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SADE ET LE GÉNOCIDE 1
GEOFFREY ROCHE
Il n'y aura plus ni pape ni rabbins
Nous voulons redevenir païens
Et ne plus aller à l'église en rampant
Nous sommes les joyeuses Jeunesses Hitlériennes
Nous n'avons que faire des vertus chrétiennes
Notre chef, Adolf Hitler, est notre sauveur.
Chant des Jeunesses Hitlériennes2
Introduction
Pour de nombreux écrivains et philosophes, les oeuvres de Donatien-Alphonse-
François, le Marquis de Sade (1740-1814) peuvent aider à faire comprendre les
origines intellectuelles ou culturelles du nazisme. 3 Cette interprétation de Sade
suppose que ce dernier représente, d'une façon ou d'une autre, les pensées du siècle
des lumières. Elle suppose également qu'un ou plusieurs courants de la pensée ou de
la culture occidentale constituent un lien entre le nazisme et le siècle des lumières.
Mon propos est de soutenir cette interprétation de Sade. 4
Dans L’Homme Révolté (1954), 5 Albert Camus estime que Sade a élaboré
une philosophie qui était, en fin de compte, un fantasme de la liberté individuelle
totale à tout prix :
Il n’a pas fondé une philosophie, mais poursuivi le rêve monstrueux d’un persécuté.
Il se trouve seulement que ce rêve est prophétique. La revendication exaspérée de la
liberté a mené Sade dans l’empire de la servitude ; sa soif démesurée d’une vie
désormais interdite s’est assouvie, de fureur en fureur, dans un rêve de destruction
universelle. En ceci au moins, Sade est notre contemporain. .6
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Selon Camus, l'élément central de cet idéal est la doctrine d' “aristocratie naturelle ”
commune au texte de Sade et au nazisme ; toute la moralité judéo-chrétienne est niée,
et la seule règle de conduite reconnue est la suprématie proclamée du fort sur le faible.
Pour Camus, le fantasme de liberté de Sade est devenu ‘prophétiqueen ce sens qu'il
anticipe clairement une époque à laquelle le pouvoir absolu d'une minorité est
préservé par “du fil de fer barbelé et des miradors”. Toujours selon Camus, Sade a
mis en relief la tyrannie implicite dans l'idéologie politique de l'époque en faisant
remarquer, par exemple, que Rousseau avait proposé, dans son projet de société
parfaite, de mettre à mort tous les athéistes.7
Dans La dialectique des lumières, (1944) Theodor Adorno et Max Horkheimer
adoptent une approche différente. 8 A leur avis, Juliette, le personnage de Sade, est
l'incorporation de l'idéal du siècle des lumières de subsomption de tout comportement
à un principe rationnel unique. Le principe kantien de la raison pure libre de toute
restriction sociale ou culturelle, voire de réaction émotionnelle se voit transformé en
poursuite continuelle du plaisir par Juliette, que ce soient les orgasmes ou la richesse ;
de même, (selon cette interprétation) l'Allemagne nazie et d'autres manifestations du
capitalisme moderne sont, fondamentalement, des systèmes de domination et
d'exploitation pour une minuscule élite régie, de façon implicite ou explicite, par les
idéaux jumeaux de la raison instrumentale et du cynisme. 9
... l'ordre totalitaire donne libre cours aux machinations et se soumet à la science en tant que
telle. Son canon est sa propre efficacité brutale. De la Critique de Kant à la Généalogie des
morales de Nietzsche, c'est la philosophie qui a averti de l'avènement de cet ordre
totalitaire; mais, un homme en a donné une description détaillée. Le Marquis de Sade
représente “la compréhension sans la gouverne d'une autre personne”, c'est-à-dire le
bourgeois libéré de la tutelle. 10
Les interprétations de Sade avancées par Camus, Adorno et Horkheimer ont
ceci en commun qu'elles supposent que Sade est, dans un sens, un personnage
essentiel dans l'histoire des idées ; que, par son regard imperturbable, il ne s'était pas
laissé duper par l'optimisme de son époque (ou, peut-être, qu'il avait pleinement
exprimé le désespoir et l'incertitude de son époque) et avait démontré comment les
projections utopiques de ses contemporains pouvaient au contraire mener à un enfer
terrestre créé par les humains. Selon certains, ses descriptions de génocides, de
tortures et d'avilissement annoncent les pires aspects de la Modernité, à savoir les
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camps d'extermination nazis. Selon les deux textes, l'Allemagne nazie n'était pas une
sorte de distorsion obscène de la culture européenne, mais en fait une issue naturelle,
si ce n'est inévitable.
Ce genre d'interprétation se heurte à l'objection suivante. Certains philosophes
ont beaucoup de mal à accepter l'idée selon laquelle Adolf Hitler, ou tout autre Nazi
en vue, aurait eu une perspective philosophique quelle qu'elle soit, ou que, s'ils en
avaient eu une, qu'elle n'était rien d'autre qu'une rationalisation, à posteriori, d'une
destruction insensée ou alors qu'elle n'avait tout simplement aucune importance sur le
plan historique. 11 Je leur réponds, qu'à mon avis, il s'agissait d'un fait historique, étant
donné que Hitler était conscient de ce qu'il faisait et que (ainsi que j'espère pouvoir le
démontrer) ses pensées n'avaient pas surgi du néant. En outre, il est clair que les
pensées de Hitler sont historiquement pertinentes. Je dirai aussi que même si Hitler
avait simplement adopté une philosophie du monde pour justifier la manifestation
d'une certaine haine pathologique, il est sûrement important, sur un plan
philosophique et culturel, qu'une telle perspective ait pu être associée à une telle
destruction. De plus, j'avancerai qu'un examen du texte de Sade, dans le cadre de la
pensée occidentale, révèle la nature véritable des origines de l'idéologie nazie dans la
culture occidentale.
