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La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle place dans la dynamique collaborative ? Sous la direction de : Roger METIVIER Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé et du master 1 ère année « Management des établissements, services et organisations de santé » Jean-Luc MACH Promotion : 2014-2015 Date du Jury : Juin 2015 Institut de Formation des Cadres de Santé Ile de France Pôle Formation

La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

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Page 1: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

La position de l’Aide-soignante dans une

équipe : quelle place dans la dynamique

collaborative ?

Sous la direction de : Roger METIVIER

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé et du master

1ère année

« Management des établissements, services et organisations de santé »

Jean-Luc MACH

Promotion : 2014-2015

Date du Jury : Juin 2015

Institut de Formation des Cadres de Santé

Ile de France Pôle Formation

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Remerciements

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Liste des sigles utilisés

ANESM :

L’agence nationale d’évaluation et de la qualité des établissements et

services sociaux et médico-sociaux

AS :

Aide-soignante

CAFAS :

Certificat d’aptitude aux fonctions d’aide-soignante

DEAS :

Diplôme d’Etat d’aide-soignante

DPAS :

Diplôme professionnel d’aide-soignante

EHPAD :

Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

FNAAS :

Fédération Nationale des Associations des Aides-soignantes

HAS :

Haute autorité de la santé

IDE :

Infirmière diplômée d’Etat

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1 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Table des matières

Introduction .......................................................................................................................... 3

Contexte de recherche ....................................................................................................... 4

I - Historique du métier de soignant .................................................................................. 7

II - L’identité professionnelle : de l’individu au professionnel ...................................... 15

L’identité professionnelle .................................................................................................. 16

La formation initiale des aides-soignants .......................................................................... 17

De la fonction d’Aide aux soins au métier d’Aide-soignant................................................ 18

La reconnaissance des compétences professionnelles .................................................... 20

Les valeurs soignantes, liens de l’identité des soignants .................................................. 21

La division du travail : de la délégation au travail de collaboration .................................... 22

Entre Rôle propre et « Rôle sale » : le sale boulot, un marqueur identitaire ..................... 24

Le concept du Care et du Cure ........................................................................................ 25

III - Méthodologie et outils de recherche .......................................................................... 29

Méthode de l’enquête par observation.............................................................................. 29

Méthode des entretiens semi-directifs .............................................................................. 30

IV - Résultats des enquêtes et analyse thématique ......................................................... 33

Identité professionnelle .................................................................................................... 33

La reconnaissance d’une identité professionnelle ............................................................ 35

La vocation du soignant, un sentiment identitaire ............................................................. 38

La place du Care et du Cure dans la répartition des tâches et les représentations ........... 40

Division du travail et répartition des tâches, une difficile collaboration .............................. 44

Entre Pénibilité du travail et Qualité des soins .................................................................. 48

La Collaboration, un concept d’entre deux ....................................................................... 50

L’implication dans les projets à partir d’une dynamique collaborative ............................... 53

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2 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Le niveau de qualification d’une catégorie professionnelle en évolution ........................... 59

Conclusion ......................................................................................................................... 63

Bibliographie ...................................................................................................................... 67

ANNEXE I Statistiques DRESS ........................................................................................ I

ANNEXE II Guide, Entretien enquête cadre de santé .................................................... II

ANNEXE III Guide, Entretien enquête Infirmière ............................................................ III

ANNEXE IV Guide, Entretien enquête Aide-soignante ..................................................IV

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3 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Introduction

L’évolution historique1 de l’hôpital public montre toute l’empreinte du caractère

religieux et du long cheminement de ses missions, de l’hospice à hôpital selon sa vocation,

de l’hébergement des indigents à la prise en charge des personnes malades, tout comme le

personnel qui des religieuses devient des infirmières laïques et, de servantes des

professionnelles aides-soignantes2. Ainsi L’héritage de l’histoire est un marqueur de l’identité

professionnelle des groupes et explique en partie leur positionnement dans la division du

travail au sein de la hiérarchie bien structurée des institutions. Les aides soignantes, issues

d’un statut situé au bas de l’échelle sociale accèdent à des activités de soins relatives au

« dirty work3 » dont la représentation est socialement dévalorisée par l’association à une

fonction de domestique. La position actuelle de ce groupe dans une équipe soignante et son

engagement dans les projets de l’institution semblent encore être confrontés à des difficultés

dont les raisons pourraient être en partie expliquées par cette empreinte sociohistorique et

socioprofessionnelle. C’est un des axes que nous tenterons d’explorer au regard de notre

objet de recherche.

L’hôpital, la médecine et les technologies sont en pleine mutation, et ce phénomène

qui induit un allongement de la durée de vie, une augmentation des maladies chroniques et

des polypathologies, associant perte d’autonomie et dépendance des personnes, nécessite

de plus en plus l’intervention de professionnels paramédicaux pour soutenir la personne

dans ses soins quotidiens. Cette équipe est composée presque d’autant d’infirmières que

d’aides-soignantes mais l’accompagnement spécifique des patients dans les activités

d’hygiène et de confort est principalement assuré par les aides-soignantes. Malgré leur

nombre important et leur place stratégique dans le processus de prise en charge de la

personne soignée la fonction de l’aide-soignant est méconnue, au point qu’Anne-Marie

Arborio, parle d’un « personnel invisible4». Pour avoir travaillé en collaboration avec les

aides-soignantes lors de notre pratique d’infirmier, nous connaissons leur fonction dans un

partage de tâches. Pourtant cette proximité ne nous a pas toujours permis d’évaluer ce qui

affecte ce groupe professionnel en quête d’identité et dont le positionnement dans une

équipe est pour eux à bien des égards une difficulté. Notre fonction d’encadrement dans une

1 DUBOIS FRESNEY Catherine, PERRIN Georgette. Le métier d’infirmière en France. Paris :6°édition puf, 2009.

2 Nous choisirons le genre féminin.

3 HUGUES, E.C. le regard sociologique. Essais choisis. Textes présentés par J.M CHAPOULIE. Paris : édition de l’EHESS. 1996

4 ARBORIO,Anne Marie. Un personnel invisible : les aides-soignantes à l’hôpital. Paris :Economica, 2° édition,

2012.

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4 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

unité de soins, sur une année, nous a confronté à la perception des difficultés de ce groupe

professionnel, ce qui nous a amené à nous interroger sur la place de l’aide-soignante dans

les pratiques de soins. Lors de notre exercice en tant que formateur auprès des aides-

soignants, nous avons commencé à identifier des problèmes relatifs à la reconnaissance

avec une tendance à se dévaloriser, un manque de confiance dans leurs capacités en lien

pour beaucoup avec une rupture scolaire. Leur niveau de connaissances est par ailleurs

pour certaines en décalage avec les exigences du référentiel de formation, voire de la

fonction en elle-même.

L’arrêté du 22 octobre 20055, a favorisé l’évolution du métier d’aide-soignante avec

l’instauration de référentiels qui ont permis d’identifier les activités et les compétences

requises. Le métier est validé aujourd’hui par un diplôme d’Etat, et d’une délégation de

tâches leurs pratiques se situent plus précisément dans une collaboration avec l’infirmière.

Malgré ces avancées, les aides-soignantes semblent toujours revendiquer la reconnaissance

de leur place et leur capacité à se positionner dans les équipes reste peu aisée.

Contexte de recherche

En septembre 2014, notre prise de fonction s’est faite sur une réorganisation de

service suite à une baisse d’activité significative. La capacité des lits a été réduite de vingt-

deux lits à dix-sept lits, et deux aides-soignantes ont été redéployées sur d’autres unités de

l’établissement. L’équipe infirmière se montrait très revendicative concernant les problèmes

d’effectifs et l’équipe de chirurgiens tenait elle aussi des discours d’opposition devant la

réorganisation imposée par la direction. Même si ces comportements n’étaient pas aidants

pour réfléchir à une nouvelle organisation des soins et de répartition d’activités entre les

acteurs, cela n’a pas été les groupes les plus difficiles à mobiliser pour travailler sur le projet.

En effet, dans l’équipe paramédicale, ce sont surtout les aides-soignantes qui ont été les

plus affectées et démobilisées par cette réorganisation. Nous avons pris un temps

d’observation pour analyser le fonctionnement du service, l’organisation des activités, et les

relations interdisciplinaires, ce qui nous a permis d’établir un bilan. Le constat a mis en

évidence la posture de retrait des aides-soignantes dans la modification du travail entre les

deux catégories professionnelles et par conséquent au niveau de la collaboration. Dans le

contexte économique actuel, en tant que responsable de l’encadrement, nous avons

conscience de l’importance de la dynamique d’équipe dans un travail de réorganisation

5 Arrêté du 22 octobre 2005 relatif à la formation conduisant au diplôme d’aide-soignant.

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5 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

généré par des injonctions. De ce fait, le rôle de l’ensemble des acteurs au niveau de la

cohésion d’équipe et du maintien de sa dynamique est capital.

Conscient de ne pas pouvoir intervenir sur la baisse d’effectif, nous décidons de

travailler sur d’autres axes de valorisation pour les intégrer progressivement au projet, en

donnant du sens à leurs pratiques, propice à leur motivation. Face à ce constat, il nous

paraissait alors primordial de donner une autre place aux aides-soignantes au sein de

l’équipe en leur faisant prendre conscience de l’utilité de leur fonction dans le processus de

prise en charge des patients. Nous avons donc mis en place des actions ciblées vers cet

objectif mais la mobilisation à adhérer au projet a été difficile ; soit leurs réactions étaient

négatives, ou alors elles affichaient un désintéressement.

Suite à une matinée chargée émotionnellement, nous avons été fortement interpellé

par une aide-soignante qui s’est exprimée d’une manière virulente : « on est bonne qu’à

… », « on n’est pas là pour vider la m….. », « on ne nous respecte pas, on ne nous

reconnaît pas ». Ces attitudes sont souvent la conséquence d’un manque de civilités de

médecin, ou de l’attitude d’une infirmière ou d’un interne qui les appelle pour vider un bassin,

ou encore évacuer des pansements souillés après leur passage au cours de la visite.

Ce contexte a eu inévitablement une incidence sur les rapports entre les membres de

l’équipe et de ce fait sur la dynamique collaborative essentielle à un fonctionnement de

service. Le constat est de ce fait que la réorganisation d’un service concernant l’effectif a

généré des attitudes négatives et non participatives des aides-soignantes au projet, en

raison d’un manque de reconnaissance ressenti à l’égard du travail effectué, d’un manque

d’estime de leur fonction qu’elles expriment fortement, impactant la dynamique d’équipe.

De ces éléments de constat et par le cheminement de notre réflexion, nos questionnements

qui ont initié notre travail de recherche ont été les suivants :

- En quoi la position des aides-soignantes dans une équipe, a-t-elle une incidence sur leur

implication dans la dynamique de travail nécessaire à la mise en place de projets ?

- Quels sont les paramètres ou les facteurs qui influencent la position des aides-

soignantes dans une équipe ? Leur histoire professionnelle, l’identité professionnelle ?

- Est-ce que la représentation de leurs activités relatives aux soins d’hygiène, au « sale

boulot », peut être un facteur ?

- La division du travail dans la répartition des tâches avec les infirmières est-il un obstacle

à la collaboration ?

- Dans quelle mesure la reconnaissance de la catégorie professionnelle des aides-

soignantes serait un levier dans le travail collaboratif d’une équipe ?

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6 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

L’objet de recherche s’est ainsi centré sur la question suivante :

« En quoi la position professionnelle des aides-soignantes dans une équipe a-t-elle une

incidence sur la dynamique collaborative dans les projets de service ? »

Les hypothèses de départ sont relatives à la posture de retrait des aides-soignantes qui ne

favoriserait pas leur implication dans les projets, de même que la représentation de leurs

activités liées aux soins d’hygiène, associées au « Care comme occupations déléguées6»,

ne faciliterait pas la reconnaissance de leur identité professionnelle.

En tant que futur cadre de santé, Il nous paraissait important de tenter d’identifier,

d’analyser, et de comprendre les problèmes rencontrés par ces acteurs du soin, pour que la

dynamique d’équipe et la prise en charge des patients soient optimales. Pour que cette

recherche soit au plus près des problèmes, nous avons choisi une méthodologie d’enquête

basée sur une approche qualitative, par le biais d’entretiens semi-directifs et par des

séquences d’observation sur le terrain en vue d’un recueil de données plus approfondi.

Après avoir fait un rappel historique de la naissance du métier d’aide-soignante en corollaire

à celle de l’infirmière, nous poserons le cadre théorique pour explorer le sujet en

développant les concepts les plus pertinents relatifs à la construction de l’identité

professionnelle des aides-soignantes, à la notion de reconnaissance dans une division du

travail, à la représentation de leurs activités par des auteurs de la sociologie des professions

et des organisations. Ensuite nous confronterons nos hypothèses sur le terrain par l’analyse

d’entretiens et des temps d’observations auprès des professionnels soignants, et enfin nous

terminerons notre mémoire par les perspectives de l’évolution du statut et de la position des

aides-soignantes dans le système de soins au regard d’une dynamique collaborative.

