LEBRETON FESNOUX Séverine
UN REGARD SUR L’AIDE-SOIGNANTE :
Les fonctions de sa participation au staff pluridisciplinaire
Mémoire présenté pour l’obtention
du diplôme de Cadre de Santé
de la 1ère
année du Master Economie et gestion de la santé –
parcours : Economie et gestion des établissements de santé
Sous la direction de Florence Moncorps
Année scolaire 2016/2017
Institut de Formation
des Cadres de Santé
Centre Hospitalier Universitaire
De Nantes
Université Paris Dauphine
Département d’éducation permanente
LEBRETON FESNOUX Séverine
UN REGARD SUR L’AIDE-SOIGNANTE :
Les fonctions de sa participation au staff pluridisciplinaire
Mémoire présenté pour l’obtention
du diplôme de Cadre de Santé
de la 1ère
année du Master Economie et gestion de la santé –
parcours : Economie et gestion des établissements de santé
Sous la direction de Florence Moncorps
Année scolaire 2016/2017
Institut de Formation
des Cadres de Santé
Centre Hospitalier Universitaire
De Nantes
Université Paris Dauphine
Département d’éducation permanente
AVERTISSEMENT
Les mémoires des étudiants de l’Institut de Formation des Cadres de Santé de Nantes en
partenariat avec l’Université Paris Dauphine, sont des travaux réalisés au cours de leur
formation. Ils ne constituent donc pas nécessairement des modèles. Les opinions exprimées
n’engagent que les auteurs. Ces travaux ne peuvent faire l’objet d’une publication, en tout ou
partie, sans l’accord des auteurs, de l’I.F.C.S. de Nantes et de l’Université Paris Dauphine.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier avec toute ma sincérité, et par ces quelques lignes :
Ma tutrice de recherche, Florence Moncorps, sa guidance m’a éclairé et m’a permis de
réaliser et d’écrire ce mémoire. Je tiens également à souligner sa disponibilité et sa
bienveillance.
L’équipe pédagogique de l’IFCS et les enseignants de l’Université Paris Dauphine pour leur
accompagnement.
Les professionnels qui ont accepté de partager leurs expériences, qui m’ont accordé leur
temps, et sans qui ce travail n’aurait pu être alimenté.
Je remercie chaleureusement :
Mon mari, qui m’accompagne, me soutient, et m’encourage avec confiance et détermination.
Mais aussi pour m’avoir supplée cette année auprès de nos enfants avec tout l’amour, le soin
et l’énergie nécessaire pour combler mon absence.
Mes trois enfants, qui ont fait preuve de patience, qui m’ont nourri par leur joie et bonne
humeur, et qui ont compris l’importance de ce travail en me laissant « tranquille dans le
bureau ».
Ma famille, pour tout leur soutien moral et organisationnel, pour toutes les attentions et la
confiance portées à mon égard.
Un vrai voyage de découverte n’est pas de chercher de nouvelles terres,
mais d’avoir un œil nouveau.
Marcel Proust
TABLE DES SIGLES
APA : Activité Physique Adaptée
ASH : Agents de Service Hospitalier
ATIH : Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation
AVQ : Activités de Vie Quotidienne
CAFAS : Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Aide-Soignant
DPAS : Diplôme Professionnel des Aides-Soignants
DMS : Durée Moyenne de Séjour
CH : Centre Hospitalier
DREES : Direction de la Recherche des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques
HAS : Haute Autorité de Santé
HPST : Hôpital Patient Santé Territoire (loi)
IFAS : Institut de Formation des Aides-Soignants
IFCS : Institut de Formation de Cadre de Santé
MCO : Médecine Chirurgie Obstétrique
MCRO : Mesure Canadienne de Rendement Occupationnel
PMSI : Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information
RCP : Réunions de Concertation Personnalisée
ROR : Répertoire Opérationnel de Ressources
SSR : Soins de Suite et Réadaptation
USSR : Unité de Soins de Suite et Réadaptation
VAE : Validation des Acquis de l’Expérience
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 4
1 LA PARTICIPATION DE L’AIDE-SOIGNANT AU STAFF ......................................... 5
1.1 Quand l’expérience professionnelle interroge ............................................................. 5
1.2 Cheminement vers la problématique par l’exploration du terrain ............................... 9
2 UN CADRE, UN LIEU, UN METIER, ET LA COLLABORATION ............................ 13
2.1 Les SSR : lieux de prises en soins spécifiques .......................................................... 13
2.1.1 La règlementation, l’organisation et l’évolution des SSR .................................. 13
2.1.2 La division du travail dans les SSR au sens d’une organisation ........................ 15
2.1.3 La pluridisciplinarité au service de la prise en charge du patient ....................... 15
2.2 Le staff pluridisciplinaire ........................................................................................... 16
2.2.1 Comme élément de coopération ......................................................................... 16
2.2.2 Comme lieu d’interactions ................................................................................. 17
2.3 Le métier d’aide-soignant .......................................................................................... 19
2.3.1 La règlementation de la profession et de la formation ....................................... 19
2.3.2 L’historique et l’évolution du métier d’aide-soignant ........................................ 19
2.3.3 L’identité démographique de l’aide-soignant ..................................................... 21
2.3.4 L’identité sociologique de l’aide-soignant ......................................................... 21
2.4 La collaboration entre l’aide-soignant et l’équipe ..................................................... 24
3 LA METHODOLOGIE COMPREHENSIVE DE LA RECHERCHE ............................ 26
3.1 L’exploration de terrain ............................................................................................. 27
3.1.1 Le choix de la population et du terrain ............................................................... 27
3.1.2 Le protocole de la recherche ............................................................................... 27
3.1.3 L’observation comme outil méthodologique ...................................................... 28
3.1.3 L’entretien après l’observation ........................................................................... 29
3.1.4 L’entretien semi-directif d’exploration .............................................................. 29
3.2 L’enquête définitive ................................................................................................... 30
2
3.2.1 Le choix de la population et du terrain ............................................................... 30
3.2.2 L’entretien semi-directif comme outil méthodologique ..................................... 31
3.2.3 Le guide d’entretien ............................................................................................ 33
4 LE TRAVAIL DE L’AIDE-SOIGNANT ........................................................................ 36
4.1 L’aide-soignant comme référent de proximité du patient .......................................... 36
4.2 L’aide-soignant comme rééducateur et éducateur en SSR ........................................ 37
4.3 L’aide-soignant comme agent indispensable au travail des professionnels............... 38
5 L’AIDE-SOIGNANT ET LA COLLABORATION ........................................................ 40
5.1 Le couloir et la salle de soins, lieux incontournables de la collaboration ................. 40
5.2 Quand la subordination devient collaboration ........................................................... 41
5.3 Quand le « personnel invisible » est à l’initiative des prescriptions .......................... 42
6 LES CONDITIONS EN FAVEUR DE LA PARTICIPATION ...................................... 44
6.1 Une identité collective au service de la parole .......................................................... 44
6.2 La distribution de la parole comme vecteur de participation ..................................... 45
6.3 Quand le cadre de santé guide les interactions .......................................................... 46
7 LES FREINS A LA PARTICIPATION ........................................................................... 48
7.1 Quand l’animateur occupe la parole .......................................................................... 48
7.2 Quand l’effet de nombre immobilise la parole de l’aide-soignant ............................ 49
7.3 Le temps comme limite à la concertation et à la participation .................................. 50
7.4 L’organisation du travail comme gène à la participation........................................... 51
7.5 L’autonomie du patient comme source d’absence de participation ........................... 52
8 LES FONCTIONS DE LA PAROLE .............................................................................. 54
8.1 La fonction cognitive pour l’aide-soignante .............................................................. 54
8.2 La fonction découverte pour l’équipe ........................................................................ 55
8.3 La fonction de temporalité ......................................................................................... 56
8.4 La fonction réflexive .................................................................................................. 58
CONCLUSION ........................................................................................................................ 60
3
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ................................................................................. 62
ANNEXES .................................................................................................................................. I
ANNEXE I : Guide d’entretien exploratoire ............................................................................. II
ANNEXE II : Guide d’entretien définitif aide-soignant .......................................................... IV
ANNEXE III : Guide d’entretien définitif équipe pluridisciplinaire ........................................ VI
4
INTRODUCTION
Les services de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) offrent une prise en charge
pluridisciplinaire à la personne soignée. En 2015, 996 000 patients ont été hospitalisés en SSR
selon l’Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation (ATIH)1 en France. Les
prises en charge peuvent être le plus souvent polyvalentes, relatives à la personne âgée poly
dépendante, orthopédiques, ou neurologiques. Selon la Direction de la Recherche des Etudes,
de l’Evaluation et des Statistiques (DREES)2, en 2009, la durée moyenne de séjour est de 34
jours en hospitalisation complète, avec 5% des séjours qui ont une durée supérieure à trois
mois. L’équipe soignante est employée à un ratio de 0,52 par lit, dont 0,30 par lit
correspondant aux aides-soignants. Elle accompagne les patients lors de cette hospitalisation
en s’adaptant à leurs besoins. Les rééducateurs représentent le ratio de 0,13 par lit. Alors, le
staff, tel un espace de concertation permet aux professionnels, qui composent l’équipe
pluridisciplinaire, d’échanger autour des objectifs, des pratiques, et des savoirs relatifs à cette
prise en charge. Il vise à optimiser la réadaptation, à anticiper et organiser le devenir du
patient. Notre participation au staff, au titre de faisant fonction cadre de santé en service de
SSR, nous a permis de mesurer l’importance des interactions qui s’y jouent, au bénéfice de la
personne soignée. Investie tout au long de notre exercice infirmier à collaborer avec les aides-
soignantes, nous avons été interrogée du positionnement de retrait de certains de nos
collègues lors de réunions d’équipe. Nous avons cherché à comprendre ce qui se cache
derrière cet effacement. Nous nous sommes ainsi questionnée sur les conditions de la
participation de ce professionnel au staff pluridisciplinaire, ainsi que les fonctions de sa
parole. D’abord, nous avons posé notre recherche en définissant d’une part le SSR et l’aide-
soignant, et d’autre part la participation et la collaboration. Ensuite, nous avons organisé notre
travail dans une méthodologie compréhensive, qui nous a amené à ouvrir une fenêtre, dans
une unité de SSR, sur une équipe pluridisciplinaire. Orientée par le cadre méthodologique,
nous avons cependant rencontré des limites relatives à nos premiers pas de chercheur, décrites
aux différentes étapes. Puis, nous avons procédé à l’analyse de nos résultats qui dégage cinq
axes de recherche tels que le travail de l’aide-soignant en SSR, sa collaboration avec l’équipe
pluridisciplinaire, les conditions favorables mais aussi les freins à sa participation au staff, et
enfin les fonctions de la parole de ce professionnel.
1 L’ATIH, est un établissement public de l’État à caractère administratif, sous la tutelle des ministères sociaux.
Elle est chargée de la collecte, de l’hébergement et de l’analyse des données des établissements de santé.
2 La DREES, est une direction de l’administration centrale des ministères sociaux, et est chargée d’étudier et de
fournir des informations fiables et des analyses sur les populations et les politiques sanitaires et sociales.
5
1 LA PARTICIPATION DE L’AIDE-SOIGNANT AU STAFF
1.1 Quand l’expérience professionnelle interroge
Lors de mon exercice en SSR en tant que faisant fonction cadre de santé, nous avons
pu observer l’importance des staffs pluridisciplinaires pour la prise en soins rééducative du
patient. En effet, de façon hebdomadaire se déroule une réunion pluridisciplinaire afin
d’échanger et de poser les objectifs dans le projet personnalisé de soins du patient. Chaque
mardi, l’équipe pluridisciplinaire concernée par ce staff présente 7 dossiers de patients pris en
soins en rééducation, la programmation est établie en amont avec l’infirmier de
programmation, les médecins et les cadres de santé. L’infirmier de programmation est un
infirmier détaché de l’équipe deux jours et demi par semaine pour organiser les plannings de
rééducation des patients, gérer les entrées et les sorties, et il est chargé de la programmation
des examens ou consultations des patients hospitalisés. Les professionnels représentés à ce
staff sont : le chef de service, qui est professeur en médecine physique et réadaptation, les
praticiens hospitaliers exerçant en SSR, les internes, les kinésithérapeutes, les
ergothérapeutes, les orthophonistes, les éducateurs sportifs en activité physique adaptée
(APA), les assistantes sociales, la psychologue, l’art thérapeute, les cadres de santé, et
l’infirmier de programmation, ainsi qu’un infirmier et un aide-soignant de secteur de soins.
Arrivée en septembre 2015, nous encadrons l’équipe des rééducateurs c’est-à-dire les
kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les éducateurs sportifs en APA, et les orthophonistes.
Ma collègue cadre de santé encadre les aides-soignants, les infirmiers, les Agents de Service
Hospitalier (ASH), les brancardiers, et les secrétaires. Dans le service nommé dans notre
établissement par sa spécialisation médicale : médecine physique et réadaptation adulte, les
trois modes d’hospitalisation sont présents. Il y a l’hospitalisation conventionnelle, l’hôpital
de semaine, et l’hôpital de jour. Il y a cinq secteurs de soins : deux secteurs en hospitalisation
conventionnelle, un secteur en hôpital de semaine, et un secteur en hôpital de jour.
Notre collègue est arrivée dans le service fin 2014. Elle a été interpelée par l’absence
des infirmiers et des aides-soignants au staff. Les soignants : infirmiers et aides-soignants
écrivaient une synthèse de préparation au staff dans le dossier patient informatisé. Celle-ci
comportait les éléments significatifs dans la prise en charge du patient : son degré
d’autonomie (toilette, alimentation, mobilisation), son comportement (moral, motivation,
fatigue, communication), des éléments techniques (soins, appareillages) et parfois des
6
particularités rencontrées dans la prise en charge selon les situations des patients. Ces données
étaient lues par l’interne lors de la présentation du dossier du patient devant l’auditoire du
staff pluridisciplinaire. Il a semblé évident à ma collègue qu’il fallait intégrer ces soignants à
cette réunion. En effet, elle considère que l’échange entre les divers professionnels lors du
staff est une réelle source d’informations relatives à la prise en soins et au patient lui-même, et
que les infirmiers et les aides-soignants sont des acteurs essentiels dans l’hospitalisation du
patient. Pour elle, ils doivent participer à l’établissement du projet personnalisé de soins du
patient hospitalisé en SSR. Elle a mis en place, en avril 2015, en accord avec le chef médical
de service, une organisation afin de faciliter leur présence à cette réunion pluridisciplinaire
qui a lieu tous les mardis. Ce projet a été travaillé en amont sur quelques mois, et a demandé à
la cadre de santé un réel accompagnement de ces soignants, en particulier pour les aides-
soignants. Au départ les aides-soignants lui ont exprimé une appréhension d’être « des
potiches », et la peur de prendre la parole devant le groupe comportant les médecins et les
rééducateurs, se posant aussi la question de leur légitimité. Elle a modifié les fiches de poste
de l’infirmier et de l’aide-soignant d’horaire de journée en incluant qu’ils devaient remplacer
leurs collègues exerçant en secteurs de soins concernés par le staff à l’heure de
programmation de la présentation du ou des patients relevant de leur secteur de soins. Le
roulement du planning faisant, les infirmiers et aides-soignants peuvent à tour de rôle, et au
fur et à mesure des semaines être amenés à participer à ce staff.
Avant son arrivée, la cadre de santé supérieure et le chef médical du service l’ont
alertée sur les difficultés de liens entre les rééducateurs et les soignants malgré des groupes de
travail, notamment entre les ergothérapeutes et les aides-soignants. En effet, dans l’historique
du service, les ergothérapeutes prenaient en soins les patients pour la toilette, et cela
constituait une séance rééducative. La charge de travail des aides-soignants était ainsi
soulagée. Les groupes de travail avaient été mis en place après une réorganisation de l’activité
d’ergothérapie par le chef médical de service. En effet, depuis les cinq dernières années, les
évolutions dans la profession d’ergothérapeute sont axées autour de la prise en charge
rééducative sous divers angles (AVQ =activités de vie quotidienne, MCRO=mesure
canadienne de rendement occupationnel), nécessitant des temps plus conséquents en salle de
rééducation individuelle, et au sein du plateau technique de rééducation. Les effectifs aides-
soignants ont été revus afin de réintroduire les prises en charge des toilettes des patients. Les
ergothérapeutes n’interviennent désormais que dans des bilans dits d’indépendance, c’est-à-
dire évaluer les capacités motrices, organisationnelles, cognitives et attentionnelles des
7
patients à effectuer les soins d’hygiène corporelle et alimentaire, ainsi que les transferts et
mobilisations en chambre. Les groupes de travail ont épuisés les ressources de ces
professionnels (ergothérapeutes et aides-soignants), suite à l’incompréhension des aides-
soignants quant à l’évolution des pratiques en ergothérapie, mais aussi par le côté
chronophage des réunions de travail dans les activités respectives des ergothérapeutes et des
aides-soignants, avec toujours les mêmes professionnels volontaires pour y participer.
Au fur et à mesure des staffs, et des échanges entre les rééducateurs et les soignants,
nous avons pu voir des modifications d’interactions entre les différents intervenants. La cadre
de santé des secteurs de soins a valorisé leur présence lors de réunions d’équipe soignante, et
lors des entretiens avec les professionnels en individuel. Cela a généré des changements de
comportement de part et d’autre, par l’intérêt et la curiosité des activités de travail faites par
les différents professionnels ergothérapeutes, kinésithérapeutes, aides-soignants, avec ensuite
une répercussion sur leur collaboration. Leur intérêt, et leur objectif commun d’optimiser la
prise en soins rééducative du patient se sont retrouvés au centre même de leur travail en
collaboration.
Pour situer un peu plus ces éléments, voici le déroulement du staff : l’infirmier de
programmation, les médecins et les cadres de santé établissent la liste de présentation des
patients au staff lors d’une réunion préparatoire. Pour le staff d’un patient, chaque
professionnel prépare en amont une feuille de synthèse qui retrace les éléments essentiels à la
prise en soins du patient selon sa fonction (l’aide-soignant : toilette, mobilisation,
alimentation, élimination, comportement, entourage ; le kinésithérapeute : les bilans réalisés,
le contenu des séances, les objectifs réalisés et à atteindre ; l’ergothérapeute : les différents
bilans, les visites à domicile, le contenu des séances). Lors du staff, il y a d’abord une
présentation du patient (pathologie, situation socio-familiale, situation socio-professionnelle)
et des problèmes médicaux actuels ou examens à prévoir par l’interne. Si besoin en est, le
médecin chef de clinique ou assistant clinique réajuste et complète les données signifiées par
l’interne Puis, les professionnels interviennent à tour de rôle et présentent leur synthèse de
prise en soins. D’abord l’aide-soignant, puis l’infirmier, puis le kinésithérapeute,
l’ergothérapeute, l’orthophoniste, l’éducateur en APA, la psychologue, et enfin l’assistante
sociale. Le chef de service après ce tour de table fait une synthèse et il reformule les différents
éléments avec des mots simples. Il favorise ensuite la discussion avec les professionnels
concernant les nouveaux objectifs à poser dans la rééducation du patient. Puis, il dit à chaque
professionnel sa mission dans cette prise en soins personnalisée, et pose le délai du prochain
8
staff concernant cet usager. L’interne retranscrit tous ces données au fil de la réunion dans le
dossier patient informatisé. Les cadres de santé prennent en note pour effectuer une
transmission succincte à l’ensemble de l’équipe des secteurs de soins.
Le déroulement est reproduit à chaque patient présenté et suivant le même ordre
d’intervention des professionnels. Le chef médical de service a formalisé ce staff comme cela
par son attachement à ce que chaque professionnel s’exprime et soit entendu, avant de donner
la possibilité à chacun d’interagir en connaissance des données relatives au patient. Il a choisi
avec notre collègue cadre de santé de donner la parole en premier lieu à l’aide-soignant afin
de favoriser son intervention, plutôt qu’après les rééducateurs qui ont souvent un vocabulaire
plus spécifique et technique dans leurs prises en charge, du fait des bilans pratiqués
notamment. Après ce staff, le médecin et l’interne rendent un retour au patient de ce qui s’est
dit au staff, et lui demande son avis, recherche son consentement, ou ses souhaits. Selon les
situations, ce retour peut être organisé avec les aidants (troubles cognitifs du patient).