J'avancerai une troisième variante de l'interprétation des liens entre Sade et le
nazisme. A mon avis, une comparaison entre les oeuvres de Sade (en particulier
Histoire de Juliette et La Philosophie dans le boudoir) et les deux principaux textes
de Hitler, Mein Kampf et Libres propos sur la paix et la guerre12
, montre clairement
que Sade avait de toute évidence anticipé une idéologie principale, et peut-être la
seule, ayant servi à guider le nazisme. 13 Il s'agit de la théorie commune aux libertins
de Sade (du moins à certains) et à Hitler : toute la moralité chrétienne n'est qu'un
mythe, perpétré par des peuples serviles pour se protéger des peuples plus forts, des
peuples-maîtres. Une telle "moralité servile" est une violation claire et nette du
"principe aristocratique naturel" selon lequel les forts devraient dominer les faibles.
Lorsque, soi-disant, Rome s'est laissé prendre et a adopté le christianisme, elle s'est
affaiblie et s'est effondrée. Selon ce mythe, 14 les principaux instigateurs sont les Juifs
et les chrétiens. Pour Hitler, le christianisme et le communisme étaient tout
simplement deux armes idéologiques que les Juifs ont imposées à l'Europe pour la
corrompre. Il s'agit là de la raison la plus importante avancée par Hitler pour justifier
le massacre des Juifs15 ; comme l'ont suggéré les historiens (et c'est tout à fait
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plausible au vu des propres commentaires de Hitler sur le sujet), les chrétiens devaient
être les prochaines victimes. 16 Bien que l'on suppose communément que la tentative
par les Nazis d'exterminer les Juifs n'ait été qu'une question "raciale", les
commentaires de Hitler montrent qu' au fond les Juifs ne représentaient pas une
menace "biologique" mais idéologique ; en effet, les Juifs et leur "biologie" étaient le
vecteur d'une idée, celle de l'égalité morale de toute l'humanité.
Bien que Camus se rapproche des points communs entre les textes de Sade et
le nazisme décrits ci-dessus, il ne les explicite pas. Il y a un aspect de la pensée de
Hitler que le texte d'Adorno/Horkheimer n'arrive pas à expliquer. Les Nazis (ou
plutôt, Hitler) se souciaient apparemment plus du meurtre des Juifs que des exigences
de la "raison instrumentale" (en supposant que l'exploitation économique ou la
victoire de la guerre conventionnelle contre les puissances alliées aient été des
objectifs instrumentaux). Le massacre des Juifs était prioritaire sur les exigences de
l'industrie ou sur l'effort de guerre en général ; en assassinant les Juifs, les Nazis
détruisaient une main-d'oeuvre dont ils avaient en fait crucialement besoin. 17
SADE ET LE GÉNOCIDE
Il est évident que les écrits de Sade sur le christianisme ont été influencés par les
oeuvres des philosophes - en particulier Jean-Jacques Rousseau (1712-78), Claude-
Adrien Helvétius (1715-71), Voltaire (1694-1778) et le Baron d’Holbach (1723-89),
bien que ceux-ci se soient contentés de rejeter le dogme chrétien et le judaïsme parce
qu'ils étaient rétrogrades, intolérants, superstitieux et absurdes et que l'Eglise elle-
même était moralement corrompue. 18 Un certain nombre de propositions d'une grande
portée furent émises. Helvétius et Rousseau proposèrent d'établir une nouvelle
religion libre de l' "intolérance" des anciennes croyances. Dans L’esprit du Judaïsme
(1750), D’Holbach, appelle à l'élimination de l'influence des Juifs et les qualifie d'
“Asiatiques lâches et dégradés ” qui avaient infecté (affligent) l'Europe avec le
christianisme. 19 Mais ces penseurs n'ont en fait pas élaboré de critique de la moralité
centrale du judaïsme et du christianisme, une moralité de l'égalité qui est
généralement implicite dans leurs critiques. Lorsqu'ils discutent du christianisme, du
judaïsme et de l'Eglise, les personnages de Sade vont au-delà de l'anti-judaïsme et de
l'anti-christianisme philosophique de l'époque. A travers ses personnages, 20 Sade
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élabore une critique de la moralité judéo-chrétienne elle-même. 21 (On trouve toutefois
des traces de la critique plus radicale de Sade dans les oeuvres de Rousseau qui
estimait que dix-sept siècles de christianisme avaient rendu l'Europe décadente et
débile22 et qui avait exhorté l'Europe : “reprenez…votre antique et première
innocence. 23” Rousseau a également rapproché l'apparition du christianisme et de sa
moralité à l'existence “servile” de ses premiers adeptes. 24)
Dans toute l'oeuvre de Sade, les personnages réitèrent le mythe de la "révolte
des esclaves"25. Il y avait, à son avis, la moralité maîtresse des Grecs et des Romains
qui enseignaient les vertus de la fierté, de la force et de l'intelligence et entretenaient
une doctrine de la supériorité naturelle d'une élite justifiant le recours à des esclaves.