6 ROTHIER – BAUTZER Eliane, Le Care négligé : Les professions de santé face au malade chronique. Paris :

De Boeck Estem, 2013, p. 73

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7 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

I - Historique du métier de soignant

Dans la perspective de ce travail de recherche, il était important d’apporter une

attention particulière au temps, à la contextualisation de la construction du métier d’aide-

soignant afin de reconstituer son historique. Cette étape permettra de mettre en exergue que

ce processus s’est fait par la division du travail avec l’infirmier, reflet de la hiérarchisation des

groupes professionnels à l’hôpital.

Etymologiquement le terme hôpital vient du latin hostis7, qui veut dire « l’étranger ».

En effet au VIème siècle8, ces établissements étaient crées pour accueillir, nourrir et loger les

pèlerins. Au moyen-âge, une formidable expansion démographique a eu de lourdes

conséquences provoquant famine et pandémies. C’est sur cette période que des

établissements furent conçus dans le but d’héberger les malades « contagieux » et les

mendiants dits « dangereux » pour la population. La création de léproseries, plus de deux

mille à la fin de ce siècle, permet cette prise en charge, protégeant ainsi une population qui

s’embourgeoise et s’urbanise. La fonction de soignante est alors repérée avec en 1398

l’apparition du mot « enfermier », lui-même dérivé du mot « enfermerie9 » en lien avec la

notion d’enfermement de ces lieux qui isolent les personnes les plus vulnérables.

En 1633, Saint Vincent de Paul crée la compagnie des « filles de charité » les incitant

à avoir un rôle de soutien et de conseil. On retrouve dans l’histoire de l’hôpital, entourant les

médecins, des personnels religieux et des personnels civils qui assurent les soins de toilette

et les repas, premiers « ancêtres » des infirmières. La place des communautés religieuses

est très importante à cette époque-là et tous les postes à responsabilité leur incombent de

droit. Les religieuses, relativement indépendantes de l’autorité médicale, possédaient alors

un savoir empirique et faisaient preuve d’un dévouement sans limites.

Au XVIIIème siècle, la plupart des femmes soignantes sont issues de couches

sociales défavorisées, de l’ordre des domestiques. Et c’est avec la révolution de 1789 que

l’on assiste à la laïcisation des hôpitaux de Paris et que les pratiques soignantes évoluent

mais les conditions d’hygiène restent encore très médiocres.

Au XIXème siècle, le décret du 26 janvier 1810, démontre que les religieuses de par

leur statut laissent une marge de manœuvre réduite à l’administration : « la prieure distribue

les sœurs dans les emplois. L’administration ne peut ni forcer le choix, ni destituer une sœur,

ni la faire passer d’autorité d’un emploi dans un autre. Elle peut demander sa destitution ou

7 GAFFIOT Félix. Dictionnaire illustré Latin-Français. Paris : Hachette,1978.p.757

8 MOLINIE Eric. L’hôpital public en France : bilan et perspectives. Avis et rapports du Conseil Economique et Social.2005, p. 5.

9 DUBOIS FRESNEY Catherine, PERRIN Georgette. Op.cit. p.9

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8 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

son changement, et, en cas de refus, le préfet du département se prononcera, sauf recours

au ministre de l’intérieur »10.

L’ouverture du monde hospitalier vers le monde social va alors obliger l’hôpital à se

transformer et à s’adapter. La survenue de la notion d’hygiène hospitalière développée par

Semmelweis en 1849, Pasteur en 1860, Joseph Listeren 1865, va modifier l’univers

hospitalier dans son ensemble. C’est sur cette période qu’il est constaté toute la difficulté

d’initier les religieuses aux principes d’hygiène, pour qui la notion même d’hygiène corporelle

n’était pas une priorité dans la mesure où leur pudeur empêchait la prise en charge correcte

des malades. De même, que leur tenue apparaissait inadaptée, de telle sorte que les

chirurgiens préféraient se passaient de leur service durant les interventions, selon Hamilton

et Regnault11. Les religieuses quant à elles déléguaient tous les services directs aux

malades à des mercenaires très souvent ignorants, voire vulgaires selon les écrits

historiques, qui assuraient de manière insatisfaisante leur travail. Ces auxiliaires médicaux,

en effet, effectuaient une part importante des soins auprès des malades sans formation et

sans qu’ils soient reconnus. Leurs activités étaient très mal définies pouvant aussi bien

relever de tâches de ménage que des soins ; « ce sont les infirmières qui font les lits,

nettoient les malades, lavent les parquets. »12

Les médecins réclament alors des réformes hospitalières, et posent clairement le

problème de la reconnaissance du personnel hospitalier. Le Professeur Maurice Letulle dans

un article de la presse médicale du 8 juin 1901 l’exprime clairement : « mal payé, mal nourri,

sans sollicitude, l’infirmier comme l’infirmière se trouve dans une position comment dire : trop humble ;

il faut de toute façon, les relever. Précisément, là à mon avis, est la clef de la question. C’est l’opinion

de tous les médecins, chirurgiens et accoucheurs que je défends en ce moment ; il faut encourager

cette spécialisation de caractère professionnel de nos aides. Pour cela que doit faire l’Assistance

publique ? Établir dans son personnel une hiérarchie professionnelle ; toute infirmière et tout infirmier

qui se trouvent investis de l’honneur de soigner les malades, les toucher, de les aider, doivent être,

par là même déchargés des soins inférieurs de ménage. Ainsi peu à peu, et ainsi seulement, on

arrivera, à l’aide de sélections sages et progressives, à créer un corps d’infirmières comparables, mais

non identiques, aux nurses des hôpitaux anglais ».

Au travers des propos du Professeur Letulle, nous constatons l’émergence de la

nécessité d’une spécialisation, d’une légitimité des actes et des tâches de ceux qui soignent

tout en stigmatisant cependant le ménage comme un soin inférieur. Se dessinent alors

progressivement deux groupes distincts, celui des infirmières avec la prise en charge des

soins et celui des servantes cantonnées aux tâches dites inférieures. Dans cette perspective,

10

GUILLERMAN J., Histoire des infirmières. Croix rouge française. 1988, p.174_175 11

HAMILTON A., REGNAULT F., Revues soins. 1977, p.23 12

COLLIERE M.F, Promouvoir la vie, de la pratique des femmes soignantes aux soins infirmiers .Paris :

Masson,2003

Page 15: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

9 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

il était important d’agir sur trois axes pour le Professeur Letulle : L’amélioration du

recrutement d’une part, une meilleure reconnaissance du métier par une amélioration des

conditions de vie et de travail, ainsi que la création d’autre part de cette spécialisation

professionnelle, avec cette obligation de division du travail entre les soignants et les

servantes. L’utilisation du terme « servant » donne cette connotation péjorative relative à la

notion de soumission et au rapport à l’activité domestique relevant du « sale boulot », en

référence à E.C Hugues. En effet, par définition le terme « servant » signifie, « employé aux

modestes besognes, domestique assujetti à une servitude13 », et son étymologie dérivée du

verbe servir, issu du latin « servire14 ; être esclave, se mettre au service de », renforce la

notion de sujétion dans une disposition à accepter la dépendance.

Le recrutement des infirmières fut au départ très particulier, car il se faisait parmi les

filles de la campagne, les enfants assistés, les femmes âgées ou encore des personnes

porteuses de handicap. Pour cette catégorie de personnes, être infirmier était souvent un

choix par dépit, car leurs situations ne leur permettaient pas d’apprendre un métier, de suivre

une scolarité, voire même d’être domestique. Le recrutement ainsi fait n’assurait pas une

qualité de personnel, d’autant plus que les conditions de vie et du travail à risques peu

enviables incitaient les meilleurs éléments à quitter l’hôpital rapidement.

L’évolution des connaissances scientifiques et médicales vont complexifier le rôle des

médecins, pour qui l’envie d’être secondés par du personnel formé devient une priorité. Les

grands événements, révolution industrielle, guerres, qui ont touché l’Europe vont transformer

l’organisation des soins aux malades, aux blessés, révélant encore plus l’incapacité pour le

personnel religieux de faire face à cette mutation et la nécessité de former efficacement les

autres. C’est en 1907, que la création de cours municipaux et des premières écoles

d’infirmières de Bicêtre et de la salpêtrière font leur apparition.

En 1922, le décret du 27 Juin, sous l’impulsion de Léonie Chaptal, permet l’accès à

un brevet de capacité professionnelle au titre d’infirmière de l’état Français15. En 1926, aux

hospices civils de Lyon, devant la charge de travail des infirmières, une nouvelle catégorie

professionnelle se dessine, les assistantes hospitalières formées sur une année16, précédant

la catégorie des aides-soignantes. Néanmoins, il subsistera pendant longtemps la

problématique des dites « infirmières » pratiquant sans diplôme, proches des patients par les

soins d’hygiène et de confort qu’elles assurent. L’administration hospitalière, pour des

raisons statutaires, tend à créer la catégorie professionnelle des aides-soignantes pour

13

Dictionnaire Le Petit Robert, Langue Française, 2002, p. 2416 14

GAFFIOT Félix p. 1431 15

Décret du 27 Juin 1922, portant institution de brevet de capacité d’infirmières professionnelles 16

CHEVANDIER C. L’affirmation des qualifications dans les services de soins : les Hospices civils de Lyon dans l’entre-deux guerres. Bulletin du centre Pierre Léon d’histoire économique et sociale, mars 1995, p.104

Page 16: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

10 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

diplômer du personnel soignant qui ne l’était pas. Au départ cela devait être une mesure

transitoire. Elle est donc la conséquence du processus de professionnalisation des infirmiers,

avec la création en 1946 du diplôme d’état qui ne permettait l’autorisation d’exercer qu’en sa

possession. Mais dans un contexte de pénurie, où l’infirmière réalise des soins de plus en

plus complexes nécessitant de l’aide, il était capital de préserver ce personnel non diplômé,

formé sur le terrain même.

Sous la pression des partenaires sociaux, pour qui c’était un moyen de valoriser le

« petit personnel », cette catégorie fut ainsi maintenue. Issues du groupe des servants

hospitaliers, les aides-soignantes acquièrent leur première reconnaissance par la création en

1949, arrêté du 03 février, du grade d’aide-soignant. Sans formation particulière, il est délivré

par le médecin chef de service, selon l’ancienneté de leur activité auprès des malades, leur

permettant sans diplôme, d’avoir une rémunération plus importante que les « servantes ». La

division du travail qui a favorisé d’une part le métier des infirmières a permis la création

d’autre part de la fonction d’aide-soignante au regard d’un partage de tâches.

Cette formalisation fut entérinée par l’arrêté du 23 janvier 195617, par le Certificat

d’Aptitude à la Fonction d’Aide-soignante (CAFAS), avec une formation de dix mois dont

quarante heures de théorie, adaptée aux fonctions exercées et centrée sur la pratique

professionnelle. En 1960, le Certificat d’Aptitude à la Fonction d’Aide-soignante devient

obligatoire pour pouvoir exercer, avec en parallèle l’instauration du Brevet d’Etudes

Professionnelles (BEP) « Sanitaire et Social » en vue d’améliorer le recrutement et le niveau

de formation des aides-soignants par l’acquisition de pré-requis.

En 1971, suite à un arrêté, le programme est centré sur les besoins fondamentaux de

l’Homme et la formation se déroule sur douze mois. Les textes précisent que l’aide-

soignante travaille sous la responsabilité et l’autorité de l’infirmière. En 1978, elle est

habilitée à travailler en milieu psychiatrique, et en 1981 par décret, elle est autorisée à

travailler sous la responsabilité de l’infirmière dans les services de soins à domicile

(SSIAD)18.

L’arrêté du 01 février 1982, met en place un nouveau programme sur le modèle de

l’alternance qui précise que l’aide-soignante « assure par délégation de l’infirmière, sous sa

responsabilité et sous son contrôle, l’humanisation des conditions de vie de la personne

soignée ou de la personne âgée ».

17

Arrêté du 23 janvier 1956 portant création d'un certificat d'aptitude aux fonctions d'aide soignant et d'aide soignante dans les hôpitaux et hospices publics ou privés.

18 Décret n° 81-448 du 8 mai 1981 relatif aux conditions d'autorisation et de prise en charge des services de

soins à domicile pour personnes âgées.

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11 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

En 1989, une modification de l’arrêté du 01 février 1982 fixe le programme du

Certificat d’Aptitude à la Fonction d’Aide-soignante. Le décret du 18 avril 1989 permet aux

agents hospitaliers bénéficiant de huit années d’exercice en cette qualité, d’accéder au

grade d’aide-soignante et de suivre la formation.

L’arrêté du 22 juillet 1994, précise le programme des études et abroge l’arrêté du 23

janvier 1956, en stipulant que « l’aide-soignante se situe au sein d’une équipe, qu’elle

contribue à la prise en charge des personnes, qu’elle participe aux soins dans le cadre du

rôle propre infirmier, en collaboration avec lui et sous sa responsabilité19 ».