Avec notre collègue, nous avons noté une meilleure compréhension des soignants au
regard des séances de rééducation du patient. Les aides-soignants ont pu participer à des
séances avec le patient et le rééducateur pour mieux visualiser ce que fait le patient sur le
plateau technique de rééducation. Parfois, certaines phrases de patient interpellent les aides-
soignants « l’ergothérapie me fatigue, aujourd’hui vous pourriez faire ma toilette complète au
lit », « c’est le week-end », « je ne fais pas, je ne peux pas ». Ainsi de par leur connaissance
de cette prise en charge rééducative et la traçabilité du projet personnalisé de soins dans le
dossier, l’aide-soignant peut justifier de ne pas faire à la place du patient, tout en s’adaptant
effectivement selon les cas à la fatigue, ou à la baisse de moral. Les soignants ont aussi
mesuré des écarts entre les possibilités des patients par les bilans kiné et les bilans ergo, et les
bénéfices secondaires des patients en service de soins, tout en prenant en compte la dimension
psychologique et sociale de la personne hospitalisée. Les ergothérapeutes et les
kinésithérapeutes vont eux-aussi plus facilement voir les aides-soignants dans le service, dans
la chambre du patient pour expliquer certaines techniques, et installations.
Cependant, cela n’a pas été facile au départ pour les aides-soignants, ils se sont posés
la question de la légitimité de leur participation, avec une peur de s’exprimer devant tous les
professionnels, y compris devant les médecins. Quelques aides-soignants ont mis en avant le
fait « d’être timide », ou encore « d’avoir peur de parler devant le médecin », se demandant
même si ils allaient pouvoir « répondre correctement aux questions des autres professionnels
9
lors du staff ». D’autres ont renvoyé au cadre de santé avoir une charge de travail
conséquente. Concernant les infirmiers, il ne leur est pas difficile d’intervenir, mais ces
professionnels mettent en avant une question de disponibilité quand le secteur de soins
présente une activité dense, il s’agit là plus d’une vigilance dans l’organisation du travail et
une aide des autres infirmiers des autres secteurs de soins. Il peut y avoir une réticence à
passer le relai à un collègue pour aller à cette réunion quand un patient présente une
aggravation de son état de santé. Cela a demandé un accompagnement par le cadre de santé, et
le chef médical de service les a remerciés et félicités de leur présence et assiduité. Nous avons
pu remarquer quand nous remplaçons notre collègue, lors de ses congés, que les habitudes
d’assister à cette réunion pluridisciplinaire sont désormais acceptées, mais nous portons
également une attention envers les aides-soignants et les infirmiers pour poursuivre cet
accompagnement.
Durant notre exercice infirmier, en neuro-vasculaire, nous avons pu observer un autre
type de staff, dit plus staff social c’est-à-dire pour discuter de l’orientation du patient après
l’hospitalisation en Médecine Chirurgie Obstétrique (MCO). Les médecins y sont en nombre
plus conséquent (minimum 5), notamment avec la présence du chef médical de pôle,
professeur en neurologie et en neuro-vasculaire. Les aides-soignants sont présents et
accompagnés de l’infirmier de secteur. Le tour de table n’est pas aussi formalisé qu’en SSR.
Le chef de service sollicite parfois l’aide-soignant et l’infirmier sur la dépendance du patient
lors de soins quotidiens, la technicité des soins. Cependant, il y a souvent des discussions dans
un vocabulaire médical spécifique entre confrères. Nous nous rappelons de certains collègues
aides-soignants qui ont dit se sentir mal à l’aise avant et durant ce staff collégial.
Notre expérience professionnelle nous conduit à poser une question de départ : En
quoi la participation de l’aide-soignant au staff pluridisciplinaire permet sa collaboration avec
l’équipe pluridisciplinaire ? De là, nous nous orientons à explorer le terrain pour nous
permettre de confirmer, d’infirmer ou de préciser notre problématique.
1.2 Cheminement vers la problématique par l’exploration du terrain
Cela nous amène à questionner de ce qui se joue pendant les staffs pluridisciplinaires
et notamment concernant la participation des aides-soignants durant ce staff. L’aide-soignant
est la personne de proximité du patient durant son hospitalisation. Sa relation avec lui, parfois
même de confident, l’amène à apporter des connaissances du patient que n’ont pas les
10
médecins ou les autres professionnels, et qui pourtant peuvent être essentielles dans la prise en
soins. La division du travail au sein du service fait que l’aide-soignant pratique les soins au
patient sous délégation de l’infirmier. Il est au plus près du patient dans l’accompagnement et
la réalisation des AVQ. En ce sens, il a un rôle primordial dans l’évaluation des capacités, de
l’autonomie du patient. Sa présence au staff lui permet de prendre aussi connaissance
d’éléments (médicaux, rééducatifs, psychologiques, sociaux…) non abordés pendant les
transmissions orales. Ils peuvent être notés dans le dossier informatique mais pas forcément
lus. Les aides-soignants peuvent mettre en évidence a priori une difficulté d’accès, ou un
manque de temps pour consulter tous les dossiers patients. Nous avons cependant remarqué
dans notre expérience professionnelle, que la participation des aides-soignants au staff a
encouragé l’ensemble de l’équipe à regarder les comptes rendus de ces réunions par la suite,
et les aides-soignants montrent aux collègues le chemin d’accès aux données dans le dossier
patient informatisé. Ces expériences nous interrogent autour de la participation de l’aide-
soignant au staff pluridisciplinaire : en termes d’enjeux, d’interactions et de fonctions de sa
parole.
Afin d’élaborer la question de recherche sur le sujet, nous avons effectué deux
entretiens exploratoires et une observation d’un staff pluridisciplinaire en SSR dans un CH du
Grand Ouest. Nous avons pu observer que, dans ce service de SSR, les prises de paroles de
l’aide-soignante au staff portent majoritairement sur les éléments relatifs à la cotation
Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), c’est-à-dire ce qui relève
de l’autonomie, la continence, la relation, la mobilisation, et la communication. Nous voyons
ici que cette réunion n’a pas exactement la même fonction pour les aides-soignants par
rapport au staff que nous avons expérimenté lors de notre exercice professionnel. Cela nous
pose la question des différents usages que peuvent avoir les staffs en fonction des services.
Les prises de paroles auxquelles nous avons pu assister lors de notre observation produisent
des échanges, sous forme de débat positif. Aussi, nous avons souhaité ensuite interviewer
l’aide-soignante présente afin d’approfondir notre exploration et lui permettre de s’exprimer
sur sa participation au staff. Elle nous a dit intervenir beaucoup car elle profite de ces temps
d’échanges pour nourrir sa curiosité professionnelle en interrogeant notamment le médecin
sur la pathologie ou les capacités de réadaptation possibles du patient au regard de son état de
santé. Elle relate également que ce médecin autorise ce fonctionnement de prise de parole, à
contrario de l’autre médecin de SSR avec qui, elle se l’autorise moins. En revanche, elle
soulève des remarques relatives à ses pairs concernant leur attitude au staff. En effet, elle dit
11
qu’elle ne comprend pas pourquoi ses collègues n’interviennent pas autant qu’elle le fait, et ne
posent pas de question pour ne pas gêner le médecin, ou encore par appréhension des
réactions des différents participants : « moi je n’ai pas de gêne à m’exprimer, je ne
comprends pas mes collègues, est-ce de la timidité ou de la gêne vis-à-vis des médecins, voilà
je ne comprends pas pourquoi elles ne prennent pas ce temps-là ». De plus, elle parle de
positionnement de retrait des aides-soignants en général, et tient à valoriser son métier. Elle
définit son métier comme « un rôle important », et trouve que l’aide-soignant « est là au
quotidien avec les patients » et a « un rapport justement avec les patients d’intimité, de
proximité » qui permet « de savoir des choses, de ressentir des choses avec eux, et de voir
l’évolution ». Elle pense que ce professionnel est « même aux premières loges sur la question
de l’autonomie, du bien-être du patient ». Cette aide-soignante a exercé dans d’autres
domaines tels que la coiffure et le commerce avant de se former aide à domicile puis aide-
soignante. Son positionnement et sa facilité d’expression lors du staff observé ont suscité
notre questionnement, sa représentation à cette réunion est-elle conditionnée par son
expérience antérieure ?
L’autre aide-soignante interviewée se positionne différemment, et considère qu’elle
intervient pendant le staff relativement plus après sollicitation du médecin et des autres
participants. Elle indique s’être retenue de prendre la parole notamment quand il y a un
désaccord dans la prise en charge avec le kinésithérapeute ou avec le médecin : « c’est surtout
par rapport à certaines choses quoi, comme les mobilisations quand nous on leur dit qu’on y
arrive pas et que finalement ils veulent pas qu’on utilise soit le lève-malade ou…comme quoi
les personnes déambulent beaucoup et on demande à ce qu’ils soient un petit peu attachés
pour se reposer et que c’est pas accordé, enfin…donc du coup quand on peut pas parler
ben…on ne parle pas ». Nous voyons, en croisant ces deux entretiens, deux positionnements
différents dans leur exercice, qui nous amène à nous questionner sur la participation au staff
de ces professionnelles. La seconde peut avoir de la rétention à s’exprimer en équipe
pluridisciplinaire et cela peut se répercuter sur la prise en soins personnalisée du patient par
l’absence de données à considérer par les autres professionnels dont les médecins. Nous
avions perçus dans notre exercice professionnel, lors de nos participations au staff, des aides-
soignants qui semblaient plus à l’aise pour s’exprimer et d’autres plus gênés sans pour autant
réussir à l’objectiver.
12
En fonction de leur vécu, leurs parcours, leur représentation du corps médical et des
rééducateurs, de l’organisation du staff (animation, lieu, intervenants, durée, modalités en
rapport avec le travail), la participation, en termes de prise parole de l’aide-soignant, peut
varier d’un individu à un autre.
Cela nous conduit à émettre des hypothèses qui sont les suivantes :
L’échange de l’aide-soignant avec l’équipe pluridisciplinaire lors du staff est facilité par le
nombre restreint d’intervenants.
La participation de l’aide-soignant au staff dépend de sa représentation de son rôle dans
l’équipe pluridisciplinaire.
La prise de parole de l’aide-soignant au staff dépend de sa représentation du médecin ou des
intervenants.
La participation de l’aide-soignant au staff dépend de son positionnement professionnel, de
ses expériences.
La participation de l’aide-soignant dépend des fonctions qu’elle a de cette réunion
pluridisciplinaire pour son exercice.
Ainsi, nous pouvons formuler une question de recherche pour poser notre travail :
Que comprendre de la prise de parole de l’aide-soignante lors du staff pluridisciplinaire
en SSR ?
Pour éclairer notre problématique, nous allons nous appuyer sur des textes
réglementaires, des concepts, des auteurs qui se sont intéressés d’abord au service de soins de
suite et de réadaptation, puis au métier d’aide-soignant avec son histoire et dans une approche
sociologique de l’identité professionnelle, et enfin à la dimension de la collaboration et la
coordination qui sont mises en avant lors des staffs pluridisciplinaires.
13
2 UN CADRE, UN LIEU, UN METIER, ET LA COLLABORATION
2.1 Les SSR : lieux de prises en soins spécifiques
2.1.1 La règlementation, l’organisation et l’évolution des SSR
Les soins de suite et de réadaptation sont des unités ou services qui accueillent les
patients en aval d’une prise en soins de MCO pour la majeure partie des orientations. Ces
patients ont un besoin de rééducation, de réadaptation, et/ou de retour à l’autonomie après un
changement d’état de santé. Les personnes qui y sont orientées peuvent présenter des
pathologies chroniques ou avoir été exposées à un problème aigu. Elles nécessitent une prise
en soins personnalisée pour envisager le retour à domicile, ou sont en attente d’une structure
d’accueil particulière et adaptée à leur situation. Les SSR sont définis par le décret du 17 avril
20083 comme une activité qui regroupe différentes missions de la prise en charge répondant
aux besoins du patient. Cela concerne « les soins, la rééducation et la réadaptation, la
prévention et l’éducation thérapeutique, l’accompagnement à la réinsertion ». Avant ce décret,
les activités de soins étaient dissociées en « activité de soins de suite d’une part, et de
l’activité de rééducation et réadaptation fonctionnelle d’autre part » par le décret du 26
novembre 20044. Le regroupement de ces différentes missions a donc été réglementé et
précisé par le texte de 2008 et distinguent l’activité de SSR polyvalente, spécialisée, et
relative à certaines populations (enfants, adolescents, adultes, personnes âgées). Pour cela, la
circulaire du 03 octobre 20085 vient appuyer le décret de 2008, et précise les principes
d’organisation en structure de SSR.
Tout d’abord, l’évaluation des besoins médicaux avant toute admission. Ce principe
nécessite la détermination d’un objectif de prise en charge justifié dans l’orientation du patient
c’est-à-dire « apportant une plus-value réelle au patient permettant une prise en charge globale
destinée à lui permettre de retourner dans son lieu de vie d’origine », mais aussi la
réévaluation régulière du besoin et de l’objectif thérapeutique.
3 Décret n° 2008-377 du 17 avril 2008 relatif aux conditions d'implantation applicables à l'activité de soins de
suite et de réadaptation 4 Décret n° 2004-1289 du 26 novembre 2004 relatif à la liste des activités de soins et des équipements matériels
lourds soumis à autorisation en application de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique et modifiant ce
code (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat) 5 Circulaire n°DHOS/O1/2008/305 du 03 octobre 2008 relative aux décrets n° 2008-377 du 17 avril 2008
réglementant l'activité de soins de suite et de réadaptation
14
Ensuite, la mise en place de coordination en SSR concerne le rapprochement entre les
services MCO dits de courte durée et les SSR. En effet, la durée moyenne de séjour est de
plus en réduite en MCO, et les prises en charge de plus en plus techniques. Cela sollicite une
continuité de prise en soins et de réadaptation des patients pour envisager le retour dans son
lieu de vie, mais aussi d’organiser si besoin une coordination avec le secteur médico-social,
ou une orientation en unité de soins longue durée ou en Ehpad6.
Puis, l’inscription dans des filières spécifiques de prise en charge telle que la gériatrie
et dans un réseau de partenariat hôpital-ville pour « garantir aux patients un accès aux
compétences ou plateaux techniques indispensables et à assurer son accompagnement jusque
dans son milieu habituel de vie, familial, social ou professionnel ». Dans ce cadre, la présence
de l’assistante sociale est nécessaire, de même que la possibilité d’intervention de certains
professionnels comme l’ergothérapeute sur le lieu de vie des patients. Cela se réalise en
liaison avec les professionnels sanitaires et/ou sociaux extérieurs au SSR et qui pourront
prendre le relai dans la suite de la prise en charge du patient à sa sortie. Enfin, les deux
derniers principes concernent « la mission d’expertise et de recours » relative à la
spécialisation du SSR, et « l’inscription dans le Répertoire Opérationnel de Ressources »
(ROR) afin d’assurer la « lisibilité de l’offre d’activité » des SSR dans le territoire.
Selon l’ATIH (Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation), 1589
établissements de santé en France en 2015 assurent l’offre en soins de suite et de réadaptation.
Ces établissements sont à 46% du secteur public, 29% du secteur privé commercial, et 25%
du secteur privé d’intérêt collectif. Selon une étude de la DREES (Direction de la Recherche
des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques) réalisée en 2008, l’activité en SSR représente
34 millions de journées d’hospitalisation en France. Pour assurer la demande de soins, le
personnel soignant est d’environ 0,52 par lit ou place, et le personnel de rééducation de 0,13.
En effet, nous avons constaté des équipes d’infirmiers et aides-soignants plus importantes au
regard des équipes de rééducateurs, qui s’expliquent par la continuité de service assurée aux
patients accueillis. Les rééducateurs interviennent auprès du patient sous forme de séances.
Ainsi, l’activité en SSR est structurée.
6 Ehpad : établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
15
2.1.2 La division du travail dans les SSR au sens d’une organisation
Comme l’organisation de l’offre de soins en SSR est décrite, l’exercice des acteurs
dans ces services est réglementé selon le décret de 2008 relatif aux conditions techniques de
fonctionnement applicables à l’activité de SSR. En effet, la structure doit constituer « une ou
plusieurs équipes pluridisciplinaires qui prennent en charge les patients et dont les membres
détiennent les compétences médicales, paramédicales, psychologiques, sociales et
éducatives » pour mettre en œuvre l’activité de soins. De plus, cette équipe doit comporter
« au moins les compétences de médecin, d’infirmier et d’assistant de service social ». Par
ailleurs, elle doit comprendre « également, en tant que de besoin, les auxiliaires médicaux ».
Ces auxiliaires médicaux sont les professionnels de santé tels que : les infirmiers, les
masseurs-kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les psychomotriciens, les orthophonistes, les
diététiciens. L’activité en SSR assure une permanence de soins en continuité, dont la réponse
à des besoins médicaux urgents. Ce qui induit une astreinte médicale minimum en dehors des
heures ouvrables, et la présence continue d’un infirmier sur le site d’hébergement des patients.
La présence des aides-soignants n’est pas visible dans la réglementation, cela nous
interroge. Cependant il est stipulé que les effectifs des professionnels doivent être adaptés au
besoin des prises en soins des patients accueillis. En nous appuyant sur notre expérience
professionnelle, et sur les explorations que nous avons effectuées, nous situons l’exercice de
l’aide-soignant comme essentiel pour accompagner le patient dans les actes de la vie
quotidienne, et comme un acteur indispensable pour assister l’infirmière dans ces tâches.
Ainsi, nous pouvons le considérer comme un auxiliaire des auxiliaires médicaux explicités
dans le décret.
Par ailleurs, il y a plusieurs modes d’hospitalisation en SSR en fonction des besoins du
patient : selon son état clinique, son degré d’autonomie, mais aussi en tenant compte de son
environnement familial et de la proximité de son domicile. Ainsi, nous pouvons distinguer
l’hospitalisation complète, de semaine, et de jour. Dans ces modalités d’hospitalisations, nous
nous intéressons plus particulièrement à la pluridisciplinarité de l’équipe qui exerce en SSR.
2.1.3 La pluridisciplinarité au service de la prise en charge du patient
La finalité de l’activité des SSR implique une équipe pluridisciplinaire. Les
compétences multiples sont nécessaires en termes « de prévention, et de limitation des
conséquences et en vue de la réadaptation du patient ». Cette pluridisciplinarité est intégrée
16
aux critères d’évaluation des établissements de santé avec une activité de SSR pour la
certification dans le manuel de la Haute Autorité de Santé (HAS) de 2010. Ces critères
tiennent compte de « l’échange des informations utiles à la prise en charge du patient » et à sa
continuité, notamment avec « l’élaboration d’un projet personnalisé de soins avec le patient »,
son entourage et les professionnels concernés. Notre vécu professionnel nous permet ici de
situer l’aide-soignant comme un des professionnels qui contribue à l’accès des informations
utiles pour ce projet personnalisé, de par sa proximité, sa connaissance du patient.
Dans le manuel de la HAS, un critère d’évaluation de la « continuité et la coordination
de la prise en charge des patients » encadre plus largement la pluridisciplinarité et les
modalités de coordination, de transmissions d’informations, de collaboration des
établissements de santé. Entre autre, cela concerne le « suivi et la continuité dans les transferts
des patients dans les structures extérieures ». Les SSR sont amenés à travailler en partenariat
avec les structures ambulatoires, les cabinets libéraux, le secteur médico-social. En ce sens,
les informations nécessaires à la continuité de prise en charge doivent être définies et
accessibles. Ainsi, l’assistante sociale et le médecin de SSR doivent regrouper ces données
pour permettre d’optimiser, d’organiser le suivi des personnes à leur sortie, et ainsi
coordonner la prise en charge globale du patient. Un des moyens utilisés pour l’échange
d’information est le staff pluridisciplinaire, il regroupe ainsi les différents professionnels qui
gravitent autour du patient dans un espace-temps défini.
2.2 Le staff pluridisciplinaire
2.2.1 Comme élément de coopération
Le staff pluridisciplinaire est une réunion de l’équipe pluridisciplinaire, c’est un temps
d’échanges des professionnels de santé autour de la prise en charge du patient. Il répond entre
autre à l’objectif : « évaluer périodiquement le projet thérapeutique individualisé » déterminé
avec le patient et sa famille. La règlementation de 2008 applicable aux SSR stipule en effet les
conditions « d’assurer des bilans réguliers et d’adapter la prise en charge du patient », mais
aussi de contribuer régulièrement au suivi médical, rééducatif, et à l’évaluation des
traitements mis en place. De même que la HAS préconise l’élaboration d’un « projet
personnalisé de prise en charge » en spécifiant la « concertation avec tous les professionnels
concernés ». Nous pouvons nous interroger : est-ce que cela sous-entend la présence ici de
17
tous les acteurs intéressés par la prise en charge du patient comme les rééducateurs,
l’infirmière, l’aide-soignant, l’assistante sociale, le médecin ?
