Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de Master
en sciences économiques
Par:
MEKA’A EBANG Paule Danielle
Titulaire du diplôme de maîtrise en Banque Monnaie Finance
Sous la direction du
Pr. SANDJI ETOGO Mireille
Agrégée des facultés de sciences économiques
Université de Yaoundé II
Année Académique 2014/2015
REPUBLIQUE DU CAMEROUN
Paix-Travail-Patrie
-------------
UNIVERSITE DE YAOUNDE II SOA
----------
FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET
DE GESTION
------------
REPUBLIC OF CAMEROON
Peace-Work-Fatherland
---------------
THE UNIVERSITY OF YAOUNDÉ II SOA
--------------------
THE FACULTY OF ECONOMICS AND
MANAGEMENT
---------------
LES FACTEURS DE L’EXCLUSION BANCAIRE
AU CAMEROUN
3
REMERCIEMENTS
Il relève d’un devoir de conscience de témoigner ma sincère gratitude à
l’endroit de tous ceux qui, de près ou de loin, ont œuvré à la réalisation de cette
œuvre.
Je commence naturellement par mon directeur de mémoire, le Professeur
Mireille SANDJI ETOGO, agrégée des Sciences Economiques, pour avoir
accepté de consacrer son précieux temps à diriger les travaux de ce mémoire, en
prodiguant en toutes occasions directives, conseils et encouragements.
Je remercie également le corps enseignant de la Faculté des Sciences
Economiques et de Gestion de l’Université de Yaoundé II, en particulier les
Professeurs Jean-Pierre FOUDA OWOUNDI, Désiré AVOM et Etienne
Modeste ASSIGA ATEBA, pour leur disponibilité et leur bienveillance.
Que mes camarades et amis Simon Pierre ONANA, Claude Aline ZOBO et
AROUNA KOUANDOU trouvent ici l’expression de ma sincère
reconnaissance, pour leurs conseils et orientations qui ont permis de rendre ce
travail plus accessible.
Je tiens enfin à adresser mes sincères remerciements à mon père, le Docteur
EBANG MVE Urbain Noel, à ma tendre mère, Madame Céline Lydie Ebang,
ainsi qu’à toute ma famille pour leur soutien constant et multiforme.
4
L’université n’entend donner aucune
approbation, ni improbation aux opinions émises
dans ce mémoire : elles doivent être considérées
comme propres à l’auteur.
5
Résumé :
L’objectif de ce travail est d’identifier les facteurs explicatifs de l’exclusion bancaire au
Cameroun. Pour ce faire, nous nous servons de données issues de la base Global Findex,
construite par la Banque Mondiale dans l’optique de collecter des informations sur les
pratiques financières à travers le monde, d’identifier les exclus bancaires et de mesurer
continuellement l’impact des politiques d’inclusion financière. Ces données sont le fruit d’une
enquête menée en 2011 dans 123 pays dont le Cameroun, sur un échantillon de 1000
individus par pays. Pour déterminer les causes de l’exclusion bancaire au Cameroun, nous
utilisons un modèle logit simple inspiré des travaux d’Allen et al. (2012). Deux indicateurs
d’exclusion sont retenus, à savoir la détention d’un compte bancaire et la détention d’une
carte de paiement. Une régression logistique permet d’identifier les facteurs qui influencent
ces deux formes d’exclusion bancaire. On aboutit alors aux résultats suivants : du côté de
l’offre, la probabilité de détenir un compte bancaire est une fonction croissante de la
documentation, de la richesse et de l’âge ; tandis que la probabilité de détenir une carte de
paiement est une fonction croissante de l’âge et de la richesse, elle n’est pas significativement
influencée par les exigences documentaires. Du côté de la demande, la probabilité de détenir
un compte bancaire et une carte de paiement est une fonction croissante de la proximité, de
l’éducation, de la richesse et de la confiance envers les institutions bancaires. Par ailleurs,
les facteurs les plus pertinents pour expliquer l’exclusion bancaire au Cameroun sont les
exigences documentaires du côté de l’offre, et la richesse, la confiance et la proximité, du côté
de la demande. Ces facteurs affectent la probabilité pour un individu d’être exclu
respectivement à hauteur de 49,81%, 19,59%, 10.04% et 16,6%. Les pouvoirs publics
devraient donc dans un premier temps limiter à un niveau raisonnable les exigences
documentaires à remplir pour pouvoir accéder aux services bancaires ; et ensuite, intensifier
la lutte contre la pauvreté, ce qui aura pour effet de favoriser l’accès de la grande masse aux
services bancaires. Par ailleurs, dans l’optique de relever le défi de couverture géographique
du territoire national, les pouvoirs publics pourraient accompagner les banques dans
l’extension de la m-banking ; en outre, pour assurer la couverture des zones les plus
démunies en infrastructures bancaires, les établissements de crédit pourraient s’associer à
des opérateurs économiques installés dans lesdites, pour ouvrir dans les locaux desdits
opérateurs des guichets ou installer des DAB.
6
Abstract :
The aim of this work is to identify the explanatory factors of banking exclusion in
Cameroon. With this intention, we made use of data resulting from the Global Findex
database, built by the World Bank in order to identify the financial excluded over the world
and to continuously measure the impact of financial inclusion policies. These data are
provided from a survey conducted in 2011, in 123 countries of which Cameroon, on a sample
of 1000 persons per country. To determine the causes of banking exclusion in Cameroon, we
use a simple model logit inspired of Allen and al’s paper (2012). We choose two exclusion
indicators, namely the detention of a bank account and the detention of a purchasing card. A
logistic regression makes it possible to identify the factors which influence these two types of
banking exclusion. We found that, on the supply side, the probability of having a bank account
is an increasing function of documentation, wealth and age. Furthermore, while the
probability of holding a purchasing card is an increasing function of the age and wealth, it’s
not significantly influenced by the documentary requirements. On the demand side, the
probability of having both a bank account and a purchasing card is an increasing function of
proximity, education and confidence towards banking institutions. In addition, documentary
requirements are the most relevant factors to explain banking exclusion on the supply side,
while wealth, confidence and proximity are more relevant on demand side. These factors
respectively have an influence of 16,6%, 49,81%, 19,59% and 10,04% on the probability of
being excluded. Therefore, Government should take measures in order to reduce documentary
requirements and intensify the fight against poverty. Furthermore, in order to improve
financial access in rural areas, banks could open counters or install more ATM thanks to an
association with local economic operators.
8
Avec un tissu bancaire peu dense, en comparaison à ceux des pays riches, et actuellement composé
de 13 banques en activité (Conseil National du crédit, 2014), le système bancaire camerounais est l’un
des plus importants de la CEMAC. Il a pour principaux traits caractéristiques une forte concentration
et un état perpétuel de surliquidité1.
La concentration s’appréhende aussi bien géographiquement qu’en termes d’activité. Si l’on s’en
tient à l’aspect géographique de la concentration, les agences bancaires camerounaises sont surtout
localisées en zones urbaines, avec une préférence avérée pour les grandes métropoles du pays que sont
Douala et Yaoundé. Ceci au détriment des milieux ruraux qui s’assimilent plutôt à des déserts
bancaires (Avom et Eyeffa Ekomo, 2007).
Le tableau 1 (voir annexe 1) donne une illustration de cette situation en mettant en exergue la
répartition inégale des banques sur le territoire national. On observe que les régions du Littoral et du
Centre-Sud-Est concentrent respectivement 86 et 62 agences bancaires à elles deux (Conseil National
du Crédit, 2014), soit 182 agences sur un total de 217 recensées dans le pays. En pourcentage, cela
équivaut à 83,87% de l’ensemble des agences bancaires.
Par ailleurs, au sein même des villes, il existe des disparités entre centre et périphérie. Les
quartiers périphériques et ceux abritant les couches les plus défavorisées de la population sont
délaissés par les banques. Ces dernières préfèrent s’installer dans les quartiers huppés et au niveau du
centre urbain.
Si l’on considère à présent le niveau d’activité comme critère de concentration, on observe que sur
13 banques que compte le système bancaire camerounais, une minorité d’entre elles détient un grand
nombre de parts de marché. Il s’agit de la SGBC, la BICEC, ECOBANK, la SCB et Afriland First
Bank qui concentraient 74% des crédits octroyés et 73,6% des dépôts collectés en décembre 2013
(MINFI, 2014). Le tableau 2 (voir annexe 1), présente les statistiques individuelles de chacune de ces
banques en janvier 2014.
A l’observation, la SGBC, la BICEC et Afriland First Bank arrivent en tête, suivies d’ECOBANK
et de la SCB qui se distinguent également du reste des banques commerciales. On peut attribuer à ces
dernières, qui sont au nombre de 8, les parts restantes de crédit et de dépôts qui ne s’élèvent
respectivement qu’à 26% et 26,4%.
En ce qui concerne deuxièmement la surliquidité, elle traduit une situation dans laquelle la
trésorerie bancaire est toujours excédentaire. Le dispositif réglementaire de la CEMAC prévoit que
1 La surliquidité bancaire traduit une situation dans laquelle la trésorerie bancaire est en permanence
excédentaire (Avom et Eyeffa, 2007)
9
toute banque dont le ratio de liquidité est supérieur à 100%, est en situation de surliquidité. Depuis
1993, les ratios de liquidité des banques camerounaises sont supérieurs à cette norme (COBAC, 2003).
Parallèlement à cet état de surliquidité, les banques sont frileuses dès lors qu’il s’agit de s’engager
dans le financement de l’économie (Joseph, 2000 ; Avom et Eyeffa, 2007)2. Elles proposent des crédits
à des taux hors de la portée de la grande masse, moyennant en outre des garanties d’un niveau élevé.
La configuration ainsi présentée du système bancaire camerounais est la résultante des
restructurations consécutives à la crise bancaire survenue au milieu des années 80. Ces restructurations
visaient, pour les autorités monétaires, à éviter l’effondrement du système fortement secoué par la
chute du montant des dépôts, la fuite des capitaux, le recours des banques secondaires à des ressources
autres que les dépôts ainsi que la dégradation de la rentabilité bancaire.
Il s’avérait alors impératif de procéder à un changement du cadre institutionnel et de mettre en
œuvre une politique monétaire moins laxiste. C’est ainsi que la COBAC vit le jour, son avènement
constituant l’épine dorsale du changement institutionnel3.
Si la mise en œuvre de ces réformes a permis de limiter les dégâts systémiques, elle a également
profondément influencé les comportements des banques qui se sont repositionnées spatialement et qui,
dorénavant soucieuses de respecter les normes édictées à travers les ratios prudentiels, sont devenues
moins enclines à accorder des prêts (Joseph, 1998).
C’est donc dire que la concentration et la surliquidité bancaires observées au Cameroun sont en
quelques sortes un effet pervers des réformes prises pour mettre un terme à la crise. Ces
caractéristiques du système bancaire constituent malheureusement une brèche pour l’exclusion
2 Selon Fouda Owoundi (2009), trois raisons peuvent être avancées pour l’expliquer : le rapatriement des
capitaux spéculatifs, qui avaient été massivement placés hors de la BEAC par anticipation de la dévaluation ;
le mauvais climat des affaires, qui serait de nature à accroître l’aversion au risque des banques ; ainsi que
l’incompatibilité pour les banques à convertir les ressources courtes en emplois longs.
3 Aussitôt qu’elle fut mise sur pied, la COBAC a entrepris de définir des ratios prudentiels et de mettre en
place un système de cotations des établissements de crédit (SYSCO) représentent ses principaux moyens
d’action. S’agissant des ratios, ils sont au nombre de cinq et permettent à la COBAC de remplir ses missions
de supervision et de contrôle des institutions bancaires. Il s’agit du ratio de fonds propres nets (qui doit être
positif), du ratio de solvabilité (minimum 5%), du ratio de couverture des immobilisations (minimum 100%),
du ratio de liquidité (minimum 100%) et du ratio de transformation à long terme (100%). Le système de
cotation des établissements de Crédit est basé sur une évaluation de la santé individuelle des banques, qui
elle-même s’appuie sur le calcul des scores et des cotes permettant d’apprécier périodiquement la situation de
chaque établissement de crédit, par rapport au respect des normes réglementaires et des dispositifs de gestion
interne.
10
bancaire, qui loin d’être une préoccupation récente, alimente depuis plusieurs années les débats relatifs
à la croissance et à la lutte contre la pauvreté dans le monde.
En effet, l’expression exclusion bancaire a été forgée en 1993 par des géographes anglais inquiets
de la limitation de l’accès physique de certaines populations aux services bancaires suite à la fermeture
d’une série d’agences bancaires (Leyshon et Thrift, 1995). C’est seulement en 1999 que cette
expression a réellement été utilisée pour faire référence aux personnes ne jouissant que d’un accès
limité aux services bancaires de base (Kempson et Whyley, 1999).
Au fil du temps, ce concept a considérablement évolué et la définition communément admise est
celle du centre Walras, fondée sur les travaux de Gloukoviezoff (2004) qui voit en l’exclusion
bancaire4 « un processus par lequel une personne rencontre de telles difficultés d’accès et/ou d’usage
dans ses pratiques bancaires qu’elle ne peut plus mener une vie sociale normale». Ainsi, une situation
d’exclusion bancaire n’est définissable que par rapport aux conséquences sociales des difficultés qui la
composent.
Ces difficultés découlent de la nécessité pour les particuliers de recourir aux produits bancaires
pour mener une vie normale alors même qu’ils sont fournis par des établissements soumis à des
contraintes de rentabilité. La clé de compréhension de l’exclusion bancaire se trouve donc au cœur
même du processus de financiarisation des sociétés contemporaines en faveur duquel les produits
bancaires sont devenus quotidiennement indispensables.
La financiarisation désigne en effet « un ensemble de contraintes à l’emploi des moyens de
paiement et de règlement, au recours au crédit et à la protection contre les risques. Contraintes qui
agissent de façon différente, directe ou indirecte, tant au Nord qu’au Sud, individuellement sur les
personnes et les entreprises, et collectivement sur les groupes sociaux » (Servet, 2004b). Ainsi, selon
qu’une société est fortement financiarisée ou non, l’ampleur et les conséquences de l’exclusion
bancaire seront plus ou moins sévères.
Les sociétés contemporaines se caractérisent généralement par des degrés élevés de financiarisation
dans la mesure où les produits et services bancaires y sont quasiment indispensables pour réaliser les
transactions de la vie ordinaire telles que la perception d’un revenu ou de prestations sociales, le
règlement des factures (d’eau, d’électricité, de téléphone…), la réalisation d’un achat (à l’aide d’une
carte de crédit ou via internet, etc.). Pouvoir accéder aux services bancaires constitue alors un élément
clé d’intégration au sein desdites sociétés.
4 Le qualificatif bancaire fait référence au livret d’épargne, au compte de dépôt ou courant, aux moyens de
paiement scripturaux.
11
Toutefois, l’exclusion bancaire ne se limite pas aux difficultés d’accès. Elle possède en tout trois
dimensions, qui selon Constans (2006) ne se recoupent pas entre elles et dont l’addition serait erronée.
Il opère donc la distinction suivante :
- l’exclusion bancaire au sens propre du terme, c’est-à-dire les personnes dépourvues
de compte bancaire. Il s’agit encore de la bancarisation qui désigne l’équipement de la population
en produits bancaires. On considère généralement qu’une personne est bancarisée si elle possède
un compte dans une institution bancaire formelle. Or, l’accès approprié aux produits rentre en
ligne de compte dans une perspective d’inclusion bancaire. Les produits doivent être adaptés,
c’est-à-dire que leur offre, leur structure et leurs coûts ne doivent pas causer des problèmes
d’accès et/ou d’usage aux clients. Il est donc admis que l’exclusion du compte constitue le premier
degré de l’exclusion bancaire, car il ne suffit pas de posséder un compte pour être financièrement
inclus ;
- l’exclusion des moyens de paiement qui concerne les personnes possédant déjà un
compte auprès d’une institution bancaire, mais qui se heurtent à des difficultés d’usage liées au fait
qu’elles ne possèdent pas les moyens de paiement scripturaux nécessaires (Cartes bancaires,
chéquier …). Il en résulte d’une part qu’elles sont contraintes d’utiliser des espèces pour réaliser
des transactions (ce qui comporte des risques de vol ou de perte ou qui peut s’avérer stigmatisant
dans des sociétés très financiarisées), et d’autre part qu’elles doivent toujours se plier aux horaires
d’ouverture des banques pour pouvoir effectuer des transactions (notamment les retraits d’argent).
Ne pas posséder un minimum d’instruments de paiement peut s’avérer particulièrement
préjudiciable ;
- l’exclusion du crédit constitue le troisième et dernier niveau d’exclusion bancaire.
Elle fait prendre conscience de ce qu’un individu peut bien posséder un compte en banque ainsi
que les instruments de paiement nécessaires, mais se heurter tout de même à des difficultés liées à
l’obtention d’un crédit. A l’origine d’une telle exclusion se trouve ce que les banques appellent
l’éligibilité principalement fondée sur les capacités de remboursement du solliciteur. Ainsi, le flux
de revenu, le patrimoine et le niveau d’endettement de ce dernier constituent des indicateurs
déterminants dans ce processus.
Dès lors les difficultés bancaires entrainent des conséquences néfastes, ce d’autant plus qu’il est
admis dans la littérature économique que le recours aux services bancaires contribue à la réduction de
la pauvreté et des inégalités, et favorise la croissance économique (Banque Mondiale, 2012). Ce lien
positif entre système financier et croissance économique a été mis en évidence par plusieurs travaux
dont ceux de Goldsmith (1969) et Shaw (1973), précurseurs en la matière.
12
Se situant dans le même sillage, Claessens (2005) met en lumière l’existence d’une forte relation de
causalité entre la profondeur financière d’un pays et le niveau de développement économique de celui-
ci. Le développement économique d’un pays serait alors une fonction croissante de son degré de
profondeur financière.
Pour Dupas et Robinson (2009), l’accès aux services bancaires aurait un impact positif direct sur
l’épargne, la consommation et l’investissement productif, variables dont la contribution positive à la
croissance n’est plus sujet à débat.
Dans le même ordre d’idées Kendall, Mylenko et Ponce (2010) démontrent que la finance améliore
de façon substantielle les conditions d’existence des couches les plus fragiles en contribuant à la
satisfaction des besoins essentiels (santé, éducation…), à la maîtrise des risques de l’existence, ainsi
qu’en permettant la projection dans l’avenir (à travers l’investissement).
Par ailleurs, Ashraf et al. (2010) soulignent que le recours aux services bancaires constitue un
instrument clé pour l’atteinte des OMD, notamment ceux relatifs à la pauvreté, l’éducation, la santé,
voire l’autonomisation des femmes.
