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L'apport du /aboratosre en vaccmolog~c Editorial

LAPPORT DU LABORATOIRE EN VACCINOLOGIE

Jean-Lou is K o e c k a

La vaccination est maintenant devenue un rite 6tendu & la quasi-totalite des populations humaines. Cette pratique a d6but6 de maniere empirique. En Asie centrale, au debut du second mill6naire, rhomme savait dej& se proteger de la variole en impr6gnant ses muqueuses nasales avec des squames recueillies chez des malades et attenuees par une conservation dans un mac6r&t de plantes. Malgre sa promotion par des personna- lites telles que Voltaire, cette forme de vaccination ne fat jamais repandue en Europe car elle soulevait mefiance et donc opposition.

Une seconde etape, toujours empirique, fat franchie gr&ce & I~douard Jenner & la fin du XVIII e siecle. ,~ force d'opini&tret6, Jenner a probablement reussi & imposer sa m~thode de vaccination variolique parce que I'utilisation de la vaccine, agent de la variole de la vache, etait moins inqui6tante pour la population.

La troisieme etape est pasteurienne. En maTtrisant le processus d'attenuation, Louis Pasteur a su faire 6voluer une technique empirique en une methode de pr6vention basee sur une demarche scientifique, emporte I'adh6sion de ses contemporains, ouvert la voie & la vaccination de masse et dress6 les bases d'une nouvelle discipline, la vaccinologie.

D~s Iors, le laboratoire a fait connaTtre des progrOs spectaculaires & la vaccinologie, tant il est vrai que cette derni6re a su integrer et faire evoluer positivement un hombre consi- d6rable d'autres disciplines, bacteriologie, virologie, immunologie, g6nomique, proteo- mique ou bioinformatique...

Le laboratoire de recherche est le premier implique, car les nouveaux vaccins y sont congus. Les approches choisies peuvent 6tre tres diff6rentes selon I'agent infectieux. Nous avons choisi d'illustrer I'apport de la recherche en vaccinologie par deux exemples, la tuberculose et I'infection due au VIH, qui sont les deux principales causes de mortalite par maladie infectieuse dans le monde. Caroline Dernangel montre comment la geno- mique peut aider & concevoir un vaccin antituberculeux plus sar et plus efficace. Fr6d~ric Tangy d6crit la construction d'un vecteur rougeole, permettant de vacciner en m~me temps contre le virus de rimmunodeficience humaine ou bien contre le virus West Nile. La vac- cination peut egalement s'adresser & des cibles non infectieuses. Sylvie Bay propose I'utilisation d'antig~nes osidiques pour construire un vaccin anticancereux capable d'61iminer les cellules tumorales.

a Laboratoire de biologie clinique H6pital d'lnstruction des Armies Robert-Picqu~ 351, route de Toulouse - B.P. 28 33998 Bordeaux-Armdes [email protected]

�9 Elsevier SAS.

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L'apport du laboratoire en vaccinologie

Avant de commercialiser un vaccin, le fabriquant doit absolument realiser des essais cliniques vaccinaux, au cours desquels le laboratoire jouera un r61e important pour verifier I'innocuite et I'immunog6nicite vaccinale. Emmanuel Vidor nous montre cependant que cette evaluation fait face & des contraintes particulieres, requerant un mode de fonctionnement specifique du laboratoire. Les biologistes pratiquant de I'immunos6rologie dans leur laboratoire le liront avec inter~t.

Une fois le vaccin commercialise et administre & grande ~chelle dans la population g6n6rale, la surveillance 6pid6miologique et microbiologique de la maladie cible est essentielle pour s'assurer de I'impact de la strat6gie choisie. Par exemple, I'utilisation du vaccin antipolio- my61itique par vole orale impose la detection systematique de mutants vaccinaux revertants dans I'environnement ou chez les sujets atteints de paralysie flasque. L'evaluation de la diversite g6n6tique infraspecifique des microorganismes par des techniques de typage mol6culaire permet de mieux appr6hender les modifications epid6miologiques qui suivent la mise en place d'un programme de vaccination. II est en particulier n~cessaire d'identifier et de d6terminer I'~volution dans le temps des genotypes associes & une haute virulence. Dans le cadre de la mise en place de la vaccination antipneumococcique, I'augmentation de I'incidence des infections pneumococciques dues & d'autres serotypes que ceux contre lesquels le vaccin protege a pu 6tre observee ;dans ce cas, seul le typage moleculaire permet de diff~rencier I'emergence de souches appartenant au m~me genotype (switch capsulaire) de la selection de nouveaux genotypes.

Ce volet microbiologique sera compl6t6 par un volet immunoserologique. Les etudes sero- epid6miologiques des maladies & pr6vention vaccinale repondent & des objectifs specifiques, bien definis ici par Rachel Haus-Cheymol. Cependant, la variabilit~ de I'immunogenicite vac- cinale devrait ~tre mieux prise en compte & I'avenir. Les facteurs g6n6tiques qui contr61ent la reponse immunitaire & un antigene vaccinal sont analyses par Fran?ois Tron.

Deux maladies viendront illustrer ces differents aspects, la rage et la coqueluche.

La rage est une maladie que la vaccination permet de prevenir mais aussi de guerir. Philippe Dubrous nous rappelle que certains g6notypes du virus rabique echappent & la protection vac- cinale actuelle, et nous montre aussi les difficult~s qu'il y a & etablir un seuil de protection.

I '6pidemiologie de la coqueluche a 6t6 modifi6e par la vaccination. Les nouveau-nes trop jeunes pour 6tre vaccines peuvent ~tre contamin6s par des adolescents et des adultes presentant des formes inhabituelles de la maladie. I 'importance du laboratoire dans la mise en place d'une strat~gie diagnostique de la coqueluche, utilisant des examens directs ou indirects, est sou- lignee par Nicole Guiso. Cet exemple est emblematique de I'impact des vaccinations sur I'adap- tation necessaire du laboratoire d'analyses de biologie medicale.

La vaccination est le plus bel outil que I'homme ait invente pour lutter contre les maladies infectieuses. Au cceur de la confrontation entre I'homme et I'agent pathogbne, la vaccino- Iogie en explore Iogiquement les deux facettes, microbiologique et immunologique. Mais elle etend son champ d'action au-del&, en canc6rologie ou dans le domaine de I'allergie. La vac- cinologie possede desormais une dimension pedagogique, sociale et politique. Elle s'exerce dans un cadre r6glementaire continuellement revis& Les experts consult6s pour la mise en place de cette r~glementation doivent s'appuyer sur des donnees objectives leur permet- tant d'evaluer au mieux le rapport benefice-risque pour un vaccin donn& Pour r6ussir le main- tien de taux de couverture vaccinale eleves dans la population et pour r6ussir la mise en place de nouveaux vaccins, il est essentiel de documenter scientifiquement I'efficacite et la secu- rite des strategies vaccinales. Le laboratoire est la structure qui presente probablement le meilleur rapport ,, coet-efficacite ,, pour atteindre cet objectif.

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