Cette morale avait été corrompue par la propagande sournoise et vengeresse des
pauvres et des faibles. Dans La Philosophie dans le boudoir Dolmancé argumente que
c'est cette transformation culturelle qui a détruit Rome : “Rome disparut dès que le
christianisme s’y prêcha, et la France est perdue s’il s’y révère encore.” 26 Le texte de
Sade donne deux variantes de la "révolte des esclaves": la première révolte se rapporte
spécifiquement à la chute de Rome et à l'influence du christianisme ; la seconde est
une révolte plus générale, par de sournois esclaves contre l'ordre naturel. Trois textes
philosophiques clés de Sade - Justine, Juliette, et La Philosophie dans le boudoir
exposent de légères variations. La version suivante est tirée de Les Infortunes de la
vertu (1787) :
Au travail, esclave, au travail ! apprends que la civilisation, en bouleversant les
institutions de la nature, ne lui enleva pourtant point ses droits ; elle créa dans l’origine
des êtres forts et des êtres faibles, son intention fut que ceux-ci fussent toujours
subordonnés aux autres comme l’agneau l’est toujours au lion, comme l’insecte l’est à
l’éléphant ; l’adresse et l’intelligence de l’homme varièrent la position des individus ;
ce ne fut plus la force physique qui détermina le rang, ce fut celle qu’il acquit par ses
richesses. L’homme le plus riche devint l’homme le plus fort, le plus pauvre devint le
plus faible, mais à cela près des motifs qui fondaient la puissance, l’énergie du fort sur
le faible fut toujours dans les lois de la nature à qui il devenait égal que la chaîne qui
captivait le faible fût tenue par le plus riche ou par le plus fort, et qu’elle écrasât le
plus faible ou bien le plus pauvre. 27
Les passages suivants extraits de La philosophie dans le boudoir (1795)
associent la doctrine de l'amour fraternel et de l'égalité à la propagande des opprimés :
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Vous nous parlez d’une voix chimérique de cette nature, qui nous dit de ne pas faire
aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’il nous fût fait ; mais cet absurde conseil
ne nous est jamais venu que des hommes, et d’hommes faibles. L’homme puissant ne
s’avisera jamais de parler un tel langage. Ce furent les premiers chrétiens qui,
journellement persécutés pour leur imbécile système, criaient à qui voulait l’entendre
: « Ne nous brûlez pas, ne nous écorchez pas ! La nature dit qu’il ne faut pas faire aux
autres ce que nous ne voudrions pas qu’il nous fût fait.» Imbéciles ! Comment la
nature, qui nous conseille toujours de nous délecter, qui n’imprime jamais en nous
d’autres mouvements, d’autres inspirations, pourrait-elle, le moment d’après, par une
inconséquence sans exemple, nous assurer qu’il ne faut pourtant pas nous aviser de
nous délecter si cela peut faire de la peine aux autres ? 28
La source de toutes nos erreurs en morale vient de l’admission ridicule de ce fil de
fraternité qu’inventèrent les chrétiens dans leur siècle d’infortune et de détresse.
Contraints à mendier la pitié des autres, il n’était pas maladroit d’établir qu’ils étaient
tous frères. Comment refuser des secours d’après une telle hypothèse ? Mais il est
impossible d’admettre cette doctrine. Ne naissons-nous pas tous isolés ? 29
Le texte suivant, extrait de Juliette (1797), associe à nouveau la moralité
judéo-chrétienne à un certain type psychologique "malade" qui va à l'encontre de la
"nature" :
Il n’y aura jamais que le faible qui prêchera ce système absurde de l’égalité ; il ne
peut convenir qu’à celui qui ne pouvant s’élever à la classe du fort, est, au moins,
dédommagé en rabaissant à lui cette classe ; mais il n’est pas de système plus
absurde, plus contre la nature que celui-là ; et l’on ne le verra jamais s’ériger que
chez la canaille, qui elle-même y renoncera, sitôt qu’elle aura eu le temps de dorer
ses haillons. 30
Dans le roman Juliette, Braschi explique comment l'attitude des chrétiens est
différente de celle des Romains, par exemple, en ce qui concerne la vie humaine :
Tant que les sacrifices humains forment spectacle, ils ne devraient jamais s’interdire
chez une nation guerrière. Rome triompha de l’univers, aussi longtemps qu’elle eut
des spectacles cruels ; elle tomba dans l’avilissement et dans l’esclavage, dès que la
stupidité de la morale chrétienne vint lui persuader qu’il y avait plus de mal à voir
tuer des hommes que des bêtes ; mais ce n’était point par humanité que raisonnaient
ainsi les sectateurs de Christ, c’était par l’excessive crainte, dans laquelle ils étaient,
que si l’idolâtrie reprenait son empire, on ne les sacrifiât eux-mêmes aux amusements
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de leurs adversaires. Voilà pourquoi les coquins prêchaient la charité, voilà pourquoi
ils établissaient ce ridicule fil de fraternité, dont je sais, Juliette, que l’on vous a déjà
fait voir le néant. Cette réflexion explique toute cette belle morale, que les ennemies
même de cette stupide religion, ont été assez timides ou assez fous pour respecter :
poursuivons. 31
Dans Français, encore un effort si vous voulez être républicains32 de Sade, le
personnage de Dolmancé propose d'éliminer les prêtres et d'exiler et d'emprisonner les
chrétiens, et offre un prix national pour celui qui laissera à ses compatriotes “…une
faux pour culbuter tous ces fantômes et qu’un cœur droit pour les haïr.” 33 Toutefois,
le narrateur de Sade ne pense pas que l'exécution ou l'exil soient des solutions idéales
- “ces atrocités sont-elles des rois . 34” Mais, l'un des personnages du roman Juliette
suggère une solution plus extrême. Pour libérer la France des superstitions
irrationnelles de l'Eglise, le Comte de Belmor35 recommande de massacrer les quinze
millions de catholiques français, en commençant par les prêtres.
