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SOMMAIRE
SOMMAIRE 3
INTRODUCTION 5
PROBLEMATIQUE 8
SECURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS/SECURISATION DE L’EMPLOI :
QUELLE ARTICULATION ? ................................................................................................... 9
REPERES ET CONTEXTE 10
JALONS HISTORIQUES ...................................................................................................... 11
RETROSPECTIVE ................................................................................................................ 17
DE L'ANI A LA LOI ............................................................................................................. 19
LES EFFETS SUR LES ENTREPRISES ..................................................................................... 21
LES EFFETS POUR LES SALARIES ....................................................................................... 29
SECURISER : POURQUOI ? COMMENT ? 31
CONTRAT DE TRAVAIL, EVOLUTION PROFESSIONNELLE ET SECURISATION DES
PARCOURS ....................................................................................................................... 32
L’emploi et ses rigidités 32
L’évolution professionnelle 33
Des pistes de réflexions 34
GPEC, FLEXIBILITE ET SECURISATION DE L’EMPLOI ET DES PARCOURS ....................... 35
Des mesures d’accompagnement associées au dispositif de GPEC 35
La mobilité interne au cœur de la GPEC ? 36
La flexibilité, intrinsèquement liée à la GPEC. 37
Quelle flexibilité ? 37
Du bon usage de la GPEC 39
SECURISATION DE L’EMPLOI ET VALORISATION DES TRAJECTOIRES
PROFESSIONNELLES.......................................................................................................... 40
La sécurisation des trajectoires professionnelles : état des lieux 40
La mobilité outil de sécurisation des emplois ? 41
La dynamique prospective associée à la dynamique prévisionnelle 42
LES COMPOSANTES DE LA SECURISATION DE L’EMPLOI ............................................. 44
Un nouveau contrat social entre salarié et employeur 44
L’employabilité 45
La formation tout au long de la vie 45
4
La mobilité 46
LA FORMATION PROFESSIONNELLE : CLE DE LA SECURISATION DES PARCOURS
PROFESSIONNELS ? .......................................................................................................... 47
La place de la formation dans la sécurisation des parcours professionnels
47
Employabilité et formation 48
Deux exemples étrangers 49
FLEXICURITE : COMPETITIVITE ET SECURISATION DE L’EMPLOI ENFIN RECONCILIEES ?52
La flexicurité : une révolution européenne importée en France ? 52
ENQUETES TERRAIN REALISEES PAR LE M2 RMDRH : SYNTHESES DES RESULTATS 59
LA SECURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS VUE PAR LES RESSOURCES
HUMAINES : QUELLE APPLICATION OPERATIONNELLE EN ENTREPRISE ? .................. 60
LE POINT DE VUE DES COLLABORATEURS ..................................................................... 62
ENQUETE QUALITATIVE AUPRES DES ORGANISATIONS SYNDICALES…………………76
LES BONNES PRATIQUES : 4 EXEMPLES EMBLEMATIQUES 86
LE MENTORING CHEZ DELL 87
TRAJEO’H CHEZ VINCI 88
LA FORMATION DIPLOMANTE A LA BANQUE POSTALE 89
LA PROFESSIONNALISATION DES FACTEURS A LA POSTE 90
REMERCIEMENTS 86
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Sécurité des parcours professionnels et sécurisation de l’emploi : deux concepts
dépassant désormais le champ du dialogue social mais pas encore intégrés ni
totalement clarifiés par tous les acteurs concernés. Concepts habituellement mis en
opposition avec les besoins de mobilité et de compétitivité.
L’une des premières idées fut de se tourner vers nos voisins européens qui,
comme la Hollande et le Danemark, auraient trouvé une façon de concilier ces
«antinomies » par le développement de la « flexicurité » selon leur contexte national.
« La flexicurité est une stratégie intégrée visant à renforcer à la fois la flexibilité et
la sécurité sur le marché du travail. Elle cherche à concilier les besoins des employeurs
en matière de flexibilité de la main-d'œuvre avec ceux des travailleurs en matière de
sécurité, ces derniers souhaitant avoir l'assurance de ne pas connaître de longues
périodes de chômage ».
Cette ingénierie sociale, détaillée dans les documents de la Commission
européenne, comporterait l’état embryonnaire des outils capables de concilier les
attentes économistes et sociales de chaque nation avec celles de leurs entreprises et
de leurs salariés.
Au travers de cette vision nouvelle, il nous faut appréhender la notion de
sécurisation des emplois et des parcours, sa signification, les interrogations qu’elle
suscite et les implications en termes de responsabilité et d’enjeux pour tous les acteurs
impliqués (Pouvoirs publics, entreprises, individus).
Avant la crise économique, installée depuis 2008, Jacques DELORS écrivait dans
son introduction du rapport du CERC sur la sécurité de l’emploi (2005) : « L’instabilité et
l’insécurité de l’emploi sont fonction de trois grands ensembles de facteurs :
- L’évolution de la situation macro-économique qui a un rôle essentiel qu’il
ne faut jamais oublier, au risque de ne concentrer la réflexion que sur les déterminants
micro-économiques faisant obstacle à la flexibilité.
- La politique de l’emploi, ensemble des dispositifs favorisant le retour à
l’emploi (indemnisation et accompagnement des demandeurs d’emploi, aides à la
formation, contrats aidés), […]
- Enfin, […] ce qui se joue dans l’entreprise, à savoir les différences de
modes de gestion face aux contraintes de l’environnement économique et aux
caractéristiques des salariés, différences qui s’appuient sur le cadre juridique du droit
du travail et de la protection sociale. »
De nos jours, ces facteurs d’insécurité n’ont pas changé mais la situation macro-
économique est devenue plus complexe. De ce fait, les réponses que tentent
d’apporter la politique de l’emploi et les négociations des partenaires sociaux ne
promettent plus la sécurité, apparaissant comme un Graal désormais impossible à
atteindre, mais visent désormais la sécurisation qui implique une volonté, un objectif,
une action et un effort commun.
Le rapport du Conseil économique social et environnemental disait déjà en
2007: « L’insécurité réelle et ressentie liée au chômage, aux situations de précarité, aux
difficultés de maitrise de l’avenir pour les salariés et pour les entreprises dans une
économie mondialisée, appelle des réponses nouvelles. La mobilité sur le marché du
travail est une nouvelle donne et doit être reconnue comme une perspective
souhaitable à condition d’être inscrite dans un cadre collectif construit et suffisamment
stimulant et protecteur, produisant des garanties pour les individus, notamment par la
mutualisation. »
7
Quelles différences entre sécurisation de l’emploi et sécurisation des parcours
professionnels ?
La sécurisation des emplois (« job security ») serait mise en œuvre par l’entreprise
au travers de sa gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). En
effet, sa compétitivité dépend largement d’une gestion attentive de ses emplois
sensibles et d’une prévision des compétences « cibles » à recruter ou à former en
interne. Mais le salarié y trouve un intérêt car, il s’agit d’une condition de son maintien
dans l’emploi au sein de l’entreprise.
La sécurisation des parcours professionnels (« employment security »)
concernerait prioritairement le salarié : elle « fait référence à la permanence de
relations d’emploi qui peuvent se situer dans différentes activités et pour différents
employeurs » . Il s’agit aussi de réduire les périodes de non emploi et de les mettre à
profit pour acquérir de nouvelles compétences ou une qualification à investir dans un
nouvel emploi.
La responsabilité de l’entreprise serait peu engagée sauf au moment de
l’embauche ou du licenciement (pour des raisons économiques). En revanche,
l’individu « responsable de son employabilité » et « acteur de sa formation
professionnelle » serait le premier responsable de l’utilisation constructive de sa période
de non-emploi. Les pouvoirs publics et le système d’assurance-chômage et de
formation doivent alors l’accompagner.
L’insécurité économique et l’insécurité de l’emploi sont tellement liées que les
acteurs semblent voués à trouver ensemble des réponses compatibles. Ainsi en
témoigne le titre de l’ANI du 11 janvier 2013 : « Pour un nouveau modèle économique
et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi
et des parcours professionnels des salariés ».
Nous nous sommes donc interrogés de façon académique et empirique sur les
enjeux nationaux, ceux des entreprises, des salariés ainsi que de leurs représentants afin
de mettre en exergue des réponses et des pratiques d’entreprises permettant
d’éclairer le questionnement suivant : Sécurisation des parcours professionnels –
Sécurisation des emplois : une responsabilité partagée ?
9
SECURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS/SECURISATION DE
L’EMPLOI : QUELLE ARTICULATION ?
En 2008 Emmanuel Dockès, professeur de droit à Lyon 2, livrait une analyse
critique éclairante et quasi prémonitoire :
« Le citoyen paie plus, mais en contrepartie il bénéficie d’une plus grande
sécurité professionnelle. Tels sont les termes réels de l’échange. En revanche, le droit de
rompre plus facilement les contrats de travail est accordé aux employeurs sans aucune
contrepartie de leur part. il n’est pas « échangé ».
Telle est la principale falsification réalisée par le néologisme « fléxicurité ». En
fusionnant la flexibilité (de l’emploi) et la sécurité (des parcours professionnels), il
présente les deux réformes comme indissociables, l’une étant la contrepartie de
l’autre. Or tel n’est pas le cas. La précarité de l’emploi serait accordée aux employeurs
sans aucune contrepartie de leur part. Elle serait simplement rendue plus supportable
grâce à une dépense publique plus généreuse, basée sur une hausse des
prélèvements obligatoires.»
En définitive, face à la dislocation du marché du travail et au chômage de masse, il
s’agirait :
D’une part, de conférer aux employeurs un pouvoir accru de la flexibilisation de
la norme, au prix notamment d’un affaiblissement de certains droits que les
salariés tirent de leur contrat de travail >> c’est la sécurisation de l’emploi.
D’autre part, de « construire un système de protection des salariés qui ne soit
plus fondé exclusivement sur le contrat de travail, mais attaché à l’individu et
non plus à l’emploi » >> c’est la sécurisation des parcours, mais dont la charge
est essentiellement assuré par la collectivité publique.
Ce faisant, un certain nombre de droits, dont les contours et la portée restent à définir,
vont être « décrochés » du contrat (formation, prévoyance, …). La SPP jouerait donc un
rôle de compensation.
D’où, plusieurs questions sous-jacentes :
Qu’est-ce que l’on sécurise ? > Contenus et droits concernés ?
Pour qui ? > Faut-il cibler les publics bénéficiaires ?
Par qui ? > Quel rôle l’entreprise peut-elle jouer en la matière ?
Pour combien de temps ? Une sécurisation prolongée est-elle encore illusoire ?
11
JALONS HISTORIQUES
1792
Rapport et projet de décret relatifs à l'organisation générale de l'instruction
publique
Présentation à l'Assemblée législative : 20 et 21 avril 1792
Formation poursuivie pendant toute la durée de la vie, égalité devant
l’instruction, des contenus en liaison avec l’évolution des sciences et des
techniques, formation civique du citoyen.
1946 Le droit à la formation professionnelle figure pour la première fois dans le
préambule de la Constitution de la nouvelle république.
1959
Loi Debré (loi 59 -989 du 31 juillet 1959) Légalise la promotion sociale et les
notions de promotion du travail et de promotion supérieure du travail
Organise la promotion professionnelle dans les centres de formation
professionnelle agréés
1966
Loi du 3 décembre 1966
Introduit le concept de formation professionnelle continue
Crée un comité interministériel et Le fonds de la formation professionnelle et
de la promotion sociale
Organisation de la formation professionnelle en France : l’Etat doit intervenir
dans le domaine de la formation.
La formation devient une obligation nationale
1969
ANI du 10 février 1969 portant sur la sécurité de l’emploi
2 axes :
- Mesures pour assurer les reclassements. Contribution majeure des
entreprises à la sécurité de l’emploi à travers leur politique d’emploi.
- Institution d’une Commission paritaire de l’emploi par les branches
professionnelles.
1970
ANI du 9 juillet 1970 portant sur la formation et le perfectionnement
professionnel
- crée une autorisation d’absence d’une durée maximum d’un an pour
suivre un stage de formation
Donner le droit de consultation au CE sur le plan de formation
- Création d’un Comité paritaire interprofessionnel au niveau national
1971 Loi n° 71-575 du 16 juillet 1971 portant sur l’organisation de la formation
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professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente
-organise le congé de formation
-Instaure une obligation de financement de la formation professionnelle
continue pour les entreprises de 10 salariés et plus (cotisation minimale
légale fixée à 0.8% de la masse salariale).
1990
Accord interprofessionnel du 24 mars 1990,
ouvre le CIF aussi aux salariés en CDD ou en intérim à l’expiration de leur
contrat, sous des conditions d’ancienneté plus souples.
1992 Loi n°92-678 relative à la validation d’acquis professionnels
1993
Le livre blanc : « Croissance, compétitivité et emploi »
l’élément originel de la stratégie européenne pour l’emploi posait déjà le
diagnostic du manque de flexibilité du travail en Europe
1997
Le Livre vert : « Partenariat pour une nouvelle organisation du travail »
élaboré autour d’un « défi politique » : « Comment réconcilier la sécurité des
travailleurs et la flexibilité nécessaire aux entreprises ? »
2000
La Stratégie de Lisbonne
désigne les axes de développement de la politique économique
européenne entre 2000 et 2010. Les mesures mises en valeur vont de la
société de l’information à la stratégie d’entreprise, le marché unique,
l’innovation, l’éducation, la cohésion sociale, des mesures en faveur de la
mondialisation et de la recherche. L’objectif est de faire de l’Europe, une
économie « capable d’une croissance économique durable accompagnée
d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi, et d’une plus
grande cohésion sociale »
2002
Loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale
instaure un droit à l’acquisition de certifications professionnelles (diplômes,
titres, certificats…) par la validation des acquis de l’expérience (VAE).
2003 ANI du 20 septembre 2003 portant sur l’accès des salariés à la formation tout
au long de la vie professionnelle
2004
Loi du 4 Mai 2004 relative à la formation professionnelle et au dialogue social
- Salarié acteur de son parcours professionnel pour assurer son employabilité
- 3 types d’actions : adaptation au poste, maintien dans l’emploi,
développement des compétences
- Instauration du DIF, CIF, Contrat de professionnalisation et période de
13
professionnalisation.
- Obligation de financement minimale légale portée à 0,55% pour les
entreprises de moins de 10 salariés et 1,05% pour les entreprises de 10 à 20
salariés
2005
La Stratégie révisée de Lisbonne
vise à améliorer l’adaptabilité des travailleurs et des entreprises, et à
accroître la flexibilité des marchés du travail. Afin de réaliser ces objectifs, il
est nécessaire d’augmenter l’investissement en capital humain et de
promouvoir la formation tout au long de la vie.
2006
Livre Vert «Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIe siècle »
L’objectif de la démarche est de lancer un débat public sur « la manière de
faire évoluer le droit du travail dans le sens de la stratégie de Lisbonne » 72. Il
s’agit pour ce faire d’adapter la législation relative au travail dans le sens
des attentes des entreprises : « Un accroissement de la faculté de réaction
des marchés du travail européens est vital pour le développement de
l’activité économique et l’augmentation de la productivité »
20
octobre
2006
Le Sommet social tripartite de Lahti (Finlande)
Présenté comme le moment de la première expression (ou confrontation)
formelle des partenaires sociaux sur le thème de la fléxicurité.
2007
Livre Vert «Adapter le droit du travail pour garantir la flexibilité et la sécurité
pour tous »
L’ensemble des préconisations de la stratégie européenne regroupé sous le
vocable de la flexicurité est détaillé dans la communication de 2007 « Vers
des principes communs de flexicurité », qui a pour but de définir un socle
commun de principes relatifs aux droits du travail.
20 avril
2007
Stakeholders conference on flexicurity
« conférence des parties intéressées » sur la flexicurité
2009
ANI du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation tout au long de
la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours
professionnels
2009
Loi du 24 novembre 2009 portant sur la formation et l’orientation
professionnelle tout au long de la vie
- Simplification du plan de formation avec 2 types d’actions
- DIF : portabilité, droit d’utilisation durant le préavis
14
- Le POE (préparation opérationnelle à l’emploi)
2013
ANI du 11 janvier 2013 pour la sécurisation de l’emploi et des parcours
professionnels
LOI du 14 juin 2013
Nouveaux droits individuels et collectifs pour les salariés :
- Généralisation de la complémentaire santé
- Amélioration de la portabilité de la couverture santé prévoyance
des demandeurs d'emploi
- Création du compte personnel de formation (CPF)
- Droit à la mobilité sécurisée dans une autre entreprise
Consultation des IRP :
- Sur la stratégie de l’entreprise / création d'une base de données
unique
- Présence au sein des conseils d’administration
Temps de travail :
- Encadrement du temps partiel
- Mise en place d’accords de maintien de l’emploi impliquant des
aménagements du temps de travail et des rémunérations.
Flexibilité pour les entreprises :
- Refonte des procédures des licenciements économique
15
EVOLUTION SEMANTIQUE
1955 Notion d’éducation permanente
1969
Paul Boccara (Economiste communiste) développe l’idée de
« sécurité emploi/formation » et de « sécurisation de trajectoires
professionnelle ». Il voit la formation comme un élément majeur du parcours
professionnel dans et hors période d’emploi.
Notion de sécurité de l’emploi
1990 Notion de fléxicurité aux Pays Bas
1990 Concept de formation tout au long de la vie
2003
Wilthagen, Tros et Van Lieshout :
4 formes de sécurité des salariés :
La sécurité de l’emploi
La sécurité de l’employabilité
La sécurité du revenu
La sécurité combinée
2003 Concept de parcours et d’individualisation
2004 Notion de flexicurité en Europe
Définition
Le parcours professionnel est l’ensemble des séquences, étapes choisies ou
subies, qu’un individu connaît tout au long de sa vie professionnelle, depuis le premier
jour de sa première activité professionnelle au dernier jour de la dernière activité . 1.
1 Source : Aravis/Démarche prospective 2010 « Quel travail dans 20 ans ? »
17
RETROSPECTIVE
L’évolution des parcours professionnels s’est faite parallèlement à celle la norme
d’emploi. Durant le XXème siècle, la montée du chômage de masse et les mutations
ayant affecté l’organisation des entreprises au plan juridique, technologique ou encore
stratégique, ont transformé l’emploi. Une règlementation légale et conventionnelle
s’est progressivement mise en place afin de faire face aux risques sociaux liés à l’emploi
(assurance chômage), à l’accomplissement du travail (accidents du travail ou
maladies professionnelles), à la maladie, à la maternité ou à la vieillesse (sécurité
sociale).
La norme de l’emploi salarié a pris alors la forme d’un CDI à temps plein au sein d’une
seule entreprise, apportant une réponse à la fois de protection des travailleurs, mais
aussi à la stabilisation de la main d’œuvre pour les employeurs.
Ce modèle a, par la suite, été largement ébranlé, en raison de plusieurs facteurs :
- Facteurs économiques : le choc pétrolier de 1973-74 a ouvert une période
d’incertitudes inédites pour les entreprises. De nouveaux modèles de contrat sont
apparus : CDD, temps partiel.
- Certains dispositifs de traitement social du chômage (de masse) ou
d’orientations ciblées, tels que les contrats aidés ou l’exonération de cotisations
sociales pour les contrats à temps partiel, ont également pu contribuer à affaiblir la
référence à l’emploi en CDI à temps plein.
- Transformations des systèmes productifs : la sous-traitance et la filialisation de
certaines activités des grandes entreprises (nettoyage, informatique, logistique…) ont
transformé le lien de subordination en contrat commercial, externalisant ainsi les risques
liés aux fluctuations de l’activité, aux conditions de travail, à l’absence de formation…
La nécessité d’une meilleure gestion des parcours professionnels est alors déclinée
autour de propositions aux contenus variables, allant dans le sens d’une plus grande
continuité :
Rapport BOISSONNAT – 1995 :
« Le travail et l’emploi en France, à l’horizon 2015 ». Le rapport suggère de remplacer le
contrat de travail par un contrat d’activité mutualisé entre plusieurs entreprises et un
institut de formation où le salarié entretiendrait son employabilité pendant les
différentes périodes sans activité.
Rapport SUPIOT – 1999 :
« Au-delà du travail », rapport pour la Commission européenne. Le rapport propose de
doter les individus d’un patrimoine de droits sur un ensemble de comptes abondés par
les entreprises, les pouvoirs publics et les personnes permettant des allers-retours entre
emploi, formation et chômage.