Le 19 janvier 1996, la circulaire DGS/PS3n°96-31 relative au rôle et missions des

aides-soignantes et des auxiliaires de puéricultures dans les établissements hospitaliers. Le

12 août 1996, un décret abolit le Certificat d’Aptitude à la Fonction d’Aide-soignante pour le

Diplôme Professionnel des Aides-soignantes (DPAS).

L’arrêté du 22 octobre 2005, définit la formation articulée autour de compétences,

avec l’élaboration d’un référentiel de compétences, d’un référentiel d’activités et d’une fiche

d’évaluations de compétences en stage. La valeur du développement de compétences est

reconnue. Cette reconnaissance sera d’autant plus importante qu’apparait les modalités

d’organisation de la validation des acquis de l’expérience (VAE) pour l’obtention du diplôme

d’état.

Enfin le décret du 31 août 200720 conduit au Diplôme d’Etat, et la définition du métier

d’aide-soignante se précise : « Dispenser, dans le cadre du rôle propre infirmier, en

collaboration avec lui et sous sa responsabilité, des soins de prévention, de maintien, de

relation et d’éducation à la santé pour préserver et restaurer la continuité de la vie, le bien-

être et l’autonomie de la personne ». (Berger/Levrault, 2010, P. 20)

En 2013, l’apparition du bac professionnel « Accompagnement, soins services à la

personne » questionne à nouveau la formation telle qu’elle existe actuellement. Est-ce que

cette nouvelle filière pourrait avoir à long terme un impact sur la réingénierie de la

formation et sur le champ de compétences aide-soignant ?

Ainsi l’histoire permet de distinguer toute la difficulté du processus de

professionnalisation des aides-soignantes et montre la reproduction d’un schéma dans le

cadre de la division du travail et de la répartition des tâches entre catégories

professionnelles. En effet, l’apparition des infirmières s’est faite par la division nécessaire

19

Arrêté du 22 juillet 1994 relatif à la délivrance de l'attestation d'aptitude aux fonctions d'aide-soignant et de l'attestation d'aptitude aux fonctions d'auxiliaire de puériculture aux ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen

20 Décret n°2007-1301 du 31 août 2007 relatif aux diplômes d'aide-soignant, d'auxiliaire de puériculture et

d'ambulancier et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires)

Page 18: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

12 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

des activités des médecins qui se complexifiaient, de même pour les aides-soignantes qui

sont issues d’une séparation des activités infirmières entre soins d’hygiène et soins

techniques.

Cette catégorie d’aides-soignantes considérée comme une catégorie de

reclassement du personnel s’est vue attribuer un champ de compétences dont les limites ont

été pendant longtemps relativement floues avec une représentation plutôt négative de leur

fonction et dont la reconnaissance date de 1956. La succession des décrets, arrêtés,

circulaires, permet de comprendre l’évolution du métier de l’aide-soignante au regard de

celui de l’infirmier ainsi que sa position dans le partage des activités. En effet, nous relevons

dans les différents textes que l’aide-soignante se situe « sous », à savoir sous le contrôle,

sous l’autorité, sous la responsabilité de l’infirmier. Ce mot « sous, issu du latin subtus21 »,

exprime « la position en dessous ou l’infériorité », et marque « la position, la subordination,

le degré inférieur, et l’insuffisance22 » du sujet ou d’un objet. Cette terminologie nous paraît

importante dans le sens de l’influence que les termes et une définition de métier pourraient

avoir sur le positionnement d’une catégorie professionnelle dans un collectif de travail.

Quelle place prend l’aide-soignante au sein d’une équipe au regard de son statut ?

D’autre part, leurs activités sont définies par délégation du rôle propre des infirmières.

C’est dans ce contexte, que certaines aides-soignantes définissent leur métier comme faire

le « sale boulot » des infirmières, et que « le rôle propre de l’infirmière c’est le rôle sale de

l’aide-soignant23 ». Nous pouvons cependant remarquer que depuis les années cinquante,

les textes de lois posent un cadre définissant leurs activités et leur champ de compétences,

et permettent ainsi progressivement une reconnaissance de la fonction, les faisant passer

d’une place de « servante, exécutante » à un statut professionnel. Cette évolution se perçoit

aussi dans la relation de travail entre les infirmières et les aides-soignantes. En effet, en

1971, on pouvait lire dans les textes « l’aide-soignante travaille sous l’autorité et la

responsabilité de l’infirmière », en 1982 « l’aide-soignante travaille par délégation de

l’infirmière sous sa responsabilité et son contrôle effectif », pour en 1994 voir apparaître ;

« l’aide-soignante travaille en collaboration avec l’infirmière sous sa responsabilité ». Le fait

d’avoir supprimé les termes, souvent perçus négativement, de « délégation et de contrôle »,

permettrait-il de reconnaître aux aides-soignantes une compétence à part entière et une

21

GAFFIOT Félix. Op. cit. p.1503 22

Dictionnaire “Le petit Robert. 2002 p. 2468 23

RIOUFOL, Marie-Odile. Dossier : aide-soignante, une profession dans tous ces états. De la délégation à la collaboration. Soins aides-soignantes. 2004, n°1, p.16.

Page 19: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

13 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

spécificité à leur métier afin de se sentir considérées dans le processus de prise en charge

des personnes et ainsi s’impliquer dans une dynamique d’équipe ?

L’histoire actuelle, à travers une étude relative aux caractéristiques des inscriptions

en formation aides-soignantes, nous permet de mieux situer la catégorie d’individus qui

envisagent d’exercer ce métier. Les statistiques24 distinguent des éléments importants ; les

tranches d’âge sont diversifiées, et selon l’âge, le recrutement se fait dans la continuité de

leur cursus scolaire, ou après une autre expérience professionnelle. Nous pouvons souligner

que la profession est majoritairement féminine à plus de 90%, et le recrutement se fait

essentiellement dans les classes sociales populaires, ouvrières et employées.

Un autre élément important est identifié depuis quelques années, c’est l’élévation du niveau

scolaire ; le nombre de bacheliers a doublé depuis 2000 (20% en 2000 et 43,2% en 2010).

Cette donnée risquerait d’être accentuée par l’apparition en 2014 du bac professionnel

option « accompagnement en établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux », qui

par le biais de passerelle, comme la validation des acquis de l’expérience (VAE), pourront

devenir aides-soignantes.

La hausse du niveau scolaire pourrait aussi créer une division dans ce groupe

professionnel quant à l’évolution de leur métier. Contrairement à une majorité, pour qui le

métier d’aide-soignante est une finalité, un plus grand nombre d’entre elles (au regard des

chiffres actuels) pourraient envisager de devenir infirmière ou même de changer

d’orientation. Une évolution qui est certainement à prendre aussi en considération au niveau

de leur positionnement dans une équipe de travail en termes d’implication, de motivation et

de dynamique collaborative.

24

Statistique DREES, d’après Steve Jakoubovitch, La formation aux professions de santé, n° 165, février 2012,

p.38 - Annexe I

Page 20: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

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15 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

II - L’identité professionnelle : de l’individu au professionnel

A. Marie Arborio25 démontre, dans ses écrits, que le personnel aide-soignant, malgré

leur nombre conséquent, apparaît comme une catégorie professionnelle « transparente,

invisible ». En effet, nous constatons de façon récurrente que les usagers interpellent les

soignants en tenue par « infirmière », voire « docteur » mais très rarement par la

dénomination « aide-soignante ». De même, lors d’une conversation privée, si vous dites

que vous travaillez à l’hôpital, en général la première question qui vous est posée: « vous

êtes infirmière ? ». Pourtant les aides-soignantes font partie des équipes de soins et jouent

un rôle essentiel dans le processus de prise en charge des patients, mais elles sont encore

très souvent associées à la représentation de l’infirmière. L’auteure met en évidence leur

place importante dans l’organisation des soins, en soulignant que sans la réalisation des

activités relatives à l’hygiène et au confort des patients, les gestes médicaux seraient

impossibles. Qu’en est-il alors de la construction de leur identité professionnelle ?

L’identité est ce qui détermine une personne ou un groupe, et par définition, selon le

dictionnaire Le petit Robert, l’identité vient du latin idem26, qui signifie « le même, caractère

de ce qui fait un », dans le sens d’une unité.

En référence à Claude Dubar27, l’identité professionnelle se construit par l’imbrication

de plusieurs identités. Tout d’abord, dans le cadre de la socialisation primaire, dite socio-

familiale, « l’identité de soi » est façonnée par son histoire de vie dans un contexte social

déterminé, liée au parcours de son enfance, de ses apprentissages, et de sa scolarité. Par

la suite, dans le cadre de la socialisation secondaire dite communautaire, « l’identité pour

autrui » s’élabore par l’interaction des individus et des pratiques dans un contexte socio-

professionnel. Elle s’analyse par l’adhésion à « des systèmes de valeurs, de normes et de

logiques existant en un lieu donné », selon le même auteur.

Ainsi, l’identité d’un individu se construit au travers des interactions entre son histoire

personnelle et son environnement social, puis professionnel en fonction de ses

apprentissages et de ses propres représentations. En psychologie sociale, c’est la

reconnaissance de ce qu’il est, par lui-même ou par les autres.

L’histoire des aides-soignantes montre que leur genèse est relativement jeune, un

peu plus d’un demi-siècle. La construction de cette catégorie s’est faite par la nécessité de

25

ARBORIO, Anne-Marie. Un personnel invisible : les aides-soignantes à l’hôpital. 2012. 26

GAFFIOT Félix. op. cit. p.765 27

DUBAR, Claude. La socialisation : construction des identités sociales et professionnelles. Paris, 3°édition.

Armand Colin.2000.

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16 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

reclasser une partie du personnel après la mise en place du titre d’infirmière diplômée de

l’état français comme nous avons pu l’aborder précédemment. La sélection ne se faisait

seulement que par l’ancienneté avant de pouvoir accéder à un concours et, A.M Arborio

considère que le métier d’aide-soignante se caractérise bien par la division du travail des

infirmières.

L’identité professionnelle des aides-soignantes va donc se construire autour des

différentes expériences professionnelles vécues et à partir des différents textes qui régissent

le métier au regard de celui de l’infirmier. L’histoire de la profession infirmière est donc

importante pour comprendre cette construction identitaire. Une date significative est celle de

1978 où les soins infirmiers se dotent d’un « rôle propre28 », pour tendre à se libérer du

simple rôle d’exécutant. L’attribution du rôle propre permet d’atteindre une certaine

autonomie professionnelle par des prises d’initiatives et des responsabilités dans un champ

d’activités bien défini, affirmant davantage l’identité professionnelle des infirmières. L’aide-

soignante quant à elle exerce toujours sa fonction sous la responsabilité de l’infirmier, dans

le cadre du rôle propre de celui-ci, et comme le précise A.M Arborio ; « il n’existe pas de

soins aides-soignants au sens où ils seraient menés sous leurs responsabilités exclusives.

Ils ne constituent qu’un sous-ensemble des soins infirmiers29 ». Leurs tâches dépendent

donc des activités infirmières, ce qui limite leur autonomie par la subordination qu’elles sous-

tendent. Nous assistons néanmoins depuis plusieurs années à la revendication des acteurs

sociaux et des représentations professionnelles pour attribuer également aux aides-

soignantes un rôle propre ; la FNAAS30 a par ailleurs déposé en 2007 un projet de décret

« d’actes de compétences »31 pour cette catégorie soignante.

Comme l’indiquent Dubar, Tripier et Boussard32 dans leur ouvrage, sociologie des

professions, « les élites des infirmières ont lutté pour la reconnaissance d’un rôle propre »,

dans le but d’échapper au « pouvoir médical » et à la « domination du savoir médical », en

revendiquant le primary nursing, relatif aux soins de base et aux soins relationnels. Alors que

maintenant, il est constaté que les infirmiers s’en détournent au profit des aides-soignantes.

En effet, l’attribution de ce rôle propre, gage de leur identité professionnelle, n’a pas gommé

cette perception dévalorisante de « la supériorité technique sur le relationnel » et sur les

28

Article R. 4311-3 du Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 de la profession d’infirmière : « Relèvent du rôle propre de l'infirmier ou de l'infirmière les soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité

de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de personnes ».

29 ARBORIO, Anne-Marie. Un personnel invisible : les aides-soignantes à l’hôpital. 2012, p.73

30 Fédération Nationale des Associations des Aides-Soignantes.

31 http://www.actusoins.com/14214/aides-soignants-vers-un-nouveau-statut.html

32 DUBAR Claude, TRIPIER Pierre, BOUSSARD Valérie. Sociologie des professions, 2013. P.225

Page 23: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

17 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

soins d’hygiène. Ainsi pour retrouver l’aspect plus prestigieux de leur métier représenté par

la technique, les infirmiers délaissent ce type de soins.

L’identité de cette profession est donc secondaire à la division du travail infirmier et

non pas selon un processus autonome favorisant la construction de cette identité mais en

lien au processus de dépendance et d’une représentation dévalorisée du métier.

