maisons PaysagePierre Thibault architecte
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Préface de denys arcand
9 782897 052621
IL ÉTAIT UNE FOIS UN PAYSAGE – FORÊT, VILLE, LAC, FLEUVE.
DANS CHACUN D’EUX, UNE MAISON EST NÉE DES RÊVES
CONJUGUÉS D’UN ARCHITECTE, D’UNE ÉQUIPE ET D’UN CLIENT.
VOICI 16 LIEUX DE VIE CONÇUS PAR PIERRE THIBAULT ET QUI
S’INSCRIVENT NATURELLEMENT DANS LE PAYSAGE, 16 LIEUX
QUI TÉMOIGNENT DE L’APPROCHE GLOBALE DE L’ATELIER
PIERRE THIBAULT.
PIERRE THIBAULT A CONÇU PLUSIEURS MAISONS
EN OSMOSE AVEC LE PAYSAGE ENVIRONNANT, AINSI QUE
L’ABBAYE DES MOINES CISTERCIENS À SAINT-JEAN-DE-MATHA
ET LE MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE CHARLEVOIX.
LA MATURITÉ DE SON TRAVAIL LUI A VALU DES PRIX ET
DES MENTIONS AU QUÉBEC, AU CANADA, AUX ÉTATS-UNIS
ET EN EUROPE. IL ENSEIGNE À L’ÉCOLE D’ARCHITECTURE
DE L’UNIVERSITÉ LAVAL ET A ÉTÉ PROFESSEUR INVITÉ
AU MIT À BOSTON.
editionslapresse.ca 39,95 $
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Présidente / Caroline JametDirecteur de l’édition / Éric FourlantyDirectrice de la commercialisation / Sandrine DonkersResponsable, gestion de la production / Carla Menza
Éditeur délégué / Éric FourlantyConception graphique / Paquebot DesignCoordonnateurs / Jérôme Lapierre et Bertrand RougierPhotos / Alain Laforest sauf pages 1, 9, 20-21, 24, 44, 54, 70-71, 78, 88, 114-117, 135, 140-141, 143, 150-151, 153, 170-173 et 176 / Atelier Pierre ThibaultPhotos aériennes / Pierre Lahoud Croquis / Pierre ThibaultRévision linguistique / Louise VerreaultCorrection d’épreuves / S.O.S. Coquilles !Communications / Marie-Pierre Hamel
L’éditeur bénéficie du soutien de la Société de développement desentreprises culturelles du Québec (SODEC) pour son programmed’édition et pour ses activités de promotion.
L’éditeur remercie le gouvernement du Québec de l’aide financièreaccordée à l’édition de cet ouvrage par l’entremise du Programmede crédit d’impôt pour l’édition de livres, administré par la SODEC.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canadapar l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC).
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication.
© Les Éditions La PresseTOUS DROITS RÉSERVÉSDépôt légal – 3e trimestre 2014ISBN 978-2-89705-262-1Imprimé et relié au Canada
LES ÉDITIONS LA PRESSEPrésidenteCaroline JametLes Éditions La Presse7, rue Saint-JacquesMontréal (Québec) H2Y 1K9
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Thibault, Pierre, 1959 août 16-
Maisons paysage
Comprend un index.
ISBN 978-2-89705-262-1
1. Thibault, Pierre, 1959 août 16- . 2. Architecture - Aspect de l'environnement - Québec (Province). 3. Architecture domestique - Québec (Province). 4. Maisonsconçues par des architectes - Québec (Province). I. Titre.