18
PROPOSITIONS DE LA CGT – 2001-2005 :
Émergence de l’idée de « sécurité sociale professionnelle » comme revendication face
à la montée des « insécurités sociales ». Socle de droits attachés à la personne, garantis
collectivement, transférables et opposables aussi bien aux employeurs qu’aux aléas
économiques et sociaux qui peuvent intervenir au cours d’une vie professionnelle. En
cas de suppression d’emploi individuelle ou collective, le contrat de travail se
poursuivrait jusqu’à l’obtention d’un nouvel emploi de qualification et de rémunération
au moins égales. Et 10 % du temps de travail doit être consacré à la formation
Rapport CAHUC – KRAMARZ – 2004 :
« De la précarité à la mobilité : vers une sécurité sociale professionnelle ». Rapport au
Ministre de l’Economie et au Ministre de l’Emploi.
Après avoir proposé un diagnostic du marché du travail en France, il préconise deux
grandes séries de mesures : faciliter l’accès plus équitable à certaines professions,
unifier le contrat de travail et mieux accompagner le parcours des chômeurs.
Rapport du CERC – 2005 :
« La sécurité de l’emploi face aux défis des transformations économiques ». La tension
entre la sécurité des personnes et la flexibilité des entreprises nourries des débats
animés sur la législation de protection de l’emploi.
Rapport MEDA – MINAULT (DARES) – 2005 :
« La sécurisation des trajectoires professionnelles - Octobre 2005. Le rapport suggère
deux approches : une approche préventive et une approche curative.
Stratégie de Lisbonne – 2006 :
Elle prône, à travers le concept de « flexicurité » une flexibilisation partielle, négociée et
compensée par des garanties explicites et collectivement organisées, rassemblées sous
le terme de « sécurité ».
19
DE L'ANI A LA LOI
La loi « relative à la sécurisation de l’emploi » (dite LES), promulguée le 14 juin
2013, a transposé l'accord national interprofessionnel conclu le 11 janvier par les
partenaires sociaux (pour le patronat : le Medef, l’UPA et la CGPME , et pour les
organisations syndicales : la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC). Quels ont été les
changements apportés par cette loi par rapport à l’ANI ?
Le contexte :
Nicolas Sarkozy avait lancé en janvier 2012 une négociation baptisée « accords
compétitivité-emploi». Les négociations n’ayant pas abouti dans le délai de deux mois
fixé, les syndicats ont décidé le 16 mai du report de cette négociation dans l’attente
de rencontrer le nouvel exécutif. Lors de la conférence sociale, Jean-Marc Ayrault
déclare : « La négociation compétitivité-emploi, mal engagée, n’est plus à l’ordre du
jour ».
La Loi relative à la Sécurisation de l’emploi, destiné à transposer les dispositions
de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, instaure des
modifications profondes dans le fonctionnement de l’entreprise et met la fonction RH
au cœur de son application. Ce qui laisse présager des tensions d’organisation dans
l’entreprise tant l’éventail des domaines d’implications est large et les budgets alloués
aux fonctions RH fortement contraints.
Dans le fond, toutefois, le texte de l’ANI a été peu modifié. Si l’on s’attache en
premier lieu aux changements pour les entreprises, puis aux changements pour les
salariés, on peut dresser une comparaison des changements de l’existant par rapport
aux propositions de l’ANI et aux dispositions de la loi promulguée le 14 juin 2013, au
travers des tableaux de synthèse suivants :
21
LES EFFETS SUR LES ENTREPRISES
Pour les
entreprises Situation antérieure ANI 2013 Loi du 14 juin 2013
1. Taxation des
CDD
Taux des contributions
patronales à l'assurance-
chômage égal à 4% de la
portion de salaire brut dans la
limite de 4 fois le plafond de la
sécurité sociale (2,4% pour les
contributions salariales).
Taux porté à 7% pour les
contrats d'une durée inférieure à
un mois ; à 5,5% pour les contrats
d'une durée comprise entre 1 et 3
mois et à 4,5% pour les contrats
d'usage inférieurs à trois mois,
autorisés dans un certain nombre
de secteurs
Prévoit uniquement la possibilité pour
les partenaires sociaux gestionnaires de
l'assurance-chômage de moduler les
cotisations, en fonction de " la nature du
contrat de travail, sa durée, le motif de
recours à ce type de contrat ".
Art 11 de la loi
Art. L.5422-12 modifié
Avenant du 29 mai 2013 à la
convention d’assurance chômage
Un avenant à la convention
d’assurance chômage fixera le montant de
ces majorations en cas de CDD de courte
durée : cet avenant doit être agréé pour une
entrée en vigueur au 1er juillet 2013.
22
2. Accords de
maintien dans
l'emploi
Possibilité de conclure des
accords d'entreprise mais sans
cadre légal.
Durée maximale de deux
ans.
Accord majoritaire.
L'accord du salarié est nécessaire.
Engagement de l'employeur à ne
procéder à aucune rupture pour
motif économique des contrats
des salariés concernés durant la
validité de l'accord.
Principe de sanction en cas de
non-respect des engagements de
maintien de l'emploi
Interdit toute baisse du salaire mensuel
pour les rémunérations n'excédant pas 20 %
au-dessus du SMIC.
Clause pénale qui s'appliquera " lorsque
l'employeur ne respecte pas les engagements
de maintien de l'emploi et donnera lieu au
versement de dommages et intérêts aux
salariés lésés".
Dans les entreprises sans délégués syndicaux,
possibilité de conclure de tels accords avec
des représentants du personnel ou à défaut
avec des salariés mandatés par une
organisation syndicale représentative dans la
branche.
En cas de refus du salarié, licenciement
individuel pour motif économique qui ouvre
droit aux mesures d'accompagnement prévu
par l'accord.
Art. 17 de la loi
Art. L.5125-1 à L.5125-7
Applicable dès le 17 juin
23
3. Temps
partiels
Pas de durée minimale.
Le nombre d'heures
complémentaires ne peut être
supérieur au dixième de la durée
hebdomadaire ou mensuelle de
travail prévue par le contrat. Mais
un accord de branche étendu,
une convention ou un accord
d'entreprise ou d'établissement
peut augmenter le nombre
d'heures complémentaires
(jusqu'à 1/3 de la durée prévue
au contrat), donnant lieu à une
majoration de salaire de 25 %.
A compter du 1er janvier
2014, la durée minimale d'activité
serait fixée à 24 heures par
semaine.
Les heures effectuées au-delà
seront majorée de 10% (pour les
deux ou trois premières heures),
puis de 25% les suivantes.
Possibilité de déroger à cette règle
par accord de branche, sur
demande écrite et motivée du
salarié ou pour les jeunes de
moins de 26 ans poursuivant des
études.
Avec deux garde-fous : les heures
ajoutées doivent être majorées de
25% et un salarié ne peut pas
conclure plus de huit avenants à
son contrat de travail (hors les cas
de remplacement) par an.
Précise les modalités de dérogation.
Deux cas sont prévus : la demande écrite et
motivée du salarié ou un accord de branche.
Ce dernier ne pourra toucher à la
rémunération minimale des heures
complémentaires. En revanche, il pourra
modifier la durée minimale hebdomadaire à
la condition d'apporter " des contreparties ".
En outre, les entreprises devront proposer aux
salariés concernés un emploi du temps
organisé autour de journées ou demi-journées
régulières ou complètes afin de permettre le
cumul avec un autre emploi.
Art.12 de la loi
Art. L.3123-14-1 à L.3123-14-5 nouveaux
du Code du travail et Art. L.3123-17 modifié du
Code du travail
A compter du 1er janvier 2014.
Négociation de branche :
Art 12 de la loi
Art. L.2241-13 /Art. L.3123-19 /Art.
L.3123-25
Les branches qui occupent au moins
1/3 de leurs effectifs à temps partiel doivent
ouvrir des négociations avant le 14 septembre
2013 sur ce thème
24
4. Mobilité
interne
Possibilité pour un salarié
de refuser une mobilité interne
proposée par son employeur si
son contrat de travail ne le
mentionne pas.
Obligation de négociation
triennale.
Le salarié est tenu d'accepter si un
accord d'entreprise le prévoit.
Salaire et qualification doivent
rester inchangés.
C'est aux organisations syndicales
de fixer les limites d'une telle
mobilité. En cas de refus, le salarié
sera licencié pour motif personnel.
Plus d'obligation de négocier.
L'employeur " peut engager une négociation
".Les cas de recours précisés, à savoir " dans le
cadre de mesures collectives d'organisation
courantes sans projet de réduction d'effectifs
". Obligation de respecter "la vie personnelle
et familiale du salarié"
Parmi les mesures d'accompagnement,
la " participation de l'employeur à la
compensation d'une éventuelle perte de
pouvoir d'achat et aux frais de transport".
En cas de refus du salarié, son " licenciement
repose sur un motif économique " : il y a une
obligation de mesures d'accompagnement et
de reclassement mais il n'y a pas de
déclenchement de plan social.
5. Effets de
seuil
Délais existants En cas de franchissement
du seuil de 11 à 50 salariés,
l'employeur disposera d'un délai
de 90 jours suivant le jour
d'affichage pour organiser les
élections professionnelles.
En cas de franchissement du seuil
de 50 salariés, l'employeur aura un
an pour se conformer aux
obligations d'information et de
consultation du CE.
Inchangé
25
6. Mobilité
externe
"sécurisée"
Prévu uniquement dans le
cadre d'un congé de mobilité
externe, proposé par l'employeur
en cas de difficultés
économiques; d'un congé sans
solde ; d'un congé de création
ou de reprise d'entreprise.
A l'initiative du salarié
travaillant dans une entreprise ou
groupe de 300 salariés et plus et
justifiant d'une ancienneté
minimale de 24 mois, consécutifs
ou non.
Contrat de travail suspendu.
L'avenant du contrat de travail du
salarié doit prévoir les modalités de retour
anticipé dans son entreprise d'origine " dans
un délai raisonnable ". Il retrouve son emploi
ou un emploi similaire, assorti d'une
qualification et d'une rémunération au moins
équivalentes.
Article 6 de la loi
Art. L.1222-12 à L.1222-16 nouveaux du Code du
travail
Applicable dès le 17 juin/Décret du Conseil
d'État
7. Consultation
des instances
représentatives
du personnel
Modalités différentes Base de données
économiques et sociales unique
(investissements, fonds propres,
endettement, éléments de
rémunération des salariés et
dirigeants) pour les entreprises de
300 salariés et plus, à réaliser dans
l'année (deux ans pour les autres)
qui suivra la promulgation de la loi.
Nouvelle consultation sur les
options stratégiques possibles de
l'entreprise et leurs conséquences
sur l'activé, l'emploi, l'évolution des
métiers et des compétences.
Consultation sur les orientations
stratégiques de l'entreprise. Obligation
d'informer et de consulter le CE sur l'utilisation
du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE),
avant le 1er juillet de chaque année. Ou les
DP dans les entreprises de moins de 50
salariés.
26
8. Consultation
du CE en cas
de
licenciement
économique
En théorie, le délai dont
dispose l'expert du CE pour
adresser sa première série de
demande d'informations à
l'employeur est de 21 jours.
L'employeur doit lui répondre
dans un délai de 15 jours. Mais
en réalité, absence de maîtrise
de la procédure.
Encadrement de la
procédure de consultation. Avec
de nouveaux délais : il passe à 10
jours pour l'expert du CE ; et à 8
jours pour l'employeur.
Inchangé
9. Procédures
licenciements
économiques
Les PSE peuvent faire
l'objet d'un recours devant un
tribunal de grande instance.
Deux options pour élaborer
son PSE: soit un accord collectif
majoritaire, soit un document
unilatéral de l'employeur.
Dans le second cas, la procédure
doit être homologuée par la
direction régionale du travail (la
Direccte). Elle se déroulera en
aval de la consultation du comité
d'entreprise. L'administration aura
21 jours pour réagir.
Pour fixer l'ordre dans lequel les
salariés sont licenciés, le chef
d'entreprise aura la possibilité de "
privilégier la compétence
professionnelle ".
Dans les deux cas, les procédures sont
homologuées par la direction régionale du
travail pour apprécier leur régularité et " la
conformité de leur contenu " au regard des "
moyens " dont dispose l'entreprise ou le
groupe. Son silence vaut acceptation.
En cas d'accord unilatéral, le contrôle de
l'administration sera plus conséquent qu'en
cas d'accord où le délai de réponse sera de
15 jours. En amont, l'employeur informe
l'administration du projet de licenciement
collectif, il doit préciser son intention ou non
d'ouvrir des négociations.
En cas de refus de validation ou
d'homologation, l'employeur pourra reprendre
son projet et présenter une nouvelle
demande. Sinon, c'est le tribunal administratif
qui tranchera les éventuels contentieux.
Art 18 de la loi
Art. L.1233-22, L.1233-23, L.1233-24 modifiés,
L.1233-24-1 à L.1233-24-4 nouveaux
Art. L.1233-57-1 à L.1233-57-8 nouveaux
Applicable à compter du 1er juillet 2013
27
10. Notification
des
licenciements
Jusqu'à présent, le Code
du travail prévoit plusieurs délais
selon la taille du licenciement
(début du préavis) : 30 jours
lorsque le nombre de
licenciements est inférieur à 100 ;
45 jours lorsque le nombre de
licenciements est au moins égal
à 100 et inférieur à 250 ; 60 jours
lorsque le nombre de
licenciements est au moins égal
à 250. Ces délais peuvent par
ailleurs être prolongés en cas de
recours à l'expert-comptable.
Prévoit de nouveaux délais,
en fonction du nombre de salariés
concernés : deux mois de 10 à 99
salariés trois mois de 100 à 249
salariés quatre mois à partir de 250
salariés concernés.
Inchangé
*Source : « De l'ANI à la loi sur l'emploi: les 15 mesures qui bouleversent le Code du travail » - l’entrepise.l’express.fr/ressources-
humaines
29
LES EFFETS POUR LES SALARIES
Situation antérieure ANI 2013 Loi du 14 juin 2013
11.
Complémentaire
santé
Aucune obligation Obligation pour les entreprises de
souscrire un contrat auprès d'un
organisme (mutuelle, assurance,
institution paritaire...) pour proposer à leur
personnel une couverture collective
avant le 1er janvier 2016.
Liberté de choix de leur assureur,
interdisant le recours aux clauses de
désignation.
Clauses de désignation pouvant être
prévues par les branches.
Renforcement des " conditions de
transparence, d'impartialité et d'égalité de
traitement des candidats " dans les appels
d'offres des branches.
12.
Portabilité des
droits
Durée de neuf mois pour la
couverture de frais de santé et de
prévoyance
Durée portée à 12 mois Inchangé
13. Compte
personnel de
formation
Non prévu Transférable d'une entreprise à
l'autre, ce compte est alimenté par le DIF
(Droit individuel à la formation). Mais sans
possibilité de monétisation.
Comptabilisé en heures, "
intégralement transférable ", outre les heures
de DIF, il peut être abondé aussi " notamment
par l'Etat ou la région ".
Art 5 de la loi
Art. L.6111-1 modifié du Code du travail
La loi fait entrer le CPF dans le Code du travail, mais
il faudra déterminer ses modalités de mise en
œuvre dans le cadre de la réforme de la formation
professionnelle :
- Avant le 1er Juillet 2013/ Concertation
quadripartite menée par J.M Marx : Etat-Régions-
syndicats-patronat
- Avant le 1er janvier 2014 / Négociation
d’un ANI
- 2014 : Loi sur la formation et
l’apprentissage
30
14. Droits
rechargeables
Non prévu Création des droits rechargeables
à l'assurance-chômage, conditionnée à
la réalisation d'études d'impact
préalables. Et discutée lors de la
négociation de la convention Unedic,
prévue à l'automne.
Le principe est acté, sans condition
Art 10 de la loi
Art. L.5422-2-1 nouveau du Code du travail
Cette nouvelle convention devrait
s’appliquer à compter du 1er janvier 2014, la
convention du 6 mai 2011 arrivant à échéance le
31 décembre 2013.
15.
Contentieux et
litiges
Tout licencié pour motif
économique a le droit de contester
son licenciement devant le conseil
des Prud'hommes, dans un délai de
12 mois (si précisé dans notification
de licenciement) ; à défaut cinq
ans.
Délai de contestation réduit à 24
mois.
Toute demande devant les Prud'hommes
devra être portée devant le bureau de
conciliation dans les deux mois suivant le
dépôt.
Toute action portant sur l'exécution ou
la rupture du contrat de travail se prescrit " par
deux ans à compter du jour où celui qui
l'exerce a connu ou aurait dû connaître les
faits lui permettant d'exercer son droit"
Art. 21 de la loi
Art. L.1235-1 modifié du Code du travail
Barème fixé par décret
*Source : « De l'ANI à la loi sur l'emploi: les 15 mesures qui bouleversent le Code du travail » - l’entrepise.l’express.fr/ressources-humaines
32
CONTRAT DE TRAVAIL, EVOLUTION PROFESSIONNELLE ET SECURISATION
DES PARCOURS
L’emploi et ses rigidités
Les 30 dernières années du XXe siècle ont étés marquées par une très forte
inflation des règles du droit du travail visant à protéger le salarié et l’emploi.
La relation de travail n’est pas un contrat synallagmatique comme un autre
puisqu’il induit un lien de subordination juridique du salarié envers son employeur. Le
droit du travail a mis en place des règles permettant de protéger le salarié dans le
cadre de ce contrat qui, initialement, le place dans une position d’infériorité face à
l’employeur.
En 1973, le législateur instaure une obligation de justifier de l’existence d’une
cause réelle et sérieuse pour licencier un salarié en CDI. Cette règle crée les conditions
d’une certaine stabilité du CDI. Ceci va marquer un réel changement dans le recours
au CDD : les entreprises préfèrent utiliser des CDD car, une fois le terme du contrat
atteint, elle est en effet en mesure de se séparer du salarié sans le risque (ou peu
probable) qu’il le poursuive aux prud’hommes.
En 1982, Le législateur durcit les conditions de conclusion d’un CDD afin d’en
limiter son recours. Le CDD devient un « mode exceptionnel d’embauche ». Cette date
marque le début de la dualité entre le CDI qui représente un emploi stable et le CDD
qui représente un emploi « précaire ».
Suite aux crises successives, la question de la sécurité de l'emploi devient de plus
en plus importante. L'enjeu est de maintenir le travailleur dans l'emploi sans interruption
durable, peu importe qu'il soit mis au service de plusieurs employeurs successifs avec ou
non la signature de plusieurs contrats de travail.
Les dernières lois mises en place n'ont fait que protéger les salariés déjà en poste
sans encourager la mobilité inter-entreprises ou les reconversions professionnelles.
C’est le cas par exemple, des accords GPEC qui instaurent l’obligation de
négocier tous les 3 ans sur un dispositif de gestion prévisionnelle de l’emploi et des
compétences ainsi que sur les mesures d’accompagnement susceptibles de lui être
associées.
Cependant, cet accord est très critiqué car il est triennal. Il ne permet donc pas
d’anticiper totalement les besoins survenus pendant les trois ans suivants sa signature.
De plus, en période de crise économique, il risque d’être utilisé par les entreprises
uniquement dans le sens de la mobilité externe en vue de réduire les effectifs.
D’autres lois ont essayé d’encadrer les licenciements économiques afin que l’on
ne puisse licencier un salarié qu’après lui avoir proposé des formations et des actions
d’adaptation et vérifié qu’on ne pouvait le reclasser sur un autre emploi (le cas
échéant, dans les entreprises du groupe).
33
Aujourd’hui, les entreprises ont besoin de s’adapter rapidement à leur
environnement économique de plus en plus incertain et à un environnement législatif
très rigoureux ne leur permettant pas d’adapter rapidement la production aux
demandes du marché. Le MEDEF regrette cette rigidité du code du travail et demande
de manière récurrente une révision de celui-ci pour plus de flexibilité. Celle-ci
permettrait d’après lui de relancer la croissance et l’emploi.
Au cours de la dernière décennie, plusieurs lois ont eu pour objet de relancer
l’emploi tout en conservant « la sécurité de l’emploi à la française ». C’est le cas des
Lois TEPA (2007 : Travail, Emploi et Pouvoir d’Achat), POPA (2008 : Pour le Pouvoir
d’Achat) et MOTRA (2008 : rupture conventionnelle). Cependant, ces lois qui ont eu
pour ambition de relancer la croissance ont eu un impact très limité sur celle-ci et sur
l’emploi. Elle ne satisfait donc ni les salariés, ni les employeurs.
Ainsi, nous pouvons constater que malgré les différentes lois sur la formation et la
GPEC, les objectifs d'évolution professionnelle tout au long de la carrière et de la
sécurisation des parcours professionnels ne sont pas atteints.