Dans le cadre du projet personnalisé de soins, la HAS introduit aussi les Réunions de
Concertation Personnalisée (RCP) qui sont définies par la présence de trois médecins
spécialisés, et d’une équipe pluridisciplinaire pour participer à « une discussion collégiale en
regard du dossier du patient et sa situation sanitaire et sociale ». Elles visent à « une prise de
décision tracée dans la prise en soins du patient », qui sera soumise et expliquée au patient. Le
médecin traitant du patient peut être sollicité à y participer, mais sa présence n’est pas
obligatoire. Les RCP en oncologie sont développées, réglementées et ont lieu tous les deux
mois. Dans les autres domaines, elles sont recommandées pour les prises en charges
complexes. Ainsi certaines prises en charges de patients en SSR peuvent se situer dans cette
complexité : problématique de retour à domicile, d’aménagement du domicile voir de
nécessité de logement adapté, avec un allongement de durée de séjour. Selon la DREES, les
DMS les plus longues concernent les patients âgés de plus de 75 ans, ils représentent la moitié
des patients accueillis en SSR. Nous voyons, au regard du contexte en SSR, la nécessité des
interactions pluridisciplinaires dans la coordination des professionnels qui selon le Petit
Robert7 se définit comme « l’agencement des parties d’un tout, selon un plan logique, pour
une fin déterminée ».
2.2.2 Comme lieu d’interactions
Chaque professionnel est donc invité à intervenir, selon l’ HAS, au staff
pluridisciplinaire afin d’exprimer son point de vue sur la prise en charge du patient et aboutir
à une « discussion collégiale ». Claude Dubar8 définit l’interaction comme un processus de
mise en commun des pratiques afin que « les activités de travail soient analysées à la fois
comme des processus subjectivement signifiants et comme des relations dynamiques avec les
autres » (Dubar, 1998, p.95). Pour que les interactions puissent être effectives, cela suppose
d’abord une participation des acteurs. Elle est un facteur primordial, qui « dépend, à des
degrés variables, de 5 groupes de conditions : les conditions de nombre, le degré de maturité
du groupe, auquel est relié le degré de richesse des échanges, les conditions matérielles
proprement dites, le moral du groupe, la qualité de la conduite de la réunion par son président
7 Le Petit Robert [en ligne] disponible sur http://www.lerobert.com/le-petit-robert/
8 Claude Dubar, sociologue français, professeur de sociologie à l'université de Versailles Saint Quentin en
Yvelines
18
ou son animateur » (Mucchielli, 1967, p.23). Nous nous rappelons effectivement de notre
expérience du staff en neurologie en tant qu’infirmière où le nombre de participants médicaux
immobilisait la parole de l’aide-soignant présent, par ailleurs le « groupe » évoqué par Roger
Mucchielli9 fait référence ici à la notion d’équipe, cela implique que cette équipe se
connaisse, se reconnaisse et forme une entité. Quand nous avons observé le staff en SSR pour
affiner notre problématique, nous avons vu que l’aide-soignante, nouvellement arrivée dans le
service participait activement à cette réunion, et que les échanges étaient productifs. Elle se
positionnait comme membre de l’équipe, nous nous interrogeons sur le « degré de maturité »
(ibid.) décrit, cela dépendrait, non seulement du temps passé avec le groupe, mais aussi du
positionnement dans celui-ci. De plus, le rôle de l’animateur est une des conditions à la
participation, et ainsi à la production d’interactions. Lors du staff observé, ce rôle était assuré
par le médecin du service. Nous nous référons à l’entretien avec cette aide-soignante observée
qui nous avait dit en dehors de l’enregistrement que « ce médecin était plus dans l’échange et
sollicitait plus la participation des aides-soignants ». Alors, les conditions sont-elles toujours
identiques aux différents staffs en SSR ?
Par ailleurs, la production des interactions est liée à la richesse des échanges. Pour
échanger, il faut que la personne ait de la matière à apporter. Ainsi, Claude Dubar s’est inspiré
d’Everett Hugues10
, et de son développement du point de vue interactionniste, qui « a
plusieurs fois écrit que c’était la personne elle-même qui était la mieux placée pour décrire
son travail » (Dubar, op. cit, p.95). En ce sens, l’accompagnement des patients vers un retour
à l’autonomie intéresse notamment les actes de la vie quotidienne des patients en
réadaptation. Un acteur de cet accompagnement n’apparait pas visiblement dans les textes
règlementaires, il constitue cependant un élément clé dans la proximité avec le patient, et
indispensable dans l’organisation du travail, et dans la connaissance des besoins du patient.
Nous introduisons cet agent invisible qui représente le métier d’aide-soignant.
9 Roger Mucchielli, psycho-sociologue, et psychopédagogue français, était aussi agrégé de philosophie et
neuropsychiatre. 10
Everett Hughes, sociologue américain, et représentant de la pensée sociologique de l'école de Chicago, courant
de pensée sociologique apparu au début du XXᵉ siècle aux États-Unis
19
2.3 Le métier d’aide-soignant
2.3.1 La règlementation de la profession et de la formation
L’aide-soignant assure les soins d’entretien et de continuité des AVQ, pour répondre
aux besoins de prise en charge du patient. Il a un rôle relationnel auprès de la personne
soignée. C’est un professionnel de proximité qui exerce ses fonctions en collaboration et sous
la responsabilité de l’infirmier, dans le cadre du rôle propre de ce dernier et selon la définition
de son activité dans le décret n°2002-194 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la
profession d’infirmier. Le métier d’aide-soignant est régit, lui, par le décret n°2007-1301 du
31 août 2007 relatif aux diplômes d’aide-soignant, d’auxiliaire de puériculture et
d’ambulancier, modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires).Ce texte
explicite entre autre « la dispensation des soins d’hygiène et de confort à la personne,
l’observation du patient, dont la mesure de paramètres vitaux, la transmission par écrit et par
oral de ses observations, l’accueil, l’accompagnement et l’information du malade et de son
entourage ».
La formation au métier d’aide-soignant est définie par l'arrêté du 22 octobre 2005
modifié relatif à la formation conduisant au diplôme d’Etat d'aide-soignant. Cette formation
est d’une durée de 41 semaines alternant les enseignements théoriques, cliniques en institut de
formation, et les stages. Elle est répartie respectivement en 17 semaines d’apports en institut
et en 24 semaines de stages. Elle comprend huit modules d’enseignements : accompagnement
d'une personne dans les AVQ ; état clinique d'une personne ; soins ; ergonomie ; relation-
communication ; hygiène des locaux hospitaliers ; transmission des informations ;
organisation du travail. En effet, les aides-soignants qui exerçaient dans le service de SSR où
nous avons exercé assuraient toutes ses activités, en collaboration avec l’infirmier du secteur.
Des temps de transmissions étaient définis par secteur de soins, et l’organisation divisait les
activités en fonction des horaires travaillés par les agents.
Ce métier aujourd’hui définit a évolué depuis les dernières décennies, l’historique
nous éclaire dans les représentations portées sur ce métier.
2.3.2 L’historique et l’évolution du métier d’aide-soignant
Le métier d’aide-soignant apparait sous sa dénomination en 1949 dans l’arrêté du 03
février 1949 qui énonce pour la première fois « la catégorie d’aide-soignant » comme un
20
grade provisoire dans les hôpitaux publics, mais ce n’est qu’en 1956 avec la création du
CAFAS (Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Aide-Soignant) et selon l’arrêté du 23 janvier
1956 qu’il est défini officiellement. Avant, il s’agit des « servantes » ou « filles de salle »
exerçant dans les hôpitaux. Leur histoire est très liée à l’historique de la profession
d’infirmier. La création de cette catégorie professionnelle est liée aux besoins de « faire face à
une augmentation des effectifs hospitalisés » (Arborio, 2001, p.41), et à la nécessité de
« position intermédiaire» (ibid.). En effet, l’aide-soignante assiste alors l’infirmière dans les
soins, et assure l’entretien des locaux et de l’environnement du malade. Le diplôme d’Etat
d’infirmier de 1946 souligne la légitimité de la profession d’infirmier, en revanche il rend
aussi caduque la position de ceux qui n’ont pas le diplôme, et qui pourtant en exercent les
fonctions depuis les besoins de la deuxième guerre mondiale. Au départ, la définition de ce
« professionnel intermédiaire » (ibid.) était provisoire, rendant le statut de ce personnel
incertain.
De même, cela introduit une division de travail au sein des hôpitaux, l’aide-soignant
seconde l’infirmier, et l’ASH est affecté aux tâches ménagères. Le rôle de proximité dans le
soin et le relationnel de l’aide-soignant pour la personne soignée s’est vu défini et précisé tout
au long de ces dernières années. De même, en termes de formation, le CAFAS est devenu le
DPAS en 2005, puis s’est vu modifié en diplôme d’Etat par la modification de l’arrêté de
2005 en 2007, puis 2009. Le programme de formation s’est vu étoffé. Depuis 2005, une
nouvelle modalité diplômante a été mise en œuvre : la Validation des Acquis de l’Expérience
(VAE) professionnelle. Elle permet ainsi de valider des modules sans effectuer les douze mois
en institut, en remplissant un livret administratif, en participant à une formation obligatoire de
courte durée, puis en élaborant un livret de compétences à argumenter devant un jury. Le
métier d’aide-soignant existe depuis le XIXème siècle, et a connu différentes étapes pour être
reconnu aujourd’hui comme résultant d’un diplôme d’Etat. Cette évolution a été marquée par
l’accès à une reconnaissance des compétences via la VAE professionnelle. Le programme de
formation s’est aussi construit selon un référentiel de huit compétences. De même que la
profession a évolué parallèlement à une activité d’offre de soins de plus en plus complexe. En
effet, l’organisation des établissements de santé, et la société ont évolué. La demande de soins
s’est accrue avec une espérance de vie allongée, et est de plus en plus exigeante en termes de
qualité des soins et de confort hôtelier dans les hôpitaux. Les règlementations en matière de
financement visent à l’efficience, c’est-à-dire à produire du soin à moindre coût et par là-
même à moindre moyen. Les établissements de santé doivent rendre compte de la qualité des
21
soins, notamment par le biais de la certification. Nous avons pu effectivement échanger avec
les aides-soignants lors de notre exercice, pour certaines qui étaient diplômées par le CAFAS,
elles ont vu cette évolution dans le rythme et la charge de travail. Nous avons pu également
remarqué lorsque nous étions infirmière que les patients étaient de plus en plus en demande de
prestations hôtelières, et sollicitaient à ce titre l’aide-soignant.
Au regard de ces évolutions, nous nous proposons de découvrir qui est l’aide-soignant
d’aujourd’hui.
2.3.3 L’identité démographique de l’aide-soignant
Ce métier est attractif : il bénéficie de la sécurité de l’emploi pour le secteur public, il
est accessible par une formation de courte durée, et à un coût pouvant correspondre à la classe
moyenne des ménages, avec un salaire mensuel net « compris entre 1500 et 2000 euros »11
.
Des aides de financement peuvent être attribuées par le Conseil Général sur étude du dossier.
Alors, depuis vingt-cinq ans, les effectifs d’aides-soignants se sont vus augmentés, et
concernent entre 2007 et 2009 près de 513000 emplois en France. Ce métier est à neuf
emplois sur dix occupé par des femmes, et de plus en plus de personnes de plus de trente ans
soit 79% contre 58% il y a vingt-cinq ans. De plus, l’exercice à temps partiel est répandu, et
concerne 22% des agents entre 2007 et 2009. Les personnes qui accèdent à cette
professionnalisation aujourd’hui sont pour la plupart titulaire du baccalauréat ou d’un diplôme
supérieur pour 40% des effectifs selon la DREES (Arborio, 2013, p.11). Les données
démographiques éclairent une partie identitaire. Combinées avec l’histoire et la
réglementation du métier, la formation professionnelle, elles participent à la construction
d’une identité sociologique de l’aide-soignant.
2.3.4 L’identité sociologique de l’aide-soignant
Même si l’évolution du métier et de la formation de l’aide-soignant tendent à une
autonomie et une professionnalisation, l’aide-soignant se voit souvent attribué une
représentation négative des tâches qui lui sont déléguées et une image de subordination de
l’infirmier. En effet, la notion de « dirty work » (Hugues, 1996, p.69) décrite tout d’abord par
Everett Hugues est définie par la délégation des « tâches serviles, fastidieuses ou dégradantes
dans un métier donné » (id. p.70), notamment entre l’infirmier et l’aide-soignant, ou entre le
médecin et l’infirmier. Ce paradigme sociologique de « sale boulot » a été repris en France
11
DARES-Les familles professionnelles-portraits statistiques 1982-2009
22
par Anne Marie Arborio qui s’est intéressée particulièrement à la profession d’aide-soignant.
Elle a défini l’aide-soignant comme « Un personnel invisible » (Arborio, 2001), de par la
naissance de cette catégorie professionnelle crée à titre de reclassement, le contenu flou du
métier pendant plusieurs années, et l’acception négative de « délégation des tâches les moins
valorisées de la profession d’infirmier » (Arborio, 2001, p.137).
Ainsi l’identité professionnelle de l’aide-soignant est caractérisée d’une part par une
position de subordination au sens de la relation hiérarchique entre l’infirmier et l’aide-
soignant. Elle comporte une connotation négative pouvant être pesante chez cette catégorie
professionnelle. Ce travail réglementé comme étant sous la délégation de l’infirmière
constituait en quelque sorte dans notre expérience professionnelle un retranchement quant à la
participation de l’aide-soignant au staff. Une des professionnelles se posait la question « la
nécessité de notre présence, vu que l’infirmière allait y participer ». Le métier est souvent
qualifié par l’activité ayant une pénibilité : les contraintes horaires, les manutentions
responsables de maladies professionnelles, ou encore les tâches telles que les soins de nursing,
l’aide aux repas, ou l’aide à l’élimination. Il en résulte cependant que ces tâches qui sont
attribuées à l’aide-soignant demeurent la base de la prise en charge attendue pour les patients.
En revanche, son rôle de proximité avec la personne soignée peut-être perçu comme
valorisant, avec une dimension relationnelle majorée en raison de l’augmentation des tâches
administratives qui incombent à l’infirmier depuis quelques années, amenant ainsi ce dernier à
avoir moins de temps auprès du patient. Nous nous rappelons qu’en tant qu’infirmière, nous
apprenions régulièrement des éléments de connaissance de vie de la personne soignée par nos
collègues aides-soignants. De même lors des staffs auxquels nous participions en tant que
faisant fonction cadre de santé, l’aide-soignant pouvait amener le petit détail sur la vie du
patient qui démontrait cette relation privilégiée.
D’autre part, les évolutions technologiques, comme l’utilisation d’outil informatique
pour renseigner le dossier du patient, ou pour effectuer diverses commandes en rapport avec
le service hôtelier du malade conduisent à certaine autonomie et responsabilisation de l’aide-
soignant. De plus, le raisonnement clinique enseigné dans les Instituts de Formation des
Aides-Soignants (IFAS) amène les aides-soignants à être des agents réflexifs « pour
personnaliser les soins en combinant intuition, connaissances, méthode de raisonnement,
relation d’aide et maitrise des niveaux de jugement clinique » (Psiuk, 2016, p.11).
23
L’utilisation du modèle tri focal12
est partagée avec la démarche clinique enseignée aux
infirmiers, ce qui « favorise l’autonomie tout en respectant les compétences professionnelles
de chacun et l’interaction dans les pratiques soignantes » (Choucrallah, 2016, p.7). Nous
pouvons nous poser la question de l’existence d’une différence ou non entre les aides-
soignantes dernièrement diplômées qui connaissent ce raisonnement et les autres, de même de
l’impact que ça peut avoir sur la collaboration avec les autres professionnels.
Par ailleurs, la réingénierie de la formation des aides-soignants envisagée depuis 2015
pourrait offrir l’accès à deux nouvelles compétences : la première concernerait l’animation
dans « le cadre du projet de vie de la personne ou d’un projet collectif »13
, et la seconde
porterait sur le « tutorat auprès des stagiaires ou des nouveaux professionnels »14
.
L’inscription de nouveaux soins dans le référentiel d’activité de ce professionnel, tels que les
aspirations endo-trachéales, la pose de bande de contention, ou encore la glycémie capillaire,
est discutée. Cette perspective viserait également à redéfinir le métier, la proposition
jusqu’alors projetée serait « l’aide-soignant agit dans le cadre du rôle propre de l’infirmier
dont les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie, visent à compenser
partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou
d’un groupe de personnes […] Conformément aux articles R.4311-13 à R.41311-5 du code de
la santé publique, l’aide-soignant exerce en collaboration et sous la responsabilité de
l’infirmier, dans les limites de la qualification qui lui est reconnue du fait de sa formation »15
Nous voyons alors que l’évolution de la formation tend à légitimer cette
professionnalisation comme un «processus de fabrication d’un professionnel par la
formation» (Wittorski, 2008, p.15). Dans la pratique, les aides-soignants, formés comme
« capables d’exercer une activité économique déterminée » (id. p.19), sont amenés à travailler
avec leurs pairs mais aussi différents professionnels, tels que les infirmiers, les rééducateurs,
les médecins. Le staff les réunit dans un espace-temps, dans un lieu, et les invite à participer.
12
Le modèle trifocal vise à orienter les jugements cliniques, selon trois dimensions que sont la pathologie, les
complications liés à la pathologie et/ou les effets secondaires aux thérapeutiques, et les réactions humaines,
physiques et psychologiques. 13
Article d’Aurélie Trentesse publié le 07/02/2017,[en ligne] disponible sur https://www.aide-
soignant.com/article/ressources/actualites/as (consulté le 02/05/2017) 14
Ibid. 15
Ibid.
24
2.4 La collaboration entre l’aide-soignant et l’équipe
La participation de l’aide-soignant aux réunions pluridisciplinaires s’inscrit dans les
recommandations de la HAS relative à la « coopération et à l’échange d’informations pluri
professionnelles » pouvant contribuer à la prise en charge personnalisée du patient en SSR.
Cela interroge cependant la valorisation de la parole de ce professionnel car « lors des
réunions pluridisciplinaires l’aide-soignante porte seule la parole de sa profession »
(Azémard, Bruel, Franck, 2015, p.21). En effet, les aspects techniques de la prise en charge du
patient mis en avant par le médecin, le kinésithérapeute, ou l’infirmier laissent-ils la place aux
données relatives aux soins de proximité tels que les soins corporels, ou relationnels pouvant
être témoignés par l’aide-soignant ? Les cotations de PMSI, qui prennent en compte ces
données, pendant le staff, peuvent favoriser les interventions et les interactions de l’équipe
pluri professionnelle avec l’aide-soignant, comme nous l’a dit une aide-soignante lors d’un
entretien exploratoire : «je pense qu’on est quand même aux premières loges sur la question
de l’autonomie, du bien-être du patient, et pour tout ce qui est d’objectifs, je pense que le
médecin est plus à même par rapport aux capacités, par rapport aux résultats sanguins, par
rapport à l’évolution médicale, il est plus à même de nous dire les capacités qu’on peut
attribuer à telle ou telle personne par la suite » . Par ailleurs, chaque professionnel a un
vocabulaire spécifique à ses compétences et à son champ d’action. Cependant, les échanges
des informations relatives au patient sont à partager dans un souhait de prise en charge
adaptée au patient, c’est-à-dire faire « consensus dans les objectifs » à poser pour et avec le
patient en équipe pluridisciplinaire pour la HAS. Cela peut contribuer à une nouvelle identité,
celle de l’équipe pluridisciplinaire au sein du service SSR. Cette identité est décrite par
Claude Dubar comme la « socialisation » (Dubar, 2000). Elle met en dualité « l’agir
instrumental » (Dubar, 2000, p.84) c’est-à-dire ici la définition commune des objectifs de
prise en charge et l’organisation du travail autour du patient, et « l’agir communicationnel »
(ibid.) correspondant à l’interaction des acteurs qui composent ce staff avec un langage
collectif. L’enjeu est alors pour chaque professionnel et dans cet espace d’« apprendre à se
faire reconnaitre par les autres et à accomplir les meilleures performances possibles » (id.
p.83). Les professionnels, dont les aides-soignants, peuvent s’enrichir des savoirs, des
pratiques des autres intervenants tel qu’a pu nous l’exprimer une aide-soignante qui « pense
que le mixte des deux entre nous et le médecin et l’infirmière ça nous permet justement de
pouvoir mieux évaluer l’état mental de la personne, de ses possibilités, pour elle on va dire
médicales, psychologiques. La tonicité par rapport à la kinésithérapie, qui est capable de
25
nous dire aussi si la personne est assez tonique pour que l’on puisse faire sa toilette. Nous en
tant que professionnels on peut se dire : oui c’est possible, et il y a la part médicale qui va
nous dire : non ce n’est pas possible. Donc, c’est là que l’enjeu est, en fait. Le staff c’est de
savoir tout ça. ». Ce temps de staff pluridisciplinaire peut être un levier dans cette
reconnaissance du rôle de chacun, en restant au service de la prise en charge du patient.