En effet, même si selon A.M Arborio, le rôle de l’aide-soignante est fondamental, il est

aussi très souvent dévalorisé. On est confronté alors à un paradoxe identitaire, d’un côté

l’utilité sociale et de l’autre une représentation « avilissante», qui freine l’élaboration

identitaire du soignant. En effet, la journée de l’aide-soignante est rythmée par la réalisation

d’un ensemble de tâches qui forment ce que l’auteure nomme « le sale boulot », dans la

mesure où « ces tâches les mettent en contact avec des déjections du corps […]. Il semble

donc nécessaire de prendre en compte l’existence de tâches socialement défavorisées,

universellement reconnues comme dégradantes, laissées aux catégories les plus basses ».33

Cela renvoie à une position de classe sociale inférieure pour laquelle les personnes

manquent d’instruction pour accéder à des tâches dites plus nobles.

La construction de l’identité professionnelle de l’aide-soignante est alors confrontée à

deux difficultés, l’une à s’identifier comme soignant à part entière, exister en tant que

soignant, et l’autre à se reconnaître dans le sale boulot, en référence à la pensée d’A.M

Arborio.

La formation initiale actuelle va constituer la première phase de cette construction

identitaire par la confrontation aux différents milieux de travail d’une part, la rencontre avec

leurs pairs, et le processus d’intégration des connaissances d’autre part dans des échanges

constructifs de travail au sein d’un groupe d’élèves.

La formation initiale des aides-soignants

Comme pour la formation infirmière, la formation initiale aide-soignante se fait en

alternance avec des périodes d’enseignement théoriques et cliniques (comprenant huit

modules sur dix sept semaines de présence à l’institut) et des périodes d’enseignement

clinique en stage en milieu professionnel (six stages sur vingt quatre semaines). La mise en

place des VAE34, a provoqué l’élaboration d’un nouveau programme de formation en 2005

mis en adéquation avec les compétences à développer, en lien avec les savoirs

professionnels acquis en situations de travail.

33

ARBORIO, Anne Marie. « Quand le sale boulot fait le métier : les aides-soignantes dans le monde professionnalisé de l’hôpital ». Sciences sociales et santé, vol. 13,n° 3, septembre 1995, P. 109

34 Validation des Acquis et de l’Expérience

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18 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

C’est une formation professionnalisante qui par la transformation des connaissances,

des représentations, des préjugés et des comportements participe à la construction de

l’identité. La formation initiale constitue une étape dans le processus identitaire par son

aspect intégratif dans le sens qu’elle exploite les situations de travail pour comprendre les

liens entre les connaissances et les pratiques de soins en situation professionnelle. Cette

première phase est primordiale pour l’apprenant, car c’est à ce moment-là qu’il confronte ses

propres représentations à la réalité professionnelle au vu des interactions entre les

enseignements apportés, les pratiques et les échanges avec ses pairs. Il sera alors

confronté à différents modèles et contre-modèles, sources d’identifications professionnelles

qui participeront à la construction de son identité au travail. Selon Claude Dubar35, l’identité

se construit effectivement par l’identification aux autres, ce qu’il appelle « l’identité pour soi »

(ce que je suis), et « l’identité pour autrui » (collective, ce que l’on dit que je suis). Dans ce

processus, l’apprenant peut être exposé à un paradoxe, tendre vers l’identification

(correspondre à l’image d’un autre ou d’un groupe auquel on voudrait appartenir), ou tendre

vers la différenciation (repérer ses différences, et prendre ses distances par rapport à ce

groupe).

Cette formation en alternance, entre les questionnements suscités et la confrontation

des savoirs aux diverses expériences vécues en stage, va contribuer à la construction de

l’identité professionnelle de l’aide soignante par l’intégration de codes, d’un langage, de

postures et de pratiques soignantes spécifiques à cette fonction d’aide aux soins.

De la fonction d’Aide aux soins au métier d’Aide-soignant

Il nous paraissait important à ce stade du cheminement de notre réflexion de s’interroger sur

la définition de la fonction qui marque l’identité professionnelle, à savoir « ce que doit

accomplir une personne dans son travail36 ». Cela permet de distinguer le rôle tenu par la

personne dans la société qui participe à la reconnaissance sociale, et la place occupée dans

un groupe de travail en vue de son intégration dans l’organisation où elle évolue.

Un autre aspect qui détermine aussi l’identité est la classification entre les métiers et

les professions. On évoque le métier d’aide-soignante en marquant bien la différence avec

la profession infirmière ; l’emploi du terme profession à la fonction infirmière n’est

cependant pas juste en référence à la sociologie des professions. Le métier est défini

comme un « genre d’occupation manuelle ou mécanique qui exige un apprentissage et qui

35

DUBAR, Claude. La socialisation : construction des identités sociales et professionnelles. 2000, p.108 36

Dictionnaire, Le Petit Robert de poche, 2009

Page 25: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

19 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

est utile à la société économique37 », alors que la profession est vue comme « une

occupation déterminée dont on peut tirer ses moyens d’existence […], qui a un certain

prestige social ou intellectuel38 ». Si on se réfère au dictionnaire sociologique trois critères

prédominent concernant la profession ; « la spécialisation du savoir, une formation

intellectuelle de haut niveau, un idéal de service qui impose l’établissement d’un code de

déontologie et le contrôle par les pairs39 ». D’après Maryvonne Sorel et Richard Wittorski40,

la différence entre eux « sont les niveaux d’organisation du champ d’activité et de

formalisation de celui-ci, qui permettent de faire la différence entre les deux mots : autrement

dit une profession est un métier socialement organisé et reconnu ». E. Friedson précise que

« le statut de profession par rapport à celui de métier se différencie par la possession d’un

certain nombre d’attributs dont la composante constante est qu’ils tendent à conférer à

l’activité une autonomie, un pouvoir d’autocontrôle explicitement reconnu par la

société41». La fonction aide-soignante n’est donc pas construite sur ce modèle, elle reste

dépendante de catégories relevant d’une profession ou qui tend à l’être et pour lesquelles

l’autonomie professionnelle est reconnue. L’autonomie, conférée à la fonction infirmière par

l’attribution du rôle propre, devient l’élément de différenciation.

Enfin, dans le terme aide-soignant, nous retrouvons le mot « aide » qui peut

s’entendre comme une forme de hiérarchie existante car il est associé dans les

représentations à « l’assistant, l’auxiliaire, le second », dans la mesure où l’aide se définit

comme « une personne qui en aide une autre dans une opération et travaille sous ses

ordres42 ». Même si actuellement nous tendons à percevoir cette aide dans le sens de la

collaboration, de la coopération, le fait d’être sous l’ordre de quelqu’un renvoie à une position

de pouvoir d’une catégorie sur l’autre (E.Freidson).

Toutes ces différences peuvent avoir une connotation dévalorisante intellectuellement

et socialement, tant au sein de la société que dans le milieu du travail lui-même. Nous avons

pu percevoir au cours de notre expérience de formateur en institut une autre distinction qui

se fait dès la formation initiale au niveau de l’appellation, d’élève pour la catégorie des

apprenants aides-soignants, et d’étudiant pour celles des infirmiers, marquant d’emblée le

niveau du cursus scolaire ; baccalauréat pour les candidats infirmiers et aucune condition de

diplôme pour les aides-soignants. Ces différenciations sont d’autant plus perceptibles

lorsque ces deux formations sont assurées dans le même institut. La reconnaissance des

37

Dictionnaire, Le Petit Robert, Langue Française, 2002, p. 1622 38

Ibid., p. 2082 39

Dictionnaire Sociologique, Larousse, 1996, p. 180 40

SOREL Maryvonne, WITTORSKI Richard. La professionnalisation en actes et en questions. 2005, p.98 41

FRIEDSON, Eliot. La profession médicale ».Paris, Payot.1984.p.125 42

Dictionnaire Le Petit Robert, Langue Française, 2002, p.53

Page 26: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

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compétences professionnelles vont alors être primordiales dans l’affirmation de l’identité

professionnelle des aides-soignantes.

La reconnaissance des compétences professionnelles

Etymologiquement, le mot compétence vient du latin compétens ; « qui convient,

compétent43 ». La définition précise que la compétence permet d’avoir « une connaissance

approfondie, reconnue, qui confère le droit de juger ou de décider en certaines matières44 ».

Durant sa formation, l’aide-soignant se constitue un capital de compétences qu’il va

chercher à développer et à adapter en situation de travail durant son parcours professionnel.

Leur identité professionnelle se renforce par la reconnaissance de leurs compétences

spécifiques à la fonction. La compétence n’existe pas sans le regard critique d’autrui, sans le

jugement de ses pairs ou des membres d’une équipe. Or, les aides-soignantes se sentent

davantage compétentes dans le regard des patients et de leurs proches qui ont cette

« reconnaissance du cœur45 ». La reconnaissance par les autres professionnels et

notamment de la hiérarchie semble être plus difficile à se mettre en place et à percevoir.

L’activité principale des aides-soignants basée sur « le Care », « le prendre-soin », est peu

visible, donc peu quantifiable, voire non évaluable et dans les processus de

professionnalisation des métiers qui valorisent surtout l’acte technique, visible et mesurable,

les métiers du care souffrent d’un véritable déni de reconnaissance (E.R. Bautzer, 2012).

La reconnaissance de l’aide-soignant en tant que soignant par ses pairs et sa

hiérarchie permet l’affirmation de soi dans un groupe à travers son identité professionnelle.

Selon Perrenoud : « Travailler sur l’identité personnelle et professionnelle favorise

l’intégration46». La reconnaissance de sa compétence professionnelle peut lui permettre ainsi

de se positionner dans une organisation de soins, en favorisant la motivation nécessaire

pour s’impliquer dans des projets de service et s’inscrire dans le processus d’amélioration de

la qualité des soins.

Christophe Dejours, précise que la reconnaissance, repose sur deux éléments, le

jugement d’utilité, et le jugement de beauté47. En résumé, je m’engage dans mon travail,

j’apporte une contribution que l’on voit, que l’on peut identifier, en contrepartie on attend en

échange, une rétribution qui au-delà de l’aspect financier, se situe au niveau d’une rétribution 43

GAFFIOT Félix. Op. cit. p.361 44

Dictionnaire, Le Petit Robert, Langue Française, 2002, p. 489 45

RIOUFOL, Marie-Odile, CORDON Corinne, OUVRE Pascale. Vers une plus grande reconnaissance des aides-soignantes. Soins aides-soignantes. 2004, n°1, p.13

46 PERRENOUD, Philippe. « Pédagogie collégiale(Québec). Mai 1998, volume 11, n°3, p. 16-22

47 DEJOURS, Christophe. La reconnaissance au travail : rencontre avec Christophe Dejours. Octobre 2002, n°

131, p. 25-27.

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21 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

morale : la reconnaissance. Pour Christophe Dejours, cette rétribution symbolique est la plus

importante, qui lorsqu’elle existe, favorise un fort investissement dans le travail.

Cette symbolique que l’on retrouve aussi dans les valeurs professionnelles

significatives de l’identité d’un groupe. Actuellement, les évolutions technologiques, les

recherches médicales, l’hypertechnicité, très présentes dans les secteurs hospitaliers,

peuvent parfois faire passer l’aspect relationnel en second plan. Malgré ces mutations, les

activités des aides-soignantes restent liées aux valeurs d’aide et d’accompagnement des

personnes en référence à leur fonction de soins et donc à leur construction identitaire, dès la

formation initiale.

Les valeurs soignantes, liens de l’identité des soignants

La valeur est « ce en quoi une personne est digne d’estime, quant aux qualités que

l’on souhaite à l’homme dans le domaine moral, intellectuel ou professionnel».48

Les valeurs guident nos choix et nos actions, elles renforcent le sentiment de satisfaction

personnelle et d’estime de soi. La proximité avec les patients, et tout le travail relationnel de

leur prise en charge sont des aspects de leurs activités que les aides-soignantes mettent

souvent en avant. Les valeurs soignantes sont entre autre basées sur le respect, la dignité,

l’écoute, la relation d’aide, l’humanisme, l’équipe et l’esprit d’équipe; « Elles sont le lien de

l’identité des soignants ». Agir dans le respect des valeurs communément admises par la

profession, c’est acter son appartenance au groupe professionnel. La construction identitaire

professionnelle qui prévoit l’adoption des valeurs professionnelles permettra de tenter de

réaliser ce qui se rapprochera le plus de ces valeurs visées. Dans une organisation, dans

une équipe, les valeurs jouent un rôle rassembleur, mobilisateur, motivant, dans la mesure

où elles sont définies et respectées.

La situation économique difficile à laquelle sont confrontés de nombreux hôpitaux, a

provoqué la rationalisation des soins et des réorganisations de service. Ces mutations ont

fortement modifié les organisations et les fonctionnements des unités, souvent mal

ressenties par les soignants. Ils expriment ces paradoxes souvent difficiles à gérer par des

signes de souffrance au travail, partagés entre la nécessaire performance économique et la

qualité des soins, entre les valeurs organisationnelles et les valeurs professionnelles

humaines. Quand on sait que la santé des salariés, le plaisir au travail sont des facteurs

d’efficacité, et que le personnel constitue la principale ressource stratégique des unités,

48

Dictionnaire, Le Petit Robert, Langue française, 2002, p. 2735.

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22 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

l’accompagnement au quotidien est alors primordial pour éviter ces conflits intérieurs

démobilisateurs.

