Risque nucléaire ou radiologique : place du pharmacien dans la gestion
des antidotes
Séance délocalisée de l'Académie nationale de Pharmacie à Rennes – 22 et 23 mars 2011
Dr Nicolas MARIE
Pharmacien, assistant spécialiste
Centre hospitalier Guillaume Régnier, 35703-Rennes
Introduction
Qu’est ce qu’un risque majeur ?
Risque = aléa x vulnérabilité
Aléa : phénomène naturel ou anthropique (technologique, industriel, politique)
plus ou moins probable sur un espace donné
Vulnérabilité : niveau d’effet prévisible de l’aléa sur des enjeux sanitaires,
environnementaux et économiques
Un risque est majeur si l’aléa a une faible fréquence
et si les enjeux sont importants
Evénement conduisant à un dépassement des capacités de réactions de
l’Etat et/ou des sociétés civiles à l’échelle de la zone touchée
Introduction
Qu’est ce qu’un risque nucléaire et/ou radiologique ?
Le nucléaire et les rayonnements ionisants regroupent des activités
essentielles à notre société:
nucléaire = propriété énergétique
- industrie : production d’électricité
- armée : dissuasion nucléaire, propulsion navale
- recherche : amélioration et optimisation des techniques
nucléaires
Rayonnements ionisants = propriété radiologique
- industrie : stérilisation, contrôle qualité
- recherche : traceurs, datation
- médecine : visée diagnostique (radiographie, scanner, TEP)
et thérapeutique (radiothérapie, curiethérapie)
Aléas : accidents, actes terroristes
Enjeux importants
risque nucléaire et
radiologique
= risque majeur
INB
INBS
SIENID
Nucléaire de
proximité
Introduction
Comment gérer ces risques ?
Gestion des risques = prévention + gestion de crise + gestion post-accidentelle
Prévention = réduction du risque ou diminution des conséquences
(sûreté nucléaire, plan VIGIPIRATE, plan iode,…)
Gestion de crise = plans d’organisation de secours (ORSEC = Organisation de
la Réponse de SEcurité Civile , plan blanc,…)
Gestion post-accidentelle = gestion des zones contaminées + retours
d’expérience
Intervention des pharmaciens dans les plans de prévention
et dans les plans de gestion de crise
Etablissement central = EPRUS (Etablissement de
Préparation et de Réponse aux Urgences Sanitaires) → rôle
dans toutes les phases de la gestion des risques
• Prise en charge pluridisciplinaire et complexe des victimes d’irradiation
externe uniquement par des spécialistes (HIA Percy et Institut Curie)
• Prise en charge des victimes de contamination externe sur les lieux de
l’événement ou dans les hôpitaux : déshabillage + douche au savon doux
liquide
• Prise en charge des victimes de contamination interne → traitement par des
médicaments spécifiques = antidotes :
- Iodure de potassium
- Hexacyanoferrate de fer ou bleu de Prusse – Radiogardase®- Cs
- Ca-DTPA (Diéthylène Triamine Penta Acétate de Calcium)
Administration précoce (dans les 2h) en cas de
suspicion ou de contamination avérée
Prise en charge des victimes
• Iodure de potassium Pharmacie Centrale des Armées®
- indication : contamination par l’iode radioactif (131I et 132I)
- saturation de la thyroïde en iode stable, élimination de l’iode radioactif
dans les urines
- prise unique précoce (efficacité de 90% si prise dans un intervalle -6h
à +3h)
- gestion départementale des stocks aujourd’hui
• Hexacyanoferrate de fer = bleu de Prusse = Radiogardase®-Cs
- indication : contamination par le césium (134Cs et 137 Cs)