NA749.T45A72 2014 720.92 C2014-941201-0
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FORÊT
L’INVENTION DU PAYSAGE 16
PAR MARIE DALLAIRE
LA FORÊT SELON PIERRE THIBAULT 19
PROJETS RÉCENTS
DÉAMBULATION _ 27
LA MAISON BLANCHE
TOPOGRAPHIE _ 35
LA MAISON DU MONT ÉCHO
TEXTURES _ 43
LES JUMELLES
RYTHMES _ 51
LE BELVÉDÈRE
GRANDS ESPACES _ 59
LA RÉSIDENCE BOISVERT
REMERCIEMENTS 09
LES MAISONS HEUREUSES 11
PAR DENYS ARCAND
CONCEVOIR DANS LE PAYSAGE 12
LAC
TERRITOIRE EN RÉCIT _ 66
PAR MARIE DALLAIRE
LE LAC SELON PIERRE THIBAULT _ 69
PROJETS RÉCENTS
PLAN _ 77
LE GRAND PLATEAU
DIVERSITÉ _ 87
LA MAISON DU LAC MASSON
PROMENADE _ 93
LA MAISON LONGUE
TRANSPARENCE _ 101
LA MAISON DU LAC CANARD
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VILLE
TRAPPEURS D’HOMMES ET MICROPAYSAGES _ 110
PAR MARIE DALLAIRE
LA VILLE SELON PIERRE THIBAULT _ 113
PROJETS RÉCENTS _
LUMIÈRE _ 119
LA FONDERIE
VERTICALITÉ _ 127
LE DUPLEX LEMIRE-LOPEZ
UNIVERS NATUREL _ 133
LES JARDINS M
VARIATION _ 139
LES HABITATIONS LOCKWELL
FLEUVE
TRANSGRESSION PASSAGÈRE _ 146
PAR MARIE DALLAIRE
LE FLEUVE SELON PIERRE THIBAULT _ 149
PROJETS RÉCENTS_
HORIZON _ 155
LE NID PERCHÉ
MARÉE _ 161
LA GRANDE BOUDEUSE
POUVOIR DE TRANSFORMATION _ 169
LE JARDIN TERRITOIRE
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R E M E R C I E M E NTS
Je voudrais ici remercier celles et ceux qui ont rendu cet ouvrage possible.Je commencerais par les personnes qui m’ont offert la possibilité de conce-voir avec elles leurs maisons. On appelle communément ces gens des « clients », terme que je n’aime pas tellement. Ce sont plutôt des collabora-teurs, des participants à la conception. Des gens avec qui, pendantplusieurs mois, voire quelques années, on regarde dans la même direction,avec qui on considère un paysage de façon commune pour arriver aumeilleur projet possible.
Aux membres de mon équipe, mille mercis. L’un d’eux m’accompagne pourchaque projet, car ce processus ne se fait pas seul. Il demande la créationd’une grande famille. Ensemble, nous observons, partageons et travaillonsavec maquettes et dessins. Ce brassage d’idées se fait en équipe et c’estchaque fois un plaisir renouvelé.
J’aimerais, bien évidemment, remercier Alain Laforest, le photographe quim’accompagne depuis quelques décennies. Alain me fait voir nos projetsdifféremment. Son regard est extrêmement précieux pour moi.
Merci aussi à Pierre Lahoud, photographe volant par excellence qui nous adonné de magnifiques photos de paysages. Pierre habite juste en face dechez moi, à l’île d’Orléans. C’est un homme doté d’une grande sensibilité.
À Denys Arcand qui a pris le temps de me faire découvrir un univers qui me fascine.
Je souhaite également remercier Isabelle Drouin et Gaston Côté pour leurprécieuse collaboration à la conception graphique de l’ensemble.
À Marie Dallaire, qui a rédigé un texte pour chaque paysage, merci. Mariehabite maintenant au bord de son lac où elle a puisé l’inspiration poétiquequi donne à cet ouvrage une profondeur unique.
Je remercie très chaleureusement Caroline Jamet, Éric Fourlanty et leuréquipe aux Éditions La Presse, qui ont fait en sorte que vous ayez cetouvrage entre les mains.
Et j’adresse un merci tout spécial à mes proches, qui m’accompagnentdans ce travail au fil des ans. C’est très précieux pour moi.
Merci à vous tous, gens formidables !
