Le cahier de Zhou Wenting: Un cahier de musique traditionnelleAuthor(s): François PicardSource: Cahiers d'ethnomusicologie, Vol. 22, mémoire, traces, histoire (2009), pp. 101-119Published by: Ateliers d'ethnomusicologieStable URL: http://www.jstor.org/stable/20799680 .
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101
Le cahier de Zhou Wenting Un cahier de musique traditionnelle
Fran?ois Picard
?Aide-m?moire?1
L'attribution aux notations musicales traditionnelles et en particulier extra-euro
p?ennes du qualificatif d'?aide-m?moire? est-elle le r?sultat d'une analyse bas?e
sur une constatation objective? Est-elle vraie? N'est-ce pas une strat?gie de
mise ? distance d'un objet dangereux, car il remettrait en cause l'id?e que la civi lisation europ?enne est la seule ? avoir utilis? l'?crit comme support de pens?e?
L'observation de l'usage effectif de partitions, en particulier la distinction entre manuscrits et imprim?s, impose ?videmment une description et donc une
analyse qui va bien au-del? de leur caract?re d'aide-m?moire. Nous sommes alors
dans des strat?gies de l?gitimitation au sein de processus qui sont bien ?videm ment ceux d'une tradition.
L'analyse r?flexive de la consid?ration par les observateurs europ?ens de
la partition comme aide-m?moire nous en dit beaucoup sur leur image de l'alt?
rit?: comme le dit l'expression (cf. LACITO: Langues et civilisations ? tradition
orale), ce qui caract?rise aux yeux de l'Europ?en les cultures autres, c'est, par contraste avec l'europ?enne, leur oralit?, qui va de pair avec leur capacit? sup
pos?e illimit?e de m?moriser. Dans ce processus, ce qu'est une tradition est soi
gneusement ?vit?, puisque la m?moire est d'embl?e donn?e comme caract?ris?e ? la fois comme remise au pr?sent d'un pass? et comme support peu fiable.
Du point de vue asiatique, ou de celui de la tradition, tout est ?videmment diff?rent.
1 Note de recherche, Fran?ois Picard, 13 avril 2005.
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102 Cahiers d'ethnomusicologie 22/2008
Zhou Wenting, Yinyue pu (Cahier de musique)
Description mat?rielle
Manuscrit de Zhou Wenting ff? intitul? Yinyue pu (Cahier de musique), province du Hebei, district de Shijiaying (?), non dat?, copie 1/2 [double?] format de la copie A5 de Sun Lingling, donn?e par Zhou Wenting. 30 feuillets + page de titre. Notation gongche sans parole. Num?rotation des pages de la main de
Lingling. R?ordonn? par Fran?ois Picard : ? part la page 24, qui doit se trouver au
d?but, tous les couples de pages sont invers?s, sauf le dernier.
L'histoire d'une d?couverte
Sun Lingling est la chef de ch ur du Ch ur catholique chinois de Paris avec laquelle j'ai mont?, pour Jean-Christophe Frisch, la restitution de la messe des J?suites de P?kin, d'apr?s le manuscrit Musiques sacr?es transmis par Joseph-Marie Amiot en 1779 et conserv? ? la Biblioth?que Nationale de France (Picard 1999). Sun Lingling est elle-m?me catholique et originaire de la pro vince du Hebei, qui entoure P?kin. Comme elle se rendait dans son district natal
pour contacter des catholiques, je lui demandai de se renseigner pour savoir s'il
n'y avait pas des gens qui chantaient ou jouaient encore des airs qui pouvaient ?tre similaires ? ceux que nous jouions ensemble. Je pr?cise que la constitution
chinoise interdit formellement aux ?trangers comme moi de se m?ler de religion,' et que les catholiques de la province du Hebei passaient ? cette ?poque pour ?tre en r?bellion. Cette r?gion a, de plus, v?cu au XXe si?cle des troubles vio lents li?s ? la religion (Jones 2004). ? son retour en France, Lingling m'annonce
qu'effectivement elle a trouv? quelque chose, ce manuscrit dont elle a pu faire
une copie, mais qu'un ancien lui a dit que plus personne ne jouait cette musique
depuis longtemps, et que c'?tait bien dommage. Elle avait visit? de tr?s nombreux villages, et ne se rappelait plus pr?ci
s?ment d'o? provenait le manuscrit, ni donc o? habitait Zhou Wenting. Quelque temps plus tard, avec une mission du GSRL (Groupe de Recherches Soci?t?s, Religions, La?cit?) et des Ann?es France-Chine, je pus me rendre ? mon tour dans le Hebei, accompagn? de Shi Kelong, formidable chanteur avec qui je tra vaille depuis plus de vingt ans, n? ? Tianjin mais originaire d'une famille catholique du Hebei. Nous prenons contact avec des musicologues locaux et nous les ren
controns sur place; mais il est ?videmment impossible de localiser Zhou Wenting. Les partitions ne repr?sentent, pour les musicologues locaux, rien de sp?cial : des cahiers de musique comme cela, on en trouve des quantit?s, et il y a encore des
musiciens actifs dans les associations de certains villages. La ressemblance que
je leur annonce entre ce cahier de M. Zhou et un manuscrit transmis en France il
y a plus de 200 ans ne leur fait aucun effet.