- diminution de l’absorption par formation de complexe avec le césium
(non absorbable) + interruption du cycle entéro-hépatique du césium
- posologie fonction de la gravité de contamination
- gestion zonale
Antidotes des contaminations internes
Antidotes des contaminations internes
• Ca-DTPA 250 mg/mL solution injectable
- indication : contamination par plutonium (238Pu, 239Pu, 240Pu) (mais
aussi l’américium, le curium, le fer et le cobalt)
- formation de chélates stables avec les ions métalliques par échanges
d’ions Ca2+ , élimination des chélates par filtration glomérulaire
- posologie et durée de traitement fonction de l’exposition
- gestion zonale
Co-administration possible de ces 3 antidotes en cas de contamination par
produits de mélange de fission
Iodure de potassium et Ca-DTPA : AMM (résumé des caractéristiques de ces
médicaments disponibles sur la base ECODEX de l’AFSSAPS)
Radiogardase®-Cs : ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation)
Publication par l’AFSSAPS de fiches PIRATOME : principes de traitement +
fiches par produit
Ca-DTPA et bleu de Prusse : Stock en 1 ou 2 site(s) / zone de défense
Les pharmaciens dans les plans de
prévention
La circulaire du 14 novembre 2001 relative à la distribution préventive de
comprimés d’iode stable et à la constitution de stocks de proximité et la
circulaire du 19 décembre 2001 définissent 3 schémas de gestion
départementale de l’iode stable :
• distribution préventive à la population et constitution de stocks dans les
établissements de santé et lieux accueillant des enfants ou des adolescents
dans un périmètre de 10 km autour d’une installation nucléaire
• constitution de stocks de première proximité dans les départements à risque
(départements du groupe I et I bis)
• constitution de réserves dans les autres départements (départements du
groupe II)
Mise en place généralement réalisée par la délégation territoriale de l’ARS (ex-
DDASS) sous la responsabilité du préfet (guide en annexe 1 et 2 de la
circulaire du 23 décembre 2002 relative à la distribution préventive et aux plans
de gestion des stocks de comprimé d’iode)
Les pharmaciens dans les plans de
prévention
Dispensation des comprimés d’iodure de potassium à la population
située dans un périmètre de 10 km autour d’une INB :
Usuellement réalisée par les pharmacies d’officine sur présentation d’un bon
de retrait.
Approvisionnement via les grossistes-répartiteurs.
Obligation de couvrir 80% de la population concernée.
Constitution de stocks de proximité (départements groupe I) :
Usuellement stockage chez les grossistes-répartiteurs, dans les Pharmacies
à Usage Intérieur (Pharmacies des hôpitaux) des établissements de santé
ou encore l’armée.
Nécessité d’un système permettant une mobilisation des stocks rapide et à tout
instant (24h/24, 7j/7).
Quantité définie par département en fonction de la population générale
recensée et de la part des moins de 25 ans.
Les pharmaciens dans les plans de
prévention
Constitution de stocks de réserve (départements groupe II) :
Usuellement stockage chez les grossistes-répartiteurs.
Quantité définie pour répondre aux propres initiatives de la population
Décision de préconisation de prise d’iodure de potassium : préfet après avis
des organismes d’expertise (Autorité de Sûreté Nucléaire = ASN et Institut de
Radioprotection et de Sûreté Nucléaire = IRSN).