Dans une équipe, la position de l’aide-soignante reste partagée. En effet entre la

délégation du nursing, les tâches relevant du rôle propre infirmier, et la prise en charge du

ménage pour pallier aux situations d’urgence ou d’absence d’agents de service, l’aide

soignante a du mal à se situer dans le travail de collaboration.

La division du travail : de la délégation au travail de collaboration

En sociologie, l’organisation du travail représente « des ensembles humains

ordonnés et hiérarchisés en vue d’assurer la coopération et la coordination de leurs

membres pour des buts donnés49 ». Au sein de l’hôpital, cette organisation permet la prise

en charge du patient dans sa globalité, dans l’objectif d’assurer des soins de qualité et en

toute sécurité. L’ensemble des activités est alors soumis à une division du travail entre

catégories professionnelles, entre professions et métiers dans une structure hiérarchique :

Les infirmières tirent leurs activités de la pratique médicale et l’aide-soignante du travail

infirmier que nous avons déjà abordé en lien avec l’historique.

La prise en charge d’un patient est réalisée par un travail d’équipe et pour qu’elle soit

de qualité, il est essentiel que chaque professionnel puisse se situer dans la chaine

d’organisation des soins. C’est dans ce contexte que les futurs professionnels aides-

soignants sont formés afin de contribuer efficacement aux soins des patients avec les

infirmiers dans le respect de leur champ de compétences. La notion de collaboration est

abordée dans le module huit du référentiel de formation et la compétence associée est celle

« d’organiser son travail dans une équipe pluriprofessionnelle50 ». Dans le cadre de cette

compétence, l’objectif principal qui dicte toute activité est clairement posé ; « identifier son

propre champ d’intervention en particulier au regard des compétences infirmières51 ».

La législation de l’exercice IDE par le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004, Art R.

4311 3, Relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier notifie

que : « Relèvent du rôle propre de l’infirmier les soins liés aux fonctions d’entretien et de

continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une

diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes… ». De même que

49

Dictionnaire de la Sociologie, Larousse 1996 50

Profession aide-soignant. Recueil de principaux textes relatifs au diplôme d’Etat. Berger Levrault.2010.p.33. 51

Ibid., p.33.

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23 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

L’article 4 Art R 4311–4 précise : « …l’infirmier peut sous sa responsabilité, les assurer avec

la collaboration d’aides-soignants, […], qu’il encadre et dans la limite de la qualification

reconnue à ces derniers du fait de leur formation… ».

De ce fait la collaboration infirmier/aide-soignant se fait à l’initiative et sous la

responsabilité de l’infirmier. Les textes définissent bien la position de subordination des

aides-soignantes dans la division du travail hospitalier. La partie historique nous a montré

combien il est intéressant de suivre les transformations des relations de travail entre aides-

soignantes et infirmières au fil des réformes en raison des définitions apportées à la fonction

d’aide-soignante et du sens donné aux termes employés qui va déterminer leur position dans

le partage des tâches. Nous avons vu que progressivement l’aide-soignante passe d’une

activité « sous l’autorité et la responsabilité de l’infirmière » (1971), à un travail « par

délégation de l’infirmière et son contrôle effectif », pour être aujourd’hui sur une pratique de

collaboration « elle travaille en collaboration avec l’infirmière et sous sa responsabilité »

(1994). Cette collaboration s’illustre dans certains services par le travail en binôme

infirmière/aide-soignante, favorisant l’optimisation de la réalisation des soins. Il permet de

renforcer le travail d’équipe, de responsabiliser l’aide-soignant tout en atténuant la charge

émotionnelle et physique des soignants.

Dans les textes, l’apparition de ce terme de collaboration en substitution des termes

de délégation et de contrôle, prétend donner aux aides-soignantes la reconnaissance d’une

compétence partagée. Même s’il est vrai que ce domaine de compétences est déterminé au

regard de la formation et non pas d’un décret de compétences (comme pour les infirmières)

qui permettrait de formaliser la fonction aide-soignante et serait un plus dans la

reconnaissance professionnelle et leur construction identitaire. L’élaboration d’un métier se

réalise à partir de la reconnaissance des activités définie par un cadre législatif mais aussi

par l’évolution des représentations d’une fonction. Cela fait plus de vingt ans que l’on parle

de travail de collaboration entre infirmières et aides-soignantes, cependant les discours

soignants véhiculent toujours le terme de « délégation » dans l’attribution des tâches.

Délégation qui signifie « le droit d’agir au nom d’un autre52 » est associée dans la

pensée au mot relégation, qui est de «maintenir dans une situation médiocre […], rejeter à

une position inférieure […], au second plan […] 53», ce qui renvoie à la délégation d’activités

moins nobles, plus dégradantes relatives au « sale boulot ». (E.R. Bautzer,2012)

52

Dictionnaire, Le Petit Robert, Langue française, 2002, p. 669 53

Ibid., p. 2227

Page 30: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

24 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Entre Rôle propre et « Rôle sale » : le sale boulot, un marqueur identitaire

Comme le souligne A.M Arborio, dans son ouvrage « un personnel invisible : l’aides-

soignantes à l’hôpital », la fonction d’aide-soignante existe qu’au travers des tâches, dites

ingrates, abandonnées par les infirmières. De ce fait, elle se pose la question de savoir si le

métier d’aide-soignante leur permet d’être un maillon de la chaîne des soins ou s’il la

cantonne à un simple rôle d’exécutant avec cette connotation péjorative, du « sale boulot »

qu’elle assure. Le terme de « sale boulot », est emprunté à Everett C. Hugues par de

nombreux auteurs. Everett Cherrington Hugues (1897-1983), sociologue américain,

s’interroge sur la division du travail et le fait que certaines tâches soient plutôt réservées à

certaines catégories professionnelles que d’autres. Il se questionne sur le genre de tâches

assumées et celles déléguées. Selon lui, chaque travail a son lot d’activités nobles et moins

nobles, moins valorisantes, nommées le « dirtywork », le « sale boulot », correspondant aux

tâches les plus basses de l’échelle sociale, n’exigeant aucune qualification et que toute

personne cherchera à déléguer à d’autres. Cette particularité prend tout son sens dans le

milieu hospitalier où les soins à l’humain vont inévitablement toucher les besoins quotidiens

relevant de l’hygiène du corps et de l’élimination naturelle des déchets organiques.

Comme nous l’avons précédemment évoqué au cours de l’historique, les médecins

vont déléguer certains de leurs actes de soins aux infirmières leur donnant ainsi plus de

prestige et de reconnaissance professionnelle. Cette répartition du travail combinée à la

recherche d’hypertechnicité des infirmières est l’élément qui fonde la fonction d’aide-

soignante par la délégation des soins d’hygiène et de confort relatifs au rôle propre à du

personnel moins qualifié sans que la collaboration soit toujours effective. Cette délégation du

« dirtywork » se fait en cascade du haut vers le bas de la hiérarchie, renforçant un peu plus

une position de relégation de certains groupes professionnels dans l’institution.

Anne Vega, dans ses écrits, renforce l’idée de désintérêt des infirmières pour leur

rôle propre : « Entre l’idéal relationnel et la valorisation d’actes techniques, conçus comme

fondement de l’expertise infirmière sur le modèle de la compétence médicale, il y a « le sale

boulot : les toilettes des patients, souvent réservé au petit personnel»54. Quant à A.M.

Arborio, cette dévalorisation sociale est d’autant plus accentuée dans cette profession

fortement féminisée car, pour l’opinion publique, cette activité est comparable à une activité

domestique réalisée par une mère pour son enfant ou soignant un proche malade. Ce serait

donc une activité naturelle, ne demandant pas de compétence spécifique, mais relevant plus

d’aptitudes féminines à la pratique du « Care » (E. R-Bautzer).

54

VEGA, Anne. Une ethnologue à l’hôpital : l’ambigüité du quotidien infirmier. Edition des Archives

Contemporaines, 2012.

Page 31: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

25 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

A cela s’ajoute la notion de « travail sale » comme critère de hiérarchisation des

catégories socioprofessionnelles. Comme le précise jean Peneff 55, « le contact avec la

saleté est un critère essentiel pour évaluer la position hiérarchique et les différences de

statut », renforcé par la pensée d’ A.M. Arborio qui précise que ces tâches « sont

socialement dévalorisées, « universellement » reconnues comme dégradantes, laissées aux

catégories sociales les plus basses56 ».

Néanmoins il est reconnu que ces tâches font partie de la compétence à prendre-

soin d’autrui, issu du concept Care, mais qui représentent encore la partie « invisible57 » des

activités. Nous constatons à travers les lectures que si les aides-soignants entretiennent une

certaine ambivalence, entre la notion de compétence professionnelle, la spécificité de leur

fonction, et les activités mal perçues en raison de la délégation d’actes infirmiers les moins

nobles, savoir prendre soin des patients est une forme de valorisation. Cependant son

invisibilité ne permet pas cette reconnaissance qui est un élément prépondérant dans

l’identité professionnelle de cette catégorie.

La notion de représentation marque indéniablement ce groupe et les inscrit dans une

classification à partir de références qui renvoient aux pratiques les moins valorisées de leur

travail, car Selon D. Jodelet, les représentations sociales, « sont un système de références,

de signification, qui permettent d’interpréter de comprendre, d’expliquer et ainsi de classer

les informations, les événements, les individus58 ».

Le concept du Care et du Cure

Marie-Françoise Collière59 définit le Care, comme « les soins coutumiers et habituels liés aux

fonctions de d’entretien, de continuité de la vie », et le Cure, comme « soins de réparation

liés au besoin de réparer ce qui fait obstacle à la vie ».

En référence à E. R-Bautzer, l’hôpital est une institution dans laquelle la division des

tâches nobles et ingrates est omniprésente donnant ou pas un côté prestigieux et valorisant

selon le métier ou la profession qu’on occupe. Le travail des aides-soignantes se fait par

délégation du rôle propre des infirmières, à savoir le nursing et l’accompagnement des

malades dans les besoins de la vie quotidienne. Les infirmières quant à elles tendent à

délaisser le Care, travail invisible, donc non quantifiable, pour se consacrer au Cure, activité

55

PENEFF Jean, L’hôpital en urgence. Etude par observation participante. Paris, Edition Métaillé, 1992, p. 59. 56

ARBORIO, Anne-Marie. Un personnel invisible : les aides-soignantes à l’hôpital. 2012. 57

ARBORIO, Anne-Marie. Ibid. 58

JODELET,D. les représentations sociales, sociologie d’aujourd’hui. Paris : Puf. 1989.P.188 59

COLLIERE, Marie-Françoise. Promouvoir la vie : de la pratique des femmes soignantes aux soins infirmiers

2003, p. 243.

Page 32: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

26 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

mesurable et plus valorisante. La répartition ainsi faite conduit les aides-soignantes à se

trouver quotidiennement très proches du patient dans une relation de soins plus singulière.

La nature des soins a considérablement changé, précise Eliane Rothier-Bautzer60, et

c’est précisément l’analyse de l’évolution historique du métier de soignants qui nous explique

comment les infirmières ont été amenées « à négliger, délaisser la dimension humaine,

relationnelle du soin auprès de malades chroniques61 ». Eliane R-Bautzer définit ce

processus par les modes d’organisation et les dispositifs de formation qui sont axés sur le

curatif, le Cure, essentiellement techniques donc de court terme, opposé aux principes du

Care, centrés sur la personne et qui se poursuit dans la durée. Pour l’auteure, les infirmières

se sont détachées du Care, pour se consacrer au Cure, seul travail visible prescrit par les

médecins, donc significatif d’une activité plus prestigieuse.

Le confinement du Care à la sphère privé, son invisibilité non évaluable, si ce n’est

que lorsqu’il est mal fait ou non réalisé sont des facteurs de dévalorisation, selon E. R-

Bautzer. Dans le contexte économique actuel, le constat est fait que nous sommes bien sur

une recherche d’efficience, quantifiable, évaluable par des indicateurs de qualité, comme

c’est le cas pour de nombreux items, mais pas pour l’activité du Care qui échappe aux

formes standardisées d’évaluation. Le Care, n’est pas dans la nature humaine, c’est le

produit d’un travail personnel et collectif, d’une culture de soins et d’une organisation qui

souligne la cohésion d’une équipe. Confrontée à la vulnérabilité d’autrui, la dispensation du

Care demande au soignant une grande compétence, précise E. R-Bautzer et la formalisation

de cette compétence serait un élément prépondérant dans la reconnaissance du travail des

aides-soignants.

Depuis 2012, le diplôme d’Etat infirmier est associé au grade de licence, avec dans la

perspective de s’inscrire dans le dispositif licence-master-doctorat, et de développer en

référence au rapport Berland « des pratiques avancées ». L’universitarisation de la

formation, les futures délégations d’actes et de compétences médicales vers les infirmiers

vont impacter leur charge de travail en augmentant le nombre de leurs activités. Ce

processus combiné à la réorganisation des services et à la rationalisation des soins

secondaires aux difficultés économiques aura inévitablement des répercussions sur les

activités des aides-soignantes en termes de répartition de tâches. Actuellement, une

réflexion est menée au niveau du ministère pour repenser une réingénierie de la formation

aide-soignante. Il sera intéressant de voir si un décret de compétences est envisagé.