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Dossier/Picard 103
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Fig. 1. ?Shen'erfu? (Ave Maria), ms. Zhou Wenting 10-11.
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104 Cahiers d'ethnomusicologie 22/2008
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Fig. 2. ?Shen'er fu? (Ave Maria), ms. Amiot 5.
Fig. 3. ? Shen'er fu? (Ave Maria), ms. Amiot 5, transcription Fran?ois Picard.
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Dossier/Picard 105
Contexte
Selon les propos de Zhou Wenting -
rapport?s par Sun Lingling dans un entre tien du 4 janvier 2000 -, les musiques dateraient de Kangxi; un mandarin (guar?) nomm? Liu aurait rapport? de la musique de cour que les paysans jouaient ? la messe. Ils la jouaient jusqu'il y a peu, mais ils avaient arr?t? parce que les jeunes
pr?f?raient les instruments occidentaux. Les vieux aimeraient bien la rejouer mais
ils manquent de moyens pour acheter des instruments. ? la t?l?vision, ils ont vu des ensembles du Yunnan (probablement la musique Dongjing) qui jouaient des
partitions tr?s anciennes, tout ? fait semblables aux leurs.
Contenu
Le manuscrit de Zhou Wenting comprend trois parties, non distingu?es mais qui se succ?dent: ?
pages 1-12: les musiques sacr?es catholiques, soit dix pi?ces toutes d?j? incluses dans le recueil ?Musique sacr?e? d'Amiot, 1779. Une pi?ce ?tant
r?p?t?e, il s'agit de neuf pi?ces diff?rentes sur les treize du recueil ?Musique sacr?e? d'Amiot.
? pages 13-25 : seize pi?ces de musique Shifan, identiques ? celles qu'on trouve dans le premier recueil de Divertissements chinois d'Amiot, 1779, ?Airs de
Musique pour les voix et instruments au son aigu, qu'on peut jouer et chanter dix fois? (Xi shifan yinyue pu), soit la suite compl?te dans le m?me ordre mais avec omission des pi?ces 15, 17 et 18. Par ailleurs, la plupart de ces pi?ces se retrouvent dans une suite instrumentale de Shifan, fin de la r?gion de Tianjin. Dans l'un et l'autre cas, on trouve quelques inversions de titre, ce qui est un
ph?nom?ne classique. ?
pages 25-30: cinq pi?ces de musique Shifan. Les deux derni?res se trouvent
dans une autre suite d'Amiot, le troisi?me cahier des Divertissements chinois,
pi?ces 11 et 7. Il reste donc trois pi?ces qu'on ne trouve pas dans les envois d'Amiot: Bainiao chaofeng, un air pour hautbois du Shandong, Shuilongyin, un
nom de timbre r?pandu, et Baban, le timbre le plus r?pandu de toute la Chine dans une version standard.
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106 Cahiers d'ethnomusicologie 22/2008
Musique sacr?e
Zhou Wenting
1
Amiot
Sa shengshui Aspersion de
l'eau b?nite.
1 ^7#X Chuxing gongfu 2 wftz Chuxing gongfu Actiones nos
tras quaesumus domine aspi rando pr veni et
adjuvando pro
sequere &c.
1 ILJl*. Tianzhu jing 3 ilii?l Tianzhu jing L'oraison domini
cale ou le Pater.
2 Shengmu jing 4 ?#M Shengmu jing La salutation
ang?lique ou Y ave &c.
3 Fengshi
Shengmu jing 6 Sandixima Sanctissima.
C'est une pri?re ? la S*e Vierge.
6 4>f#A Beiwu zuiren 8 31A f?e/Wi/ zuiren Acte d'humilit?.
7 e,?x^ Yiwan gongfu 13 tLxLX^. Yiwan gongfu Pri?re apr?s l'office.
7 ?H! Juyang shengti 9 3M??ft A/yang sfiengf/ Pri?re ? l'?l?va
tion de l'hostie.
W#A Beiwu zuiren 8 H A ?e/Wi/ z?v/ren Acte d'humilit?.
