PROGRAMME D’EVALUATION DU SECTEUR FINANCIER
MALI
LE SYSTEME BANCAIRE ET LE CREDIT A L’ECONOMIE
NOTE TECHNIQUE AOUT 2015
Cette note technique a été préparée dans le cadre d’une mission du Programme d’évaluation
du secteur financier au Mali menée en mars 2015 sous la direction de Mehnaz Safavian
(Banque mondiale) et sous la supervision du Pôle Finance et marchés des Pratiques mondiales
de la Banque mondiale. Elle présente une analyse technique et des informations détaillées sur
lesquelles reposent les conclusions et les recommandations de l’évaluation du PESF. De plus
amples informations sur le PESF sont disponibles à www.worldbank.org/fsap.
BANQUE MONDIALE
POLE FINANCE ET MARCHES
DES PRATIQUES MONDIALES
Pub
lic D
iscl
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e A
utho
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Pub
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- i -
Table des matières
Sigles et abréviations ................................................................................................................... iii I. Résumé analytique ........................................................................................................ 4 II. Rappel des faits et contexte .......................................................................................... 6 III. Structure et description générale du secteur bancaire .............................................. 8
IV. Solidité et performance du secteur bancaire ............................................................ 12
V. Cadre juridique, réglementaire et prudentiel .......................................................... 18 VI. Crédits à l’économie et inclusion financière ............................................................. 22
VII. Recommandations ................................................................................................. 32
Graphiques Graphique 1: Croissance sur 5 ans des actifs, des prêts et des dépôts : Source : BCEAO ......10
Graphique 2 : Structure du capital du système bancaire en décembre 2013 (en pourcentage du
total des actifs du système bancaire) ................................................................................11 Graphique 3: Crédit aux cinq principaux emprunteurs en pourcentage des fonds propres .....14
Graphique 4: Décomposition des écarts au Mali et dans l’UEMOA .......................................17 Graphique 5: Répartition sectorielle des crédits (31décembre 2013) ......................................23
Tableaux
Tableau 1: Suites données aux principales recommandations relatives au secteur bancaire
dans le cadre du PESF 2008...............................................................................................7
Tableau 2: Évolution du secteur bancaire ..................................................................................9 Tableau 3: Structure du capital des banques ............................................................................12 Tableau 4 Adéquation des fonds propres aux besoins ............................................................13
Tableau 5 : Liquidité bancaire .................................................................................................16 Tableau 6 : Rentabilité et performance du système bancaire ..................................................17
Tableau 7 : Ratios prudentiels applicables aux banques de l’UEMOA ...................................20 Tableau 8 : Indicateurs d’inclusion financière, pourcentage de Maliens de plus de 15 ans. ...30
Tableau 9 : Indicateurs d’inclusion financière, en pourcentage des adultes de plus de 15
ans ....................................................................................................................................30 Tableau 10 : Principales recommandations .............................................................................32
Appendice 1 : Indicateurs de solidité financière …………………………………………..35
- iii -
SIGLES ET ABREVIATIONS
APBEF Association professionnelle des banques et établissements financiers
BCEAO Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest
CB Commission bancaire
BIC Bureau d’information sur le crédit
BDM Banque de Développement du Mali
BHM Banque de l’Habitat du Mali
BIM Banque internationale du Mali
BMS Banque malienne de Solidarité
BNDA Banque nationale de développement agricole
BRVM Banque régionale des valeurs mobilières
CCJA Cour commune de justice et d’arbitrage
CMDT Compagnie malienne pour le développement du textile
DGDP Direction générale de la dette publique
FGHM Fonds de garantie hypothécaire du Mali
FI Institutions financières
PESF Programme d’évaluation du secteur financier
PIB Produit intérieur brut
PNB Produit national brut
IFRS Normes internationales d’information financière
FMI fond monétaire international
IMF Institution de microfinance
SIG systèmes d’information de gestion
MPME Micros, petites et moyennes entreprises
OHADA Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires
DSRP Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté
RCCM Registre du commerce et du crédit mobilier
RDA Rendement de l’actif
PME petites et moyennes entreprises
SYSCOA Système comptable ouest-africain
UEMOA union économique et monétaire ouest africaine
UMOA union monétaire ouest africaine
- 4 -
I. Résumé analytique
1. Le secteur bancaire malien s’est systématiquement développé au cours des
dernières années, mais il manque encore de profondeur et l’accès aux services bancaires
est limité. Le secteur bancaire constitue l’essentiel du secteur financier malien, puisqu’il
détient environ 97 % des actifs de ce dernier. Le ratio du crédit privé au PIB était de 21,8 %
en 2013, soit une proportion supérieure à la médiane pour l’Afrique (17,4 %) et à la médiane
pour l’ensemble des pays à faible revenu (16,4 %). Le ratio des dépôts intérieurs au PIB, qui
était de 23,1 %, est du même ordre de grandeur que la médiane pour les pays à faible revenu
(23,5 %). Les données de l’enquête indiquent toutefois que l’inclusion financière est moins
développée au Mali que dans les pays comparables.
2. Le secteur bancaire semble, en général, avoir un niveau de capitalisation suffisant
et être rentable, bien que les résultats varient largement selon les banques et que la
qualité des actifs soit médiocre. Les banques semblent, en général, avoir un niveau de
capitalisation suffisant et la norme d’adéquation des fonds propres globale du système (Bâle
I) était de 12,9 % à la fin de 20131, soit un niveau supérieur à la moyenne de l’UEMOA
(10,6 %) ; en juin 2014, toutefois, une petite banque et une banque de taille intermédiaire ne
respectaient pas le ratio d’adéquation des fonds propres minimal de 8 % (Bâle I). Les carences
du système de classification des prêts et de dotation aux provisions, les lacunes de la
réglementation prudentielle et le manque de rigueur dans l’application des réglementations
peuvent toutefois laisser douter de la validité des informations sur la santé et la capitalisation
du système. La concentration des risques, la qualité du crédit et les contraintes de liquidité
grandissantes sont les plus importants facteurs pouvant compromettre la sécurité et la solidité
du secteur. Les banques sont rentables, puisqu’elles affichent un rendement de l’actif de 1,2 %
et une rentabilité des fonds propres de 14,1 %. Les marges brutes d’intermédiation se sont
établies, en moyenne, aux alentours de 8 % au cours des trois dernières années, et évoluent à
la baisse (7,7 % 2013). Elles sont donc inférieures aux médianes pour l’Afrique et pour les
pays à faible revenu, qui sont de 8.8 % et de 9.6 %, respectivement2. Les marges sont dues à
une base de coûts relativement élevée (dépenses hors intérêts représentant 55,8 % du revenu
bancaire net) et à l’ampleur du risque de crédit. La qualité des actifs est médiocre, mais elle
s’améliore.
3. Les insuffisances des normes prudentielles et le manque d’application de ces
normes pourraient compromettre la solidité des banques ; des réformes sont toutefois
en cours. Ni les réglementations régissant la classification des prêts et la constitution de
provisions, ni les ratios d’adéquation des fonds propres aux besoins ou de concentration des
risques ne sont conformes aux normes internationales. La BCEAO a entrepris, avec une
assistance technique du FMI, d’appliquer progressivement les normes de Bâle II/III, et a
également pris des mesures pour, notamment, améliorer l’information sur le crédit, adopter
des normes comptables internationales et mettre en place un système de supervision consolidé
1 BCEAO
2 Finstats 2015, IFS
- 5 -
de plus en plus nécessaire étant donné l’importance grandissante de groupes bancaires
régionaux au Mali. La Commission bancaire devrait renforcer ses efforts d’application en
attentant la mise en œuvre de ces mesures.
4. Les banques au Mali accordent généralement des crédits à une gamme
relativement limitée de sociétés, et sont en mesure de dégager des marges confortables grâce
à cette clientèle traditionnelle. Toutefois, par suite de l’arrivée de nouvelles institutions et de
banques plus solides, elles sont en butte à une concurrence plus intense pour cette clientèle,
ce qui exerce des pressions à la baisse sur les taux prêteurs. Les récentes pressions dues à la
concurrence a eu pour résultat positif d’obliger les banques à rechercher activement de
nouvelles opportunités de financement plus rentables au niveau de la clientèle de détail
(essentiellement les salariés urbains) et les PME. La part des financements aux 50 plus gros
emprunteurs a donc diminué, pour tomber de 60 % du portefeuille total en 2012 à 39,4 % en
décembre 2014.
5. Les insuffisances de l’infrastructure financière, de l’environnement juridique et
judiciaire et, plus généralement du contexte macroéconomique, constituent des obstacles
à la poursuite de la diversification et de l’élargissement des crédits à l’économie. Les
principaux obstacles sont : i) les défaillances au niveau de l’application des contrats ;
ii) l’insuffisance des systèmes d’information sur le crédit ; iii) les carences du cadre des
transactions garanties ; iv) l’ampleur du secteur informel de l’économie ; v) l’absence de
chaînes d’approvisionnement organisées en dehors du secteur du coton ; et v) le manque de
ressources à long terme pour financer des investissements. Les autorités nationales et
régionales sont conscientes de la nécessité de s’attaquer à ces obstacles, et un certain nombre
d’efforts de réforme pertinents ont été entrepris.
6. L’inclusion financière est difficile au Mali en raison de l’ampleur de la pauvreté
qui règne, de l’étendue du pays et de la faible densité de population. Selon la dernière
enquête de Findex, seulement 13 % des Maliens ont un compte dans une institution financière.
