45Les Cahiers du DRH - n° 181 - Novembre 2011
DROIT APPLIQUÉ
Par Marie-Adélaïde FavotAvocat
et Pascal BurchkalterJuriste en droit social
Cabinet Dupiré & Associés374, rue Saint Honoré75001 ParisTél. : 01 70 38 04 00www.dupire-associes.com
Le développement des troubles,
que l’on appelle « risques psy-
chosociaux », et l’apparition
des suicides au sein de l’entre-
prise résultent principalement
des nouveaux modes d’organisation du travail
et des nouvelles méthodes de management
axés sur la rentabilité et la performance.
De plus, la qualifi cation juridique du sui-
cide lié au travail emporte des conséquences
importantes pour l’entreprise depuis que la
Cour de cassation l’assimile à un accident du
travail. Il devient donc désormais essentiel,
pour les directions des ressources humaines,
d’identifi er les situations à « risques » et de
prendre toutes les mesures pour les prévenir
et les résoudre.
Suicides liés au travail et remise en question de l’organisation du travail et du management
Facteurs de risques susceptibles de conduire au suicide
Si les facteurs de risques psychosociaux sont
multiples, les récentes décisions judiciaires
mettent principalement en cause l’organisation
du travail et le management : la culture de la
rentabilité, de la performance, du « sur enga-
gement », du fl ux tendu, l’augmentation des
objectifs, le travail en sous effectifs, dans l’ur-
gence, des exigences contradictoires, la mise en
concurrence des salariés, le harcèlement moral,
l’individualisation des carrières…
Tous ces éléments sont susceptibles de générer
du stress professionnel pouvant, le cas échéant,
conduire au suicide. Tels sont les facteurs
prédominants de ces risques psychosociaux
auxquels s’ajoutent les effets de la crise éco-
nomique. En effet, si en d’autres temps les
souffrances liées au travail conduisaient le
salarié à démissionner, désormais le contexte
économique et la situation de l’emploi ne lui
permettent pas de quitter son emploi, et ce
quand bien même sa situation professionnelle
serait extrêmement diffi cile. Le salarié ne peut
concrètement plus se permettre de changer
brutalement d’environnement de travail et de
connaître une longue période de chômage.
La médiatisation de ces décès liés au travail
aura ainsi révélé une profonde souffrance
sociale et aura eu le mérite de faire prendre
conscience que la prévention des risques psy-
chosociaux est incontournable.
Nécessité de mise en place d’une politique nationale de prévention du suicide au travail
Si les pouvoirs publics commencent progressi-
vement à mettre en place des dispositifs
Suicide lié au travailEnjeux juridiques et pistes de réfl exion sur les moyens de prévention
France Télécom, Renault, Peugeot, EDF, La Poste, IBM, H&M, Disneyland Paris, Orange… Depuis quelques années, les affaires relatives aux suicides ou aux tentatives de suicides liés au travail font régulièrement la « une » de l’actualité. Toutes les entreprises sont concernées par cette question liée à la montée de la souffrance au travail. Que doivent faire les DRH pour détecter et traiter à temps les situations à risques et éviter les drames ?
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DROIT APPLIQUÉDROIT APPLIQUÉ
Cette initiative permettrait, selon eux, de fédérer
des acteurs professionnels et associatifs relevant
d’horizons divers, des domaines de la santé
publique, du social et du travail, afi n de consti-
tuer une base de données fi able sur le phéno-
mène du suicide et d’en améliorer la prévention.
Il demeure qu’aujourd’hui les entreprises appa-
raissent désorientées sur la conduite à adopter
face à de tels actes, d’autant que le suicide
d’un salarié emporte de lourdes conséquences,
notamment lorsqu’il est reconnu comme acci-
dent du travail.
Reconnaissance du suicide comme accident du travail
Enjeux de la qualifi cation d’accident du travail
Pour le salarié (ou ses ayant-droits en cas
de décès de celui-ci), l’intérêt de voir recon-
naître le suicide comme accident du travail
se justifi e avant tout au regard des prestations
servies par la Sécurité sociale. Les dommages
résultant d’un accident du travail font, en
effet, l’objet d’une réparation forfaitaire sans
que ne doive être recherchée la responsabilité
pour prévenir le harcèlement, la violence ou le
stress au travail, le suicide demeure encore une
question diffi cile à aborder.