9 ?^! ^* Qinjing Shengti ren'ai jing
7 ??M Shengti jing Pri?re au
St Sacrement.
10 Shen'er fu 5 ttf?i Shen'er fu L'antienne Salve
Regina &c.
10 ̂ #3?lr Juyang shengjue Pri?re ? l'?l?va
tion du calice.
11 Sheng shi Pri?re pen dant que le
Pr?tre donne
la communion.
12 K4 Liangshan Pri?re ?
J?sus-Christ.
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Dossier/Picard 107
Sur les treize pri?res chant?es d'Amiot, neuf figurent donc dans le cahier de M. Zhou, ? travers une transmission longue, invisible sinon secr?te, ayant travers?
pers?cutions, guerres, massacres, interdictions, R?volution culturelle. Certains
des titres ont chang?, comme la ?Pri?re au Saint-Sacrement? ou le ?Santis
sima?. Mais les musiques n'ont pas chang?. Remarquons que les paroles sont
omises du cahier de Zhou. Mais en Chine, comme ailleurs dans le monde, les
chanteurs lisent rarement la musique, et le texte ?tait vraisemblablement transmis
par des cahiers s?par?s. En revanche, contrairement ? ce qui s'est pass? avec la
proscription du bouddhisme en 842, les titres n'ont pas ?t? modifi?s pour cacher leur appartenance religieuse. Au contraire, un titre d'un air d'une suite profane a
?t? modifi? pour devenir ? Tianshen ge? (Chant de l'esprit c?leste).
Le cahier de musique Shifan de Liu Chuqing
En 1992, Liu Chuqing f'J?-fr, directeur musical d'un groupe de Shifan de Tianjin qui a surv?cu ? la R?volution culturelle mais dont il croit sentir la fin, d?cide de
publier son r?pertoire. J'ai pu identifier, dans ce recueil en notation chiffr?e, une suite tout ? fait
similaire ? celle de Zhou Wenting (1999) et au premier des trois Divertissements chinois transmis par Amiot en 1779. ? Tianjin, la suite Re shentan (L'alo?s et le santal br?lent) (Liu Chuqing 1992: 368-376 et 377-394) appartient au
genre Xi shifan ?Shifan fin?, ou ?grand Shifan?, qui se distingue des
genres Shifan grossier et Shifan orn? par les percussions: xing Jl (petites cym bales), tang [tuo] (gong), pu [bo] (grandes cymbales), gu (tambour). Parfois, les cordes et vents jouent seuls, parfois les percussions, parfois les deux
ensemble. Il y a quatre suites, celle-ci est la quatri?me. Avec Jean-Christophe Frisch (Frisch & Picard 2004, plage 14), nous avons pu faire jouer une version des trois suites m?l?es, intercal?es ou superpos?es: celle d'Amiot, celle de Liu,
celle de Zhou.
La version Zhou comprend une interpolation (section Hou fengyun) qui repr?sente une des combinaisons de modulation pentatoniques les plus extraordi
naires et raffin?es de la musique chinoise connue. Tan Longjian, seule musicienne
? avoir re?u directement le r?pertoire de la musique des divertissements de la cour imp?riale, en joue une version magistrale (Picard 2004 plage 14, ? 18'30).
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Cahiers d'ethnomusicologie 22/2008
JLJ
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Fig. 4. ?Hol/ fengyun? (Harmonie, postlude), ms. Zhou 23-24.
4 9 S 5 4 R
A**
*{bft**<k a?ftft it 9t ft It * ft ?
Fig. 5. ?Hoc/ fengyun? (Harmonie, postlude), ms. Zhou 23-24, trans
cription Fran?ois Picard.
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Dossier/Picard 109
Zhou Amiot Tianjin Titre Amiot Titre Amiot
12 1.0 4.1 Xiao Liang diao
traduction d'Amiot
Pr?lude [sans titre dans Zhou]
12 .1. 4.2 M MM I Qian fengyun Accord ou harmonie des vents
qui soufflent par devant
13-14 4.3 Zhegui ling Fa?onner les branches
de cannelier.
15 1.3. 4.4 tm Zhong fengyun Accord ou harmonie des vents
du milieu.
15-16 1.4. 4.5.1 Yan'er luo Descente de l'hirondelle.
15-16 1.5. 4.5.2
4.6 m&*%
Desheng ling
Fengyun 1
Publication de la victoire.
1.6. 4.7
4.8
Guayu gou
Fengyun 2
Crochet ? suspendre les pierres de yu.
1.7. 4.9
4.10
Qi diqiong
Fengyun 3
Les 7 fr?res.