L’argent mobile se développe rapidement, et offre la possibilité de desservir des zones rurales
dans lesquelles il n’est pas possible d’assurer de manière viable des services bancaires
traditionnels en agence. Il importe d’élargir la gamme des services actuels qui se limitent aux
services de paiements de base pour inclure un menu plus complet de services d’envois de
fonds, de produits d’épargne, de crédit et d’assurance. Assurer un large accès à ces services
permettra de réduire l’informalité au sein de l’économie et d’élargir les circuits du secteur
financier. Il serait possible d’accélérer cette évolution en faisant passer les systèmes de
paiement de masse de plateformes en espèces à des plateformes numériques, notamment les
paiements de l’État au titre des salaires et les autres paiements de l’État à des personnes (G2P),
comme les pensions et les transferts sociaux.
- 6 -
II. Rappel des faits et contexte
7. Le Mali est un vaste pays enclavé d’Afrique de l’Ouest comptant 16,9 millions
d’habitants et affichant un PIB par habitant de 657 dollars. L’économie malienne est
essentiellement rurale, puisque les deux tiers de la population vivent de l’agriculture,
notamment du coton. L’or est le principal produit d’exportation du pays, mais sa production
diminue et le secteur a un avenir incertain parce que les réserves prouvées sont limitées. Le
secteur des services, qui contribue pour 40 % au PIB, est dominé par les échanges et le
commerce. La dépendance du pays envers les cultures et l’or expose le Mali à des chocs des
termes de l’échange. L’industrie, qui emploie tout juste 3 % de la population active, se
compose essentiellement d’installations de transformation alimentaire et d’usines textiles de
petite taille. La très grande majorité de la population (plus de 90 %) travaille dans le secteur
informel.
8. Le Mali a été ébranlé par une grave crise politique et sécuritaire en 2012, dont il
se remet à présent. Au début de 2012, des insurgés ont pris le contrôle du nord du Mali, et
déplacé plus d’un demi-million de personnes. Quelques mois plus tard, un coup d’État
militaire a encore plus déstabilisé le pays et son économie, et a provoqué le retrait de l’appui
des bailleurs de fonds. Une intervention militaire menée par la France a permis au
gouvernement de reprendre le contrôle du nord du pays vers le milieu de 2013, et de nouvelles
élections présidentielles et parlementaires ont été organisées plus tard dans l’année dans le
but de rétablir la démocratie.
9. La croissance économique a repris depuis la crise, et l’inflation est faible. Le PIB
a affiché une croissance nulle en 2012 par suite de la crise politique, et de seulement 1,7 %
en 2013 en raison des piètres récoltes agricoles. L’économie malienne connaît de nouveau
une solide croissance puisque, selon les estimations, le PIB aurait augmenté, de 7,2 % en 2014
et devrait s’accroître de 5 % en 2015. Les projections de la croissance pour cette année
replacent le Mali sur sa trajectoire normale, qui s’était établie en moyenne à un peu plus de
5 % au cours des 10 années précédant la crise de 2012. L’inflation est faible (1 % en 2014)
et, selon les projections, devrait rester largement en dessous de la cible de 3 % fixée par la
BCEAO.
Programme d’évaluation du secteur financier de 2008 (PESF)
10. Le Mali a fait l’objet d’une évaluation conjointe de la Banque mondiale et du FMI
dans le cadre du PESF en 2008. Les principales conclusions et recommandations associées
au secteur bancaire, et la suite actuellement donnée à ces recommandations sont récapitulées
ci-après.
- 7 -
Tableau 1. Suites données aux principales recommandations relatives au secteur
bancaire dans le cadre du PESF 2008
Recommandations Suite donnée
Bien préparer le secteur bancaire aux
rapides transformations survenant dans
le secteur du coton.
Les transformations envisagées en 2008 dans
le secteur du coton (scission et privatisation
de la CMDT, qui gère la filière coton) n’ont
pas eu lieu. Le financement du secteur est
assuré par un mécanisme structuré établi par
des consortiums bancaires internationaux et
intérieurs, qui semblent fonctionner
correctement. La forte concentration des
risques dans le secteur du coton continue
d’être un problème pour le secteur bancaire.
Mettre en place les conditions requises
pour assurer la réussite des opérations
de privatisation de la BIM et de la BHM.
La privatisation de la BIM s’est déroulée de
manière satisfaisante, mais celle de la BHM
est encore à l’étude, et les problèmes
fondamentaux n’ont pas été résolus. (Voir la
note technique sur le financement du
logement).
Le Mali devrait jouer un rôle plus actif
au Conseil des ministres de l’UEMOA
dans le but d’assurer la modernisation
de l’infrastructure financière et
d’adopter un cadre réglementaire et
prudentiel plus propice au
développement du secteur financier.
Un certain nombre d’initiatives ont été
lancées à l’échelon régional dans le but
d’améliorer l’infrastructure financière
(modernisation des paiements, établissement
d’un bureau d’information sur le crédit privé,
etc.), et des plans ont été établis en vue de
moderniser le cadre prudentiel pour
permettre un passage progressif à Bâle II/III
à l’horizon 2017/18. Il reste toutefois
beaucoup à faire. La recommandation selon
laquelle le Mali doit jouer un rôle actif dans
les instances régionales pour renforcer
l’infrastructure et le cadre réglementaire et
prudentiel reste valable à ce jour.
Créer un cadre et une dynamique pour
structurer les chaînes
d’approvisionnement afin de promouvoir
la participation des banques et du
secteur privé
L’absence de chaîne d’approvisionnement
structurée en dehors du secteur du coton
continue d’être un important obstacle à
l’accès à des financements (voir la note
technique sur le financement de
l’agriculture).
- 8 -
III. Structure et description générale du secteur bancaire
11. Le secteur bancaire malien s’est nettement développé au cours des dernières
années, mais il manque encore de profondeur et l’accès aux services bancaires est limité. Le secteur bancaire constitue l’essentiel du secteur financier malien, puisqu’il détient environ
97 % des actifs de ce secteur. Le ratio crédit privé/PIB était de 21,8 % en 2013, soit une
proportion supérieure à la médiane pour l’Afrique (17,4 %) et pour l’ensemble des pays à
faible revenu (16,4 %)3.
12. Depuis l’ouverture d’une nouvelle banque en 2014, 14 banques commerciales
opèrent au Mali. Le secteur n’est que moyennement concentré, les trois plus grandes banques
contrôlant 48 % des dépôts et 40 % des prêts. Le Mali ne compte qu’une banque spécialisée,
la Banque de l’Habitat du Mali, qui est en difficulté. La Banque nationale de développement
agricole (BNDA) autrefois spécialisée dans ce domaine, opère à présent en tant que banque
commerciale générale bien qu’elle continue de poursuivre des activités axées sur le secteur
agricole. Le Mali a aussi trois petites institutions de crédit non bancaires, une société de crédit-
bail et deux fonds de garantie, l’un pour les prêts hypothécaires et l’autre pour le secteur privé,
notamment les PME. Le Fonds de garantie pour le secteur privé n’est entré opère en opération
qu’à la fin de 2014. Ces 17 institutions financières sont assujetties aux réglementations
régionales de l’UMOA et sont placées sous le contrôle de la Commission bancaire de
l’UMOA.
13. La situation a évolué de manière positive dans le secteur bancaire malien entre
2009 et 2013, comme le montre le tableau 2 ci-après. Bien que la mission n’ait pas obtenu de
données comparables pour 2014, il semble que cette évolution positive se poursuive, les
crédits à l’économie étant réputés avoir augmenté d’environ 15 %. Le crédit et les dépôts ont
augmenté plus rapidement que le PIB, et le nombre d’agences et de comptes bancaires a
continué de s’accroître pendant toute la période, malgré le ralentissement observé en 2012 et
2013. Durant cette période, les crédits à l’économie ont augmenté de 65 %, les dépôts de
47 %, le nombre d’agences bancaires de 75 % et le nombre de comptes de 86 %.
3 Finstats 2015
- 9 -
Tableau 2. Évolution du secteur bancaire
Évolution du secteur bancaire
2009 2010 2011 2012 2013
Total actifs (FCFA M) 1572,7 1844,2 2041,3 2167 2530,8
Dépôts (FCFA M) 1161,4 1337,7 1457,2 1531,1 1702,8
Croissance en % d’une
année sur l’autre 15,2% 8,9% 5,1% 11,2%
Prêts (FCFA %) 818 936,8 1124,7 1174,7 1344,5
% de croissance annuelle 14,5% 20,0% 4,4% 1,4%
Crédit au secteur privé/PIB -
% 17,6 18,1 20,9 21,4 21,8
Nb agences bancaires 249 281 343 400 433
Agences pour 100 000 hab. 1,72 1,87 2,2 2,46 2,52
Nb comptes bancaires 594 784 655 355 901 584 1 101 688 1 104 057
Sources : CB-UEMOA, BCEAO.