L’évolution professionnelle
Le premier emploi est déterminant pour l’évolution de la carrière professionnelle.
Plusieurs critères sont à prendre en compte :
Le type de contrat : les personnes en emploi précaire éprouvent de grandes
difficultés à trouver un emploi stable
Le type d’emploi : est déterminant pour la suite de la carrière : les opportunités
de mobilité externes seront plus nombreuses pour les salariés positionnés sur des emplois
valorisants à fortes responsabilités
Le revenu : la crainte d’une perte de rémunération peut également être un frein
à la mobilité externe.
Une grande partie de l’évolution professionnelle peut se faire au sein de
l’entreprise. Or, aujourd’hui, le tissu économique français est principalement constitué
de PME qui ont beaucoup de difficultés à élaborer un plan de formation. Les
contraintes rencontrées par les PME et TPE sont donc principalement liées à la gestion
des ressources humaines. Peu de personnes au sein de l’entreprise maitrisent le système
complexe de la formation et des relations avec les OPCA. Il faut ajouter à cela la
difficulté à remplacer le personnel en formation. De plus, ces entreprises n’offrent pas
toujours une évolution professionnelle à leurs salariés du fait de leur taille. La formation
peut être une occasion pour les salariés d’envisager une mobilité externe, au risque
pour l’entreprise de les voir la quitter.
Pour répondre aux difficultés rencontrées par les PME, la réforme du 24
novembre 2009 propose deux types d’actions pour les inciter à former :
• Elargir la mission des OPCA à la mise en place de service de proximité à
l’intention particulière de ces structures.
• Introduire un nouveau dispositif : la POE (Préparation Opérationnelle à
l’Emploi) c’est une formation d’un demandeur d’emploi suite à un recrutement.
34
Cependant nous pouvons constater que cette loi n'a pas ou peu permis le
développement de la formation au sein des PME et TPE.
Des pistes de réflexion
A la demande du gouvernement, plusieurs rapports sont parus, mais leurs
préconisations n’ont jamais été mises en place. Quelques-uns semblent néanmoins
intéressants : c’est le cas du rapport Boissonnat qui propose un « contrat d’activité »
conclu entre un salarié et un collectif d’entreprises. Cet engagement permet de signer
un contrat de travail avec des sous-contrats dans différentes entités. Le salarié a donc
une plus grande sécurité et ce type de contrat permet de répondre à des besoins
précis et ponctuels des entreprises membres de ce collectif.
D'autres actions ont étés expérimentées sur certains territoires de l’hexagone.
C’est le cas de l’ingénieur conseil qui a un rôle de facilitateur pour mettre en relation
les entreprises avec Pôle emploi ou les OPCA. C’est un acteur clé car il est le seul
interlocuteur entre l’employeur, les OPCA et Pôle emploi. Cette expérience s'est avérée
très concluante.
D’autres préconisations concernent la mobilité interbranches visant à
développer la communication entre ces dernières afin de leur permettre de s’adapter
aux évolutions du marché de l’emploi. L’objectif est d’ajuster les besoins pour faciliter
les mouvements de travailleurs entre les branches en expansion et celles qui subissent
la crise de plein fouet.
L'Etat doit permettre à l'ensemble des acteurs économiques de se comprendre
et d'avancer ensemble. Mais les outils mis en place ne répondent pas pleinement à
cette logique, du fait de leur complexité réglementaire et de la difficulté d'application
dans les entreprises (circuit de formation, CDD, CDI etc.).
Aujourd'hui comme demain, l'enjeu réside dans le développement des
compétences des salariés en vue de sécuriser leurs trajectoires professionnelles.
Il s’agit aussi de leur permettre d’acquérir un capital de compétences
transversales pour répondre aux besoins urgents de flexibilité.
L'accord national interprofessionnel signé le 11 janvier 2013 par la CFDT, la CFTC,
la CFE-CGC et toutes les organisations patronales, la LOI n° 2013-504 du 14 juin 2013
relative à la sécurisation de l'emploi relèvent-ils ces nombreux défis ? Ces textes
répondent-ils réellement aux attentes des salariés et des employeurs? Réussiront-ils à
relancer l'emploi, tout en sécurisant les trajectoires professionnelles? Le débat est
ouvert.
35
GPEC, FLEXIBILITE ET SECURISATION DE L’EMPLOI ET DES PARCOURS
Face à un environnement concurrentiel en constante innovation, les entreprises
doivent en permanence adapter leurs organisations et leurs activités pour préserver
leur compétitivité. Afin de mieux accompagner les orientations stratégiques de
l’entreprise, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doit en parallèle
être prise en compte pour préparer l’avenir : dans quelles mesures les entreprises
parviennent-elles à utiliser la GPEC pour agir sur les parcours professionnels de leurs
salariés ?
La définition la plus répandue, du moins dans le milieu juridique est celle de
Dominique Thierry et Christian Sauret de l’Institut Développement et Emploi : « La
gestion prévisionnelle et préventive des emplois et des compétences, est la
conception, la mise en œuvre et le suivi de politiques et de plans d’actions cohérents
visant à réduire de façon anticipée les écarts entre les besoins et les ressources
humaines de l’entreprise (en termes d’effectifs et de compétences) en fonction de son
plan stratégique et impliquant le salarié dans le cadre d’un projet d’évolution
professionnelle ».
Conscientes des limites des méthodes et des outils prévisionnels actuels, les
entreprises souhaitent accentuer leurs efforts d’anticipation, en y associant plus
étroitement les partenaires sociaux afin de faire de la GPEC l’élément central de
gestion des ressources humaines. Pour ce faire, elles doivent identifier leurs besoins à
court, moyen et (si possible) long terme, les rapprocher de leurs ressources disponibles,
en tenant compte des caractéristiques et des attentes des populations concernées.
Des mesures d’accompagnement associées
au dispositif de GPEC
Plusieurs outils permettent aujourd’hui à l’entreprise de mesurer les compétences
des salariés et de développer une visibilité de l’impact des évolutions économiques,
technologiques, démographiques sur les métiers et compétences requises.
Parcours professionnel
La GPEC étudie les évolutions des métiers et permet aux salariés d’avoir une
meilleure connaissance de leurs capacités professionnelles et du devenir de leurs
emplois. Outil majeur pour faciliter les évolutions de carrière internes ou externes,
choisies ou acceptées, la GPEC permet de disposer de points de repère dans la
gestion des parcours professionnel.
Formation
Mesure phare de la GPEC, le volet formation s’est étoffé. La VAE, le bilan de
compétences, le CIF et le DIF, les contrats et périodes de professionnalisation sont les
principaux dispositifs de formation prévus par les accords.
Entretien professionnel
36
L’entretien annuel est un outil de gestion prévisionnelle permettant de réguler
efficacement les relations entre les collaborateurs et les encadrants. Il donne lieu à un
échange voire une négociation entre l’employeur et le salarié sur le devenir
professionnel de ce dernier et les moyens de le réaliser en fonction des possibilités de
l’entreprise et des compétences et aspirations du salarié.
Mobilité
La GPEC sécurise la mobilité en donnant une vision des métiers et des
compétences nécessaires à l’évolution de l’entreprise et en orientant les salariés vers
des emplois ayant une stabilité plus affirmée. De plus, par les analyses de l’évolution
des métiers, elle permet de définir et d’orienter les flux de mobilité des emplois à
l’avenir incertain vers des emplois plus sûrs dans la durée, d’autant plus qu’elle définit
également les moyens attribués aux salariés afin de développer leurs compétences
pour accompagner cette mobilité.
La mobilité interne au cœur de la GPEC ?
Pourquoi ? Tout simplement parce que la mobilité interne répond à des objectifs
similaires à ceux de la GPEC.
En effet, il est question de développer le capital des compétences dont dispose
l’entreprise, enrichir les parcours professionnels des salariés, promouvoir la mobilité
transversale et internationale, donner aux salariés des moyens nouveaux d’être acteurs
de leur évolution professionnelle, privilégier les possibilités de mobilité interne avant
d’envisager un recrutement externe, donner les clés et les outils au management pour
anticiper l’évolution de leurs collaborateurs, accroître la qualité de la mobilité :
raccourcissement des délais de pourvoi des postes, élargissement pour le hiérarchique
de l’éventail des candidats et repositionnement de la fonction RH sur sa valeur ajoutée.
En outre, nous constatons que les entreprises s’emparent de plus en plus de la
GPEC pour agir sur les parcours professionnels des salariés ;
- Parce qu’elle permet à chaque salarié d’être acteur de son parcours
professionnel ;
- Parce qu’elle réconcilie les salariés avec la valeur du travail (leur utilité au
sein de l’entreprise est clairement identifiée) ;
- Parce qu’elle propose une co-responsabilité dans l’atteinte des objectifs.
et par là une croissance durable ;
- Parce qu’elle fédère les équipes inter-générations (tutorat) ;
- Parce qu’elle permet à chaque employé d’anticiper ses évolutions
professionnelles et de s’y préparer avec un certain recul.
Les entreprises peuvent organiser la gestion de la mobilité interne comme bon
leur semble. C’est pourquoi elles en ont fait un outil de gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences.
Toutefois une mobilité interne, un changement de parcours ne doit pas
s’apparenter à une contrainte pour le salarié. En effet, Amélie NOTAIS et Véronique
PERRET avancent : « bien que la mobilité verticale de nature promotionnelle reste le
37
‘must’ convoité par tout salarié, les pratiques contemporaines s’en écartent ;
fréquemment horizontale ou environnementale, la mobilité interne s’avère également
de plus en plus contrainte ». De plus, L’Enquête Mobilité 2011 réalisée par l’APEC a
révélé que, sur son panel de cadres ayant vécu une mobilité interne en 2010, 42%
estiment que ce changement professionnel leur a été imposé. Par conséquent, la
mobilité doit se faire avec le salarié afin d’instaurer une véritable relation gagnant-
gagnant.
La flexibilité, intrinsèquement liée à la
GPEC.
Depuis quelques années, la flexibilité s’invite dans les politiques RH de toutes les
entreprises françaises.
Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter ou réagir le plus rapidement
possible à des aléas, des conjonctures ou des contextes de moins en moins prévisibles ?
Dans le domaine des Ressources Humaines, la flexibilité constitue un pan
incontournable de la GPEC et permet de jouer sur des paramètres tels que la présence
des individus, leur disponibilité, leur affectation, leur compétence, leur contrat de
travail, leur statut…
Quelle flexibilité ?
La littérature à propos de la flexibilité est très riche et la plupart des publications
opposent la flexibilité interne à la flexibilité externe, mais Christophe Everaere propose
un angle d’approche différent en opposant flexibilité qualitative à flexibilité
quantitative. Dans son article « Flexibilité appliquée aux ressources humaines.
Compatibilités et Contradictions », il expose les différents types de flexibilité et pose la
question de leur compatibilité.
On peut, selon lui, envisager les dispositifs de flexibilité selon deux critères :
interne (CDI) ou externe (Marchand) et qualitatif (stable) ou quantitatif (instable).
Lorsque l’on parle de flexibilité interne, il s’agit de toutes les formes de flexibilité
pouvant s’appliquer à des personnes en CDI au sein d’une entreprise. On peut citer par
exemple le temps de travail (horaires décalés, heures supplémentaires, temps
partiel…), les lieux (télé travail, mobilité géographique…), le travail (élargissement des
tâches), le métier (reconversion), la valeur ajoutée (savoir-faire, autonomie…).
En revanche, la flexibilité externe désigne les travailleurs attachés à l’entreprise
par un lien marchand tels que les intérimaires, les CDD, les sous-traitants,
l’externalisation…
En revanche, les dimensions qualitatives et quantitatives s’attachent d’avantage
à l’aspect de la stabilité des travailleurs qu’au type de lien qui les unissent à l’entreprise.
Dans cette optique, l’intérim, les CDD de moins de 3 mois, ainsi que les aménagements
de temps de travail et le télétravail constituent des formes de flexibilité quantitative car
38
elles génèrent de l’instabilité pour ces travailleurs mais également dans l’entreprise.
Alors que les reconversions via des actions de formation, la création de valeur ajoutée
mais aussi l’externalisation via des contrats pluriannuels, sont associés à une flexibilité
qualitative, perpétuant une stabilité pour les travailleurs et pour l’entreprise.
La meilleure forme de flexibilité qu’une entreprise puisse utiliser selon l’auteur, est
à la fois interne et qualitative, ce qui l’amène à évoquer le concept de compétence
collective. Il s’agit de ce qui se joue entre les individus autour d’un objectif commun et
à travers une confiance mutuelle. « La coopération, l’entraide, la solidarité,
l’intelligence collective constituent des paramètres cruciaux de l’adaptabilité globale
des entreprises », et tous ces éléments ne peuvent naître que d’un environnement
offrant un minimum de stabilité.
L’auteur évoque deux profils types liés à ces formes de flexibilité. A la flexibilité
quantitative correspondent des travailleurs peu qualifiés, sans responsabilités, peu
autonomes et isolés dans le travail, à la rémunération faible et aux conditions de travail
dégradées. A la flexibilité qualitative correspondent des individus aux niveaux d’étude
et aux compétences élevés, titulaires d’un contrat de travail stable et d’une
rémunération intéressante. En termes de gestion des compétences, l’incompatibilité
majeure entre une flexibilité interne qualitative et une flexibilité plus quantitative ou
instable viendrait essentiellement de l’existence de ces deux types de travailleurs et de
leurs objectifs divergents. Les dispositifs de flexibilité quantitative se trouvent quasiment
substituables alors qu’il est très difficile de concilier une flexibilité quantitative et une
flexibilité qualitative. En conclusion l’auteur souligne que « les entreprises qui privilégient
une flexibilité qualitative, en considérant leurs ressources humaines comme un
investissement dans lequel il convient d’investir à long terme, dans une logique
gagnant-gagnant, sont celles qui enregistrent les meilleurs résultats sociaux et
économiques ».
Cet article nous incite à penser la flexibilité, non pas de manière uniforme, mais
comme un outil de la GPEC aux multiples facettes qui doit être réfléchi et adapté aux
politiques d’entreprise selon des axes stratégiques, prenant en compte ses différentes
conséquences possibles à la fois sur les salariés et sur l’environnement professionnel de
l’entreprise.
Nous avons vu que la GPEC dispose d’une palette d’outils riches et variés tels
que la gestion des parcours professionnels, les actions de formation, les entretiens
professionnels, la mobilité… Les entreprises se sont progressivement appropriées ces
différents outils afin d’optimiser l’adéquation de leurs besoins et de leurs ressources
humaines, au moment présent mais aussi dans la durée. Tous ces outils sont
interconnectés et servent de plus en plus une démarche de flexibilité.
39
Du bon usage de la GPEC
L’évolution du contexte économique a orienté la GPEC vers un objectif
d’adaptation de plus en plus rapide des organisations. Mais cette flexibilité si convoitée
a ses limites, notamment du fait de ses conséquences sur les collaborateurs. A leurs
yeux, elle est souvent synonyme de conditions de travail imposées et dégradées, de
stagnation et de ruptures professionnelles. C’est la raison pour laquelle les négociations
autour des derniers ANI se cristallisent autour de cette notion de flexibilité : les
collaborateurs attendent de la part des entreprises une plus grande prise en compte
de leur évolution professionnelle et de leur employabilité. Cette utilisation de la GPEC
favorisant une gestion de carrière individualisée dans le sens d’une montée en
compétences du salarié est de plus en plus valorisée par les professionnels RH, qui la
jugent également vertueuse pour l’entreprise.
40
SECURISATION DE L’EMPLOI ET VALORISATION DES TRAJECTOIRES
PROFESSIONNELLES
Dans le contexte général que connait le pays avec notamment un taux de chômage
qui atteint un seuil inquiétant, la valorisation des trajectoires professionnelles et la
sécurisation des emplois est un sujet au cœur des préoccupations de l'ensemble des
acteurs économiques, financiers et sociaux.
La sécurisation des emplois a pour vocation première de permettre aux
employés, de toutes catégories socio-professionnelles de pouvoir se maintenir en
fonction ou évoluer au sein des entreprises .Ces changements doivent pouvoir s'exercer
soit par la mobilité interne ou externe, soit par la démarche de GPEC sans pour autant
compromettre la pérennité de l'emploi acquise et mettre l'employé en difficulté voire
en échec.
Mais qu'en est-il réellement de cet objectif de sécurisation de l'emploi en France
? En est-il de même chez nos voisins Européens ? Ces objectifs de valorisation et de
sécurisation peuvent-ils être atteints dans l'état actuel des politiques d'emploi ?
La sécurisation des trajectoires
professionnelles : état des lieux
Les trajectoires professionnelles sont souvent marquées par des périodes de
chômage. Plusieurs critères influent sur ces périodes non travaillées, critères tels que le
niveau de diplôme, l'ancienneté ou encore l'âge. De plus, ces périodes sont souvent
mal vécues par les chômeurs, ce qui peut provoquer des situations d'enfermement, ou
plus gravement de perte d'identité.
Nos voisins européens ont, en moyenne, un taux de « nouveaux chômeurs » par
an inférieur à celui de la France. Cette différence est d'autant plus marquée chez « les
personnes en CDD puisque 18% des salariés en CDD une année donnée sont au
chômage l'année d'après, contre environ 4% pour les CDI (Junod, 2005). Les fins de
CDD constituent par ailleurs la cause la plus importante des sorties de l'emploi dans les
entreprises de plus de dix salariés (54% selon la DARES, 2011) ». Le passage du chômage
vers l'emploi est également plus lent en France, 32% entre 2000 et 2001 en comparaison
à une moyenne européenne de 41% sur ces mêmes dates. Au sein de l'Union
européenne cette étude illustre que la France se place en 13ème position concernant
le retour à l'emploi.
De plus, d'après l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement
Economiques), les 25-54 ans mettent en moyenne 16,7 mois pour retrouver un emploi
alors que la moyenne établie dans les pays de l'OCDE est de 12.2 mois.
De même, la précarité est d'autant plus marquée en France puisque, seul 34%
des salariés en CDD trouvent des emplois en CDI au bout d'un an, et 54% au bout de 3
ans. La France se situe au 11ème rang européen concernant les emplois précaires.
(14,5% en 2000).
41
Il semblerait que malgré les efforts de l'Etat en matière de formation, ceux-ci
bénéficient peu aux salariés les moins qualifiés ; en effet d'après l'étude, « les ouvriers
non qualifiés d'une entreprise de moins de 20 salariés ont 30 fois moins de chances de
se former qu'un cadre d'une grande entreprise de plus de 2000 salariés".
Les résultats médiocres de la France en comparaison avec ses voisins européens
en termes de retour à l'emploi s'expliquent également par le rapport des Français à
celui-ci. Les salariés Français, malgré leurs aspirations à une amélioration de leurs
conditions de travail et à une forte mobilité se montrent plus sédentaires et se résignent
finalement à l'emploi occupé.
On constate aujourd'hui un décalage entre les stratégies d'entreprises qui
favorisent la mobilité externe alors que les effets du vieillissement démographique et
des évolutions technologiques plaideraient plutôt en faveur d'une politique de
fidélisation et de développement des compétences comme levier de sécurisation.
La mobilité outil de sécurisation des
emplois ?
Ces dernières années, la place de la mobilité dans la sécurisation des parcours
professionnels joue un rôle important. Celle-ci se trouve plus ou moins facilitée par de
nombreux facteurs et notamment la nature de l'emploi occupé précédemment qui
impacterait sur la possibilité de mobilité.
Dans l'étude de BRUYERE et LIZE (2003), les auteurs illustrent qu'en fonction du
type de mobilité, la sécurité de l'emploi est plus ou moins facilitée et avantageuse.
Tout d'abord, la « non-mobilité » choisie ou subie, ne semble pas être très
adaptée à une augmentation des revenus. En effet, l'enquête réalisée entre 1998 et
2003, démontre que chaque année, 20 à 30 % des salariés restant au poste voient leur
rémunération baisser. Cette baisse résulterait pour partie des primes (13 % de la
rémunération) tandis que « le salaire de base présente des caractéristiques habituelles
de fixité. ».
Cet effet, conforte les résultats de Duhautois en 2006 ou de Kalleberg et
Maasteca en 1998 : la probabilité de quitter une entreprise est inversement
proportionnelle à sa taille. Cette étude nous propose une comparaison entre les deux
types de mobilité.
Toujours d'après l'étude réalisée entre 1998 et 2003, par BRUYERE et LIZE, les
salariés stabilisés chez un employeur ont 25,6 % plus de chances de maintenir ou
d'augmenter leurs revenus par rapport aux salariés privilégiant la mobilité externe.