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LE S MAI S O N S H E U R E U S E S _ D E NYS AR CAN D
Dans son livre L’architecture du bonheur, Alain de Botton proposel’idée que toute architecture est d’abord une vision du bonheur. À partir de la maxime de Stendhal « La beauté est la promesse dubonheur », il avance que la ligne d’un toit, l’encadrement d’unefenêtre, le dessin d’une poignée de porte sont, au fond, les articu-lations matérielles de notre conception d’une vie harmonieuse.C’est pourquoi, évidemment, il y autant de styles de beauté que de visions du bonheur.
Des amis à qui je montrais des photos des maisons de PierreThibault s’exclamèrent : « On ne pourrait jamais vivre dans desmaisons comme celles-là. Il faut être beaucoup trop zen ! » Le choixd’une maison (quand choix il y a) est extraordinairement révélateur.Les architectures du Japon et de la Hollande nous disent tout desNippons et des Bataves. Par contre, l’architecture peut aussirévéler l’envers de la réalité, c’est-à-dire non pas qui nous sommesmais ce à quoi nous aspirons. Le chalet, la maison de campagneoccupent une place aussi fondamentale dans l’imaginaire québé-cois que la datcha dans l’imaginaire russe. Pierre Thibault dessinedes maisons de campagne idéales.
On pourrait facilement dire que, partout dans le monde, règneaujourd’hui la plus grande confusion architecturale. Fondamen-talement, cela signifie probablement que nous ne nous entendonsplus sur un idéal de vie heureuse. Et au Québec en particulier,notre acculturation nous a fait perdre au fil des siècles tous nosrepères esthétiques. Nous qui étions capables de concevoir les ensembles si harmonieux du Vieux-Québec et des villages du18e siècle, nous nageons aujourd’hui dans l’incohérence. Cepen-dant, il y a, ici et là, des gens qui partagent un certain idéal de paixet de sérénité. C’est pour eux que travaillent Pierre Thibault etquelques autres.
Amené par mon travail à visiter et à filmer beaucoup de cesmaisons, j’ai été frappé par une sorte de cohésion qui unit ceux quiles ont fait construire. J’ai pris l’habitude de dire à la blague que lespropriétaires des maisons de Pierre Thibault constituent en réalitéune secte. Ce sont souvent, d’ailleurs, des gens qui se connais-sent et qui se rencontrent à l’occasion. Ils ont en commun un amourde la nature, un désir d’harmonie et de calme et une inclinationpour un certain dépouillement. Leurs maisons leur ressemblent etils ressemblent à leurs maisons. Ce fut un bonheur pour moi dedécouvrir et les maisons et les êtres.
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C O N C EVO I R DAN S LE PAYSAG E _ P I E R R E TH I BAU LT
Concevoir dans le paysage, c’est d’abord rencontrer des gens quiaiment le paysage. C’est l’acte d’aimer encore d’avantage cepaysage avec eux. C’est rencontrer des gens comme Marie, quinous fait faire le tour de son lac en radeau. C’est regarder avec elleun rocher qui capte la lumière, et entendre les oiseaux au loin, surle lac. C’est Jean et Mariano dans une ruelle du Plateau-Mont-Royal.C’est regarder ensemble leur petit duplex qui deviendra unegrande maison. C’est marcher avec Michel sur la plage en obser-vant les arbres qui donneront bientôt de l’ombre sur la terrasse desa maison. Concevoir dans le paysage, c’est marcher, arpenter,discuter dans toutes sortes de paysages.
Au-delà de ces discussions contemplatives, il s’agit de découvrirles paysages intérieurs de chacun et de créer un dialogue avec leurenvironnement, qu’il soit en ville ou en forêt, au bord d’un lac ou dufleuve. Comment créer cette harmonie? C’est un véritable privilègeque d’être dans cet état de contemplation qui mène à la création.