En fin de compte, l’accès aux services financiers est constamment remis au goût du jour dans la
mesure où la réduction de la pauvreté, l’amélioration des conditions de vie des populations et la
croissance économique sont de perpétuels enjeux socioéconomiques. Dès lors, faciliter l’accès des
particuliers aux services bancaires devrait donc constituer un objectif prioritaire dans l’agenda du
développement des PVD en général et du Cameroun en particulier.
S’agissant de ce pays, s’il semble porter en lui les germes de l’exclusion bancaire en raison de son
organisation et son fonctionnement actuels, il n’en demeure pas moins que les facteurs de ce problème
qui s’y pose avec une acuité particulière, sont à rechercher bien plus loin. En effet, le taux de
bancarisation au Cameroun ne s’élevait qu’à 4%5 en 2010 selon des experts du Ministère des Finances,
avec un faible taux de densité bancaire6.
A contrario, les pays riches tels que les Etats-Unis, l’Allemagne ou encore la France connaissent
des taux de bancarisation très élevés7, de forts taux de densité bancaire et une faible utilisation des
numéraires dans les transactions courantes. Dans ces pays-là, les institutions bancaires jouent
pleinement leur rôle d’intermédiaire financier en collectant des fonds auprès d’individus à capacité de
financement pour les allouer de façon optimale, là où ils sont le plus rentables (Gansinhoundé, 2008).
5 Ce taux de bancarisation comprend aussi bien les comptes dans les établissements bancaires que dans les
institutions de microfinance. 6 La densité bancaire était d’une banque pour 124 536,585 habitants en 2010 selon la COBAC. 7 Dans ces pays-là, les taux de bancarisation surpassent généralement 90%.
13
En dépit de toutes les vertus reconnues aux services bancaires8, force est de constater que dans les
PVD la finance informelle reste prédominante (Banque
Mondiale, 2012). Le Cameroun n’échappe pas à cette réalité. Le rapport principal ECAM III (2007)
révèle que seulement 27,4% de camerounais possèdent une épargne et seulement 5,5% ont reçu une
réponse favorable à une demande de crédit auprès d’une banque.
Les personnes ainsi maintenues à l’écart ou éconduites du système bancaire finissent généralement
par se replier sur des prestataires informels de services financiers. Pourtant, les coûts proposés par ces
derniers sont très souvent plus prohibitifs et leurs activités ne profitent pas pleinement à l’économie,
car elles encouragent la thésaurisation et plombent l’activité économique9.
Or, le Cameroun s’est résolument engagé sur la voie de l’émergence à travers l’élaboration,
l’adoption et la mise en œuvre amorcée d’une stratégie pour la croissance et l’emploi. La réalisation
d’une telle ambition passe par la construction d’un système bancaire plus inclusif10, qui constitue un
levier de croissance et un important outil de réduction de la pauvreté et des inégalités sociales (Beck,
Demirguc-kunt et levine, 2004a).
A cet effet, la démarche indiquée consiste à procéder à l’identification préalable des causes de
l’exclusion bancaire afin de pouvoir élaborer et mettre en œuvre les politiques publiques conséquentes
(Gloukoviezoff, 2010), tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’un phénomène multidimensionnel et
dont les facteurs sont fortement influencés par le contexte national.
Ceci nous amène à la question fondamentale de l’étude : « quels sont les facteurs
explicatifs de l’exclusion bancaire au Cameroun ? »
Cette étude revêt un double intérêt théorique et pratique. S’agissant du premier aspect, elle
contribue non seulement à l’enrichissement de la littérature relative à l’exclusion bancaire, mais aussi à
la vulgarisation des mécanismes de ce phénomène au Cameroun.
En effet, pendant longtemps les travaux menés se sont cantonnés au traitement de la bancarisation,
laquelle ne constitue pourtant qu’un aspect de la vaste problématique de l’accès aux services
financiers. Ainsi, cette étude ne se limite pas à la possession d’un compte ou d’une carte de paiement
8 En plus de réduire la pauvreté et de favoriser la croissance économique, les services bancaires (moyens de
paiement, épargne, crédit etc.) participent à l’amélioration du bien-être des particuliers en ouvrant les vannes
de la consommation, en leur permettant de se prémunir contre les aléas et même d’investir dans l’éducation
ou toute autre forme de projets porteurs (Honohan et King, 2012). 9 L’Etat ne peut par exemple pas prélever de taxes sur de telles activités. Il en résulte un manque à gagner dont
l’importance s’accroit avec l’ampleur desdites activités. 10 Notamment à travers la mobilisation de l’épargne des ménages bancarisés qui sera injectée dans l’économie
sous forme de concours bancaire.
14
comme indicateur d’inclusion bancaire : elle met en lumière l’exclusion de l’intérieur à laquelle sont
confrontées les personnes détenant déjà les instruments sus évoqués.
Il en découle naturellement un intérêt pratique à travers la construction d’un système bancaire
camerounais plus inclusif, rendu possible grâce aux recommandations de politiques économiques qui
seront formulées et proposées à l’issue de ce travail.
L’objectif principal de ce travail est d’identifier les facteurs explicatifs de l’exclusion bancaire au
Cameroun. Pour ce faire, il repose sur l’hypothèse principale selon laquelle l’exclusion bancaire est
influencée simultanément par des caractéristiques institutionnelles et des caractéristiques
socioéconomiques de la population camerounaise.
Il en découle deux hypothèses secondaires :
H1 : les caractéristiques institutionnelles (règlementation, documentation, coûts, sélection de
clientèle) influencent significativement la probabilité pour un individu d’être exclu du système
bancaire.
H2 : les caractéristiques socioéconomiques (âge, proximité, situation financière) affectent
significativement la probabilité pour un individu d’être exclu du système bancaire.
Pour vérifier ces hypothèses, nous effectuerons une régression logistique sur un modèle
économétrique tiré des travaux d’Allen et al. (2012) qui mesurent l’exclusion financière dans 123 pays
et sur un échantillon de 1.000 individus par pays. A cet effet, les données utilisées sont issues de la
base de données Global Financial inclusion
(Global Findex database) de la Banque Mondiale obtenues à l’issue d’une enquête sur un
échantillon de 1000 individus enquêtés au Cameroun.
La suite de ce travail est élaborée ainsi qu’il suit. La première partie présente les facteurs de
l’exclusion bancaire du côté de l’offre. Elle consiste à identifier dans la littérature les causes liées au
cadre institutionnel, puis à procéder à une analyse empirique dans le but d’en retenir les plus
pertinentes. La seconde partie reprend la même démarche du côté de la demande de services bancaires.
En fin de compte et en guise de conclusion, ce travail de recherche sera bouclé par des
recommandations de politique économique.
15
PREMIERE PARTIE :
LA RECENSION DES FACTEURS LIES A L’OFFRE : LES
JUSTIFICATIONS DE L’EXCLUSION BANCAIRE
16
INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE :
Dans l’optique de prévenir le risque systémique, d’encadrer les frais bancaires ou encore de
sauvegarder les intérêts des consommateurs, les autorités monétaires se doivent de réguler l’activité
bancaire (Gloukoviezoff, 2010). Les normes édictées à cette fin revêtent un intérêt particulier, dans la
mesure où elles sont le gage de l’établissement et du maintien de la confiance entre clients et
prestataires, sans laquelle le système bancaire disparait.
Si ces mesures réglementaires sont indispensables au bon fonctionnement du système bancaire,
elles comportent malheureusement des effets pervers. Certaines restrictions règlementaires peuvent
notamment amener les banques à développer des pratiques visant à les contourner en faisant supporter
aux clients les coûts de telles mesures.
Par ailleurs, les banques sont guidées par des impératifs de rentabilité qui les poussent à adopter des
comportements sélectifs. Tout comme des entreprises ordinaires, elles ont pour seule responsabilité
sociale de réaliser des profits (Friedman, 1962). Au fil du temps, les théories de la firme bancaire11 ont
abondé dans ce sens en soulignant que les actions des banques sont la résultante de choix optimaux,
lesquels relèvent d’une logique de minimisation des coûts ou de maximisation du profit (Levratto,
1993).
Cependant, les stratégies élaborées par les banques sur une telle base ne tiennent aucunement
compte des besoins spécifiques des individus. L’exclusion bancaire serait donc une externalité
négative de l’activité bancaire12.
Au total, la réglementation et les politiques commerciales des banques apparaissent comme des
justifications de l’exclusion bancaire. Le système bancaire a besoin d’être régulé, tout comme les
banques ont vocation à réaliser le maximum de profit possible.
L’objet de cette partie est d’identifier les facteurs de l’exclusion bancaire du côté de l’offre des
services bancaires. Pour ce faire, le chapitre premier porte sur la recension théorique desdits facteurs,
tandis que le second consiste en une évaluation empirique de ces derniers dans l’optique d’en retenir
les plus pertinents au niveau du Cameroun.
11 La notion de firme bancaire résulte des travaux de Pesek (1970), Towey (1974) et Saving (1977), qui se sont
attachés à déterminer la taille et la structure optimale des bilans bancaires. 12 Gloukoviezoff, Op. cit.
17
CHAPITRE 1 : REVUE THEORIQUE DES FACTEURS DU
COTE DE L’OFFRE DE SERVICES BANCAIRES
INTRODUCTION
Le secteur bancaire fait l’objet d’une réglementation élaborée dans la perspective d’encadrer
l’activité des établissements de crédit et d’éviter l’occurrence des crises. Toutefois, si ces normes
visent à assurer sa stabilité, elles peuvent également avoir des effets pervers, lesquels sont susceptibles
de favoriser l’exclusion bancaire.
Par ailleurs, soumises à des contraintes de rentabilité, les banques se doivent d’élaborer et de mettre
en œuvre des stratégies commerciales visant à maximiser leur profit tout en minimisant les risques.
Aussi, se livrent-elles à des pratiques commerciales qui peuvent leur paraître légitimes, mais qui sont
par ailleurs susceptibles d’engendrer ou d’exacerber les difficultés bancaires des particuliers.
L’objet de ce chapitre est de mettre en lumière le rôle néfaste de la réglementation et des politiques
commerciales des établissements de crédit sur l’exclusion bancaire. Dans cet ordre d’idées, il
comprend deux sections dont la première est consacrée à l’impact de la règlementation du secteur
bancaire sur l’exclusion bancaire et la seconde met en lumière les effets pervers des politiques
commerciales des banques.
SECTION I : L’INCIDENCE DE LA REGLEMENTATION DU
SECTEUR BANCAIRE
Il est admis dans la littérature économique que la règlementation exerce une influence certaine sur
l’exclusion bancaire. A titre illustratif, c’est le législateur qui, en imposant des mesures telles que
l’obligation de recourir à la domiciliation des salaires dans un établissement de crédit ou interdisant le
règlement de certaines transactions en espèces, donne de l’importance aux services bancaires.
Il revient également à la loi d’encadrer, aussi bien les exigences documentaires auxquelles les
banques soumettent les clients pour bénéficier d’un service, que les procédures bancaires relatives aux
délais d’ouverture d’un compte, d’obtention d’un instrument de paiement, etc.
18
La présente section porte précisément sur deux aspects réglementaires qui engendrent l’exclusion
bancaire au Cameroun : les exigences documentaires et la détermination quelque peu arbitraire des
taux d’intérêt débiteurs.
I.1- Le poids des exigences documentaires
L’accès des particuliers aux services bancaires est conditionné par la satisfaction d’un certain
nombre d’exigences documentaires. En effet, l’ouverture d’un compte au sein d’une institution
bancaire nécessite du requérant qu’il fournisse des pièces telles qu’une carte d’identité, un bulletin de
solde, etc.
Dans les pays riches, ces exigences documentaires sont généralement faibles et ne sauraient donc
constituer une entrave à l’accès aux services bancaires. A contrario, le Cameroun fait partie des pays
dans lesquels les exigences documentaires sont très élevées (Beck, Demirgüc-kunt et Peria, 2008). A
ce sujet, Allen et Al.(2012) indique que le client est souvent sommé de fournir à la banque plusieurs
documents, notamment une pièce d’identité officielle (carte nationale ou passeport en cours de
validité), des preuves de domicile (factures d’électricité, d’eau ou de téléphone, titre foncier), des
justificatifs d’emploi et de salaire (bulletins de paie).
I.2- L’exclusion par les mécanismes de détermination des coûts des services
bancaires
Deux aspects seront abordés dans ce point, à savoir : la non rémunération des dépôts à vue et
l’encadrement du coût du crédit par la loi.
I.2.1- Le non-respect de la réglementation : le cas de la non rémunération des
dépôts à vue
Cette mesure est souvent considérée comme la contrepartie de la gratuité de certains services
bancaires : tenue de compte, gestion de chèques etc. (Chiappori, 1991). Au Cameroun, elle est
consacrée par l’article 8 de l’arrêté n°224/MINFI/DCE du 5 avril 1989 portant conditions de banque,
modifié et complété par l’arrêté n°00001/MINEFI/CSB/REP du 4 janvier 1995.
Cependant, on observe dans les faits qu’en dépit du fait que les dépôts à vue ne soient pas
rémunérés, certaines banques font supporter les charges relatives à la tenue des comptes à leurs
clients. Pour le justifier, elles allèguent que la suppression de ces frais remet en cause l’existence
même de certaines agences dont l’exploitation et la rentabilité sont en partie assurées par la perception
desdits frais (COBAC, 2010).
19
Par ailleurs, pour les établissements bancaires qui appliquent effectivement cette mesure, la
tendance est plutôt à la revue à la hausse des tarifs des autres services proposés, ainsi qu’à la création
de nouveaux produits (mise en place de nouvelles commissions, révision de la facturation de certains
services…), en vue de compenser ce qu’ils perçoivent comme un manque à gagner.
En fin de compte, il revient au consommateur de supporter ces charges dont l’addition sur un an
donne généralement des montants élevés et de nature à favoriser chez les personnes les plus démunies,
une renonciation progressive aux services bancaires.
Au total, deux cas de figure sont à relever ici : premièrement, certaines banques observent le
principe de la non rémunération des dépôts en contrepartie, entre autres, de la gratuité de la tenue des
comptes. En compensation, elles revoient à la hausse les prix d’autres produits existants et mettent sur
pieds de nouveaux services. Deuxièmement, d’autres banques respectent le principe de non
rémunération des dépôts mais perçoivent néanmoins les frais de tenue de compte.
I.2.2- L’exclusion par la détermination arbitraire du coût des services
bancaires
Au Cameroun, les coûts des services bancaires ne font pas toujours l’objet d’un encadrement
adéquat. Le recours aux institutions bancaires formelles est conditionné par la capacité du client à
pouvoir payer des frais, notamment un montant minimum exigé pour conserver un compte, supporter
le taux d’intérêt et apporter les garanties requises afin de pouvoir bénéficier d’un crédit (Avom et
Bobbo, 2013).
Si les banques sont tenues d’ouvrir des comptes à toute personne qui en fait la demande12 en vertu
des dispositions du Règlement de la CEMAC relatif aux systèmes et moyens de paiement (mars
2003), il n’en demeure pas moins qu’en 2008 il était particulièrement couteux d’ouvrir un compte au
Cameroun. Il fallait pour cela débourser plus de 700 dollars américains, soit plus que le PIB par tête du
pays à la même date (Beck et al, 2008).
C’est véritablement avec l’arrêté du Ministre des Finances portant institution du Service Bancaire
Minimum Garanti, que la gratuité de l’ouverture des comptes a été consacrée et est réellement
observée par les banques. Ces dernières ne disposent dorénavant que d’une seule marge de manœuvre
qui consiste à fixer de façon arbitraire les coûts de maintien de compte et les frais associés à la
détention des cartes de paiement.
De même, le coût du crédit est déterminé de façon quelque peu arbitraire sur le marché bancaire
camerounais. En effet, depuis la suppression du TDM13, les banques pratiquent des taux de base et des
taux effectifs annuels dont les modalités de calcul ne sont pas toujours transparentes. Le graphique ci-
après présente l’évolution des taux d’intérêt créditeurs au Cameroun de 2006 à 2010.
12 Cette obligation est consacrée par l’article 7 du règlement qui stipule que «toute personne physique ou
morale domiciliée dans un Etat membre de la CEMAC et dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à
l'ouverture d'un tel compte dans l’'établissement assujetti de son choix ». 13 Les autorités monétaires régionales ont supprimé ce taux dans la perspective de poursuivre le processus de
libéralisation financière entamé au début des années 1990.
20
Graphique I.1 : évolution des taux d’intérêt créditeurs des banques camerounaises de 2007
à 2010.
Source : COBAC, 2011.
Ce graphique suggère que le coût du crédit a diminué sur la période considérée. Cela s’explique
par la volonté des autorités monétaires de mettre un terme au désordre observé en matière de
tarification des services bancaires. Celles-ci ont en effet procédé à la détermination d’un TEG des
différents crédits consentis à la clientèle et d’un taux d’usure calculé périodiquement sur la base des
coûts historiques desdits TEG. Ces mesures ont donc contribué à réduire sensiblement le coût du
crédit qui a atteint son niveau le plus bas en 2009. Toutefois, le Cameroun reste l’un des pays marqués
par le caractère dispendieux du coût du crédit (Avom et Bobbo, 2013).
S’agissant des garanties nécessaires pour obtenir un crédit bancaire, peu d’individus disposent de
ressources suffisantes pour pouvoir les apporter. En effet, certaines banques exigent du client qu’il
présente un titre foncier ou d’autres formes de caution (cautionnement, hypothèque d’une maison,
d’une voiture, etc.), ce qui exclut un grand nombre d’individus. Ce d’autant plus que le montant des
garanties est souvent supérieur ou au moins égal à celui du crédit sollicité.
En fin de compte, la non rémunération des dépôts à vue et le coût élevé de l’endettement au
Cameroun érigent donc des barrières à l’entrée du marché bancaire, en même temps qu’ils engendrent
des difficultés d’usage des services bancaires.
Outre le poids du cadre réglementaire du secteur bancaire, il convient également d’examiner le rôle
joué sur l’exclusion bancaire par certaines politiques commerciales des établissements de crédit.
15 ,80%
11 ,60%
,70% 8 ,30% 9
0 ,00%
2 ,00%
4 ,00%
,00% 6
,00% 8
,00% 10
,00% 12
,00% 14
,00% 16
,00% 18
2007 2008 2009 2010
21
SECTION II : Les effets pervers des politiques commerciales des
établissements de crédit
Les banques sont soumises à des contraintes de rentabilité qui les amènent à mettre en œuvre des
politiques commerciales, lesquelles ne tiennent pas toujours compte des difficultés bancaires qui en
découlent pour les particuliers. Ainsi que nous allons le montrer, la sélection de clientèle et la
rentabilisation des difficultés des clients en constituent d’édifiantes illustrations.