- 10 -
Graphique 1. Croissance sur 5 ans des actifs, des prêts et des dépôts : Source : BCEAO
Source:
BCEAO
% croissance actifs
totaux, en glissement
annuel
% croissance prêts, en
glissement annuel
% croissance dépôts, en
glissement annuel
Actifs totaux (FCFA M)
Dépôts (FCFA M)
Prêts (FCFA M)
14. La structure du capital dans le secteur bancaire a fait l’objet d’un certain nombre
de modifications, et le secteur est maintenant dominé par des actionnaires étrangers, essentiellement africains. Les banques marocaines sont celles qui sont le plus présentes sur le
marché, puisqu’elles détiennent la majorité ou une part importante du capital de quatre
banques, et ont une part totale du marché (actifs) de 50 %. Les banques de l’UEMOA arrivent
en deuxième place avec une part totale du marché de l’ordre de 16 %. La transformation la
plus notable de la structure du secteur tient à la réduction des parts de capital détenu par l’État
et le secteur public. Lors de l’examen réalisé dans le cadre du PESF de 2007, les banques
- 11 -
contrôlées par le secteur public détenaient 60 % des actifs et 70 % des dépôts ; à présent les
banques dont le capital appartient en majorité à des actionnaires privés étrangers contrôlent
91 % des dépôts et 90 % des prêts4. La Banque de l’Habitat du Mali (BHM) est la seule banque
dont l’État est le principal actionnaire, mais elle est en difficulté, elle n’a que 3 % du marché
et elle doit faire l’objet d’une fusion avec la Banque malienne de solidarité cette année. Le
taux de concentration des trois plus grandes banques est d’un niveau moyen, et évolue à la
baisse (il est passé de 57 % en 2006 à 45 % en 2013), de nouveaux arrivants ayant soustrait
des parts du marché au principal intervenant. Les groupes bancaires français, qui prédominent
dans de nombreux pays de l’UEMOA, ne contrôlent qu’une petite banque au Mali, la BICIM,
dont la part de marché n’est que de 4 %.
15. La constitution de groupes bancaires de l’UEMOA est un phénomène récent, en
partie favorisé par l’approbation du système de l’agrément unique des banques et
établissements financiers dans la sous-région. Les deux derniers arrivés sur le marché sont
des institutions appartenant à des groupes dont le siège se trouve dans l’UEMOA (Burkina
Faso et Togo). La Banque de développement du Mali (BDM), qui est la plus grande banque
malienne, a également entrepris de développer ses opérations dans la région en ouvrant des
filiales en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso, et elle a des bureaux en Guinée-Bissau et en
France. La structure du capital actuel du secteur est présentée dans le graphique ci-après.
Graphique 2: Structure du capital du système bancaire en décembre 2013 (en
pourcentage du total des actifs du système bancaire)
Source : BCEAO.
4 L’État détient aussi une part majoritaire du capital du Fonds de garantie hypothécaire du Mali (FGHM).
STATE
FOREIGN
PRIVATEMALIAN
- 12 -
Tableau 3. Structure du capital des banques
Profil du secteur bancaire en
décembre 2013
Structure du capital Total actifs Dépôts Prêts
État
privé
malien
étrange
r
Part du
marché
Part du
marché
Part du
marché
Toutes
banques 15% 22% 63% 2 528 152 1 701 116 1 359 966
BDM 20% 21% 59% 18% 19% 14%
ECOBK 0% 7% 93% 14% 12% 15%
BIM 10% 39% 51% 13% 15% 11%
BOA 0% 20% 80% 12% 13% 14%
BNDA 36% 0% 64% 12% 11% 12%
BMS 25% 71% 4% 9% 9% 8%
BAM 0% 45% 55% 7% 7% 8%
BICI-M 0% 15% 85% 4% 4% 4%
BSIC-Mali 0% 0% 100% 3% 2% 5%
BHM 98% 2% 0% 3% 3% 2%
BCS 3% 0% 97% 3% 2% 3%
BCI 0% 0% 100% 2% 2% 2%
Orabank 100% 1% 1% 1%
Note : Coris Bank a ouvert ses portes en 2014
IV. Solidité et performance du secteur bancaire
16. Les indicateurs de solidité financière disponibles indiquent que le secteur
bancaire est dans l’ensemble solide, bien que les résultats varient fortement d’une
banque à une autre et que les actifs soient de médiocre qualité. Les indicateurs de
solidité financière sont récapitulés à l’annexe I.
Adéquation des fonds propres aux besoins
17. Les banques semblent, en général, avoir un niveau de capitalisation suffisant, bien
que deux banques ne se conforment pas aux normes minimales. La norme de fonds propres
globale (actifs pondérés par les risques/fonds propres réglementaires) était de 12,9 % à la fin
de 2013, c’est-à-dire bien supérieure à la norme minimale de 8 % (Bâle I), et plus élevée que
la moyenne de l’UMOA (9 %). Toutefois, à la fin de 2014, une banque ne respectait plus ni le
ratio d’adéquation des fonds propres minimal ni la norme réglementaire de fonds propres, bien
que sa part du marché dépasse juste 1 %. À l’échelon de l’UMOA, en juin 2014, un quart des
banques ne respectaient pas le ratio d’adéquation des fonds propres, et 10 % des banques
avaient un montant de capital négatif. Ces chiffres révèlent un degré de tolérance réglementaire
qui compromet la solidité financière dans la zone monétaire. Le niveau des fonds propres est,
- 13 -
par ailleurs, très vraisemblablement surestimé en raison de la faiblesse des normes
prudentielles applicables à la classification des prêts et aux provisions.
Tableau 4: Adéquation des fonds propres aux besoins
2009 2010 2011 2012 2013
Ratio
d’adéquation
des fonds
propres -%
7.7 13.7 11.7 11.4 12.9
Fonds
propres
/Total des
actifs -%
4.6 7.5 8.3 7.7 7.9
Source : BCEAO
Qualité des actifs
18. La qualité des actifs semble être relativement faible, et les provisions peuvent être
insuffisantes. Les prêts improductifs bruts représentaient 19,3 % du total en 2013, et les prêts
improductifs nets 8,3 %, soit des proportions supérieures aux moyennes de l’UEMOA qui
sont de 15,3 % et 6,6 % respectivement. La plus grande partie des prêts improductifs (40 %)
est imputable au secteur des échanges et du commerce, et est relativement plus élevée que la
proportion des prêts revenant à ce secteur (33 %). Les provisions couvrent 62 % du montant
des prêts improductifs. Les conflits et l’instabilité politique observés en 2012 ont entraîné un
fort accroissement des prêts improductifs cette année-là, mais les chiffres préliminaires (non
audités) pour 2014 font état d’une nette amélioration de la qualité des actifs au cours des 12
derniers mois (15,9 % de prêts improductifs bruts et 5,59 % de prêts improductifs nets avec
un niveau de provision de 68,6 %). Les banques conservent généralement les prêts
improductifs dans leur bilan pendant de nombreuses années avant de les passer en charge,
même s’ils sont entièrement provisionnés, dans l’attente du dénouement de longues
procédures juridiques. Le volume des prêts improductifs bruts est par conséquent gonflé,
parfois par des créances irrécouvrables héritées de banques restructurées et privatisées des
années auparavant. Ces créances irrécouvrables héritées d’autres entités, qui sont concentrées
dans trois banques, représentent environ 30 % des créances irrécouvrables du système. Les
banques ne sont actuellement pas tenues de classer un prêt tant qu’il n’est pas en arriéré depuis
plus de 180 jours.
19. Le degré de concentration des risques constitue l’un des principaux points faibles
du système. En application des réglementations de l’UMOA, les banques peuvent prêter
jusqu’à 75 % de leur capital à un unique emprunteur, et les engagements représentant plus de
25 % de la valeur nette ne peuvent pas dépasser l’équivalent de 800 % des fonds propres.
Toutefois, malgré la souplesse extrême du plafond des engagements sur une même signature,
certaines banques ne se conforment pas à la réglementation, en particulier durant les périodes
- 14 -
de pointe saisonnières. Au 30 juin 2014, par exemple, quatre banques ne respectaient pas la
limite d’engagement envers un seul emprunteur, et les crédits aux cinq plus importants
emprunteurs du système représentaient près de 100 % des fonds propres des banques. Les
autorités régionales ont fait savoir qu’elles traiteraient de la question du plafond des importants
engagements dans le cadre des activités réglementaires en cours et du passage à Bâle II/III.
Cela ne réglera toutefois pas la question de l’application laxiste des réglementations. La
Commission bancaire devrait, au minimum, faire strictement respecter le plafond en vigueur.
Les banques devraient être en mesure d’accorder des volumes plus importants de prêts
syndiqués avec des entités extérieures au Mali5. Le relèvement du niveau minimum de fonds
propres proposé pourrait également atténuer les problèmes auxquels sont confrontées les
banques de plus petite taille.
Graphique 2. Crédit aux cinq principaux emprunteurs en
pourcentage des fonds propres
Crédit aux
5 principaux
emprunteurs Source : BCEAO.
5 Les crédits à la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT), qui est le plus gros emprunteur
auprès du système, sont déjà financés par des consortiums de banques intérieures et de banques internationales.
