-homosexuel-chez-dc-comics.php.

21 MAAD, Assma. Marvel : mariage homosexuel chez les super-héros de X-Men. LE FIGARO [en ligne], 25 mai 2012 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web : http://www.lefigaro.fr/bd/2012/05/25/03014-20120525ARTFIG00442-marvel-mariage-homosexuel-chez-les-super-heros-de-x-men.php.

Page 14: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

13

Les préférences de la jeune femme ont été dévoilées dès le retour de ses aventures en solitaire

de 2006. A cette époque, il n’y eu pas de déferlante médiatisée autour d’une potentielle demande

de censure.

Officiellement, DC se défend d’être contre le mariage en général dans ses récits, et non des

relations homosexuelles22. Il est vrai que rares sont les mariages qui ont réellement aboutit à une

promesse heureuse. L’un des rares mariages heureux que connais cette maison d’édition est celui

de Superman et Lois dans Superman : the wedding album, de 1996. Les récentes promesses de

mariage dans l’univers DC comics se sont souvent retrouvées sans suite. Dans Green Arrow and

Black Canary wedding special de 2007, l’héroïne subit la ruse de la déesse Aphrodite qui avait

remplacé son fiancé par un de ses acolytes. En 2018, dans Batman : the wedding, le mariage de

Batman et Catwoman a également été annulé suites aux manigances d’une alliance entre les

criminels de cet univers.

De plus, une centaine de personnages ouvertement gays évoluent dans l’univers DC comics

depuis plusieurs années. Il en existe d’ailleurs tout autant chez Marvel. On peut remarquer, que la

majorité des personnages homosexuels sont secondaires dans les récits. On peut imaginer que le

but d’introduire ces personnages en arrière-plan de l’histoire est de les dissimuler aux associations

idéologiques tout en proclamant la liberté sexuelle. Cette hypothèse est soutenue par le coming

out du personnage populaire Alan Scott, plus connu en tant que Green Lantern, dans Earth 2 de

juillet 2012. Dès l’annonce de sa publication, les voix des associations américaine conservatrices,

dont One Million Moms, se sont élevées contre la venue de héros gays. Ils dénoncent le fait que

les « enfants sont exposés à l’homosexualité de plus en plus tôt » et que les maisons d’éditions

comme Marvel et DC comics « se servent de leurs super-héros pour semer le trouble »23.

On peut alors supposer que la maison DC comics a annulé la publication du mariage de

Batwoman effectivement pour continuer dans sa lancée des mariages non heureux, et également

pour éviter une déflagration de critique de la part des organisations conservatrices.

Dans une société encore partagée sur le sujet de la liberté sexuelle, les auteurs doivent donc

faire preuve d’imagination sous forme d’autocensure, pour publier des récits sans être contraint

par des réfractaires extérieurs puissants.

Conclusion

La popularité des comic books est due essentiellement à trois facteurs : la thématisations des

publications, la multiplication des éditeurs et l’apparition des super-héros. Dès leur création, les

récits faisaient échos aux phénomènes de société. Comme la plupart des médias en marges du

22 PIQUET, Caroline. DC Comics censure le mariage lesbien de Batwoman, les auteurs démissionnent. Slate [en

ligne], 07 septembre 2013 [consulté le 10/02/2019]. Disponible sur le web : http://www.slate.fr/culture/77432/batwoman-comics-mariage-lesbien-auteurs.

23 MAAD, Assma. Green Lantern, nouveau héros homosexuel de DC Comics. LE FIGARO [en ligne], 04 juin 2012 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web : http://www.lefigaro.fr/bd/2012/06/04/03014-20120604ARTFIG00563-green-lantern-nouveau-heros-homosexuel-de-dc-comics.php.

Page 15: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

14

contrôle religieux et politique, aux Etats-Unis, ils ont enclenché d’importants mouvements de

protestation.