17 4.11 *t*Lpfo
4.12
Shou Jiangnan
Fengyun 4
La prise ou la conqu?te du Jiangnan.
19
19
1.9.
1.10. 4.13.1
4.14
Chuanpo zhao
Yan'er luo
Fengyun 5
Agitation des eaux dans
les confluents.
Descente de l'hirondelle (cet air
est diff?rent du premier qui porte le m?me nom).
20 1.11. 4.15 Tianshen ge Chant de l'esprit c?leste.
20-21 1.12. Meihua jiu Vin de la fleur meihua
21 1.13 4.16 Yuan lin hao La beaut? des jardins et des for?ts.
22 .14. Gu meijiu Faire provision d'excellent vin.
23-24 1.16. Hou fengyun Accord ou harmonie des vents
qui soufflent par derri?re.
25 1.19. Qingjiang yin La conduite des diff?rentes eaux
dans les eaux du Qingjiang.
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110 Cahiers d'ethnomusicologie 22/2008
Le cahier de Zhou Wenting se continue avec cinq pi?ces, dont deux se
retrouvent dans un autre divertissement transmis par Amiot, le troisi?me.
Zhou Amiot Tianjin Titre Amiot Titre Amiot traduction d'Amiot
25- 26 WJM^?, Bainiao chaofeng Cent oiseaux cherchent leurs nids
26 ^Kfl^ Shuilong yin D?clamation du dragon d'eau
26- 27 A#L Baban Huit battues
27- 28 3.11 $f-?4" Jiangjun ling La publication du g?n?ral 29-30 3.7 i'JX*. Daoxialai L'arriv?e de l'?t?
Pour la partition vocale des percussions xing tang pu JL>##, qui se trouve ? la
page 30 du manuscrit Zhou Wenting, voir Liu Chuqing (1992: 408).
Un cahier de musique, m?moire, trace, histoire
Reprenant notre chemin au d?but, nous allons maintenant tenter d'analyser la nature
de ce cahier de musique: Stephen Jones (2004) a ?tudi? longtemps ces associa tions de musique du Hebei ; il a montr? qu'elles avaient une fonction religieuse que
je qualifierai de paraliturgique; bien souvent, les musiciens des associations jouent autour d'une table; leur cahier de musique est pos? dessus, et ils jouent les yeux ferm?s (/?/d:1995, 99 plate 6). Un tel usage tend ? prouver que le cahier est non un simple benzi 4^-?, mais un fing ??L, un s?tra; du moins, la m?me pratique de
l'?crit est-elle attest?e dans les rituels bouddhiques et tao?stes. Au Japon, un des
rituels consiste m?me ? lire de mani?re symbolique: on frappe le livre pos? sur la
table, et on le passe dans la pile des textes lus. Lusage de ce cahier montre que la
fonction de l'?criture est autre chose qu'un aide-m?moire. Le premier geste que j'ai
appris dans mon premier cours de musique chinoise, avec Chen Shui-cheng, a ?t?
de recopier moi-m?me ? la main la partition fournie par le professeur. Le cahier de musique de M. Zhou est un s?tra, mais il est aussi un livre de
recettes, comme ces cahiers dans lesquels on note une recette de cuisine apr?s
qu'on l'a essay?e et appr?ci?e. En Chine, on peut avancer que le cahier de musique est aussi trace,
t?moignage d'une transmission accomplie et l?gitime. Je rapprocherai ce sens
de l'objet transmis dans le bouddhisme chinois, o? cela s'appelle la ?transmis
sion de la lampe? (ch. chuandeng jap. dento #*Sr), comme dans les m?moriaux
de la transmission de la lampe de l'?re Jingde (Daoyuan 1004, pour la date voir Adamek 2000: 61) ou la transmission de la robe (jap. den'e/ch. chuanyi #^): ?On transmit d'abord la robe du Buddha, puis on transforma en transmettant la
robe et le bol du moine, ses seuls objets personnels? (Seidel 2003: 1171-78).
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Dossier/Picard 111
Pour ce qui est de la musique europ?enne m?di?vale, les historiens, apr?s avoir totalement revu leur vision et revaloris? le caract?re de la notation tradi
tionnelle comme ?tant bien plus qu'un aide-m?moire incomplet, en sont venus ?
d?construire la d?construction. Ainsi Caldwell (1994) critique le chapitre de Hendrik van der Werf intitul? ?The Raison d'etre of Medieval Music Manuscripts
? comme
?tant ?extr?mement na?f? (exceptionally candid). Ce dernier met au premier rang la
fiert? de la propri?t? et le pr?tendu ?instinct de collectionneur?, et prend pour argu ment la faible possibilit? que l'?tat rudimentaire de l'?criture donne ? un interpr?te ne connaissant pas bien la pi?ce de se servir de la notation pour se la rappeler.