Concernant cette dernière, comme le présentent les auteurs, seuls les cadres
supérieurs et les salariés du secteur public parviennent à garantir une augmentation ou
un maintien de leurs revenus.
Il semblerait, selon cette étude, que les cadres les plus diplômés soient plus
enclins à la mobilité interne, et de ce fait, comme on l’a vu précédemment, à une
augmentation de salaire plus significative. Ce qui ressort principalement de cette
étude, c’est l'intérêt plus accentué pour la mobilité interne par rapport à la mobilité
externe lié à des éléments rassurants pour la sécurisation des emplois et notamment la
42
rémunération. La présente étude révèle également qu'il existe une discordance entre
la volonté de l'Etat de faire de la formation l'outil de l'égalité des chances face à
l'emploi, et l'inégalité persistante, les salariés de faible qualification restant les plus
vulnérables à la précarité.
Les développements qui précèdent nous questionnent sur les méthodes
d'anticipation des ressources humaines utilisées pour en arriver à des résultats
insatisfaisants. Des études font émerger des décalages importants entre l'objectif de
sécurisation et les outils mis en avant par les entreprises.
La dynamique prospective associée à la
dynamique prévisionnelle
La sécurisation des emplois amène l'entreprise à se responsabiliser sur l'évolution
de ses emplois et compétences. La GPEC a permis une première avancée sur ce sujet
mais la vision simplement prévisionnelle semble être remise en cause par
l'environnement compliqué dans lequel évoluent les entreprises françaises. La vision
stratégique réduite des entreprises amène également à intégrer plusieurs scénarios
possibles et la notion de prospective s'intègre légitimement à la démarche GPEC.
HULIN et BRILLET (2010) ont réalisé un travail de recherche qui apporte une réelle valeur
ajoutée pour les dispositifs d'anticipations des RH.
En effet, ces dispositifs sont trop souvent évoqués comme instrumentaux en
estimant qu'il n'existe qu'une "bonne et seule façon de faire les choses". Or le contexte
actuel exige justement de désinstrumentaliser ces dispositifs pour réfléchir au-delà de
l'entreprise et REBIFFE suggère même qu'il faut "oser penser la gestion de carrière des
salariés, au-delà des murs de l'entreprise dans une dynamique territoriale, au niveau de
l'ensemble des entreprises d'un bassin, en concertation avec les organisations
syndicales".
Ce dernier élément parait cohérent avec l'objectif de sécurisation des emplois.
C'est aller dans le sens d’une valorisation des compétences et des trajectoires
professionnelles que de penser territorialité, employabilité et surtout d'associer une
vision prospective. La notion de prospective qualifie et crée une valeur ajoutée à la
notion de prévision car elle prend en considération la dimension temporelle et le fait
que "les problèmes changent plus vite qu'ils ne se résolvent et prévoir ces changements
est plus important que de trouver des solutions qui s'appliqueraient à des problèmes
passés" oblige les professionnels RH à ne pas se contenter que de la dynamique
prévisionnelle.
Enfin, si le sujet de la sécurisation des emplois est d'actualité avec l'ANI de janvier
2013 et la loi du 4 juin de la même année, le sujet de la conduite de cette sécurisation
est beaucoup moins lisible. L'objectif est clair mais les méthodes pour l'atteindre sont
encore à définir. En effet c'est une évolution qui va devoir intégrer les nombreux
changements plus ou moins prévisibles de l'environnement de l'entreprise.
Malgré une volonté affichée des représentants d'entreprises, des politiques et
des partenaires sociaux d'assurer une sécurisation des parcours professionnels et de
réduire le taux de chômage, les résultats tardent à se faire sentir. Au-delà des intentions
nous nous questionnons sur les outils utilisés pour résoudre cette problématique
43
d'emploi. En effet, nous avons constaté que la mobilité externe par exemple est encore
loin d’être synonyme de garantie de maintien dans l'emploi. Le risque d'être confronté
à la précarité et des périodes de chômage ne légitime pas la mobilité. De plus ces
solutions restent actuellement destinées aux salariés en CDI, plus largement dans les
grandes entreprises, et rarement pour les emplois en CDD dits précaires. Cependant,
force est de constater que la GPEC est un outil de sécurisation des trajectoires
professionnelles cohérent permettant d'anticiper les ressources humaines.
Tous ces éléments suggèrent et permettent de valoriser les individus et leurs
compétences dans une dimension temporelle et donc de valoriser leurs trajectoires
professionnelles. Il s'agit là d'une réelle valeur ajoutée pour la sécurisation des emplois
en France.
44
LES COMPOSANTES DE LA SECURISATION DE L’EMPLOI
En 2005, lorsque parait le rapport du Conseil de l’emploi, des revenus et de la
cohésion sociale, dirigé par Jacques Delors, on constate que le sentiment d’insécurité
est croissant vis-à-vis de l’emploi. La montée du chômage peut expliquer, en partie, ce
ressenti. À l’inverse, les entreprises ont un besoin croissant de flexibilité pour s’adapter
aux évolutions de leur environnement et à l’élargissement de l’espace de la
concurrence.
Aujourd’hui, les échanges se sont internationalisés créant ainsi une forte
concurrence entre les entreprises, qui plus est exacerbée par la crise économique. Afin
de rester compétitives, celles-ci se voient dans l’obligation d’adopter de nouveaux
comportements à travers des stratégies de développement axées sur la flexibilité et le
management de la performance. Aussi, les leviers utilisés pour parvenir aux objectifs
stratégiques de l’entreprise reposent essentiellement sur la gestion des Ressources
Humaines et plus particulièrement des compétences de ses salariés. Ce besoin de
flexibilité accrue a, jusqu’ici, été principalement assuré par un recours croissant aux
contrats temporaires, suscitant par là même, une instabilité plus forte de l’emploi,
notamment pour les salariés les plus jeunes ou les moins anciens. Pour les plus fragiles
(candidats disposant de peu de formations ou de peu d’expérience professionnelle,
personnes peu mobiles), cette instabilité de l’emploi a débouché sur un risque élevé de
connaître la précarité de l’emploi.
Un nouveau contrat social entre salarié et
employeur
L’implication du salarié a longtemps reposé sur une relation contractuelle avec
son employeur. En effet, un engagement réciproque les liait, l’employeur offrait la
sécurité de l’emploi au salarié qui en contrepartie s’impliquait professionnellement dans
l’entreprise.
Aujourd’hui, cette relation a subi les changements conjoncturels du marché et
de l’emploi pour reposer davantage sur la notion d’employabilité. L’employabilité
constituerait à présent le substitut direct à cette perte de sécurité contractuelle.
En effet, l’employabilité serait la « capacité du salarié à s’adapter à diverses situations
de travail et à évoluer vers différents emplois à l’interne ou à l’externe de l’entreprise
sur le marché de l’emploi malgré les conditions qui affectent son environnement. Les
entreprises ont une responsabilité sociale vis-à-vis de leurs salariés et doivent mettre en
œuvre les moyens nécessaires pour développer leurs compétences et favoriser ainsi
leur capacité à « être employable ».
« L’emploi à vie » n’est plus d’actualité et n’est plus une réalité aujourd’hui.
L’entreprise ne peut plus assumer la sécurité d’emploi à ses salariés mais en
contrepartie elle leur offre la possibilité d’être « flexibles ». Il s’agit d’un nouveau modèle
de management de la performance qui se base principalement sur le développement
de compétences pas seulement liées au métier mais également de compétences clés
favorisant leur employabilité.
45
Si les salariés d’aujourd’hui ne s’attendent plus à passer toute leur vie
professionnelle dans une entreprise et ne croient plus à la pérennité de leur emploi,
beaucoup d’entre eux ont compris les nouveaux enjeux auxquels ils devront faire face
et deviennent alors acteur de leur parcours professionnel.
L’employabilité
Dorénavant, les individus désirent travailler dans une organisation qui leur
permettra de développer leur employabilité, d’acquérir de nouvelles compétences
dans le but de diversifier leurs champs d’activité et d’enrichir leur expérience
professionnelle. Cette stratégie repose sur un principe simple : peu importe les
changements qui surviendront, les individus possédant une formation et une
expérience riche et diversifiée seront en meilleure position pour trouver un autre emploi
le cas échéant.
Pour les salariés, la promesse d’employabilité devient un substitut possible à la
promesse de carrière et de sécurité dans les entreprises.
Plusieurs étapes clés sont analysées dans les parcours professionnels :
- L’accès au premier emploi,
- La mobilité dans l’emploi,
- Les situations de ruptures,
- Les fins de carrières.
Ces différentes étapes vont être à la jonction de plusieurs éléments essentiels de
la sécurisation de l’emploi comme l’anticipation, l’accompagnement, la sécurisation
juridique mais encore plus sur l’articulation des différentes politiques qui permettront
une meilleure sécurisation de ces parcours.
Selon Michel Bricler, nous avons pu constater que les individus ne sont pas égaux
devant l’employabilité et la sécurisation des parcours professionnels. Ainsi, nous
pouvons faire l’hypothèse que certaines compétences acquises par les individus
favorisent une « employabilité durable ».
Cette employabilité durable est la capacité d’un individu à conserver, à trouver
ou retrouver un emploi dans des délais raisonnables tenant compte de la situation
économique.
La formation tout au long de la vie
La coordination entre les actions de formation initiale et les actions de formation
continue et les schémas de développement économique apparait indispensable pour
permettre à la fois une meilleure anticipation et une sécurisation des parcours par la
formation.
La nécessité d’inscrire les politiques de formation professionnelles dans une
stratégie d’anticipation des besoins en compétences est aujourd’hui au cœur du
46
débat puisqu’elles permettent aux employeurs de développer les compétences de
leurs salariés dans le but de les rendre « flexibles » et « employables ».
Quant à l’implication personnelle, elle ne doit pas être un frein à la formation
mais, au contraire, un levier qui permettra aux salariés d’acquérir des compétences
clés et transférables, lui donnant la possibilité de s’adapter au marché de l’emploi.
Désormais, même avec un CDI, l’employé n’est plus assuré de la pérennité de
son emploi. Cependant certaines populations sont plus avantagées que d’autres,
notamment pour les cadres qui disposent d’une formation plus diplômante et
qualifiante leur permettant d’acquérir des compétences permettant d’assurer une «
employabilité durables » et de s’adapter aux activités économiques qui changent.
Les populations les moins formées (employés, ouvriers) sont par conséquent les
plus touchées et subissent de plein fouet la crise économique
.
La mobilité
Pour "faire l'entreprise de demain avec les salariés d'aujourd'hui", la mobilité est
au service de l'employabilité. Il est possible de voir certains salariés changer de métier
au sein d'une même structure. La mobilité permet de rendre flexibles et polyvalents les
salariés, elle est un réel outil de motivation et de fidélisation notamment pour les
promotions internes ou encore les primes liées à une mobilité géographique.
Elle protège les salariés d'un risque de désadaptation face aux marchés internes
et externes comme par exemple dans le cadre de licenciements ou de liquidation
judiciaire. C'est pour cela qu'une direction des ressources humaines proactive est
nécessaire pour accompagner les salariés, développer leurs compétences pour que
l'entreprise puisse bénéficier d'un gain de productivité mais aussi pour sécuriser l'emploi
des salariés.
BIBLIOGRAPHIE
- LE BOULAIRE Martine, "Tous mobiles Organisations flexibles et politiques
d'employabilité", 2006
- Contribution du Conseil National de la formation professionnelle tout au
long de la vie", Février 2008
- BRICLER Michel, "De boeck supérieur projectics" Mars 2009
- VENIARD Antoine, « Implication et employabilité : un engagement
réciproque entre salarié et employeur à construire », Management & Avenir, 2011/9 N°
49, p. 84-101
47
LA FORMATION PROFESSIONNELLE : CLE DE LA SECURISATION DES
PARCOURS PROFESSIONNELS ?
Les salariés ont le sentiment d’une insécurité croissante de l’emploi. Les
entreprises quant à elles soulignent le besoin croissant de flexibilité pour s’adapter à
l’évolution de la demande comme des technologies et à l’élargissement de l’espace
de la concurrence.
Cette tension entre deux objectifs contradictoires, la sécurité des personnes et la
flexibilité des entreprises, nourrit des débats très animés. C’est dans ce cadre que l’ANI
du 11 janvier 2013 relatif à la sécurisation de l’emploi a été conclu.
Si la formation professionnelle n’est pas le sujet principal de l’ANI, elle n’en
constitue pas moins un chapitre important. En effet, la formation professionnelle semble
pouvoir constituer, selon les signataires de l’accord, l’un des outils principaux de la
sécurisation des parcours professionnels.
L’accord traduit une volonté de corriger les inégalités d’accès à la formation,
d’organiser et d’accompagner les transitions professionnelles. Les partenaires sociaux,
comme les pouvoirs publics veulent faire de la formation un instrument de sécurisation
de l’emploi : la formation doit permettre à l’individu de garder son emploi, de
progresser dans sa carrière ou de retrouver un emploi.
On peut tout de même se demander si cet objectif de faire de la formation
professionnelle une clé de la sécurisation de l’emploi est, et sera, réellement atteint ?
La place de la formation dans la
sécurisation des parcours professionnels
La formation : outil des pouvoirs publics pour les salariés et les chômeurs
La formation professionnelle tout au long de la vie est considérée comme l’une
des principales composantes de l’équilibre entre flexibilité et sécurité. Les politiques
actives de l’emploi et la législation tentent depuis plusieurs années, à travers des
accords nationaux et des lois, de placer la formation au cœur des préoccupations et
des stratégies de l’entreprise. L’obligation légale de financement de la formation, la
mutualisation auprès d’organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), le
développement de la responsabilité sociale de l’entreprise en matière d’emploi sont
des éléments qui contribuent à inciter les entreprises à faire de la formation un élément
à part entière de leur stratégie.
Les objectifs communs sont de faire face aux évolutions du marché du travail,
de maintenir l’employabilité et de contribuer à un meilleur encadrement des transitions
professionnelles des salariés. La formation détient une place primordiale dans ces
perspectives de sécurisation.
Dans un premier temps, l'ambition des partenaires sociaux et du législateur est
de favoriser les mobilités professionnelles pour répondre aux besoins économiques en
facilitant l’accès à la formation pour tous les salariés tout au long de leur vie
professionnelle.
48
C’est dans ce but que la loi du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle
tout au long de la vie, issue de l’accord national interprofessionnel de décembre 2003,
a été promulguée. Les partenaires sociaux et le législateur ont ainsi voulu
accompagner les évolutions professionnelles notamment en facilitant l’accès à la
formation pour tous les salariés.
Cette loi apporte trois innovations majeures :
- la possibilité pour l’employeur de mettre en place certaines formations en
dehors du temps de travail,
- la mise en place de dispositifs de professionnalisation sur les priorités définies par
les branches,
- la création du Droit Individuel à la Formation (DIF).
La loi du 24 novembre 2009 sur l’orientation et la formation professionnelle
s’inscrit dans la même logique. Son objectif principal est de favoriser la construction de
la sécurisation des parcours professionnels. L’ANI du 11 Janvier 2013, sur la sécurisation
des parcours professionnels, poursuit la même logique, avec pour objectif de renforcer
la sécurisation des parcours et le maintien de l’employabilité. On y retrouve
l’amélioration et l’adaptation de certains dispositifs tels que le CIF-CDD et la mobilité
volontaire sécurisée. Les chômeurs sont également concernés, leur formation a pour
vocation de permettre un retour rapide à l’emploi.
L’ANI du 11 Janvier 2013 renforce les mesures à destination des demandeurs
d’emploi. Parmi ces mesures on retrouve le compte personnel de formation. Il est
possible de mobiliser un capital d’heures sur un compte et de les utiliser pour suivre une
formation dès lors que celle-ci correspond à une priorité de formation définie
conjointement par les partenaires sociaux et les pouvoirs publics, ou pour accéder au
socle de connaissances et compétences fixé par l’ANI du 5 octobre 2009.
Employabilité et formation
Le maintien de l’employabilité constitue l’un des axes majeurs de la sécurisation
des parcours professionnels. On observe un accroissement massif du nombre d’accords
d’entreprises portant sur la GPEC depuis 2007. Ces accords placent le maintien de
l’employabilité et la prévention du risque d’ « inemployabilité » au cœur des pratiques
en matière de GPEC.
Les trois principaux outils utilisés dans la GPEC et constituant des leviers pour
l'employabilité sont :
- la VAE,
- le bilan de compétences,
- la formation professionnelle continue (DIF, CIF, période de professionnalisation,
plan de formation de l’entreprise).
Les apports de ces outils pour l’entreprise sont les suivants : faire face aux
mutations de l’environnement par l’adaptation continue des compétences, répondre
aux exigences de sa responsabilité sociale, rendre les salariés facilitateurs et promoteurs
de leur propre développement. Pour les salariés, ils peuvent faciliter l’atteinte de
49
certains objectifs : sécurisation des parcours professionnels, développement des
compétences dans le cadre de l’évolution des emplois et optimisation du déroulement
des carrières.
La VAE contribue au maintien de l’employabilité et à la sécurisation des
parcours professionnels par la reconnaissance certifiée de l’expérience professionnelle.
La finalité de ce dispositif s’inscrit dans la mobilité interne et externe, il n’est pas
uniquement limité à la promotion interne. La VAE s’inscrit dans une démarche
individuelle de développement ou de maintien de l’employabilité. Ainsi, elle peut
permettre aux salariés souhaitant faire valoir leur expérience professionnelle, d’acquérir
un diplôme ou un certificat leur permettant notamment, en cas de départ de
l’entreprise, de faire valoir leurs compétences.
Le Bilan de Compétences, quant à lui, permet au salarié de faire le point sur ses
compétences, aspirations et motivations. Ce point peut être fait dans l’optique d’une
évolution interne ou externe à l’entreprise. Il constitue souvent une étape permettant
de valider un projet professionnel nécessitant la mise en place d’un projet de formation
ou de validation de ses acquis.
La formation professionnelle continue apparait comme un levier majeur du
maintien de l’employabilité.
Le plan de formation de l’entreprise, les périodes et les contrats de
professionnalisation ainsi que les autres dispositifs (DIF, CIF) s’inscrivent dans une
démarche permettant de rendre le salarié acteur du déroulement de son parcours
professionnel.
C’est dans le contexte de mutation économique dans les années 2000,
qu’apparaît la notion de sécurisation des parcours et qu’émergent les mesures
législatives visant le soutien des salariés et leur conduite vers la mobilité (GPEC, DIF,
VAE…). Ceci s’explique également par le passage de la carrière linéaire à des
trajectoires professionnelles dites « nomades ». Depuis les années 1980, les trajectoires
professionnelles sont de moins en moins stables tout comme le recours par les sociétés
à des contrats à durée déterminée ou à l’intérim. En 10 ans, alors que les contrats
stables n’ont augmenté que de 2%, les emplois en intérim ont augmenté de 130%. Si
pour certains, cela est interprété de façon négative (précarisation, perte de repères et
instabilité), d’autres ont une vision plus optimiste de ces données (créativité, mobilité,
adaptation, nouvelle gestion des carrières professionnelles). L’enjeu sera bien là de
concilier les exigences de flexibilité exprimées par les entreprises tout en recherchant la
sécurité professionnelle pour les individus.
Deux exemples étrangers
Les stratégies et politiques européennes pour l’emploi accordent également une
place centrale à la formation professionnelle. Elles incitent les pays européens à
adapter leur système de formation aux besoins de compétences futurs et aux
évolutions du marché du travail. Prenons l’exemple de deux pays afin de comprendre
comment la formation répond aux problèmes de chômages ou de précarité.
En Belgique, la formation professionnelle en réponse au chômage : zoom sur la
Wallonie
La Wallonie est une région de tradition industrielle en reconversion depuis
plusieurs années. Le secteur industriel est en crise depuis les années 60, ce qui a de
lourdes conséquences sur l’emploi (taux de chômage de 10% en Wallonie). Ces
50
conséquences ont été plus ou moins amorties grâce au système social belge
prévoyant un chômage non limité dans la durée et un système de « prépension » assez
avantageux. Parallèlement, la Wallonie essaye de mettre en place une politique active
permettant de réduire les temps de passage par le chômage et de faciliter les
transitions professionnelles.
L’une des principales réponses publiques au chômage, en Wallonie, est la
politique en matière de formation professionnelle. La formation des demandeurs
d’emploi est assurée par le service public de l’emploi (le FOREM), dans ses centres ou
dans des centres de compétences (associant universités et secteurs professionnels) ou
par d’autres acteurs parmi lesquels l’enseignement de promotion sociale et les
organismes associatifs d’insertion professionnelle. Les évolutions en matière de politique
d’emploi et de formation se caractérisent principalement par trois principes : la
territorialisation, l’individualisation et l’hybridation (action commune des pouvoirs
publics et des entreprises).