- 15 -
Liquidité
20. Les prêts bancaires ont augmenté plus rapidement que les dépôts au cours des
dernières années. Depuis 2009, les dépôts ont augmenté de 47 %, et les prêts de 64 %. La
plupart des banques ont néanmoins été en mesure de respecter le coefficient de liquidité
(12 banques et IF sur 15 au 30 juin 2014 et 14 sur 15 en décembre 2014). L’insuffisance
relative des dépôts pourrait être exacerbée par l’adoption d’un compte unique du Trésor (CUT)
par l’État dont les comptes étaient jusque-là ouverts auprès de banques commerciales et
représentaient 19 % des dépôts en décembre 2014. Bien que la première phase de cette
opération, notamment le transfert des comptes de l’État, ait commencé en 2014, les chiffres
provisoires indiquent que les dépôts de l’État ont, en fait, augmenté en 2014, et que la liquidité
des banques semble s’être améliorée au premier semestre de 2015. La deuxième phase donnera
lieu au retrait du système bancaire des comptes des organismes publics (dont le montant est
actuellement estimé à 149 milliards de francs CFA). Les banques parviennent généralement à
maintenir des liquidités suffisantes (grâce en partie à d’amples injections de liquidités de la
BCEAO), mais la concurrence pour les dépôts – en particulier les dépôts à terme des grands
comptes – s’intensifie. La hausse des taux servis sur les dépôts qui s’ensuit survient alors même
que la BCEAO a abaissé les taux directeurs et le taux d’usure, et que la concurrence exercée
au niveau des prix pour attirer les emprunteurs commerciaux de premier plan s’accroît. Depuis
la fin 2014, les banques indiquent qu’elles accordent des taux prêteurs qui peuvent être aussi
bas que 5,5 % à 6 % à leurs meilleurs clients, tandis que les taux versés sur les comptes très
importants peuvent atteindre jusqu’à 5,5 % ou 6 %. Les bons clients sont désormais en mesure
de négocier la rémunération de leurs dépôts à vue, qui ne portaient jamais intérêt dans le passé.
Cette concurrence accrue et le rétrécissement des marges seront probablement salutaires à long
terme pour le système, et le passage à un compte unique du Trésor est nécessaire. Étant donné
le niveau déjà élevé du ratio prêts-dépôts (90 % à la fin de l’année 2013), il sera toutefois
important de gérer les retraits de manière à éviter de créer des problèmes de liquidité ou de
forcer les banques à réduire les crédits à l’économie. La BCEAO et l’État malien sont
conscients des risques, et procèdent à des simulations pour évaluer l’impact de cette opération.
21. Le niveau des liquidités fournies par la banque centrale est exceptionnellement
élevé dans le cas du Mali et dans toute l’Union monétaire. La BCEAO fournit des liquidités
de plus en plus importantes aux banques. Les crédits de la banque centrale représentent 9 %
des actifs bancaires dans la zone, contre moins de 1 % pour les pays africains comparables. Au
Mali, le financement de la banque centrale a augmenté de 867 % entre 2011 et 2013, pour
atteindre plus de 12 % des passifs et des fonds propres des actionnaires à la fin de 2013.
22. Les banques profitent des possibilités de se refinancer à faible prix auprès de la
BCEAO pour financer l’achat de titres publics. Les banques peuvent actuellement obtenir
des financements de la BCEAO au taux de 2,5 % ; sachant que les bons du Trésor ont un
rendement de l’ordre de 5 %, cette opération est à la fois aisée et profitable pour les banques.
La plupart des refinancements de la banque centrale semblent avoir eu pour objet de financer
l’achat de titres publics. Les avoirs en ces titres ont augmenté de 37 % uniquement en 2013, et
représentaient 18 % des actifs bancaires à la fin de l’année. Cela expose aussi bien l’État que
les banques à des risques de liquidité en cas de resserrement de la politique monétaire. Cet
- 16 -
accès bon marché et facile au financement de la banque centrale est un facteur qui pourrait
entraver le développement d’un marché monétaire interbancaire.
Tableau 5. Liquidité bancaire
Ratios de liquidité 2009 2010 2011 2012 2013
Ratios prêts-dépôts 72,2 82,6 88,0 88,5 89,7
Actifs liquides/Total des
actifs 33,8 32,7 36,7 34,8 34,4
Actifs liquides/passifs CT 61,2 92,9 89,4 90,0 98,0 Source: BCEAO
Rentabilité et performance
23. Le secteur bancaire malien a été systématiquement rentable au cours des cinq
dernières années, y compris durant la crise de 2012 (tableau 7). La marge d’intérêt brute,
qui n’a guère varié au cours de la période, était de 7,7 % en 2013. Si ce niveau peut paraître
élevé par comparaison aux écarts entre les taux bancaires observés dans des pays plus
développés, elle est en fait inférieure aux médianes des pays africains et des pays à faible
revenu qui sont, respectivement, de 8,8 % et de 9,6 %6. Elle est aussi légèrement inférieure à
l’écart moyen enregistré dans les pays de l’UEMOA (7,9 %) qui est le groupe comparateur le
plus proche (voir les graphiques 5 et 6 ci-après). Bien que les chiffres de la rentabilité générale
sur l’ensemble de la période ne fassent ressortir aucune tendance prononcée, une
décomposition plus poussée des coûts montre que la composante relative aux marges
bénéficiaires constitue une proportion élevée de l’écart entre les taux d’intérêt au Mali, qui
cadre avec la moyenne de l’UEMOA (graphique 4).
6 Finstats 2015, IFS
- 17 -
Tableau 6. Rentabilité et performance du système bancaire
2009 2010 2011 2012 2013
Coût moyen des fonds
empruntés 1,9 1,9 1,8 1,9 1,8
Taux d’intérêt moyen des
prêts 9,8 9,4 10 9,9 9,5
Marge d’intérêt brut 7,9 7,5 8,2 8 7,7
Rendement de l’actif RDA 0,6 1,4 1,7 1,3 1,2
Rentabilité des fonds
propres 6,8 8,6 14,9 12,5 14,1
Dép. hors intérêts/revenu
bancaire net 63,1 59,6 56,5 57,5 59,6
Source : BCEAO
Graphique 3. Décomposition des écarts au Mali et dans l’UEMOA
Traduction des composantes : Marges bénéficiaires avant impôts ; Réserves obligatoires ;
Autres frais généraux ; Dépenses de personnel ; Provisions
- 18 -
Source : BCEAO
V. Cadre juridique, réglementaire et prudentiel
Cadre juridique et contrôle bancaire
24. Le cadre juridique, prudentiel et de contrôle du système bancaire malien et
essentiel régi au niveau de la communauté de l’UMOA, bien que les autorités nationales
jouent aussi un rôle en ce domaine. Les principaux organes de supervision sont :
i. le Conseil des ministres de l’UEMOA : il définit le cadre juridique et réglementaire
général et est également l’instance de recours pour les décisions de liquidation
d’institutions de crédit ;
ii. la BCEAO : elle formule la politique monétaire et appuie la supervision de l’activité
bancaire par le biais de ses huit directions nationales, supervise les systèmes de
paiement et détermine les politiques de comptabilité et de crédit applicables aux
banques ; et
iii. la Commission bancaire de l’UMOA (CB) : elle supervise les institutions de crédit,
et a le pouvoir de sanctionner les cas de non-respect des règles et de mettre les
institutions sous administration temporaire. La Commission bancaire doit également
donner son approbation à l’octroi d’agréments bancaires ;
iv. le ministère des Finances national : il a le pouvoir d’émettre et de retirer les agréments
bancaires sur la recommandation de la BCEAO et de la CB.
0.91.7 1.3 1.4 1.1
1.6
1.41.4 1.3
1.3
2.1
2.0
1.8 1.81.7
0.7
0.7
0.7 0.50.5
2.32.1
2.1 2.2 3.2
7.67.9
7.3 7.37.9
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
2009 2010 2011 2012 2013
UEMOA
Profit marginbefore tax
Mandatoryreserves
Other overheadexpense
Personnelexpense
Provisions
- 19 -
25. Il importe de renforcer et de moderniser le contrôle bancaire dans les pays de
l’UMOA, notamment dans les domaines suivants :
i. Les normes prudentielles régionales ne sont pas conformes aux bonnes pratiques
internationales à des égards fondamentaux, notamment en ce qui concerne le plafond
des engagements sur une même signature (75 % du capital contre 25 %) et les besoins
de dotation aux provisions qui sont relativement faibles. Les prêts ne sont classés
qu’après avoir été en arriéré pendant 180 jours, et les banques ont jusqu’à quatre ans
pour constituer des provisions d’un montant égal aux prêts garantis. Le montant des
prêts improductifs est donc sous-estimé et celui des capitaux surestimé.
ii. Le cadre prudentiel ne couvre ni les risques du marché, ni le risque-pays ni le risque
de taux d’intérêt ;
iii. Les états financiers des banques ne sont pas présentés conformément aux normes
comptables internationales ;
iv. Les holdings bancaires ne sont pas assujetties aux réglementations ni à une
surveillance consolidée. Aussi l’expansion des groupes bancaires régionaux, qui offre
certes des possibilités, présente-t-elle aussi des risques qu’il importe de prendre en
compte.
v. Il est également important que les organes de supervision du pays dans lequel se trouve
le siège de la banque et des pays d’accueil coopèrent étroitement aux activités de
supervision des groupes bancaires régionaux. Cela n’est pas un problème pour les
groupes bancaires de l’UEMOA, mais ce l’est pour les groupes dont le siège se trouve
en dehors de l’UMOA et, à ce jour, la coopération et la coordination entre les organes
de supervision nationaux et des pays d’accueil demeurent insuffisantes.
vi. Le cadre de résolution bancaire présente des carences, dû en partie au partage des
attributions entre les autorités nationales et régionales.
vii. La région fait preuve de tolérance réglementaire, bien que le respect des normes
prudentielles se soit amélioré au cours des dernières années. À la fin de 2014,
toutefois, la seule norme respectée par toutes les institutions de crédit au Mali était la
norme concernant le plafond des investissements dans des entreprises non financières.
Les ratios prudentiels obligatoires sont indiqués ci-après (tableau 7).