Enfin, les points abordés, en particulier les techniques rééducatives, lors du staff
pluridisciplinaire, peuvent constituer un motif de démonstration dans le service, dans la
chambre du malade pour faciliter les actes fait quotidiennement par les aides-soignants et avec
le patient, et les amener ainsi à la collaboration définie par le Petit Robert comme le « travail
en commun ; un travail entre plusieurs personnes qui génère la création d'une œuvre
commune »16
. Les lectures contribuent à préciser et à éclairer notre problématique, et appuient
notre besoin de comprendre les conditions de la participation, et les fonctions de la parole de
l’aide-soignant au staff pluridisciplinaire en SSR. Afin poursuivre notre travail, nous avons
suivi une méthodologie compréhensive qui a guidé nos pas d’apprenti chercheur.
16
Le Petit Robert [en ligne] disponible sur http://www.lerobert.com/le-petit-robert/
26
3 LA METHODOLOGIE COMPREHENSIVE DE LA RECHERCHE
Nous avons choisi d’utiliser la méthodologie compréhensive, que ce soit en
observation ou en expérimentation. Cette démarche tend à conduire à une « rupture
épistémologique » (Quivy, Van Campenhoudt, 1988, p.18) entre la situation de départ vécue
et l’objet véritable de la recherche. Tout d’abord, l’observation compréhensive nous a permis
de nous placer en tant que chercheur et nous extraire de notre expérience initiale. Elle a
alimenté notre exploration du terrain pour permettre d’affiner notre question de recherche. En
effet, « Le chercheur adopte cette orientation méthodologique quand il observe un milieu ou
utilise des documents qui lui préexistent et vis-à-vis desquels il est censé rester neutre dans sa
posture d’observateur » (Juan, 1999, p.19).
Par ailleurs, l’expérimentation compréhensive est une méthodologie utilisée comme
processus de recherche et vise ainsi à se centrer sur les acteurs. Elle place le chercheur dans
une position particulière avec l’acteur pour accéder à une compréhension du sujet traité :
« L’acteur, seul ou associé à d’autres au sein d’une organisation ou d’une action collective,
intéresse ici le chercheur : seule la relation effective, le face à face, le met en mesure
d’accéder à ce qui oriente l’action. Il s’agit toujours de stimuler l’acteur pour faire émerger le
sens de son action. » (id. p.105-106). Cette méthodologie utilise, dans notre travail de
recherche, les entretiens semi-directifs. Elle pose des objectifs de compréhension autour de la
participation de l’aide-soignant au staff pluridisciplinaire, de son rôle et des usages lors du
staff pluridisciplinaire par les représentations du sujet lui-même et par les représentations que
s’en font les autres participants. Jacqueline Barus-Michel17
définit cela comme la recherche
des « processus qui lient les acteurs sociaux à l’institution et qui permettent de comprendre les
formes que prennent ces rapports sociaux et les effets qu’ont ces rapports sociaux »18
.
De plus, nous déterminons en deux parties de notre recherche : l’exploration de terrain
comprenant l’observation et deux entretiens semi-directifs, et l’enquête définitive constituée
de huit entretiens semi-directifs, en développant respectivement le cadre méthodologique de
chacune d’entre elles.
17
Jacqueline Barus Michel, psychosociologue, professeure en psychologie sociale à l'université Paris VII
Diderot. 18
Cours de Jacqueline Barus-Michel, p.8, dans le corpus de texte « Méthodologies de la recherche »
27
3.1 L’exploration de terrain
3.1.1 Le choix de la population et du terrain
Nous nous sommes orientée vers un service de soins de suite et réadaptation dit
polyvalent d’un Centre Hospitalier de l’Ouest, et comportant 25 lits. Nous avons choisi ce
terrain pour être à distance de notre expérience professionnelle de rééducation spécialisée
dans les affections neurologiques et orthopédiques. Nous avons sollicité deux entretiens semi-
directifs auprès d’aides-soignantes d’âge similaire mais ayant des expériences différentes.
Nous faisons le choix dans ce travail de les exploiter dans la partie relative au cheminement
vers la problématique, et non dans l’analyse de contenu avec les entretiens définitifs.
Tableau synoptique n°1 : Recherche exploratoire
Profession Nom Prénom Age
(ans) Sexe
Ancienneté
diplôme
Ancienneté
service
Durée
(min)
AS n°1 Poulinet Carine 43 F 5 ans 4 ans 28
AS n°2 Evin Christelle 43 F 4 ans 3 mois 27
La population et le terrain d’exploration définis, nous avons suivi le cadre de la
recherche compréhensive et ses différentes étapes.
3.1.2 Le protocole de la recherche
Nous nous sommes approchée du terrain en suivant les conseils méthodologiques des
intervenants de l’IFCS19
. Nous nous sommes présentée comme étudiante en Master
« Economie et gestion de la santé », afin de limiter les influences possibles dans une relation
de face à face pour l’observation et les entretiens. La population interviewée, que sont les
aides-soignantes, aurait effectivement pu voir l’enquêteur que nous sommes comme un futur
acteur de la hiérarchie verticale. Cependant, nous avons été questionnée après les entretiens
sur la finalité de la formation universitaire mise en avant. D’autre part, la seconde fonction de
cette posture est de nous avoir mis à distance avec notre expérience de rééducation et ainsi
limiter une sorte d’imposition décrite par Pierre Bourdieu20
: « la proximité sociale avec la
personne interrogée est sans doute ce qui explique l’impression de malaise que presque tous
19
IFCS : Institut de Formation de Cadre de Santé 20
Pierre Bourdieu, sociologue français, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales
28
les interrogateurs qui se trouvaient placés dans une telle relation ont dit avoir éprouvée »
(Bourdieu, 1993, p.1397). En effet, nous avons adopté une attitude neutre, ne permettant pas
de transparaitre que certains termes spécifiques à la réadaptation et la rééducation nous étaient
familiers. Nous avons établi un protocole de politesse en début d’interview (cf. annexe I), de
même nous avons demandé la possibilité d’enregistrer avec un magnétophone les échanges
lors du staff pluridisciplinaire et les interviews afin de faciliter les retranscriptions, et la
permission de prendre des notes en parallèle. Nous avons noté une bienveillance des
participants, et un intérêt pour notre recherche.
3.1.3 L’observation comme outil méthodologique
L’observation constitue une méthode d’exploration du sens ou de l’action à un
moment donné, dans un milieu. Nous avons choisi l’observation directe, c’est-à-dire
l’immersion dans un staff pluridisciplinaire, en étant centrée sur l’aide-soignante, tout en
restant dans une position de retrait et de neutralité dans la situation. Nous avons programmé et
signifié les modalités avant ce temps. Le nombre de participants était restreint du fait des
vacances de fin d’année, nous mettant géographiquement à une distance de communication
dite personnelle. Il y avait cinq participants : l’aide-soignante, l’infirmière, le médecin,
l’assistante sociale et le kinésithérapeute. Les regards ont été orientés vers nous en début de
séance mais les participants centrés sur leur espace de concertation ont fait abstraction de
notre présence par la suite. Nous n’avons pas été sollicitée verbalement durant cette séquence.
Nous avons pu identifier les fréquences et les temps de parole de l’aide-soignante au regard
des autres participants. L’aide-soignante s’exprimait spontanément, et ses interventions
produisaient des interactions : échanges avec les autres professionnels, réponses du médecin,
du kinésithérapeute ou de l’assistante sociale. Nous avons déterminé les sujets relatifs à la
prise de parole du professionnel observé, l’aide-soignante était centrée sur le remplissage des
cotations de PMSI, et interrogeait le médecin et le kinésithérapeute principalement sur les
capacités de rééducation et réadaptation du patient. Nous avons pu ainsi analyser la place
occupée par l’aide-soignante lors de cette réunion pluridisciplinaire, l’aide-soignante s’est
montrée active. En effet, elle a plus participé en termes d’interventions et d’interactions que
l’infirmière présente. Nous sommes interrogée, au regard de notre situation de départ, à savoir
quels étaient les usages lors de ce staff pluridisciplinaire, et si la participation des autres aides-
soignantes du service était tout aussi effective. Nous avons décidé de poursuivre notre
exploration par des entretiens.
29
3.1.3 L’entretien après l’observation
Nous avons rencontré à la suite du staff pluridisciplinaire observé, l’aide-soignante
présente. L’entretien s’est déroulé cinq jours après, et a eu pour objectif de percevoir le
ressenti de la participante. Sur le modèle semi-directif, il est composé de cinq questions
ouvertes. Les questions ont été définies au regard d’une part de notre grille d’observation
complétée, et de notre guide d’entretien exploratoire thématisé (cf. annexe I), que nous
présentons dans la partie suivante. L’aide-soignante interviewée a exprimé un intérêt pour le
sujet, mais nous avons noté un comportement différent lors de l’enregistrement et la
discussion qui s’en est suivie après. Nous avons fait le choix d’exploiter l’analyse du contenu
de cet entretien au-même titre que les entretiens exploratoires pour illustrer notre
cheminement vers la problématique. « Les entretiens exploratoires ont pour premier objectif
de s’informer le mieux possible sur la question étudiée avant d’entrer plus avant dans le vif du
sujet et de mobiliser des ressources plus importantes, notamment en temps du travail. La
crédibilité du travail en dépend.» (Quivy, Van Campenhoudt, 1988, p.59). Cet entretien post-
observation d’une durée de sept minutes s’est poursuivi d’un entretien exploratoire de 20
minutes.
3.1.4 L’entretien semi-directif d’exploration
Tout d’abord, nous avons établi un guide d’entretien avec des thèmes. Cette
thématisation s’est construite pour la première partie à entrer en relation et à intéresser la
personne interviewée en se centrant sur elle. Puis, nous nous sommes attachée à définir des
interrogations au regard de notre question de départ. Nous avons posé des questions ouvertes
en suivant des recommandations méthodologiques : « Moins l’entretien est directif et plus
l’acteur participe à la production du sens, tant dans la forme, les associations d’idées, que
dans le fond, le contenu du discours » (Juan, 1999, p.107). Nous détaillerons les thèmes qui
le composent dans la partie de l’enquête définitive. Nos premier pas en tant que chercheur
nous ont limités dans la reformulation de question qui compose la dimension de semi-
directivité comme «des protocoles fondés sur la mixité de questions et de relances » (id.
p.121). Les deux entretiens exploratoires à destination de deux aides-soignantes se sont
déroulés à neuf jours d’intervalle. Ils ont des durées relativement courtes, avec des contenus
qui ne nous ont pas permis d’approfondir la question : « pourquoi disent-elles ce qu’elles
disent ? ». De plus, nous avons noté que les deux personnes interviewées n’ont pas fait
l’abstraction de notre magnétophone. D’ailleurs, la seconde a poursuivi la conversation par la
30
suite de l’enregistrement et a parlé d’une façon plus libre. Ce fait est notamment décrit par les
auteurs : « Se sentant enfin libérées de ce qui pourrait les poursuivre, elles se livrent, off
record, à des considérations intimes, comme si le chercheur perdait magiquement son statut en
éteignant le magnétophone et devenait une personne à qui l’on peut se confier. » (id. p.122-
123).
Cette phase exploratoire nous a été utile, d’une part pour adopter une posture de
chercheur, et d’autre part a servi à cibler notre problématique et ainsi formuler notre question
de recherche. Les manuels de méthodologie explicitent que les entretiens exploratoires
répondent à plusieurs objectifs, un desquels est « de prendre conscience d’aspects du
problème qui n’avaient pas été envisagés au moment de la formulation de la question de
départ, d’imaginer de nouvelles pistes et donc, le cas échéant, de reformuler cette question de
départ de manière plus adéquate et mieux fondée. » (Quivy, Van Campenhoudt, op. cit, p.59).
En effet, nous avons été amenée à reformuler, pour la suite de la recherche, la question
relative aux fonctions de la parole des aides-soignants au staff pluridisciplinaire. Nous
poursuivons notre démarche compréhensive en établissant et en réalisant une enquête
définitive pour pouvoir approcher l’analyse de contenu de recherche.
3.2 L’enquête définitive
La phase exploratoire nous a permis d’affiner notre recherche. Elle s’est déroulée
selon le même protocole de recherche. Cependant, nous avons orienté notre travail dans un
choix de population et de terrain différent avec un souhait d’objectivité.
3.2.1 Le choix de la population et du terrain
Les services de soins de suite et de réadaptation sont variés, ils peuvent être soient
spécifiques à des affections, ou polyvalents. Réglementés, nous avons pu voir cependant dans
le cadre contextuel que les organisations des staffs pluridisciplinaires sont définies par les
structures elles-mêmes. C’est pourquoi, nous avons choisi de réaliser huit entretiens semi-
directifs dans un même établissement pour permettre un croisement significatif des données.
La structure est un établissement privé à but non lucratif dans une grande ville de l’Ouest. De
plus, nous avons élargi la population interviewée à différents professionnels au regard de nos
hypothèses de recherche formulées à la suite de nos explorations. Nous avons donc divisé, en
deux typologies les entretiens, en interrogeant d’une part quatre aides-soignantes (cf. annexe
II), et d’autre part les professionnels qui sont en relation avec celles-ci (cf. annexe III). Ainsi,
31
la deuxième typologie de personnes enquêtées est : une infirmière, un kinésithérapeute, un
médecin, et une assistante sociale. Nous n’avons pas interviewé la cadre de santé de cette
unité, qui connaissait notre statut d’étudiant en IFCS, mais aussi en raison de nos échanges
sur les modalités du staff pluridisciplinaire qui la questionnait. Cependant, notre choix est
orienté vers les participants les plus fréquemment représentés dans les staffs
pluridisciplinaires en SSR. Enfin, nous précisons que ce service a une organisation
particulière. Il est découpé en cinq secteurs, avec une partie SSR polyvalent, et une seconde
spécialisée dans la réhabilitation respiratoire et les affections neurologiques. L’équipe
infirmière et aide-soignante est répartie en deux équipes, avec des roulements de plannings
différents. Les médecins ont des secteurs attribués, les autres professionnels interviennent
auprès des patients dans tous les secteurs.
Tableau synoptique n°2 : Recherche définitive :
Profession Nom Prénom Age
(ans) Sexe
Ancienneté
diplôme
Ancienneté
service
Durée
(min)
AS n°1 Durand Justine 27 F 2 ans 7 ans 27
AS n°2 Meignan Valérie 41 F 2 ans 1/2 1 an 34
AS n°3 Murie Solenn 40 F 10 ans 5 ans 1/2 37
AS n°4 Berthou Alice 22 F 1 an 1/2 1 an 1/2 29
Infirmière DE Chauvel Marion 36 F 14 ans 8 ans 25
Kinésithérapeute Simmons Franck 40 M 16 ans 12 ans 27
Médecin Orin Marie 31 F 2 ans 1/2 1 an 1/2 35
Assistante sociale Rivet Elise 27 F 2 ans 1/2 2 ans 1/2 35
Afin de réduire les biais de communication des professionnels travaillant ensemble,
nous avons programmé les entretiens semi-directifs sur une période relativement courte de
huit jours, sollicitant deux à trois entretiens dans la même journée. Nous sommes interrogée
d’une communication possible autour de notre enquête, puisque la réalisation s’est espacée à
deux reprises de deux jours et trois jours entre ces rencontres.
3.2.2 L’entretien semi-directif comme outil méthodologique
Nous avons respecté le même protocole que pour les entretiens exploratoires, et nous
sommes présentée aux entretiens, magnétophone et bloc note en main, en garantissant aux
32
personnes interviewées l’anonymat selon les règles déontologiques rappelées par Jacqueline
Barus-Michel comme pour « assurer un minimum de protection aux gens dont vous utilisez,
par la voie de l’observation, par la voie de l’entretien, les propos »21
. Nous avons poursuivi de
nous présenter comme étudiante en Master « Gestion et économie de la santé », toujours dans
un souci de ne pas donner à voir une possible relation de pouvoir, et de favoriser le recueil des
discours libres. Nous avons été identifiée étudiante cadre par le kinésithérapeute dès notre
présentation, sa spontanéité nous a surprise, et nous n’avons pas répondu à cette remarque.
Nos entretiens se sont déroulés dans de bonnes conditions, que ce soient en termes de
locaux, et de sonorité. Nous avons bénéficié du bureau de la cadre de santé avec une table
ronde dédiée aux entretiens ou aux réunions en équipe restreinte, ou du salon des familles
avec une table ronde également qui permet le face à face en conservant une distance
personnelle. L’espace-temps accordé a été variable, et les entretiens sont relativement courts.
Pour certains d’entre eux cela s’explique par la charge de travail qu’avait les professionnels
en exercice, notamment pour deux aides-soignantes interrogées. Pour le kinésithérapeute cela
se justifie d’autant plus par son activité libérale dans l’établissement, avec un temps non
quantifié comme cotation d’acte. Cependant, ils se sont tous prêtés à être disponibles lors de
l’entretien, le médecin avait le téléphone de service, elle avait prévenu pour ne pas être
dérangée, et a éconduit rapidement deux appels lors de l’interview. L’infirmière, l’assistante
sociale, et les deux autres aides-soignantes ont posé le temps de l’entretien, en accord avec
leurs collègues ou sur du temps personnel. L’entretien avec le kinésithérapeute par sa forme,
nous a déstabilisé. Il a utilisé l’humour à plusieurs reprises, et a ri tout le long de l’interview.
Il a également cherché à nous poser des questions, auxquelles nous n’avons pas répondu en
montrant le magnétophone, et nous nous sommes retenue de ne pas rire avec lui. En revanche
le fond que ce professionnel nous a apporté, a conforté l’idée de conserver cet entretien. Son
statut, et sa spontanéité dans les réponses n’ont pas comporté de filtre au discours, signant, de
notre point de vue, sa richesse.
Nous nous sommes sentie plus à l’aise dans notre posture de chercheur, expérimentée
de deux entretiens exploratoires, et au fur à mesure des entretiens auprès des différents
professionnels de cette équipe pluridisciplinaire. Cela nous a également permis de préciser, et
d’adapter le guide d’entretien thématisé.
21
Cours de Jacqueline Barus-Michel, p.8, dans la corpus de texte « Méthodologies de la recherche »
33
3.2.3 Le guide d’entretien
Nous avons choisi d’établir une approche progressive du sujet visant à faciliter la
relation (cf. annexes II et III). Nous avons défini cinq thèmes regroupant différentes
questions, et avons suivi ce plan au cours des entretiens. Cela nous a permis de recentrer les
personnes interviewées lorsqu’elles sortaient du champ de la recherche, comme Mme Murie
Solenn qui parle des places parking, ou encore Mme Orin Marie qui développe la durée
moyenne de séjour après une relance de notre part que nous n’avons pas pu énoncer jusqu’au
bout et visant à préciser la durée des staffs pluridisciplinaires. Nous avons adapté le guide
d’entretien exploratoire destiné aux aides-soignants, aux autres professionnels, et reformuler
certaines questions. Nous avons noté des exemples de questions de relance à l’intérieur des
thèmes sur lesquelles nous nous sommes raccrochée lors de certains entretiens où le discours
était timide.
Thème 1 (Q1) : Présentation de la personne
Il a pour objectif la mise en relation, nous nous sommes présentée, ils se présentent à
leur tour, et parlent d’eux et de leur parcours professionnel. Nous amenons aussi par notre
intérêt un environnement propice à la spontanéité des réponses. Outre le fait de favoriser un
climat de confiance, nous suivons l’hypothèse que les expériences variées peuvent apporter
des représentations différentes du métier d’aide-soignant, des usages du staff pluridisciplinaire
et de la collaboration entre les professionnels.