Nous retiendrons ici deux instruments de coordination des politiques de
formation : le « Plan Marshall Wallon » et le Fonds Social Européen (FSE). Le Plan Marshall
Wallon est un programme gouvernemental de soutien au développement
économique régional.
Les demandeurs d’emploi ont pu bénéficier, dans ce cadre, du financement de
formations qualifiantes et de formations en langue, supposées correspondre aux
attentes immédiates des entreprises.
Le FSE cofinance des formations plus diverses que celles du plan Marshall. La
Belgique fait appel au FSE en poursuivant les objectifs suivants: « le développement de
formations à la demande des secteurs professionnels ou des entreprises (y compris les
formations aux métiers en pénurie), le développement du capital humain via les
formations qualifiantes (enseignement de la deuxième chance, formation en
alternance…) et, enfin, l’insertion sociale à travers des formations de base visant
l’insertion socioprofessionnelle (alphabétisation, organismes d’insertion, etc.) »
L’exemple danois, un modèle à reproduire ou un échec ?
Avant la crise, le Danemark était en termes de flexicurité un exemple pour les
pays d’Europe.
Il se démarquait des pays voisins dans lesquels les licenciements étaient onéreux
et difficiles.
En effet, la législation danoise combinait parfaitement les exigences en matière
de flexibilité pour les employeurs en facilitant le licenciement et le recrutement, et de
sécurité pour les travailleurs par des indemnités généreuses en période de chômage.
Un employeur danois pouvait ainsi licencier un collaborateur en quelques jours
pour motif économique, ce dernier bénéficiant d'une indemnisation à hauteur de 90 %
de son dernier salaire pendant quatre années. Un compromis qui semble attrayant
.Pourtant, le modèle danois n’est plus aussi efficace qu’auparavant et a subi quelques
modifications. Cela est dû entre autres à la crise économique mondiale : une
croissance quasi nulle, un système bancaire mis à rude épreuve, un taux de chômage
qui grimpe face un Etat impuissant.
Le gouvernement prend alors des décisions radicales, et décide de réduire la
durée des allocations chômage : dorénavant les chômeurs ne bénéficieront plus de
quatre années d’indemnisation mais de deux. Parallèlement, le Danemark confirme
51
tant bien que mal sa position en matière de flexicurité en octroyant aux chômeurs qui
suivent une formation, une prolongation de six mois si leurs indemnités arrivent à
échéance. Il s’est également engagé à créer plus de 10 000 emplois réservés aux
chômeurs qui voient leurs indemnités arriver à terme dans les mois à venir.
Le système danois -qui est l’un des plus chers de l’Union- s’essouffle, en dépit des
apports positifs de ce modèle, l’investissement élevé pour l’indemnisation et la
formation professionnelle n’a pas engendré tous les effets attendus.
***
Au Danemark, en Belgique comme en France, la formation professionnelle peut
contribuer à sécuriser l’emploi dans l’entreprise ou les parcours professionnels d’une
entreprise à l’autre. Elle peut constituer un levier essentiel d’une politique active de
l’emploi. Pour autant elle ne créé pas l’emploi.
Bibliographie
ALPHONSE-TILLOY Isabelle, MASINGUE Antoine et POTTIER Jean-Michel, « L’accès à la
formation continue dans les PME : impossible sans traducteur ? », Travail et Emploi n°130, avril-juin
2012.
BARUEL BENCHERQUI Dominique, « La GPEC et ses effets sur l'employabilité»,
Management et Avenir, n°48, 2011, p. 14-36.
CONTER Bernard et ORIANNE Jean François, « La flexicurité et la formation des
demandeurs d’emploi : les politiques wallonnes à l’aune de l’approche par les capacités »,
Formation Emploi, n°113, janvier – mars 2011, p. 49 à 61.
LEVENE Thérèse, « Les politiques d’insertion : quelle pertinence pour les inemployables ? »,
Formation Emploi, n°116, 2011, p.51-67.
PINTE Gilles et LE SQUERE Roseline, « De la flexibilité à la sécurisation des parcours
professionnels : l’outil de la VAE et les intérimaires », Savoirs - hors séries, 2007, p. 81 – 93.
TUCHSZIRER Carole, « Le modèle danois de "flexicurité" » L'improbable "copier-coller",
Informations sociales, 2007/6 n° 142, p. 132-141.
Le Figaro, « La flexicurité danoise fait rêver les patrons français ».
Les Echos n° 21113, « La flexicurité danoise et néerlandaise résiste à la crise », 31 Janvier
2012, p. 6.
Rapport de la DARES, « La formation professionnelle des demandeurs d’emploi en 2011 »
n°027 Avril 2007
http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/formation-professionnelle-
continue/publics-financements/
http://travail-emploi.gouv.fr/etudes-recherche-statistiques-de,76/statistiques,78/politique-
de-l-emploi-et-formation,84/formation-professionnelle,262/la-formation-des-demandeurs-
d,2092.html
http://www.emploi.gouv.fr/thematiques/formation-professionnelle-des-demandeurs-
demploi
52
FLEXICURITE : COMPETITIVITE ET SECURISATION DE L’EMPLOI ENFIN
RECONCILIEES ?
La flexicurité : une révolution européenne
importée en France ?
Sur le thème tant controversé de la flexicurité en Europe, certains auteurs
comme Pascal Caillaud, Bénédicte Zimmerman, Bernard Conter ou encore Jean-
François Orianne, se penchent sur des approches liées aux capacités et aux
trajectoires professionnelles, tandis que d’autres tels que Alain Lefebvre et Dominique
Méda explorent la réussite et la performance de la flexicurité dans les pays Nordiques.
La question est de savoir comment la flexicurité est abordée depuis son entrée
dans le débat européen et quelles sont les pratiques matérialisées en France, pays
limitrophes et dans les pays Nordiques.
Dans un premier temps, on abordera la flexicurité de manière globale en
spécifiant les différentes approches de celle-ci qui seront traitées sous deux angles :
- l’impact des variables sur l’emploi,
- et la flexicurité par les capacités.
Ensuite, on observera les pratiques françaises et celles de nos voisins immédiats.
Enfin on s’intéressera au modèle nordique où le système de flexicurité trouve
une forme d’aboutissement.
***
Le sociologue Hans Adriansens est à l’origine de la notion de flexicurité, la
définissant comme le passage d’une « sécurité à l’emploi » à une « sécurité dans
l’emploi » avec en soi, un système de sécurité sociale plus flexible et reposant
davantage sur l’activation. Son apparition est en réalité liée au contexte de tentatives
de réformes des politiques du marché du travail qui ont lieu au cours des années 1990
cherchant à allier flexibilité du travail et sécurité dans l’emploi.
Avant tout une notion politique, ce n’est que vers les années 2000 que les
différents pays de l’Union Européenne se l’approprient en l’intégrant à leur politique
d’emploi. L’objectif est de renforcer l’économie et de créer de l’emploi.
La Commission européenne a présenté quelques orientations afin d’encadrer les
stratégies de flexicurité des Etats membres, en décrivant ce concept comme la
combinaison de plusieurs critères :
- la souplesse et la sécurisation des dispositions contractuelles ;
- des stratégies globales d'apprentissage tout au long de la vie ;
- des politiques actives du marché du travail (PAMT) efficaces ;
- des systèmes de sécurité sociale modernes.
Depuis, de nombreux auteurs traitent dans leurs ouvrages et articles, la question
de la flexicurité. CONTER la définit ainsi comme « une approche du travail et des
politiques de l’emploi qui vise à fournir aux individus plus de ressources pour les aider à
mieux assurer les transitions entre des emplois devenus plus flexibles. »
53
Pour CAILLAUD et ZIMMERMAN « la flexicurité […] n’a pas […] simplement
vocation à combiner flexibilité et sécurité ; elle promeut une flexibilité à double sens,
favorable à l’entrepreneur et au salarié ; une flexibilité qui consacre non seulement la
liberté d’entreprendre, mais encore la liberté de travailler et de se développer
professionnellement.»
Ces deux approches mettent clairement en avant la vocation de ce concept à
bénéficier aussi bien aux employeurs qu’aux salariés.
Aujourd’hui le concept est décliné sous divers angles. En effet, différentes
approches de la flexicurité ont émergé depuis son apparition. Celles qui sont retenues
ici, feront référence à l’impact des variables d’emploi sur le sujet ainsi qu’à la flexicurité
par les capacités.
Les variables d’emploi telles que définies par BRUYERES et LIZE sont : «la fonction
du poste dans l’entreprise, le secteur d’activité de l’établissement, la catégorie
socioprofessionnelle, la taille de l’entreprise, l’ancienneté dans l’emploi, le fait
d’encadrer d’autres salariés, l’appartenance au secteur public de l’établissement,
l’utilisation des TIC, le temps de travail et les conditions de travail. » Elles s’opposent
ainsi aux variables individuelles qui caractérisent l’individu et ne dépendent pas de
l’emploi occupé (diplôme ; âge…).
Celles-ci conditionnent la sécurité des parcours professionnels pour ainsi dire la
sécurité de l’emploi, la sécurité des revenus et la stabilité de l’emploi. BRUYERES et LIZE
(2010).
En effet, lors d’un recrutement, les entreprises ont tendance à se référer au passé
professionnel de l’intéressé pour évaluer sa capacité à occuper un poste à pourvoir. «
Ainsi les salariés qui viennent d’emplois instables ou de mauvaise qualité seront
présumés être instables et auront difficilement accès aux marchés internes. »
BRUYERES et LIZE ont démontré que le secteur d’activité auquel appartiennent
les salariés, leur ancienneté au sein d’une entreprise et la taille de cette dernière sont
des critères qui permettent d’identifier un emploi comme étant stable.
La sécurité de l’emploi quant à elle représente la facilité et la capacité d’une
personne à passer d’une situation à une autre, c’est-à-dire le passage d’un emploi A à
un emploi B aussi bien en interne, qu’en externe; du chômage à une activité. Ici
encore, le secteur d’activité est un critère déterminant de la sécurité ou non de l’emploi
d’un salarié.
Prenons un exemple, à niveau de formation égal et dans le contexte actuel, une
personne travaillant au sein d’un site industriel en France, aura moins de chance qu’un
salarié de la grande distribution de retrouver du travail dans le même secteur
d’activité. Le secteur industriel est en effet de plus en plus confronté à la fermeture de
sites.
De fait, même si le niveau scolaire est important pour faciliter la mobilité
professionnelle, c’est la nature de l’emploi qui primera.
La sécurité des revenus est davantage assurée par les variables d’emploi dans le
cadre d’une mobilité externe qu’interne. Dans le cadre d’une mobilité externe, seuls les
cadres et professions intellectuelles supérieures et les salariés du secteur public
parviennent à garantir le maintien ou l’augmentation de leur rémunération.»
Cependant la catégorie socioprofessionnelle, l’ancienneté ainsi que le poste de ces
derniers, leur permettront de prétendre à un salaire plus élevé.
54
***
La Belgique a mis en place des dispositifs de flexicurité basés sur une souplesse
contractuelle et un aménagement du temps de travail. La flexibilité se traduit
également par le temps de travail, les formes de travail atypiques, le chômage
temporaire. En termes de sécurité, les salariés belges sont davantage protégés que les
autres salariés européens : maintien du pouvoir d’achat, indemnisation généreuse du
chômage, droit à la formation crédit temps…permis par un système moderne de
sécurité sociale. En Belgique, la flexicurité ne repose pas seulement sur une
dérégulation du droit du travail, mais doit comporter des dispositions en faveur des
transitions professionnelles. La flexicurité belge, qui s’appuie sur la stratégie européenne
a pour objectif de favoriser « des emplois plus nombreux et de meilleure qualité » .
Toutefois, malgré de nombreux indicateurs de mesures, la prise en compte des
aspirations individuelles, de la liberté de choix des individus, des opportunités réelles,
bref, de ce qui augmente réellement les capacités individuelles devrait pouvoir être
appréhendée à travers des indicateurs de flexicurité plus poussés. Si la flexicurité belge
fait l’unanimité auprès des employeurs, « les organisations syndicales ne l’ont pas
intégré avec le même enthousiasme que la FEB (Fédération des entreprises de
Belgique) et n’ont pas hésité à communiquer dans la presse leur désaccord : « Pour la
FGTB, l’analyse sur la flexicurité contient encore beaucoup trop d’incertitudes et de
dangers potentiels. La FGTB pense notamment à la non-reconnaissance du contrat à
durée indéterminée comme étant la norme sur le marché du travail et au
développement de nouvelles formes de flexibilité sans garantie de sécurité d’emploi. »»
. Tout comme en France, le concept fait donc débat et suscite quelques réserves.
Deux régimes se distinguent par de bonnes performances en matière d’emploi
et de chômage : le libéral (Anglo-saxon) et le Nordique (Danemark, Finlande, Suède et
Pays-Bas). Ce dernier se classe premier selon le Comité de l’Emploi de juin 2007,
s’appuyant sur des indicateurs de suivi de flexicurité.
Dans les pays nordiques, la pratique a permis d’associer la flexicurité à un
système d’emploi performant (3.2 % de taux de chômage au Danemark, 6% en Suède
et 6.7% en Finlande selon Eurostat) et de protection sociale cohérente. Selon Christine
Charpail et Olivier Marchand , ce système repose particulièrement sur l’idée que c’est
l’employabilité de la personne qu’il faut préserver et non son emploi. Cela fonctionne
sur la confiance entre société, acteurs sociaux et le respect des engagements mutuels.
Ces pays ont mis en place des formes avancées de flexibilité interne et de
sécurité (aménagements flexibles du temps de travail, autonomie dans le travail et
organisations qualifiantes) associées à des efforts importants en matière de politiques
d’emploi, actives ou passives, et en matière de formation tout au long de la vie, ainsi
qu’à des taux de pauvreté peu élevés et de bonnes conditions de travail. Ils semblent
avoir découvert par la négociation, des formes de compromis acceptables à la fois
par les employeurs et les salariés.
Dans le groupe des pays nordiques, le Danemark se distingue par un système
qualifié pour certains auteurs de « Triangle d’or Danois » représenté par trois items :
- le marché du travail flexible,
- les politiques actives de l’emploi,
- et la protection sociale généreuse.
Ce système d’emploi combine un faible niveau de réglementation avec un
niveau élevé d’assistance et de prise en charge financière des individus privés
55
temporairement d’emploi. Aussi, le modèle Danois est difficilement transposable à d’autres pays comme la France par exemple. Il s’agit d’une tradition de dialogue social entre des dirigeants d’entreprises, petites ou moyennes et des syndicats puissants (80% des salariés Danois sont syndiqués) très impliqués dans la vie de l’entreprise et le contrôle du fonctionnement du marché du travail à tous les niveaux (national, branche, entreprise), facilitant la conclusion d’accords acceptables par les deux parties.
Par ailleurs, Alain Lefebvre et Dominique Méda affirment qu’il faut prendre en
compte que la population danoise bénéfice d’un haut niveau de qualification,
entretenu par des politiques très actives de formation professionnelle continue,
largement prise en charge par les employeurs favorisant l’adaptabilité de la main-
d’œuvre et donc de la mobilité interne ou externe à l’entreprise. Selon VALEYRE (2006),
les pays nordiques sont ceux où sont développées les organisations apprenantes, qui
permettent aux salariés de disposer d’une forte autonomie, d’autocontrôler la qualité
de leur travail et de rencontrer fréquemment des situations d’apprentissage. Le
développement des compétences a été encouragé par un système de rotation des
emplois qui permet aux travailleurs de se former pendant que des chômeurs les
remplacent temporairement. L’objectif n’est plus seulement de favoriser les embauches
mais d’introduire aussi de la flexicurité interne ou fonctionnelle. La liberté de rupture du
contrat de travail (LEFEBVRE, 2006) au Danemark est tout de même encadrée par un
certain nombre de règles limitant les possibilités des dirigeants d’entreprise d’agir de
façon arbitraire, mais aussi d’une obligation « morale » de s’accorder entre employeurs
et syndicats.
Pour ce qui est des exemples suédois et finlandais, en dépit d’une flexibilité du
contrat de travail moindre qu’au Danemark, les performances sur ces marchés sont
remarquables. Ces performances reposent notamment sur le rôle primordial de la
négociation collective, de la sécurisation des mobilités sur le marché du travail qui
explique le sentiment de sécurité très élevé des salariés de ces pays. De plus,
l’investissement dans le capital humain comme dans les dépenses de recherche,
développement et innovation conditionnent les bons résultats obtenus.
Le terme « flexicurité » a été énoncé à plusieurs reprises durant cette analyse en
évoquant son origine, les différents moyens mis en place en France ou en Europe. Sont
ressorties des idées très intéressantes comme celles des « capacités », (Sen, 2003), ou
celles encore du modèle Danois avec le « Triangle d’Or ».
De plus certains opposants, comme les syndicats condamnent ce terme de
flexicurité , qui est « un cadeau aux employeurs », car selon leurs dires, alors que la
période de crise appelle des mesures de protection des droits des salariés et une
réorientation de la stratégie des entreprises en faveur de l’emploi et des salaires, cet
accord va aggraver la situation déjà créée.
Les pays scandinaves, très avancés sur la question, ont réussi à faire de ce
concept un gage de flexibilité pour les entreprises et de sécurité pour les employeurs.
Avec des taux de chômage parmi les plus faibles d’Europe, La Finlande, la Suède ou
encore le Danemark sont des ovnis du genre. Les différences culturelles peuvent
expliquer ces différences entre les pays scandinaves et les pays du sud de l’Europe et
la France. Ces pays semblent avoir découvert par la négociation, des formes de
compromis acceptables à la fois par les employeurs et les salariés.
***
Dans certains pays de l’Union Européenne, la flexicurité prônée par la
Commission, a eu des effets bénéfiques sur l’emploi et sur l’employabilité des
56
travailleurs. En France, le constat est un peu plus mitigé. La flexicurité est un concept
assez peu répandu et sujet à de nombreux débats.
Toutefois, on assiste depuis quelques années à une réelle volonté des pouvoirs
publics de permettre aux entreprises d’adapter rapidement leurs effectifs à la
conjoncture et à l’environnement économique sans que pour autant les salariés soient
soumis à la précarité.
La loi du 25 juin 2008 portant sur la modernisation du marché du travail reprend
pour l’essentiel l’accord interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008, qui est le résultat
des négociations entre les partenaires sociaux (patronat et salarié). Il manifeste la
volonté des différentes parties de trouver un terrain d’entente sur l’évolution des
relations individuelles et collectives de travail.
C’est là le début d’une certaine matérialisation du concept de « flexicurité » mis
en avant par l’Union européenne consistant à instaurer une forme de souplesse pour le
fonctionnement optimal des entreprises et une garantie de sécurisation des parcours
professionnels des salariés. Néanmoins, cette matérialisation n’est abordée que sous le
prisme du contrat de travail (projets de création du contrat de travail unique et contrat
nouvel embauche qui seront ensuite abandonnés), et de l’encadrement de la rupture
dudit contrat. La contrepartie sécuritaire préconisée par la Commission Européenne est
alors peu développée et sera donc complétée par la loi du 24 novembre 2009 relative
à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. La flexicurité à la
Française caractérise par une recherche d’équilibre entre flexibilité (degré de faculté
de rupture du contrat de travail) et sécurisation des parcours professionnels (formation,
employabilité, mobilité…) est en train d’émerger.
Face à la crise économique et à la hausse du chômage qui l’accompagne, il
apparaît urgent de trouver des solutions pour les entreprises mais également pour les
salariés. Le concept de flexicurité prend alors une tout autre ampleur. De nouvelles
négociations sont entreprises avec les partenaires sociaux. Ces négociations
conduisent à la signature de l’« ANI du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle
économique et social au service de la compétitivité des entreprises – flexibilité - et de
la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salaries – sécurité ». Cet
ANI semble être la consécration d’une certaine équité entre l’objectif de compétitivité
des entreprises et l’activité professionnelle du salarié qui faisait défaut dans la loi du 25
juin 2008.