60

ROTHIER-BAUTZER, Eliane. Entre Cure et Care : les enjeux de la professionnalisation infirmière. 2012 61

Ibid.p.

Page 33: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

27 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Par cette approche théorique, l’on peut comprendre l’ensemble des éléments qui

interfèrent dans le positionnement professionnel de la catégorie des aides-soignantes au

sein d’une équipe de travail ; une identité professionnelle construite en miroir de la

profession infirmière et une reconnaissance de leurs tâches peu valorisées par l’invisibilité

de la dimension du Care qu’elles sous-tendent. Leurs activités sont pratiquées dans une

position de subordination, limitant leur autonomie et leur prise d’initiatives, d’autant plus que

la répartition du travail leur attribue les tâches ingrates, les moins nobles significatives du

« sale boulot » dans les représentations sociales.

Un sentiment de dévalorisation et de manque de reconnaissance pourrait-il avoir une

incidence sur leur implication dans les projets de service ?

De par leur statut, les aides-soignantes se sentent t-elles toujours légitimes à se positionner

dans un projet d’équipe auquel participent tous les membres d’une hiérarchie bien

structurée, médecin, cadre de santé, infirmier ?

Une enquête de terrain effectuée sur deux établissements, auprès des différents

acteurs concernés nous permettra d’explorer davantage notre objet d’étude et d’infirmer ou

de confirmer les hypothèses soulevées.

Page 34: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

28 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Page 35: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

29 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

III - Méthodologie et outils de recherche

En quoi la position professionnelle des aides-soignantes dans une équipe, a t-elle une incidence sur la dynamique collaborative dans les projets de service ?

Pour explorer notre objet de recherche, il nous a paru important d’enquêter auprès de

plusieurs unités de soins, de spécialité différente, pour pouvoir distinguer la diversité des

facteurs. Tout d’abord, dans un service de chirurgie afin d’identifier si le constat initial est

retrouvé dans cette discipline particulière. En effet, certains paramètres comme les rapports

professionnels avec les chirurgiens, les anesthésistes peuvent avoir un impact sur

l’organisation et la collaboration pluridisciplinaire. De même, qu’il nous paraît important

d’enquêter auprès de services de soins tels que Soins de Suite et de Réadaptation ou

encore de Médecine pour identifier le positionnement des acteurs dans la dynamique

collaborative des deux groupes professionnels (infirmières/aides-soignantes).

Les outils utilisés ont été l’observation et l’entretien d’enquête, lors de notre stage du

module « fonction encadrement », au mois de janvier 2015, que nous avons choisi d’effectuer

en Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD), dans deux

unités distinctes. Les autres entretiens d’enquête ont été menés auprès du personnel aide-

soignant d’une unité de chirurgie et de médecine. Cette diversité dans les spécificités nous

donnera une vision de la fonction plus élargie et cette approche qualitative nous permettra

de recueillir des données mesurables et comparables entre elles.

Enfin, en phase de pré-enquête nous avons effectué un entretien exploratoire auprès

d’une cadre de santé62 , afin d’aider à renforcer la problématique posée, et de contribuer à

identifier les facteurs principaux de l’objet de recherche étudié.

Méthode de l’enquête par observation

Une approche par observation, lors de réunions institutionnelles, telles que les temps

de transmissions inter-équipes, temps de réunions, ou lors de réunions plus informelles,

comme la pause-café, a favorisé l’identification de données qu’il sera intéressant de croiser

avec les entretiens semi-directifs pour enrichir l’analyse. Cette méthode qualitative est

incontournable dans notre recherche, elle nous permet de percevoir, de saisir, lors des

échanges professionnels, les ressentis, les réactions, les propos, les attitudes ou postures

entre chaque protagoniste. Ce stage de quatre semaines dans le cadre de ma formation, a

facilité cette observation directe participante. En effet, il nous a permis non seulement

62

Annexe II

Page 36: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

30 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

« d’être physiquement présent dans la situation, la regarder se dérouler en temps réel 63 »,

mais aussi d’être intégré dans l’équipe, ce qui a été facilitant, dans la spontanéité des

échanges et des réactions. La durée de notre stage, notre positionnement, notre posture ont

été importants dans cette situation, pour assurer cette acceptation nécessaire à notre

intégration ; ainsi notre observation a été plus constructive au terme d’une semaine. En effet,

notre immersion au sein de l’équipe de travail, a favorisé la saisie de certaines situations et

des propos échangés. Il nous paraissait essentiel que cette observation repose sur des

éléments factuels, en respectant l’objectivité nécessaire ; la prise de notes s’est faite en

cours de réunions ou dans un second temps lors d’échanges plus informels.

Il nous a paru important de prendre le recul nécessaire, pour éviter d’être parasité par

nos propres perceptions en lien avec notre parcours professionnel et donner de l’objectivité.

Nous avons aussi tenu à conserver une certaine réserve dans notre intervention au cours

des réunions, afin que notre statut d’étudiant cadre ne provoque pas des réponses ou des

attitudes convenues.

Méthode des entretiens semi-directifs

L’entretien d’enquête s’inscrit dans un travail de recherche sur un versant

sociologique qui va nous permettre de percevoir et de confronter les différentes

représentations de la position du groupe des aides-soignantes au sein de l’équipe. Cette

méthode d’investigation qualitative a consisté à mener neuf entretiens, dont sept auprès

d’aides-soignantes, une infirmière, et un entretien auprès d’un cadre. Nous avons tenté, lors

de ces entretiens, de libérer la parole, pour qu’il n’y ait pas de frein dans la verbalisation de

leurs ressentis. La formulation de certaines questions étaient d’ordre général pour ensuite se

centrer davantage sur l’enquêtée, afin d’éviter que la personne ne se sente jugée et tienne

un discours attendu. Le type d’entretien semi-directif a donné une souplesse aux échanges,

une libre pensée de l’enquêtée. La conduite de cet entretien s’est faite en exerçant un

certain contrôle, en recentrant le thème abordé, en revenant sur des termes. La formulation

des consignes a aidé à introduire l’entretien et à situer le thème, en évitant d’énoncer l’objet

de notre recherche qui aurait interféré les réponses. Préserver une qualité d’écoute,

accorder une place aux silences, ont été nécessaires pour ne pas influencer la pensée, la

réflexion de l’enquêtée. De même que pour l’observation, il était important de préserver

l’objectivité de ces entretiens en ayant du recul sur nos propres ressentis. Il était primordial

de respecter toute cette méthodologie afin de ne pas brusquer les enquêtées. Nous avons

63

ARBORIO A. Marie, FOURNIER P., « l’enquête et ses méthodes, l’observation directe ».Paris. Armand Colin

Page 37: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

31 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

été surpris de voir l’intérêt porté par les aides-soignantes à cet exercice, considéré, selon

leurs dires comme une forme de reconnaissance.

L’objectif étant d’avoir un échantillon d’aides-soignantes d’activités et de spécialités

diversifiées, nous nous sommes entretenus avec sept aides-soignantes de services

différents pour obtenir par leurs expériences variées une richesse de données. Nous avons

pu interviewer en Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes,

Jennifer64 26 ans, aide-soignante par équivalence après arrêt de ses études d’infirmière.

Dans une autre unité de ce même établissement, nous nous sommes entretenu avec

Christiane 58 ans, en poste depuis trente ans et proche de sa retraite, puis Camille 31 ans,

titulaire du Bac, dans l’établissement depuis dix ans et diplômée aide-soignante depuis six

ans. Sur le nombre de personnes enquêtées, seul l’entretien de Christiane s’est fait à la

demande du cadre lors de notre stage, car elle trouvait intéressant de pouvoir avoir ce

témoignage en raison de son expérience professionnelle. Elle s’est par ailleurs facilement

prêtée à cet échange, même si une certaine appréhension était perceptible au départ.

Dans un autre établissement du département, les entretiens ont concerné quatre

aides-soignantes. La première, Viviane65 52 ans, trente deux ans d’ancienneté, exerce dans

un service d’hospitalisation de jour sur un poste aménagé, et la deuxième, dans la même

unité, Laurence 51 ans, quatorze ans d’ancienneté. Marianne, 55 ans titulaire du certificat

d’aptitude à la fonction d’aide-soignante depuis 1982, et Bérénice 34 ans, jeune diplômée

(un an) exercent quant à elles en chirurgie orthopédique.

Ce panel d’expériences d’origines et de situations différentes, ont contribué à

explorer notre travail de recherche par le fait que les acteurs ont pu parler de leur vécu, de

leur quotidien professionnel. Ces entretiens se sont déroulés dans un endroit calme, selon la

disponibilité des locaux, soit le bureau du cadre ou du médecin. Ces entretiens ont été

enregistrés avec l’accord des personnes interrogées, de telle sorte que la retranscription soit

fidèle aux propos tenus. Nous avions prévu une durée d’entretien de trente minutes environ,

rarement atteinte, et sur des temps de disponibilité des personnes, pour que l’entretien se

fasse dans les meilleures conditions.

Une des limites de cette méthodologie réside dans le nombre d’entretiens, sept, qui

ne permet pas d’apporter un regard exhaustif sur la problématique. Des réponses apportées

par certaines aides-soignantes peuvent paraître excessives, parfois brutales dans les propos

tenus, les mots utilisés, mais il était important de conserver cette authenticité, reflet de leurs

ressentis. Nous avons délibérément choisi de nous entretenir avec une seule infirmière,

64

Tout Prénom utilisé est fictif pour préserver l’anonymat de la personne enquêtée 65

Annexe IV

Page 38: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

32 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Jeanne66, au profit du nombre d’aides-soignantes enquêtées, représentatives de notre

recherche. Toutefois, il nous paraissait important de connaitre ses représentations sur la

place des aides-soignantes ; Jeanne a 24 ans et est diplômée depuis 3 ans en service de

cardiologie.

La retranscription des entretiens nous ont permis de mettre en exergue plusieurs

thématiques : l’identité professionnelle, la reconnaissance, la vocation, le travail en

collaboration et la délégation du «sale boulot », le « Care/Cure », la pénibilité au travail,

l’implication dans les projets, et enfin le rôle du cadre.

66

Annexe III

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33 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

IV - Résultats des enquêtes et analyse thématique

Nous avons tenté de dégager ce qui nous paraissait le plus pertinent pour éclairer notre

questionnement. Les thématiques identifiées ont été classées dans un tableau, auxquelles

nous avons associé les réflexions des professionnels entretenus, sous la forme de verbatim.

Dans cette partie nous associerons la synthèse des entretiens à partir d’une retranscription

de verbatim à une analyse en lien avec les thématiques abordées au regard d’auteurs.

Identité professionnelle

L’Identité professionnelle, comme le précise Sainsaulieu, se définit, par « une façon dont les

différents groupes au travail s’identifient aux pairs, aux chefs, aux autres groupes, l’identité

au travail est fondée sur des représentations collectives distinctes 67». La notion

d’appartenance à une équipe, de fédération, de cohésion est récurrente dans tous les

entretiens, et montre toute l’importance de l’esprit de groupe et de la place occupée par leur

fonction :

[...] « Y’a une bonne cohésion d’équipe, on s’entend bien, moi j’aime le travail en équipe, [...] dans

l’ensemble ça se passe bien ». (Jennifer)

[...] « On a une place importante dans l’équipe, on travaille ensemble, [...] j’me sens bien, je me

sens à l’aise dans l’équipe et moi j’ai du plaisir au travail [...] ». (Marianne)

Dans le témoignage de Bérénice, ce sentiment est encore plus fort, accentué par l’article

possessif « mon » : « [...] on est vraiment intégrées, moi je me sens vraiment intégrée dans

l’équipe, dans Mon équipe, Mon service… […] ». Cette intégration à une équipe de pairs, est

abordée par la cadre qui insiste bien sur ce fait dans l’entretien exploratoire, en montrant

l’importance de la place de ce groupe professionnel ; « […] elles ont une place quand même

importante, c'est-à-dire que… elles sont importantes, c’est pas une équipe en retrait ».Les

propos tenus par l’infirmière tendent à ne pas dissocier ce groupe des autres : « Elle a la

même place que tous les autres, j’vois pas de différence. Normalement elle a une place très,

très importante […]». Néanmoins, il existe une représentation de leur position dans l’équipe

qui est parfois négative, et le témoignage de l’infirmière l’illustre bien. Elle nous explique en

effet comment, grâce aux remplacements dans les unités de soins qu’elle a effectués

pendant ses études infirmières, son regard a changé ses représentations sur la place de

67

SAINSAULIEU, Renaud. L’identité au travail. Paris : 2°édition, Presses de la Fondation Nationale des

Sciences Politiques, 1985.p.55

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34 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

l’aide-soignante et a permis d’identifier une identité propre : « les remplacements ont changé

ma vision, qu’il y avait vraiment une identité professionnelle. J’ai compris leur rôle au sein

d’une équipe […]».