II.1- La sélection de clientèle
Il s’agit d’une stratégie commerciale qui consiste pour les banques, à déterminer parmi les clients,
ceux qui méritent d’être servis et ceux qui ne devraient avoir aucun accès aux services proposés. La
sélection de clientèle, qui est alors au cœur de l’activité bancaire, peut être appréhendée à travers la
pratique du redlining et la segmentation de clientèle.
II.1.1- La pratique du redlining
Forgée par le sociologue McKnight dans les années 1960 pour faire référence au marquage par une
ligne rouge des zones dans lesquelles les banques ne devraient pas investir, l’expression anglaise
redlining est une stratégie qui vise à maintenir à l’écart du système bancaire classique les franges les
plus défavorisées de la population.
Plus spécifiquement, ce terme désigne le caractère systématique de l’exclusion de certaines zones
géographiques par les banques (Tasqué, 2011/3). L’objectif étant de décourager les personnes vivant
dans ces zones de recourir aux services bancaires en mettant en place des mécanismes dissuasifs.
Dans une étude visant à appréhender l’impact du déploiement géographique bancaire sur la
cohésion sociale, Ayoub (2006/1) parvient au résultat selon lequel les banques sont concentrées dans
certaines localités, notamment celles abritant les couches sociales financièrement aisées, au détriment
des plus pauvres. Or, souligne-t-il, la concentration géographique des banques ne favorise pas le
développement économique mais donne plutôt lieu à l’exclusion bancaire et accentue les inégalités
socioéconomiques.
Comme nous l’avons déjà relevé, la répartition géographique des établissements de crédit au
Cameroun n’échappe pas à cette tendance à la concentration. Il en résulte inéluctablement une
exclusion géographique au sens de Leyshon et Thrift (1995), laquelle se traduit par la mise à l’écart
d’une importante frange de la population contrainte à limiter ses déplacements pour la banque en
raison des coûts que cela implique.
22
Par cette méthode, les banques s’assurent de ne pas avoir affaire à une clientèle indésirable et
financièrement limitée. Sachant que de telles personnes se rendent plus souvent à leur banque que les
autres, ne pas être présent sur leur lieu de vie est alors un moyen de ne pas les avoir comme client
(Gloukoviezoff, 2003). De la sorte, les institutions bancaires peuvent dès lors se concentrer sur les
clients les plus rentables, en raison de leur pouvoir d’achat élevé et leurs fortes capacités
d’investissement.
II.1.2- Les mécanismes de sélection directe de la clientèle
La sélection directe de clientèle est une caractéristique intrinsèque au métier de banquier. Elle
constitue d’ailleurs la contrepartie du risque assumé par les établissements de crédit et se justifie par
l’impératif de se prémunir de l’incertitude (Bernard, 2006).
Cette pratique consiste spécifiquement pour les banques, à sélectionner parmi les clients ceux qui
leur permettent d’atteindre leurs objectifs de rentabilité. Si un tel procédé est utilisé pour guider
l’implantation spatiale des banques14, il intervient davantage dans le traitement des demandes de
crédit bancaire.
La théorie bancaire insiste généralement sur l’asymétrie d’information existant entre les banques et
leurs clients, ces derniers étant sensés mieux connaitre leur risque de défaut que les premières. Le
problème majeur provient alors du fait que les mauvais risques cherchent à cacher leurs
caractéristiques afin d’être sélectionnés.
Pour les banques, l’une des solutions consiste à effectuer une sélection parmi les clients. Pour ce
faire, elles se fondent sur des critères bien précis. Si on se réfère à la classification d’Eber (2000), on
peut retenir les critères suivants :
- la situation financière : mesurée par la valeur des actifs dont un client est propriétaire.
C’est un critère d’une importance capitale, car les banques ont tendance à sélectionner
prioritairement les individus les plus riches. Ces derniers sont en effet capables d’apporter
suffisamment de garanties (matérielles) pour limiter le risque pris par la banque lorsqu’elle
prête des fonds. En outre, les flux de revenus constituent également un critère non négligeable
pour apprécier la santé financière d’un client. Les mouvements des comptes de ce dernier sont
suffisants pour renseigner la banque à ce sujet. Il en est de même pour le niveau d’endettement
du client. Plus il est élevé chez un individu, moins il de chances d’obtenir un prêt bancaire.
Les banques accordent donc une importance particulière à toutes ces informations et excluent
14 Confer. II.1.1 la pratique du redlining.
23
systématiquement du crédit, voire éconduisent du système bancaire, les clients renvoyant de
mauvais signaux ;
- la situation professionnelle : les banques ont une préférence avérée pour les personnes
possédant un emploi et manifestant une certaine stabilité professionnelle. Ces critères
attestent en effet de la régularité des revenus et confèrent aux clients la capacité de pouvoir
rembourser un emprunt bancaire.
Ainsi, les chômeurs et les individus changeant fréquemment d’emploi auront plus tendance
à être rationnés. En outre, une distinction est faite parmi les travailleurs sur la base de la nature
de leur profession. Ainsi, exercer dans un secteur garantissant la sécurité de l’emploi
(notamment le secteur public, certaines professions libérales…) constitue un avantage certain.
A contrario, travailler dans le secteur informel ou privé peut s’avérer pénalisant. Même si le
cas du secteur privé est à relativiser, car si les revenus y sont consistants, le problème réside
surtout dans la nature du contrat. Un contrat à durée déterminée laisse à penser qu’à un
moment donné le contrat sera rompu et l’individu pourrait se retrouver au chômage et donc
incapable d’honorer ses engagements. C’est pourquoi, les banques accordent difficilement des
prêts à moyen ou long terme à ces personnes ;
- la réputation : les relations entre les banques et leurs clients s’inscrivent généralement
dans la durée. Ainsi, les «bons » clients se forgent une bonne réputation au fil du temps, ce qui
facilite leur accès à une large gamme de produits bancaires à des coûts relativement réduits.
En revanche, les clients qui connaissent à répétition des problèmes de remboursement se
forgent quant à eux une mauvaise réputation auprès de la banque. Les possibilités qui s’offrent
à eux sont alors limitées (découverts, crédits, arrangements en cas de difficultés…). Toutefois,
comme on le constate, les relations de long terme ne concernent par définition que les clients
déjà établis. Les phénomènes de réputation ne peuvent donc pas influer sur les jeunes clients.
Ces derniers doivent encore s’en forger une bonne, en vue de pouvoir bénéficier plus tard
d’un traitement privilégié. Le critère « âge » peut alors être particulièrement stigmatisant ;
- les critères sociaux : il s’agit de caractéristiques sociodémographiques qui influencent
les décisions des banques en matière de crédit. Ainsi, la taille de la famille du client, le genre
et le lieu de résidence envoient d’importants signaux aux banques. D’abord, s’agissant de la
taille de la famille, les banques préfèrent les familles peu nombreuses car elles sont
synonymes de faibles charges à supporter15. Ensuite, concernant le genre, les hommes sont
moins rationnés que les femmes, même s’il n’existe pas de raison objective pour l’expliquer.
Enfin, si on considère le lieu de résidence du client, une forte instabilité géographique
15 Toute chose restant égales par ailleurs.
24
(changements d’adresse fréquents) ou une adresse dans un quartier pauvre, caractérisé par des
taux de criminalité et de délinquance élevés constituent un mauvais signal pour les banques.
Au total, les banques refoulent systématiquement les personnes ne remplissant pas tout ou partie de
ces critères.
La logique à l’œuvre ici tient donc véritablement au fait que les banques ne trouvent pas rentable de
proposer leurs services à tous les segments de la population
(Claessens, 2005). Elles peuvent même aller jusqu’à élaborer des stratégies de marketing
discriminatoires. Kempson et Whyley (1999) désignent par « marketing exclusion » les politiques des
banques se manifestant par l’absence de publicité en direction de certains publics, dans la perspective
d’éviter de susciter le désir de ceux-ci et de les avoir comme clients.
Une autre forme de discrimination envers les clients non désirés consiste pour les institutions
bancaires à surenchérir les coûts des produits les plus prisés par lesdits clients (Gloukoviezoff, 2005).
L’objectif étant de les éconduire progressivement de la banque.
Ayant mis en évidence le lien entre l’exclusion bancaire et les mécanismes de sélection sus
exposés, nous pouvons à présent nous intéresser à d’autres stratégies bancaires qui favorisent ce
phénomène, notamment la rentabilisation des difficultés des clients.
II.2- La rentabilisation des difficultés des clients
La rentabilisation renvoie à un ensemble de pratiques destinées à rendre profitables les relations
avec les clients les plus fragiles d’un point de vue financier (Gloukoviezoff, 2010). Il s’agit alors de
mettre en place des dispositifs techniques visant à exploiter les clients en détresse. Nous nous
intéresserons précisément à la tendance des banques à faire surconsommer les clients, ce qui mène
souvent ces derniers à des situations de surendettement.
II.2.1- La tendance à faire surconsommer les clients
Guidés par des objectifs de rentabilité, les prestataires de services bancaires ont tendance à
proposer aux clients des services financiers inadaptés à leurs besoins ou susceptibles de dégrader leur
situation financière. Pour ce faire, les banquiers recourent à leur pouvoir de prescription pour pousser
les clients, les plus fragiles, à la surconsommation (Brunet et al, 2002).
Celle-ci se traduit par l’équipement des clients d’un ensemble de services particulièrement
rentables pour la banque, mais qui ne sont pas nécessairement utiles auxdits clients ou qui ne seront
pas entièrement consommés par ces derniers, bien que payés en totalité. Rentrent dans cette catégorie,
25
les packages correspondant aux bouquets de services compris dans la convention de compte (carte de
retrait, moyens de paiement scripturaux, assurance en cas de perte ou de vol, etc.).
Dans ce cas de figure, c’est moins le manque de revenus qui explique que le client ne parvienne
pas à négocier une prestation lui convenant, que son manque de connaissances bancaires et l’étroitesse
de l’éventail des choix qui lui sont accessibles.
Une pratique connexe consiste à supprimer des produits adaptés aux besoins des clients, mais
jugés insuffisamment rentables pour les prestataires. Les difficultés qui en découlent pour les clients
constituent, pour les banques une opportunité d’accroitre les frais bancaires et, par voie de
conséquence, la rentabilité.
A ce propos, il est établi dans la littérature économique, que les clients les plus rentables ne sont
pas toujours les plus riches. En effet, selon une étude relative au crédit menée aux Etats-Unis par
Ramsay (2003), les ménages aux revenus les plus modestes dégagent une rentabilité supérieure à celle
des ménages les plus riches, au point de subventionner les conditions tarifaires proposées à cette
deuxième catégorie.
En fin de compte, un établissement de crédit n’a aucun intérêt à voir l’un de ses clients se trouver
dans l’impossibilité d’honorer ses engagements. En revanche, tant qu’il peut en supporter le coût, ses
difficultés sont une source de profit pour ledit établissement (frais de rejet, pénalités de retard, etc.).
Les réponses que pourraient apporter les banques à ces difficultés peuvent s’avérer dévastatrices
dans la mesure où elles viennent et parfois aggraver des situations déjà précaires.
II.2.2- L’analyse du cas particulier du surendettement
Si l’on se réfère au préfixe «sur », tiré du latin « super » et qui signifie surplus, excès, surcharge, le
surendettement renvoie à un endettement excessif. Toutefois, dans son ouvrage consacré à l’exclusion
bancaire, Gloukoviezoff (2010) en donne une définition plus étoffée. Il voit dans le surendettement «
l’impossibilité structurelle pour une personne ou un ménage de faire face à ses engagements financiers
contractuels sans réduire les dépenses nécessaires à son niveau de vie au-dessous d’un seuil minimal
socialement acceptable, en raison de son impossibilité de mobiliser d’autres avoirs (financiers ou non)
ou d’autres sources de financement ».
L’analyse des mécanismes du surendettement repose sur une grille de lecture binaire en termes de
surendettement actif ou passif. Ainsi, le premier concerne les personnes ayant contracté un crédit
auprès d’organismes financiers ou de sources informelles. En revanche, le second type de
26
surendettement est la conséquence d’un accident de la vie (licenciement, maladie ou accident, divorce,
etc.) qui vient déséquilibrer le budget des personnes qui en sont victimes.
A la base de l’endettement des particuliers se trouve le crédit à la consommation qui occupe une
place de choix dans les sociétés contemporaines. La plupart du temps les individus recourent à
l’endettement dans un but précis, à savoir financer des biens durables ou immatériels et faire face à des
aléas. En outre, ce mode de financement présente un grand avantage, à savoir la possibilité qu’il offre
d’étaler les dépenses dans le temps.
Suivant cette logique et compte tenu de la rentabilité de telles opérations, les banques ont
développé divers instruments de crédit au fil du temps, à l’instar des découverts ou encore du crédit
revolving16 dont les consommateurs sont particulièrement friands. Il s’agit là de facilités permanentes
permettant aux utilisateurs de disposer de fonds à leur guise.
Malheureusement, ces crédits sont très souvent perçus comme des revenus artificiels, des «
fontaines de miracles » utilisés tant pour résoudre les problèmes financiers que pour réaliser des rêves
(Belkacem, 2009). Seulement, un usage abusif de tels produits plonge les clients dans un cercle
vicieux, en déséquilibrant leurs budgets. Ces personnes concernées se trouvent obligées de contracter
de nouveaux crédits pour combler des découverts, payer des dettes. Pour mettre un terme à ce cycle
infernal, elles sont contraintes de recourir au crédit, ce qui complexifie davantage la situation.
Ce faisant, la banque n’offrira une option de rachat au client que si ce dernier, bien qu’illiquide
pour faire face aux mensualités de ses différents crédits, continue à présenter un profil relativement
sûr. Il s’agit alors pour la banque de tirer avantage de ces difficultés bancaires, en regroupant
l’ensemble des crédits en un nouveau prêt, sur une période plus longue et avec des mensualités plus
faibles.
Toutefois, si le risque de défaut de l’emprunteur devient dangereusement élevé, la banque
enclenche la procédure de recouvrement : c’est la « disqualification bancaire » (Gloukoviezoff, 2010).
Elle vise pour la banque à limiter les coûts qu’occasionnerait la défaillance du client. S’agissant de ce
dernier, il est désormais en proie à l’exclusion bancaire et indigne d’intérêt, les banques n’ayant pas de
temps à accorder à ceux qui n’ont pas de l’argent (Bernard, 2006).
16 Le crédit revolving est un crédit à la consommation souvent accompagné d’une carte qui permet à tout
moment de disposer d’une réserve d’argent remboursable au fur et à mesure et qui se reconstitue en fonction
des remboursements effectués. Selon le montant emprunté et celui des mensualités, le taux d’intérêt varie
rendant le calcul du coût global très difficile (Gloukoviezoff, 2004). L’accès à ce type de crédit est
relativement simple dans la mesure où les démarches et les informations requises sont réduites au strict
minimum. Toutefois, la simplicité d’accès de ces crédits n’a d’égal que leurs difficultés d’usage liées à la
difficulté à calculer le coût total du crédit, la tentation que représentent ces réserves pour les personnes déjà en
situation de précarité, l’absence totale de suivi ainsi que la brutalité des méthodes de recouvrement.
27
CONCLUSION
L’objet de ce chapitre était d’identifier, du côté de l’offre, les facteurs explicatifs de l’exclusion
bancaire. L’analyse qui s’en est suivie nous a permis de passer en revue certains aspects de la
réglementation du secteur bancaire et des politiques commerciales des établissements de crédit qui
causent l’exclusion bancaire.
En ce qui concerne la règlementation, nous avons vu que certaines mesures peuvent avoir des
effets pervers. C’est le cas de la non rémunération des dépôts qui a pour contrepartie la gratuité de la
tenue de compte. On observe que certaines banques ne rémunèrent effectivement pas les dépôts à vue
mais facturent la tenue des comptes.
D’autres, par contre respectent cette norme mais révisent systématiquement à la hausse les prix des
autres services ou en élaborent de nouveaux afin de combler ce qu’elles perçoivent comme un manque
à gagner.
De plus, la règlementation est mise en cause à travers le laxisme observé dans la facturation des
services bancaires (frais de tenue de compte, taux d’intérêt débiteur, frais liés à la détention d’une
carte, garanties requises pour bénéficier d’un crédit…).
Parallèlement, nous avons identifié les stratégies commerciales des banques incriminables
relativement à l’exclusion bancaire. Celles-ci vont de la segmentation de la clientèle suivant des
critères bien précis, à la rentabilisation des difficultés des clients et font de l’exclusion bancaire, une
externalité négative de l’activité bancaire.
Il convient dès lors de procéder à une analyser empirique des facteurs ainsi identifiés, dans la
perspective de déterminer les plus pertinents pour expliquer l’exclusion bancaire au Cameroun.
28
CHAPITRE 2 : ANALYSE EMPIRIQUE DES FACTEURS DU
COTE DE L’OFFRE DE SERVICES BANCAIRES
INTRODUCTION
Le chapitre liminaire nous a permis de mettre en relief l’état du débat théorique sur les facteurs de
l’exclusion bancaire du côté de l’offre du marché bancaire. Il en ressort que le phénomène étudié se
justifie par la réglementation du secteur bancaire et certaines politiques commerciales des
établissements de crédit. A cet égard, l’exclusion bancaire constitue une externalité négative de
l’activité bancaire.
Rendu à ce stade, il convient de confronter ces observations théoriques à la réalité des faits à
travers une analyse empirique conséquente, l’enjeu étant de déterminer les facteurs les plus pertinents
pour expliquer l’exclusion bancaire du point de vue de l’offre des services bancaires.
Notre démarche s’inspire de l’étude d’Allen et al. (2012) menée dans 123 pays17, dans l’optique d’y
identifier les causes de l’exclusion bancaire. Trois indicateurs sont alors utilisés pour mesurer
l’exclusion bancaire, à savoir la détention d’un compte dans une banque ou toute autre institution
financière formelle, l’utilisation de ce compte pour épargner et la fréquence mensuelle d’usage dudit
compte.
L’enjeu est de déterminer le niveau de corrélation qui existe entre l’exclusion bancaire d’une part,
et les exigences documentaires, les politiques d’inclusion financière, le statut des banques18 et
l’architecture de l’industrie bancaire19 d’autre part.
L’objet de ce chapitre est donc d’évaluer, en nous référant à l’approche d’Allen et al. (2012),
l’influence de certaines caractéristiques institutionnelles sur l’exclusion bancaire au Cameroun. Le
choix des caractéristiques retenues est uniquement régi par la disponibilité des données.
La suite de ce chapitre est organisée ainsi qu’il suit : la première section présente le modèle
empirique et les données. La seconde section quant à elle est consacrée à l’estimation et
l’interprétation des résultats.