Concevoir dans le paysage, c’est aussi apprendre à contempler.L’architecture établit avec le paysage un dialogue qui favorise lacontemplation. Dans nos vies au rythme accéléré, c’est un havre depaix, un moment pour reprendre son souffle et clarifier ses pensées.
Avant d’entreprendre la rédaction de ce livre, j’ai revisité lespaysages où nos projets ont pris forme. Je suis parti quelquesjours pour retrouver celles et ceux pour qui nous avons conçu desmaisons. De les voir apaisés, heureux, joyeux, entre ces murs large-ment ouverts sur le paysage, a été pour moi un ravissement. C’estincroyable de constater à quel point l’architecture change la vie.
Avec Hélène et Marc, nous avons partagé du vin et quelquesbulles sur le flanc d’une montagne. Avec Annie, Mathieu et leursquatre enfants, nous avons profité d’une vue incroyable lors d’unbrunch marqué d’un café bien corsé et d’une neige de printemps.Chez ma sœur, nous avons discuté autour d’un succulent repas,en admirant les dégradés changeants des couleurs du couchantsur le mont Orford.
Ce que je retiens de ces rencontres et de ces balades à traversles paysages, c’est la beauté de la vie qui en émane. Je me trouveprivilégié de faire ce travail qui nous fait puiser à même lesressources et les splendeurs de la nature. Les gens que je ren-contre ont le désir de construire, mais je pense qu’ils réalisent àquel point c’est un projet de vie seulement lorsqu’ils occupent l’espace. Un territoire habité nous change au fil des jours et modi-fie notre regard sur tout ce qui nous entoure. C’est un grandcadeau de la vie. Il est vraiment touchant de voir à quel point cesgens ont, à travers ces projets de maisons, retrouvé le temps.
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L’architecture change notre rapport au paysage et aux autres, maiselle change aussi notre rapport au temps. Lorsque j’ai fait l’abbayedes moines cisterciens, j’ai séjourné pendant 24 heures dans l’ancien monastère, bâti au 19e siècle. Quand j’en suis parti, j’ai eu l’impression d’y avoir passé plusieurs jours. Lors de messéjours dans le nouveau monastère, le temps était amplifié de lamême façon. J’ai essayé de comprendre pourquoi ces lieux avaientce pouvoir de dilater le temps. Je me suis rendu compte qu’unedes clés était la contemplation. Alors que je parlais de ce tempsretrouvé avec le père abbé, celui-ci m’a posé la question suivante :« Pierre, est-ce que la contemplation fait partie des moments quet’offre la vie ? » Lorsque j’étais au monastère, les plages de médi-tation se succédaient et me donnaient cette sensation de tempsdécuplé. En quelques jours, les moments contemplatifs étaientaussi nombreux que ceux étalés dans un mois de vie active. S’offrirautant de liberté de contemplation nous redonne du temps.
La maison que je me suis construite près du fleuve me procure desjoies inlassables : regarder les oies le matin, admirer les neigesnouvelles, accueillir les premiers bourgeons. Je suis devenu uncontemplatif de la beauté offerte par la nature. Encore plus impor-tant : un contemplatif accompagné. Regarder avec ses enfants,ses proches et sa famille. Contempler ensemble, près du feu.Apprendre à contempler les gens qu’on aime. Et aussi à contem-pler ses paysages intérieurs. Cela permet d’unifier les mondes quisont en nous et autour de nous.
Je voulais commencer ce livre par ce témoignage pour dire à quelpoint se créer un abri, un havre, est un moment intense qui nousfait grandir. D’où l’importance d’accorder le temps nécessaire auxpremières visites d’un site, aux rencontres et aux discussions avecles gens pour qui nous construisons. Ces étapes font évoluer cetteidée du lieu où l’amour de l’autre est possible. C’est une missionimportante et enrichissante. On apprend à regarder la maison au-delà des murs. En fin de compte, c’est toute la vie qui en seratransformée.