Voici donc Pethnomusicologue historien de la musique asiatique de nou veau seul face ? son mat?riau. Contrairement ? ce que je pensais, la question de l'?criture n'est toujours pas tranch?e par les historiens de la musique europ?enne,
quelques d?cennies apr?s Goody (1987). Le cahier de musique de M. Zhou contient donc textuellement des pi?ces
relev?es en 1779, et la comparaison de l'?criture atteste une transmission exacte
et sans variante. Les noms des pi?ces peuvent changer, mais pas le ton dans
lequel elles sont ?crites. Contrairement aux apparences chronologiques, rien ne
nous dit que le cahier de M. Zhou d?rive du cahier recopi? par Amiot et que la tradition ait perdu des pi?ces. En effet, ?Ma Andr? ?tait un des Pr?fets de la
Musique qui se fait dans notre Eglise. Comme il poss?dait ?minemment la th?orie et la pratique de cet art, il avait not? quelques pri?res qui manquaient ? celles que nous avions d?j?? (Benoist 1770). Ma est mort jeune en 1768. Il est possible, ? d?faut d'?tre probable, que le cahier de Zhou refl?te un ?tat plus ancien que celui d'Amiot. Cependant, l'absence de la ?Pri?re ? l'?l?vation du calice?, alors que
figure la ?Pri?re ? l'?l?vation de l'hostie?, semble plut?t indiquer un oubli.
Quelques usages des cahiers de musique
Afin de trancher la querelle, je voudrais rapprocher le cahier de musique de M. Zhou de quelques autres cahiers.
Ma?tre Chen Zhong, auquel j'ai consacr? trois disques et un portrait, ?tait le
professeur de mon professeur de fl?te. Apr?s dix ans de fr?quentation, quelques enregistrements et concerts, de nombreux banquets, d'innombrables ballades et
conversations, et un cours qu'il m'a impos?, il m'a donn? son propre cahier de
musique polycopi? (Chen Zhong 1994): dix pi?ces, dont certaines dans des ver sions bien connues et imprim?es, mais toutes ici de sa main. Il ne s'agit ?videm
ment ni du r?pertoire au sens banal de l'ensemble des pi?ces que l'on peut jouer ? la demande, ni encore de l'ensemble des pi?ces que l'on a jou?es dans sa vie; il ne s'agit ?videmment pas d'un aide-m?moire... bien au contraire: Gao Zhiyuan
et moi devons enregistrer, en modestes accompagnateurs du ma?tre, une de ces
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112 Cahiers d'ethnomusicologie 22/2008
dix pi?ces et nous devons donc jouer selon la version dont il nous a donn? la par tition : la sienne. Ma?tre Chen se trompe, rajoute un temps ? une tenue, nous nous
d?calons, il s'arr?te, nous gronde, recommence, enl?ve un temps ailleurs, s'arr?te, nous gronde et se f?che avec son ami de trente ans qui avait os? lui r?pliquer que c'?tait lui qui s'?tait tromp?. L'?crit transmis par Chen et retir? de son propre cahier n'a pour lui ici clairement aucune fonction d'aide m?moire, et pour nous, il ne fait que nous emp?cher d'?couter. J'ai employ? en passant le mot ?r?pertoire?
qui convient bien car il d?signe aussi, aux c?t?s d'agenda (les choses ? faire) et de vade-mecum (viatique, les indispensables du voyageur), ce carnet d'adresses
qui retient les noms et d'o? l'on ?limine en le recopiant d'ann?e en ann?e les noms des personnes perdues de vue, oubli?es, disparues. Ce r?pertoire, dans les
langues alphab?tiques, a pour entr?es les initiales du nom.
Fr?d?ric Loth (2008), dans son m?moire de Master, s'entretient avec un musicien de bal qui avait un cahier aide-m?moire:
F. L: Tu avais un cahier? [note 32: Pierre Leau est un bon lecteur, il m?morise
difficilement mais il lit et conna?t plus de deux cents morceaux, suffisamment bien
pour entra?ner notre orchestre autour de lui !] Pierre Leau : L?, j'ai des plastiques pour les mettre, mais avant j'avais pas
?a... J'avais des feuillets o? j'mettais tous les pasos dans un, toutes les valses
dans un autre, tous les tangos dans un autre, tous les bol?ros dans un autre, toutes les sambas dans un autre, comme ?a, quand on cherchait qu?qu'chose... Mais ceux qu'on joue toujours sont tous en m?me temps... Des morceaux qui dansent facilement et que les gens aiment... J'ai ?t? habitu?... ? ne jamais jouer deux morceaux en suivant, c'est-?-dire que si on joue un paso, la danse d'apr?s on va faire une valse, on va pas faire 2 ou 3 valses, apr?s on passe ? un bol?ro ou ? un tango, ou un ba?on... [note 33: Ba?on: danse br?silienne apparue dans
les ann?es 1950, rythme binaire, 4 temps, tempo plut?t lent].