SECTION I- Présentation du modèle et description des données de l’analyse
Dans cette section, nous commençons par présenter le modèle empirique ainsi que les données qui
permettront d’en effectuer l’estimation.
17 Le Cameroun est inclus dans cet échantillon. 18 Les banques peuvent être privées ou publiques. 19 L’architecture bancaire renvoie à la répartition des agences et des DAB.
29
I.1- Présentation du modèle empirique
Le modèle utilisé par Allen et al. (2012) est le suivant :
y*ij = xi' jβ+zij'γ+εij
yij =1 si 𝑦𝑖𝑗∗ > 0
yij =0 si 𝑦𝑖𝑗∗ < 0
Où i et j désignent respectivement les pays et les individus, y1*ij est une variable latente qui
représente l’exclusion bancaire, xij est un vecteur de caractéristiques institutionnelles, z1ij est un
vecteur de caractéristiques individuelles, β et γ sont des vecteurs de paramètres et ε1ij est un terme
d’erreur normalement distribué, de moyenne nulle et de variance égale à 1.
En estimant leur modèle par la méthode du maximum de vraisemblance, ils arrivent au résultat
selon lequel la pénétration des comptes bancaires est plus faible dans les pays au sein desquels les frais
d’ouverture sont élevés. En outre, les pays dotés des réseaux bancaires les plus denses20 se
caractérisent par de fortes propensions à épargner.
Par ailleurs, l’exclusion financière serait une fonction décroissante de la stabilité politique et de la
transparence sur les pratiques bancaires. Enfin, les auteurs ne trouvent pas de corrélation négative
entre l’exclusion financière et les exigences documentaires.
A ce niveau de l’analyse, des précisions d’ordre méthodologique sont nécessaires pour présenter les
points de rupture entre l’approche sus présentée et la nôtre. Premièrement, une différence est observée
au niveau du champ de l’étude. En effet, si les auteurs sus évoqués étudient l’exclusion financière, qui
est un concept beaucoup plus complexe, nous nous limitons uniquement à l’exclusion du système
bancaire classique. Ce choix tient au fait que le système financier camerounais est porté par les
institutions bancaires.
20 La densité bancaire étant mesurée par le nombre d’agences ou de DAB pour 1000 habitants.
30
Deuxièmement, à la différence du modèle théorique, nous n’utilisons que deux indicateurs pour
mesurer l’exclusion bancaire, notamment la détention d’un compte bancaire et la détention d’une carte
de paiement21.
Troisièmement, le cadre spatial de notre étude se limite à un seul pays : le Cameroun. Par ailleurs,
compte tenu du fait que dans cette partie de notre travail nous nous intéressons uniquement à l’impact
des caractéristiques institutionnelles sur l’exclusion bancaire, la variable qui capte les caractéristiques
individuelles est exclue.
Ces préalables ainsi faits, la spécification du modèle peut à présent être donnée.
Supposons l’existence d’un caractère qualitatif qui peut prendre K modalités disjointes ; Si K=2, on
dit que la variable est dichotomique22. Exemple: avoir un compte ou ne pas avoir de compte.
Dès lors, on peut représenter un caractère qualitatif dans le cadre d’un modèle économétrique. En
prenant le cas qui consiste à avoir un compte ou non, on définit la variable 𝑦 par :
Si représente la probabilité qu’un individu possède effectivement un compte, alors n’est rien
d’autre que l’espérance mathématique de : .
L’objectif du modèle choisi est alors d’expliquer la survenue de l’événement considéré en fonction
d’un certain nombre de caractéristiques observées pour les individus de l’échantillon. Il s’agit donc
précisément de spécifier la probabilité d’apparition de cet événement.
Supposons que l’on dispose de observations d’une variable endogène codée ou
par convention et soit , un vecteur ligne de variables exogènes associées à la
variable endogène .
Le logit linéaire simple s’écrit : .
Où est un vecteur de termes d’erreur gaussiens supposés identiquement et indépendamment
distribués, tandis que β désigne un vecteur colonne de K paramètres inconnus.
21 Nous nous référons en effet à la classification de Constans (2006) présentée en introduction et qui établit
trois niveaux d’exclusion, à savoir la possession d’un compte bancaire, la détention de moyens de paiement
nécessaires à l’usage dudit compte et l’accès au crédit. 22 Dans le cas général K ∈ N* on dit que la variable est polytomique.
31
Dans la littérature économique, il est établi que la régression logistique permet, au travers de la
méthode du maximum de vraisemblance, d’estimer les paramètres, d’évaluer la précision de
l’estimation, de mesurer le pouvoir explicatif du modèle, de vérifier s’il existe une liaison significative
entre l’ensemble des variables explicatives et la variable dépendante, d’identifier les descripteurs
pertinents et donc d’évacuer les variables non significatives (Rakotomalala, 2014).
La vraisemblance correspond spécifiquement à la probabilité d'obtenir l'échantillon Ω à partir d'un
tirage dans la population. La méthode du maximum de vraisemblance consiste à produire les
paramètres β de la régression logistique qui rendent maximum la probabilité d'observer cet échantillon.
Nous effectuerons donc une régression logistique de manière à identifier les facteurs les plus
statistiquement pertinents de l’exclusion bancaire au Cameroun.
Pour ce faire, nous utiliserons les données présentées au point suivant.
I.2- L’analyse descriptive des données
Les données en notre possession sont issues de la base de données Global Financial Inclusion
(Global Findex Database) construite par la Banque Mondiale avec pour triple objectif de collecter des
informations sur les pratiques financières à travers le monde, d’identifier les exclus bancaires et de
mesurer continuellement l’impact des politiques d’inclusion financière.
Ces données ont été collectées dans le cadre d’une enquête menée par la Banque Mondiale en 2011
dans 148 pays différents23, auprès de 150 000 individus âgés d’au moins 15 ans. L’enquête était
menée à travers des interviews directes ou téléphoniques en fonction du degré de couverture
téléphonique de chaque pays.
La base renseigne sur les éléments ci-après : le nombre de personnes détenant un compte bancaire ;
le nombre de personnes détenant une carte de paiement ; ainsi que le nombre de personnes ayant
bénéficié d’un crédit auprès d’une institution financière, d’un parent ou d’une autre source au cours
des 12 mois précédents l’enquête.
Cependant, elle ne donne que les raisons pour lesquelles un individu est privé de compte ou de
carte de paiement sans expliquer réellement l’exclusion du crédit. C’est pour cette raison que nous ne
retenons que les deux indicateurs d’exclusion bancaire préalablement énoncés.
Deux types de variables seront mobilisés dans le cadre de notre modélisation :
23 Le Cameroun fait partie de cet échantillon. La liste exhaustive des pays concernés par l’enquête est jointe en
annexe.
32
- les variables endogènes : ce sont celles qui captent l’exclusion bancaire. il s’agit
notamment de la détention d’un compte et de la détention d’une carte de paiement. C’est
deux variables sont notées EXCLU1 et EXCLU2, c’est-à-dire la probabilité qu’un individu
soit exclu.
Ainsi, la variable dichotomique EXCLU1 prend la valeur « 1 » si l’individu considéré
détient effectivement un compte bancaire et « 0 » sinon. Il en est de même pour la variable
EXCLU2. Elle est égale à « 1 » si l’individu considéré possède une carte de paiement et « 0 »
sinon ;
- les variables exogènes : comme nous l’avons vu plus haut, la règlementation, et les
stratégies commerciales des banques favorisent l’exclusion bancaire. Toutefois, les
contraintes relatives aux données nous amènent à nous limiter à trois variables explicatives,
les exigences documentaires et la sélection de clientèle captée par les critères « richesse » et
« âge ».
L’ensemble des variables explicatives et leurs définitions sont présentées dans l’encadré ci-dessous:
Encadré 2.1 : présentation et définition des variables exogènes.
DOCUMENTATION : représente les exigences documentaires ;
AGE : capte les effets de réputation auprès des banques. Elles se fondent sur le critère âge pour
le déterminer ;
RICHESSE : représente la capacité d’un individu à pouvoir payer les frais bancaires.
Source : auteur.
SECTION II- Estimation du modèle et l’interprétation des résultats
La présente section se subdivise en deux sous-parties : la première est consacrée à l’estimation du
modèle et la seconde porte sur l’interprétation des résultats.
II.1- Estimation du modèle mesurant l’exclusion bancaire par la détention d’un
compte
Elle se fait avec le logiciel STATA/S 13. Les résultats sont présentés dans le tableau suivant :
33
Tableau 2.1 : résultats de l’estimation du modèle relatif à la détention d’un compte
bancaire.
variable
endogène
EXCLU1
variables
exogènes
Coefficients p-value Significativité
documentatio
n
0,27569 0.000 1%
âge 0.243379 0.000 1%
Richesse 0,00793 0,09 10%
Logistic regression Nombre d’observations 1000
LR chi2(3) 39.19
Prob > chi2 0.0000
Log likelihood = -141,3398 Pseudo R2 0.1218
Source : calculs de l’auteur.
La qualité du modèle est évaluée par le test du rapport de vraisemblance (LR Statistic), lequel suit
une loi de khi-deux à K degrés de liberté. C’est une procédure qui se rapproche du test de
significativité global de Wald. Le nombre de degrés de liberté est égal au nombre de variables
explicatives, 3 dans le cas présent.
Les hypothèses de ce test sont les suivantes :
H0 : β1= β2 = … = βk = 0 contre H1 : il existe au moins un βi ≠ 0.
La règle de décision est telle que H1 est acceptée si la statistique calculée est supérieure à la
probabilité de la LR statistic.
Dans notre cas, étant donné que la valeur trouvée 39,19 est manifestement supérieure à celle de la
probabilité du rapport de vraisemblance, on accepte H1, ce qui revient à dire que le modèle est
globalement significatif.
34
Par ailleurs, la qualité de la régression est analysée par le Pseudo R2 de Macfadden (1973), utilisé
pour quantifier la contribution des descripteurs dans l’explication de la variable endogène. Nous
retenons celui de Macfadden car Ménard
(2013) suggère qu’il est, non seulement le plus proche du coefficient de détermination de la
régression linéaire multiple, mais aussi le plus adapté à la régression logistique.
Toutefois, le R2 des modèles logit prennent généralement des valeurs proches de 0, ils tendent
difficilement vers 1. On ne saurait donc réellement les prendre en considération pour évaluer la qualité
du modèle.
Pour cette raison, nous faisons appel à la ROC (Receiver Operating Characteristics) associée au
modèle. Elle est présentée par le graphique suivant :
Graphique 2.1 : Courbe ROC associée à la détention d’un compte bancaire.
Source : calculs de l’auteur.
On désigne par sensibilité (sensivity), la proportion d’individus possédant un compte bancaire et
par spécificité (specificity), la proportion d’individus n’en possédant pas. Si l'on fait varier la
probabilité seuil à partir de laquelle on considère qu'un événement doit être considéré comme positif,
la sensibilité et la spécificité varient.
L'aire en-dessous la courbe (ou Area Under the Curve – AUC) est un indice synthétique calculé
pour les courbes ROC. Habituellement, on considère que la régression est de bonne qualité dès lors
35
que la valeur de l'AUC est supérieure à 0.5. Un modèle ayant une valeur AUC supérieure à 0.9 est
excellent.
A l’observation du graphique ci-dessus, la valeur de l’AUC est de 0,7482. On peut donc conclure
que l’ajustement est de bonne qualité.
Les tests sus effectués visaient à juger de l’adéquation du modèle. Etant donné que tous les
résultats étaient favorables, on peut dire du modèle qu’il est adéquat : les variables exogènes choisies
contribuent significativement à expliquer la détention d’un compte bancaire. Il convient de présenter
les résultats de l’estimation proprement dits.
Les valeurs numériques des coefficients présentés dans le tableau 2.1 n’ont pas d’interprétation
directe. En revanche, leur signe renseigne sur la manière dont elles influencent l’exclusion bancaire.
Ainsi, un signe positif signifie que l’exclusion bancaire est une fonction croissante de la variable
explicative concernée, tandis qu’un signe négatif implique le contraire.
Dans le tableau 2.1, on observe que tous les coefficients sont précédés d’un signe positif, ce qui
signifie qu’il existe une corrélation positive entre la probabilité de détenir un compte d’une part, et la
documentation, l’âge, la richesse d’autre part.
Ces résultats sont significatifs et appellent les commentaires suivants :
- s’agissant des exigences documentaires, le signe positif obtenu implique que la probabilité
pour un individu de détenir un compte bancaire est une fonction croissante des exigences
documentaires. Autrement dit, plus un individu est capable de fournir l’intégralité des pièces requises
pour accéder aux services bancaires, plus forte est la probabilité qu’il détienne un compte dans une
institution bancaire formelle ;
- de même, le signe positif du coefficient de l’âge implique que la probabilité de détenir un
compte augmente avec l’âge. Ce résultat confirme que les personnes âgées, en raison de la réputation
qu’elles se sont forgées grâce aux relations de clientèle, sont préférées par les banques au détriment
des jeunes qui doivent encore faire leurs preuves ;
- pour ce qui est de la richesse, le signe positif du coefficient traduit que la probabilité de détenir
un compte bancaire en est une fonction croissante. Ce résultat est conforme à nos attentes ; car, du
point de vue des banques, plus un individu est nanti, plus forte est sa capacité à payer les frais
bancaires. La prise en compte de ce critère augmente alors la probabilité qu’il détienne un compte
bancaire ;
Enfin, les odds-ratios associés à ce modèle sont synthétisés dans le tableau ciaprès :
36
Tableau 2.2 : odds-ratios associés à la détention d’un compte bancaire.
Variable
endogène
EXCLU1
variables
exogènes
Odds Ratio p-value Significativité
Documentation 0,43502 0.0220 2%
Age 0.1275552 0.0000 1%
richesse 0, 193 0,0312 3%
Source : calculs de l’auteur.
Ces ratios ou rapports de chance permettent d’identifier les variables explicatives les plus
pertinentes et donc, celles sur lesquelles il convient d’agir prioritairement pour réduire l’exclusion
bancaire.
On peut interpréter ces résultats comme suit :
- la documentation affecte de 43,5% la probabilité pour un individu de détenir un compte
bancaire ;
- la probabilité pour un individu de détenir un compte bancaire est 12,75 fois plus élevée pour
un individu dont l’âge est relativement avancé ;
- s’agissant du critère richesse, la probabilité de détenir un compte bancaire est 19,3 fois plus
élevée pour un individu capable de supporter le coût des services bancaires.
En fin de compte, du côté de l’offre, la probabilité de détenir un compte bancaire est une fonction
croissante de la documentation, la richesse et l’âge. Si l’on se réfère aux odds ratios, la variable la plus
pertinente pour expliquer l’exclusion du compte est la documentation.
II.2- Estimation du modèle mesurant l’exclusion bancaire par la détention
d’une carte de paiement
Elle se fait avec le logiciel STATA/S 13. Les résultats sont présentés dans le tableau suivant :
37
Tableau 2.3 : Estimation du modèle relatif à la détention d’une carte de paiement.
Variable
endogène
EXCLU2
variables
exogènes
Coefficien
ts
p-value Significativité
documentation -0.015037 0.0220 2%
âge 0.180823
3
0.048 5%
frais 0,007504 0,0702 7%
Logistic regression Nombre observations 1000
LR chi2(3) 5.70
Prob > chi2 0.0580
Log likelihood =-100,72679 Pseudo R2 0.0275
Source : calculs de l’auteur.
La qualité du modèle est évaluée par le test du rapport de vraisemblance (LR Statistic). Cette
statistique suit une loi de khi-deux à trois degrés de liberté.
On pose les hypothèses du test ainsi qu’il suit :
H0 : β1= β2 = … = βk = 0 contre H1 : il existe au moins un βi ≠ 0.
Suivant la règle de décision, on accepte H1 car la statistique calculée est supérieure à la probabilité
de la LR statistic (5,70 > 0,0580). On conclut que le modèle est globalement significatif.
En outre, le Pseudo R2 de Macfadden est utilisé pour quantifier la contribution des descripteurs
dans l’explication de la variable endogène. Dans notre cas on a :
RMF2 = 0.0275
Ce résultat est généralement observé pour les modèles logit, le R2 de Macfadden tend difficilement
vers 1. On ne saurait donc réellement le prendre en considération pour évaluer la qualité de
l’ajustement.
C’est pourquoi, on recourt souvent à la courbe ROC (Receiver Operating Characteristics). Celle du
présent modèle est donnée par le graphique ci-dessous :
38
Graphique 2.2 : Courbe ROC associée à la détention d’une carte de paiement.
Source : calculs de l’auteur.
Sur ce graphique, on observe que la valeur de l’AUC est égale à 0,6112 ; ce qui signifie que
l’ajustement est de bonne qualité.
Les tests sus effectués étant concluants, on peut dire du modèle qu’il est adéquat : les variables
exogènes choisies contribuent significativement à expliquer l’exclusion liée à la détention d’une carte
bancaire.
Forts de ces acquis, nous pouvons à présent procéder à l’interprétation des résultats de
l’estimation.
A l’observation du tableau 2.3, les signes des coefficients associés à la richesse et à l’âge sont
positifs, tandis que le coefficient associé à la variable documentation est négatif. On peut donc dire
qu’il existe une corrélation positive entre la probabilité de détenir une carte de paiement d’une part, et
l’âge et la richesse d’autre part. En revanche, il existe une corrélation négative entre la probabilité de
détenir une carte de paiement et la documentation.
Ces résultats appellent les interprétations suivantes :
- la probabilité de détenir une carte est une fonction croissante de l’âge. Autrement dit, la
probabilité de détenir une carte augmente à mesure que l’âge s’avance. Ce résultat rejoint l’idée selon
laquelle les clients s’étant forgés une bonne réputation dans une banque ont une plus forte probabilité
d’obtenir des produits bancaires ;
39
- en ce qui concerne la richesse, plus elle s’accroit et plus la probabilité de détenir une carte de
paiement augmente. Ces résultats sont conformes à nos attentes, car il est admis dans la littérature
économique que l’exclusion bancaire est d’autant plus forte que les frais associés à la détention d’une
carte de paiement sont élevés. Ils peuvent aller jusqu’à 20.000 francs par an dans certaines banques
camerounaises. Un tel produit n’est alors qu’à la portée personnes jouissant d’un certain confort
financier.
- Le signe négatif associé à la documentation signifie que la probabilité de détenir une carte est
une fonction décroissante de cette variable exogène. En d’autres termes, plus un individu est capable
de remplir les exigences documentaires, moins sa probabilité de détenir une carte de paiement est
forte. Ce résultat est semblable à celui trouvé par Allen et al. (2012) et contraire à nos attentes, car la
littérature économique nous enseigne que les banques privilégient plutôt les individus capables de
remplir les exigences documentaires.