Le voici, dit le comte, il est violent, mais il est sûr : il faut arrêter et massacrer tous les
prêtres, dans un seul jour… traiter de même tous leurs adhérents ; détruire à la même
minute jusqu’au plus léger vestige du culte catholique… proclamer des systèmes
d’athéisme, confier dans l’instant l’éducation de la jeunesse, à des philosophes ;
multiplier, donner, répandre, afficher les écrits qui propagent l’incrédulité, et porter
sévèrement pendant un demi-siècle, la peine de mort contre tout individu qui
rétablirait la chimère. 36
…il ne faut à cela, que de la politique, du secret, de la fermeté, surtout point de
mollesse et point de queue ; vous craignez les martyres, vous en aurez tant, qu’il
restera un sectateur à l’abominable Dieu des chrétiens…37
Juliette contient en fait un certain nombre de propositions de massacres
approuvées par le gouvernement ; ces propositions sont toutes spécifiquement
associées à ce que Zygmunt Bauman considère comme un élément-clé de la
Modernité à savoir la mentalité des "Jardiniers qui traitent la société comme une
étendue de terre vierge destinée à être façonnée d'une main experte puis cultivée et
entretenue pour respecter le dessin original." 38Dans le roman, les massacres sont
proposés pour perfectionner la civilisation, que ce soit en purgeant les idéologies
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néfastes ou en perfectionnant la race. Le personnage de Gigi, le chef de la police
romaine, tient le raisonnement suivant :
...je regarde les hôpitaux comme la chose du monde la plus dangereuse dans une
grande ville ; ils absorbent l’énergie du peuple, ils entretiennent sa fainéantise, ils
amollissent son courage ; ils sont pernicieux en un mot, sous tous les rapports ; le
nécessiteux est à l’État ce qu’est la branche parasite à l’arbre fruitier ; elle la dessèche,
elle se nourrit de sa sève, et ne rapporte rien. Que fait l’agriculteur en apercevant cette
branche, il la coupe aussitôt sans remords. Que l’homme d’État agisse donc ici comme
l’agriculteur : une des premières lois de la nature, est qu’il n’y ait rien d’inutile dans le
monde...je veux qu’on les tue comme on faisait d’une race d’animaux venimeux. 39.
HITLER ET LE GÉNOCIDE
Ceux qui pensent que le national-socialisme n'est qu'un mouvement politique n'en
savent pratiquement rien. C'est en fait plus qu'une religion : c'est la volonté de recréer
l'humanité.
Adolf Hitler, Hitler parle40
L'anti-judaïsme41 "intellectuel" de Hitler a des liens historiques avec une
longue tradition européenne de pensée qui remonte jusqu'au siècle des lumières, une
tradition selon laquelle les Juifs sont coupables d'avoir imposé le christianisme et sa
moralité "étrangère" à l'Europe. 42 Les penseurs du siècle des lumières43 qui étaient
plus ouvertement anti-chrétiens eurent pour héritiers une nouvelle génération d'anti-
monothéistes. Wilhelm Marr (1819-1904), l'inventeur du terme "anti-sémitisme",
qualifia le christianisme de "maladie de la conscience humaine" et de manifestation
du judaïsme.44 Eugen Dühring (1833- 1921), le grand philosophe et économiste
politique, argumenta que le christianisme lui-même était "sémitique" et que toutes les
religions monothéistes prêchaient la haine de la vie. 45 Richard Wagner, lui aussi,
souhaitait que soit créée une nouvelle religion libre de toute influence juive : "Il nous
paraît de la plus haute nécessité de nous émanciper du joug du judaïsme". 46Des
pensées similaires se répandaient également en Angleterre. Dans un article de journal
de 1920 intitulé Zion contre le bolshévisme, Winston Churchill écrivit que "les Juifs"
étaient en train de conspirer pour "renverser la civilisation" avec une "égalité
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impossible"47. En dépit de tous ces penseurs "modernes" sur la question juive, Robert
S. Wistrich fait remarquer que bon nombre des commentaires de Hitler sur les Juifs et
sur les chrétiens remontent aux penseurs de l'époque de Sade.48
Les pensées de Hitler en ce qui concerne les Juifs, le judaïsme, le
christianisme et le "bolshévisme" ne s'écartent pas de l'idéologie centrale suivante.
Selon Hitler, le bolshévisme tout comme le christianisme ont été imposés à l'Europe
par les Juifs pour la corrompre spirituellement et pour miner ses forces ; enseigner
l'égalité est une violation de l'Aristocratie Naturelle de la Nature qui fait primer le fort
sur le faible ; la seule solution viable à la "terreur spirituelle"49 judéo-chrétienne est
d'éliminer toute la population juive. 50
Si l'on excepte le fait que Hitler visait explicitement les Juifs plutôt que les
chrétiens, 51 ses pensées sur la moralité sont quasiment identiques à celles des
personnages libertins de Sade, et cela jusque dans l'éthique de dureté envers les autres
et jusqu'à qualifier l'éthique humanitaire de "poison", la piété de "maladie"52, et la
compassion de faiblesse, de couardise et d'illusion. Tout comme les personnages de
Sade, Hitler estimait que la conscience avait été inventée par les Juifs. "Les efforts
pour se libérer des contraintes de la conscience étaient l'un des aspects essentiels du
propre réexamen des valeurs par les Nazis. Ils croyaient qu'il fallait franchir les
barrières morales et émotionnelles contre la cruauté et l'atrocité",53 le même parcours
que celui suivi par les libertins de Sade dans Les Cent Vingt Journées de Sodome et
dans Juliette. Les extraits suivants tirés de Mein Kampf (1924) résument, selon Hitler,
la nature "diabolique" de la moralité juive :
La doctrine juive du marxisme rejette le principe aristocratique de la Nature et
remplace l'éternel privilège du pouvoir et de la force par les masses et leurs poids
morts. 54
De temps en temps, des illustrés attirent l'attention des petits bourgeois allemands sur
le fait qu'ici ou là un nègre est, pour la première fois, devenu juriste, professeur ou
quelque chose de ce genre. ... le Juif en retire habilement une nouvelle preuve de la
justesse de sa théorie sur l'égalité des hommes55
. (italiques de Hitler)
Les passages suivants extraits de Libres propos sur la paix et la guerre
exposent clairement la théorie de Hitler selon laquelle la "révolte des esclaves" est à
l'origine de la moralité chrétienne :
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Les Juifs, qui ont frauduleusement introduit le christianisme dans le monde antique
pour le gâcher, ont rouvert la même brèche de nos jours, en prétextant cette fois-ci la
question sociale ...