L’ANI du 11 janvier 2013 pose les bases de certaines dispositions donnant aux
entreprises la possibilité de s’adapter aux fluctuations conjoncturelles de l’économie
tout en préservant l’emploi. C’est l’objectif des accords de maintien dans l’emploi, du
recours à l’activité partielle ou au chômage partiel, de l’assouplissement des règles
relatives aux licenciements économiques ou du contrat de travail intermittent. Il s’agit
de trouver un équilibre entre salaire, temps de travail et emploi dans un contexte de
morosité économique. Il s’agit aussi d’éviter des licenciements économiques massifs et
préserver l’emploi dans les entreprises rencontrant de grosses difficultés tout en
donnant plus de sécurité aux parcours professionnels des salariés (droits rechargeables
à l’assurance-chômage, majoration de la cotisation d’assurance chômage des
contrats à durée déterminée, création d’un compte personnel de formation,
assouplissement des conditions d’accès des salariés de moins de 30 ans au CIF-CDD,
création d’un droit à une période de mobilité volontaire sécurisée, accompagnement
financier des demandeurs d’emploi bénéficiant d’un accès au contrat de sécurisation
professionnel expérimental…).
57
La flexicurité à la française est-elle en marche ? Elle est déjà entrée dans le
dialogue social. Sa définition française et sa mise en œuvre relèvent de la
responsabilité partagée des partenaires sociaux et des pouvoirs publics.
***
Bibliographie
Bernard Conter et Jean-François Orianne, « La flexicurité et la formation des
demandeurs d’emploi : les politiques wallonnes à l’aune de l’approche par les
capacités », Formation emploi, 113 | 2011, 49-62.
Pascal Caillaud et Bénédicte Zimmerman « Sécurisation des parcours et liberté
professionnelle : de la « flexicurité » aux capacités », Formation emploi 1/2011 (n° 113),
p. 33-48.
Mireille Bruyeres et Laurence Lize « Emploi et sécurité des trajectoires
professionnelles. La nature de l’emploi détermine la sécurité des parcours
professionnels. » Economie et statistique, n° 431-432 -2010, pages 95-113
Alain Lefebvre et Dominique Méda, « Performances nordiques et flexicurité :
quelles relations ? », Travail et emploi, 113, janvier-avril 2008, 129-139.
CONTER Bernard, « La flexicurité en chiffres et en débat », Courrier
hebdomadaire du CRISP, CRISP, n°2106-2107, 2011, pages 1 à 63.
59
ENQUETES TERRAIN
MENEES PAR LES
ALTERNANTS DU M2
RMDRH :
SYNTHESES DES
RESULTATS2
2 Vous retrouverez les guides d’entretien, questionnaires, analyses plus détaillées et fiches
consacrées à d’autres pratiques d’entreprise sur le blog RH de l’IGS :www.leblogrh-igs.com
60
LA SECURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS VUE PAR LES
RESSOURCES HUMAINES :
QUELLE APPLICATION OPERATIONNELLE EN ENTREPRISE ?
Dans le cadre de la mise en place de l’ANI du 11/01/2013, nous avons souhaité
recueillir les points de vue et la position de professionnels de la fonction Ressources
Humaines (DRH, RRH). Nous nous sommes également intéressés à ce qui avait déjà été
mis en place dans le sens de la sécurisation des parcours professionnels, avant même
la signature de cet ANI. A cet effet, un questionnaire a été transmis à un panel
d’entreprises issues de secteurs différents tels que le Commerce, la Banque, l’Industrie…
Il s’agit principalement de grandes entreprises de plus de mille salariés dont la moitié
indique posséder une population cadre minoritaire et l’autre moitié une population
cadre majoritaire.
Les réponses apportées par les 13 DRH et RRH interrogés ont révélé des
divergences d’opinion assez marquantes, révélatrices, tantôt, d’interrogations sur
l’efficacité réelle des mesures prévues et d’une certaine forme d’expectative, tantôt,
d’avancées certaines en matière de sécurisation des parcours professionnels et de
l’emploi.
Pour corroborer nos résultats, nous les avons croisés avec ceux de l’enquête
réalisée conjointement par l’ANDRH et Inergie. Cette dernière a été administrée auprès
de 201 Responsables des Ressources Humaines, entre le 19 mars et le 7 avril 2013, et
présente la particularité d’être en résonance avec notre propre enquête.
Plus d’un tiers des entreprises que nous avons interrogées, soit près de 40%,
évoluent dans un contexte social tendu.
La notion de Flexi-sécurité est perçue comme un moyen de faciliter le
licenciement avec notamment une compensation financière plus importante pour les
salariés. Effectivement, certains DRH-RRH indiquent qu’il s’agit de trouver un équilibre
entre les intérêts de l’entreprise et ceux des salariés, notamment par rapport au cadre
légal. Selon l’enquête de l’ANDRH, 54% des DRH pensent que l’ANI flexibilise l’emploi.
Concernant la Sécurisation des Parcours Professionnels (SPP), les répondants ont
indiqué que pour eux cette notion recouvrait en priorité le développement des
compétences et le développement de l’employabilité. D’ailleurs, ils considèrent
l’objectif visé par cet ANI réalisable.
Selon le panel interrogé, la Sécurisation des Parcours Professionnels relève en
premier lieu de la responsabilité de l’individu. Néanmoins, il apparaît que les
responsabilités doivent être partagées entre tous les acteurs (entreprise, Etat,
collaborateur…). La SPP doit dans leur esprit profiter à l’ensemble des salariés ; le
baromètre Défi de l’ANDRH va en ce sens puisque 44% des DRH considèrent que la loi
sécurise les parcours professionnels des salariés. En revanche, les répondants à notre
enquête ont insisté sur la nécessité de diriger les actions de sécurisation des parcours
professionnels prioritairement vers les salariés occupant des emplois critiques, des
métiers sensibles, des postes menacés, et une attention particulière doit être apportée
aux populations peu qualifiées ainsi qu’aux seniors et demandeurs d’emploi.
La réforme apparaît comme équilibrée pour le tiers des personnes interrogées et
incomplète pour un autre tiers. Globalement, l’appréciation générale diffère selon les
points abordés dans l’ANI et certains s’interrogent quant à la réalité opérationnelle de
l’application de cet accord.
61
Trois mesures semblent répondre selon les acteurs RH aux besoins de l’entreprise :
la possibilité de négocier un accord de maintien dans l’emploi, la possibilité de
négocier un accord sur la mobilité interne et la refonte des procédures de
licenciement. L’enquête de l’ANDRH confirme cette tendance: 56% des DRH trouvent
les mesures d’accord de maintien dans l’emploi pertinentes et 52% celles portant sur la
mobilité interne.
Pour les acteurs RH, quatre mesures semblent répondre plus particulièrement aux
besoins des salariés : la possibilité de négocier un accord de maintien dans l’emploi, la
possibilité de bénéficier d’un compte personnel de formation, les droits rechargeables
au chômage ainsi que la généralisation de la complémentaire santé. Cependant,
plusieurs points restent à approfondir tels que : mobilité externe/interne, les règles de
financement des OPCA, les règles du Compte Personnel de Formation.
Quant aux conséquences de l’application de l’ANI dans l’entreprise au niveau
RH, les avis sont partagés. En effet, la moitié des personnes interrogées pensent que les
mesures adoptées vont complexifier la gestion des RH de l’entreprise et l’autre moitié
que ces mesures vont offrir plus de souplesse.
La majorité des entreprises ont déjà mis en place des actions dans le cadre de
l’ANI, notamment des actions de gestion des talents et des carrières, dispositifs
favorisant la mobilité professionnelle interne et/ou externe ainsi que le maintien dans
l’emploi des collaborateurs en situation de handicap ou d’inaptitude.
Concernant la négociation d’un accord de maintien dans l’emploi, les avis sont
très partagés, puisque la moitié des entreprises y sont favorables et l’autre pas.
En ce qui concerne l’application des mesures de l’ANI, les avis divergent :
certains évoquent que « l’entreprise ne peut être le seul acteur en la matière » pour
d’autres, ce sera l’occasion de recruter plus de personnes dans le département des
Ressources Humains car ce nouveau “carcan législatif” nécessitera une expertise
particulière dans l’entreprise. D’autres encore estiment ne pas avoir suffisamment de
recul ou que cette réforme ne changent pas fondamentalement les choses. Selon
Alain GUILLOU, DRH de DCNS “Cette loi est innovante mais juridiquement complexe car
elle dépendra de ce qu’en feront le juge et les partenaires syndicaux”3.
Majoritairement les entreprises ne sont pas enclines à mettre en place des
mesures de réduction du temps de travail ou de la rémunération. Cette option
n’interviendrait qu’en dernier recours. Dans un premier temps elles seraient plus
favorables à négocier un accord de maintien dans l’emploi, dans un second temps de
prendre des mesures de réduction de temps de travail et en tout dernier recours
réduire la rémunération de leurs collaborateurs.
En conclusion, tous s’accordent à dire que le résultat de cet ANI dépendra de ce que
le législateur appliquera dans le texte de loi et de ce que négocieront les partenaires
sociaux.
Il est encore trop tôt pour dire si les mesures prévues seront à hauteur des attentes des
entreprises , d’une part, en termes de flexibilité, et à hauteur de celles des salariés,
d’autre part, en termes de sécurisation des parcours professionnels et, peut-être, et
surtout de sécurisation de l’emploi .
3 Les échos, Marie-Sophie RAMSPACHER, 22 avril 2013
62
LE POINT DE VUE DES COLLABORATEURS
I-Méthodologie et présentation du panel
Enquête quantitative menée d’avril à septembre 2013 par les alternants du
Master 2 RMDRH auprès de salariés tous âge, de tous services et entreprises, cadres et
non cadres.
Cette vaste enquête, impulsée par les alternants auprès de collaborateurs
évoluant, en général, au sein de leur entreprise (mais pas nécessairement), a été
ensuite administrée en ligne via Google docs ou par un process sécurisée venant
s’agréger aux résultats obtenus, et dans de strictes conditions de confidentialité.
Le questionnaire avait pour but de permettre aux alternants de comprendre
comment, globalement, les salariés eux-mêmes percevaient la notion de flexicurité et
les enjeux de la réforme afférente, alors même qu’ils en constituent des acteurs clés.
L’enquête comportait une trentaine de questions , outre celles destinées à
mieux cerner le « profil » du répondant, regroupées en 4 grands thèmes :
1) La trajectoire professionnelle
2) Connaissance et compréhension de la « flexicurité » et de la réforme ANI / LSE
3) Appréhension de la sécurisation de l’emploi et de ses incidences (SE)
4) Appréhension de la sécurisation des parcours professionnels et de ses
incidences (SPP)
La questionnaire comportait essentiellement des questions fermées (pour obtenir des
données factuelles et plus objectivables), éventuellement avec des critères à
hiérarchiser pour nuancer les réponses, mais aussi certaines questions ouvertes ou semi-
ouvertes (pour recueillir des éléments plus perceptifs).
Pour approcher un certain niveau de fiabilité, un panel de 167 questionnaires
renseignés a été finalement retenu, après plusieurs retraitements successifs, sur les 224
réponses initialement recueillies.
Compte tenu de la densité et de la précision du questionnaire –volontairement
long afin d’obtenir une véritable richesse d’informations sur plusieurs thématiques – ce
nombre total de réponses collectées et retenues apparait significatif pour fonder une
analyse pertinente.
Nous vous livrons ici la synthèse des réponses les plus marquantes de cette
enquête, accompagnée de brèves analyses.
Précisions sur le panel :
- L’enquête ayant été réalisée par des alternants en RH travaillant majoritairement
au sein de sièges sociaux de grandes entreprises, cela explique une certaine
surreprésentation de cadres (47%) et de salariés évoluant sur des fonctions
support.
- Répartition par sexe : 53% de femmes et 47% d’hommes.
63
Un âge médian : des salariés pour
la plupart en cours de carrière
Les deux tiers des répondants ont
entre 26 et 49 ans, cette tranche d’âge étant
la plus représentative du marché du travail.
Une forte prédominance
des CDI à temps complet
La grande majorité
des répondants sont en CDI
à temps complet (80%), ce
qui reflète, là aussi, la réalité
du marché de l’emploi. Les
contrats précaires et
contrats en alternance sont
par ailleurs assez fidèlement
représentés dans notre
enquête.
Des secteurs d’activité diversifiés
Nous avons une répartition des secteurs d’activités en cohérence avec le panel
des personnes interrogées, globalement situées en Ile de France. De plus, cela reflète
bien la typologie et la diversité des entreprises au sein desquelles les alternants de la
promotion effectuent leurs contrats en alternance. A noter que la Poste (courrier)
regroupe à elle seule 10% des réponses, chiffre en cohérence avec l’existence d’un
groupe Formaposte d’alternants travaillant tous au sein de cette grande entreprise
(245 000 collaborateurs).
CDD
9%
CDI temps
complet
80%
CDI temps partiel
4%
Altern.
3%
Intérim
2% Contrat
ou statut public
2%
CDD
CDI temps complet
CDI temps partiel
Alternance
Moins de 26 ans 16%
Entre 26 et 49 66%
50 ans et plus 18% Moins de 26
ans
Entre 26 et49
50 ans etplus
SANTE 3%
PHARMACEUTIQUE 4%
ASSOCIATIF 5%
DISTRIBUTION 5%
ENERGIE 7%
TRANSPORT 8%
La Poste 10% INDUSTRIE et BTP
13%
BANQUE / ASSURANCE 14%
AUTRES ET SERVICES DIVERS
31%
64
II-Synthèse des résultats et commentaires
1°) La trajectoire professionnelle : réalité du déroulé et perception
Une expérience d’une durée encore relative mais de plus en plus fractionnée…
Les répondants ayant moins de 10 ans d’expérience professionnelle représentent
la moitié des répondants interrogés (49%). Cela peut notamment s’expliquer par
rapport à l’âge des répondants. De plus, la durée des études augmentant, les salariés
entrent donc dans la vie active de plus en plus tard.
Si l’on regarde maintenant la continuité de l’expérience, donc plus précisément
la question de l’ancienneté, seuls 26 % des répondants disposent d’une ancienneté
comprise entre 10 et 30 ans au sein de la même entreprise, et seulement 4 % ont plus
de 30 ans d’ancienneté, un cas de figure aujourd’hui assez exceptionnel. De façon
assez logique, le parcours professionnel apparait donc de moins en moins rectiligne,
puisque 62% répondants ont cumulé entre 2 et 5 expériences dans plusieurs
entreprises, et près de 30% totalisent au moins 6 expériences différentes.
Moins de 10 ans
49% Entre 10 et 30 ans
37%
plus de 30 ans
10%
NSP
4% Expérience professionnelle
Moins de 10 ans
Entre 10 et 30 ans
plus de 30 ans
NSP
9%
62%
18%
11%
Nombre d'expériences dans une ou plusieurs entreprises
1
2 à 5
6 à 10
plus de 10
54%
14%
100%
33%
49%
46%
86%
0%
67%
51%
43%
13%
1%
2%
41%
0% 20% 40% 60% 80% 100% 120%
Un parcours cohérent au sein de plusieursentreprises dans le même univers
professionnel
Une alternance chaotique d’expériences professionnelles plus ou moins longues et dans le cadre de contrats de travail divers
Une alternance d’expériences professionnelles plus ou moins longues et dans le cadre de contrats de travail divers
Une alternance de périodes d’activité et d’inactivité (recherche d’emploi,
interruptions pour raisons familiales…)
Un parcours linéaire et progressif au sein d’une ou deux entreprises
La perception du parcours professionnel : une vision
globalement positive et cohérente
Total général
Non cadre
Cadre, ingénieur ou assimilé
65
(Nb : pour chaque item, une ventilation cadre / non cadre a été opérée)
Globalement, les salariés perçoivent ou vivent leur parcours de façon assez
positive puisqu’ils le considèrent comme progressif (41%), ou à tout le moins, cohérent
dans l’univers professionnel dans lequel ils évoluent, même s’il se déroule au sein de
plusieurs entreprises (43%). On peut y voir là l’expression d’une volonté marquée des
salariés de construire activement leur propre trajectoire professionnelle.
A noter que les répondants qui jugent leur parcours professionnel chaotique
(13% du total) ou émaillés de périodes d’inactivité (2% du total) sont très
majoritairement des non-cadres.
.
Sur le démarrage de la trajectoire professionnelle, une nette majorité des
répondants (61 %) estiment qu’elle devrait être appréhendée plus en amont du
démarrage de la carrière professionnelle à proprement parler.
Une opinion à mettre en regard des difficultés rencontrées par les jeunes de
moins de 26 ans à trouver un premier emploi, une des données structurelles du marché
du travail en France.
La question des étapes initiales de cette trajectoire, et de ses conséquences
institutionnelles et juridiques (portabilité des droits, retraite, droit à la formation…)
renvoie notamment au statut rénové à conférer au stage, à la valorisation de
l’alternance, et à la mise en place d’un véritable service public de l’orientation.
D’autres éléments à prendre en compte dans la trajectoire professionnelle
Si 59% des personnes interrogées déclarent avoir exercé une au plusieurs
activités professionnelles indépendantes ou des responsabilités (associatives ou
électives) ne relevant pas d’un emploi salarié, 34% d’entre eux considèrent même que
ces périodes – ou ces différentes expériences - devraient faire partie intégrante du
parcours professionnel, et être valorisées à ce titre.
66
Une vision très partagée des axes prioritaires pour maintenir sa trajectoire
Les réponses sont très partagées puisque pour 26% des répondants, le
développement des compétences est déterminant pour assurer son employabilité et
avoir ainsi une continuité dans sa trajectoire professionnelle. Vient ensuite la
préservation de son emploi, suivi de la protection sociale à égalité avec la valorisation
des périodes d’inactivité liées à une recherche d’emploi.
17%
17%
19% 21%
26%
Pour assurer la continuité d’une trajectoire professionnelle, le
plus déterminant est de :
Préserver sa protection sociale
Valoriser ses périodesd'inactivité liées à unerecherche d'emploiAssurer la transférabilité desdroits d'une entreprise àl'autrePréserver son emploi
Developper ses compétencespour augmenter sonemployabilité
67
2°) Perception globale de la « flexicurité », et de ses objectifs
La sécurisation de l’emploi : une vision encore assez floue…
On le voit ici, les réponses des collaborateurs sont très éclatées, ce qui révèle
une compréhension inégale de cette notion. Il n’est d’ailleurs pas anodin de noter que
la réponse « ne sait pas » fait partie des trois critères les plus cités sur l’ensemble des dix critères proposés.
Du point du vue des objectifs à poursuivre en la matière, ceux jugés les plus importants pour sécuriser les emplois sont les suivants :
Développer les compétences des collaborateurs dans une logique
d’adaptation ou d’anticipation des besoins ou contraintes futures de
l’entreprise : 60%
Mieux accompagner la carrière des collaborateurs : 47%
Développer l’employabilité des collaborateurs au sens large : 42%
Quid de la sécurisation des parcours ?
Selon les collaborateurs, de nombreuses définitions ressortent de cette question.
Nous avons retenu deux d’entre elles:
« Mettre en œuvre des pratiques qui permettront aux salariés d'avoir un vision à
long terme de leur emploi et de leur parcours professionnel futur »
18% 17%
16%
12%
8% 7% 6% 5%
4%
8%
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
18%
20%
Que signifie pour vous la "Sécurisation de l'emploi" ?
68
« Donner une visibilité sur les choix laissés aux salariés quant à leur évolution
verticale ou horizontale, dans et hors de l'entreprise. Développer des compétences
"vendables" sur le marché du travail. Reconnaître l'acquisition des compétences par
l'octroi de diplômes ».
Ils ont également une vision assez partagée des objectifs essentiels à poursuivre
dans le cadre d’une démarche de sécurisation des parcours professionnels, même si 4
axes prioritaires se dégagent nettement :
- Le maintien de l’emploi (ce qui renvoie plutôt à la question de la sécurisation de
l’emploi)
- L’orientation professionnelle
- Le développement de l’alternance
- La sécurisation des salariés en situation précaire.
On note par là même une forte sensibilité à la situation difficile de certaines catégories
de salariés plus fragilisés.
Nb : plusieurs réponses possibles à classer par ordre d ‘importance
La sécurisation des parcours, un objectif réalisable
De façon à priori assez surprenante, les collaborateurs interrogés estiment
majoritairement (à 64%) que la sécurisation des parcours est un objectif réalisable, un
résultat sans doute à corréler avec les espoirs qu’ils fondent dans la capacité des
entreprises à contribuer concrètement à cette aspiration, via notamment la formation,
et en leur propre conscience des enjeux de cette question.