Pourtant, la France compte parmi les pays
qui affi chent la plus forte mortalité par
suicide. Stabilisé aux alentours de 11 000 à
12 000 décès par an depuis 1993 (1), le
nombre de suicides demeure élevé et reste
supérieur à celui des victimes de la circula-
tion routière.
S’agissant du nombre de suicides liés au travail,
le Conseil économique et social l’estime entre
300 à 400 par an. Ces statistiques sont toute-
fois largement insuffi santes, et il est à ce jour
impossible d’évaluer avec rigueur le nombre
de suicides en lien avec le travail.
C’est ainsi qu’au mois d’avril 2011, un cabinet
spécialisé dans la prévention des risques pro-
fessionnels interpelait le Ministre du travail et
de la santé pour mettre en place « un observa-
toire des suicides et des conduites suicidaires ».
Le 22 mai 2011, quarante-quatre spécialistes
du monde de la santé et du social, dont
Marie-France Hirigoyen (médecin psychiatre à
l’origine de la notion de « harcèlement moral »),
appuyaient cette demande dans un quotidien
national.
(1) Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux, 12 mars 2008, p. 33.
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Suicide lié au travail
au temps et au lieu de travail ou, au contraire, en
dehors du temps et/ou du lieu de travail.
Suicide au lieu et au temps de travail
Si le suicide ou la tentative de suicide survient
au temps et au lieu de travail, celui-ci est « pré-
sumé » être d’origine professionnelle.
Cette présomption simple peut toutefois être
renversée par l’employeur en démontrant que le
geste suicidaire est totalement étranger à l’activité
professionnelle et qu’il puise son origine dans des
diffi cultés privées et personnelles du salarié (2).
En pratique, une telle preuve contraire est
cependant particulièrement diffi cile à appor-
ter. En effet, le suicide est un phénomène
nécessairement complexe causé générale-
ment à la fois par des raisons personnelles
et professionnelles. Certains spécialistes (3)
considèrent à ce titre qu’il est tout simplement
impossible d’identifi er une sphère personnelle
indépendante de la sphère professionnelle tant
les enjeux d’identité sociale et personnelle
s’interpénètrent. Si les problèmes personnels
peuvent ressurgir au travail, la sphère privée
pâtit souvent des diffi cultés professionnelles.
C’est d’ailleurs ce qu’avait tenté d’invoquer
l’employeur dans une affaire récente devant
la Cour d’appel de Versailles (4). Celui-ci sou-
lignait entre autres, pour sa défense, que « les
motivations poussant une personne à mettre fi n à
ses jours sont complexes et diffi ciles à identifi er et
qu’il est illusoire de rechercher la cause du geste
suicidaire uniquement par le prisme de la vie
professionnelle ». En vain. La Cour d’appel a
condamné l’entreprise.
Prouver que le décès trouve son origine dans
un fait totalement et exclusivement non profes-
sionnel s’avère donc presque impossible pour
l’employeur.
de l’employeur. Mais la reconnaissance d’un
lien entre la tentative de suicide ou le suicide
et le travail présente également un intérêt
sur le plan psychologique : elle permet de
reconnaître la souffrance endurée au travail et
contribue souvent à faciliter la démarche de
deuil pour l’entourage de la victime.
Pour l’entreprise, la qualifi cation d’accident
du travail entraîne des conséquences fi nan-
cières signifi catives puisque, dans une telle
situation, son taux de cotisation « accidents
du travail et maladies professionnelles » sera
augmenté. La reconnaissance d’un lien entre
le suicide et les conditions de travail peut
avoir, par ailleurs, des effets dévastateurs pour
l’entreprise tant sur le climat social interne
qu’en termes d’image et de réputation. Certains
consommateurs peuvent, en effet, être tentés
de se détourner des biens ou des services
d’une entreprise dont les dysfonctionnements
internes conduisent ses salariés au suicide.
L’accident du travail est défi ni à l’article
L. 411-1 du Code de la sécurité sociale :
« Est considéré comme accident du travail,
quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu
par le fait ou à l’occasion du travail à toute
personne salariée ou travaillant, à quelque
titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou
plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »
Sur le fondement de ces dispositions, la Cour
de cassation s’est depuis quelques années éri-
gée en véritable protecteur des salariés victimes
(et de leur famille) en aménageant à leur profi t
le régime de la preuve.