Pour finir, le tableau ci-dessous présente les odds-ratios de ce modèle :
Tableau 2.4. : odds-ratios associés à la détention d’une carte de paiement.
Variable
endogène
EXCLU2
variables
exogènes
Odds Ratio p-value Significativité
Documentation 0,56120 0.0420 4%
Age 0.23251 0.0550 5%
Richesse 0, 2184 0,3312 Non
Source : calculs de l’auteur.
On peut interpréter ces résultats ainsi qu’il suit :
- la probabilité de détenir une carte de paiement est 56,12 fois plus élevée pour un individu
capable de remplir les exigences documentaires formulées par les banques ;
- la probabilité de détenir une carte de paiement est 23,25 fois plus élevée pour une personne
riche ;
- enfin, pour un individu dont l’âge est suffisamment avancé, cette probabilité est 21,84 fois
plus grande que pour un individu jeune.
40
Au total, la détention d’une carte de paiement est positivement et significativement influencée par
la richesse et l’âge. En revanche, la mise en cause des exigences documentaires comme favorisant
l’exclusion des moyens de paiement, n’est pas statistiquement confirmée.
Toutefois, les rapports de chance font apparaître que cette dernière caractéristique institutionnelle
est la plus pertinente pour expliquer l’exclusion liée à la détention d’une carte de paiement, ce qui
suggère qu’on devrait prioritairement mettre en œuvre des politiques visant à réduire ces exigences.
CONCLUSION
Ce chapitre avait pour objectif majeur de déterminer empiriquement les facteurs les plus pertinents
de l’exclusion du côté de l’offre des services bancaires. Pour ce faire, nous avons effectué une
régression logistique sur la base d’un modèle inspiré des travaux d’Allen et al. (2000).
Nous avons utilisé des données relatives au Cameroun, issues de la base
GLOBAL FINDEX (2011) conçue par la Banque Mondiale pour mesurer l’exclusion bancaire à
travers le monde. La disponibilité des informations et les conclusions de l’étude d’Allen ont guidé le
choix des variables explicatives.
Au terme de l’estimation économétrique, nous avons trouvé conformément aux prédictions
théoriques que, du côté de l’offre, l’exclusion liée à la détention d’un compte bancaire est une fonction
décroissante de la richesse, de l’âge et de la documentation ; Tandis que, l’exclusion liée à la
détention d’une carte de paiement est une fonction décroissante de l’âge et de la richesse.
Autrement dit, la probabilité pour qu’un individu se voye ouvrir un compte dans une banque
augmente avec l’âge, la richesse et la documentation. Pour ce qui est de la probabilité pour qu’un
individu se fasse délivrer une carte de paiement, elle augmente avec l’âge et la richesse.
En outre, la documentation est la variable la plus pertinente pour expliquer les deux formes
d’exclusion sus mentionnées, ce qui nous permet de conclure que toutes mesures visant à alléger les
exigences documentaires associées à la détention d’un compte bancaire ou d’une carte de paiement
contribueraient à réduire significativement l’exclusion bancaire au Cameroun.
41
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
L’objet de cette partie était d’identifier les causes de l’exclusion bancaire du côté De l’offre de
services bancaires.
Une revue de la littérature conséquente a alors permis d’identifier la réglementation du secteur
bancaire et certaines stratégies commerciales des établissements de crédit comme facteurs explicatifs
de l’exclusion bancaire au Cameroun.
S’agissant de la réglementation du secteur bancaire, deux de ses aspects ont été mis en cause : les
effets pervers de la non rémunération des dépôts à vue, en contrepartie de la gratuité de la tenue de
compte, et la détermination arbitraire des services bancaires.
Si le premier aspect a pour effet pervers l’augmentation des tarifs des autres services bancaires et la
mise sur pied de nouveaux produits, le second aspect en revanche met en lumière un laxisme dans la
détermination des frais bancaires. Il est observé que les prix pratiqués par les banques ne sont pas
uniformes. C’est par exemple le cas du montant initial exigé pour l’ouverture d’un compte d’épargne,
lequel varie d’une banque à l’autre.
En ce qui concerne les politiques commerciales des banques, il a été montré qu’elles sont
élaborées dans l’unique objectif de maximiser leur profit, sans tenir compte des difficultés qu’elles
engendrent pour les clients. C’est le cas du redlining, de la sélection de clientèle et des pratiques
consistant à rentabiliser les difficultés des clients.
Sur la base de ces acquis théoriques, une évaluation empirique subséquente a permis de déterminer
les facteurs les plus pertinents statistiquement pour expliquer l’exclusion bancaire du point de vue de
l’offre. A cet effet, une régression logistique a été effectuée sur modèle logit. Deux indicateurs
d’exclusion ont été retenus : la détention d’un compte bancaire et la détention d’une carte de paiement.
La disponibilité des données a régi le choix des variables explicatives qu’étaient la richesse, l’âge et la
documentation.
Les résultats obtenus permettent de tirer les conclusions suivantes :
- l’exclusion bancaire liée à la détention d’un compte bancaire est une fonction décroissante de
la richesse, de l’âge et des exigences documentaires.
- l’exclusion bancaire liée à la détention d’une carte de paiement est une fonction décroissante
de l’âge et de la richesse. En revanche, les exigences documentaires n’affectent pas significativement
cette forme d’exclusion bancaire.
42
Pour finir, les rapports de côte calculés à la suite de l’estimation permettent d’affirmer que les deux
niveaux d’exclusion sont plus sensibles aux exigences documentaires. L’identification des facteurs liés
à la demande de services bancaires nous permettra de compléter la présente analyse.
43
DEUXIEME PARTIE :
LA DETERMINATION DES FACTEURS DU COTE DE LA
DEMANDE : LES CAUSES DE L’EXCLUSION BANCAIRE
44
INTRODUCTION DE LA DEUXIEME PARTIE
Phénomène extrêmement complexe, l’exclusion bancaire affecte la vie sociale et économique des
personnes qui y sont confrontées. Si une grande part de responsabilité en cette matière incombe aux
offreurs de services bancaires, une bonne compréhension des mécanismes de ce phénomène
commande de creuser du côté de la demande.
En effet, selon qu’elles sont favorables ou non, les opportunités qui précèdent la naissance des
individus influent de façon significative sur leur devenir, en termes d’espérance de vie, de qualité
d’éducation et d’accès aux soins de santé, de mode de vie et de logement, etc. Ces caractéristiques
liées aux catégories sociales ont des conséquences économiques concrètes : probabilité plus élevée
d’être au chômage, d’avoir un faible revenu, voire d’être financièrement exclu.
Or, ces barrières financières constituent un maillon déterminant de l’accès aux services bancaires.
La nécessité et la possibilité de faire usage de ces derniers est en effet tributaire de la possession d’un
minimum de richesses. Il en découle que les personnes déjà victimes d’un certain nombre d’inégalités
se voient en plus privées de l’accès aux services bancaires. Le lien entre pauvreté et exclusion bancaire
devient alors évident : les deux s’engendrent mutuellement, formant ainsi un cercle vicieux
(Gloukoviezoff, 2010).
Cette partie vise donc à recenser les facteurs sociodémographiques et économiques de l’exclusion
bancaire au Cameroun. Pour ce faire nous procédons à une analyse en deux chapitres : le premier
consiste à identifier dans la littérature économique, les causes de l’exclusion bancaire qui pourraient
être rattachées à la demande. Le second quant à lui, consiste en une évaluation empirique des facteurs
préalablement identifiés, en vue d’en retenir les plus pertinents dans le contexte camerounais.
45
CHAPITRE 3 : L’IDENTIFICATION THEORIQUE DES
FACTEURS LIES A LA DEMANDE DES SERVICES BANCAIRES
INTRODUCTION
Il est établi dans la littérature économique que l’accessibilité des particuliers aux produits
bancaires dépend d’un ensemble de caractéristiques sociodémographiques et économiques qui leur
sont intrinsèques. Celles-ci sont à leur tour rattachées au contexte national qui peut amplifier ou
amoindrir les mécanismes de l’exclusion bancaire.
Dans le cas du Cameroun, le contexte national, marqué par un fort taux de pauvreté monétaire24 et
un faible degré de pénétration financière, constitue d’entrée de jeu un important handicap. Gulde et al.
(2006) montrent en effet l’existence d’une étroite corrélation entre l’exclusion bancaire d’une part, et
le taux de pauvreté et le revenu par habitant d’autre part.
Accablée par des inégalités sociales et affectée par la pauvreté, une grande partie des ménages est
alors maintenue à l’écart du système bancaire ou bénéficie d’un accès inapproprié aux services
bancaires. Elle se trouve ainsi privée de toute possibilité de se constituer une épargne officielle et
d’investir dans l’éducation, le logement ou des projets porteurs.
L’objet de ce chapitre est d’identifier les barrières socio-économiques qui sont à l’origine de
l’exclusion bancaire dans ce pays. Pour ce faire, il se subdivise en deux sections : la première est
consacrée à la recension des barrières sociodémographiques et la seconde met en exergue l’impact
négatif de la pauvreté monétaire sur l’accès aux services bancaires.
SECTION I : Les barrières sociales : un frein à l’accès aux services bancaires
De par leur impact sur les conditions de vie des individus, certaines caractéristiques
sociodémographiques peuvent prohiber l’accès ou l’usage des services bancaires. Par ailleurs,
certaines personnes font elles-mêmes le choix de rester en dehors du système bancaire pour des raisons
personnelles ou suite à de mauvaises expériences bancaires.
Cette section présente d’une part, les caractéristiques sociodémographiques qui influencent
l’exclusion bancaire et, d’autre part elle analyse le cas de l’auto exclusion sus évoqué.
24 Selon l’INS, ce taux était de 40% en 2007.
46
I.1- La prise en compte des caractéristiques sociodémographiques
Ces caractéristiques rentrent inéluctablement en ligne de compte dans le processus d’identification
des causes de l’exclusion bancaire. La théorie économique, permet d’identifier plusieurs
caractéristiques individuelles qui entravent l’accès des particuliers à l’accès des services bancaires. Il
s’agit entre autres de l’âge, du genre, de la religion, etc.
I.1.1- Mise en exergue de l’impact de l’âge
La littérature économique fait état d’un lien entre l’âge et l’exclusion bancaire : deux catégories de
personnes seraient alors les plus exposées à ce phénomène, notamment les plus jeunes et les personnes
du troisième âge. Plus exactement, les individus dont l’âge est exclu de l’intervalle [25-64 ans] ont
davantage tendance à être financièrement exclus (Allen, Demirguc-kunt, Klapper et Péria, 2012).
S’agissant des individus ayant moins de 25 ans, ils sont pour la plupart financièrement exclus
parce qu’ils ne remplissent pas la condition d’âge légale, nécessaire pour pouvoir accéder aux services
bancaires. En effet, il existe dans tous les pays, une loi fixant l’âge minimum requis pour pouvoir
prétendre à l’usage des services bancaires. En général, cet âge est égal à la majorité civile, qui oscille
pour la plupart entre 18 et 21 ans.
Cependant ces individus ne ressentent pas tous nécessairement le besoin de recourir aux services
financiers car étant encore sous la responsabilité d’un parent ou utilisant les services bancaires de
façon indirecte à travers un membre du ménage.
Pour ce qui est de l’exclusion de certains sexagénaires, voire des personnes encore plus âgées, elle
peut s’expliquer par trois raisons :
- Premièrement, elle provient du fait qu’une grande partie de cette cohorte appartient à la « cash
only generation » (Kempson et Whiley, 1999). Autrement dit, elle a essentiellement vécu à une époque
où les sociétés étaient moins financiarisées que de nos jours ;
- deuxièmement, le départ à la retraite est souvent synonyme de variation à la baisse des
ressources financières et, pour certains, d’installation en campagne où le coût de la vie est réputé plus
faible qu’en zone urbaine. Dès lors, le recours aux services bancaires suppose pour les personnes
concernées de pouvoir braver des barrières aussi bien financières que physiques ;
- troisièmement, la santé devient plus fragile à mesure qu’on prend de l’âge. La probabilité de
survenue de dysfonctionnements (liés à la vue, à l’ouïe, à la mobilité, etc.) est alors plus forte et
presque inévitable. Ces difficultés rendent plus complexe l’usage des services bancaires.
47
L’influence de l’âge sur l’exclusion bancaire peut être représentée graphiquement comme suit :
Graphique 3.1 : influence de l’âge sur l’exclusion bancaire.
Source : auteur.
Le graphique montre que l’exclusion bancaire frappe particulièrement les personnes âgées de moins
de 24 ans et de plus de 65 ans. A contrario, pour les individus dont l’âge est compris dans l’intervalle
[25 ans - 64 ans], la probabilité d’être exclus est beaucoup plus faible, car cette tranche d’âge
correspond à la phase active de la vie. Durant cette phase, il est possible d’exercer un métier qui leur
permettra de dégager des flux de revenus réguliers, qui comme on l’a vu plus haut constituent le plus
important des critères de sélection de clientèle.
I.1.2- L’analyse du phénomène selon le genre, l’origine ethnique et la religion
La prise en compte du genre fait ressortir que les femmes ont plus tendance à être exclues que les
hommes. Les écarts liés au niveau d’instruction, laquelle joue un rôle clé sur la possibilité de
décrocher un emploi décent, constituent la clé de compréhension de cet état des choses. A l’échelle
mondiale, 55% des hommes possèdent un compte en banque, contre 47% de femmes seulement
(Demirgüc-Kunt et Klapper, 2012).
Une autre raison avancée pour expliquer cette réalité tient au fait que certaines femmes utilisent
indirectement les services bancaires à travers l’ouverture d’un compte commun avec leur époux. En
outre, les violences économiques25, parfois encouragées par la règlementation, constituent également
une entrave aux services financiers pour les femmes, notamment lorsqu’elles prennent la forme
25 Les femmes ont toujours eu un statut inférieur aux hommes et sont souvent victimes de discriminations et
de violences de différents ordres. Ainsi, si les discriminations revêtent surtout la forme de lacunes juridiques
et institutionnelles ou encore de mesures discriminatoires nourries par les traditions, les violences en revanche
peuvent être aussi bien physiques, sexuelles qu’économiques. S’agissant de ces dernières, elles renvoient au
contrôle du salaire, à l’interdiction de mener une activité lucrative ou d’ouvrir un compte en banque, ainsi que
la privation des moyens ou de biens (Organisation des Nations Unies, 2009).
MOINS DE 24 ANS
25 ANS 25 - 64 ANS 64 ANS 65 ANS ET PLUS
exclusion bancaire
48
d’obligation d’obtenir l’autorisation de leur conjoint pour pouvoir ouvrir un compte en banque ou
effectuer des transactions financières (ONU, 2009).
S’agissant de la culture, qui renvoie à un ensemble de données acquises et transmises à l’intérieur
d’un groupe social, elle exerce sur l’exclusion bancaire une grande influence à travers deux
composantes : l’origine ethnique et la religion, précisément dans un contexte très conservateur.
Certaines ethnies vivent repliées sur elles-mêmes et interdisent à leurs ressortissants tout contact
avec les dérivés de la mondialisation, dont les services bancaires font partie. Il s’agit là d’un choix
personnel, d’une exclusion voulue qui ne pose pas véritablement de problème.
Par contre, dès lors que le repli-sur-soi est la conséquence d’une discrimination à l’encontre d’un
groupe ethnique, tribal ou racial, nous sommes en présence d’exclusion bancaire. Si cette forme
d’exclusion financière est rencontrée au RoyaumeUni (Kempson, 2000), au Cameroun aucun cas n’est
rapporté à notre connaissance.
Dans le même ordre d’idées, des religions telles que l’islam s’opposent aux pratiques financières
donnant lieu à la perception d’intérêt, notamment l’usure (Collard et al, 2001). Elles jettent alors
l’opprobre sur l’usage des services bancaires. Or, la raison d’être des banques est de réaliser des profits
à travers leurs rôles d’intermédiaires financiers qui consistent à percevoir d’intérêts en contrepartie des
fonds prêtés. Ces taux appliqués au crédit sont d’ailleurs une fonction croissante du niveau de risque
de l’emprunteur.
I.1.3- Prise en compte du lieu de résidence, du niveau d’instruction et du
secteur socioprofessionnel
S’agissant du lieu de résidence, il constitue un facteur déterminant que l’on peut mesurer par le
degré de proximité des agences bancaires. Ainsi, résider en milieu urbain ou en milieu rural, peut être
un atout ou constituer un handicap. A l’observation, les zones rurales sont moins fournies en
infrastructures bancaires, ce qui oblige les villageois à parcourir de longues distances pour effectuer
des transactions bancaires.
Le graphique ci-contre présente la densité bancaire du Cameroun.
49
Graphique 3.2 : densité bancaire du Cameroun
Source : Conseil National du Crédit, BEAC, janvier 2014.
Sur ce graphique, on peut voir que sur un total de 217 agences que compte le Cameroun à la date
sus indiquée, les régions de l’Ouest et du Grand Nord26 (Adamaoua,
Nord et Extrême-Nord) n’en possèdent respectivement que 16 et 32. Cela s’explique, entre autres,
par le fait que la pauvreté est un « phénomène rural » dans ces parties du pays (Fambon, 2005/1). Les
banques ne trouvent aucun intérêt à s’y installer.
En fin de compte, il est plus avantageux de résider en milieu urbain car les villes sont relativement
bien pourvues en infrastructures bancaires et les distances à parcourir pour y accéder sont moins
longues et moins pénibles que lorsqu’il faut partir de la campagne.
Pour ce qui est de l’éducation, plusieurs travaux démontrent l’existence d’une corrélation négative
entre cette variable et l’exclusion bancaire : plus un individu est instruit, plus fortes sont ses chances
d’être bancarisé. Selon Allen, Demirguc-kunt, Klapper et Peria (2012), les adultes avec un niveau
d’éducation tertiaire ont en moyenne deux fois plus de chances de détenir un compte bancaire. En
revanche, ceux n’ayant reçu absolument aucune éducation ou ayant quitté le système éducatif
précocement, sont généralement plus en proie à l’exclusion bancaire (Anderloni, Bayot, Bledowski,
Iwanicz-Drozdowska et Kempson, 2008).
26 Le Grand Nord est lui-même composé de trois régions, à savoir le Nord, l’Extrême-Nord et l’Adamaoua.
ouest : 7,37%
Grand Nord : 9,67%
Nord-ouest/Sud-ouest : 14,74%
Centre/Sud/Est : 28,57%
Littoral : 39,63%
50
L’éducation joue donc un rôle majeur dans l’édification d’un système bancaire plus inclusif,
notamment à travers la culture financière qu’il permet d’inculquer aux individus (Kempson, 2000) et
les débouchés qu’il leur offre en termes d’emploi27.