29
19
67
76
63
60
44
52
33
21
40
29
Mobilité externe
Mobilité géographique
Orientation professionnelle
Maintien de l'emploi
Développement de l'alternance
Sécurisation des salariés en situation précaire
Employabilité des salariés fragilisés
Formation professionnelle
Amélioration des droits des salariés précaires
Droits rechargeables à l'assurance maladie
Généralisation et portabilité de la complémentaire santé
Développement mécanisme de "partage" du travail
Les axes prioritaires de la sécurisation des parcours professionnels
69
Des responsabilités partagées…mais des collaborateurs conscient des enjeux et
investis dans la sécurisation de leur parcours
Pour la majorité des répondants (57%) la sécurité des emplois est de la
responsabilité de l’ensemble des acteurs, certains estiment d’ailleurs que « tous les
acteurs sont liés les uns aux autres et ils ont tous leur part de responsabilité dans la
sécurité de l'emploi », d’autres mettent en avant « les parties prenantes qui suivent le
projet et accompagnement la société ». Enfin « chacun doit prendre ses
responsabilités, l'emploi est à la base d'un équilibre où chacun doit trouver son
compte ».
On constate que pour la sécurisation des parcours professionnels, 46% (soit 11%
de moins que la sécurité des emplois) des sondés considèrent qu’elle incombe à
l’ensemble des acteurs.
22%
13%
57% 55%
46%
0
10
20
30
40
50
60
Etat Collectivité Entreprise Salariés L’ensemble des acteurs
A qui incombe la sécurisation des
parcours professionnels ?
57%
6%
19% 12%
2% 5%
De l’ensemble des acteurs
De l’Etat et/ou
organismes de sécurité sociale, par
des mécanismes de solidarité
De votre seulemployeur
De vous-même, en
partie
Descollectivitésterritoriales
Despartenairessociaux, en
négociant desaccords
collectifscontraignants
D’après vous, la sécurité de votre emploi relève-t-
elle principalement :
70
12% mettent en avant leur responsabilité en partie sur le sujet de la sécurité de
leur emploi ; ils estiment « qu’il faut rendre chaque personne responsable de sa vie
professionnelle. .. ». Il faut lui donner aussi les moyens de développer ses compétences
et son potentiel. D’autres estiment que « La personne qui développe son employabilité
et ses compétences trouvera toujours un emploi dans sa société actuelle ou dans une
autre société ».
Du côté des acteurs faiblement cités, nous retrouvons les partenaires sociaux, les
collectivités territoriales et l’Etat.
Les deux acteurs principaux dans la sécurité des parcours professionnels sont
l’entreprise (57%) et le salarié lui-même (55%). L’entreprise doit déployer une politique
optimisée pour garantir le développement des compétences des collaborateurs. De
plus, il est nécessaire que le collaborateur soit également acteur de sa carrière
professionnelle.
Afin d’illustrer ce constat on peut citer d’une part les propos d’un salarié qui
estime qu’ « on est responsable de son parcours et de ses choix. Sans motivation de
l’employé les efforts des autres n’aboutiront pas » et d’autre part un autre salarié qui
considère que « le rôle de l’entreprise est essentiel. La responsabilité sociale de celle-ci
ne doit pas être qu’une valeur affichée mais un réel objectif concret». Cette tendance
s’affirme pour toutes les catégories de population interrogées (cadres et non cadres) et les différentes tranches d’âge.
3°) Connaissance et degré d’adhésion à la réforme
36%
64%
La "flexicurité" et la réforme de
janvier : un sujet relatiivement
connu
Non, je n'en aipas entenduparler
Oui, j'en aientendu parler
1% 2% 8%
10%
79%
Un sujet relayé par les médias
Communication de l’entreprise (via notamment son portail intranet)
Veille sociale
Collègues de travail
Représentants du personnel et/ou syndicaux dans votre entreprise
Medias
71
27%
22%
52%
Une solidarité afichée entre les
salariés
Ne saispasNon
Oui
On remarque que la notion de « Flexicurité » et la réforme rattachée à cette
notion est à 64% connue du panel. L’information est majoritairement arrivée par la voix
des médias à 79%. A noter que les entreprises ont très peu communiqué sur le sujet.
Enfin, les collègues de travail (8%) et de ce fait, les discussions informelles, permettent
également de véhiculer de l’information.
Le panel est très divisé sur le bien fondé et la qualité de la réforme. En effet, près
de 40% des répondants pensent que la réforme est incomplète et 40% estiment qu’elle
apportera surtout plus de souplesse aux entreprises. Pour seulement 17% des répondants, la réforme est globalement équilibrée.
Des salariés majoritairement prêts à faire des concessions relatives au contrat
de travail, mais sur quel plan ?
La majorité des répondants (52%) sont prêts à faire des concessions sur leur
contrat de travail en cas de graves difficultés économiques pour l’entreprise (ce qui
renvoie aux nouveaux « accords de maintien de l’emploi ») et mettent en avant un
esprit de solidarité. Par exemple ils estiment que « si aucune concession n'est
acceptée, l'ensemble de l’entreprise pourrait être affectée ».
A l'inverse, ceux qui s'y opposent, mettent en avant des conditions de vie déjà précaires et le souci du maintien du niveau de vie.
8%
17%
39%
39%
Un avis très partagé sur cette réforme
Apportant surtout plus desécurité aux salariés
Equilibrée
Apportant surtout plus desouplesse aux entreprises
Incomplète
72
D’autres apportent une condition liée à une vision stratégique de l’avenir : « si
c'est équitable et limité dans le temps avec un plan de route clairement défini pour
sortir de cette situation ».
22% des répondants ne sont pas prêts à faire des efforts pour sauver leur
entreprise car ils ne s’estiment pas responsables de la situation de l’entreprise alors que
d’autres sont en demande de conditions sur les concessions fournies.
La part des indécis sur le sujet est relativement importante (27%) ce qui
démontre un besoin de clarification du sujet.
Dans les 52% favorables aux concessions, 51% ne savent pas sur quel axe faire
des concessions. Il apparait cependant que 22% sont prêts à réduire et aménager leur
temps de travail. La mobilité géographique, professionnelle et la rémunération sont en
retrait.
Les salariés opposés à toute concession : une réticence de principe ?
La plupart des répondants qui s’étaient déclarés hostiles à toute concession n'ont pas
d'avis tranché, sachant qu'il est difficile de se prononcer sur un sujet aussi sensible et
impactant (incidences sur la rupture possible du contrat en cas de refus) sans y être
encore directement confronté.
8%
10%
22%
9%
51%
Sur le plan d’une mobilité géographique
Sur le plan d’une mobilité professionnelle
Sur le plan d’une réduction ou d’un aménagement du temps de travail
Sur le plan de la rémunération
Ne sais pas
Encore peu d'avis tranchés sur le type de
concessions à réaliser
73
La période de mobilité externe volontaire : un nouveau dispositif présenté et
perçu comme attractif pour les salariés
Seuls 24% des sondés ne considèrent pas la « période de mobilité volontaire sécurisée »
comme un dispositif pertinent.
Près de 70% des personnes interrogées estiment que la démarche de « mobilité volontaire » pourrait représenter une opportunité dans leur parcours professionnel.
72%
24%
4%
La mobilité volontaire, un dispositif
pertinent pour les salariés
Oui Non Sans avis
69%
24%
7%
La mobilité "volontaire", une opportunité pour les salariés
Opportunité Risque Sans avis
74
4°) Quelle contribution des entreprises ?
Les entreprises sont clairement perçues comme l’un des acteurs principaux de la
sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels.
L’attente des collaborateurs est forte, et une nette majorité d’entre eux estiment
d’ailleurs que leur entreprise mène une action en la matière, mais avant tout s’agissant
de la sécurisation de leur emploi.
D’après les personnes interrogées, 3 types d’actions sont ainsi déployées par les
entreprises pour sécuriser leur emploi :
Formation : 59%
Mobilité interne : 19%
La combinaison Formation/Mobilité : 12%
Les attentes des collaborateurs interrogés correspondent dans la grande majorité aux
actions déjà mises en place par les entreprises.
Quant à la sécurisation des parcours, les collaborateurs interrogés estiment que
leur entreprise y contribue en proposant un dispositif de formation fourni, une réelle
politique de mobilité à travers des entretiens de carrière, des passerelles métiers, la
mobilité géographique, des possibilités de reconversion et des évolutions
professionnelles dans le même métier.
Des dispositifs à déployer prioritairement par les entreprises
Les collaborateurs ont déterminé 6 dispositifs (classés par ordre
d’importance) permettant de sécuriser les parcours professionnels :
15%
25% 60%
Estimez-vous que votre entreprise contribue
concrètement à la sécurisation de votre emploi ?
Ne sait pas
Non
Oui
75
Des carences notables en matière de sécurisation de l’emploi
En revanche, les collaborateurs qui estiment que leur entreprise ne contribue pas
à la sécurisation de leur emploi, ont relevé 4 dispositifs manquants au sein de leur
organisation (classés par ordre d’importance).
Les insuffisances repérées en matière de sécurisation des parcours
Les collaborateurs estiment que l’accompagnement des parcours professionnels
n’est pas structuré ni valorisé au sein des organisations et plus particulièrement dans les
petites structures. En effet, d’après eux, la sécurité des parcours professionnels fait
l’objet d’une gestion au cas par cas et non d’une réelle politique de gestion des
compétences. Afin de justifier cette situation, les interrogés énoncent entre autre le
coût (ex : staffing et dépenses des outils). De plus, on assiste à de nombreuses
réorganisations qui empêchent de déployer une réelle politique en faveur de la
sécurisation des parcours professionnels. L’une des personnes interrogée estime qu’il n’y
a « pas de suivi concret, ni de perspectives concrètes formulées par mon entreprise. Je
suis le seul acteur de mon évolution ».
Dans certaines entreprises les moyens permettant une sécurisation des parcours
professionnels existent mais ne sont pas valorisés, par manque de prise de conscience
accompagnée d’un manque de communication.
Alternance
Expérience
Pérénnité de l'emploi
dans l'entreprise
Mobilité
GPEC
Formation
Dispositif inadapté à la
taille de la structure
Manque de Communication
Stratégie de l'entreprise non définie
Pas de GPEC
76
ENQUETE QUALITATIVE
MENEE AUPRES DES ORGANISATIONS SYNDICALES
(AU NIVEAU DES ENTREPRISES)
I-Méthodologie et présentation du panel
Enquête qualitative de type semi-directive, menée de juin à septembre 2013,
par les alternants du Master RMRDH, auprès de délégués, représentants syndicaux ou
secrétaires de section (et/ou élus du personnel membres d’OS) d’organisations
syndicales représentatives au sein de plusieurs grandes entreprises, et par ailleurs
affiliées à une confédération syndicale reconnue représentative au plan national et
interprofessionnel.
L’enquête, assez longue, comportait une quarantaine de questions destinées à
recueillir la perception de représentants syndicaux sur les enjeux et modalités de la
« flexicurité » et mieux comprendre leur positionnement, au niveau des entreprises,
quant à la réforme récemment adoptée en la matière.
Appelés à jouer un rôle majeur dans la mise en place de certains dispositifs
prévus par la LSE (Loi de Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013), dans le prolongement
de l’ANI du 11 janvier 2013, il nous a semblé en effet décisif d’analyser le point de vue
de ces délégués syndicaux, au regard notamment des postures adoptées, au plan
national, par leurs confédérations (cf. III/ pour rappel).
S’il n’a pas été possible d’interroger un nombre important de délégués, compte
tenu de la sensibilité, de l’acuité du sujet, ainsi que de la densité du guide d’entretien,
le panel retenu, même restreint, reflète cependant bien le paysage syndical national
(à l’exception toutefois de la CFE-CGC ici non représentée) et la qualité des réponses
apportées constitue une base pertinente d’analyse.
Nous avons ainsi obtenu 11 retours d’entretien dont certains constituaient la
synthèse commune de plusieurs délégués syndicaux (13 répondants au total). Ces
derniers disposent de mandats au sein de grands groupes tels que Capgemini, l’Oréal,
CNP Assurances, la SNCF, Goodyear, Allianz, Alten, Vinci – là où les enjeux en terme
d’emploi sont les plus significatifs – et dans des secteurs d’activité assez diversifiés.
13 élus, représentants et/ou délégués syndicaux4 affiliés aux organisations
syndicales CGT, CFDT, CFTC, FO ont donc répondu à notre enquête, le plus souvent au
terme d’un véritable entretien conduit par nos alternants. 11 d’entre eux sont par
4 Au sein de ce panel on retrouve essentiellement des délégués syndicaux, mais aussi des
secrétaires de CE, des représentants syndicaux au CHSCT ou au CE, des secrétaires syndicaux (avec dans
certains cas -assez classiques - des situations de cumul de mandats), dotés pour la grande majorité d’entre
eux d’une solide expérience en tant que mandaté (jusqu’à 14 ans).
77
ailleurs responsables de section syndicale, ce qui témoigne de leur leadership, et ont
déjà négocié toute l’année avec la direction5.
La ventilation par OS est la suivante :
- 7 élus, représentants et délégués syndicaux affiliés à la CGT au sein des
entreprises Véolia6, SNCF7, CNP Assurances, Capgemini, Facéo Sécurité
- 3 élus/délégués syndicaux affiliés à la CFDT au sein des entreprises
Allianz8, Alten, L’Oréal
- 1 représentant affilié à la CFTC au sein de l’entreprise Good Year
- 2 délégués syndicaux affiliés à FO au sein des entreprises Vinci, SNCF
II-Synthèse des résultats et commentaires
1°) Perception globale de la “flexicurité”
Une vision brouillée
Aux yeux de la CFDT, la flexicurité suit la logique d’apporter de la flexibilité au
marché du travail en même temps que de la sécurité aux salariés. Elle correspond au
fait de pouvoir assurer au salarié un emploi, même si celui-ci est totalement différent du
précédent puisque de nos jours, plus personne n’a le même emploi toute sa vie. C’est
pour la CFDT une bonne méthode à condition que tous les acteurs s’en servent «
honnêtement ».
L’opinion de la CGT est moins positive puisqu’il s’agit, selon ses délégués, d’une
logique économique appliquée au domaine social par laquelle le salarié devient une
variable d’ajustement pour améliorer le résultat du bilan comptable et satisfaire ainsi les
actionnaires.
D’après nos entretiens, la CFTC considère la flexicurité comme un moyen
d’assurer un avenir plus serein aux salariés qui auront dû pour cela fournir plus d’efforts.
Globalement, la flexicurité demeure une notion vague pour l’ensemble des
syndicats interrogés du fait de la pluralité des réponses. Une tendance se dégage
cependant : la flexicurité est une réponse à la recherche de souplesse économique
demandée par les entreprises. Les délégués syndicaux estiment dans l’ensemble qu’il
s’agit d’un objectif réalisable mais qui nécessitera du temps. A défaut de véritables
négociations, la CGT considère toutefois l’objectif comme illusoire...
5 Notamment sur la NAO (augmentations générales, primes et rémunération ; modulation du
temps de travail, horaires variables, astreinte…), GPEC, emploi des seniors, contrat de génération, l’emploi
(suppressions de postes), le bien-être et qualité de vie au travail, mutuelle, égalité hommes/femmes, travail
de nuit,, handicap, stress, chômage partiel, sécurité, prévention de la pénibilité au travail, etc..
6 Représentatif et majoritaire 7 Représentatif et majoritaire 8 Représentatif et majoritaire
78
L’appréhension de la « sécurisation des parcours professionnels » (SPP)
De manière générale, en reprenant les verbatim de toutes les organisations
syndicales, la sécurisation des parcours professionnels signifie :
- Avoir un emploi stable
- Faire reculer la précarité, anticiper les mutations
- Protéger les salariés contre les licenciements, les délocalisations, les baisses
de salaire, les aléas conjoncturels
- Faire reconnaître et valider/certifier les parcours professionnels
- Permettre au salarié de changer d'employeur plus facilement tout en
gardant ses droits
Des priorités bien identifiées, avec un objectif n° 1 de maintien dans l’emploi
Les répondants ont globalement considéré qu’il fallait fixer les priorités suivantes :
- le maintien dans l’emploi devrait être la priorité des priorités en matière de
SPP
- le développement de l’alternance au profit des jeunes apparait en seconde
position, ce qui témoigne d’une vraie sensibilité au problème de
l’employabilité de cette population
- la généralisation et portabilité de la complémentaire santé en 3ème position
- l’amélioration des droits des salariés sous ou en fin de contrat précaire en
quatrième position
La mise en place d’une « sécurité sociale professionnelle », une idée ambitieuse
mais peu réaliste
Un délégué CGT précise que c’est une revendication historique de la CGT à
laquelle il souscrit et qui permettrait au salarié de garder la continuité et la progressivité
des droits au salaire, à la formation et à la protection sociale. Deux autres délégués
CGT estiment néanmoins que cela entraînerait une sécurité sociale à plusieurs vitesses
et une privatisation de la sécurité sociale au profit des organismes d’assurances.
Le délégué CFTC n’est pas contre dans l’absolu mais souhaite une négociation
accrue.
Le délégué CFDT s’y oppose, estimant qu’il y a déjà beaucoup de cotisations,
beaucoup d’organismes, et qu’il faudrait mieux allouer les ressources des organismes
déjà existants.
79
La sécurisation des parcours au profit de qui ? Une question délicate au regard du
principe d’équité et de la lutte contre la précarisation.
Globalement, les répondants, quelle que soit leur OS, estiment que la SPP doit
respecter une équité et profiter à tous les salariés.
Un délégué CGT attache une importance particulière aux jeunes qui sont le plus
souvent en situation de travail précaire malgré des diplômes assez élevés, et
souhaiterait donc que la SPP leur profite davantage. Un second délégué CGT ajoute
que pour une réelle sécurisation, il ne faudrait pas cibler les salariés mais plutôt prendre
en compte les spécificités relatives aux secteurs d’activité et aux métiers. Un autre
délégué CGT va même jusqu’à demander quel est l’intérêt du dispositif, s’il s’agit de
« sécuriser » uniquement les contrats les plus stables.
Le délégué FO refuse d’office de négocier sur ce sujet mais si cela devait être
imposé, il défendrait des droits pour des salariés ciblés afin de tirer au maximum vers le
haut les droits de la « base » (= les autres salariés).
Quel regard rétrospectif et prospectif sur une mesure déjà mise en place : la portabilité
du DIF ?
Concernant la mise en œuvre de la portabilité du DIF, les délégués estiment
globalement que c’est une bonne idée, mais que dans les faits, le DIF reste très difficile
à prendre en entreprise. Celui de l’entreprise de l’industrie automobile souhaiterait que
l’Etat y ajoute un budget supplémentaire. Les délégués syndicaux CFDT et CGT
d’Entreprises de SSII déplorent que le DIF nécessite l’accord du nouvel employeur et
pensent que les salariés devraient pouvoir en disposer pleinement et en avoir le
contrôle total. Cela n’est pas étonnant dans ce secteur d’activités où les formations
sont difficiles à obtenir et pourtant nécessaires étant donné le degré d’expertise
qu’exigent les nouvelles technologies.
Une responsabilité éminente de l’Etat et des entreprises
De manière générale, l’ensemble des syndicats estime que la sécurisation des
parcours incombe d’abord à l’Etat et aux entreprises.
Quant à la sécurisation de l’emploi, les délégués de la CGT préconisent
unanimement une responsabilité du législateur en matière de mise en place de
dispositifs afférents. Les autres syndicats sont plus favorables à une négociation entre les
parties prenantes à tous les niveaux (branche, interpro et entreprise).
Un délégué CFDT ajoute que les entreprises et les salariés devront
nécessairement fournir un effort conjoint.
80
2°) Quel regard sur la trajectoire professionnelle des individus ?
Comment doit-on appréhender la trajectoire professionnelle : au démarrage d’une
carrière professionnelle ou plus en amont (fin du parcours d’études secondaires) ?
Concernant l’appréhension de la trajectoire professionnelle, pour les élus CFDT,
la trajectoire professionnelle doit être appréhendée en amont de la carrière
professionnelle, lors de la formation initiale. Idem pour l’élu CFTC qui souhaiterait même
un développement des partenariats école.
Les élus CGT émettent un bémol : “il ne faut pas d’intervention de l’entreprise à
l’école autre que dans une fonction de conseil ou d’information sur la réalité des
secteurs d’activité et que les études, primaires et secondaires, ne sont pas faites pour
être subordonnées aux exigences d’intérêts particuliers et privés que sont ceux des
entreprises. Leur but est au contraire de permettre aux étudiants d’appréhender le
maximum de connaissances afin de pouvoir choisir le plus grand nombres possibles
d’opportunités et de voies. La trajectoire professionnelle n’a donc pas à influer par
anticipation sur l’enseignement reçu par les étudiants”.
L’élu FO estime que les années d’étude doivent être prises en compte
notamment dans le calcul effectué pour les retraites.