Aménagement de la charge de la preuve
Deux situations peuvent être envisagées selon
que le suicide ou la tentative de suicide se produit ■■■
(2) Notamment : Cass. 2e civ., 18 oct. 2005, no 04-30.205 ; Cass. soc., 24 janv. 2002, no 00-14.379. (3) Notamment Christophe Déjours, psychiatre et psychanalyste, et Florence Bègue, psychologue du travail et consultante, auteurs de « Suicides au travail : que faire ? », Ed. PUF. (4) CA Versailles, 19 mai 2011, no 10-00954, SA Renault c/ Sylvie X et CPAM de Nanterre.
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DROIT APPLIQUÉDROIT APPLIQUÉ
boulot c’est trop pour moi, ils vont me licencier et
je suis fi ni ».
De manière générale, la jurisprudence tend
donc à adopter une position stricte à l’égard
des employeurs, qui apparaissent comme
uniques responsables de ces actes, alors même
que le suicide présente un lien, même éloigné,
avec l’activité professionnelle du salarié.
Cette tendance répond notamment à la
volonté sous-jacente d’améliorer l’indemni-
sation des victimes et de leurs ayant-droits,
lesquels peuvent, par ailleurs, agir sur le
terrain de la « faute inexcusable de l’em-
ployeur » pour obtenir une indemnisation
complémentaire.
Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur
Globalement, l’indemnisation par le biais du
régime de réparation forfaitaire est très en
deçà de celle du régime de droit commun.
C’est pourquoi le salarié (ou ses ayant-
droits) peut également engager une action en
reconnaissance d’une « faute inexcusable » de
l’employeur, afi n de lui permettre d’obtenir
une indemnisation complémentaire au-delà
de l’indemnisation forfaitaire assurée par la
Sécurité sociale. Dans la mesure où la recon-
naissance de la faute inexcusable implique
le doublement de la rente ou la majoration
maximum, celle-ci permet, si elle est retenue,
de se rapprocher de l’indemnisation de droit
commun.
Là encore, la jurisprudence se montre favo-
rable aux salariés. En effet, considérant qu’en
matière de sécurité l’employeur est tenu envers
le salarié à une obligation contractuelle de
résultat, la Cour de cassation estime que tout
manquement à cette obligation a le caractère
Suicide en dehors du lieu et/ou du temps de travail
Si le suicide ou la tentative de suicide survient
en dehors du temps et/ou du lieu de travail,
il appartient à la victime ou, le cas échéant, à
ses ayant-droits de démontrer l’existence d’un
lien de causalité entre le geste suicidaire et les
conditions de travail. Peu importe que le sala-
rié soit ou non, au moment de son geste, sous
la subordination juridique de l’employeur.
La Cour de cassation, dans un arrêt remarqué
du 22 février 2007, a en effet reconnu une
tentative de suicide au domicile du salarié
comme accident du travail, alors même que
celle-ci était survenue à un moment où le
contrat de travail était suspendu pour arrêt
maladie.
Le suicide ou la tentative de suicide ne pourra
toutefois être qualifi é d’accident du travail
que s’il est démontré que le geste est direc-
tement lié au travail. La Haute Juridiction
considère en effet qu’« un accident qui se pro-
duit à un moment où le salarié ne se trouve plus
sous la subordination de l’employeur constitue un
accident du travail, dès lors que le salarié établit
qu’il est survenu par le fait du travail » (5). En
l’espèce, il avait notamment été démontré que
le suicide du salarié était survenu en raison
d’altercations répétées avec son responsable
hiérarchique.
Cette position jurisprudentielle, désormais
bien établie, a d’ailleurs été récemment confi r-
mée par la Cour d’appel de Versailles qui, dans
un arrêt du 9 juin 2011, a reconnu comme
accident du travail le suicide d’un technicien
du Technocentre de Renault à son domicile (6).
Dans les faits, le salarié concerné s’était pendu
chez lui en laissant sur un tableau les mots
suivants : « Je ne peux plus rien assumer, ce
(5) Cass. 2e civ., 22 févr. 2007, no 05-13.771. (6) CA Versailles, 9 juin 2011, no 10-02311, SA Renault.