Mais ce m?me musicien, Pierre Leau, lui raconte aussi cette histoire, belle, ?trange et significative d'un autre usage du cahier de musique traditionnelle:
Il ?tait usag?, mon accord?on, y'avait plein d'notes qui ?taient fausses, il jouait tout seul... le vent passe!... Ma femme me dit: ?Ben t'as qu'? t'en acheter un
autre!? J'avais ?t? dans une maison d'musique... Dis donc, ?a co?te cher... et
puis en lisant l'journal un soir (sans doute L'Yonne R?publicaine), y'en avait un ?
vendre ? c?t? d'Auxerre...
J'dis: ?J'vais aller l'voir.? C'?tait ben ?ui qu'j'ai l?. Elle dit: ?Ben y'a d?j?
quelqu'un dessus?... J'Pai essay?, ouais il a un beau son, il a un beau son, il roule, et puis j'dis: "Vous avez p't?t' des partitions aussi ?? Oh ?a, ?a lui en a bouch? un coin, la dame elle dit: ?Oui, j'ai c'qui faut en partitions?; elle va m'chercher un
cahier, un cahier d'?cole, d'enfant, puis elle me montre ?a: y'avait tous les noms
des titres, dessus, comme ?Boire un p'tit coup?, ?Riquita?...
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Dossier/Picard 113
?- Ben, j'dis, c'est quoi ?a? -
Ben, c'est les partitions. - Mais comment qu'il
faisait vot' mari pour jouer avec ?a? - Ils ?taient dans sa t?te... ? Il jouait de
routine si on peut dire, il entendait des morceaux ? la radio... Il avait ?t? ? Paris
acheter l'accord?on, il en avait un vieux avant...
Retour ? la Chine: pour pr?parer des concerts avec mes amis musiciens de Fleur
de prunus, Wu Suhua, Yang Lining, Shi Kelong, Wang Weiping, Lai Longhan, j'ai un carnet dans lequel j'ai not? le nom des morceaux ? notre... ?r?pertoire?.
Quanzhou, Fujian
? Quanzhou, Fujian f?S?&iH, ville charg?e d'un pass? et d'un pr?sent d'art et de culture, o? sp?cialistes des rituels tao?stes, du bouddhisme, des musiques tradi
tionnelles (Nanyin &)ilr\ de l'op?ra (Liyuan xi !?gj$0, des marionnettes (Ka-l? / Guilei JM? $LiMiJ$< ou Mu'ou xi ;M$jB0 se succ?dent comme en un p?lerinage, j'ai v?cu avec les moines et avec les marionnettistes ? fils. Leur mus?e du th??tre
expose les livrets traditionnels: comme leur nom l'indique (et pas seulement en
fran?ais, car le chinois dit de m?me: benzi petit volume, ?livret?), il s'agit de
petits livres, un pour chaque pi?ce. Les paroles sont not?es, les didascalies aussi, mais pour la musique seuls les noms des timbres (qupai A^) sont inscrits.
Le th??tre de marionnettes occupe une place ? part dans la soci?t? chinoise ? Quanzhou: le marionnettiste est en effet capable d'animer la divi
nit? du th??tre, un tout petit dieu certes, mais qui a acc?s au panth?on et peut donc devenir le messager des humains; ainsi, le marionnettiste est l'officiant d'un
rituel qui consiste ? jouer du th??tre. La musique qui accompagne le rituel parti cipe aussi ? ce qui est un divertissement des dieux. Bien entendu, car rien n'est
magique ici, le m?me spectacle peut ?tre donn? pour les humains. Tout ceci en
fait la valeur, la beaut?, mais une longue interruption en a affect? la transmission.
Dans les ann?es 1950, quand la troupe se remet en place apr?s la guerre, il faut retrouver dans les m?moires les textes, les gestes et les musiques. Un ?rudit
et chercheur local, Cai Junchao &#, notateur de musique remarquable, pro c?de alors ? un collectage syst?matique qu'il avait d?but?; mieux, il est engag? en 1987 par la troupe pour reconstituer le r?pertoire du Mulian qiu mu @ # aupr?s des anciens. Il me racontera combien c'est difficile avec des gens qui varient d'une fois ? l'autre, que l'on ne peut pas interrompre pour faire r?p?ter une
phrase, une tournure, car ils ne connaissent que les continuit?s, parfois par bribes.