- 20 -
Tableau 7. Ratios prudentiels applicables aux banques de l’UEMOA
Montant minimum des fonds propres 5 milliards FCFA
Ratios d’adéquation des fonds propres >= 8 %
Limite des engagements sur une même
signature
<=75 % des fonds propres réglementaires
Plafond du volume des prêts >= 25 % de la
valeur nette
800 % de la valeur nette
Plafond des prêts internes <=20 % de la valeur nette
Ratios de liquidité (actifs liquides /passifs à
court terme)
>=75 %
Plafond des immobilisations hors bilan <= 15 % de la valeur nette
Participation dans des entreprises non
financières
<= 15 % de la valeur nette
Ratio de transformation7 >= 50 %
26. Les autorités de l’UEMOA sont conscientes des carences du système, et prennent
des mesures pour renforcer la supervision et la réglementation bancaires. Des plans ont
été mis en œuvre notamment pour passer d’une supervision basée sur la conformité dans le
cadre de Bâle I à une supervision basée sur le risque dans le cadre de Bâle II/III. Cette
transition est menée par la BCEAO avec l’assistance technique du FMI, et elle donnera à la
Commission bancaire juridiction sur les holdings bancaires. Elle devrait être terminée en
2017/18. Les normes comptables applicables aux banques en vertu du Plan comptable
bancaire sont actuellement mises à niveau pour mieux correspondre aux normes
internationales d’information financière (IFRS). En ce qui concerne l’adéquation des fonds
propres aux besoins, il a été annoncé il y a quelque temps que le montant minimum des fonds
propres serait porté à 10 milliards de francs CFA ; cette mesure doit entrer en vigueur vers le
milieu de 2016. Les banques qui ne satisfont pas à la norme minimale à la fin de 2015 doivent
soumettre d’ici la fin de l’année un plan indiquant les mesures qu’elles prendront pour
satisfaire à cette obligation. Ce relèvement du montant minimum des fonds propres ne devrait
pas avoir d’impact majeur sur la concentration et la consolidation, car la plupart des banques
du Mali ont déjà des fonds propres d’un montant supérieur à 10 milliards de francs CFA ou
devraient être en mesure d’accroître le montant de leurs fonds propres sans trop de difficulté.
Un collège de supervision a été formé pour l’un des groupes bancaires de l’UEMOA, et il
7 Défini comme étant le ratio des actifs à moyen terme aux actifs à long terme financés par des engagements à
moyen/long terme
- 21 -
devrait se réunir pour la première fois cette année. Enfin, la mise en œuvre programmée d’un
système d’assurance des dépôts et d’un fonds de stabilité financière devrait faciliter les
opérations de résolution bancaire.
Protection du consommateur
27. Le cadre juridique et réglementaire fait peu de place à la protection du
consommateur, et ni la BCEAO ni la Commission bancaire n’ont, juridiquement, pour
mission explicite d’assurer cette dernière. La mission et le principal objectif de la banque
centrale et de la Commission bancaire consistent à assurer la stabilité et la solidité du secteur,
bien que certaines mesures puissent être considérées comme des mesures de protection du
consommateur. Il s’agit des taux d’intérêt maximums que les banques peuvent imposer (taux
d’usure), d’une récente instruction disposant que certains services bancaires doivent être
fournis gratuitement, et de la décision prise en 2014 de mettre en place un Fonds de garantie
des dépôts8. Il vaut également la peine de noter que la récente loi uniforme portant
réglementation des bureaux d’information sur le crédit comprend des dispositions pertinentes
pour la protection du consommateur. Chaque État membre de l’UEMOA est doté d’un Conseil
national du crédit, constitué par la BCEAO et présidé par le ministre des Finances, qui a pour
mission d’étudier les conditions de fonctionnement du système bancaire, notamment ses
relations avec la clientèle. Deux associations de consommateurs, la RECOMA et l’ASCOMA,
sont membres du Conseil. Ce dernier ne semble toutefois pas avoir publié ou diffusé l’une
quelconque de ses analyses ou délibérations en ce domaine.
28. Bien que la BCEAO ait récemment renforcé l’obligation d’information, les
conditions et les tarifs ne sont toujours pas transparents en pratique. L’absence
d’informations harmonisées et comparables sur les prix de tous les produits bancaires entrave
la concurrence dans le secteur et contribue certainement au coût élevé des produits et des
services financiers. Une récente instruction dispose que les banques doivent déclarer leur taux
de base, leurs taux minima et maxima sur les prêts et sur les dépôts à la BCEAO, à la
Commission bancaire ainsi qu’aux associations ou aux revues de consommateurs pertinentes.
Aucune méthode standardisée n’est toutefois utilisée aux fins du calcul et de la diffusion des
coûts totaux ou des rendements. Les banques ne sont en outre assujetties à aucune obligation
minimale de divulgation des conditions à leur clientèle. Dans de nombreuses juridictions, les
institutions financières sont tenues de fournir de simples déclarations expliquant les
principaux termes relatifs aux produits offerts aux consommateurs dans un langage simple et
facile à comprendre.
29. Il n’existe pas de mécanisme de règlement des différends efficace et rapide qui
permettrait de traiter les plaintes des clients. Ce type de mécanisme revêt une importance
particulière dans les pays où l’on ne peut compter sur les tribunaux pour fournir des recours
rapides, d’un coût abordable et prévisibles aux consommateurs. Il faudrait combler cette lacune
en nommant un ombudsman ou une personne occupant une fonction équivalente. À l’évidence,
une initiative a été lancée dans le but de mettre en place un mécanisme de médiation à l’échelon
8 Le fonds n'était pas opérationnel à la date de la mission.
- 22 -
régional, ainsi qu’un « Observatoire de la qualité des services bancaires ». Lorsque ces derniers
auront été mis en place, il importera de collecter des données détaillées sur les plaintes, de les
analyser et de les publier dans le but de recenser les principaux problèmes et d’exploiter ces
informations aux fins de la formulation d’une politique de protection des consommateurs. Il
n’existe en outre aucune obligation ou norme minimale concernant les plaintes internes dans
les banques ou autres institutions de crédit. Il conviendrait également de remédier à cette lacune
et de s’assurer du respect des normes.
VI. Crédits à l’économie et inclusion financière
30. Les crédits à l’économie et la profondeur du secteur bancaire sont limités, mais se
développent, et ils correspondent dans l’ensemble à ceux de pays ayant des facteurs
fondamentaux macroéconomiques similaires. Les banques occupent une place
prédominante dans le secteur financier malien, puisqu’elles détiennent environ 97 % des actifs
du secteur financier. Le ratio du crédit privé au PIB était de 21,8 % 2013, soit un niveau
supérieur à la médiane pour l’Afrique (17,4 %) et à celle de tous les pays à faible revenu
(16,4 %). Le ratio des dépôts intérieurs au PIB, qui était de 23,1 %, est du même ordre de
grandeur que la médiane des pays à faible revenu (23,5 %).
31. Le secteur bénéficiant des plus importants engagements du secteur bancaire est
celui des échanges et du commerce, qui bénéficie de 33 % du total des crédits, et est suivi
par le secteur manufacturier (17 %). Le secteur minier, à qui est imputable plus des deux tiers
des exportations maliennes, est essentiellement financé de l’étranger.
- 23 -
Graphique 4. Répartition sectorielle des crédits (31décembre 2013)
Traduction des secteurs : Agriculture et pêche ; Industries extractives ; Industries manufacturières ; Eau, électricité et gaz
Bâtiment et travaux publics
Source : BCEAO.
32. Le volume de titres publics détenus par les banques augmente plus rapidement
que celui des crédits au secteur privé. Bien que les titres publics ne semblent pas évincer
les crédits au secteur privé pour le moment, ils pourraient certainement menacer de le faire à
l’avenir. Conformément à la législation et à la réglementation en vigueur, les titres émis par
les États de l’UEMOA sont exonérés d’impôt, ont une pondération nulle aux fins de
l’évaluation du capital et peuvent être refinancés à tout moment par la BCEAO, actuellement
à des taux très favorables (2,5-3,5 % en dessous des taux servis sur les comptes d’épargne, les
dépôts à terme et les emprunts interbancaires). Les volumes de titres publics détenus par les
banques ont donc augmenté très rapidement (de 37 % en 2013). La dernière émission
obligataire malienne (à trois ans, en février 2015) a un rendement de 5,5 %, ce qui correspond
à un rendement imposable de l’ordre de 8,2 %. Ce taux est supérieur aux taux prêteurs
actuellement consentis aux plus importantes entreprises clientes, même si l’on fait abstraction
des différentes normes de fonds propres. La pondération nulle des titres émis par les États de
l’UEMOA peut également donner lieu à une surestimation de l’adéquation des fonds propres
du système bancaire aux besoins, dans la mesure où aucun des États souverains de la région
ne court un risque nul de défaillance.