Thème 2 : Présentation de la structure et du service (Q2 à Q4)
Cette thématique vise à identifier la structure et le service dans lesquels les
professionnels exercent, situer ainsi l’environnement de travail. Nous nous intéressons
particulièrement à l’organisation du travail dans le service de SSR et à la composition de
l’équipe pluridisciplinaire. Nous avons pris en note les items attendus pour permettre une
comparaison des réponses, et avons formulé des relances. Nous remarquons que les
professionnels sont peu à l’aise avec la question de la présentation de la structure ou de
l’établissement, en effet les professionnels se centrent plus sur leur quotidien dans le service.
Nous interrogeons également la composition de l’équipe pluridisciplinaire. Cela nous permet
pour certains entretiens d’approcher le vif du sujet, c’est-à-dire de voir où se situe le sujet par
rapport à l’institution et comment il présente les professionnels avec lesquels il travaille. Pour
d’autres, cela ouvre à conduire cet espace-temps de parole libre.
34
Thème 3 : Identité professionnelle de l’aide-soignant (Q5 à Q7)
Dans ce thème, nous abordons la définition du travail d’aide-soignant tant par les
aides-soignants eux-mêmes que par les professionnels qui travaillent avec eux. Nous
demandons également aux différents professionnels des précisions sur le rôle qu’occupe
l’aide-soignant en SSR. Nous cherchons ici à approcher la spécificité de l’exercice en SSR.
De plus, nous introduisons de manière progressive la collaboration pluridisciplinaire entre
l’aide-soignant et les autres professionnels.
Thème 4 : Le staff pluridisciplinaire (Q8 à Q9)
Nous cherchons à comprendre comment est organisé le staff dans ce service, et quels
sont les usages de participation des professionnels. L’objectif est de connaitre les modalités
qui composent cette réunion de concertation dans ce service, et d’identifier l’existence, ou
non, de protocole dans l’organisation.
Thème 5 : La participation de l’aide-soignant au staff pluridisciplinaire (Q10 à Q13)
Nous posons, d’abord, une question large sur la place des aides-soignants au staff,
selon le point de vue de la personne interviewée, pour permettre un discours libre. Puis, nous
venons préciser des questions à la recherche d’éléments qui facilitent ou freinent la prise de
parole de l’aide-soignant. Enfin, nous interrogeons des effets des prises de parole de ce
professionnel au staff pluridisciplinaire dans les prises en charge de patients afin de
comprendre les fonctions de sa participation à cette réunion. Nous remarquons que cette
redondance permet aux interviewés d’affiner leurs réponses. Nous recherchons les modalités
d’interaction de l’aide-soignant avec les autres catégories de professionnels, nous constatons
ainsi que cela les amènent à préciser leur pensée.
Nous terminons l’entretien par une question ouverte, laissant possible l’émergence
d’une thématique à laquelle nous n’avons pas pensé, mais aussi pour sécuriser l’interviewé
dans un espace de parole, et ainsi qu’il se recentre sur lui, notamment pour les professionnels
de l’équipe pluridisciplinaire autres que l’aide-soignant. Cependant, nous observons un effet
de halo des questions précédentes, en effet les professionnels restent centrés sur le staff pour
la plupart, et les autres sur les modalités des échanges.
35
Les thèmes visent à orienter l’analyse qualitative en croisant les données des différents
professionnels interviewés que nous proposons d’étayer. Nous dégageons alors, des thèmes
approchés lors des entretiens définitifs, cinq axes d’analyse : le travail de l’aide-soignant avec
ses composantes, la collaboration de ce dernier avec l’équipe pluridisciplinaire, les conditions
en faveur de sa participation au staff pluridisciplinaire et a contrario les freins à celle-ci, et
enfin les fonctions de la parole de l’aide-soignant à cette réunion d’échanges.
36
4 LE TRAVAIL DE L’AIDE-SOIGNANT
4.1 L’aide-soignant comme référent de proximité du patient
La définition de l’aide-soignant apportée par la réglementation et la formation
professionnelle se trouve confirmée sur le terrain approché. Les aides-soignantes interviewées
mettent en avant la proximité avec le patient pendant son hospitalisation. Cette position est
appuyée par les autres professionnels qui en reconnaissent l’importance. En effet, l’aide-
soignant est la personne la plus présente auprès du patient, son rôle d’accompagnement dans
les actes de la vie quotidienne en fait un agent de développement indispensable pour le patient
hospitalisé en SSR. Alice, aide-soignante, nous dit « on est celle qu’il voit tous les matins», ce
que Marion, l’infirmière appuie en parlant des aides-soignantes par « ce sont elles qui le
voient le plus ». De cette proximité s’établit une relation à part entière, qui fait, de l’aide-
soignante, la référente du patient. En effet Franck, le kinésithérapeute, l’identifie comme « la
première personne qui est appelée de suite par le patient, c’est le lien indispensable que les
gens ont avec la clinique en tous cas », il rajoute que les aides-soignantes « ont un rôle de
présence et de communication ». Le médecin interviewé, Marie, va dans ce même sens et
parle de « contact premier avec les patients », leur mission d’accompagnement, dans les
gestes de la vie quotidienne telle que les soins d’hygiène, aboutit à une relation de confiance
selon elle : « les patients se confient plus facilement à elles parce qu’elles ont une proximité
importante du fait qu’elles participent aux soins d’hygiène ». Cette place de confident
positionne même l’aide-soignante dans l’entourage proche du patient pour Marie, qui nous dit
que « après la famille pour moi c’est elle qui va être le deuxième interlocuteur ». Ainsi, il est
décrit une relation de transfert entre le patient et l’aide-soignante qui lui « apparait, en
revanche, comme une personne plus abordable » (Franck, Bruel, Azémard, 2015, p.20) que le
médecin, de plus le patient « aura tendance à se confier davantage » (ibid.) à celle-ci. Les
aides se défendent de cette mission presqu’affective, telle que nous signale Solenn : « je pense
qu’on est là pour les écouter, pour leur donner le sourire aussi des fois, parce qu’ils sont
tristes » et rajoute « que le fait qu’ils nous voient tous les jours leur fait un repère aussi ». Si
la dimension relationnelle est très présente, elle est secondée par la connaissance qu’a ce
professionnel du patient. Elle se situe au plus près du patient dans un espace-temps
considérable au regard des autres professionnels. Les accès aux soins intimes de la vie
quotidienne, aux habitudes, et aux confidences de la personne hospitalisée font de l’aide-
soignant un acteur de la prise en charge ayant une multitude d’informations significatives.
37
Marion, l’infirmière interviewée admet qu’ « elles apportent énormément sur l’autonomie des
patients et sur le comportement aussi. Et puis les à-côtés aussi, parce que les gens ne sont pas
sans discuter donc c’est vrai qu’on apprend des petites choses plus facilement avec les AS22
,
c’est vrai que quelques fois elles ont plus de choses à dire que nous ». En ce sens, le médecin
explicite que « c’est très important aussi de faire attention à ce qu’elles nous font
remarquer ». Cette relation de proximité se crée notamment lors des soins tels que la toilette,
alors cette image de « sale boulot » (Arborio, 2001, p.105) décrite dans la littérature se voit
attribuée un réel bénéfice dans ce lien patient et aide-soignant. D’ailleurs, le médecin met en
avant la charge importante de travail : « c’est un lourd travail » et le kinésithérapeute expose
que « je pense qu’ils ne sont pas assez valorisés, au niveau pécuniaire déjà, je trouve cela
lamentable, c’est un métier qui est à la base de l’hospitalisation, c’est eux qui assurent tout,
ils assurent le lien avec le patient ». Si tous reconnaissent ce privilège relationnel de par cette
présence auprès de la personne soignée, nous avons perçus que les actes de la vie quotidienne
ont une autre fonction que cette relation décrite.
4.2 L’aide-soignant comme rééducateur et éducateur en SSR
Alors que les tâches effectuées par l’aide-soignant peuvent apparaître comme du « sale
boulot » (ibid.), la dimension de réadaptation en SSR valorise ce travail. Les aides-soignantes
décrivent leur exercice avec humilité et prise de conscience des bénéfices dans la prise en
charge du patient. Justine, aide-soignante témoigne qu’elle « est là pour le bien être des
personnes », elle estime « les aider à devenir ou redevenir autonomes », ces propos se
trouvent confirmer par ses autres collègues interviewées. Solenn appuie cette dimension
spécifique au type de service : « d’autant plus en SSR ». Investies dans leur rôle d’aides-
soignantes, Solenn nous rapporte qu’elles participent à « diagnostiquer les besoins » et ainsi à
« bien définir les besoins des patients, les accompagner dans la reprise de l’autonomie ».
Dans le service de SSR où s’est déroulée notre enquête, les aides-soignantes élaborent un test
de marche protocolé dans le bilan d’accueil du patient. En effet, Marie, médecin, nous
explique qu’à l’accueil du patient dans le service, ce sont elles qui « commencent
l’interrogatoire, qui font les tests un petit peu d’autonomie, qui posent les questions sur les
habitudes de vie, elles font un test de marche, elles évaluent le risque de chute…avant de
laisser la place à l’infirmière ou à moi ». De plus, elles interviennent tous les jours auprès des
patients dans les AVQ, et participent ainsi à leur réadaptation. Franck, kinésithérapeute
22
AS : abréviation d’aide-soignante, utilisé dans le langage courant en service de soins.
38
reconnait qu’elles « ont un rôle dans la rééducation fonctionnelle du patient », et poursuit par
« c’est ce travail fonctionnel qui est super important, parce que le patient, il ne ferait que du
travail en kiné23
, ce ne serait pas suffisant, donc le fait qu’il soit boosté pour se bouger et être
autonome sur tous ses actes de la vie quotidienne ». Les répétitions des gestes et des
encouragements sont mis en avant dans ce rôle qu’à l’aide-soignant d’accompagner les
patients vers la reprise d’autonomie. Elles s’appliquent à « les pousser à faire ce qu’ils savent
faire en fait pour vraiment qu’ils récupèrent le plus possible » nous dit Alice. Valérie parle de
« stimuler le patient en fonction de ses possibilités en vue d’un retour à domicile, et maintenir
l’’autonomie, ne pas faire à sa place, le nursing ». L’exercice de l’aide-soignant a donc une
dimension rééducative, voire même éducative quand les professionnels de l’équipe
pluridisciplinaire nous expliquent que l’aide-soignante guide le patient en sécurité pour lui ou
les autres. De même, Elise, une des assistantes sociales de l’unité affirme qu’il y « une partie
éducative du travail soignant qui est plus vraie que dans d’autres services » en parlant du rôle
des aides-soignantes en SSR. Le rôle de l’aide-soignant prend désormais un nouveau sens,
celui d’accompagner le patient pendant son hospitalisation à une ré-autonomisation dans les
actes de la vie quotidienne. Ce travail appuie alors celui des autres professionnels en SSR.
4.3 L’aide-soignant comme agent indispensable au travail des professionnels
La prise en charge globale du patient est mise en avant en SSR, ainsi la
pluridisciplinarité sert cette globalité dans la couverture des différents champs d’actions.
L’aide-soignant travaille sous la délégation de l’infirmière, qui elle-même assiste le médecin
par les soins techniques et l’application des prescriptions médicales adaptées au patient. Les
rééducateurs interviennent auprès du patient sur prescription médicale et selon une
programmation nécessaire à une coordination de tous les professionnels. Ainsi, l’aide-
soignante, qui a pour rôle d’accompagner le patient dans les AVQ, tient compte des différents
paramètres. Elle constitue une aide indispensable à l’organisation du travail autour du patient.
L’infirmière interviewée, Marion dit « elles nous aident dans notre quotidien », notamment
lorsqu’ « elles nous les installent bien sur le lit pour qu’on puisse faire le pansement, pour les
perfusions, elles nous appellent » ou encore « pour surveiller l’état cutané aussi, quand il y a
besoin, elles nous alertent aussi pour qu’on vienne voir ». La charge de travail infirmier
faisant, Marion admet « c’est vrai que si elles n’étaient pas là ce serait un plus compliqué ».
Une aide-soignante a d’ailleurs mis ce point en avant quand nous l’avons interviewée sur sa
23
Kiné : diminutif de kinésithérapeute, ou de kinésithérapie dans le langage courant
39
représentation de son rôle : « notre rôle, aider les infirmières aussi quand même » (Justine).
Le fonctionnement du service est possible dans la gestion des temps de travail de chacun, afin
de répondre aux besoins des patients. En cela, Marion observe « elles savent à peu près à
quelle heure les gens sont pris en kiné, donc elles essaient qu’ils soient prêts assez tôt, que les
bas soient mis ». L’aide-soignante a un rôle d’observation et de transmission, leur présence
importante en termes de temps auprès du patient permet de « faire le relai au niveau de
l’information » si un patient ne se sent pas bien comme l’explique Franck, le kinésithérapeute,
à quoi s’ajoutent les propos de Marie, médecin qui expose qu’elles « nous alertent quand elles
voient que le patient ne va pas bien ». Anne Marie Arborio24
s’est attachée à étudier la
catégorie professionnelle des aides-soignantes. Elle a notamment défini le « savoir profane »
comme une nature à connaître les pratiques des soins corporels, qui peut être ainsi la
compétence de la famille du patient aussi bien que de l’aide-soignant. Ici ce « savoir profane »
(id. p.137) est différentié du savoir professionnel. En effet, si la formation d’aide-soignant
accompagne les futurs soignants dans des compétences techniques à réaliser les soins
d’hygiène selon des règles de bonnes pratiques, elle enseigne aussi le raisonnement clinique
permettant au professionnel d’observer, d’analyser, et de relayer l’information nécessaire à la
prise en charge du patient. Ces éléments lui permettent de pouvoir collaborer avec les
différentes professions, pour travailler ensemble atour de la prise en charge de la personne
soignée.
24
Anne-Marie Arborio, maître de conférences en sociologie à l’université d’Aix-Marseille et chercheur au
Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail (LEST)
40
5 L’AIDE-SOIGNANT ET LA COLLABORATION
5.1 Le couloir et la salle de soins, lieux incontournables de la collaboration
En souhaitant approcher la dimension de la collaboration pluridisciplinaire en SSR, en
particulier dans un temps et un lieu commun qu’est le staff pluridisciplinaire, il nous est
apparu que les échanges entre les professionnels avaient également lieu dans la salle de soins
et dans le couloir du service. Valérie, aide-soignante, nous raconte qu’elle n’attend pas le staff
mais indique : « on transmet en direct nos informations à l’infirmière ». Elle dit aussi qu’en
ce qui concerne les informations qui pourraient relever d’un besoin de prescription médicale :
« on va en parler aux transmissions, on ne va pas attendre le staff parce que c’est une fois par
semaine ». Sa collègue Solenn expose : « quand j’ai besoin de quelque chose je vais d’abord
voir l’infirmière, après je la laisse gérer avec le médecin ». Pour le médecin, Marie, elle
admet que pour les aides-soignantes « leur interlocuteur privilégié reste l’infirmière mais
c’est vrai qu’on reste assez abordable, on est tous en salle de soins donc ça peut arriver
qu’on discute directement, enfin on revoit certaines choses avec elles ». Si la relation
infirmière et aide-soignante est connue, celle avec le médecin facilitée par la localisation, qui
facilite les échanges de ce dernier en salle de soins, est moins commune. Néanmoins, les
aides-soignantes reconnaissent que « c’est plus souvent à l’infirmière qu’au médecin
directement » (Justine). De plus, le kinésithérapeute renforce cette proximité de relation
interprofessionnelle, se déroulant pour lui le plus souvent dans le couloir. Il a pu nous
exprimer que « l’échange se fait des deux côtés…s’ils veulent une information avec moi, ils
me trouvent de suite et inversement », ce à quoi Valérie, aide-soignante, précise qu’avec le
kinésithérapeute « on échange aussi sur la matinée parce qu’on se voit dans les couloirs, d’un
patient à l’autre ». Nous voyons ici, comme dans tout service de soin, une division du travail,
cependant la prise en charge d’une personne en réadaptation nécessite une interdisciplinarité
importante. En cela, les partages d’informations au fur et à mesure sont utiles à l’atteinte des
objectifs de prise en charge, et favorise la coordination des compétences. Ils répondent aux
recommandations de la HAS, même si les modalités « salle de soins » et « couloir » ne sont
pas notifiées dans ce texte. Ils constituent un échange fondamental pour la coordination au
sens de l’organisation du travail. Cette dernière conduit à la collaboration pluridisciplinaire,
nous proposons de situer l’aide-soignant dans cette approche.
41
5.2 Quand la subordination devient collaboration
Si le terme de subordination peut apparaitre avec une connotation négative, il définit
cependant la position de l’aide-soignant dans l’équipe pluridisciplinaire. En effet, il est le
professionnel le moins qualifié de l’équipe. En revanche, comme nous avons pu le voir, il est
un acteur indispensable dans la prise en charge du patient. Ainsi, ici, son rôle de travail sous
délégation de l’infirmière le met aussi au service des autres professionnels qui composent
l’équipe, mais dans une dimension de travail collectif qui définit la collaboration
pluridisciplinaire. Les quatre aides-soignantes interviewées mettent en avant le « travail en
binôme avec l’infirmière », dont Alice qui rajoute : « c’est pour ça qu’on est une super équipe
parce qu’il y a beaucoup d’entraide, comme la charge de travail est assez lourde ». En
parallèle, Marion l’infirmière affirme que « c’est plus facile de travailler à deux ».Avec les
autres membres de l’équipe pluridisciplinaire, Alice nous indique être « beaucoup en relation
avec le kiné, tout ce qui est horaire pour faire la toilette », ce que confirme Justine par : « les
kinés, on fait souvent appel à eux pour savoir où ils en sont dans la rééducation, pour savoir
comment nous on met en place les matériels, les matériaux qu’ils nous proposent ». Valérie se
réfère également à ce rééducateur et lui demande des conseils sur les aides techniques à
utiliser pour le patient. Pour Franck, le kinésithérapeute, il qualifie ce travail de « tous
ensemble », et l’explique : « si je trouve que les moyens qu’elles utilisent ne sont pas adaptés
donc on va revoir les choses…si je vois que les gens ne sont pas bien, je vais leur demander,
c’est un travail d’équipe ». Nous voyons ici une identité collective de travail, cela suppose,
pour Renaud Sainsaulieu25
, une constitution préalable de relations interpersonnelles dans
l’activité et « si il y a des identités collectives, c’est que les individus ont en commun une
même logique d’acteur dans les postions sociales qu’ils occupent » (Sainsaulieu, 1977,
p.303). Pour l’assistante sociale interviewée, Elise, cette identité collective l’amène à englober
les aides-soignantes et les infirmières sous le terme de « soignants » à plusieurs reprises, elles
les distinguent des autres professionnels. Toutes les personnes approchées par notre recherche
utilisent l’expression « équipe pluridisciplinaire », et Marie, le médecin ajoute « on a pas mal
de professionnels, on a cette chance » quand elle présente cette équipe. Dans ce partage
collaboratif, l’aide-soignant devient un acteur qui se développe dans cette identité de travail
en réadaptation et qui le différencie des individus qui exercent dans un autre secteur. Nous
25
Renaud Sainsaulieu, sociologue d'entreprise, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, directeur de
recherches au CNRS, fondateur du Laboratoire de sociologie du changement des institutions.
42
avons pu percevoir que cette « logique d’acteur » (ibid.) pouvait même prendre une dimension
qui nous a surpris.