Ce sont toujours les Juifs qui détruisent cet ordre [naturel]. Ils encouragent
constamment les faibles contre les forts, la bestialité contre l'intelligence, la quantité
contre la qualité. Le christianisme a mis quatorze siècles pour atteindre les sommets de
la sauvagerie et de la stupidité. Nous ne devrions pas être trop sûrs de nous et
commettre l'erreur de proclamer la victoire définitive sur le bolshévisme. Plus nous
rendrons les Juifs incapables de nous nuire, plus nous nous protégerons de ce danger.
Un peuple qui s'est débarrassé de ses Juifs retourne spontanément à l'ordre naturel. 56
Tout comme les personnages de Sade, Hitler lui aussi reprend le mythe selon
lequel la conversion au christianisme, à savoir à la moralité chrétienne, a fait chuter
Rome :
Si ce n'avait été pour l'avènement du christianisme, qui sait comment aurait évolué
l'histoire de l'Europe ? Rome aurait conquis toute l'Europe, et l'assaut par les Huns
aurait été enrayé par les légions. C'est le christianisme qui a provoqué la chute de
Rome, pas les Germains ou les Huns ... Un jour se tiendront des cérémonies de
gratitude pour remercier le fascisme et le national-socialisme pour avoir épargné à
l'Europe une répétition du triomphe des enfers ... 57
Dans les passages suivants, également extraits de Libres propos sur la paix et
la guerre, Hitler fait part de ses espoirs pour l'avenir du mouvement nazi en des
termes quasiment identiques à ceux utilisés par Belmor dans Sade qui a écrit à propos
de son génocide chrétien qu' “il assurerait à jamais le bonheur de la France ; c’est un
remède violent administré sur un corps vigoureux.” 58
Notre époque assistera certainement à la fin de cette maladie qu'est le christianisme.
Celui-ci continuera pendant encore un siècle, peut-être deux. Mon seul regret aura été,
peu importe le prophète, de ne pas avoir pu voir la terre promise de loin. Nous
sommes en train d'entrer dans une conception du monde qui sera une époque
lumineuse, une époque de tolérance ... Ce qui importe par dessus tout est d'empêcher
qu'un mensonge encore plus grand ne remplace celui qui est en train de disparaître. Le
monde du judéo-bolshévisme doit cesser d'exister. 59
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Il est toutefois un peu surprenant que l'anti-christianisme de Hitler comme
celui des libertins de Sade s'applique également au domaine des moeurs sexuelles car
il a dénoncé le culte chrétien de la virginité et la "morbidité"60 des moeurs sexuelles
de la bourgeoisie ; “Le mariage, tel qu'il est pratiqué dans la société bourgeoise, est un
péché contre la nature." 61
En conclusion, il devrait être clair que Sade avait de toute évidence anticipé, si
ce n'est le nazisme dans toute sa complexité embrouillée et affreuse, alors du moins la
possibilité pour un état européen moderne d'assassiner des millions de gens, en
particulier les représentants de cette moralité "servile" qui devait être remplacée au
nom du progrès. Borchamps et Chigi sont des prototypes fictifs des "Jardiniers" du
vingtième siècle, qui avaient prévu de produire une nouvelle humanité débarrassée de
tous les défauts physiologiques ou de toutes les superstitions irrationnelles qui
"rejettent la vie". Dans la mesure où l'un des enseignements essentiels du code moral
rejeté est la nature sacro-sainte de la vie humaine (individuelle), la négation explicite
d'une telle moralité (ainsi que l'ont fait remarquer Camus, l'analyse de Sade par
Adorno et Horkheimer) ouvre la voie à la possibilité distincte de massacres au service
de l'état. 62
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13 of 22 Roche Colloque Sade Charleston, Caroline du Sud 2003
Sade, Marquis de. La Philosophie dans le Boudoir presentée, établie et annotée par Yvon Belaval (Paris: Gallimard 1976)
. Œuvres (3 volumes) introduction, notes et variantes par Michel Delon (Paris: Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard,Vol 1: 1990; vol.2 1995, vol. 3 1998)
Tal, Uriel. “Anti-Christian Anti-Semitism,” in The Catastrophe of European Jewry ed. Yisrael Gutman and Livia Rothkirchen (New York: Ktav Publishing house, n.d.)
Wistrich, Robert S. Hitler and the Holocaust (London: Weidenfeld & Nicolson, 2001) . “The Cross and the Swastika” in Jacob Golomb and Robert S. Wistrich, eds, Nietzsche, Godfather of Fascism? (Princeton and Oxford: Princeton University Press, 2002) 1 This research was made possible by the Foundation for Research Science and
Technology T!"papa Rangahau P!taiao, and the New Zealand Government, through
the Top Achiever Doctoral scholarship.