33. Soixante-cinq pour cent des prêts accordés au Mali sont à court terme9, et les
entreprises ont des difficultés à financer leurs besoins d’investissements à plus long
terme. Cette situation peut, elle-même, être imputée au risque plus élevé associé aux
financements à plus long terme ainsi qu’aux contraintes de financement et aux obstacles
9 Le crédit à court terme, tel qu'il est défini dans l’UEMOA a une échéance à moins de deux ans.
Agriculture andFisheries
Extractive industries
Manufacturing
Water, Electricity andGas
Construction andPublic Works
- 24 -
réglementaires. Il est difficile aux banques de recouvrer le montant de leurs prêts ou de faire
valoir les garanties par suite des problèmes posés par le respect des contrats et le cadre des
transactions garanties, de sorte qu’elles préfèrent financer des opérations à court terme,
autoamortissables et générant des flux de trésorerie bien définis. L’une des normes
prudentielles de l’UMOA dispose en outre que 50 % des actifs à moyen et long termes doivent
être couverts par des passifs à moyen et long termes (cette proportion était de 75 % jusqu’en
2014). Avant l’assouplissement des limites aux transformations des échéances, cette norme
était un obstacle au financement des investissements, car de nombreuses banques avaient déjà
atteint le plafond, ou même dépassé ce dernier. Faute de données financières complètes sur les
banques pour 2014, il est difficile de savoir si cela est toujours le cas. Le marché obligataire
régional n’est pas exploité par les banques maliennes, et il n’est pas évident que ces dernières
puissent lever des fonds sur ce marché. Fait quelque peu surprenant, selon un représentant de
l’Association professionnelle des banques, une émission obligataire pourrait être interprétée
par le marché intérieur comme une indication que la banque se trouve en difficulté financière.
34. Les banques au Mali accordent généralement des crédits à une gamme
relativement limitée de sociétés, et sont en mesure de dégager des marges confortables grâce
à cette clientèle traditionnelle. Toutefois, par suite de l’arrivée de nouvelles institutions et de
banques plus solides, elles sont en butte à une concurrence plus intense pour cette clientèle, ce
qui exerce des pressions à la baisse sur les taux prêteurs. Les récentes pressions dues à la
concurrence ont eu pour résultat positif d’obliger les banques à rechercher activement de
nouvelles opportunités de financement plus rentables au niveau de la clientèle de détail
(essentiellement les salariés urbains) et les PME. La part des financements aux 50 plus gros
emprunteurs a donc diminué, pour tomber de 60 % du portefeuille total en 2012 à 39,4 % en
décembre 2014.
35. Les efforts d’amélioration de l’intermédiation financière et d’élargissement de la
clientèle se heurtent à un certain nombre d’obstacles. Le degré limité d’inclusion
financière et la faiblesse des crédits au secteur privé sont imputables aux carences des cadres
juridique, judiciaire et réglementaire du développement du secteur financier ainsi qu’à des
facteurs non liés à la politique du secteur financier qui doivent être considérés dans un
contexte économique, social et politique plus générale. Les autorités nationales et régionales
sont conscientes de ces obstacles et prennent des mesures pour remédier à certains d’entre
eux, notamment en établissant un bureau d’information sur le crédit privé (BIC), en
améliorant le cadre des transactions garanties, et en procédant à des réformes réglementaires.
Les principaux obstacles sont notamment :
i. Les défaillances au niveau de l’application des contrats et les insuffisances du cadre
juridique et judiciaire qui font obstacle au recouvrement des prêts. Toutes les banques
ont indiqué que le principal obstacle à l’expansion du crédit et à la diversification de leur
clientèle tenaient au fait qu’elles ne pouvaient pas compter sur les tribunaux du
commerce pour faire respecter les contrats et recouvrer leurs prêts.
ii. Les carences du cadre des transactions garanties. Il est difficile pour les banques
d’inscrire, d’opposer et de réaliser des sûretés constituées sur des biens mobiliers et
immobiliers. Les graves défaillances qui caractérisent le système des titres fonciers et de
- 25 -
l’immatriculation des terrains, l’absence de registre électronique des sûretés pour les
garanties mobilières et la possibilité de faire respecter les garanties en dehors du cadre
d’un système judiciaire lent et imprévisible sont autant de facteurs qui découragent
l’expansion du crédit.
iii. L’ampleur du secteur informel de l’économie. Selon une enquête consacrée par l’OIT à
l’informalité en 2002, 94 % des Maliens travailleraient dans le secteur informel, soit le
pourcentage le plus élevé d’Afrique. La plupart des entreprises, en particulier les PME,
opèrent essentiellement dans le cadre de l’économie informelle et sur la base de
paiements en espèces, de sorte qu’il est difficile aux banques de leur consentir des crédits.
iv. L’absence d’informations à jour et complètes sur les risques de crédit des emprunteurs
actuels et potentiels. Les systèmes actuels, qui sont gérés par la banque centrale (Centrale
des risques et Centrale des bilans), ne fournissent pas de données à jour, complètes et
exactes. Le Mali vient d’adopter un texte de loi autorisant la mise en place d’un nouveau
bureau d’information sur le crédit privé (BIC), opérant à l’échelle régionale, qui doit
bientôt devenir opérationnel.
v. L’insuffisance ou l’absence de déclaration des données financières, et le manque de
capacités financières ou administratives au niveau des petits entrepreneurs, qui
limitent leur accès à des financements institutionnels.
vi. Une faible densité de population et de vastes zones rurales, conjuguées à la médiocrité
des moyens d’accès physiques et des infrastructures, qui découragent l’implantation de
nouvelles agences et accroissent la difficulté qu’ont les banques à desservir de vastes
segments de la population.
vii. L’absence de chaînes d’approvisionnement organisées. Pour surmonter les problèmes
posés par le respect des contrats et l’atténuation des risques de crédit, les banques
s’efforcent de structurer leurs financements de manière à avoir une source de
remboursement déterminée et des flux de trésoreries qu’elles peuvent directement saisir.
Cela leur a été possible dans le cas de la filière coton, mais la plupart des chaînes
d’approvisionnements agricoles et autres ne sont pas organisées de manière à permettre
l’octroi de crédits structurés de cette manière (voir la note technique sur le financement
de l’agriculture).
viii. Le manque de ressources à long terme, en raison duquel il est difficile de financer des
investissements. Les ressources des banques sont constituées dans une très large mesure
par des dépôts à vue et à court terme, et les investisseurs institutionnels tels que les
compagnies d’assurance vie ne conservent généralement pas de dépôts à long terme dans
le système bancaire. Les banques ne peuvent transformer les échéances que dans une
mesure limitée, d’une part pour des motifs de risque et d’autre part pour des raisons
réglementaires.
- 26 -
Financement des PME
36. En l’absence d’une définition des PME acceptée à l’échelon national et régional10,
et par suite du volume très limité d’informations concernant l’offre ou la demande de
financement des PME, il est difficile de formuler des conclusions ou des
recommandations fondées adaptées au contexte malien. En fait, de nombreux observateurs
— que ce soit dans les institutions financières ou de manière plus générale dans le secteur privé
— ont noté que le concept de PME ne s’applique pas vraiment au Mali puisque, à quelques
rares exceptions près, toutes les entreprises maliennes sont des micros, petites ou moyennes
entreprises. Il a été noté qu’un grand nombre des 50 plus gros emprunteurs qui ont de tout
temps été les principaux bénéficiaires des financements bancaires sont en fait des entreprises
commerciales familiales qui ne comptent qu’un petit nombre d’employés. Si les autorités
souhaitent promouvoir le financement des entreprises mal desservies, il leur faudra tout
d’abord convenir d’une définition (ou de définitions) des micros, petites et/ou moyennes
entreprises, et de collecter régulièrement des données sur l’offre et sur la demande pour pouvoir
formuler leur politique d’inclusion financière et suivre les progrès en ce domaine.
37. L’État malien a récemment pris l’initiative de créer un fonds de garantie pour
promouvoir l’accès des PME à des financements. Le Fonds de garantie pour le secteur privé
(FGSP) est une nouvelle institution financière non bancaire qui offrira aux banques et aux
institutions financières des garanties partielles de risque au titre de prêts à des PME. Le capital
de ce Fonds, qui est initialement de 4,8 milliards de francs CFA, est détenu en majorité par
l’État et des organismes publics, bien que six banques, une entreprise privée et le Conseil
national du patronat (CNPM) détiennent des parts minoritaires. Il a obtenu un agrément en
qualité d’institution financière et il est assujetti à la réglementation prudentielle et à la
supervision de la Commission bancaire. Le FGSP accordera des garanties partielles de risque
aux prêteurs couvrant 50 % des risques relatifs aux prêts aux PME d’un montant compris entre
10 millions et 500 millions de francs CFA. Il aidera aussi les entrepreneurs et les prêteurs à
analyser et à présenter des projets finançables par les banques, et à assurer un suivi et une
assistance technique. Il n’est assujetti à aucune restriction sectorielle et il peut garantir aussi
bien des fonds de roulement à court terme que des prêts au titre d’investissements à long terme.
38. Le Fonds venant juste de commencer ses opérations, il est trop tôt pour
déterminer s’il réussira à atteindre ses objectifs. Une étude de faisabilité détaillée a été
réalisée avant sa constitution, et il est un mécanisme favorable au marché qui promet d’atténuer
au moins certain des obstacles auxquels se heurtent les PME et les prêteurs dans le domaine
10 Au Mali, les autorités fiscales (Direction générale des impôts) classent les entreprises comme suit : les petites
entreprises sont celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs CFA, et les moyennes
entreprises sont celles dont le chiffre d'affaires est compris entre 50 millions et 1 milliard de francs CFA. Cette
définition n'est toutefois pas utilisée ou déclarée par les institutions financières. À l'échelon de la Communauté,
la Commission de l’UEMOA étudie une charte des PME, qui devrait déboucher sur une définition commune des
PME pour la région.