A deux reprises, nous percevons dans les entretiens, une forme de revendication de

cette appartenance à l’équipe, encore plus importante, avec cette nécessité de prouver que

leur rôle est essentiel, comme s’il n’était pas si effectif que ça pour les autres catégories

professionnelles. Deux aides-soignantes expérimentées mettent même au défi de ne pas

travailler sur une journée pour que chacun prenne conscience de la place qu’elles occupent

au sein de l’équipe.

[…] « Si on enlève une aide-soignante, ils verraient mieux …, je pense que ça fait partie du lien

qu’on peut pas enlever,[…] on ne peut pas fonctionner sans aide-soignante ». […] (Marianne)

[…] « Moi je dis toujours ; tiens il faudrait qu’on boycotte une journée, histoire de rire hein…![…]Moi

je serai prête à le faire ; là pour qu’ils prennent réellement conscience… ». (Vivianne)

L’usage d’un langage professionnel avec des codes spécifiques à chaque catégorie est

aussi un facteur identitaire que l’on perçoit dans la plupart des entretiens, à savoir des

termes professionnels soignants, un jargon médical existant aussi chez les infirmières leur

donnant un sentiment d’appartenance. Viviane est celle qui utilise le plus un langage codé

d’abréviations en lien avec ses expériences dans des unités très techniques où l’on retrouve

davantage cette singularité : « Les urg…, […] déboucher une perf..., […] les inf…, la réa…[…] ».

Cette identité est mise en conflit avec celle des infirmières, que ce soit dans les

discussions privées ou dans leur quotidien avec les patients, le terme de soignant va être

associé à l’infirmière et non pas à l’aide-soignante, ce qui ne facilite pas le fait d’exister en

tant que catégorie soignante. « C’est le manque de reconnaissance de la profession aide-

soignante qui est le plus difficile ; les médias et même le corps médical ne parlent que des

IDE68 », retranscrit Lidy Arslan au regard des propos recueillis auprès d’une aide-soignante.

Cette image est d’autant plus impactée par certains propos de patients qui peuvent

être vécus comme méprisants, même si cela ne concerne pas la majorité des entretiens,

comme le souligne Bérénice : « Entendre les patients nous dire, ça c’est votre boulot

madame ! Cela me touche […]». Ce type de propos l’affecte parce qu’il renvoie à une

fonction de service. Elle justifie néanmoins que le patient est sous le statut de client

modifiant les attendus et la relation ; « Par rapport aux patients, le patient n’est plus patient, il

est client avant tout ! ». Le fait de percevoir la relation soignant-soigné sous un aspect

« commercial », est comme un mode de défense pour éviter d’être affectée par la place

dévalorisée que lui renvoie le patient et le manque de reconnaissance sous-jacent.

68

ARSLAN Lidy. Si c’était à refaire, Les aides-soignantes. Paris. Edition Seli Arslan, 2003, p. 119

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35 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

En tenant compte de ce témoignage, il est incontournable que la reconnaissance des

patients et de leur entourage est un élément positif très marquant chez les aides-

soignantes ; « Le malade, il est content qu’on s’occupe de lui, on passe beaucoup de temps avec le

patient,… il nous remercie… […]». (Marianne)

La reconnaissance est un besoin fondamental pour chaque individu, et Christophe

Dejours dans son article69, nous explique la forme que cela prend au travail. C. Dejours est

parti d’une simple question : « pourquoi les gens se mobilisent-ils au travail ?». Sa réponse

est d’autant plus claire ; qu’en échange d’une contribution, à savoir d’un travail, les gens

attendent une forme de rétribution. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est

« surtout la rétribution morale, la reconnaissance, plus que la forme matérielle, le salaire, qui

revêt le plus d’importance ». D’ailleurs, il insiste sur ce propos en indiquant que l’on peut

toucher des salaires importants et travailler sans enthousiasme. Toujours dans sa réflexion,

il prend comme contre-exemple, les infirmières qui malgré un salaire bas, ont cette capacité

de fortement s’investir dans leur travail, grâce à une forte reconnaissance sociale. Un seul

témoignage évoquera la reconnaissance par la rétribution financière au niveau du salaire

trouvé insuffisant en raison de l’aspect ingrat du travail ; « Je trouve que cela n’évolue pas au

niveau des salaires, tout ça, ça végète, complètement ». (Laurence)

Qu’en est-il alors de la reconnaissance des aides-soignantes ? Est-elle un vecteur de leur

implication dans les projets ? Alors que le meilleur soutien dans leur travail semble être « les

collègues, le patient et la vocation70 », en référence à un témoignage de l’auteur Lidy Arslan.

La reconnaissance d’une identité professionnelle

Concernant les aides-soignantes, le sentiment de besoin de reconnaissance est très

fort. A.M. Arborio dans son ouvrage71, explique ce besoin au regard de la définition même du

métier d’aide-soignante qui est la résultante de la délégation du « sale boulot ». L’aide-

soignante compenserait alors ce manque de prestige de ses activités en valorisant la relation

quelles entretiennent avec les patients. Cette notion de reconnaissance et de gratitude par le

patient est fortement ressortie dans les entretiens, c’est un retour valorisant pour les aides-

soignantes qu’elles évoquent toutes par leurs témoignages :

[…] « Ah les patients nous le disent, ah c’est sûr, j’ai plein de compliments, des petits mots, ‘’Ah

vous êtes gentille’’, ‘’vous êtes patiente’’, ‘’vous avez le sourire’’, … ». […] (Vivianne)

69

DEJOURS, Christophe. La reconnaissance au travail : rencontre avec Christophe Dejours. 2002, p. 25-27 70

ARSLAN Lidy. Si c’était à refaire, Les aides-soignantes. Paris. Edition Seli Arslan, 2003, p. 12 71

ARBORIO, Anne-Marie. Un personnel invisible : les aides-soignantes à l’hôpital. 2012, p.73

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36 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

[…] « Quand je les vois qu’ils sont tout contents […], quand ils me disent vous êtes très gentille,

ou des choses comme ça, alors là tu as tout gagné ! ». […] (Camille)

[…] « Qu’on voit qu’ils sont heureux, et qu’ils me remercient, […] parfois les familles nous

remercient ». […] (Jennifer)

Il est alors incontestable que le regard du patient sur les pratiques et le professionnalisme de

l’aide-soignante va contribuer à renforcer leur identité. Le patient devient leur rétribution

morale (C.Dejours), leur centre d’intérêt et leur source de motivation dans la relation, ce que

Marianne met bien en évidence dans ses propos ; « le relationnel c’est très important, parce

que si on arrive pas à parler, à dialoguer avec le malade, ça peut amplifier …, plein de

choses… euh, c’est très important, et puis y’a des choses qui peuvent nous dire, qui diront

pas aux médecins, nous justement on est là, dans les transmissions, on peut servir à ça ! ».

Le témoignage de l’infirmière est également important dans la reconnaissance du travail de

l’aide-soignante qui semble complémentaire à son activité ; « on s’occupe d’une personne,

elle va avoir le même regard… euh, un regard différent mais le regard du soin, donc il va

falloir qu’elle sache dépister des choses que moi peut-être je n’ai pas vues…euh, parce que

j’suis dans mes papiers, dans mes familles. […] Je lui accorde ma confiance, on travaille

ensemble oui ». (Jeanne)

A la question relative à la reconnaissance de l’aide-soignante par les infirmiers dans une

équipe les ressentis sont partagés dans la mesure où pour certaines professionnelles la

reconnaissance existe et porte sur la prise en considération de leurs avis, significatifs d’une

complémentarité de leurs rôles respectifs, et pour d’autres elles restent toujours dans

l’attente de remerciement d’un travail effectué.

[…] « Des fois les infirmières nous demandent notre avis oui, c’est un échange… euh, notre rôle

s’imbrique dans le leur ». […] (Christiane)

[…] « On est quand même pas mal écoutées, quand y a des questions sur certains résidents, on

nous demande ». […] (Jennifer)

[…] « Des fois, il suffit de pas grand choses, que les infirmières nous disent, merci c’est sympa,

voilà ! ». […] (Laurence)

La reconnaissance des infirmiers et le travail partagé dans la collaboration sont des

éléments qui reviennent en boucle dans les entretiens. Une différence par ailleurs avec les

nouvelles générations d’infirmières est soulignée d’où parfois un sentiment de frustration.

[…] « L’infirmière ? Ouais,… ça va ! Mais vous savez moi, j’ai un caractère assez facile, je

m’adapte ! […] Pour les inf. (sic) qu’ont fait le parcours, ASH, Aide-soignante, Infirmière, oui je

pense ; les tous jeunes, tous jeunes… va falloir qu’ils apprennent ! ». […] (Viviane)

[…] « Je pense que les anciennes, elles ressentent peut être autrement, mais avec les nouvelles

infirmières, y a quand même une barrière ». […] (Marianne)

Page 43: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

37 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Marianne précisera que les nouvelles infirmières vont néanmoins s’appuyer sur leur

expériences professionnelles et la connaissance qu’elles ont des soins, de l’organisation et

de la relation aux patients dans un secteur spécifique, pour montrer l’importance de leur

fonction ; « Parfois les infirmières, même les infirmières débutantes, elles nous disent s’il y avait pas

certaines anciennes hein…, elles sont bien contentes qu’on soit là […] ».

Le témoignage du cadre de santé prend tout son sens dans ce contexte quand elle explique

comment elle peut agir pour affirmer leur rôle ; « j’essaye justement de mixer les groupes de

travail, c’est toujours et infirmières et aides-soignantes […], donc elles ont vraiment une place,…euh,

elles sont pas en dessous des infirmières, c’est vraiment un travail de collaboration, d’équipe ». Cet

exemple renforce bien l’idée que la construction d’une identité s’élabore dans la

reconnaissance par autrui de la position d’un groupe dans une équipe, ici par la hiérarchie,

en mettant en avant l’utilité de sa fonction et en le situant à un niveau de collaborateur.

L’ensemble des exemples cités dans les entretiens permet de mieux rendre compte de la

portée pour un groupe professionnel d’un travail reconnu et considéré à sa juste valeur,

notamment par sa hiérarchie, produisant le sentiment de satisfaction et de plaisir (terme

souvent repris par les enquêtées) nécessaire au maintien de la motivation :

[…] « Moi, je peux parler de maintenant, je trouve que oui, c’est lié aux gens qui nous dirigent, les

cadres ! C’est peut-être le fait qu’on a un cadre qui reconnait bien ce qu’on fait » […] (Christiane)

[…] « Parfois la cadre nous dit, ce que vous faites, je ne le ferais pas, quelque part c’est une forme

de reconnaissance. […] ça fait toujours plaisir d’entendre ça ». […] (Camille)

[…] « DR X nous a envoyé en fin d’année un petit mail en nous disant, bravo les filles, record

battu.., ben tu vois, je trouve que ça, ça fait vachement plaisir, c’est vachement important,… ». […]

(Laurence)

[…] « On fait des efforts, elle est reconnaissante. Et moi je l’ai entendue plusieurs fois nous dire,

les filles vous avez bien travaillé. Ça elle le dit, ça suffit, on n’a pas besoin de rentrer dans les

détails ! ». […] (Vivianne)

Néanmoins, même si cette reconnaissance existe, elle ne correspond pas toujours aux

attentes des professionnels qui restent dans cette représentation que leurs efforts ne sont

pas perçus au regard de l’investissement fourni ; « Pas assez par rapport à ce qu’on fait ». […]

(Marianne) - […] « Pas trop,… de toute façon, dans tout, mais ça c’est pareil partout, on dit tout le

temps ce qui va pas, on te dit rarement ce qui va, par moment tu t’donnes vachement de mal et ils le

voient pas ! ». […] (Camille)

Page 44: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

38 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Quant à leurs représentations de la direction des soins et de la direction générale, les propos

tenus concernant la reconnaissance de leur catégorie professionnelle sont très négatifs en

lien avec des différences d’objectifs, entre budget et économie d’un côté et qualité des soins

aux patients sans cesse revendiquée de l’autre :

[…] « La direction ? Ah ben non, ça euh, pff…, non j’attends rien de la direction.., parce que la

direction, alors vous voyez, moi j’dis que nos nouveaux cadres sont à coté de nous, mais alors

eux, ils sont sur une autre planète ! Parce qu’on ne parle que de chiffres, de camemberts, de

diagrammes, de couleurs, de choses que ..., pfft..., j’en ai rien à cirer ! Parce que pour moi, c’est le

soin avant tout ! Alors les bénéf… ». […] (Viviane)

[…] « Alors-là, pas du tout, alors-là, pas du tout ! C’est que des chiffres en fait. Vous avez fait tant

d’occupation de lits, tant d’entrée d’argent,…alors oui, alors là c’est clair et net ! ». […] (Laurence)

La reconnaissance a donc une dimension symbolique dans le travail des soignants, en

référence à la pensée de C. Dejours, elle permet de trouver une certaine estime de soi, de

conférer une identité propre à la fonction nécessaire au positionnement dans une équipe ;

« Cette dimension symbolique, celle qui nous fait travailler, s’exprime sous une forme

majeure : la reconnaissance. […] Grâce au travail et à sa reconnaissance, le sujet peut tirer

bénéfice de son effort, cette fois-ci pour son identité. Travailler n’est pas seulement produire,

c’est aussi se transformer soi-même72 ».