Je comprends mieux maintenant pourquoi les gens, une fois qu’ilsoccupent leur maison, me disent : « Pierre, ton équipe et toi avezchangé ma vie. » Je comprends que c’était plus important que je nele croyais. Je mesure mieux la portée de ces témoignages. Oui,bien travailler en prenant le temps, c’est changer la vie de ceux quihabitent un lieu.
J’espère que la lecture de ce livre vous permettra de mieux com-prendre l’importance du lieu que vous habitez et son influence survotre vie. J’espère qu’au fil de ces pages ces maisons paysage feront en sorte que les lieux où nous vivons soient de plus en plusaccueillants et, par le fait même, rendent ceux qui les occupentempreints de beauté.
Je crois, non, je sais que la beauté est un pas vers le bonheur.
Bonne lecture
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L’ I NVE NTI O N D U PAYSAG E _ MAR I E DALLAI R E
Lisière d’arbres suivant la courbe d’une rivière ; chaos de soucheset de racines entremêlées ; miraculeuse forêt d’octobre qui s’étend«sur la pente des collines comme sur une bande sans fin […], s’enallant toujours aussi belle, aussi riche de couleurs vives et tendres,aussi émouvante, vers les régions lointaines du nord ». LouisHémon décrit ainsi la terre des Chapdelaine. Terre que nosancêtres ont défrichée, puis labourée. Tous en ont traversé lesrudes hivers, emprunté les mauvais chemins, parcouru d’inter-minables distances dans des bois parfois redoutables. Certains yont péri, surpris par la tempête.
Racontée dans les soirées, représentée dans les tableaux, consi-gnée dans notre littérature, la colonisation en territoire forestier aconquis notre imaginaire. Elle agit comme un phare dans notremémoire. La grande nature évoque cette vie à la dure. Le souvenird’un quotidien familier et d’une vie libre revient dès qu’on l’observedans toute sa splendeur.
La forêt attire et fascine. Contre les aléas de la vie, elle s’offre enrefuge : un refuge silencieux, paisible et libre. « Trois fois heureuxcelui qui cède à ses invites, et s’en va, “loin du monde et du bruit”,écouter ce qu’elle dit… », professe Félix-Antoine Savard en 1950.Vue à distance et à grand angle, ou encore contemplée en ruptured’échelle, elle est tout aussi émouvante. Aux paysages de collinesalternant avec une trame agraire, aux horizons azurés où se profi-lent des cimes de conifères, s’ajoutent la blancheur d’une écorce,la sombre cavité d’un rocher, les éclats lumineux d’un ruisseau.Partout où se pose le regard s’établit une forme de perfection surprenante. Et le temps semble vouloir se dissoudre devant l’immobilité de cet univers végétal.
FO RÊT
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Celui qui regarde invente le paysage. La grande forêt a beau offrirses arbres et ses chemins, un coin de ciel ou une belle ouverturesur une éclaircie, elle est aussi, pour celui qui contemple, un repos,un souvenir, une émotion, un bain de nature dont un arbre exprimeà lui seul toute la portée. Le mystère se situe quelque part entre la réalité géographique d’un lieu et l’intériorité du promeneur, dans cette sorte de relation qui s’établit entre les deux et dont le paysage est l’expression. Couvert végétal, fragment d’arbre,brume, feuillage tourné au vent : autant de variété dans les traits et d’angles (patrimonial, géographique, esthétique, affectif, phy-sique…) pour les aborder multiplient les façons de voir le paysageet d’y trouver des repères. Il suffit d’assembler, de découper, decadrer pour s’inventer un territoire et se construire un monde à soi.Un monde immuable et chargé de sens, qu’on veut avoir sous sesfenêtres au nom d’une harmonie retrouvée avec la nature.
Au-delà de sa sensibilité à la cohérence et à la pureté des lignes,l’architecte qui intègre une maison au paysage doit être en mesurede voir son client comme l’initiateur de sa propre construction territoriale. Ainsi louvoie-t-il entre sa lecture toute personnelle del’environnement, les attentes esthétiques et les incertitudes dufutur occupant. Son approche investit le sensible : elle exploite lesleviers du paysage tout en faisant porter son attention sur le regardde l’autre.