I would also like to thank Robert Wicks, Stefano Franchi, Norbert Sclippa and
Rosemary Arnoux for their invaluable comments on the drafts for this essay, and also
Sterling Lynch and Timothy Rayner for bringing secondary material to my attention. 22 Cited in Carl Friedrich, “Anti-Semitism: Challenge to Christian Culture” In Jews in
a Gentile World: The Problem of Anti-Semitism, edited by Isacque Graeber and
Steuart Henderson (New York: Macmillan, 1942) p.8
3 For a discussion on this issue, see Caroline Warman’s ‘Sade: From Materialism to
Pornography’ in Studies on Voltaire and the Eighteenth Century 2002:01, p.1 and p.5-
11 See also Jean Leduc ‘Les Sources de l’athéisme et de l’immoralisme du Marquis
de Sade,’ Studies on Voltaire and the Eighteenth Century Vol.LXVIII 1969 pp.7-66
4 This essay will not deal with the question as to whether Sade provides us with a
critique of, or an embodiment of a philosophy of evil.
5 Albert Camus L’Homme Révolté in Essais (Introduction par R.Quilliot, édition
établie et annotée par R.Quilliot et L. Faucon, Paris: Gallimard, 1965) pp.448- 511
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6 “La Négation Absolue” in L’Homme Révolté , Essais (Paris: Gallimard, 1965)
p.447
7 Albert Camus Essais (Paris: Editions Gallimard, 1965). p.530
Rousseau did not quite propose the execution of atheists, but those who had broken a
vow to honour his proposed state religion. . “Que si quelqu’un, après avoir reconnu
publiquement ces mêmes dogmes, se conduit comme ne les croyant pas, qu’il soit
puni de mort; il a commis le plus grand des crimes, il a menti devant les lois”. Jean-
Jacques Rousseau Du Contrat Social Livre IV (Paris:Garnier-Flammarion, 1966)
p.179 8 Theodor Adorno and Max Horkheimer Dialectic of Enlightenment trans. John
Cumming (London and New York: Verso, 1979). this book was first published as
Dialektik der Aufklarung in 1944 by the Social Studies Association, New York
9This is not, clearly, a description of Kant’s moral theory. A ‘Kantian’ theory,
however, can be said to be one that describes an “autonomous will, free but
constrained by its essentially rational nature, [which] becomes the totally
unconstrained will creating its own values in arbitrarily free choice” (R.S.Downie,
“Kantian Ethics,”in Ted Honderich ed. The Oxford Companion to Philosophy
(Oxford: Oxford University Press, 1995). p.439 .What Adorno and Horkheimer deny
is that such philosophy necessarily yields a morality,as Kant had argued. 10 p.86 Adorno Horkheimer Dialectic of Enlightenment
11 Kai Nielsen, for example, has argued that Hitler’s anti-Christian and anti-Jewish
thought is historically irrelevant. He writes that the association of Nazism with anti-
religious intellectual currents in Germany “attributes far too much causal power to the
beliefs of a few intellectuals”. Kai Nielsen Ethics without God (New York:
Prometheus Books, 1989) p.13
Richard Rorty also dismisses the association of Nazism and philosophy, stating, “The
rulers of Nazi Germany were greedy selfish thugs, not guided by a mistaken
philosophical outlook”. Richard Rorty and Chronis Polychroniou, “On Philosophy
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and Politics, The Cold War, and the Left” New Politics 8, no. 3 Summer 2001 128-39,
p.130 I thank Sterling Lynch for bringing this article to my attention.
Michel Foucault, rejecting the association of Sade and Nazism, characterizes Nazi
ideology as nothing more than a “petite bourgeois dream” of cleanliness. “Le nazisme
n’a pas été inventé par les grands fous érotiques du vingtième siècle mais par les
petits-bourgeois les plus sinistres, ennuyeux, dégoûtants qu’on puisse imaginer”. Sade
sergent du sexe–an interview conducted by G. Dupont, Cinématographe 16
(Dec.1975) 3-5, p.4 I thank Timothy Rayner for bringing this article to my attention.
12 Hitler’s Table Talk 1941-1944 His Private Conversations introduced by Hugh
Trevor-Roper, Translated by Norman Cameron and R.H.Stevens (London: Phoenix
Press, 2000)
13 By all accounts, Nazi ideology was Hitler’s ideology. Hitler was dismissive of the
‘official’ Nazi philosopher Alfred Rosenberg (Hitler’s Table Talk p.422).
14 I call this a myth, rather than a theory, as it does not tally with the historical facts.
For a discussion on the idea that Rome was destroyed by the adoption of Christianity,
see p.826, Henry Chadwick, Envoi: On Taking Leave of Antiquity pp.807-828 in John
Boardman, Jasper Griffin, Oswyn Murray eds, The Oxford History of the Classical
World Oxford University Press 1986.
15. Robert S. Wistrich writes that “Hitler consistently regarded the ethics of Biblical
monotheism as the curse of mankind, especially the fifth commandment-‘Thou shalt
not kill’ p.245 Robert S. Wistrich Hitler and the Holocaust (London: Weidenfeld &
Nicholson, 2001). Hitler also claimed to be thwarting a Jewish plot to take over the
world, which is apparently derived from such tracts as the infamous Protocols of the
Learned Elders of Zion.
Ian Kershaw also states that the “ideological objective of eradicating ‘Jewish-
Bolshevism’ was central, not peripheral, to what had been deliberately designed as a
‘war of annihilation’. Ian Kershaw, Hitler 1936-1945 Nemesis (London: Penguin,
2001), p.461; see also pp.488-489.