L’adoption du CCA par la grande majorité des maisons d’édition de comic books en 1954 a

apaisé les tensions populaires de l’époque. Les restrictions imposées aux éditeurs ont entrainé de

grandes modifications au paysage éditorial et au sein même des publications. Les récits d’horreur

se sont éteints pour la plupart. A la demande d’un public spécifique, des éditeurs ont fait le choix

de les vendre sous le manteau, comme les comics érotiques. Grâce au CCA, les récits de genres se

sont diversifiés et spécialisé en fonction du public. Les maisons d’éditions ont fait preuve

d’ingéniosité pour contrer la censure en créant des labels pour adultes.

L’univers des comic books a énormément évolué en presque quatre-vingt-dix ans. Les éditeurs

ont su s’adapter au fils du temps pour garder son lectorat et séduire de nouveaux lecteurs. Même

si des cas de censure sont toujours en œuvres, ils sont ponctuels et isolés. L’Histoire a enseigné les

méthodes pour anticiper les réactions négatives de la société afin de pouvoir exploiter des thèmes

plus ou moins librement.

Le comic code authority fait écho à la loi du 16 juillet 1949 en France. La promulgation de cette

loi a pour objectif la mise en place d’une surveillance et d’un contrôle des publications destinées à

la jeunesse. Elle stipule que les œuvres littéraires destinées à la jeunesse ne peuvent comporter «

aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant

sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la

débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse.

»24

Les cibles de cette loi étaient essentiellement les comic books américains, les bandes dessinées

belges et italiennes. D’ailleurs, la presse réservée aux jeunes devait respecter un quota de

publications d’œuvres d’auteurs français. Jusqu’en 1980, il y a eu énormément de cas de censure

pour respecter la loi. En 1954, par exemple, dans Hors-la-loi n°6 de Morris, la raison de la mort des

Daltons a été censurée25. Dans la première version, Bob Dalton est tué d’une balle dans la tête,

alors que sur la planche publiée, le personnage tombe dans un tonneau et les raisons de la mort

restent mystérieuses (annexe 6).

Avec le temps, les condamnations sont ponctuelles et de plus en plus anodines. De nos jours,

la censure est plus souvent le fait d’une autocensure, comme dans l’univers des comic books, que

d’une action juridique. Mais cette loi n’a jamais été abrogée et perdure dans l’ombre des auteurs

de bandes dessinées pour la jeunesse.

24 PASAMONIK, Didier. La Loi du 16 juillet 1949 a 60 ans. ActuaBD [en ligne], 21 juillet 2009 [consulté le

20/02/2019]. Disponible sur le web : <https://www.actuabd.com/La-Loi-du-16-juillet-1949-a-60-ans>. 25 COULANGE, Bernard. Toute la vérité sur la mort des Dalton. BDoubliées [en ligne], [consulté le 27/03/2019].

Disponible sur le web : < https://bdoubliees.com/journalspirou/sfigures3/luckyluke/index.htm>.

Page 16: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

15

Bibliographie

Accusé de blasphème, DC Comics renonce à publier une BD imaginant le retour de Jésus et sa

collaboration avec un super-héros. Francetvinfo [en ligne], 20 février 2019 [consulté le

20/02/2019]. Disponible sur le web : < https://www.francetvinfo.fr/culture/bd/accuse-de-

blaspheme-dc-comics-renonce-a-publier-une-bd-imaginant-le-retour-de-jesus-et-sa-

collaboration-avec-un-super-

heros_3198743.html?fbclid=IwAR1fP_8mp6vePXbKurN7dP4qVL6R9g3tIPkBOrZC-

e_JZB2iJi90kNeHI9Y#>.

COULANGE, Bernard. Toute la vérité sur la mort des Dalton. BDoubliées [en ligne], [consulté le

27/03/2019]. Disponible sur le web : <

https://bdoubliees.com/journalspirou/sfigures3/luckyluke/index.htm >.

COWSILL, Alan, IRVINE, Alex, K. MANNING, Matthew, Mc AVENNIE, Michael, et Wallace, Daniel.

Les chroniques de DC Comics. Paris : Tournon-Semic, 2011. ISBN : 978-2-351000-644-3.