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Suicide lié au travail
Quelles démarches adopter pour détecter et identifi er les situations à risques ?
Les prescriptions du Code du travail, en la
matière, sont impératives. L’article L. 4121-1
du Code du travail dispose en effet que :
« L’employeur prend les mesures nécessaires
pour assurer la sécurité et protéger la santé
physique et mentale des travailleurs.
« Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques pro-
fessionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de forma-
tion ;
d’une faute inexcusable, « notamment en ce qui
concerne les accidents du travail » (7), lorsque les
deux conditions cumulatives suivantes sont
réunies :
– d’une part, l’employeur avait ou aurait dû
avoir conscience du danger auquel il expo-
sait son salarié ;
– et, d’autre part, il n’a pas pris les moyens
nécessaires pour préserver la santé et la
sécurité de ce dernier.
La Cour de cassation précise toutefois que
l’importance de l’entreprise, son organisation
et la nature de son activité doivent être prises
en compte pour déterminer si l’employeur
aurait dû avoir conscience du danger encouru
par la victime (8).
Faute inexcusableIllustration par l’affaire Renault
La Cour d’appel de Versailles, dans l’arrêt du 19 mai dernier (1), a reconnu la faute inexcusable de la Société Renault dans le suicide de l’un de ses cadres sur son lieu de travail.Dans cet arrêt, la Cour juge que « confrontée à la dégradation de plus en plus marquée de la santé de son salarié », « s’agissant d’un ingénieur de haut niveau qui avait, durant les quinze années précédentes, toujours donné satisfaction à ses supérieurs hiérarchiques en raison de ses compétences techniques très appréciées et de l’importance des travaux réalisés, tout en ayant déjà attiré l’attention sur l’exercice de ses fonctions, la société Renault avait nécessairement conscience du danger auquel était exposé ce salarié en cas de maintien sur une longue durée des contraintes de plus en plus importantes qu’il subissait pour parvenir à la réalisation des objectifs fi xés pour chacune des missions confi ées et n’a pris aucune mesure pour l’en préserver ou pour permettre à son entourage professionnel d’être en mesure de mettre en place de telles mesures ».La marge de manœuvre de l’employeur, débiteur d’une obligation de sécurité de résultat, est donc de plus en plus étroite.Il convient de souligner qu’en l’espèce (comme l’a relevé la Cour) la Société Renault n’avait pas élaboré un système d’évaluation des risques psychosociaux, malgré les prescriptions imposées par le Code du travail. ◆
(1) CA Versailles, 19 mai 2011, no 10-00954, SA Renault c/ Sylvie X et CPAM de Nanterre.
(7) Cass. soc., 11 avr. 2002, no 00-16.535. (8) Cass. 2e civ., 3 juill. 2008, no 07-18.689.
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DROIT APPLIQUÉDROIT APPLIQUÉ
de la prévention des risques psychosociaux.
De plus, le défaut de prise en compte de ces
risques dans le document unique sera généra-
lement de nature à faciliter la mise en cause de
la responsabilité sur le plan civil (et/ou pénal)
de l’employeur.
Contenu du document unique
Il n’existe pas de grille unique d’analyse ni une seule méthode d’évaluation des risques psycho-sociaux. Toutefois, quatre grandes catégories de risques sont régulièrement citées :– la charge de travail et la marge de manœuvre
dont dispose le salarié pour y faire face ;– les relations de travail par rapport aux supé-
rieurs hiérarchiques, entre salariés ou encore avec les clients ;
– les confl its entre les attentes de la société et celles du salarié ou l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle ;
– l’impact des restructurations et des réorga-nisations qui génèrent de l’insécurité et du mal-être. ◆
Recours à des audits internes
La pratique la plus répandue consiste à adres-
ser aux salariés des questionnaires individuels
et anonymes leur permettant d’exprimer leur
sentiment sur leurs conditions de travail et sur
le climat social.
Exemples de questions posées :
– êtes-vous confronté(e) à une surcharge de
travail ?
– estimez-vous que votre travail est reconnu ?
– avez-vous subi un manque de respect de la
part d’autres salariés, de votre hiérarchie ou
des clients ?
– pouvez-vous noter la qualité de vos condi-
tions de travail et expliquer pourquoi ?