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16 In Mein Kampf Hitler wrote,
…such phenomena in world history [Christianity] arise from the most part
from specifically Jewish modes of thought…
The individual may establish with pain today that with the appearance of
Christianity the first spiritual terror entered into the far freer ancient world,
but he will not be able to contest the fact that since then the world has been
afflicted and dominated by this coercion, and that coercion is broken only by
coercion, and terror by terror. Only then can a new state of affairs be
constructively created
p.413 Adolf Hitler, Mein Kampf translated by Ralph Manheim (London: Pimlico,
1995)
In the Table Talk, Hitler speaks of the Catholic Church as an enemy (p.626), of
Christianity as a primer for Bolshevism (p.607), ‘retribution to the last farthing’ for
the Church’s opposition to him, and the execution of all members of Christian
political parties (p.409).
See also pp.39-40 Ian Kershaw Hitler 1936-1945 Nemesis (London: Penguin, 2001)
17 Ian Kershaw writes that by 1942
The ideology of total annihilation was now taking over from any lingering
economic rationale of working the Jews to death. ‘Economic considerations
should remain fundamentally out of consideration in dealing with the
problem’ was the answer finally given on 18 December to Lohse’s inquiry
about using skilled Jewish workers from the Baltic in the armaments
industry.
p.492 Ian Kershaw Hitler 1936-1945 Nemesis (London: Penguin, 2001)
Daniel Goldhagen writes “…the ideological foundations of Germany during the Nazi
period rendered it …incapable of creating for the decent treatment and the rational
use of Jewish labour power”. See also p.296 Daniel Jonah Goldhagen Hitler’s Willing
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Executioners (London:Abacus, 1996); Robert S.Wistrich Hitler and the Holocaust (
London: Weidenfeld & Nicholson, 2001) p.2
18 The complexities of the relationship between anti-Clericalism and anti-Christianity
are beyond the scope of this paper. 19 D’Holbach gave another variant on the ‘conspiracy’ theory of the origins of
Judaism-Christianity- in his version, Judaism emerged as a deception by Moses and,
later, the Priests and Prophets to subjugate the people and the Kings of Israel.
Baron d’Holbach; L’Esprit du Judaïsme ou Examen Raisonne de la Loi de Moyse, &
de son influence sur la Religion Chretienne published anonymously,( Londres
(possibly a fake place of publication), MDCCLX) pp.200-201:
Ose donc enfin, ô Europe! Secour le joug insupportable des préjuges qui
t’affligent. Laisse à des Hébreux stupides, à des frénétiques imbécilles, à des
Asiatiques lâches & dégradés, ces superstitions aussi avilissantes
qu’insensées; elles ne sont point faites pour les habitans de ton climat.
Occupe-toi du soin de perfectionner tes gouvernemens, de corriger tes loix, de
réformer tes abus, de régler tes moeurs, & ferme pour toujours les yeux à ces
vaines chimeres, qui depuis tant de siècles n’ont servi qu’à retarder tes
progrès vers la science véritable & à t’écarter de la route du bonheur.
20. For a discussion on Sade’s personal views on religion, see Lorna Berman, “The
Marquis de Sade and Religion”, Revue de L’Université d’Ottowa 39 (1969) :627-640 ;
see also Pierre Klossowski Sade, Mon Prochain (Paris: Editions du Seuil, 1947) and
Annie Le Brun Soudain, un bloc d’abîme, Sade (Paris: Gallimard 1986). Le Brun
takes Sade to be an atheist; Klossowski and Berman take Sade to be a religious
thinker who sought to discredit atheism.
21 Voltaire, d’Holbach and Sade all identify Christianity as originating in Judaism. A
common theme in the writings of Voltaire and d’Holbach is that the worst aspects of
the Christian Church –in particular it’s perceived fanaticism and intolerance - are
directly derived from Judaism. See Juliette, in Œuvres Vol.III (Paris: Bibliothèque de
la Pléiade, Gallimard, 1995) pp.205-208 See also Baron d’Holbach L’Esprit du
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Judaïsme ou Examen Raisonne de la Loi de Moyse, & de son influence sur la Religion
Chrétienne ( Londres (?): (anonymously published), 1750).
22 Rousseau’s work, in particular Emile, is filled with complains that Christian society
had become decadent and enfeebled, and that it required a Pagan return in order to
flourish again. See also première partie, Jean-Jacques Rousseau Discours sur l’origine
et les fondements de L’inégalité parmi les hommes ( Paris: Aubier Montaigne, 1973)
p.65
23 …reprenez, puisqu’il dépend de vous, votre antique et première innocence; allez
dans les bois perdre la vue et la mémoire des crimes de vos contemporains et ne
craignez point d’avilir votre espèce, en renonçant à ses lumières pour renoncer à ses
vices. [My italics].
Jean-Jacques Rousseau Discours sur l’inégalité parmi les hommes (Paris: Aubier
Montaigne, 1973) Note (i) p.142
24
Le christianisme ne prêche que servitude et dépendance. Son esprit est trop
favorable à la tyrannie pour qu’elle n’en profite pas toujours. Les vrais chrétians
sont faits pour être esclaves; ils le savent et ne s’en émeuvent guère; cette courte
vie a trop peu de prix à leurs yeux.
Jean-Jacques Rousseau Du Contrat Social (Paris: Garnier-Flammarion 1966)
p.177
25 I call this a myth as it is historically doubtful. See Henry Chadwick
“Envoi: On Taking Leave of Antiquity” in The Oxford History of the Ancient World
Ed. John Boardman, Jasper Griffin, Oswyn Murray, (Oxford: Oxford University
Press, 1986) p.826
26 La Philosophie dans le boudoir; Cinquième dialogue ; Français, encore un effort si
vous voulez être républicains ; La religion. “Rome disparut dès que le christianisme
s’y prêcha, et la France est perdue s’il s’y révère encore”. Marquis de Sade La
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Philosophie dans le boudoir ou Les Instituteurs immoraux (Paris: Gallimard, 1976)
p.190
27 Les Misfortunes de la vertu Vol. II Marquis de Sade Œuvres (Paris: Bibliothèque
de la Pléiade,.Gallimard ,1995) p.91
28 Troisième Dialogue, Marquis de Sade La Philosophie dans le Boudoir presentée,
établie et annotée par Yvon Belaval (Paris: Gallimard 1976) pp.128-129
29 Ibid., p.170
30 Juliette in Vol. III Marquis de Sade Œuvres (Paris: Bibliothèque de la Pléiade,
Gallimard, 1998) p.552 Footnote.