- 27 -
du financement. Les services d’appui à la présentation de propositions de financement et
l’assistance technique fournie ultérieurement aux PME sont des éléments très positifs du
programme de services offerts par le Fonds. Son plan d’activité actuel présente toutefois
certaines caractéristiques qui pourraient devoir être revues dans le but de maximiser l’impact
qu’il pourrait avoir et s’assurer que ses services ont une valeur ajoutée :
i. Pour être admissibles à bénéficier de garanties, les banques et les institutions financières
doivent accepter d’imposer un plafond général aux taux d’intérêt qu’elles demanderont
aux emprunteurs bénéficiant d’une garantie. Ces plafonds sont compris entre 8,5 et 9 %,
soit un niveau bien inférieur au taux d’usure qui est de 15 % pour les banques et de 24 %
pour les institutions financières. Ces taux sont inférieurs au taux moyen acquitté par les
emprunteurs en 2013 (9,5 %) et seront donc probablement insuffisants pour encourager
les banques à prêter à des PME qu’elles estiment présenter des risques plus élevés et qui
n’ont guère d’antécédents, sinon aucun, en matière de crédit. De fait, le taux d’usure lui-
même peut réduire l’appétit des banques pour des opérations de prêt à des opérations
nouvelles ou risquées.
ii. Les frais perçus au titre d’une garantie (prime de risque de 1 % par an sur l’encours des
garanties à la charge du prêteur et montant forfaitaire de 2 % à la charge de
l’emprunteur) sont uniformes et ne sont donc pas fonction des risques.
iii. Le plafond de 50 % imposé au montant de la garantie pourrait devoir être relevé pour les
opérations nouvelles ou plus risquées.
iv. L’État est actuellement le principal actionnaire, et aucun actionnaire du secteur privé ne
détient plus qu’une part très faible. Il serait souhaitable que le secteur privé ait une
participation plus importante au capital du fonds de manière à assurer son adhésion et
promouvoir des politiques répondant aux besoins des bénéficiaires.
39. L’insuffisance des systèmes d’information sur le crédit au sein de l’UEMOA a eu
pour effet de limiter l’accès à ce dernier, car les prêteurs n’ont pas les outils nécessaires pour
évaluer la solvabilité de nouveaux emprunteurs. Elle a aussi sans doute contribué au niveau
relativement élevé des prêts improductifs dans le secteur bancaire. Jusqu’à présent, les États
membres de l’UEMOA n’avaient accès qu’à un registre de crédit public à la BCEAO. Ce
dernier ne fournissait que des informations limitées (informations négatives et encours envers
les banques), et les informations communiquées n’étaient pas toujours à jour ni complètes.
C’est pourquoi de nouvelles lois ont été promulguées à l’échelon régional et à l’échelon
national dans le but de mettre en place un nouveau bureau d’information sur le crédit privé
(BIC) qui a pour mission de combler les carences des systèmes d’information actuels. La loi
nationale a été promulguée en avril 2015, et le BIC n’est pas encore opérationnel, mais sous
réserve qu’il soit dûment établi, il devrait contribuer à élargir l’accès au crédit dans la région.
40. Le crédit-bail, qui est une forme de financement à moyen et long terme
particulièrement bien adapté au financement des besoins d’investissement des PME, est
insuffisamment développé au Mali. Celui-ci ne compte qu’une seule société de crédit-bail,
Alios Leasing, spécialisée dans la vente à bail de camions et de véhicules de transports
- 28 -
commerciaux (90 % du portefeuille). Un second bailleur spécialisé, Equibail, a été incorporé
dans une division de la Bank of Africa, car il a été jugé trop petit pour fonctionner en tant
qu’entité indépendante. Le crédit-bail représentait moins de 1 % des crédits consentis par les
banques et les institutions financières non bancaires à la fin de décembre 2013, et diminue en
termes relatifs et absolus.
41. Le crédit-bail n’a pas connu de succès au Mali, malgré d’importants besoins de
financement d’installations et de matériels non satisfaits11, faute de législation habilitante
adaptée. Aucune loi particulière ne s’applique au crédit-bail au Mali, bien que les
réglementations financières applicables dans la région de l’UEMOA soient souples et
autorisent aussi bien les institutions financières spécialisées que les banques à offrir des
produits de crédit-bail. La loi bancaire de 2008 fait référence au crédit-bail en tant que produit
de crédit. Cette ambiguïté a provoqué des incohérences ainsi qu’un traitement inadéquat des
biens récupérés et une imposition inappropriée des biens loués à bail. Deux problèmes
principaux se posent :
i. Les procédures de récupération des biens loués à bail en cas de défaillance du
loueur sont lourdes. Les loueurs à bail ne sont pas considérés être les propriétaires
des biens, et doivent suivre les mêmes longues procédures de recouvrement que les
autres créanciers. Il n’existe pas de procédure simplifiée ou rapide permettant de
recouvrer les biens loués, et les locataires peuvent demander aux tribunaux de
suspendre le recouvrement. Qui plus est, comme le droit de propriété du loueur à bail
n’est pas reconnu, ce dernier doit souvent contracter des hypothèques ou des sûretés
sur le bien, ce qui accroît encore le coût et la complexité de l’opération.
ii. Le crédit-bail fait actuellement l’objet d’un traitement fiscal défavorable. Il est
assujetti à une TVA à un taux défavorable, ainsi qu’à la double imposition du transfert
des biens loués à bail (lors de l’achat de ces derniers par le loueur à bail et de nouveau
lors de leur transfert aux locataires).
42. Il conviendrait de promulguer des textes de loi précis pour établir une base
juridique solide et assurer un régime fiscal et un système de recouvrement adaptés au
crédit-bail. Il existe essentiellement trois options pour promouvoir de tels textes de loi : il est
possible de procéder à l’échelon national, à l’échelon de l’UEMOA par le biais de la législation
financière, ou au niveau de l’OHADA par le biais d’un acte uniforme qui s’appliquerait aux
17 pays membres de l’Organisation. L’OHADA est consciente des besoins en ce domaine,
mais le processus et le calendrier de promulgation d’un nouveau texte par l’Organisation sont
longs. La BCEAO, également consciente du problème, a demandé au Groupe de la Banque
mondiale de lui fournir une assistance technique pour l’aider à formuler des textes de loi dans
le but de préparer un avant-projet pour septembre 2015. Si, toutefois, ni l’OHADA ni
11 L’IFC a réalisé une enquête sur la demande de crédit-bail au Mali en 2011, qui a révélé une importante
demande non satisfaite en ce domaine.
- 29 -
l’UEMOA n’agissent, le Mali pourrait promulguer une loi interne (comme l’ont fait d’autres
États membres de l’UEMOA ou de l’OHADA).
Inclusion financière
43. L’inclusion financière est difficile au Mali en raison de l’ampleur de la pauvreté
qui règne et de l’étendue du pays. Elle s’est améliorée au cours des dernières années, mais
reste faible, puisque juste 12,4 % de la population âgée de plus de 15 ans est titulaire d’un
compte bancaire (contre 7,4 % en 2009, soit un pourcentage légèrement supérieur à la moyenne
de l’UEMOA qui est de 12,2 %). Lorsque l’on prend en compte d’autres petites institutions
financières et services, la situation devient plus favorable. Comme le montre le tableau 8 ci-
dessous, lorsque les institutions de microfinance, les services financiers numériques, les
services d’épargne postale et autres sont pris en considération, cette proportion atteint près de
50 % pour la fin de 2013. Ces chiffres de la banque centrale ne prennent toutefois pas en
compte le fait que des personnes peuvent détenir des comptes dans plus d’une institution, de
sorte que les chiffres relatifs à l’inclusion financière générale — simplement obtenus en faisant
la somme des titulaires de comptes de différents types — sont sans aucun doute surestimés.
- 30 -
Tableau 8. Indicateurs d’inclusion financière, pourcentage de Maliens de plus de 15 ans
2009 2010 2011 2012 2013
Comptes dans une banque
commerciale 7,3 9,3 11 13 12,4
Institutions de microfinance 12,7 15,7 14,5 13,5 20,4
IF au sens large 20 25 25,5 26,5 32,8
Prestataire d’argent électronique au
sens large 20 27,4 31,4 35,9 47,9
Source : BCEAO
44. Selon la dernière enquête sur la demande de Findex (2014), le Mali affiche des
résultats moins bons que les comparateurs du groupe de pays pairs pour la plupart des
indicateurs essentiels de l’inclusion financière. Dans certains domaines (crédit, épargne), la
situation s’est détériorée depuis l’enquête précédente qui remonte à 2011. Cette situation est
en partie imputable aux caractéristiques géographiques du Mali et au conflit survenu entre les
deux enquêtes. Des indicateurs représentatifs pour le Mali, l’Afrique subsaharienne et tous les
pays à faible revenu sont présentés dans le tableau 9 ci-après.