3° La mise en place d’une organisation et de
moyens adaptés.
« L’employeur veille à l’adaptation de ces
mesures pour tenir compte du changement
des circonstances et tendre à l’amélioration
des situations existantes. »
Le rapport issu de la mission d’information sur
les risques psychosociaux au travail de l’As-
semblée Nationale (9), rendu public le 25 mai
2011, précise que la prévention des risques
psychosociaux passe notamment par « une
meilleure évaluation de ces risques ».
À ce titre, le chef d’entreprise dispose de plu-
sieurs moyens d’intervention.
Mise en place d’outils et d’indicateurs
L’employeur pourra mettre en place des
outils d’analyse et des indicateurs liés au
fonctionnement de l’entreprise (exemple :
mesures de productivité, taux de rotation
du personnel dans l’entreprise ou dans un
service, etc.) et à la santé et à la sécurité
des salariés (exemple : rapport annuel du
service de santé au travail, évolution du
taux d’absentéisme, de la durée moyenne
des absences, du nombre des visites médi-
cales, nombre des accidents du travail et des
plaintes pour harcèlement, etc.).
Surtout, les risques psychosociaux doivent
être évalués et recensés dans le document
unique d’évaluation des risques profes-
sionnels (10), lequel est obligatoire depuis
2001.
En pratique, la consultation de ce document
dans les entreprises met en évidence que les
risques psychosociaux n’y sont que très rare-
ment abordés. Pourtant, une telle démarche
constitue souvent l’un des premiers leviers
(9) Disponible sur le site internet de l’Assemblée Nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i3457.asp. (10) C. trav., art. R. 4121-1.
51Les Cahiers du DRH - n° 181 - Novembre 2011
Suicide lié au travail
Celles-ci peuvent prendre des formes très
diverses, en interne ou en externe.
Mesures en interne
Modifi er l’organisation du travail
La modifi cation de l’organisation du travail
peut se traduire notamment par une réparti-
tion plus équilibrée de la charge de travail et
des responsabilités entre les salariés, par une
valorisation des fonctions et des tâches accom-
plies, par un réaménagement des rythmes et
des horaires de travail ou encore par la mise
en place de politiques de recrutement dans les
services manifestement en sous-effectifs.
Comme précédemment indiqué, le CHSCT
doit, si possible, être étroitement associé à la
mise en place de ces différentes mesures.
Développer la formation et la sensibilisation des managers aux risques psychosociaux
Par ailleurs, comme le souligne le Rapport pré-
cité de l’Assemblée nationale, « il est primordial
de développer la formation des managers en
matière de gestion des équipes et de santé au
travail ».
Rôle des instances représentatives du personnelRappelons que le Code du travail offre des
prérogatives aux IRP en la matière :
– obligation de consulter le CHSCT (voir enca-
dré ci-après) sur tout projet important sus-
ceptible de modifi er les conditions d’hygiène
et de sécurité ou les conditions de travail (11) ;
– droit d’alerte des délégués du personnel en cas
d’atteinte aux droits et libertés des salariés (12) ;
– faculté des délégués syndicaux de négocier
avec l’employeur sur le stress au travail…
Un dialogue régulier avec les IRP permet de
les associer aux démarches proposées par la
direction et ainsi de légitimer les dispositifs
instaurés pour lutter contre les facteurs de
risques psychosociaux.
Quelles mesures prendre pour prévenir et résoudre les situations à risques ?
Une fois les risques psychosociaux identifi és, il
est nécessaire pour l’employeur d’apporter des
mesures ciblées et adaptées. ■■■
(11) C. trav., art. L. 4612-1. (12) C. trav., art. L. 2313-2.
Impact de la présence d’un CHSCT
Il ressort d’une étude menée par le Centre d’étude de l’emploi (1) publiée en janvier 2011 que la présence d’un CHSCT a une forte incidence sur le comportement de l’entreprise. Dans les sociétés les moins dynamiques en matière de prévention, l’analyse révèle, en effet, une absence ou une moindre présence des CHSCT.Disposant d’attributions renforcées en matière d’organisation, d’aménagement et plus généralement de conditions de travail, le CHSCT devra être consulté pour avis avant la mise en œuvre d’un plan de prévention des risques psychosociaux ou encore avant la mise en place d’entretiens et de questionnaires d’évaluation, ces derniers étant « susceptibles d’avoir une incidence sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération, de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail » (2). ◆
(1) « Pratiques de prévention des risques professionnels », rapport de recherché no 61, Centre d’études de l’emploi, étude réalisée à partir des résultats de l’enquête nationale de la DARES « réponse » 2004-2005. (2) Cass. soc., 28 nov. 2007, no 06-21.964.