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FO RÊT _ P I E R R E TH I BAU LT
J’adore les arbres. J’en ai planté plusieurs centaines, chez moi, à lacampagne. Je trouve qu’ils sont un merveilleux marqueur de temps.Un de mes plus grands plaisirs est de faire ma «marche d’arbres ».Je prends des nouvelles de « mes » arbres : celui-là pousse plusvite, les bourgeons de celui-ci sont précoces, ceux-là sont les premiers à changer de couleur... J’observe la différence entre lesécorces, la délicatesse d’un tronc, la finesse d’une feuille. Je ne melasse pas d’admirer ces extraordinaires architectes de la nature.
La forêt est probablement l’environnement dans lequel j’ai conçule plus de maisons. Un boisé de feuillus dans les Cantons-de-l’Est,les immenses conifères des Laurentides, les rochers escarpés deLanaudière, les bouleaux de Charlevoix; j’aime partir à la décou-verte d’une forêt accompagné de ceux avec qui je vais concevoirun projet. J’y découvre ce qui les attire dans ce lieu où leur maisonsera construite. C’est pour moi un environnement inspirant. On yvoit les ombres changer et les couleurs évoluer au fil des saisons.
Dans ces lieux d’une beauté prenante, les maisons deviennent desobjets de contemplation. Elles me rappellent les cabanes que jefaisais dans les bois quand j’étais enfant. La forêt est envelop-pante. Ceux qui choisissent d’y habiter ont, j’imagine, besoin decette protection. C’est du moins ce qu’ils nous confient au coursde nos rencontres.
Un de mes oncles a planté des milliers d’arbres depuis qu’il est àla retraite. Alors qu’il avait plus de 80 ans, je suis allé marcher aveclui pour voir « ses » arbres. Il en connaît toutes les essences ainsique les particularités propres à la croissance de chacune, que cesoit les mélèzes ou les grands pins. Nous avons terminé notrepromenade parmi de jeunes érables. J’étais heureux de voir lesarbres plantés par mon oncle mais, le plus merveilleux, c’estlorsqu’il m’a montré un grand plateau et qu’il m’a dit : «C’est ici queje vais construire ma cabane à sucre, et on va faire du bon sirop. »
La vie, pour ceux qui plantent des arbres, semble éternelle.
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IL ÉTAIT UNE FOIS UN PAYSAGE – FORÊT, VILLE, LAC, FLEUVE.
DANS CHACUN D’EUX, UNE MAISON EST NÉE DES RÊVES
CONJUGUÉS D’UN ARCHITECTE, D’UNE ÉQUIPE ET D’UN CLIENT.
VOICI 16 LIEUX DE VIE CONÇUS PAR PIERRE THIBAULT ET QUI
S’INSCRIVENT NATURELLEMENT DANS LE PAYSAGE, 16 LIEUX
QUI TÉMOIGNENT DE L’APPROCHE GLOBALE DE L’ATELIER
PIERRE THIBAULT.
PIERRE THIBAULT A CONÇU PLUSIEURS MAISONS
EN OSMOSE AVEC LE PAYSAGE ENVIRONNANT, AINSI QUE
L’ABBAYE DES MOINES CISTERCIENS À SAINT-JEAN-DE-MATHA
ET LE MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE CHARLEVOIX.
LA MATURITÉ DE SON TRAVAIL LUI A VALU DES PRIX ET
DES MENTIONS AU QUÉBEC, AU CANADA, AUX ÉTATS-UNIS
ET EN EUROPE. IL ENSEIGNE À L’ÉCOLE D’ARCHITECTURE
DE L’UNIVERSITÉ LAVAL ET A ÉTÉ PROFESSEUR INVITÉ
AU MIT À BOSTON.
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