Mais un travail s'instaure, auquel les tout jeunes apprentis marionnettistes sont
associ?s, valid? par l'assembl?e des anciens.
? la demande de Chantal et Jean-Luc Larguier, je me rends en 1994 sur
place pour monter un spectacle en vue d'une tourn?e en Europe, un spectacle
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114 Cahiers d'ethnomusicologie 22/2008
bien diff?rent, on l'imagine, de ce qu'ils font pour les cars de touristes de pas
sage ou pour les tourn?es au Japon, et qui met en valeur le th??tre rituel plut?t que les adaptations de dessins anim?s pour enfants ou de num?ros de music
hall. Comme je b?n?ficie d'une bourse de recherche de l'International Institute for Asian Studies (NAS, Leiden), je reste plus de temps que n?cessaire ? Quan zhou, etje m'installe dans le quartier. Je suis la troupe dans ses tourn?es locales,
j'observe, je note, j'enregistre. Le 16 novembre 1994, Lin Wenrong vice-directeur de la troupe, remarquable manipulateur et la?c farouche, m'invite ?
l'accompagner. Je monte ? l'arri?re de sa moto et par les sentiers nous arrivons
? un hameau, Jinjiang Nanmen wai, Xiandian xiang ̂̂ ^F^H^I^. Face ? un petit temple au roi gardien de l'Ouest, le Guyun dian, Xiwang fu "?ri ??i /fr, sous une sorte d'abri, une pi?ce de th??tre de marionnettes est en cours. Les
manipulateurs sont un vieil homme et ses deux filles, des amateurs, me dit Lin,
accompagn?s par un fl?tiste et un percussionniste. Il s'agit d'un rituel de cons?
cration du temple, qui consiste ? jouer une pi?ce. Aussit?t arriv?, ? peine les pr?sentations faites, Lin prend les poup?es
des mains du vieil homme et encha?ne la manipulation, tandis que le vieil homme va se reposer, et le spectacle s'encha?ne sans interruption. Lin me racontera qu'il
gagne 350 yuan par mois dans la troupe et 50 par jour pour un rituel comme celui-ci. Je m'int?resse au fl?tiste, ?tant fl?tiste moi-m?me, et regarde sur l'?paule du musicien la partition qu'il suit: un cahier ?crit ? la main. Voyant cela, le musi cien me tend la fl?te, et va fumer une cigarette. Je joue, la musique s'encha?ne
sans interruption. Voici donc un usage r?el observ? du cahier de musique tradi
tionnelle, manuscrit, personnel: il n'aide en rien ma m?moire, puisque, musicien
de Shanghai, je ne connais pas ce r?pertoire: il s'agit bien d'un usage prescriptif de la partition, et la musique est pourtant pleinement en situation, non seulement
socialement, mais m?me dans un rituel.
Mon s?jour se termineje rentre en Europe, et bient?t ce sont les marion
nettistes qui d?barquent pour la tourn?e. J'avais bien enregistr? quelques pi?ces, mais pas de quoi faire un disque, lorsque la proposition d'une publication audio ?manant de Laurent Aubert nous parvient. La troupe demande ? me rencontrer
pour en discuter. Le probl?me est qu'ils ont les musiciens, les instruments, mais
qu'ils ont r?p?t? un programme d'accompagnement d'un spectacle, et pas suf
fisamment de pi?ces instrumentales ou vocales ? ?couter (selon leurs crit?res) pour faire un disque: il leur manque leurs partitions, me disent-ils. Pas de pro
bl?me, je les ai chez moi. Ils sont interloqu?s, mais je fais effectivement un saut ? ma biblioth?que et leur apporte mes recueils de musique de Quanzhou ramass?s
l?-bas, tous uvres de musicologues ?rudits locaux: un recueil de collectage de
Li Quanmin (1962), la s?rie Quanzhou minjian yinyue ?dit?e par le Centre culturel et l'Association des musiciens de la Ville (six volumes, Ping Ji, Chen Mei 1980), un recueil d'airs populaires ordinaires (Cai Junchao 1986) et enfin les trois volumes du r?pertoire de la troupe de marionnettes ? fils (Cai Junchao 1986-1987). Le
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directeur de la troupe prend les premiers volumes, les jette violemment par terre, disant: ?C'est bien ce que je pensais, tout ?a n'a aucune utilit?.? Puis, surpris, il
d?couvre les volumes de Cai Junchao, et me dit: ?Mais c'est ? nous, c'est notre
r?pertoire, comment peux-tu avoir cela?? Je lui dis que c'est Cai lui-m?me qui me les a donn?s, ils sont d'ailleurs annot?s de sa main. -
?Bon, dans ce cas, pas de probl?me, je les garde, nous allons faire ton disque?, ce qui fut fait, et bien fait
(Quanzhou tixian mu'ou jutuan 1996).