5.3 Quand le « personnel invisible » est à l’initiative des prescriptions
La collaboration de l’aide-soignant avec l’équipe pluridisciplinaire amène parfois ce
professionnel à prendre des initiatives sous couvert de cette collaboration. L’intention
d’efficience dans la prise en charge du patient n’est pas à discuter, cependant les aides-
soignantes nous racontent qu’elles appellent les rééducateurs tels que l’ergothérapeute, le
diététicien sans attendre la prescription ou la décision médicale. Valérie, une aide-soignante
nous confie : « avec l’ergothérapeute, on la contacte en cas de besoin, ça nous est arrivé si on
voit une position vicieuse pour la personne au lit ou au fauteuil », et elle rajoute « elle
souhaite une prescription du médecin mais ça ne l’empêche pas de venir quand même
échanger avec nous avant d’avoir la prescription ». Elle décrit également que « avec les
diététiciens, eux ils attendent les prescriptions du médecin, donc si on voit que le médecin n’a
pas forcément prescrit et que nous on voit qu’il y a un besoin, on va en parler pendant les
transmissions […] la prescription va être faite et puis donc le diététicien va passer voir le
patient et il revient toujours vers nous en tant qu’aide-soignante pour nous dire ce qu’il a mis
en place ». Marion, l’infirmière confirme ces propos par « ce sont elles qui gèrent les régimes
avec les diététiciens et ce sont elles qui sont plus en relation avec lui », et Marie, le médecin
spécifie « si il y a une demande d’ergothérapie, soit par l’aide-soignante qui en a besoin par
exemple pour une commande de matériel particulier ou pour un bilan d’autonomie parce
qu’elle trouve que c’est un patient qui est très dépendant et que ce n’était pas connu
habituellement en fait, quand on discute avec la famille, du coup, il y a un intervenant
supplémentaire donc elle participe aussi à la ré-autonomisation sur les conseils de
l’ergothérapeute», même si elle indique que « en général, c’est plutôt nous demandons une
prise en charge, enfin quand je dis, nous, les médecins, qui demandons une prise en charge de
l’ergothérapeute si on sent qu’il y a besoin de façon associée ça peut être à la demande de
l’aide-soignante aussi, voilà ». Cette facette du rôle aide-soignant apparait dans ce service
comme établie. La pluridisciplinarité devient alors inter professionnalité cependant « c’est là
que réside la difficulté majeure de l’inter professionnalité : s’approprier le moyen d’un autre
métier, tout en gardant son objectif propre, son scopos. Sinon il existe un risque de confusion
identitaire voire de glissement de tâche.» (Blanc, 2009, p.21). Le fait de travailler ensemble
produit alors des habitudes qui sont secondaires à cette identité collective. Dans les relations
43
sociales au travail, les acteurs produisent des stratégies influencées par les échanges humains,
ainsi « dans les modèles de relations interpersonnelles au travail ; l’analyse semble montrer
que s’y développent constamment des phénomènes d’identification projective ou imitative, en
fonction des moyens que l’on a de prendre de la distance avec les chefs, ou de collaborer avec
ses collègues » (Sainsaulieu, op. cit, p.304). Alors, si l’aide-soignant dans son champ de
compétences n’a pas de rôle propre dans les textes qui régissent ce métier, nous considérons
ici un glissement de tâches. Nous concevons l’intérêt dans la prise en charge du patient avec
cet objectif commun de l’équipe pluridisciplinaire qui est d’optimiser la réadaptation comme
nous confie Justine : « quand on fait appel aux ergothérapeutes, tout ça c’est vraiment pour
que les patients soient bien au final quelque part pour qu’ils aient tous les moyens possibles
pour être le plus autonome possible ». Mais nous nous interrogeons sur les raisons de ces
stratégies d’adaptation qui conduisent ce professionnel à être à l’initiative de ces actions.
Nous reconnaissons que cette découverte signe une intégration de l’aide-soignant comme un
acteur essentiel dans l’équipe, il apparait donc indispensable qu’il participe à la concertation
avec tous les professionnels pour le projet personnalisé de soins du patient. Cette concertation
hebdomadaire nommée : staff pluridisciplinaire se réalise selon une organisation définie, nous
avons identifié dans celle-ci comment la participation de l’aide-soignante pouvait être
conditionnée.
44
6 LES CONDITIONS EN FAVEUR DE LA PARTICIPATION
6.1 Une identité collective au service de la parole
Si le rôle de l’aide-soignant est décrit par l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire
dans son exercice au quotidien, nous avons cherché à comprendre comment ce professionnel
participait au staff pluridisciplinaire, et comment il interagissait avec les autres professionnels.
Dans ce service de SRR, il y un staff hebdomadaire par secteur de prise en charge. Il regroupe
le médecin de secteur qui anime ce staff, le cadre de santé, le kinésithérapeute, l’assistante
sociale, l’ergothérapeute, puis deux infirmières et deux aides-soignantes. Il peut y avoir, selon
le secteur ou le besoin, la psychologue et le diététicien. Les personnes interviewées
s’accordent à dire « tout le monde est là » afin d’obtenir, comme nous énonce Elise
l’assistante sociale « l’éclairage de tous les professionnels, ce qui est plutôt intéressant ». De
plus, que ce soit du côté des aides-soignantes ou du côté des acteurs pluridisciplinaires, la
« parole libre » est mise en avant. Marie, le médecin affirme que « globalement tout le monde
à son mot à dire », quant à Franck, le kinésithérapeute, il annonce que « chacun s’exprime, le
tour de table est fait » et en parlant de la place de l’aide-soignant au staff, il ajoute que « il est
au même rang que tout le monde ». Les aides-soignantes ont également ce ressenti, Justine
admet que l’ensemble des participants « échange sur chaque patient avec tout le monde » en
précisant de son point de vue d’aide-soignante : « je ne trouve pas qu’on soit mise à l’écart en
staff ». Valérie, sa collègue, explique cette participation par : « on a la chance d’avoir des
médecins qui mettent à l’aise ». Pour l’infirmière interviewée, Marion, elle argumente cela
par : « je pense qu’on est une équipe qui se connait bien », et poursuit en disant que les aides-
soignantes « sont libres aussi et elles n’ont pas peur non plus de s’exprimer ». Marie, le
médecin va également dans ce sens en racontant que « globalement dans le service de SSR
elles prennent assez facilement la parole parce que, on est plutôt assez ouvert, enfin ça reste
quand même une équipe assez jeune et je pense que ça aussi c’est aidant, parce qu’on a les
mêmes âges donc ça facilite les échanges très certainement ». Si nous percevons de nouveau
l’importance d’une « identité collective » de travail (id. p.303) telle que Renaud Sainsaulieu
l’a décrite, la participation découle à la fois de cette appartenance comme une dynamique de
groupe. Ainsi, Roger Mucchielli a étudié les phénomènes de participation aux réunions, et a
explicité le « degré de maturité du groupe » (Mucchielli, 1967, p.24). Ainsi, « le groupe se
constitue et mûrit au cours d’un lent travail interne » (ibid.) selon plusieurs étapes de
« développement affectif du groupe » (ibid.) qui se succèdent afin d’accroitre la participation
45
en son sein. Nous pouvons identifier, ici, les deux premières étapes avec la connaissance
cependant non exhaustive de cette équipe, comme « l’établissement de la sécurité dans la
situation globale et dans l’être-en-groupe » (ibid.), et « l’établissement de la confiance
interpersonnelle » (id. p.25). Cette équipe pluridisciplinaire collabore au quotidien, ce qui
garantit une sécurité, un être-ensemble, et une confiance des uns dans les autres. Les réunions
de staff sont hebdomadaires, avec un vécu du passé des réunions précédentes, une
connaissance des acteurs entre eux, tout cela peut conduire la participation à se développer.
6.2 La distribution de la parole comme vecteur de participation
Une des conditions présentée comme facilitante à la prise de parole est soumise à
l’organisation même de ce staff. Dans cet espace-temps, la conduite de la réunion apparait
ritualisée, Justine nous raconte que « c’est le médecin qui gère la réunion », Alice confirme
que « c’est le médecin en fait qui dirige le staff », la parole est ensuite distribuée. Cette
deuxième aide-soignante poursuit en nous exposant que le médecin va présenter « ses données
au niveau du patient, voir quel est le projet après l’hospitalisation en USSR26
[…] donc de là,
il y a toute l’équipe pluridisciplinaire qui va donner ses informations ». Nous remarquons que
l’ordre d’intervention varie de la perception de chaque professionnel, ainsi Valérie, sa
collègue décrit « d’abord le médecin qui reprend la liste des patients, et puis ensuite la cadre,
l’assistante sociale et puis ensuite l’infirmière, enfin si le médecin a besoin de poser des
questions à l’infirmière, ou à nous aides-soignantes ». Tandis que Solenn perçoit que « c’est
plus l’infirmière qui présente la pathologie du patient et après le cadre qui va parler du
devenir, et du coup après si on a quelque chose à dire on le dit ». L’infirmière, le
kinésithérapeute et l’assistante sociale rejoignent l’aide-soignante Alice dans l’ouverture par
le médecin aux échanges de chacun. Franck précise d’ailleurs « c’est spontané, alors peut-être
qu’ils ont une hiérarchie, moi je ne me rends pas compte […] celui qui a vraiment quelque
chose d’important à dire, il va dire en premier ». Pour ce qui est de sa propre participation il
dit : « moi je m’impose, je n’attends pas qu’on me demande le droit de parler ». En parallèle,
Marie, le médecin raconte comment elle anime cette réunion et comment elle oriente les
interactions : « une fois que j’ai présentée, que j’ai amorcée un petit peu la problématique je
m’adresse directement à l’intervenant par exemple si j’ai besoin d’un éclairage du kiné ou
d’un éclairage de l’assistante sociale, à ce moment-là je m’adresse directement à eux qui
peuvent ensuite solliciter directement quelqu’un d’autre ». En effet, les différents
26
USSR : unité de soins de suite et réadaptation
46
professionnels invitent l’aide-soignante à l’échange, Valérie nous indique alors que « le
médecin va nous poser des questions », et Elise, l’assistante sociale affirme : « je pense qu’il
faut continuer, tout professionnel, à les solliciter, et puis, qu’elles aient aussi, je ne sais pas,
confiance dans l’intérêt qu’on leur porte ». La sollicitation, défendue comme « un travail qui
s’amorce mais qui doit continuer » (Elise), invite à la spontanéité ultérieure de la participation
des aides-soignants. Justine ajoute, après avoir décrit ces sollicitations, que « le fait qu’ils
nous posent la question de temps en temps ça aide », puis elle admet que « ça peut être
spontanée, il nous laisse la parole quand même ». De même, Valérie nous dit que « les aides-
soignantes participent, si elles ressentent le besoin […] on n’hésite pas intervenir ». Alors, la
participation dépend de l’animateur par « sa compétence dans la conduite de réunion qui
donnera vie au groupe et efficacité dans son travail » (id. p.29). Il faut réunir plusieurs
conditions de fonctionnement pour Roger Mucchielli dans « la conduite des réunions de
concertations », dont « le lieu (tranquillité, confort), de dispositif spatial (table ronde, ovale ou
« sociométrique »), liberté d’expression des opinions (levée des barrières et inhibitions),
égalité de droit à donner son avis (égalité garantie par l’autorité de l’animateur) » (id. p.94).
La parole de l’aide-soignant se situe là, dans son rôle et sa connaissance du patient.
L’animateur a pour responsabilité de conduire au mieux cet espace-temps. Aussi, le cadre de
santé nous a été présenté comme co-animateur.
6.3 Quand le cadre de santé guide les interactions
Si le médecin apparait « dirigé » le staff dans différents témoignages, la cadre de santé
est identifiée comme la personne qui seconde l’animation. En effet, Justine trouve que « la
cadre souvent nous demande quand elle nous entend pas », appuyée d’Alice qui exprime : « il
y a quand même une prise de parole en fait de chacun, après la cadre est souvent amenée à
poser des questions ». Solenn développe cette idée en précisant que « la cadre nous demande
ce qu’on en pense, je pense qu’elle a aussi un rôle d’interaction ». Nous voyons ici un rôle de
production d’interactions, qui « représentent la nourriture du groupe » (id. p.27). Roger
Mucchielli explicite l’interaction comme un échange, mais aussi comme « l’unité de mesure
de la participation » (id. p.26). En ce sens, pour cet auteur « un animateur efficient stimulent
les interactions et donc la participation du groupe » (ibid). De même, Marie, le médecin
confirme le rôle du cadre de santé au sein du staff en nous témoignant que « la cadre
coordonne tout ça, elle peut aussi poser des questions, elle dit des éclairages pour synthétiser
en une ou deux phrases sur la problématique à régler, les objectifs, puis nos prévisions de
47
sorties ». Les aides-soignantes se retrouvent ainsi à la fois sollicitées par les acteurs de la prise
en charge du patient, et par les animateurs que sont le médecin et le cadre de santé. Ces
conditions apparaissent favorables à la participation de l’aide-soignant, nous avons pu
cependant recueillir des propos, de différentes personnes interviewées, présentés comme des
freins ou des gènes.
48
7 LES FREINS A LA PARTICIPATION
7.1 Quand l’animateur occupe la parole
Le staff pluridisciplinaire est animé par le médecin, comme Marie qui nous décrit son
déroulement en nous disant : « je refais un petit point sur le patient pour chaque intervenant,
après ça va très vite parce qu’on le connait tous, donc voilà, je dis le nom, je replante
rapidement le décor, c’est-à-dire on reprécise la problématique d’entrée et on refait un petit
point en règle générale sur l’avancée en kinésithérapie ». Dans les différents entretiens, nous
avons percevoir que le médecin avait une connaissance globale du patient et qu’il ne
présentait pas que la pathologie pour laquelle la personne était hospitalisée. Ainsi, l’assistante
sociale, Elise explique que l’aide-soignante « a une place primordiale mais, alors les
médecins ici connaissent en général très bien les situations et du coup on donne déjà un
étayage sur où on en est, je trouve qu’elles sont parfois en retrait» et ajoute que « le médecin
décline beaucoup de choses tant sur l’aspect médical mais aussi sur l’aspect de l’autonomie,
je pense que c’est un juste milieu à trouver voilà sur la prise de parole de chacun ». L’aide-
soignante ne peut pas, dans cet espace, s’exprimer car les éléments qu’elle est en capacité
d’apporter ont déjà été énoncés par cet animateur. En effet Justine, une aide-soignante,
témoigne que « chacun intervient quand il veut, quand il peut, entre deux paroles », et sa
collègue Solenn nous indique : « il y a des staffs où ne parle pas, ça dépend » puis elle
raconte un exemple positif d’un médecin dans un des secteurs qui donne la parole d’abord aux
soignants lors d’une situation d’accompagnement de fin de vie d’un patient. Le fait de
monopoliser la parole peut relever d’une relation de pouvoir entre les différents participants
au staff, ici le médecin, et les aides-soignantes. Telle « une relation réciproque mais
déséquilibrée. Elle est réciproque, car qui dit négociation, dit échange. » (Crozier, Friedberg,
1977, p.68). L’échange permet d’aboutir à une définition d’objectifs communs au projet
personnalisé du patient « or, si une des parties en présence n’a plus aucune ressource à
engager dans une relation, elle n’a plus rien à échanger » (ibid.). Les auteurs Michel Crozier27
et Erhard Friedberg28
expliquent que cette relation de pouvoir peut ne pas être consciente, et
intentionnelle, cependant dans cette situation « B cesse alors d’exister en tant qu’acteur
autonome face à A, pour ne devenir qu’une chose » (ibid.). Ils décrivent les acteurs en
utilisant des lettres, nous considérons ici que A est le médecin, et B est l’aide-soignante. De
27
Michel Crozier, directeur de recherches au CNRS, ancien professeur à l’université Hacard et à l’université de
Nanterre, président du Centre de sociologie des organisations 28
Erhard Friedberg, directeur de recherches au CNRS, directeur du Centre de sociologie des organisations
49
plus, Marie nous a dit interroger le professionnel qui l’intéresse sur la problématique du
patient en nous racontant que « je m’adresse directement à l’intervenant par exemple si j’ai
besoin d’un éclairage du kiné ou d’un éclairage de l’assistante sociale, à ce moment-là je
m’adresse directement à eux qui peuvent ensuite solliciter directement quelqu’un d’autre ».
Ainsi, les autres professionnels peuvent se situer aussi dans cette relation de passivité, tel que
nous expose Franck : « il y a des staffs où on ne sert pas à grand-chose, il y a des staffs où
l’assistante sociale et le médecin sont en dialogue ». Or, la participation constitue un « facteur
essentiel de fécondité des réunions » (Mucchielli, op. cit, p.23) et comporte plusieurs
conditions, dont « le degré de richesses des échanges » (ibid.), il peut être entravé par
l’animation du médecin, et reproduire une baisse de la spontanéité dans les échanges par la
suite. Une des autres conditions, comme le nombre de participants nous a été exposée comme
un obstacle à la parole de l’aide-soignant.
7.2 Quand l’effet de nombre immobilise la parole de l’aide-soignant
Même si l’ensemble des personnes interviewée s’accorde à dire que « tout le monde
peut participer…on essaie plus ou moins de verbaliser en fonction de la situation » (Marion,
infirmière) ou encore que « chacun s’exprime, le tour de table est fait » (Franck,
kinésithérapeute), le nombre de participants peut engendrer une peur dans la prise de parole.
Justine, l’aide-soignante, nous a dit en particulier que « la prise de parole ce n’est pas
toujours très évident pour moi, mais voilà le monde, et puis se sentir un, toi tu es la petite
aide-soignante, on n’a pas besoin de ton avis ». Une de ses collègues, Valérie ne rencontre
pas cette difficulté en nous racontant : « moi je n’hésite pas à prendre la parole si j’ai besoin
[…] mais après c’est vrai qu’on est peut-être plus en retrait que le reste de l’équipe ».
Néanmoins, Marion admet que les aides-soignantes « parlent assez facilement après voilà ça
dépend des tempéraments ». De par les entretiens réalisés, notre connaissance du
fonctionnement de ce staff pluridisciplinaire situe le nombre de participants dans la tranche
idéale dans la mesure où « le groupe de 5 à 10 membres serait pour ainsi dire la cellule
sociologique de base qui serait douée des propriétés de tout groupe […] tout en ayant la
possibilité de réaliser l’unité […] et de fonctionner au niveau de la réflexion en commun de la
manière la plus rapide et efficace, s’il est bien conduit» (ibid.). En revanche, comme nous
indique Justine, sa sensation d’être seule face au groupe, et sa représentation d’infériorité
l’amène à considérer le groupe « comme un gros animal dont la puissance effraie à l’avance »
(id. p.16). Cette peur implique également une crainte de jugement de la part des autres
50
professionnels, et « plus le participant se sent d’un statut social inférieur par rapport aux
autres, plus il a des difficultés à participer » (id. p.17). Nous pouvons émettre l’hypothèse que
cela peut provoquer ainsi des comportements de défense, dont un instinct de se retrancher ou
de s’allier avec un autre professionnel. Pour l’aide-soignante, son lien avec l’infirmière peut
l’amener à ce mécanisme de protection. Nous avons recueilli les propos de Solenn, aide-
soignante qui dit : « il y a plus maintenant un temps d’échange avec le médecin et l’infirmière
pour relater tous les problèmes, et je pense que le médecin n’a pas le temps aussi de passer
beaucoup de temps avec l’aide-soignante et que c’est peut-être plus facile que nous on
retransmet à l’infirmière et qu’avec ce temps-là elle relate au médecin » en parlant des
transmissions journalières quand nous avons interrogé la collaboration pluridisciplinaire. Elle
poursuit ensuite en précisant que « par exemple en fonction du matin, si il y a eu une
situation, l’infirmière peut rapporter un fait et cela permet d’alimenter en même temps ».
Cela nous interroge. En lien avec la division du travail, nous nous posons la question de
l’existence d’un autre binôme, que le binôme infirmier et aide-soignant décrit dans notre
recherche de terrain, qui peut être le binôme médecin-infirmier. De plus, dans l'entretien avec
l’infirmière, elle utilise le « on » à quelques reprises notamment dans les éléments apportés au
staff pluridisciplinaire comme par exemple : « nous on apporte des petites choses sur le
comportement, sur comment il se débrouille aussi pour la toilette pour pouvoir mettre les
aides ». Dans ce type d’interventions de l’infirmière au staff, nous nous demandons si elle ne
reprend pas les données transmises en amont par l’aide-soignante. Nous ne pouvons
cependant pas établir une réelle analyse, mais rester à cette phase d’hypothèse, car les autres
témoignages ne nous permettent pas d’être objective. D’autre part, une limite à la parole de
l’aide-soignant est le temps.
7.3 Le temps comme limite à la concertation et à la participation
Inscrit dans une organisation de travail avec une charge dense, le staff
pluridisciplinaire offre un espace-temps restreint pour un maximum d’informations à partager.
Ainsi, ce professionnel peut être amené à faire comme Justine qui nous dit que « si on se sent
un peu pressé, cela peut-être un frein, on se dit tant pis je transmettrai à l’infirmière ».