Cela tient au fait que l’instruction est réputée faciliter :
- d’une part la compréhension de l’importance des banques au plan socioéconomique (les
banques mettent à disposition des produits (constitution d’une épargne, crédits etc.) qui permettent,
entre autres, de réaliser des projets, de faire face à des aléas ;
- et d’autre part, l’usage des produits et des services que proposent les banques. Le manque de
culture financière donne lieu à une « exclusion de l’intérieur », laquelle est la caractéristique des
personnes financièrement incluses mais qui ne comprennent rien au fonctionnement des services et à
l’usage des produits proposés par les banques (Ebermeyer et al., 2003).
Par ailleurs, on pourrait apporter une explication supplémentaire aux écarts liés à la densité
bancaire entre régions observés sur le graphique, par le fait que les régions les plus désertes en
infrastructures bancaires sont également les moins alphabétisées. Avec les taux d’alphabétisation et de
scolarisation les plus faibles du pays en 2007, les régions de l’Extrême-Nord, du Nord et de
l’Adamaoua28 constituent difficilement des zones propices à l’émergence des établissements bancaires.
On comprend pourquoi seulement 9,7% des agences bancaires camerounaises se retrouvent dans le
GrandNord.
Enfin, il convient de s’intéresser au secteur professionnel, au niveau duquel des disparités sont
observées relativement à l’exclusion bancaire. En effet, la probabilité d’être inclus varie selon qu’on
exerce dans le secteur privé, public ou informel. Les deux travailleurs des deux premiers secteurs ont
une plus forte vraisemblance à être inclus en raison de la stabilité de l’emploi et de la régularité des
revenus. A contrario, la précarité et la forte incertitude qui caractérisent le secteur formel, ne sont pas
de nature à encourager les banques à servir ceux qui y travaillent. Si l’on se réfère au cas camerounais,
c’est alors 92% de la population active camerounaise qui serait exclue. En effet, la population active
camerounaise s’élevait à environ 8 millions d’individus en 2007 (INS) ; au même moment, le secteur
informel concentrait 92% de la population active occupée, contre 8% qui exerçaient dans le secteur
privé ou public.
27 L’éducation offre des opportunités d’emploi et donc des possibilités d’acquérir des ressources financières, sans
lesquelles il est impossible de prétendre à l’usage des services bancaires.
28 En 2007, ces trois régions connaissaient des taux d’alphabétisation de l’ordre de 28,3%, 40,7% et 42,4%
respectivement et des taux de scolarisation qui étaient de moins de 6 enfants sur dix inscrits à l’école (INS).
51
I.2- L’analyse du cas particulier de l’auto exclusion
Selon Kempson (2001), l’auto exclusion ou exclusion volontaire est un processus par lequel une
personne renonce à l’usage des services bancaires. Ce serait la forme d’exclusion la plus répandue au
Royaume-Uni, ce qui dénote de son importance et de la nécessité d’en cerner les mécanismes.
La même source distingue alors trois cas de figure :
- il existe d’abord des situations dans lesquelles un individu décide de n’avoir aucun contact
avec les prestataires de services bancaires pour des raisons autres qu’économiques, sociales,
culturelles, etc. (Banque Mondiale, 2009). Compte tenu du fait que cette forme d’auto exclusion
émane réellement d’un choix personnel, elle ne pose pas réellement de problème d’accès aux services
financiers (Beck et De La Torre, 2006) ;
- ensuite, dans d’autres cas l’auto exclusion est la résultante de difficultés d’usage rencontrées
dans la relation bancaire, lesquelles engendrent une réduction progressive des services auxquels un
client a accès. Si les difficultés persistent, alors ce dernier peut choisir une mise en retrait totale ;
- enfin, l’auto exclusion peut être la conséquence d’un accident de la vie (dégradation de la
situation professionnelle ou familiale) ayant un grand impact sur la situation financière de la victime,
et affectant donc sa capacité-même à supporter les frais liés à l’usage des produits bancaires ou ses
facultés physiques et mentales (Kempson et Whiley, 1999).
Il convient de souligner que l’exclusion volontaire est ancrée sur le degré de financiarisation de
chaque société. Ainsi, elle peut être totale ou partielle. Au Royaume-Uni par exemple, ce processus
peut aller jusqu’à une absence totale de services bancaires ; tandis qu’en France, l’auto-exclusion ne
peut aller au-delà du renoncement aux moyens de paiement (cartes de paiement, carte de crédit etc.) et
aux services de découvert et de crédit (Gloukoviezoff, 2005).
Le Cameroun se caractérisant encore par un faible degré de financiarisation, il est tout à fait
possible d’y retrouver des cas d’auto exclusion totale. Ici, des barrières psychologiques sont à l’œuvre,
notamment la méfiance envers le système bancaire et le manque de culture financière (Leyshon et al.,
1998) qui favorisent alors la préférence pour une gestion autonome.
I.2.1- La méfiance à l’égard des institutions bancaires
Sapienza et Zingales (2009) expliquent ce sentiment de méfiance par l’incertitude liée à l’avenir et
la crainte de la survenue des crises bancaires . En effet, l’incertitude est une caractéristique intrinsèque
de l’activité bancaire. Elle touche les déposants à travers les asymétries d’information sur la gestion de
leurs avoirs en banque. Il leur est difficile de connaître le degré de risque associé aux prêts adossés sur
ces avoirs. Ils perçoivent alors les banques comme des boîtes noires dont le fonctionnement exact est
52
difficile à maîtriser. Selon Mishkin (2007), cette opacité des banques peut engendrer l’effondrement du
système à travers des paniques et des faillites bancaires.
En ce qui concerne les crises bancaires, elles se manifestent souvent par l’impossibilité pour les
banques d’honorer leurs engagements envers les déposants. Le Cameroun connaît des précédents en la
matière. En effet, le système bancaire camerounais a été secoué par une crise au milieu des années
1980. En dépit des mesures prises par le Gouvernement, parmi lesquelles l’indemnisation des
déposants par le canal de la Société de Recouvrement des Créances, une grande partie des clients n’a
pas pu rentrer en possession de son épargne. L’auto exclusion, totale ou partielle, peut donc être
motivée par la crainte de revivre une telle situation.
I.2.2- La préférence pour une gestion autonome
Elle est simultanément nourrie par la peur due à la complexité de l’utilisation des services
bancaires, l’intériorisation des critères de sélection des banques et la crainte liée aux expériences
négatives (Gloukoviezoff, 2009). L’utilisation des services bancaires est en effet rendue complexe par
le vocabulaire technique et la dématérialisation du budget29 qu’elle implique (Gloukoviezoff, 2005).
A ces raisons s’ajoutent l’incompatibilité entre les horaires d’ouverture des banques et la
disponibilité des clients soumis à des contraintes professionnelles. Il peut alors être difficile
particulièrement difficile, pour des clients privés de moyens de paiement scripturaux, d’effectuer des
retraits d’argent ou tout simplement de rencontrer leur banquier pour bénéficier d’un conseil ou de
tout autre éclairage.
Dans le même ordre d’idées, la piètre qualité du service au sein de certaines banques constitue une
entrave non négligeable à l’usage des services bancaires. Très souvent, l’accueil réservé aux clients
est froid, les files d’attente sont longues et le personnel n’est pas toujours disposé à donner des
renseignements à ceux qui en demandent. Parfois, les procédures d’obtention d’une carte, d’un crédit
ou de retrait d’argent sont très longues.
Afin d’éviter tous ces désagréments, certaines personnes préfèrent retirer leurs ressources du
système bancaire, en vue de les gérer de façon autonome. Les plus tolérants conservent un compte
courant pour la perception de leur salaire, mais aussitôt que celui-ci y est viré, ils en retirent la totalité
en vue de le gérer personnellement. De la sorte, ils se sentent également à l’abri des facturations et des
pratiques bancaires susceptibles de grever leur budget (Brunet, Robert et Sigano, 2003).
29 La dématérialisation du budget renvoie au passage d’une gestion physique de ses avoirs, à une gestion dénuée
de tout contact physique avec l’argent.
53
En plus des barrières sociodémographiques à l’accès et à l’usage des services bancaires, il existe
des barrières financières que nous présenterons au point suivant.
SECTION II: La pauvreté monétaire : un important catalyseur de l’exclusion
bancaire
Si la Banque Mondiale (1996) voit dans la pauvreté aussi bien une carence en biens matériels qu’un
accès réduit à l’éducation et à la santé, le PNUD (1998) quant à lui se réfère à l’insuffisance des
ressources et à l’absence d’opportunités qui permettraient au peuple de jouir de conditions de vie
décentes pour définir ce phénomène (Benicourt, 2001).
Il existe un seuil de pauvreté retenue par la communauté internationale. Selon celui-ci, est
considérée comme pauvre, toute personne vivant avec moins d’1,25 dollar américain par jour. Cela
revient à dire qu’est considérée comme pauvre au Cameroun, toute personne vivant avec moins de 738
francs CFA, par équivalent-adulte et par jour (INS, 2007). Selon la même source et à la même date, le
taux de pauvreté monétaire était de 40% dans ce pays qui comptait alors 17 millions d’habitant.
Ainsi, près de la moitié de la population camerounaise serait pauvre et incapable de supporter le
coût des services bancaires. Ces personnes disposant de moyens financiers très limitées, trouvent une
issue de secours dans les fournisseurs alternatifs de services financiers.
II.1- Les effets de la pauvreté monétaire sur l’accès aux services bancaires
Ils sont appréhendés par l’absence de revenu régulier et par les difficultés à supporter le coût
desdits services.
II.1.1- L’absence de revenu régulier
Nous avons vu dans le chapitre liminaire de notre étude que la raison d’être des banques est de
réaliser des profits. A ce titre, tous les services qu’elles proposent ont un coût qui n’est à la portée que
des personnes possédant un minimum de ressources financières et donc un revenu régulier et stable
dans le temps (Finscope survey, 2007).
Dans cet ordre d’idées, la Banque Mondiale (2009) indique dans le rapport « Banking the poor »
que les personnes pauvres sont exclues du système bancaire d’une part, parce qu’elles ne disposent pas
des ressources financières suffisantes pour ressentir la nécessité d’y recourir ; et d’autre part, parce
qu’elles ne constituent pas des clients suffisamment rentables pour les établissements de crédit.
Selon l’ECAM III, le Cameroun la population active camerounaise était de 10 millions d’habitants
en 2007, avec seulement 586 319 habitants effectivement occupées dans les secteurs public et privé
54
formels. On présume que ces personnes disposent d’un revenu mensuel contrairement aux 8 millions et
demi restants, qui ne peuvent donc prétendre à l’usage des services bancaires.
Toutefois, ce raisonnement est à relativiser car certains travailleurs du secteur informel dégagent
également d’importantes ressources quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles ou suivant une autre
périodicité. Ceux-ci sont peut-être financièrement inclus ou alors ils sont exclus pour d’autres raisons.
En outre, il ne suffit pas d’exercer dans le secteur privé ou public pour être financièrement inclus. Là
encore, il faut tenir compte, d’une part du niveau du salaire, réputé faible dans le secteur public ; et
d’autre part de la nature du contrat dans le secteur privé.
II.1.2- Les barrières financières subséquentes
Le coût élevé des services bancaires est réputé décourager leur usage, notamment dans des pays
aussi pauvres que le Cameroun. Ces coûts sont relatifs à :
- l’ouverture ou à l’entretien d’un compte : alors que dans certains pays les frais y associés
sont nuls, dans les pays à faible revenu ils sont si élevés qu’ils constituent un facteur décourageant. A
titre illustratif, à la BGFI BANK du Cameroun, il faut débourser un montant de 1.000.000 de francs
CFA à titre de dépôt initial lors de l’ouverture d’un compte chèque. En outre, un montant minimum
de 250.000 francs CFA y est requis pour maintenir ce compte ouvert. A cela s’ajoutent les frais de
tenue bancaire qui, à la Standard Chartered Bank, peuvent aller jusqu’à 150.000 francs CFA hors taxes
par an (BEAC, 2010) ;
- l’obtention des instruments de paiement : si la délivrance des chèques est gratuite sur toute
l’étendue du territoire camerounais30, les coûts associés à l’obtention des cartes de paiement y restent
élevés et peuvent aller jusqu’à 20.000 francs CFA par an dans certaines banques ;
- l’obtention d’un crédit : outil important pour sortir du cercle vicieux de la pauvreté, le crédit
est paradoxalement d’avantage à la portée des personnes financièrement aisées. Ceci tient aux
conditions drastiques à remplir pour pouvoir en bénéficier, relatives à la documentation et aux
collatéraux. Ces derniers qui, visent à réduire la probabilité de défaillance de l’emprunteur et limiter
les pertes en cas de réalisation du risque, joue un rôle décisif. Il est cependant accablant de constater
que le niveau de garanties requis par les banques est souvent supérieur au crédit sollicité (Joseph,
2000). Au Cameroun, sur 6% de ménages ayant demandé un crédit en 2007, seulement 2% ont obtenu
une réponse favorable. Il s’agissait pour la plupart de ménages nantis. Parmi les raisons avancées pour
justifier cet état de chose, l’insuffisance des garanties arrive en premier (INS, 2007).
30 Voir en annexe l’article 3 de l’arrêté du Ministre des Finances portant institution d’un service bancaire
minimum garanti.
55
Les personnes disposant de ressources financières trop limitées pour pouvoir accéder aux services
bancaires, se tournent vers les IMF ou recourent à des pratiques financières informelles.
II.2- Le recours aux fournisseurs alternatifs de services financiers
Selon Dunham (2001), il existe l’alternative du secteur non bancaire pour les individus qui ne
peuvent pas braver les barrières à l’accès aux services bancaires. Au Cameroun, la microfinance et les
tontines constituent, à titre principal, cette alternative.
II.2.1- La ruée vers les institutions de microfinance
La microfinance tire ses origines du microcrédit, pratique élaborée dans les années 1970 par
Mohammad Yunus et qui consiste à accorder des prêts à des personnes très pauvres, ne remplissant pas
les conditions requises pour se financer auprès du circuit bancaire traditionnel. L’objectif est de
permettre à ces personnes de mener des activités productives ou génératrices de revenus, dans
l’optique de les extirper de la misère.
Au fil du temps, cet outil d’intégration socio-économique des couches défavorisées a vu sa gamme
de services s’élargir pour inclure désormais l’épargne, l’assurance, les transferts d’argent etc.
La flexibilité, la simplicité des procédures, la proximité et la bonne qualité des services offerts par
les IMF, en font l’expédient par excellence pour les personnes mal servies du système bancaire
classique.
Ces traits caractéristiques de la microfinance ne laissent pas indifférente la population
camerounaise. La forte densité des IMF sur le territoire national en constitue la preuve palpable, ainsi
que le montre le tableau suivant :
56
Tableau 3.1 : réseau des IMF du Cameroun.
Centre-
Sud-Est
Grand
Nord
NordOue
st/
Ouest
Littoral/SudO
uest Total
1ère
catégorie
53 7 37 43 140
2ème
catégorie 15 2 8 18 43
3ème
catégorie / 2 / 2 4
CAMCCUL 10 23 80 63 176
CMEC / / 27 / 27
CVECA 34 9 / / 43
MUCADEC 6 / / / 6
Total 118 43 152 126 439
Source : MINFI, juin 2013.
A l’observation, les IMF sont effectivement présentes dans toutes les régions camerounaises. On
observe cependant une préférence pour le Centre-Sud-Est, le Littoral/Sud-ouest et le Nord-Ouest,
sûrement en raison de la forte demande émanant des populations qui y vivent.
Par ailleurs, on remarque que le nombre d’IMF implantées au Cameroun est le double des agences
bancaires y recensées. Ceci confirme que les EMF s’appliquent à réduire au minimum les barrières
physiques à l’accès aux services financiers.
Cette place de choix qu’occupe la microfinance dans l’économie camerounaise31 est également
confirmée par des statistiques collectées auprès du MINFI. Ces dernières révèlent que l’offre de crédit
31 Si l’implantation de la microfinance au Cameroun date du milieu des années 1960, on observe un important
développement de ce secteur au début de la décennie 1990. Cela s’explique principalement par les faillites
bancaires causées par la crise économique des années 1980 qui a d’une part, entamé la confiance des agents
envers le système bancaire traditionnel et d’autre part, amené les licenciés des banques à se reconvertir dans la
microfinance (Avom et Eyeffa, 2007). En outre, cette expansion de la microfinance se justifie par la frilosité
des banques à financer l’économie au lendemain des restructurations (Joseph, 2000).
57
par les IMF s’élevait à 63,5 milliards de francs CFA au 31 décembre 201332. La ventilation de ces
crédits par secteurs d’activités est donnée par le graphique ci-après.
Graphique 3.3 : ventilation des crédits octroyés par les EMF par secteurs d’activités
Source : MINFI, 2014.
II.2.2- Le recours à la finance informelle : le cas des tontines
Au Cameroun, les tontines constituent la pratique financière informelle la plus répandue. Cette
pratique consiste pour un groupe de personnes, unies par des liens amicaux, familiaux ou
professionnels, à se réunir à des périodes d’intervalles réguliers afin de mettre en commun leur
épargne pour faire face à un problème ou réaliser un projet.
Selon Joseph (2000), deux types de tontines peuvent être distingués au Cameroun :
les mutuelles : dans ce cas, les sommes collectées sont distribuées à tour de rôle suivant un
ordre négocié au préalable ou selon les priorités des participants ;
les enchères : dans cet autre cas, les sommes collectées sont offertes au plus offrant.
Les tontines se caractérisent par des taux d’intérêt débiteurs élevés, des conditions d’adhésion
souples et des règles de fonctionnement strictes. En dépit du niveau élevé des taux de remboursement,
elles restent plus attractives aussi bien pour les pauvres que les non pauvres, car elles reposent sur la
confiance mutuelle et la solidarité.
32 Au même moment, le montant total de crédits accordés par le système bancaire s’élevait à 2264,5 milliards de
francs CFA. La contribution des IMF au financement de l’économie est peut-être encore marginale (les encours
de crédit des banques s’élevaient à 2 201 milliards de francs CFA contre seulement 63,5 milliards pour les IMF),
mais la croissance de ce secteur semble prometteuse.
crédits aux commerçants 53,2%
crédits à la consommation 12%
crédits à l'habitat 11,50%
crédits à l'agriculture 10,1%
autres crédits 9,20%
crédits au secteur des services 3%
crédits à l'artisanat 0,60%
58
En outre, les asymétries d’information sont plus faciles à gérer dans de telles associations car elles
regroupent des personnes qui se connaissent suffisamment pour se faire confiance. De plus, l’usage
des fonds y est plus facile à retracer et les responsabilités sont rapidement établies en cas de
défaillance de l’un des membres.