Une pluriactivité « salariat/ bénévolat (ou mandat électif ou associatif)
/entrepreunariat » à intégrer pleinement dans le parcours professionnel
Une telle pluriactivité est largement plébiscitée par les OS, qui, dans l’ensemble,
considèrent qu’elle devrait être prise en compte dans un parcours professionnel
sécurisé.
Une idée aujourd’hui rejetée : le « contrat de travail unique » exploitable sur tout ou
partie d’une trajectoire professionnelle
Toutes les OS sont défavorables à la création d’un « contrat de travail unique »
car des points juridiques resteraient en suspens, comme par exemple lors des situations
de licenciement et l’uniformisation gommerait les problèmes et les recours. De plus,
cela annihilerait les effets des conventions collectives. Toutes les sociétés sont
différentes, donc les contrats doivent l’être aussi.
A noter que le courant normatif va exactement en sens contraire par la
multiplicité croissante des dispositifs contractuels aujourd’hui utilisables sur le marché du
travail.
81
3°) Une appréciation controversée de l’ANI/ LSE faisant apparaitre
de profonds clivages Une réforme équilibrée ? Un progrès ou une régression pour les collaborateurs ? Des
positions syndicales très partagées…
La réforme de 2013 est, d’après les délégués de la CFDT et de la CFTC,
équilibrée en termes de flexibilité accordée à l’entreprise et de sécurité assurée aux
salariés. La CFDT la considère même comme un réel progrès, tandis que la CFTC est
d’avantage mitigée et attentiste sur le sujet, en particulier quant aux retombées
attendues sur l’emploi.
A l’inverse, les délégués de la CGT affirment unanimement qu’elle apportera
uniquement plus de souplesse aux entreprises. Un délégué CGT estime d’ailleurs que la
loi constitue un net recul en termes d’acquis salariaux et critique notamment la
réduction des délais de recours pour les salariés en matière de licenciements, de
paiement des salaires même position pour un autre délégué CGT qui ajoute que cette
ANI/LSE est néfaste pour les droits des salariés parce qu’il entraîne une perte de lisibilité
du droit, au seul profit des employeurs avec une instrumentalisation de la conciliation
prud’homale. La CGT entend la loi de sécurisation de l’emploi comme permettant
avant tout de flexibiliser l’emploi et non pas comme un dispositif de sécurisation des
parcours.
De manière générale, les témoignages recueillis reflètent donc bien les
positionnements des OS au niveau national.
Des nouveaux dispositifs qui restent encore à améliorer
Globalement les délégués de la CFDT estiment que la LSE n’est qu’un point de
départ pour la SPP et attendent sa mise en pratique pour apprécier son caractère
suffisant.
Les délégués de la CGT sont plus sévères et fidèles à la vision nationale de leur
couleur syndicale, concluant que l’ANI est insuffisant, notamment car elle ne va pas
vraiment dans le sens de la SPP. Etonnamment, compte tenu du fait que la CFTC était
signataire de l’ANI, le délégué CFTC de l’entreprise automobile estime que l’ANI/LSE est
insuffisant et qu’il doit être encore complété. Un avis mitigé sans doute lié à sa
présence dans un secteur sinistré…
Si l’on examine de plus près certains dispositifs spécifiques, les avis sont
également très partagés. Par exemple, en ce qui concerne la « Période de Mobilité
Volontaire Sécurisée », le délégué de la SNGC-CGT trouve que c’est un système
inefficace voire risqué pour les salariés, alors que la CFDT considère que c’est une
bonne mesure, à condition qu’elle soit réellement le choix du salarié.
D’une manière générale, les OS se rejoignent sur le fait que les garanties
données aux salariés puissent paraître encore insuffisantes (voire fictives, pour certains
délégués).
82
Des collaborateurs encore trop peu informés et concernés
S’agissant du niveau d’information des collaborateurs sur l’existence et la mise
en œuvre des nouveaux dispositifs, les délégués, quelle que soit l’OS et quelle que soit
l’entreprise, ont été unanimes pour estimer que les collaborateurs n’étaient pas
suffisamment informés sur l’existence et la mise en œuvre des dispositifs. Un élu CFDT
allant jusqu’à dire que malgré la volonté des élus d’informer les collaborateurs, ces
derniers ne se sentaient pas concernés.
Un élu CGT a estimé pour sa part que c’était à l'employeur de communiquer sur
la question.
4°) L’implication des OS dans la négociation d’accords SPE/SPP : une
position vigilante et encore attentiste
Des OS disposés à négocier et conclure des accords afférents à certaines conditions
Majoritairement les OS sont relativement ouvertes à la négociation collective
sous réserve que le contenu des accords ne soient pas uniquement favorable à
l’employeur. Les OS sont sensibles au maintien de l’emploi et des salaires et
souhaiteraient établir un rapport « gagnant-gagnant » avec les directions d’entreprises.
La GPEC et le compte personnel de formation sont des thèmes d’accords que les OS
souhaiteraient aborder au travers de négociations futures. Cela démontre une réelle
volonté des OS de développer l’employabilité et de sécuriser les parcours
professionnels des salariés par ces leviers.
Enfin, les syndicats semblent d’accord sur le fait qu’il faut à la fois se concentrer
sur :
- L’accompagnement de la carrière des collaborateurs
- Développer leurs compétences
- Maintenir l’emploi des collaborateurs sur le site.
Une vigilance accrue sur la préservation des droits des salariés
Les OS considèrent « la nature et l’étendue des garanties aux collaborateurs »
comme un élément fondamental de la négociation de ces accords. Elles souhaitent
avoir un rôle important dans la négociation de ces derniers et être les garants des droits
des salariés. Pour l’ensemble des OS, la nouvelle « Période de mobilité volontaire
sécurisée » (mobilité externe) devrait être d’ailleurs encadrée par un accord collectif
de manière à donner le plus de garanties aux salariés susceptibles de souscrire à un tel
dispositif.
83
Des positions très contrastées concernant les « accords de maintien de l’emploi » liés
aux difficultés économiques conjoncturelles de l’entreprise
Les délégués de la CGT sont très opposés à la négociation d’accords en cas de
difficultés économiques. Ils évoquent leur manque de confiance dans la transparence
des informations transmises par l’employeur concernant les difficultés économiques des
entreprises. Les délégués de la CGT estiment que « les salariés n’ont pas à payer les
pots cassés » de la Direction et est unanimement contre une dévalorisation des salaires
et une baisse du temps de travail pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.
A l’inverse, un délégué de la CFDT serait enclin à négocier de telles dispositions
dans l’optique d’un accord « gagnant-gagnant » entre salariés et direction. Les
délégués des autres OS n’ont pas de position tranchée sur cette question sensible.
A noter que si certains accords de maintien de l’emploi ont d’ores et déjà été
signés (principalement dans l’industrie automobile), la plupart des partenaires sociaux
manquent encore de recul et d’expérience pour en mesurer la portée.
III- Rappel du positionnement des
confédérations syndicales nationales sur
l’ANI et la LSE
Les organisations syndicales signataires de l’ANI du 11 janvier 2013 : la CFDT, la
CFTC, la CFE-CGE ; et pour les organisations patronales : le MEDEF, la CGPME, et
l’UPA.
Les organisations syndicales non signataires : la CGT et FO
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Organisations favorables
Positionnement de la CFDT
La CFDT est satisfaite que les parlementaires aient voté cette loi. Elle souhaite que les
mesures pour les salariés et l’emploi se mettent en œuvre rapidement. En effet, la loi
adoptée permet une nouvelle étape dans la sécurisation des parcours professionnels,
avec de nouveaux droits pour les salariés, notamment les plus fragiles : une
complémentaire santé pour tous, des droits rechargeables à l’assurance chômage,
une durée minimum de travail pour les temps partiels imposés, un compte personnel de
formation, etc.
L’accord transcrit dans la loi dessine une articulation nouvelle entre l’économique et le
social, fondée sur l’anticipation des évolutions, une information renforcée et un rôle
accru des représentants des salariés.
Positionnement de la CFE-CGC
Un point d‘équilibre a été trouvé entre la démocratie sociale et la démocratie
politique. De nombreuses avancées ont ainsi été consacrées par la loi. Sans être
exhaustif, certains sujets sur lesquels la CFE-CGC a été à l’origine peuvent être cités :
- De nouveaux droits individuels, garants d’une meilleure sécurisation des
parcours professionnels des salariés
la complémentaire santé pour tous, bien que certaines dispositions aient été
rejetées par le conseil constitutionnel
le droit à la mobilité volontaire sécurisée
le compte personnel de formation
- De nouveaux droits collectifs en faveur de la sécurisation des parcours, un
premier pas vers un dialogue social plus mature
la mise en place de la base de données telle que prévue dans l’ANI du 11
janvier, véritable révolution en matière de dialogue social
la reprise par la loi de la mise en place des administrateurs salariés
● Positionnement de la CFTC :
pas de positionnement officiel communiqué, les arguments sont assez convergents
avec ceux développés par la CFDT et la CFE-CGC
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Organisations hostiles
● Positionnement de la CGT :
Selon la CGT cette loi considère le Travail comme un coût à réduire. Elle va développer
la précarité et pousser à des baisses de salaire. Elle va contribuer à dégrader
davantage la situation des salariés et de l’emploi. Les statistiques économiques, avec
notamment l’annonce de l’entrée de la France dans la récession, confirment les
analyses de la CGT et la pertinence des exigences sociales exprimées par les salariés
en lutte.
Synthèse des récriminations exprimées :
- En réalité pas de nouveaux droits créés pour les salariés.
- Une mobilité interne plutôt forcée
- Accès plus difficile à la justice en cas de licenciement
- Pa vraiment de garantie de Maintien dans l’emploi en cas de difficulté
- fragilisation de l’emploi et facilitation des licenciements de par la nouvelle
procédure prévue
● Positionnement de FO :
Pour FO la loi dite de sécurisation de l’emploi consacre un modèle basé sur une
flexibilité à outrance non compensée par une plus grande sécurité pour les salariés ou
si peu. Si la croissance ne se décrète pas, elle ne peut pas non plus se trouver dans une
recherche effrénée de la flexibilité et dans le dogme de la baisse du coût du travail.
Selon ce syndicat, l’accord va notamment :
- faciliter les licenciements économiques collectifs en restreignant tous les
délais de consultation et d’action des représentants du personnel
- exonérer les employeurs de plan de sauvegarde d’emploi (PSE) dès lors
que des salariés s’aviseraient de refuser une mobilité forcée
- généraliser les accords collectifs « chantage à l’emploi » avec un risque
de baisses de salaire imposées s’il existe un accord dit de maintien dans l’emploi
dans l’entreprise et le licenciement des salariés qui refuseront.
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LE MENTORING CHEZ DELL
Secteur
d’activité
Informatique
Nombre de
collaborateurs
En France, 1 600 collaborateurs répartis sur 2 sites.
Explications Entreprise américaine leader dans la vente de solutions informatiques
personnalisées.
Au sein de l’entreprise Dell, le développement de carrière suit un modèle
comprenant 70% de l’acquisition de l’expérience sur le terrain, 10% de
formations et 20% d’apprentissage auprès des collaborateurs.
C’est dans ce but qu’un système de mentoring a été mis en place grâce à
l’outil « Dell Mentor Connect ».
Des entretiens individuels sont réalisés entre les salariés séniors « mentors »
et les salariés juniors « mentorés ». Les « mentorés » volontaires à cette
pratique ont pour rôle d’accompagner et de conseiller les « mentorés »
volontaires également de manière informelle. Les entretiens amènent
aux « mentorés » des commentaires à 360° afin qu’ils puissent devenir les
leaders de demain.
Quels résultats ? Ce modèle de développement notamment grâce au monitoring a prouvé
son efficacité auprès des salariés suivis, en effet, au sein de Dell France, 20
« mentorés » ont été suivies par autant de « mentors ».
Les juniors apprécient d’être accompagnés par un sénior afin d’être plus
rapidement opérationnels.
Cette bonne
pratique
sécurise-t-elle
les parcours ou
les emplois ?
Le mentoring mis en place au sein de l’entreprise Dell permet aux
collaborateurs « juniors » dans l’entreprise d’acquérir des compétences par
l’expérience des séniors.
Le fait d’associer les juniors et les séniors est une bonne initiative afin de
favoriser le dialogue et les échanges entre générations.
Ainsi, cette pratique favorise les parcours des juniors dans l’entreprise et
peut permettre de les fidéliser afin qu’ils deviennent par la suite « mentors »
à leur tour.
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TRAJEO’H CHEZ VINCI
Secteur
d’activité
BTP/ Construction
Nombre de
collaborateurs
190 000 (10 000 collaborateurs concernés)
Explications Le groupe compte près de 260 implantations en Rhône-Alpes / Auvergne,
ce qui induit une forte décentralisation du management. Il existe une
grande disparité entre les établissements : certains emploient de très
petites équipes, d’autres comptent plusieurs centaines de salariés et
possèdent leur propre service RH. Le niveau de sensibilisation au handicap
et l’approche de la thématique sont donc très différents d’un site à l’autre.
Comme toutes les entreprises du BTP, le groupe Vinci est concerné en
premier lieu par la problématique des inaptitudes et a pris conscience de
la nécessité d’harmoniser ses pratiques pour gérer au mieux ses salariés
victimes d’accidents du travail ou de la vie, et de maladies
professionnelles.
Afin de structurer les moyens d’action et de mutualiser les connaissances,
les bonnes pratiques et les réseaux, le Club des DRH régionaux du groupe,
issus des 4 pôles d’activités Vinci (construction, routes, énergies et
concessions), fait le choix, en 2008, de créer une structure dédiée au
reclassement, baptisée Trajeo’h.
Pour mener à bien ce projet, le groupe souhaite bénéficier de
l’accompagnement de l’Agefiph avec qui il signe une convention. C’est
dans ce cadre que l’association Trajeo’h voit le jour. C’est une structure
autonome – elle n’est rattachée à aucun pôle en particulier-, proche du
terrain et très opérationnelle.
Quels résultats ? En trois ans, Trajeo’h a réalisé 40 accompagnements, répartis à parts
égales entre maintiens dans l’emploi, reclassements au sein du groupe
Vinci et reclassements extérieurs. Aujourd’hui, l’activité de l’association «
bat son plein », conséquence des sollicitations de plus en plus nombreuses
des entreprises du groupe. La réussite est telle que deux nouvelles
structures Trajeo’h ont vu le jour, l’une en Ile-de-France, l’autre dans le
secteur Sud-Est. Manifestement, le concept du guichet unique colle
parfaitement aux besoins des établissements.
Cette bonne
pratique
sécurise-t-elle
les parcours ou
les emplois ?
Trajeo’h sécurise les parcours des personnes en situation de handicap au
sein de l’entreprise Vinci. La mise en place d’une structure dédiée a permis
la prise en charge et l’accompagnement de ces personnes dans leur
évolution de carrière au sein du Groupe.
Elle sécurise également les emplois car ces personnes, ayant bénéficié de
formations et d’évolutions au sein de Vinci, ont de ce fait la possibilité de
renforcer leur employabilité et ainsi d’évoluer également en dehors de
l’entreprise.
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LA FORMATION DIPLOMANTE A LA
BANQUE POSTALE
Secteur
d’activité
Services Financiers
Nombre de
collaborateurs
16 000 collaborateurs :
-2000 salariés banquiers
-14 000 collaborateurs fonctionnaires et salariés postiers
Explications Il s’agit de formations longues en alternance (durée de 2 ans) délivrant un
diplôme ou une certification enregistrée au RNCP, s’adressant à des
collaborateurs déjà en poste, dans le cadre de la formation continue.
L’entreprise propose 3 niveaux de diplômes :
- Le Brevet Professionnel Banque (niveau bac) : Permet de développer les
compétences fondamentales à l’exercice de différents métiers de la
banque.
-L’Institut Technique Bancaire (niveau bac +4) : Permet d’évoluer d’une
filière de métier à une autre et d’exercer des responsabilités managériales
dans les différentes entités de la banque de détail.
- Le Centre d’Etudes Supérieures Bancaire (niveau bac +6) : Permet
l’exercice d’un management bancaire de haut niveau.
Quels résultats ? Depuis la signature de l’accord 16 Juillet 2007, relatif à la formation tout au
long de la vie à La Banque Postale, on constate un bilan positif :
Un engagement financier
-Des coûts de formation élevés entre 5000 et 18 000€ par formation pour
une durée moyenne de 300 heures.
-Plus d’1 million d’€ engagés en 2012 sur le budget formation.
Une politique d’accès dynamique
-238 collaborateurs sont actuellement en cours de formation diplômante
De nombreuses actions pour informer et communiquer
-Des Séminaires, Des Espaces temps communication (ETC)
-Un film
Cette bonne
pratique
sécurise-t-elle
les parcours ou
les emplois ?
La formation diplômante à La Banque Postale, s’inscrit dans une
démarche de sécurisation des parcours professionnels pour les salariés de
l’entreprise. D’une part, elle facilite l’accès à la formation d’un public
fragile, particulièrement moins qualifiés. D’autre part, à travers l’accès à la
formation, La Banque Postale développe et maintien l’employabilité de
ses collaborateurs, en interne comme en externe.
90
LA PROFESSIONNALISATION DES FACTEURS
A LA POSTE
Secteur
d’activité
Service
Nombre de
collaborateurs
Groupe : 268 000 – Courrier : 154 078
Explications Une période professionnalisation, visant à créer une passerelle entre le
métier de facteur et de commercial, à diversifier les modes de
recrutement interne et à impulser la mobilité interne, a été mise en place
de façon expérimentale par l’Ecole des Ventes du Courrier.
Ce dispositif se compose 4 phases :
•Période communication = dans les établissements de distribution - auprès
des managers pour identification des potentiels et communication
-auprès des équipes
-auprès des conseillers mobilité
•Sélection : constitution d’un dossier de candidature et test de sélection
•Cursus : alternance entre période de formation et période en équipe de
vente
•Evaluation : - évaluations intermédiaires sur des points techniques
-Dossier : travaux réalisés + bilans intermédiaires
-Oral devant un Jury Interne : motivation et en mise en situation sur la
méthode de vente
Quels résultats ? 7 facteurs ont suivi cette période de professionnalisation. A l’issue de celle-
ci ils ont tous intégré au poste de Chargé de Comptes (= commercial B to
B)
Cette bonne
pratique
sécurise-t-elle
les parcours ou
les emplois ?
Ce dispositif est assimilable à une pratique de Sécurisation des Parcours
Professionnels au sein du Groupe La Poste. Elle vise à créer une passerelle
entre le métier de facteur et le métier de Chargé de comptes.
91
REMERCIEMENTS
Il nous paraît opportun de terminer ce « book » dédié à la Sécurisation des
parcours et de l’emploi, par des remerciements à l’ensemble de la promotion 15 des
alternants RMDRH IGS (groupes 1 et 2, ainsi que le groupe Formaposte P3) pour les
recherches, articles et travaux réalisés sur le sujet, en amont du colloque.
Merci à l’ensemble des alternants de la promo :
Merci aux alternants du M2 RMDRH pour les différentes enquêtes menées
pendant plusieurs mois auprès de plusieurs dizaines de salariés, responsables RH et
délégués syndicaux et pour l’important effort d’analyse et de synthèse qui a pu ensuite
être accompli.
Merci aux alternants pour leur travail d’investigation auprès de leur service RH
pour dégager les pratiques mises en place en interne en matière de sécurisation de
l’emploi et/ou sécurisation des parcours.
Merci aux entreprises et responsables RH ayant accepté de livrer leurs
témoignages sur leurs pratiques dans le film réalisé à cette occasion par Yves Pinol
Merci aux auteurs des articles de ce « book » et/ou présentés sur le blog RH de
l’IGS, pour leur précieuse contribution à la réflexion d’ensemble de la promo., merci
aux étudiants ayant contribué à la mise en forme de ce « book ».
Merci aux membres du comité de pilotage et aux différents responsables de
groupes qui ont assuré la liaison avec la promo. et le suivi des travaux, ainsi qu’aux
étudiants ayant plus particulièrement assuré le suivi logistique et informatique des
enquêtes.
Merci aux différents intervenants ayant tour à tour participé au cycle de
conférences sur le thème de la SPP / SE :
- René BAGORSKI
- Fabrice GUTNIK
- Michel BLACHERE
- Francis COHEN
Merci à Michel BLACHERE, Francis COHEN, Eric OUAKNINE, Leïla ROZE DES
ORDONS ainsi que Didier SANNIPOLI pour leur aide dans la supervision des différentes
productions des alternants, ainsi que dans la préparation et l’organisation du colloque.