Tableau 9. Indicateurs d’inclusion financière, en pourcentage des adultes de plus de
15 ans
Mali
Afrique
subsaharienne
Pays
à faible revenu
Compte dans une institution financière -2014 13,3 28,9 22,3
Compte dans une institution financière -2011 8,2 23,9 21,1
Compte par téléphonie mobile 11,6 11,5 10,0
Possède une carte de débit 4,0 17,9 6,6
Possède une carte de débit (2011) 1,8 15,0 6,3
A épargné dans une IF durant l’année écoulée 2,9 15,9 9,9
A épargné dans une IF durant l’année écoulée
(2011) 4,5 14,3 11,5
A emprunté auprès d’une IF 2,7 6,3 0,6
A emprunté auprès d’une IF (2011) 4,8 11,7 Source : Findex 2014
45. La rapide expansion de l’argent mobile promet de faire bénéficier de services
financiers les régions rurales isolées du Mali. Les pays du monde entier découvrent les vastes
possibilités offertes par les opérations bancaires sans agence et le recours aux nouvelles
technologies pour atteindre des individus auxquelles il est coûteux et difficile de fournir des
- 31 -
services par le biais d’activités bancaires traditionnelles en agence. Le Mali présente des
conditions particulièrement difficiles à cet égard en raison de sa vaste superficie et de l’ampleur
de ses zones rurales isolées. Il est essentiel, pour accroître l’inclusion financière, de trouver
des systèmes de distribution à faible coût permettant de réaliser de nombreuses transactions de
faible valeur. Les services de téléphonie mobile, qui ont une large couverture au Mali, offrent
une telle opportunité, et les services de banque mobile sont l’un des seuls domaines dans lequel
le Mali affiche des résultats relativement meilleurs que ses pairs. Bien que l’on ne dispose
d’aucune donnée de Findex pour 2011, l’expansion des services de banque mobile a été
particulièrement rapide en 201412, ce dont ne témoignent pas les chiffres présentés plus haut.
L’UEMOA a actuellement un modèle de services financiers mobiles basé sur les banques, mais
les autorités régionales devraient autoriser des prestataires de services de paiement non
bancaires à réaliser ce type d’opération dans un avenir proche. Orange Money, qui opère
actuellement dans le cadre d’une banque agréée (BICIM) et qui est de loin le plus important
prestataire de services de paiement mobile au Mali, a fait savoir qu’il avait l’intention de faire
une demande de licence de prestataire de services de transfert d’argent électronique.
46. Les services actuels de banque mobile doivent être élargis pour ne plus se limiter
aux services de paiement de base par téléphone mobile pour inclure un menu plus
complet de services d’envois de fonds, de produits d’épargne, de crédit et d’assurance.
À l’heure actuelle, l’argent mobile sert essentiellement à effectuer des transferts de personne
à personne et des opérations de paiement et d’encaissement, bien qu’il permette aussi de régler
des factures et d’obtenir d’autres services. De plus amples efforts devront être déployés pour
élargir le réseau d’agents, les points où cet argent est accepté et son utilisation. Les prestataires
collaborent déjà avec plusieurs ONG. et bailleurs de fonds pour effectuer des transferts
sociaux aux bénéficiaires. Assurer un accès quasi- universel à ces services permettra de
réduire l’informalité au sein de l’économie et d’approfondir et d’élargir les circuits du secteur
financier.
47. Bien que la conception et la promotion de produits incombent aux prestataires
du secteur privé, l’État a un rôle important à jouer en encourageant le recours aux
services financiers numériques. Il serait possible d’accélérer cette évolution en faisant
passer les systèmes de paiement de masse de plateformes en espèces à des plateformes
numériques, notamment les paiements de l’État au titre des salaires et les autres paiements de
l’État à des personnes (G2P), comme les pensions et les transferts sociaux ; les paiements de
l’État à des entreprises (G2B), et les paiements de personnes à l’État (P2B) comme les
redevances et les impôts. L’État devrait, dans toute la mesure du possible, réduire ou éliminer
l’emploi d’espèces et transférer tous les paiements vers des comptes bancaires ou des comptes
d’argent électronique, pour donner une impulsion majeure à l’élargissement de l’inclusion
financière.
48. Les récentes réglementations au terme desquelles les banques doivent offrir
certains services bancaires gratuitement réduiront le coût des services bancaires et
12 Orange Money a actuellement 2 500 000 comptes, soit environ deux fois plus que le nombre de comptes
d'argent électronique indiqué pour la totalité des prestataires à la fin de 2013.
- 32 -
pourront contribuer à promouvoir une plus grande inclusion financière. De nouvelles
réglementations ont été publiées en octobre 2014, au terme desquelles les banques doivent
offrir 19 services gratuitement. La plupart (mais non la totalité) des services figurant sur la liste
sont gratuits dans la plupart des régions du monde (dépôts et retraits d’espèces, transferts
interbancaires et retrait d’argent aux billetteries, relevés mensuels, etc.). La perception de frais
récurrents au titre d’opérations courantes a pour effet de réduire l’épargne et de décourager les
particuliers — en particulier ceux qui ont de faibles revenus et qui ont des rentrées d’argent
irrégulières — d’ouvrir ou d’utiliser un compte bancaire.
VII. Recommandations
49. Le tableau ci-après récapitule les principales recommandations formulées par la
mission pour promouvoir un secteur bancaire stable, inclusif et efficace contribuant à la
croissance économique et au développement.
Tableau 10. Principales recommandations
Principales recommandations Responsabilité Priorité CT/MT
Réglementations et supervision bancaire
En prévision du passage à Bâle II/III et de
l’adoption des IFRS, envisager d’obliger le
classement des prêts lorsqu’ils sont en arriéré
de 90 jours et non pas de 180 jours
BCEAO; CB H CT
Envisager de ramener le plafond applicable aux
prêts sur une seule signature de 75 à 25 % du
capital
BCEAO; CB;
Council of
Ministers
H MT
Mettre en place une supervision transfrontalière
consolidée
BCEAO; CB M MT
Veiller à ce que la poursuite du passage à un
compte unique du Trésor (Phase II) s’effectue
sans causer de problèmes de liquidités ni de
contraction des crédits à l’économie
BCEAO; MoF M CT
Divulgation de l’information, transparence et protection du consommateur
Renforcer les obligations de divulgation de
l’information en exigeant l’application de
méthodes standards pour calculer et publier les
BCEAO; CB M MT
- 33 -
coûts totaux et les rendements et divulguer les
conditions de base
Renforcer les mécanismes de règlement des
différends en établissant des normes minimales
pour le traitement interne des plaintes par les
IF ; et mettre en place un mécanisme efficace
de règlement des différends rapide et peu
onéreux
BCEAO; CB M MT
Publier et diffuser plus fréquemment des
informations à jour et détaillées sur le secteur
bancaire, sous une forme facilement accessible
BCEAO; CB M MT
Envisager d’exiger des banques qu’elles passent
en charge les créances douteuses après un délai
raisonnable
BCEAO; CB M MT
Élargissement et approfondissement des marchés
Procéder à des enquêtes périodiques sur la
demande des entreprises et des particuliers en
matière de financement pour obtenir des
informations sur lesquelles baser la formulation
des politiques
État malien M MT
Promulguer une loi spéciale pour le crédit-bail
couvrant, entre autres, les questions fiscales et
de recouvrement des biens qui entravent le
développement de ce produit
Autorités
régionales et/ou
nationales
(Conseil des
ministres de
l’UEMOA ou
OHADA, et
ministère des
Finances)
M CT
Reconsidérer certaines mesures qui encouragent
les banques à investir dans des titres publics
plutôt que dans les crédits au secteur privé
(exemptions fiscales, pondération nulle des
risques)
BCEAO,
Conseil des
ministres
H M
Promouvoir un plus large recours aux services
financiers numériques en déplaçant les services
de paiement de masse de plateformes en
espèces à des plateformes numériques, y
compris les paiements de l’État comme les
salaires, les pensions et les transferts sociaux ;
Prestataires du
secteur privé et
utilisateur ; État
et organismes
publics
. H MT
- 34 -
les paiements de l’État aux entreprises (G2B),
et les paiements de personnes à l’État (P2B)
notamment au titre des commissions et des
taxes.
Reconsidérer les plafonds de taux d’intérêt et
les primes de risques uniformes au titre des
garanties émises par le FGSP. Encourager
l’accroissement de la participation du secteur
privé au capital.
État malien,
FGSP
M CT
Infrastructure des marchés financiers
Appliquer la récente loi portant création du
Bureau d’information sur le crédit
Ministère des
Finances, BIC,
APBEF,
services
d’utilité
collective et
autres
utilisateurs
H CT
- 35 -
Appendice 1 : Indicateurs de solidité financière
2009 2010 2011 2012 2013
Adéquation des fonds
propres aux besoins
Norme de fonds propres 7,7 13,7 11,7 11,4 12,9
Fonds propres/Total des
actifs 4,6 7,5 8,3 7,7 7,9
Qualité des actifs
Prêts improductifs
bruts/total des prêts 25,4 18,9 18,6 21,5 19,3
Prêts improductifs nets
/total des prêts 11,6 8,4 6,5 8,7 8,3
Provisions/prêts
improductifs bruts 61,4 60,6 68,8 63,4 62,1
Prêts improductifs nets
/valeur nette 82,9 44,8 38,7 50,8 52,1
Rentabilité
Coût moyen des fonds
empruntés 1,9 1,9 1,8 1,9 1,8
Taux d’intérêt moyen des
prêts 9,8 9,4 10,0 9,9 9,5
Marge d’intérêt brut 7,9 7,5 8,2 8,0 7,7
Rendement de l’actif RDA 0,6 1,4 1,7 1,3 1,2
Rentabilité des fonds
propres 6,8 8,6 14,9 12,5 14,1
Dép. hors intérêts/revenu
bancaire net 63,1 59,6 56,5 57,5 59,6
Liquidité
Ratio prêts/dépôts 72,2 82,6 88,0 88,5 89,7
Actifs liquides/Total des
actifs 33,8 32,7 36,7 34,8 34,4
Actifs liquides /
engagements CT 61,2 92,9 89,4 90,0 98,0