CONCLUSION
L’objet de ce chapitre était d’identifier les facteurs théoriques de l’exclusion bancaire du côté de la
demande des services bancaires.
Cette démarche nous a alors permis de recenser des barrières aussi bien sociodémographiques,
qu’économiques qui entravent l’inclusion financière de la grande masse.
On peut retenir qu’au Cameroun, l’exclusion bancaire est engendrée par :
- les barrières sociodémographiques suivantes : l’âge, le genre, l’origine ethnique, la culture, le
niveau d’éducation, le lieu de résidence et le degré de confiance dans les institutions bancaires ;
- les barrières économiques relatives à l’absence de revenu régulier et au coût élevé des produits
et services proposés par les banques. Ces barrières poussent les personnes pas ou mal servies à opter
pour l’alternative du secteur financier non bancaire, qu’il soit formel ou non.
Les résultats ainsi trouvés feront l’objet d’une évaluation empirique dans le chapitre suivant.
59
CHAPITRE 4 : EVALUATION EMPIRIQUE DES FACTEURS
DU COTE DE LA DEMANDE DES SERVICES BANCAIRES
INTRODUCTION
Le chapitre liminaire nous a permis de mettre en perspective l’état du débat théorique sur les
facteurs qui structurent et modulent l’exclusion bancaire au Cameroun. Il en ressort que ces derniers
sont aussi bien d’ordre sociodémographique qu’économique.
Toutefois, l’on ne saurait se limiter à une approche théorique pour affirmer que lesdits facteurs
expliquent effectivement l’exclusion bancaire au Cameroun. Ainsi, importe-t-il de confronter ces
éléments théoriques à la réalité des faits à travers une évaluation empirique conséquente.
Pour ce faire, nous nous inspirons du modèle logit33 simple utilisé par Allen, Demirguc-Kunt,
Klapper et Peria (2012) pour déterminer les causes de l’exclusion financière dans 123 pays, dont le
Cameroun.
Dans leurs travaux, l’exclusion bancaire est mesurée par trois indicateurs, à savoir : la détention
d’un compte dans une banque ou toute autre institution financière formelle, l’utilisation de ce compte
pour épargner et la fréquence mensuelle d’usage dudit compte.
L’idée est de déterminer le niveau de corrélation qui existe entre l’exclusion financière et un
ensemble de variables explicatives préalablement identifiées dans la littérature. Ces variables
comprennent des caractéristiques institutionnelles (la stabilité politique, la protection des
consommateurs, la gouvernance, etc.) et individuelles (le coût des services, les exigences
documentaires, la distance, la confiance et la pauvreté).
L’objectif de ce chapitre est donc d’évaluer, grâce à l’approche d’Allen et al., (2012), l’influence
de quelques facteurs sociodémographiques et économiques sur l’exclusion bancaire au Cameroun. Le
choix desdits facteurs est régi uniquement par la disponibilité des données.
Ce chapitre s’articule autour de deux sections parties : la première présente le modèle empirique et
les données ; la seconde porte sur l’estimation du modèle, la présentation et l’interprétation des
résultats.
33 le choix du logit est guidé l’avantage que possède ce modèle de générer des rapports de chance, ceux-ci
rajoutent de la certitude aux résultats de l’estimation.
60
SECTION I- Présentation du modèle et des données de l’analyse
I.1- Présentation du modèle analytique
Le modèle utilisé par Allen et al. (2012) est le suivant :
y*ij = xi' jβ+zij'γ+εij
yij =1 si 𝑦𝑖𝑗∗ > 0
yij =0 si 𝑦𝑖𝑗∗ < 0
Où i et j désignent respectivement les pays et les individus, y1*ij est une variable latente qui
représente l’exclusion bancaire, xij est un vecteur de caractéristiques institutionnelles, z1ij est un
vecteur de caractéristiques individuelles, β et γ sont des vecteurs de paramètres et ε1ij est un terme
d’erreur normalement distribué, de moyenne nulle et de variance égale à 1.
En estimant leur modèle par la méthode du maximum de vraisemblance, ils arrivent au résultat
selon lequel il existe une corrélation entre l’exclusion financière d’une part et l’âge, la pauvreté,
l’éducation, le lieu de résidence, le statut matrimonial et la confiance d’autre part. Ces facteurs varient
en sens inverse de l’exclusion.
Il convient d’apporter quelques précisions d’ordre méthodologique avant de présenter le modèle
analytique, dans la mesure où notre approche diffère de celle sus présentée en trois points.
D’abord, une différence est observée au niveau du champ de l’étude. En effet, si les auteurs sus
évoqués étudient l’exclusion financière, qui est un concept beaucoup plus large, nous nous limitons
uniquement à l’exclusion du système bancaire classique. Cela tient au fait que le système bancaire
camerounais est la seule composante opérationnelle du système financier, les marchés financiers étant
encore à un état embryonnaire.
Ensuite, nous n’utilisons que deux indicateurs pour mesurer l’exclusion bancaire. Si le premier est
identique à celui retenu dans le modèle de référence, le second en revanche est différent. Ce second
indicateur est la détention d’une carte de paiement34.
34 Nous nous référons en effet à la classification de Constans (2006) présentée en introduction et qui établit
trois niveaux d’exclusion, à savoir la possession d’un compte bancaire, la détention de moyens de paiement
nécessaires à l’usage dudit compte et l’accès au crédit.
61
Enfin, notre étude est menée dans un seul pays : le Cameroun. Par ailleurs, compte tenu du fait que
dans cette partie de notre travail nous nous intéressons uniquement à l’impact des caractéristiques
individuelles sur l’exclusion bancaire, la variable qui capte les effets fixes liés aux pays est exclue. Ces
distinctions faites, la spécification du modèle peut à présent être donnée.
Supposons l’existence d’un caractère qualitatif qui peut prendre K modalités disjointes ; Si K=2, on
dit que la variable est dichotomique35. Exemple: avoir un compte ou ne pas avoir de compte.
Dès lors, on peut représenter un caractère qualitatif dans le cadre d’un modèle économétrique. En
prenant le cas qui consiste à avoir un compte ou non, on définit la variable 𝑦 par :
Si représente la probabilité qu’un individu possède effectivement un compte, alors n’est rien
d’autre que l’espérance mathématique de : .
L’objectif du modèle choisi est alors d’expliquer la survenue de l’événement considéré en fonction
d’un certain nombre de caractéristiques observées pour les individus de l’échantillon. Il s’agit donc
précisément de spécifier la probabilité d’apparition de cet événement.
Supposons que l’on dispose de observations d’une variable endogène codée ou
par convention et soit , un vecteur ligne de variables exogènes associées à la
variable endogène .
Le logit linéaire simple s’écrit : .
Où est un vecteur de termes d’erreur gaussiens supposés identiquement et indépendamment
distribués, tandis que β désigne un vecteur colonne de K paramètres inconnus.
Dans la littérature économique, il est établi que la régression logistique permet, au travers de la
méthode du maximum de vraisemblance, d’estimer les paramètres, d’évaluer la précision de
l’estimation, de mesurer le pouvoir explicatif du modèle, de vérifier s’il existe une liaison significative
entre l’ensemble des variables explicatives et la variable dépendante, d’identifier les descripteurs
pertinents et donc d’évacuer les variables non significatives (Rakotomalala, 2014).
La vraisemblance correspond spécifiquement à la probabilité d'obtenir l'échantillon Ω à partir d'un
tirage dans la population. La méthode du maximum de vraisemblance consiste à produire les
paramètres β de la régression logistique qui rendent maximum la probabilité d'observer cet échantillon.
35 Dans le cas général K ∈ N* on dit que la variable est polytomique.
62
Nous effectuerons donc une régression logistique de manière à identifier les facteurs les plus
statistiquement pertinents de l’exclusion bancaire au Cameroun. Pour ce faire, nous utiliserons les
données présentées au point suivant.
I.2- Analyse descriptive des données
Les données en notre possession sont issues de la base de données Global Financial Inclusion
(Global Findex Database) construite par la Banque Mondiale avec pour triple objectif de collecter des
informations sur les pratiques financières à travers le monde, d’identifier les exclus bancaires et de
mesurer continuellement l’impact des politiques d’inclusion financière.
Ces données ont été collectées dans le cadre d’une enquête menée par la Banque Mondiale en 2011
dans 148 pays différents36, auprès de 150 000 individus âgés d’au moins 15 ans. L’enquête était
menée à travers des interviews directes ou téléphoniques en fonction du degré de couverture
téléphonique de chaque pays.
La base renseigne sur les éléments ci-après : le nombre de personnes détenant un compte bancaire ;
le nombre de personnes détenant une carte de paiement ; ainsi que le nombre de personnes ayant
bénéficié d’un crédit auprès d’une institution financière, d’un parent ou d’une autre source au cours
des 12 mois précédents l’enquête.
Cependant, elle ne donne que les raisons pour lesquelles un individu est privé de compte ou de
carte de paiement sans expliquer réellement l’exclusion du crédit. C’est pour cette raison que nous ne
retenons que les deux indicateurs d’exclusion bancaire préalablement énoncés.
Deux types de variables seront mobilisés dans le cadre de notre modélisation :
- les variables endogènes : ce sont celles qui captent l’exclusion bancaire. Il s’agit notamment
de la détention d’un compte et de la détention d’une carte de paiement. Ces deux variables sont notées
EXCLU1 et EXCLU2, c’est-à-dire la probabilité qu’un individu soit exclu. Ainsi, la variable
dichotomique EXCLU1 prend la valeur « 1 » si l’individu considéré détient effectivement un compte
bancaire et « 0 » sinon. Il est de même pour la variable EXCLU2. Elle est égale à « 1 » si l’individu
considéré possède une carte de paiement et « 0 » sinon.
- les variables exogènes : comme nous l’avons vu plus haut, l’exclusion bancaire est influencée
par un ensemble de variables socio-économiques et démographiques. Toutefois, les données dont nous
disposons ne renseignent que sur la distance, la situation financière, la confiance envers les institutions
bancaires et le niveau d’instruction.
36 Le Cameroun fait partie de cet échantillon. La liste exhaustive des pays concernés par l’enquête est jointe en
annexe.
63
L’ensemble des variables exogènes et leurs définitions sont présentées dans l’encadré ci-dessous :
Encadré 4.1 : présentation et définition des variables exogènes
SUPERIEUR : capte l’impact du niveau d’instruction sur l’exclusion bancaire. La
variable « SUPERIEUR » est choisie parce que la littérature établit que les individus ayant
fait des études universitaires ont beaucoup plus de chances d’être financièrement exclus ;
PROXIMITE : représente le fait pour un individu de résider près des banques. C’est
donc la distance qui sépare l’individu des institutions bancaires ;
RICHESSE : renseigne sur la situation financière de l’individu.
CONFIANCE : représente la confiance des agents envers les institutions bancaires.
Source : auteur.
SECTION II- Estimation du modèle et l’interprétation des résultats
La présente section se subdivise en deux sous-parties : la première est consacrée à l’estimation du
modèle et la seconde porte sur l’interprétation des résultats.
II.1- Estimation du modèle mesurant l’exclusion bancaire par la détention d’un
compte
Elle se fait avec le logiciel STATA/S 13. Les résultats sont présentés dans le tableau suivant :
64
Tableau 4.1 : Estimation du modèle relatif à la détention d’un compte bancaire
variable endogène
EXCLU1
variables
exogènes
Coefficients p-value Significativ
ité
Proximité 0,46274 0,001 1%
Supérieur 1.173662 0,012 1%
Richesse 0,0337 0,098 10%
Confiance 0,12771 0,0337 5%
Logistic regression Nombre
d’observations
1000
LR chi2(4) 7.60
Prob > chi2 0.0058
Log likelihood = -99.917048 Pseudo R2 0.0366
Source : calculs de l’auteur.
La qualité du modèle est évaluée par le test du rapport de vraisemblance (LR Statistic), lequel suit
une loi de khi-deux à K degrés de liberté. C’est une procédure qui se rapproche du test de
significativité global de Wald. Le nombre de degrés de liberté est égal au nombre de variables
explicatives, 4 dans le cas présent.
Les hypothèses de ce test sont les suivantes :
H0 : β1= β2 = … = βk = 0 contre H1 : il existe au moins un βi ≠ 0.
La règle de décision est telle que H1 est acceptée si la statistique calculée est supérieure à la
probabilité de la LR statistic. Comme dans notre cas la valeur trouvée 7,60 est bel et bien supérieure à
celle de la probabilité du rapport de vraisemblance, on accepte H1, ce qui revient à dire que le modèle
est globalement significatif.
Par ailleurs, la qualité de la régression est analysée par le Pseudo R2 de Macfadden (1973), utilisé
pour quantifier la contribution des descripteurs dans l’explication de la variable endogène. Nous
retenons celui de Macfadden car Ménard (2013) suggère qu’il est, non seulement le plus proche du
65
coefficient de détermination de la régression linéaire multiple, mais aussi le plus adapté à la régression
logistique.
Toutefois, le R2 des modèles logit prennent généralement des valeurs proches de 0, ils tendent
difficilement vers 1. On ne saurait donc réellement les prendre en considération pour évaluer la qualité
du modèle. C’est la raison pour laquelle on fait généralement appel à la courbe ROC (Receiver
Operating Characteristics). Celle du présent modèle est donnée par le graphique ci-dessous :
Graphique 4.3 : Courbe ROC associée à la détention d’un compte bancaire.
Source : calculs de l’auteur.
Dans la logique de son analyse de la courbe ROC, on désigne par sensibilité (sensivity), la
proportion d’individus possédant un compte bancaire et par spécificité (specificity), la proportion
d’individus n’en possédant pas. Si l'on fait varier la probabilité seuil à partir de laquelle on considère
qu'un événement doit être considéré comme positif, la sensibilité et la spécificité varient.
L'aire en-dessous la courbe (ou Area Under the Curve – AUC) est un indice synthétique calculé
pour les courbes ROC. Habituellement, on considère que le modèle est bon dès lors que la valeur de
l'AUC est supérieure à 0.5. Un modèle ayant une AUC supérieure à 0.9 est excellent.
A l’observation du graphique ci-dessus, la valeur de l’AUC s’élève à 0,978. On peut donc conclure
que l’ajustement est de bonne qualité.
Les tests sus effectués visaient à juger de l’adéquation du modèle. Etant donné que tous les
résultats étaient favorables, on peut dire du modèle qu’il est adéquat : les variables exogènes choisies
contribuent significativement à expliquer la détention d’un compte bancaire. Il convient à présent de
présenter les résultats de l’estimation proprement dits.
66
Les valeurs numériques des coefficients présentés dans le tableau 3.1 n’ont pas d’interprétation
directe. En revanche leur signe est interprétable, il permet de savoir si la probabilité de détenir un
compte bancaire est une fonction croissante ou décroissante de la variable explicative correspondante.
D’emblée, on observe que les signes de tous les coefficients sont positifs. Cela signifie qu’il existe
une corrélation positive entre la probabilité de détenir un compte bancaire d’une part, et la richesse, la
proximité, le niveau d’instruction, la confiance envers les banques d’autre part. Ces résultats appellent
les commentaires suivants :
- si l’on considère la proximité, le signe positif obtenu est conforme à nos attentes. Ainsi, la
probabilité pour un individu de détenir un compte bancaire est une fonction croissante de la proximité
des infrastructures bancaires ;
- de même, la probabilité d’avoir un compte bancaire est d’autant plus importante que le niveau
d’éducation de l’individu considéré est élevé. Elle est plus forte pour les individus ayant fait des
études universitaires ;
- concernant la richesse, le signe positif du coefficient y associé corrobore avec les attentes
théoriques et indique l’influence positive de cette variable explicative sur la probabilité de détenir un
compte bancaire ;
- enfin, la probabilité de posséder un compte bancaire augmente à mesure que la confiance
envers les institutions bancaires croît.
Pour finir, les odds-ratios associés à ce modèle sont synthétisés dans le tableau ci-après :
Tableau 4.2 : odds-ratios associés à la détention d’un compte bancaire.
Variable
endogène
EXCLU1
Variables
exogènes
Coefficie
nts
P-value significativité
Proximité 0.0806 0.091 10%
Supérieur 0.03662 0.08 10%
Richesse 0.07 0.0198 5%
Confiance 0.1004 0.337 Non
Source : calculs de l’auteur.
67
Ces ratios ou rapports de chance permettent d’identifier les variables explicatives les plus
pertinentes et donc celles sur lesquelles il convient d’agir prioritairement, en vue de réduire l’exclusion
bancaire au Cameroun.
En suivant l’ordre dans lequel les variables explicatives sont classées dans le tableau, on peut faire
les interprétations suivantes :
- la probabilité de détenir un compte bancaire est 8,06 fois plus élevée pour un individu résidant
à proximité des infrastructures bancaires (agences et DAB) ;
- pour un individu ayant fait l’enseignement supérieur, cette probabilité est 3,66 fois plus
grande que pour un individu ayant un niveau inférieur ;
- de même, la probabilité d’avoir un compte dans une banque est d’autant plus importante que
l’individu est riche, soit 7 fois de plus qu’un individu pauvre ;
- cette probabilité est enfin 10,04 fois plus forte pour un individu ayant confiance dans les
institutions bancaires.
Au regard de ces résultats, force est de constater que la confiance, la richesse et la proximité ont un
impact plus élevé sur la probabilité de détenir un compte bancaire.
II.2- L’estimation du modèle mesurant l’exclusion bancaire par la détention
d’une carte de paiement
Les résultats de la régression logistique sont présentés dans le tableau ci-dessous
Tableau 4.3 : résultats de l’estimation du modèle relatif à la détention d’une carte de
paiement.
variable endogène
EXCLU2
variables
exogènes
Coefficients p-
value
Significativ
ité
Proximité 0.2434 0.095 10%
Supérieur 1.144096 0.015 1%
Richesse 0,023121 0,1001 10%
Confiance 0,104735 0,0701 7%
Logistic regression Nombre d’observations 1000
LR chi2(4) 7.02
68
Prob > chi2 0.0081
Log likelihood = -94,245325 Pseudo R2 0.0359
Source : calculs de l’auteur.
Comme pour le second modèle, nous analysons l’adéquation du modèle.
S’agissant du test du ratio de vraisemblance, on conserve les mêmes hypothèses et la règle de
décision.
A l’observation du tableau, la valeur calculée 7,02 est supérieure à la probabilité de la LR statistic.
On accepte donc H1, ce qui signifie que le modèle est globalement significatif.
En outre, le pseudo RMF2 de ce modèle est égal à 0.0359. Pour les mêmes raisons que supra, on ne
saurait se cantonner à ce coefficient pour juger de la qualité de la régression. Aussi, nous référons-nous
à la courbe ROC donnée par le graphique ci-contre :
Graphique 4.2 : Courbe ROC associée à la détention d’une carte de crédit.