Seuil de préconisation : dose équivalente à la thyroïde de 50 mSv
Utilisation du maillage des pharmacies d’officine
Utilisation des capacités de distribution des grossistes-répartiteurs
Utilisation des capacités rapides de mobilisation : PUI et grossistes-
répartiteurs
Les pharmaciens dans les plans
de gestion de crise
Pharmaciens
hospitaliers
Pharmaciens
référents zonaux
(1 à 2 par zone de
défense)
accident ou acte terroriste
Pharmaciens référents zonaux :
Intégrés au sein d’une équipe pluridisciplinaire du Centre Hospitalier de
référence de la zone de défense dont les missions sont :
- d’apporter une assistance technique aux directeurs généraux des
ARS de zone
- de conseiller les établissements de santé sur les risques NRBC
(Nucléaire Radiologique Biologique Chimique)
- de former les professionnels de santé
- d’assurer une prise en charge thérapeutique
(dont l’approvisionnement en antidotes)
Pharmaciens hospitaliers :
Réalisation d’ actes de dispensation garantissant une prise en charge
optimale des patients
→ nécessité de connaître les antidotes
→ nécessité d’avoir les antidotes
Les pharmaciens dans les plans
de gestion de crise
Objectif de l’étude menée dans la zone de
défense ouest
Réaliser un état des lieux de la disponibilité des antidotes en fonction des
risques présents
Optimiser la disponibilité des antidotes en proposant une gestion zonale
Améliorer les connaissances des pharmaciens:
- information
- formation
• Analyse du contexte national dans le domaine du risque nucléaire et
radiologique
• Eléments essentiels de la prise en charge des victimes d’événement
nucléaire ou radiologique
• Etat des lieux dans la zone de défense ouest (ZDO):
- caractéristiques générales de la ZDO
- détermination des sites à risques
- détermination des établissements de santé ciblés
- détermination des traitements disponibles
- questionnaire aux pharmaciens des hôpitaux
Méthodologie
Proposition de prépositionnements dans les hôpitaux de la ZDO
Création de fiches réflexes pour les PUI (pharmacie des hôpitaux)
des établissements ciblés
La Zone de Défense Ouest
5 régions pour 20 départements
12 millions d’habitants
129 790 km²
Les sites à risques
Déterminés à partir :
- des données de L’INSEE pour les agglomérations (enjeux humains+++)
- des Dossiers Départementaux sur les Risques Majeurs (DDRM)
- des données de l’ASN
- de sites internet officiels : EDF, Armée,…
Dans la ZDO : nombreux sites à risques dont villes, centrales nucléaires, bases
militaires, SIENID
Données sensibles
Problème des transports de matières radioactives (non spécifique à la ZDO)
Les établissements ciblés
• Etablissements ciblés = établissements pouvant accueillir des victimes
• Recensement par les PPI (Plan Particulier d’Intervention) et les plans blancs
élargis impossible
• Utilisation de diverses sources sanitaires en utilisant comme critère principal
la présence d’un service d’urgence fixe et mobile (SAMU,SMUR) et comme
critère secondaire les spécialités médicales pouvant intervenir dans la prise
en charge des victimes (réanimation, hématologie, médecine nucléaire,
grands brûlés):
- base de données FINESS (Fichier National des Etablissements
Sanitaires et Sociaux)
- rapport de missions fixées par l’Etat
- sites internet des sociétés savantes
Piste de pré positionnement des antidotes
A adapter par rapport à leur position vis-à-vis des sites à risques
Quelle quantité à pré positionner (selon scénario, flux de victimes,…) ?
Questionnaire aux pharmaciens
hospitaliers
Nécessité de renforcer l’implication des pharmaciens en réalisant
des communications actualisées
Questions sur :
- la zone de défense
- l’organisation des plans sanitaires
- les antidotes : stocks présents (oui, non)
Fiches réflexes pour les pharmaciens
hospitaliers
Utilisation dans un contexte
d’urgence : synthétique,
compréhensible et adaptée au
site concerné
Déclinaison à chaque antidote
Déclinaison à chaque type
d’établissement de santé : avec
ou sans prépositionnement,
CHU de référence
• Multitude de plans sanitaires → difficulté de dégager une organisation
fonctionnelle : nécessité d’information, de formation et d’exercices +
partenariats entre les acteurs de terrains et les autorités (ARS, préfecture)
• Outils pratiques de gestion de crise pour les acteurs de terrain → exemple
des fiches réflexes
• Optimisation réalisée ou en cours : fiches « PIRATOME » de l’AFSSAPS,
intégration de l’iode à la gestion zonale, répartition des antidotes sur le
territoire
• Rôles essentiels des pharmaciens :
- garants de la disponibilité des antidotes : stockage et suivi des
antidotes
- conseils aux médecins prescripteurs sur ces antidotes : indication,
posologie, suivi et mode d’administration (notamment pour les SMUR)
- en cas de crise : informent la cellule de crise sur les moyens
thérapeutiques initiaux et au cours de la crise
- dispensation
- recherche : nouvelles formes galéniques d’administration (Pharmacie
Centrale des Armées)
Conclusion