52 Les Cahiers du DRH - n° 181 - Novembre 2011
DROIT APPLIQUÉDROIT APPLIQUÉ
entreprises, sous une forme renouvelée. Tou-
tefois, la grande différence avec le paternalisme
du XIXe siècle réside dans le fait que les salariés
n’ont pas, à l’égard de l’entreprise, la gratitude
qu’éprouvaient les ouvriers de l’époque dans la
mesure où ils considèrent aujourd’hui que leurs
employeurs ne font que respecter la loi (14).
Mesures en externe
Recourir à un médiateur externe à l’entreprise
Une pratique intéressante a été relevée dans
certaines grandes sociétés : le recours aux ser-
vices d’un « médiateur » externe à l’entreprise,
chargé de traiter des situations délicates comme
la mise en place d’une réorganisation d’équipe,
ou d’accompagner les salariés en cas de confl its
entre collaborateurs ou avec la hiérarchie.
Faire appel à un intervenant spécialisé en cas de survenance d’un suicide au sein de l’entreprise
En cas de survenance d’un suicide au sein de
l’entreprise, il est vivement recommandé de
recourir aux services d’un intervenant spécia-
lisé afi n d’assurer une aide psychologique aux
salariés, de procéder rapidement à un audit de
la situation (entretiens avec les collaborateurs
proches de la victime et de ses supérieurs
hiérarchiques) et de diagnostiquer les circons-
tances de l’évènement.
Il est à noter que le CHSCT est également fon-
dé à recourir à un expert dès lors que la surve-
nance d’une vague de suicides et de plusieurs
tentatives au sein de l’entreprise révèle une
situation de souffrance au travail et de mal-être
caractérisant un risque « grave » pour la santé
des salariés et les conditions de travail (15). ◆
À ce titre, ces derniers peuvent, par exemple,
participer à des séminaires ou des formations
sur la détection et la gestion de la souffrance au
travail. De la même manière, il peut apparaître
utile de rédiger un guide d’action à l’usage des
managers ayant pour objet, outre de les sen-
sibiliser sur ces problématiques, de les guider
dans le comportement à adopter.
Mettre en place une politique de « bien-être au travail »
Il est enfi n suggéré, par certains praticiens,
d’aborder la question de la souffrance au
travail par la promotion d’une politique de
« bien-être au travail », plutôt que sous l’angle
de la prévention du risque.
La politique de « bien-être au travail » comporte
toutes les offres de service qu’une entreprise
peut mettre à la disposition de son personnel
en vue de garantir la qualité de vie au travail :
cours de relaxation, moyens de transports,
facilités de garde d’enfants, avantages de toute
nature garantissant une meilleure articulation
entre vie privée et vie professionnelle, etc.
Or, comme le souligne Hervé Lanouzière
(Conseiller technique à la sous- direction des
conditions de travail à la Direction générale
du travail), une telle politique de « bien-être au
travail » peut parfaitement s’articuler avec une
politique de prévention des risques psychoso-
ciaux (13). La politique de bien-être participe en
effet plus de la qualité de vie au travail que de
la qualité du travail. Mais l’une et l’autre sont
souhaitables et conformes à l’objectif énoncé
par l’article L. 4121-1 du Code du travail.
Certains auteurs ont pu en conclure que le
« paternalisme » tend à réapparaître dans les
(13) Hervé Lanouzière, « La prévention des risques psychosociaux », Semaine Sociale Lamy, 21 févr. 2011. (14) Emmanuelle Barbara et Catherine Le Manchec, « Protection sociale, bien-être au travail, partage du profi t : vers un nouveau paternalisme ? », publiée sur le site de l’AEF le 27 mai 2011. (15) C. trav., art. L. 4614-12 ; CA Versailles, 14 oct. 2009, no 09-06132 et no 09-07107.