Source : calculs de l’auteur.
On peut voir sur le graphique que la valeur AUC est égale à 0,6112. Si elle est moins élevée que
celle du premier modèle, elle est néanmoins supérieure à la valeur critique qui est de 0,5. On en
conclut que l’ajustement est de bonne qualité.
Sur la base de ces résultats, on peut dire que le modèle est adéquat, ce qui nous mène à
l’interprétation des signes des coefficients associés aux variables explicatives.
69
Le premier constat est que les signes de tous les coefficients sont positifs. On en déduit qu’il existe
une corrélation positive entre la probabilité de détenir une carte de paiement d’une part, et la
proximité, le niveau d’instruction, la richesse et la confiance dans institutions bancaires d’autre part.
Plus précisément, on peut dire qu’au Cameroun, la probabilité de détenir un compte bancaire est
une fonction croissante de la richesse, la confiance, la proximité et du niveau d’instruction.
Les rapports de côte associés à ce modèle sont présentés dans le tableau suivant :
Tableau II.6 : Odds-ratios associés à la détention d’une carte de paiement.
variable
endogène
EXCLU2
variables
exogènes
Coefficients p-value Significativ
ité
Proximité 0,2620 0,000 1%
Supérieur 0.113004 0,05314 5%
Richesse 0,32144 0,0111 5%
Confiance 0,12465 0,2317 non
Source : calculs de l’auteur.
Ces ratios nous permettent d’identifier les variables qui influencent le plus significativement la
détention d’une carte de paiement au Cameroun.
En suivant l’ordre dans lequel les variables explicatives sont classées dans le tableau, on peut faire
les interprétations suivantes :
- la probabilité de détenir un compte bancaire est 26,2 fois plus forte pour un individu résidant à
proximité des infrastructures bancaires (agences et DAB) ;
- la probabilité de détenir un compte bancaire est 11,3 fois plus grande pour un individu ayant
fait l’enseignement supérieur ;
- la probabilité de détenir un compte dans une institution bancaire formelle est
32,14 fois plus élevée pour un individu riche ;
- la probabilité de détenir un compte bancaire est 12,46 fois plus forte pour un individu ayant
confiance dans les banques.
A l’observation, la richesse et la proximité exercent une plus grande influence sur la probabilité
qu’un camerounais détienne une carte de paiement que la confiance et l’éducation.
70
CONCLUSION
Ce chapitre visait à déterminer de façon empirique, les causes de l’exclusion bancaire au
Cameroun. Pour ce faire, nous avons effectué une régression logistique sur la base d’un modèle inspiré
des travaux d’Allen et Al. (2000).
Nous avons utilisé des données relatives au Cameroun, issues de la base GLOBAL FINDEX (2011)
conçue par la Banque Mondiale pour mesurer l’exclusion bancaire à travers le monde. La disponibilité
des informations et les conclusions de l’étude d’Allen ont régi le choix des variables explicatives.
A l’issue des estimations réalisées par la méthode du maximum de vraisemblance, nous avons
trouvé conformément aux prédictions théoriques que, l’exclusion bancaire au Cameroun est une
fonction décroissante de la proximité, la richesse, l’éducation et la confiance envers les institutions
bancaires. Autrement dit, la probabilité de détenir un compte bancaire ou une carte de paiement est une
fonction croissante de la richesse, de l’éducation, de la confiance et de la proximité.
En outre, la confiance, la richesse et la proximité sont les variables les plus pertinentes pour
expliquer l’exclusion liée à la détention d’un compte bancaire ; tandis que la richesse et la proximité
sont plus pertinentes pour expliquer l’exclusion relative à la détention d’une carte de paiement.
71
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
L’objet de cette partie était d’identifier les causes de l’exclusion bancaire du côté de la demande de
services bancaires.
Une incursion dans la littérature relative à l’exclusion bancaire a alors permis de mettre en cause
certaines caractéristiques sociodémographiques et économiques de la population camerounaise.
Pour ce qui des caractéristiques sociodémographiques qui favorisent l’exclusion bancaire au
Cameroun, elles comprennent l’âge, le genre, la religion, l’origine ethnique, le niveau d’instruction, le
lieu de résidence, le secteur professionnel dans lequel exerce un individu, la préférence pour une
gestion autonome et la confiance envers les institutions bancaires.
Il est montré dans la théorie économique qu’un fort niveau d’instruction, la proximité des
infrastructures bancaires et la confiance dans les banques ont pour effet de réduire l’exclusion
bancaire. Un effet inverse est associé à la religion, l’origine ethnique et au genre, dans la mesure où
des disparités sont souvent observées à ces niveaux : la probabilité d’être exclu est plus forte pour les
femmes, les musulmans et les minorités ethniques.
S’agissant de l’âge et du secteur professionnel, les individus dont l’âge est compris entre 25 ans et
64 ans, ont une plus forte probabilité d’être financièrement inclus que les personnes dont l’âge n’est
pas compris dans cet intervalle ; de même, les individus employés dans le secteur public ou privé
formel ont davantage tendance à être financièrement inclus.
A l’issue de cette étape, une analyse empirique a été menée afin de déterminer les facteurs les plus
pertinents au plan statistique. Aussi, avons-nous effectué une régression logistique sur un modèle logit
dans lequel l’exclusion bancaire était mesurée par la détention d’un compte bancaire et d’une carte de
paiement. Les contraintes relatives à la disponibilité des données ont régi le choix des variables
explicatives qu’étaient la richesse, la proximité des infrastructures bancaires, l’éducation et la
confiance dans les institutions bancaires.
Les résultats obtenus permettent de conclure que l’exclusion bancaire est une fonction décroissante
de la richesse, de l’éducation, de la proximité des infrastructures et de la confiance dans les institutions
bancaires.
En outre, les rapports de chance calculés à la suite de l’estimation mettent en exergue, la confiance,
la richesse et la proximité comme étant les variables les plus pertinentes pour expliquer l’exclusion liée
à la détention d’un compte bancaire. De même, ils permettent d’identifier la richesse et la proximité
comme les variables dont l’influence est la plus significative sur l’exclusion liée à la détention d’une
carte de paiement.
73
Ce travail pose le problème de l’accès approprié aux services bancaires auquel se heurte une grande
partie de la population camerounaise, déjà confrontée à d’autres formes d’inégalités socio-
économiques. En renforçant ces dernières, l’exclusion bancaire compromet la contribution du système
bancaire au financement du développement économique et humain. De plus, elle occasionne
l’instabilité macroéconomique, néfaste pour la croissance économique (Breen et Garcia-Pénalosa,
1999).
La thèse de l’instabilité socio-politique met en garde contre les manifestations que pourrait
entraîner un contexte de fortes inégalités (Perotti, 1996), la conséquence immédiate serait une
réduction de l’incitation à investir et de faibles taux de croissance économique (Alesina et Perotti,
1996). Ces développements mettent en lumière l’urgence de repenser le système bancaire
camerounais, dans l’optique de le rendre plus inclusif.
La contribution positive du développement bancaire et financier à la croissance est mise en
exergue dans la littérature économique (Beck, Demirguç-Kunt et levine,2004). Ainsi, les banques
permettent d’accroître les volumes d’épargne et d’investissement, et de sélectionner les
investissements les plus productifs, améliorant alors la productivité marginale du capital (Ayoub,
2009/1). Les agents économiques exclus du système bancaire peuvent difficilement accéder à la santé
ou à l’éducation et sont dans l’incapacité, non seulement de faire face à d’éventuels aléas, mais aussi
de réaliser des projets d’investissement rentables. Les conséquences qui en découlent prennent la
forme de l’altération des liens sociaux, de la stigmatisation, de la mise à l’écart et de la marginalisation
économique des personnes qui en sont victimes, lesquelles peuvent difficilement mener une vie
normale (Servet, 2000).
Le point d’ancrage de ce travail a été d’identifier les facteurs explicatifs de l’exclusion bancaire au
Cameroun, étape essentielle et primordiale dans la construction d’un système bancaire inclusif.
L’importance de cette démarche est démontrée à travers un ensemble de travaux visant le même
objectif et recourant à une méthodologie similaire.
Une incursion dans la littérature se rapportant à l’exclusion bancaire nous a permis d’identifier les
causes de ce phénomène au Cameroun, aussi bien du côté de l’offre que de celui de la demande des
services bancaires.
Ainsi, du côté de l’offre, les effets pervers de la réglementation et les politiques commerciales
mises en œuvre par les établissements de crédit, soumis à de fortes contraintes de rentabilité, sont à
l’origine de l’exclusion bancaire. Ce phénomène apparaît donc comme une externalité négative de
l’activité bancaire. Du côté de la demande, un ensemble de caractéristiques sociodémographiques et
économiques de la population ont été pointées du doigt, la pauvreté apparaissant comme la plus
importante.
74
A l’issue de cette recension théorique, nous avons modélisé les effets desdites caractéristiques sur
l’exclusion bancaire au Cameroun grâce à une régression logistique. Pour ce faire, un modèle logit
simple, inspiré des travaux d’Allen et al. (2012), a été estimé pour identifier respectivement, les
déterminants de la détention d’un compte bancaire et ceux de la détention d’une carte de paiement. Au
terme de l’estimation, nous sommes parvenus aux résultats suivants :
- du côté de l’offre des services bancaires, la probabilité de détenir un compte bancaire est une
fonction croissante de la richesse, de l’âge et des exigences documentaires ; tandis que la probabilité
de détenir une carte de paiement est une fonction croissante de l’âge et de la richesse. Les exigences
documentaires n’influencent pas significativement cette deuxième forme d’exclusion ;
- du côté de la demande des services bancaires, les probabilités de détenir un compte bancaire et
une carte de paiement sont des fonctions croissantes de la richesse, de l’éducation, de la proximité des
infrastructures bancaires et de la confiance dans les institutions bancaires.
Par ailleurs, à l’instar de Beck et al. (2008), nous trouvons que du côté de l’offre les exigences
bancaires sont le facteur qui affecte le plus la probabilité de détenir un compte bancaire ou une carte de
paiement. En effet, les rapports de côté révèlent qu’un individu disposant de toutes les pièces requises
pour bénéficier d’un produit ou d’un service bancaire a 49,81% de chances en plus d’être inclus qu’un
autre ne pouvant remplir ces exigences.
De même, du côté de la demande, les rapports de chance révèlent que la richesse, la proximité et la
confiance dans les institutions bancaires sont des facteurs « clés » de l’exclusion bancaire au
Cameroun. Ces résultats vont dans le même sens que ceux de Honohan et King (2012). La probabilité
de détenir un compte ou une carte de paiement est 19,59 fois plus élevée pour un individu riche et 16,6
fois plus forte pour un individu résidant à proximité des infrastructures bancaires. En outre, la
confiance envers les banques influence significativement la probabilité de détenir une carte de
paiement. Cette probabilité est 10,04 fois plus élevée pour un individu ayant confiance dans les
institutions bancaires.
Sur la base de ces résultats, les recommandations suivantes peuvent être formulées, en vue de
réduire la proportion de personnes non, faiblement ou mal bancarisées au Cameroun.
Du côté de l’offre, conscients de ce que la responsabilité sociale des banques est de faire du profit,
il serait difficile d’agir directement sur leurs critères de sélection de la clientèle. La marge de
manœuvre restante pour les autorités monétaires consisterait à renforcer le dispositif réglementaire
existant. L’objectif étant d’encadrer la détermination des taux d’intérêt et de limiter à un niveau
raisonnable les exigences documentaires. Des sanctions dissuasives devraient être prévues et
appliquées en cas de non-respect des normes. Par ailleurs, l’adoption d’un tel cadre réglementaire
aurait aussi pour effet d’améliorer la confiance des individus envers le système bancaire.
75
Du côté de la demande, étant donné que la possession d’un minimum de ressources financières est
la condition sine qua non pour pouvoir recourir aux services bancaires, le Gouvernement camerounais
devrait accélérer la mise en œuvre de sa stratégie pour la croissance et l’emploi, dont les retombées
devraient améliorer les conditions de vie des populations. Cette stratégie devrait notamment induire
une création massive d’emplois décents, ce qui assurerait aux agents économiques un revenu régulier
et facilitera leur accès aux services bancaires. Elle devrait également entrainer un accroissement de la
scolarisation et de l’alphabétisation. Parallèlement, dans la perspective de réduire les difficultés
d’usage, les banques et le Gouvernement pourrait mettre sur pied des programmes visant à accroître la
culture financière des populations.
Par ailleurs, pour pallier l’inégale répartition géographique des infrastructures bancaires, les
autorités monétaires devraient encourager les banques à développer la Mobile banking. La téléphonie
mobile étant suffisamment répandue dans le pays, aussi bien en zone urbaine que dans les zones
reculées, vulgariser cette pratique contribuerait à l’extension de la bancarisation. Une autre solution
consisterait pour les banques à s’associer à des opérateurs économiques déjà installés dans les zones
les moins couvertes, en vue des guichets ou des DAB dans les commerces desdits opérateurs. Cette
méthode présente le double avantage de réduire les coûts de transaction pour les individus et les coûts
de fonctionnement qu’occasionnerait l’ouverture d’une agence bancaire.
Bien qu’une telle étude contribue à l’élaboration d’un cadre analytique mettant en perspective les
mécanismes du processus d’exclusion bancaire au Cameroun, de nombreuses questions y abordées
restent encore largement à approfondir. Si les résultats qui y sont présentés constituent déjà une base
solide pour l’action, il convient néanmoins de relever quelques limites. Bien que la méthodologie
retenue soit reconnue comme standard, les données de l’analyse ne sont peut-être pas assez raffinées.
Une autre faiblesse réside dans la petite taille de l’échantillon due à la rareté de données fiables sur
l’accès et l’usage des services bancaires.
76
ANNEXES
ANNEXE 1 : répartition géographique des banques camerounaises.
ADAMADAOUA/NORD
/EX
TR. NORD
CENTRE/SUD/EST LITTORAL NORD-
OUEST/SUD-
OUEST
OUES
T
BICEC 4 10 11 7 3
SCB 3 11 11 3 2
SGBC 4 7 11 2 3
STD. BK 0 1 1 0 0
AFBK 4 8 11 2 3
CBC 2 3 4 0 1
CITIBK 0 1 1 2 0
ECOBAN
K 4 7 13 3 1
UBC 0 3 5 4 1
NFC-BK 0 5 2 6 0
UBA 0 4 7 1 1
BAC 0 1 6 4 1
BGFI 0 1 3 0 0
TOTAL 21 62 86 32 16
Source : Conseil National du Crédit du Cameroun, 2014.
ANNEXE 2 : concentration bancaire liée aux crédits et aux dépôts.
Dépôts et
crédits (en
pourcentage)
SGB
C
BICEC ECOBAN
K
SCB AFB
crédits
octroyés 18,2 17,1 11,3 11,3 16,7
dépôts
collectés 16,9 17,2 10,4 11,3 17,8
Total 35,1 34,3 21,7 22,6 34,5
Source : Conseil National du Crédit du Cameroun, 2014.
77
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81
TABLE DES MATIERES
Liste des tableaux………………………………………………………………………….……….iv
Liste des graphiques…………………...…………………………………………………….…….v
Liste des sigles et abréviations…....................................................................................................vi
Avertissement……………………………………………...……………………………….……...vii
Résumé……………………………………...…………...………………………………….………….1
Abstract………………………………………………..…………………………………………..2
Introduction générale……………………………………………...…………………….................3
Première partie : recension des facteurs liés à l’offre : les justifications de l’exclusion
bancaire…....4
Introduction de la première partie………………………………………………………………14
Chapitre 1 : revue théorique des facteurs du côté de l’offre des services
bancaires.......................16
Introduction…......……………………………………………………………………….………..16
Section 1 : l’incidence de la réglementation du secteur bancaire………..……………………...16
I.1. le poids des exigences documentaires……………………………………………........17
I.2. l’exclusion par les mécanismes de détermination des coûts des services
bancaires……...17
Section 2 : les effets pervers des politiques des établissements de
crédit………………….…..21
II.1. la sélection de
clientèle…………………………………………………………………...21
II.2. la rentabilisation des difficultés des
clients…………………………………………..…..26
Conclusion…………………………………………………………………...……...………………..
29
Chapitre 2 : analyse empirique des facteurs du côté de l’offre des services
bancaires….......…....30
82
Introduction.……………………………………………………………………………………...30
Section 1 : présentation du modèle et description des données de
l’analyse………………...….31
I.1. présentation du modèle
empirique………………………………………………………31 I.2. analyse descriptive des
données………………………………………………………...34
Section 2 : estimation du modèle et interprétation des
résultats………...…………………….....35
II.1. estimation du modèle mesurant l’exclusion bancaire par la détention d’un
compte…...35
II.2. estimation du modèle mesurant l’exclusion bancaire par la détention d’une carte de
paiement………………………………………………….……………………………………...40
Conclusion……………………………………………………………………………………….44
Conclusion de la première partie………………………….....…………………………………..45
Deuxième partie : la détermination des facteurs du côté de la demande : les causes de l’exclusion
bancaire……………………………………………………………………………………………..47
Introduction de la deuxième partie………………………...……………………….…………....48
Chapitre 3 : l’identification théorique des facteurs liés à la demande des services
bancaires….49
Introduction…………………………………………………………………………………….49
Section 1 : les barrières sociales, un frein à l’accès aux services
bancaires……...…………….49
I.1. la prise en compte des caractéristiques
sociodémographiques………………………….50
I.2. l’analyse du cas particulier de l’auto
exclusion…………………………………………56
Section 2 : la pauvreté monétaire : un important catalyseur de l’exclusion
bancaire……...…..59
II.1. les effets de la pauvreté monétaire sur l’accès aux services
bancaires……….…………59
83
II.2. le recours aux fournisseurs alternatifs des services
financiers…………………………..61
Conclusion…………...………………………………………………………………………….65
Chapitre 4 : l’évaluation empirique des facteurs du côté de la demande des services
bancaires...66
Introduction…………………………………………………………………………….……66
Section 1 : présentation du modèle et des données de
l’analyse…………...………………..67
I.1. présentation du modèle
analytique………………………….…………..………….67 I.2. analyse descriptive des
données…………………………..…………………….…70
Section 2 : estimation du modèle et interprétation des
résultats………………………...…...72
II.1. estimation du modèle mesurant l’exclusion bancaire par la détention d’un
compte................................................................................................................................................72
II.2. estimation du modèle mesurant l’exclusion bancaire par la détention d’une carte
de paiement………………...………………………………………………………………………….76
Conclusion…………………………………………………………………………………...79
Conclusion de la deuxième partie………………..………………………………………………80
Conclusion générale……………………….…………………..…………………………………81
Annexes………………………..………….………………………………………………………87
Références bibliographiques…………..…………………………………………………………88