GABILLIER, Jean-Paul. Des comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux Etats-

Unis. Nantes : Editions du temps, 2005. ISBN : 2-84274-309-1.

HARLEY. DCPODCASTERS SPECIAL # : la censure chez les DC Comics. DC planet [en ligne], 06

octobre 2018 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web :

https://www.dcplanet.fr/238026-dcpodcasters-special-1-la-censure-chez-dc-comics.

MAAD, Assma. Green Lantern, nouveau héros homosexuel de DC Comics. LE FIGARO [en ligne], 04

juin 2012 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web :

http://www.lefigaro.fr/bd/2012/06/04/03014-20120604ARTFIG00563-green-lantern-

nouveau-heros-homosexuel-de-dc-comics.php.

MAAD, Assma. Marvel : mariage homosexuel chez les super-héros de X-Men. LE FIGARO [en ligne],

25 mai 2012 [consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web :

http://www.lefigaro.fr/bd/2012/05/25/03014-20120525ARTFIG00442-marvel-mariage-

homosexuel-chez-les-super-heros-de-x-men.php.

MAAD, Assma. Un super-héros homosexuel chez DC Comics. LE FIGARO [en ligne], 23 mai 2012

[consulté le 12/02/2019]. Disponible sur le web :

http://www.lefigaro.fr/bd/2012/05/23/03014-20120523ARTFIG00650-un-super-heros-

homosexuel-chez-dc-comics.php.

MOCASSIN. L’édition non censurée de Batman : White Knight ne verra pas le jour. DC planet [en

ligne], 22 juin 2018 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web :

https://www.dcplanet.fr/232920-ledition-non-censuree-de-batman-white-knight-ne-verra-

pas-le-jour.

OURY, Antoine. Batman : censurez-moi ce pénis que l’on ne saurait voir. Actualitté [en ligne], 21

septembre 2018 [consulté le 03/02/2019]. Disponible sur le web :

https://www.actualitte.com/article/bd-manga-comics/batman-censurez-moi-ce-penis-que-

l-on-ne-saurait-voir/91012.

Page 17: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

16

PASAMONIK, Didier. La Loi du 16 juillet 1949 a 60 ans. ActuaBD [en ligne], 21 juillet 2009 [consulté

le 20/02/2019]. Disponible sur le web : <https://www.actuabd.com/La-Loi-du-16-juillet-

1949-a-60-ans>.

PASAMONIK, Didier. Mort officielle du « Comic Code Authority ». ActuaBD [en ligne], 24 janvier

2011 [consulté le 20/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.actuabd.com/Mort-

officielle-du-Comic-Code.

PIQUET, Caroline. DC Comics censure le mariage lesbien de Batwoman, les auteurs démissionnent.

Slate [en ligne], 07 septembre 2013 [consulté le 10/02/2019]. Disponible sur le web :

http://www.slate.fr/culture/77432/batwoman-comics-mariage-lesbien-auteurs.

WATCHFUL. DC Comics : une sexualité bridée. DC Planet [en ligne], 27 octobre 2018 [consulté le

12/02/2019]. Disponible sur le web : https://www.dcplanet.fr/237794-dossier-dc-comics-

une-sexualite-bridee.

Annexes

Annexe 1 : Macaron du Comic code Authority

Annexe 2 : Planche non censurée, à gauche, et censurée, à droite, de la page 15 de Batman : White

Knight n°4, DC Comics, 2017

Page 18: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

17

Annexe 3 : Planche non censurée de la page 33, Batman : Damned, DC Comics, 2018

Annexe 4 : Page 10-11 de Identity Crisis n°2, DC Comics, 2004

Page 19: La censure des Super-Héros dans les comic books : Le Comics … · 2019-04-30 · D’une pat, ils étaient initialement destinés au enfants. D’aute pat, ce sont des supports

18

Annexe 5 : Extrait de la page 26 non censurée, à gauche, et censurée, à droite, de Batman : The

killing Joke, DC Comics, 1988, réédition 2008

Annexe 6 : Extrait non censuré, à gauche, et censuré, à droite, de Hors-la-loi, de Morris, 1954