Plage Titre Titre Partition
1 San xian qiao I.65
2 Ruolan xing 3* Sj-ff
3a Zhengman jE'?ic I.85
3b Qianqiusui -fjkik 11.91
3c Jiang shui ling 0^4- 11.66/111.119
4 Xiao shami xia shan 'H;K??T??
5 Zaoluopao 4?M& II.28/III.65
6 Bubujiao 11.74/111.134
7 Rucheng AJft
8 Ganzhouge 111.126(6.41)
9 Yifengshu -## II.63
10 Baoziling I.85
11 Erzijin 0.20
12 Banjiangtai 0.10
13 Xihuliu fttiftfy 0.22
14 Tiao long men 3feltlF1 0.8
15 Xi di jin 0.58
16 Hongjiachui ?xfpfc
17 Da chu Su
18 Qing xishen #?#
19 Luolilian
Tableau: les pi?ces du CD Quanzhou tixian mu'ou jutuan 1996 et leurs partitions
0 d?signe ici Cai Junchao 1986; 1, 2 et 3 les volumes de Cai Junchao 1986 1987 et 6 le volume 6 de Ping Ji et Chen Mei 1980. Les trois derni?res pi?ces ont ?t? enregistr?es sur place lors d'un spectacle rituel. Les plages 2, 4 et 7 ne
correspondent pas ? des noms de timbres, mais ? des sc?nes de jeu. Le titre de
la plage 16 n'est pas celui d'un timbre, mais d'un genre. Tous les timbres enregis tr?s sont donc effectivement repr?sent?s dans les recueils de Cai.
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Fig. 6. ?Ganzhou ge? (Chant de Ganzhou), Ping Ji, Chen Mei 1980 6: 41.
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Fig. 7. ?Ganzhouge? (Chant de Ganzhou), Cai Junchao 1987 3: 126.
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La conclusion para?t ici ?vidente: on est bien dans la situation typique, du sens commun: la partition ne sert que d'aide-m?moire; mais un musicologue ne
va pas s'arr?ter l?. La comparaison des versions de la m?me pi?ce, ? Ganzhou ge?
(Quanzhou tixian mu'ou jutuan 1996, plage 8), dans deux versions ?crites, celle,
l?gitime, de Cai Junchao (1987/3: 126) et celle, rejet?e, du Centre culturel (Ping Ji, Chen Mei 1980/6: 41), montre que la troupe ne joue exactement ni l'une ni
l'autre, et qu'elles ne diff?rent pas tant que cela; il est certainement question de
musique, d'exactitude de la notation, mais sans nul doute aussi, et par dessus
tout, de fiabilit? contr?l?e d'une transmission, ce que l'on est en droit d'attendre
d'un cahier de musique traditionnelle.
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Dossier/Picard 119
r?sum?. Le sens commun affirme: ?[Hors de l'Occident savant] la partition n'est qu'un aide-m?moire?; dire cela, c'est faire sien un clich? moderne, ou occi
dental, ou les deux; loin de l?, la partition est en Orient le signe d'une transmis
sion achev?e, une trace, une m?moire, un legs, un don. Nous pr?sentons donc un
processus ? l' uvre ? travers la rencontre en 1999 dans la campagne du Hebei,
pr?s de P?kin, avec un musicien de village: l'analyse de son cahier de musique manuscrit personnel montre qu'il contient des pi?ces identiques ? celles reco
pi?es par Joseph-Marie Amiot et envoy?es en France (o? elles sont d?tenues) en 1779. Ici les distinctions entre musiques profanes et religieuses, musiques de
cour et de villages, pr?sent et histoire, ?clatent au profit d'un processus que l'on
appelle tradition et qui est de la musique. Il s'agit pour nous, partant d'un mat?riau
s?lectionn? et repr?sentatif d'une tradition vivante implant?e et document?e dans
la longue dur?e, de situer la notation musicale, l'?crit, la trace, le t?moin, dans la
cha?ne de la transmission qui est constitutive de toute tradition. Ici, l'opposition ne
se fait pas entre tradition pr?tendument orale et ce qui s'en distinguerait, l'?crit, mais entre la tradition et ce qui n'en rel?ve pas, en particulier les recueils publi?s sans contr?le des interpr?tes l?gitimes.
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