31 Ibid.,p.887-888
32 By 1795 such anti-religious writings were again dangerous to be associated with.
33 La Philosophie dans le boudoir (Paris: Gallimard, 1976) p.203 34 Ibid. p.202
35 This character appears on p.625 of the Pléiade edition (Vol. III) He is the president
of La Société des amis du crime. 36 Ibid.p.627 37 Ibid. p.628.
38 p.113 Zygmunt Bauman Modernity and the Holocaust ( Ithaca, New York: Cornell
University Press, 2000).
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39
.p.831-.832 Œuvres vol.III.
40 Cited in Jonathan Glover, Humanity: A moral history of the Twentieth Century
(London: Pimlico,2001) p.315
41 I call Hitler’s anti-Semitic writings “intellectual” anti-Semitism, as they have a
closer resemblance to ‘philosophical’ writings on the Jews than to traditional
Christian anti-Semitism. (‘Traditional’ anti-Semitism being hostility towards Jews
based on traditional, pre-‘Enlightenment’ notions of the Jews as being usurous,
vampiristic, ‘Christ-killers’, etc.). Hitler was happy to encourage such traditional
expressions of anti-Semitism, but does not appear to have been a traditional anti-
Semite, especially given his negativity towards Christianity.
42 Other “intellectual” streams of anti-Semitism found in philosophical and
ideological literature hold that the Jews are too superstitious to become
‘Enlightened’,(Fichte, Kant) or too ‘materialistic’ (Houston Stewart Chamberlain)..
Hitler’s Mein Kampf and Table Talk do not adhere to either of these schools of
thought, although in Mein Kampf he repeats the old Enlightenment idea that the Jews
had bequeathed to the Christian church its intolerance and fanaticism. Although
Chamberlain’s The Foundations of the Nineteenth Century is widely regarded as a
central source of Nazi anti-Semitic theory, Chamberlain hardly refers to Judaeo-
Christian morality, much less criticize it. His attack on Judaism largely repeats the
traditional Christian accusations that the Jews are ‘materialistic’ and have no idea of
‘divine grace’ and redemption by faith, and argues that Jesus was not a Jew .See
Houston Stewart Chamberlain, The Foundations of the Nineteenth Century (London:
John Lane, the Bodley Head,1910)
43 Some thinkers, such as Voltaire and d’Holbach, were anti- Christian and anti-
Judaism but were not, strictly speaking, anti- Monotheism. Voltaire oscillated
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between different Deistic positions. Their views were certainly influential on later
anti-Monotheists.
44 Quoted in Uriel Tal, “Anti-Christian Anti-Semitism,” in The Catastrophe of
European Jewry ed. Yisrael Gutman and Livia Rothkirchen (New York: Ktav
Publishing house, n.d.) p.94
45 Ibid., p. 95
46 cited in Lucy Dawidowicz, War against the Jews (New York: Behrman
House,1976) pp.32-33
47 Winston S. Churchill, “Zion versus Bolshevism A Struggle for the Soul of the
Jewish People” Illustrated Sunday Herald, February 8th 1920 p. 1
48 p.163 “...Hitler’s diatribes against the barbarism, credulity, ignorance and “poverty
of spirit” encouraged by the Christian Churches also contain crude echoes of
eighteenth-century rationalists like Gibbon and Voltaire”. Robert S. Wistrich “The
Cross and the Swastika” in Jacob Golomb and Roberts S. Wistrich Nietzsche:
Godfather of Fascism? (Princeton and Oxford: Princeton University Press, 2002)
Hitler expresses admiration for Voltaire’s ‘free thought’ in the Table Talk p.84
49 p.413 Mein Kampf
50 see pp.2-3 Robert S. Wistrich Hitler and the Holocaust (London: Weidenfeld &
Nicolson, 2001)
51 For a discussion on Nazism’s relationship to Christianity, see Chapter 37, “The
Nazi Moral Identity”, in Jonathan Glover, Humanity A Moral History of the Twentieth
Century (London: Pimlico, 2001) pp.355-359,
Also: p.163 Robert S.Wistrich “The Cross and the Swastika” in Jacob Golomb and
Robert S. Wistrich, eds, Nietzsche, Godfather of Fascism? (Princeton and Oxford:
Princeton University Press, 2002)
22 of 22 Roche Colloque Sade Charleston, Caroline du Sud 2003
pp.39-41 Ian Kershaw Hitler 1939-1945 Nemesis (London: Penguin, 2001)
52 “c’est une véritable maladie de l’âme que la dévotion…” Les cent vingt journées
de sodome ou l’école du libertinage. Sade Œuvres vol. I p.256
53 p.356 Jonathan Glover Humanity: a moral history of the Twentieth Century
(London: Pimlico 2001)
54 p.60 Mein Kampf
55 Ibid., p.391
56 p.314 Table Talk 17 February 1942, midday
57 p.253 Table Talk, 27th January 1942, Midday
58 P.628 Sade Œuvres vol.III
59 p.343-344 Table talk, 27th February 1942, midday
60 Ibid., p.650-651, 21st August 1942, Midday
61Ibid., p.353 1st march 1942, evening