Solenn confirme avec : « le frein peut-être encore le temps parce que des fois comme je suis
d’un naturel bavard des collègues peuvent me dire ‘ne parles pas trop pendant le staff’ il ne
faut pas tarder pour partir de la clinique ». De plus, elle décrit aussi que « Ça passe, ça va
tellement vite que du coup on…je ne sais pas trop comment expliquer, je pense que c’est un
51
peu déroutant, enfin ce n’est pas le staff comme au départ. Je pense aussi que c’est aussi par
ce que ça manque de…enfin les plannings et ça manque de temps en fait ». La parole de
l’aide-soignante se trouve alors parasitée. Ce facteur temporel est également repris par les
autres professionnels, ainsi Marion, l’infirmière précise pour ses collègues aides-soignantes :
« si elles n’ont pas eu le temps de le dire aussitôt c’est plus l’assistante sociale qui leur
posera la question ». En effet, l’assistante sociale, Elise explique que le staff pluridisciplinaire
dure « à peu près entre trois quart d’heure et une heure en fonction du nombre de lits qu’il y
a sur chaque secteur, après c’est court, mais ça permet de donner une idée, on est souvent
obligé de repasser après dans les équipes parce qu’on n’a pas eu le temps de répondre à
l’ensemble des questions ». Puis, elle exprime par la suite que pour l’équipe infirmière et aide-
soignante : « on sent que le staff c’est un moment pesant, alors est-ce que c’est parce qu’il y a
une charge de travail qui fait que voilà on n’a pas forcément le temps ». La durée du staff
pluridisciplinaire, et son organisation en général, ne font pas l’objet d’une définition
particulière dans les textes réglementaires pour le service de soins de suite et de réadaptation.
Ils sont à apprécier par les responsables de service que sont le chef médical de service et le
cadre de santé. Le temps de réunion ayant un impact sur l’activité peut donc se retrouver
restreint, et par la même la parole en son sein. La participation dépend aussi de la
connaissance que les acteurs ont des patients.
7.4 L’organisation du travail comme gène à la participation
L’aide-soignant est présenté dans la première partie de notre analyse comme le
professionnel ayant une connaissance considérable du patient. Cependant, il y a des situations
secondaires à l’organisation du travail qui l’amènent parfois à être dans une découverte de la
personne soignée. Selon les roulements des équipes sur le planning, et la localisation du staff
pluridisciplinaire dans sa prise de poste, les aides-soignantes admettent ne pas connaitre les
patients du secteur. Ainsi, Valérie souhaite nous exprimer un « petit commentaire il peut
arriver au staff, comme moi par exemple lundi dernier, je ne connaissais pas les patients
parce que j’arrivais sur le secteur et c’est moi qui était présente au staff, du coup je n’ai pas
pu bien aider, ce n’était pas évident pour moi d’avoir les informations parce que je les
connaissais du matin ». Ses propos se voient appuyés de ses deux collègues aides-soignantes
qui disent que « il y a des patients aussi, on arrive en staff, on les connait à peine parce qu’on
a changé de secteur, ça c’est compliqué aussi » (Alice), ou encore : « quand nous on les
connait pas, ce n’est pas évident pour échanger parce que là on ne peut rien dire de spécial »
52
(Justine). Concernée par cette problématique, l’infirmière Marion nous explicite également
que « ce qui n’est pas toujours facile parce que les staffs ne sont forcément faits sur des
services, par exemple sur un des secteurs, on les découvre juste le jour du staff en fait, on est
d’après-midi et on les découvre à ce moment-là. Donc c’est vrai qu’on ne peut pas
agrémenter un petit peu, déjà on n’arrive pas à mettre de visage sur les noms donc c’est un
peu compliqué ». De plus, elle rajoute un élément horaire relatif au staff « on n’arrive pas
forcément au début du staff, on arrive un quart d’heure ou une demi-heure après […] par
exemple nous on commence à 14h et il y a un des staffs qui commence à moins le quart ».
Cela implique les agents qui sont d’horaire de travail d’après-midi. Les aides-soignantes, qui
ont le même planning que les infirmières, se retrouvent aussi intéressées par ce désagrément.
Elles perdent alors la légitimité de participer au staff pluridisciplinaire, n’ayant pas de savoir
professionnel et de « savoir social » (Arborio, 2001, p. 146), que nous pouvons décrire
comme respectivement d’une part la connaissance du patient dans sa prise en charge globale,
et d’autre part la dimension relationnelle et sociale du patient. Un autre élément peut induire
une méconnaissance du patient par l’aide-soignante, en effet sa proximité avec la personne
soignée est conditionnée par les besoins de cette personne.
7.5 L’autonomie du patient comme source d’absence de participation
Tel que nous l’avons développé, l’aide-soignante connait bien le patient par sa
présence au quotidien auprès de lui. Néanmoins, dans certaines situations, le patient
hospitalisé en SSR est autonome, comme par exemple les personnes qui viennent pour une
prise en charge à type de réhabilitation respiratoire dans l’unité enquêtée. Valérie nous expose
alors que « cela dépend des staffs et cela des personnes » quand elle nous parle de sa
participation au staff pluridisciplinaire. Elle argumente ainsi : « quand ce sont des personnes
très dépendantes, forcément on va peut-être plus avoir de choses à dire parce que voilà on est
plus à leur contact, et que c’est nous qui passons le plus de temps auprès d’eux. Mais, c’est
vrai que pour les gens qui sont autonomes et qu’on ne voit pas beaucoup, et bien on les
connait du côté relationnel un petit peu, et plus quand on est d’après-midi, mais on va avoir
moins de choses à dire ». Alice confirme que « c’est vrai que des fois on peut se dire que
pour certains patients on n’a pas grand-chose à dire », et elle explique : « comme on est
surchargé de travail, donc les patients autonomes, on va à peine les voir ». Ainsi, nous
percevons que l’activité des aides-soignantes en SSR est centrée principalement sur
l’accompagnement des personnes qui ont le plus de besoins, notamment comme nous l’avons
53
décrit dans les actes de la vie quotidienne. Solenn nous indique en parlant de son activité au
fil de la journée : «Après, on passe dans chaque chambre, on leur propose s’ils ont besoin
d’eau ou autre chose, je pense que le fait de proposer de l’eau cela permet aussi de leur dire
bonjour, c’est aussi une entrée en matière pour dire qu’on est là, on a pris le relai de l’autre
équipe ». Nous pouvons supposer que le temps leur manque pour être présentes auprès des
personnes qui ne nécessitent pas de réels besoins sur le plan de l’autonomie, alors les aides-
soignantes croisent ces personnes aux moments relatifs à la prestation hôtelière tels que les
repas, le linge. Le ménage dans le service est assuré par des ASH, qui sont indépendants de
l’équipe, et qui n’ont pas le même encadrement, comme a pu nous dire le cadre de santé de
l’USSR. Or, la dimension relationnelle peut constituer un besoin en termes de présence d’un
professionnel. Marion, l’infirmière, admet aussi que « il y en a où cela va assez vite, il y en a
qui sont assez autonomes, la rééducation se passe relativement bien et on n’a pas grand-
chose à dire ». Alors, il apparait difficile d’émettre l’hypothèse que les infirmières ont plus de
connaissances de ces patients dits autonomes. Cependant les propos d’Alice nous apportent
un élément de compréhension quand elle décrit les moments passés auprès de ces personnes :
« on les voit au petit déjeuner, on leur met leurs bas de contention et on repart et ça du coup
ça peut être un frein, parce que, du coup, là on connait moins les patients que les infirmières
qui lisent tous les dossiers ». Nous nous questionnons sur le temps, ou les moyens accessibles
à l’aide-soignante pour pallier à cette méconnaissance par la consultation des dossiers, mais
nous situons cela dans une autre dimension que notre recherche actuelle. Comme nous avons
pu l’exposer, la participation de l’aide-soignant peut être facilitée, comme elle peut être aussi
freinée. En revanche, les interactions de ce professionnel avec l’ensemble de l’équipe
pluridisciplinaire au staff alimentent le débat et présentent diverses fonctions pour la suite de
la prise en charge de la personne soignée.
54
8 LES FONCTIONS DE LA PAROLE
La participation de l’aide-soignant au staff pluridisciplinaire produit des effets à la fois
pour ce professionnel et la catégorie qu’il représente, et à la fois pour les membres de l’équipe
pluridisciplinaire, mais également pour la prise en soins du patient.
8.1 La fonction cognitive pour l’aide-soignante
Tout d’abord, les échanges avec les différents professionnels au staff, comme «un
cliché sur un instant T » décrit par Solenn, sont à l’initiative d’apprentissages pour l’aide-
soignant. Elle affirme que « on apprend un peu de petite chose, comment le kiné voit le
patient, la psychologue à ce moment-là elle peut nous relater des choses que nous on ne sait
pas au niveau de la pathologie » et utilise une formulation imagée telle que « les staffs c’est
plus, en fait comme un cliché mais avec plusieurs couleurs, chaque professionnel apporte
quelque chose, une touche, et puis cela permet d’apprendre et en même temps de savoir où
l’on va aussi ». Elle est rejoint par Justine qui indique que « Cela nous permet de tout voir en
globalité » car elle précise : « on se rend peut-être moins compte quand on est aide-soignante
de tous les traitements mis en place ». Elles apprennent donc des pratiques relatées par les
autres professionnels de l’équipe pluridisciplinaire, mais aussi des thérapeutiques, et des
descriptions de pathologies que peuvent faire les médecins. Cette dimension contribue à la
professionnalisation tel un « un processus d’acquisition de savoirs et de compétences
professionnelles en situation réelle » (Wittorski, 2008, p.19) car les aides-soignantes utilisent
ensuite ses connaissances dans l’activité, telles que les transmissions d’équipe. Alors, pour
Valérie cela lui « permet de faire le point et de transmettre aux collègues les dates de sorties,
voilà les changements qu’il y a pu avoir d’importants ». Ici, nous observons une fonction
d’apprentissage avec une intention de relayer l’information à ses pairs, outre le fait de garantir
la continuité de la prise en charge, cela renvoie aussi à une dimension de pouvoir telles que
« les capacités d’action des individus ou des groupes au sein d’une organisation dépendent en
fin de compte du contrôle qu’ils peuvent exercer sur une zone d’incertitude affectant la
capacité de l’organisation d’atteindre ses objectifs à elle » (Crozier, Friedberg, 1977, p.79).
D’autre part, Solenn nous expose cependant un changement dans l’organisation du service et
raconte que « avant je trouvais que c’était mieux, parce qu’ils décrivaient la pathologie, et en
même temps là on pouvait apprendre des choses, et plus ça va, plus je trouve que ça va vite,
ça parle plus de l’avenir du patient, c’est pour projeter la sortie mais du coup on perd de
l’information ».Les demandes nombreuses d’hospitalisations en SSR auxquelles nous étions
55
aussi confrontée lors de notre exercice professionnel, et le système économique de santé
poussent à l’efficience, ainsi nous émettons l’hypothèse que le staff peut avoir la fonction
d’anticiper au plus vite les besoins. Aussi, nous proposons de l’approcher dans une des parties
suivantes. En revanche, les autres participants à cette réunion pluridisciplinaire ont peu
évoqué cette fonction cognitive pour les aides-soignantes. Néanmoins, nous formulons une
critique relative à nos interviews, la question posée était plus centrée sur les effets produits
dans la prise en charge des patients. Les aides-soignantes ne sont cependant pas les seules à
développer leurs connaissances, les autres professionnels se nourrissent également des savoirs
de ce professionnel de proximité.
8.2 La fonction découverte pour l’équipe
Comme nous avons pu percevoir dans les axes précédents de l’analyse, l’aide-soignant
a une connaissance significative du patient, de ses besoins au quotidien. Son temps de
présence auprès de la personne soignée est plus conséquent. Sa participation au staff a selon
Franck, ce « rôle très important de l’équipe de pouvoir relayer ce qui se passe dans cet
espace-temps entre le patient et l’aide-soignante pour que nous on puisse aussi avoir un
regard sur comment ça se passe réellement ». Ainsi, les aides-soignantes apportent des
éléments que les autres professionnels découvrent au staff. Comme par exemple, Alice quand
elle nous raconte que : « il y a des patients ont leur parle cinq minutes il y a des troubles
cognitifs qu’on peut ne pas forcément voir alors que dans les petits gestes, l’aide à la toilette
justement, dans tout ce qui est se brosser les cheveux, se laver les dents, cette demi-heure, là
où on est avec le patient, je pense on peut détecter des choses », ou encore que : « au niveau
aussi de l’état cutané, on fait la toilette donc forcément…les infirmières elles vont passer sur
les pansements connus, et nous les aides-soignantes c’est notre rôle aussi de voir les petites
rougeurs, de voir l’état cutané des patients, enfin il y a plein de petites choses que nous on
peut voir plus par rapport aux infirmières qui sont dans leurs soins techniques ». Le médecin
interviewé, Marie nous confirme que « quelques fois ce sont les aides-soignantes qui nous
font remarquer qu’il y a une désorientation chez certains patients qui masquent très bien », la
mise en situation dans les AVQ permet alors à ce professionnel de proximité de dépister des
troubles qui pourraient de ne pas être identifier par les autres membres de l’équipe. En effet,
le kinésithérapeute qui voit les patients en séances de rééducation démontre que « le patient
peut avoir une vision de ses potentialités et difficultés mais l’aide-soignant peut en avoir une
autre, donc l’important c’est de pouvoir croiser les différents regards ». Dans ce sens, Valérie
56
qui affirme s’exprimer facilement au staff nous confie : « des fois je pense que si on ne prend
pas la parole et que l’on n’ose pas dire les choses on ne sert pas à grand-chose », ne
permettant pas à l’équipe pluridisciplinaire d’accéder aux informations à prendre en compte
dans la prise en soins du patient comme les troubles cognitifs par exemple. Pour Marion,
l’infirmière, les aides-soignantes « ne savent pas dire forcément si la personne peut rentrer à
domicile ou pas, mais pour aider à la prise de position je pense qu’il y a des décisions qui ont
été prises, oui, en fonction de leur avis ». Nous constatons que les aides-soignantes
interviewées ont saisi cette importance, comme Solenn qui nous rapporte : « Moi, je pense que
chacun a son rôle mais bon, nous en tant qu’aides-soignantes, on est plus là pour relater ce
qu’on voit avec les patients ou ce que les patients nous confient en disant qu’ils ont peur ou
qu’ils ont des craintes pour la sortie ou qu’ils ne se voient pas sortir, mais après nous, on
n’est pas décisionnaires. Ou en termes de progrès, d’efforts, ou quand ils régressent aussi,
nous on est juste là pour constater je pense, on constate, on voit et on dit. ». En revanche,
Alice nous dit que « encore une fois on est ceux qui voient le plus comment pourrait se passer
un retour à domicile ou une Ehpad par exemple ». La parole des aides-soignantes « ne peut-
être déléguée à un autre professionnel qui n’en possède pas les compétences et ne peut
témoigner de la réalité du patient de la même manière » (Azémard, Bruel, Franck, 2015, p21).
Notre connaissance de la formation du métier d’aide-soignante, nous amène à penser qu’un
enseignement majeur durant celle-ci favorise l’identification des problématiques et leur
transmission, comme « le raisonnement clinique partagé tout au long du parcours de soins des
patients permet d’harmoniser les pratiques en vue d’améliorer la continuité des soins »
(Choucrallah, 2016, p.7). Par cette fonction de porter à la connaissance de toute l’équipe les
informations à partager, nous concevons que leurs prises en compte permettent également
d’optimiser la prise en charge de la personne soignée, et plus particulièrement dans un temps
donné.
8.3 La fonction de temporalité
Ainsi, les échanges des professionnels autour de la personne soignée servent à
coordonner la projet personnalisé de soins de cette dernière lors de l’hospitalisation, mais
également à anticiper ses besoins et à définir le projet de sortie. Ils constituent donc un gain
de temps. Nous sentons par les propos des professionnels interviewés, comme Elise,
l’assistante sociale, que la dimension temporelle conditionne « le déroulement du staff : le
médecin va reprendre la liste des patients, refaire un petit peu le point sur la raison
57
l’hospitalisation, où on en est là aujourd’hui, quel est le projet pour la suite, on essaie de
reprendre assez tôt le projet de sortie ». Elise exerce à la fois en SSR, en cardiologie et en
unité de soins palliatifs. Le staff lui permet d’accéder à un maximum d’informations
importantes pour toutes les démarches qu’elle est amenée à effectuer dans la coordination des
aides nécessaires à la sortie du patient. Elle nous explique alors que « nous on trouve cela
important en tant qu’assistantes sociales, d’avoir l’ensemble de l’équipe, parce que chacun a
son mot à dire et c’est enrichissant, ça permet de pouvoir prendre des décisions, des
orientations adéquates pour la personne ». Elle nous dit également que parfois le staff se
trouve annulé pour raisons de service et indique que « il faut trouver un temps sinon pour se
concerter, c’est vraiment un support indispensable pour nous », elle décrit qu’elle réalise un
« mini staff » avec le médecin, l’infirmière et l’aide-soignante. Elle consent que le staff a la
fonction d’un « temps dédié à l’échange, parce que de parler avec les infirmiers, les aides-
soignants, ils ont aussi leur travail ». Pour Marion, l’infirmière, en parlant des aides-
soignantes, elle confirme que « ce sont plus elles qui vont savoir comment se mobilise le
patient, quelles aides il va y avoir besoin à la maison ». De plus, cette professionnelle perçoit
« une durée de séjour à respecter et la priorité c’est un petit peu le devenir du patient, il faut
donc prendre une décision assez rapide et on en vient vite au fait du devenir ». Le staff,
notamment par la participation des différents acteurs de la prise en charge des patients
s’inscrit dans une stratégie d’adaptation telle qu’une « organisation devra nécessairement et
toujours chercher à optimiser l’ajustement entre sa structure et les exigences véhiculées par sa
technologie ou son environnement » (Crozier, Friedberg, 1977, p.157) et ainsi « atteindre le
niveau d’efficacité et de performance nécessaire à sa survie et à sa réussite » (ibid.). Nous
nous rappelons alors que Solenn nous a parlé de changement d’organisation de ce staff, moins
axé sur une présentation des pathologies des patients mais que « ça parle plus de l’avenir du
patient, c’est pour se projeter vers la sortie ». La loi HPST29
a initié cette volonté de faire
évoluer les prises en charge de plus en plus en ambulatoire, et de coordonner les
établissements de santé avec les prises en charge de ville. Cependant, si l’assistante sociale a
perçu cet enjeu de par son exercice de coordination hôpital-ville, elle émet la critique que
« parfois on apprend les choses un peu tard » en donnant l’exemple d’un patient qui porte des
protections intimes dont elle n’avait pas connaissance avant le staff précédent la sortie du
patient, et alors que les démarches d’aides à domicile avaient été entamées. Elle justifie par
« je ne sais pas si les autres corps de métier ont ce même besoin, mais nous c’est un vrai
29
Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires
58
besoin ». Nous percevons ici des temporalités différentes entre l’assistante sociale et l’équipe
infirmière et aide-soignante, tel que nous le dit Elise : « l’équipe soignante, infirmières et
aides-soignantes, est parfois vraiment sur l’hospitalisation et ne pense pas toujours à
l’après », et Alice, une aide-soignante, qui explicite que « l’infirmière et l’aide-soignante vont
être plus dans comment est le patient en ce moment, dans la vie de tous les jours parce qu’on
le voit le matin, le midi et le soir ». Néanmoins, la participation spontanée ou sollicitée de
l’aide-soignante est admise comme primordiale dans le sens où « on a moins de couac sur les
sorties » (Elise). D’autre part, Valérie, une des aides-soignantes interviewées introduit une
autre fonction de temporalité dans la participation au staff pluridisciplinaire, elle dit que cela
« permet de vérifier dès fois aussi, que ce qu’on avait dit la semaine d’avant ça a été mis en
place, parce que des fois il y a des choses qui passent à la trappe aussi ». Outre le temps qui
rythme cette prise en charge, nous percevons ici un besoin de réajuster les pratiques, qui peut
conduire à une réflexion de l’équipe concertée.
8.4 La fonction réflexive
Tous les professionnels qui participent au staff s’accordent à identifier cette dimension
de concertation, et l’importance de la prise de parole de chacun pour servir la prise en charge
de la personne soignée. Justine trouve que « cela permet de tout voir en globalité » et Solenn
expose : « je trouve que c’est bien parce que cela permet de mettre en corrélation différents
avis sur la personne qui est hospitalisée et puis de voir comment elle peut évoluer aussi vers
la sortie ». Les deux aides-soignantes déterminent ainsi cette « discussion collégiale » comme
essentielle, telle qu’elle est décrite dans les recommandations de la HAS. Cette réunion ayant
lieu « une fois par semaine » permet pour leur collègue Valérie « de bien poser les choses »,
aussi elle explique que « on avance pour le patient et du coup il y a des choses qui se mettent
en place grâce à la prise de parole ». En effet, Alice, la quatrième aide-soignante interviewée
indique « c’est plus facile pour les kinés, pour les infirmiers et pour les médecins de s’adapter
à tout ce qui doit être mis en place » en regard des éléments apportés par la parole de l’aide-
soignante. Nous percevons alors une première fonction réflexive, pour l’équipe
pluridisciplinaire comme nous le confie Marie, le médecin, cela induit un « réajustement de la
prise en charge sociale, une réadaptation des objectifs en fonction du degré d’assurance du
patient, de sa capacité à faire les choses de façon sécuritaire et sa fiabilité », puis elle ajoute
que « c’est très important aussi de faire attention à ce qu’elles nous font remarquer ». Quant
à l’assistante sociale, Elise, elle décrit un « réajustement de l’idée qu’on se fait de la
59
situation ». Nous pouvons considérer ici le service de SSR comme un système situé dans un
contexte, et un environnement qui constitue un autre système, demandant alors aux acteurs de
« pouvoir agir avec le système et non pas contre lui, donc épargner des ressources toujours
trop faibles et multiplier les résultats » (id. p.409). Les acteurs travaillent à mettre en commun
leurs ressources, en faisant preuve de réflexivité qui les appellent « à une forme d’intuition, de
création, de bricolage, à partir de la science, mais aussi de l’expérience et de l’expertise du
praticien » (Perrenoud, 2004, p.1) pour redéfinir et adapter les objectifs de la prise en charge.
Ainsi, cette « réflexion sur l’action »(ibid.) telle que Schön nomme la réflexivité implique un
partage des savoirs mais aussi un échange sur la pratique de chaque participant, l’exposant à
la critique du collectif ainsi « toute pratique s’exerce sous le regard d’autrui et aucun praticien
réflexif ne peut faire abstraction des jugements que les autres formulent ouvertement ou
indirectement sur son travail » (id. p.9). En effet, une des aides-soignantes, Alice affirme que
c’est aussi « un moment où on peut partager, nous aides-soignantes cela va nous aider à
adapter notre façon de faire et notre façon de travailler avec le patient en fait ». Sa collègue
Solenn avoue que « en général quand on dit les choses on est tous plus ou moins d’accord,
alors soit cela va dans le même sens, soit des fois il y a du poids, des fois non ». L’équipe
pluridisciplinaire, dont Franck, le kinésithérapeute raconte : « le staff a ce rôle important
justement qu’on se réunisse tous et que chacun raconte son point de vue et du coup la
synthèse est plus facile pour eux pour voir ce qu’on en pense, où est-ce qu’on en est, et du
coup pour eux cela facilite le boulot au niveau fonctionnel », puis il ajoute que « c’est
réaligner en fait ». Pour le médecin, Marie « on prend tous le patient en charge pour le même
objectif ça permet vraiment de recentrer un petit peu tout le monde, et voilà qu’on ait le même
discours, ce qui rassure aussi beaucoup les gens je pense ». Nous terminons cette analyse en
admettant que la pratique réflexive constitue un développement de part et d’autre de l’équipe
pluridisciplinaire, comme nous l’expose Alice quand elle définit le temps du staff comme
« indispensable pour le patient déjà, et puis pour l’équipe, c’est les moments où on peut
vraiment échanger, vraiment voir et adapter la prise en charge » de la personne soignée en
SSR. Cette fonction valorise la parole de l’aide-soignant, ainsi il contribue à cette prise en
charge adaptée en apportant son propre regard.
60
CONCLUSION
La conjoncture actuelle du système de santé tend à réduire la durée moyenne de
séjour. En service de Soins de Suite et de Réadaptation, les équipes pluridisciplinaires doivent
s’adapter à cette demande d’efficience, et s’organiser à optimiser le projet personnalisé de
soins du patient. La concertation permet de définir les objectifs de prise en charge et
d’anticiper les besoins pour le devenir de la personne soignée. Le staff pluridisciplinaire
constitue cet espace-temps où ont lieu les échanges des différents professionnels. Inspirée par
notre expérience professionnelle, nous avons cherché à comprendre comment ce professionnel
participe au staff, et quelles sont les différentes fonctions de sa parole. Pour nous distancer de
notre vécu, nous nous sommes intéressée tout d’abord au contexte du SSR, dans son cadre
réglementaire, son organisation, et sa pluridisciplinarité pour souligner sa spécificité dans le
système de santé actuel. Les prises en charges globales des patients, avec des Durées
Moyennes de Séjour (DMS) relativement longues, la coordination et la coopération signent la
dimension rééducative et réadaptative. Ensuite, nous nous sommes attachée à porter notre
regard sur le métier d’aide-soignant, par son histoire, sa démographie et par l’évolution de la
formation, avec le souhait d’appréhender l’identité au travail de ce personnel aujourd’hui.
Puis, nous avons approché sa participation à la concertation dans le projet de soin
personnalisé du patient avec l’équipe pluridisciplinaire comme une reconnaissance de sa
compétence professionnelle, l’amenant à être acteur dans la collaboration pluridisciplinaire en
SSR. Ainsi, nous avons interrogé les conditions de sa participation au staff, et les fonctions de
la parole de l’aide-soignant.
Nous avons enquêté dans une unité de SSR, auprès de quatre aides-soignantes et
quatre professionnels de l’équipe pluridisciplinaire dont une infirmière, un kinésithérapeute,
un médecin, et une assistante sociale. Le rôle de proximité de l’aide-soignant, ses
connaissances du patient tant fonctionnelles, cliniques, que psychologiques ont été mises en
avant. L’aide-soignant nous est apparu reconnu dans son exercice comme un agent au service
des autres professionnels mais aussi doté d’une liberté d’initiative, dans la recherche de
collaboration, et au bénéfice d’une prise en charge coordonnée du patient. Les interactions et
la collaboration des différents professionnels ne sont pas limitées à l’espace-temps du staff,
mais se réalisent au fur et à mesure des activités de travail respectives des professionnels. La
parole de l’aide-soignant, dans les temps d’échanges formalisés, est facilitée par son
intégration dans une identité collective de travail au sein de cette équipe pluridisciplinaire, par
les sollicitations, et par une volonté du cadre de santé présent de favoriser les interactions. En
61
revanche, sa participation active peut être freinée par l’animateur qui détient le pouvoir de la
parole, par le temps qui limite les interventions, et par l’organisation du travail comme facteur
de méconnaissance du patient. Néanmoins, les temps de concertation de l’aide-soignant avec
l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire contribuent à sa professionnalisation par
l’accessibilité aux savoirs. Sa parole permet aux autres professionnels de découvrir des
éléments significatifs sur le patient auxquels ils n’auraient pas accès, et ainsi d’optimiser la
projection du devenir de la personne soignée en anticipant ces besoins pour la sortie. La
dimension de réflexivité, pour l’aide-soignant et pour chacun des membres de l’équipe
pluridisciplinaire signe cette volonté d’adaptation du projet de soin personnalisé au patient.
A l’issue de ce travail, nous comprenons le caractère essentiel de la participation de
l’aide-soignant au staff pluridisciplinaire, avec un recul sur ce qui se joue au staff, ou dans les
temps d’échanges en équipe. Nous sommes amenée alors à nous questionner de la parole de
ces professionnels dans les autres réunions, en particulier au regard de notre future fonction de
cadre. Les interventions des aides-soignantes lors de réunions de service, ou même lors des
transmissions d’équipe pourraient constituer un autre travail de recherche.
62
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LIVRES :
ARBORIO A.-M. Un personnel invisible, Les aides-soignantes à l’hôpital, Paris :
Economica ; 2001. 296 pages.
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CROZIER M, FRIEDBERG E. L’acteur et le système. Paris : Editions du Seuil ; 1977. 478
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DUBAR C. La Socialisation. Paris : Edition HER/ Armand Collin ; 2000. 240 pages.
DUBAR C, TRIPIER P. La sociologie des professions. Paris : Edition Armand Collin ; 1998.
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HUGUES E. sociologue, Le regard sociologique. Paris : Essais choisis, édition de l’EHESS ;
1996. Pages 69-73.
JUAN S. Méthodes de recherche en sciences socio-humaines : exploration critique des
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MUCCHIELLI R. La conduite des réunions. Issy Les Moulineaux : ESF ; 1967. 209 pages.
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Edition Dunod ; 1988. 256 pages
SAINSAULIEU R. L’identité au travail. Paris : Presses de Sciences Po ; 1977. 477 pages.
ARTICLES DE REVUES :
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63
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2009 ; n°72 : p.20-21.
CHOUCRALLAH I. Le raisonnement clinique en pratique. Soins Aides-soignantes. Octobre-
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PERRENOUD P. Adosser la pratique réflexive aux sciences sociales, condition de la
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WITTORSKI R. La professionnalisation. Savoirs. Février 2008 ; n° 17 : p. 9-36.
WEBOGRAPHIE :
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64
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coordination de la prise en charge des patients, et critère 27 a. « activités de soins de suite et
de réadaptation ». [En ligne] disponible sur www.HAS-santé.fr (consulté le 24/11/2016)
Soins de suite et réadaptation, chiffres clés 2015. [En ligne] disponible sur:
http://www.atih.sante.fr/sites/default/files/public/content/2554/atih_chiffres_cles_ssr_2015_0.
pdf (consulté le 24/01/2017)
I
ANNEXES
II
ANNEXE I : Guide d’entretien exploratoire
A destination de l’aide-soignant
Protocole de politesse :
Bonjour, je m’appelle Séverine Lebreton, je suis étudiante à l’Université Paris Dauphine en
Master I « Gestion et économie de la Santé ».
Dans le cadre de la méthodologie de la recherche, j’effectue un travail sur la participation
des aides-soignants au staff pluridisciplinaire en SSR.
Je vais vous poser des questions auxquelles vous répondrez selon votre point de vue.
Acceptez- vous de participer à cet entretien ?
M’autorisez-vous à enregistrer cet entretien pour faciliter la retranscription de mes notes ?
Je vous précise que cet entretien reste anonyme et confidentiel.
Je tiens à vous remercier d’avoir accepté de libérer du temps pour cet entretien.
Thème 1- Présentation de la personne
Q1 : Est-ce que vous pouvez vous présenter et me parler de votre parcours professionnel?
(Statut, fonction, missions, ancienneté dans l’institution, et ancienneté dans le service)
Thème 2- Présentation de la structure et du service
Q2 : Pouvez-vous présenter votre structure, votre établissement ?
Q3 : Pouvez-vous présenter votre service ?
Q4 : Pouvez-vous me dire quels professionnels travaillent dans votre service ?
(Si besoin reformulation sur profession, nombre)
Thème 3- Identité professionnelle de l’aide-soignant
Q5 : Comment définissez-vous votre travail ?
Q6 : Pouvez-vous m’expliquer votre rôle auprès du patient en SSR ?
Q7 : Pouvez-vous me dire comment travaillez-vous avec les autres professionnels de l’équipe
pluridisciplinaire ?
III
Thème 4- Le staff pluridisciplinaire
Q8 : Pouvez-vous m’expliquer comment est organisé le staff pluridisciplinaire dans votre
service ?
(Si besoin reformulation sur jour et horaire fixe ou non, participants, lieu, déroulement)
Q9 : Pouvez-vous m’expliquer comment chaque participant intervient pendant ce staff ?
(Interactions, échanges, ou temps de parole distribué à chacun au fur et à mesure, qui anime le
staff ?)
Q10 : Selon vous, quelle place occupez-vous lors de ces staffs?
(Temps de parole, accompagnement, interaction)
Q11 : Pour vous, quels sont les éléments qui peuvent vous aider à prendre la parole en staff ?
Q12 : A contrario, est-ce que parfois prendre la parole en staff vous est difficile et pourquoi?
Q13 : Lesquelles de vos prises de paroles ont eu de l’effet sur les prises en charge de patient et
pourquoi selon vous ?
Q14 : Que pensez-vous des temps d’échanges pluridisciplinaires autour de la prise en charge
du patient ?
Q15: Souhaitez-vous rajouter quelque chose en rapport avec cet entretien ?
Fiche signalétique :
Nom anonymisé
Sexe
Age
Ancienneté diplôme
Ancienneté service SSR
Formations
Expériences professionnelles (parcours succinct)
IV
ANNEXE II : Guide d’entretien définitif aide-soignant
Protocole de politesse :
Bonjour, je m’appelle Séverine Lebreton, je suis étudiante à l’Université Paris Dauphine en
Master I « Gestion et économie de la Santé ».
Dans le cadre de la méthodologie de la recherche, j’effectue un travail sur la participation
des aides-soignants au staff pluridisciplinaire en SSR.
Je vais vous poser des questions auxquelles vous répondrez selon votre point de vue.
Acceptez- vous de participer à cet entretien ?
M’autorisez-vous à enregistrer cet entretien pour faciliter la retranscription de mes notes ?
Je vous précise que cet entretien reste anonyme et confidentiel.
Je tiens à vous remercier d’avoir accepté de libérer du temps pour cet entretien.
Thème 1- Présentation de la personne
Q1 : Est-ce que vous pouvez vous présenter et me parler de votre parcours professionnel?
(Statut, fonction, missions, ancienneté dans l’institution, et ancienneté dans le service)
Thème 2- Présentation de la structure et du service
Q2 : Pouvez-vous présenter votre structure, votre établissement ?
Q3 : Pouvez-vous présenter votre service ?
Q4 : Pouvez-vous me dire quels professionnels travaillent dans votre service ?
(Si besoin reformulation sur profession, nombre)
Thème 3- Identité professionnelle de l’aide-soignant
Q5 : Comment définissez-vous votre travail ?
Q6 : Pouvez-vous m’expliquer votre rôle auprès du patient en SSR ?
Q7 : Pouvez-vous me dire comment travaillez-vous avec les autres professionnels de l’équipe
pluridisciplinaire ?
V
Thème 4- Le staff pluridisciplinaire
Q8 : Pouvez-vous m’expliquer comment est organisé le staff pluridisciplinaire dans votre
service ?
(Si besoin reformulation sur jour et horaire fixe ou non, participants, lieu, déroulement)
Q9 : Pouvez-vous m’expliquer comment chaque participant intervient pendant ce staff ?
(Interactions, échanges, ou temps de parole distribué à chacun au fur et à mesure, qui anime le
staff ?)
Q10 : Selon vous, quelle place occupez-vous lors de ces staffs?
(Temps de parole, accompagnement, interaction)
Q11 : Pour vous, quels sont les éléments qui peuvent vous aider à prendre la parole en staff ?
Q12 : A contrario, quels éléments peuvent être des freins à votre prise de parole en staff ?
Q13 : Selon vous qu’est-ce que produisent vos prises de paroles en staff comme réaction ou
comme effet sur les prises en charge de patient ?
Q14 : Que pensez-vous des temps d’échanges pluridisciplinaires autour de la prise en charge
du patient ?
Q15: Souhaitez-vous rajouter quelque chose en rapport avec cet entretien ?
Fiche signalétique :
Nom anonymisé
Sexe
Age
Ancienneté diplôme
Ancienneté service SSR
Formations
Expériences professionnelles (parcours succinct)
VI
ANNEXE III : Guide d’entretien définitif équipe pluridisciplinaire
Infirmière, kinésithérapeute, médecin et assistante sociale
Protocole de politesse :
Bonjour, je m’appelle Séverine Lebreton, je suis étudiante à l’Université Paris Dauphine en
Master I « Gestion et économie de la Santé ».
Dans le cadre de la méthodologie de la recherche, j’effectue un travail sur la participation
des aides-soignants au staff pluridisciplinaire en SSR.
Je vais vous poser des questions auxquelles vous répondrez selon votre point de vue.
Acceptez- vous de participer à cet entretien ?
M’autorisez-vous à enregistrer cet entretien pour faciliter la retranscription de mes notes ?
Je vous précise que cet entretien reste anonyme et confidentiel.
Je tiens à vous remercier d’avoir accepté de libérer du temps pour cet entretien.
Thème 1- Présentation de la personne
Q1 : Est-ce que vous pouvez vous présenter et me parler de votre parcours professionnel?
(Statut, fonction, missions, ancienneté dans l’institution, et ancienneté dans le service)
Thème 2- Présentation de la structure et du service
Q2 : Pouvez-vous présenter votre structure, votre établissement ?
Q3 : Pouvez-vous présenter votre service ?
Q4 : Pouvez-vous me dire quels professionnels travaillent dans votre service ?
(Si besoin reformulation sur profession, nombre)
Thème 3- Identité professionnelle de l’aide-soignant
Q5 : Comment définissez-vous le travail de l’aide-soignant?
Q6 : Pouvez-vous m’expliquer selon vous quel est le rôle de l’aide-soignant auprès du patient
en SSR ?
Q7 : Pouvez-vous me dire comment travaille l’aide-soignant avec les autres professionnels de
l’équipe pluridisciplinaire ?
VII
Thème 4- Le staff pluridisciplinaire
Q8 : Pouvez-vous m’expliquer comment est organisé le staff pluridisciplinaire dans votre
service ?
(Si besoin reformulation sur jour et horaire fixe ou non, participants, lieu, déroulement)
Q9 : Pouvez-vous m’expliquer comment chaque participant intervient pendant ce staff ?
(Interactions, échanges, ou temps de parole distribué à chacun au fur et à mesure, qui anime le
staff ?)
Q10 : Selon vous, quelle place occupe l’aide-soignant lors de ces staffs?
(Temps de parole, accompagnement, interaction)
Q11 : Pour vous, quels éléments peuvent aider l’aide-soignant à prendre la parole en staff ?
Q12 : A contrario, quels éléments peuvent être des freins à la prise de parole de l’aide-
soignant en staff ?
Q13 : Selon vous qu’est-ce que produisent les prises de paroles de l’aide-soignant en staff
comme réaction ou comme effet sur les prises en charge de patient ?
Q14 : Que pensez-vous des temps d’échanges pluridisciplinaires autour de la prise en charge
du patient ?
Q15: Souhaitez-vous rajouter quelque chose en rapport avec cet entretien ?
Fiche signalétique :
Nom anonymisé
Sexe
Age
Ancienneté diplôme
Ancienneté service SSR
Formations
Expériences professionnelles (parcours succinct)
Les prises en charge des patients en Soins de Suite et Réadaptation demandent
une pluridisciplinarité pour optimiser l’atteinte des objectifs de réadaptation et le
devenir du patient. A ce titre, la concertation de l’équipe sous forme de staff
pluridisciplinaire est indispensable au projet personnalisé de soins du patient, à la
coordination et à la collaboration des professionnels. L’aide-soignant est le
professionnel de l’équipe qui est le plus présent auprès du patient. Ce mémoire
ouvre une fenêtre sur la participation de cet acteur singulier au staff. Il porte un
regard distancié sur les conditions de sa participation et les fonctions de sa
parole. La question de recherche formulée est : Que comprendre de la prise de
parole de l’aide-soignant au staff pluridisciplinaire en Soins de Suite et
Réadaptation ?
La démarche utilisée est une méthodologie compréhensive. Elle s’est construite
d’abord par l’observation d’un staff pluridisciplinaire dans un établissement de
santé de Soins de Suite et Réadaptation. Puis, elle s’est organisée autour
d’entretiens semi-directifs auprès d’aides-soignants, et auprès des professionnels
de l’équipe pluridisciplinaire, au sein d’une unité de Soins de Suite et
Réadaptation. Elle a été guidée par les thèmes du travail de l’aide-soignant, sa
collaboration avec l’équipe pluridisciplinaire, les conditions de sa participation
au staff, et les fonctions de sa parole.
L’aide-soignant s’est révélé être un acteur de proximité indispensable dans
l’organisation du travail en collaboration et dans la réadaptation du patient.
L’identité collective de travail, et les intérêts de l’équipe à l’égard de sa parole
facilitent sa participation au staff. Le temps, l’organisation du travail, sa
méconnaissance du patient, et l’occupation de la parole par le médecin freinent
ses interventions. Quand elle s’exprime, sa parole est valorisée dans une fonction
cognitive, temporelle et réflexive. Cela questionne sur les fonctions de la prise de
parole en situation de travail, et l’identité professionnelle.
MOTS CLES :
Aide-soignant, identité, parole, participation, pluridisciplinarité, staff