Néanmoins en parallèle de cette recherche de reconnaissance le sentiment d’avoir la

vocation pour ce travail paraît indéniable, considérée comme le soutien du métier d’aide-

soignant (Lidy Arslan, 2003).

La vocation du soignant, un sentiment identitaire

La vocation se définit non seulement par l’« inclinaison, penchant (pour une profession, un

état) », mais aussi par son aspect religieux d’un « appel de Dieu touchant une

personne,…».73 Durant les entretiens, les aides-soignantes assimilent les compétences

nécessaires à l’exercice de leur fonction à des dispositions naturelles en lien avec une

vocation ressentie ; « On est née pour faire ça ! C’est une vocation ». (Camille)

Il est intéressant de faire un nouveau parallèle avec l’historique, la genèse de leur métier. En

effet, comme nous l’avons déjà abordé, les laïques ont remplacé progressivement les

religieuses à partir des années 1900. Les futures infirmières en devenir, dont est issue la

catégorie des aides-soignantes, sont les descendantes de la communauté des religieuses.

Peut-on ainsi penser, qu’une empreinte de cette culture subsiste, au point de rester dans le

72

DEJOURS, Christophe. La reconnaissance au travail : rencontre avec Christophe Dejours. Sciences humaines. Octobre 2002, n° 131, p. 25-27

73 Dictionnaire « Le petit Robert ».Paris : VUEF.2002. p.2793.

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39 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

vocabulaire et la posture de se vouer et servir l’autre ? Cette connotation religieuse que

revêt le mot « vocation », s’appuie sur le dévouement et l’abnégation dont faisaient preuve

les religieuses auprès des patients, se définissant aussi par « un investissement total de

soi » selon Gisèle Sapiro74. De même qu’Anne Marie Arborio précise dans son ouvrage que

la dimension religieuse permettait d’accepter ce qui était ressenti comme un

« déclassement », et de valoriser le métier : « Le personnel congrégationiste assure la

moralité du milieu, assigne un objectif louable à ce travail - le service du prochain - et assure

un caractère noble aux tâches les plus déplaisantes75 […] ». Ainsi d’après A.M Arborio,

l’usage de cette notion de « vocation », permet à l’aide-soignante de supporter de travailler

dans des conditions de travail difficiles, d’admettre la prise en charge du « sale boulot », le

contact avec les souillures, et l’ensemble des aspects dévalorisés socialement.

Les propos tenus dans tous les entretiens sont révélateurs de l’intensité que revêt l’usage de

ce terme, avec cette obligation de donner de sa personne, de soi aux malades au-delà de la

motivation.

[…] « Faut aimer donner aux autres..., oui… donner aux autres…, Avoir la… je sais pas si je peux

dire… oui, la vocation, c’est ça… donner, avoir de la patience… ». […] (Christiane)

[…] « Ce n’est pas une motivation, c’est une vocation ! […] Oui, parce que c’est un métier difficile,

c’est quelque chose de difficile et il faut avoir la vocation. C’est pas je me lève le matin, j’me dis,

peut-être que je vais essayer, peut-être que je verrais ce que c’est ! Quelque part j’veux pas dire

qu’on est leur rayon de soleil, mais…euh, ils attendent après nous…, j’ai vraiment l’impression

d’être là pour eux…, « ça se voit, ça se voit, on voit quand t’aimes les gens, on voit quand t’es

bienveillant ! ». […] (Camille)

[…] « Dévouée, courageuse, aimant son travail. […] Moi j’ai toujours le même amour pour mon

travail ». […] (Marianne)

Cependant comme le souligne Anouk Grévin76, le manque de reconnaissance de ce « don

de soi », ou « d’engagement de soi dans son travail », cette part « invisible » du travail, que

l’on retrouve dans les activités du Care, reste un facteur de mal-être chez les soignants qui

pourrait secondairement faire obstacle à leur implication dans l’organisation.

74

SAPIRO, Gisèle. La vocation artistique entre don et don de soi. Actes de la recherche en sciences sociales. 2007/3, n° 168, pp. 4-11

75 ARBORIO, Anne-Marie. Un personnel invisible : les aides-soignantes à l’hôpital. Paris, 2° édition, 2012.p.51.

76 GREVIN, Anouk. Le don de soi au travail. Soins cadres. Février 2014, n° 89, pp. 35-38

Page 46: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

40 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

La place du Care et du Cure dans la répartition des tâches et les

représentations

Dans son ouvrage, Eliane Rothier-Bautzer77 analyse l’évolution historique du métier des

soignants pour développer comment ils ont été amenés à négliger, à délaisser la dimension

relationnelle du soin aux malades. Elle explique ce processus par les modes d’organisation

et les dispositifs de formation axés sur le curatif, le Cure, seul travail visible prescrit par les

médecins, reflet d’une activité plus prestigieuse. Mais selon l’auteure, « sous estimer le

travail du care, du prendre-soin, revient à mettre en péril les possibilités curatives »,

conséquence d’un manque de connaissance et de reconnaissance du Care. Elle précise que

dès 1956 la délégation des « tâches perçues comme les plus ingrates»78 a été effective. La

division du travail hospitalier a favorisé cette dichotomie entre les soins apportés aux

patients, d’une part l’aspect relationnel pour les aides-soignantes et d’autre part l’aspect

technique pour les infirmières. Les aides-soignantes, en référence à ses écrits, ont alors tiré

profit des tâches déléguées par les infirmières et ont renversé « l’aspect stigmatisant du sale

boulot en valorisant le Care », activité issue du rôle propre, s’appropriant ainsi une partie du

prestige du rôle de l’infirmière. Elles sont devenues la personne clé de l’accompagnement du

patient, par les relations privilégiées entretenues, leur conférant un « savoir profane », une

capacité à « porter une évaluation sociale sur les patients » (E. R-Bautzer, 2012). Quant à

A.M Arborio, elle précise que cette capacité à évaluer, à juger les besoins selon le statut

social permet d’apporter une réponse personnalisée aux patients, assurant un bon

fonctionnement de l’hôpital par la régulation, l’anticipation de problèmes.

Ces valeurs d’aide et d’accompagnement, ces compétences relationnelles qu’elles

revendiquent, sont des éléments importants de leur identité de soignante. Et c’est à travers

les propos recueillis que nous pouvons mesurer tout l’intérêt porté à la dimension

relationnelle dans la fonction des aides-soignantes, significatif de la partie noble de l’acte

d’hygiène et de la reconnaissance d’une position de proximité avec le patient.

[…] « Il est important, important le relationnel. […] Ils ont besoin de parler, y’en a ils sont en maison

de retraite, ils vivent tout seuls. Ils sont bien contents ici d’avoir du monde, de parler. […] C’est

hyper important. Je dirais même que c’est le numéro un avant tout ; ah ouais pour moi l’aide-

soignant c’est le numéro un, pour le relationnel. Y’a le relationnel, le sourire, les faire beaux, tu les

fais beau pour leur dignité. […] C’est un moment d’échanges, un moment où on peut échanger

avec eux, parce que le reste du temps on court, faut dire ce qui est ; y’a que ce petit moment de

toilette ces dix, quinze minutes qu’on est là pour eux, qu’on est là à les écouter et pour eux c’est un

moment où ils peuvent se confier ». […] (Bérénice)

[…] « Le soin c’est le travail, mais la relation avec les gens quoi… leur vécu ». […] (Christiane)

77

ROTHIER BAUTZER, Eliane. Le Care négligé : les professions de santé face au malade chronique .Paris, De boeck-Estem, pratique professionnelle, 2013. 78

ROTHIER BAUTZER, Eliane.ibid.p.36

Page 47: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

41 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Par ses propos, Christiane différencie la « relation » du soin, donnant à la « relation » une

dimension encore plus importante qui vient renforcer l’opposition entre le Care et le Cure.

Cette dichotomie entre les soins relevant du Care et ceux affiliés au Cure qui divise les

activités des aides-soignantes et des infirmières, est largement reprise et revendiquée par

les aides-soignantes valorisant par là même leurs activités.

[…] « Mais quand même, on a ça en plus, parce qu’au final si elle n’a pas de soin à faire sur la

personne, mis à part le matin de dire bonjour, de distribuer les médicaments, le reste de la

journée… y’a rien d’autre, donc elle, ça va être deux minutes. Tandis que nous on va mettre plus

de temps à leur consacrer ». […] (Camille)

[…] « L’aide-soignante est primordiale..., […] l’infirmière passe moins de temps auprès du patient,

[…] il peut rien faire, donc on passe beaucoup de temps, énormément, énormément de temps avec

eux. […] L’infirmière ne s’aperçoit pas toujours de la douleur du patient, même si elle passe et si

elle demande l’échelle de la douleur, nous on le sait très bien, qu’au moment de la toilette …euh,

on peut revoir le problème de la douleur, et ça se passera mieux le lendemain». […] (Marianne)

La cadre confirme dans ses propos que cette proximité avec le soigné est à

considérer comme une spécificité, une compétence de leur pratique, qu’elle est très

gratifiante pour les aides-soignantes et ainsi fera partie de leurs revendications pour

s’affirmer en tant que soignante ; « Elles ont été partantes, parce que effectivement elles

revendiquent bien qu’elles sont très proches du patient, qu’elles ont des conseils à donner aux

patients..., donc elles sont vraiment valorisées ».

D’autant plus que la relation au patient est une source d’informations précieuse qui contribue

à la qualité de sa prise en charge, ce que mettent en avant toutes les enquêtées ;

[…] « Si on arrive pas à discuter avec le malade, ça peut amplifier la douleur, ... C’est très

important et puis y’a des choses qui peuvent nous dire à nous, qu’ils diront pas aux médecins.

Nous on est là, dans les transmissions on peut servir à ça ! ». […] (Marianne)

[…] « On est quand même pas mal écoutées, quand y’a des questions sur certains résidents, on

nous demande ». […] (Jennifer)

Pour trois des aides-soignantes dont le parcours professionnel est majoritairement auprès

des personnes âgées dépendantes, nous pouvons identifier combien elles puisent la

reconnaissance de leurs activités à travers la relation qui semble permettre de compenser

l’acceptation de tâches éprouvantes ou subalternes. D’autant plus que la représentation que

porte la société sur le travail effectué auprès des personnes âgées est relativement négative.

Hélène Archambault l’explicite dans son article, relatif à la motivation pour les métiers de la

gérontologie, en insistant sur le regard que l’on donne à la vieillesse ; « La représentation de

la vieillesse est généralement associée à des déficits invalidants qui renforce l’image

négative véhiculée. […] Le manque d’attractivité pour ce secteur n’est pas nouveau.

Page 48: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

42 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

L’attractivité des professionnels en gériatrie est généralement évoqué sous l’angle des

contraintes et pourtant les satisfactions existent et alimentent les motivations de ceux qui

savent témoigner de leur implication79 ».

Les propos des enquêtées viennent corroborer cette étude par l’emploi de termes durs en

lien avec l’aspect dégradant d’une pratique qui côtoie la vielle personne et les souillures, au

regard d’une société qui dévalorise ce secteur de travail et stigmatise les professionnels.

[…] « Quand je dis que je suis aide-soignante en maison de retraite, on me dit, Ah vous avez du

courage ! ». […] (Jennifer)

[…] « Quand tu postules pour aller ailleurs, quand ils savent que tu viens de gériatrie, ben... quand

ça fait trop longtemps que tu es en gériatrie, ben les gens veulent pas de toi. [… ] En fait j’aurais

bien fait puér., infirmière puéricultrice. […] Rester aide-soignante ? Pas en gériatrie, si un jour

vraiment j’dois finir aide-soignante, je finirai aide-soignante, mais pas en gériatrie. […] La

reconnaissance, oui dans le travail, dans le milieu professionnel, … mais pas à l’extérieur ! C’est

dégradant ! Peut-être qu’eux ils le voient comme ça, moi j’le vois différemment, sinon, je postulerai

en tant qu’aide-soignante en salle de naissance. […] C’est dégradant, moi on me l’a déjà dit que

c’était dégradant. Dans le fait que l’on change les personnes, on mette des couches, faut les

changer. C’est ce côté-là, pour eux c’est dégradant qu’on lave des culs, quoi, vulgairement parlant.

[…] Aide-soignante oui, en gériatrie, non ! Parce que quand tu parles aux gens que t’es aide-

soignante en gériatrie [elle mime une mine dégoûtée], voilà comment on te regarde, pipi-caca.

Alors que c’est pas ça … , si c’est ça le travail, mais pas que ça ». […] (Camille)

Quant à Bérénice, c’est lors de sa formation aide-soignante qu’elle a aussi été confrontée à

cette représentation du travail en gériatrie par une personne référente, puisqu’il s’agissait de

la directrice de l’institut. En effet lors d’un entretien, celle-ci lui a expliqué combien cette

activité était « peu intéressante »80, allant même jusqu’à lui dire qu’elle n’avait pas encore vu

ce qu’était le « vrai métier d’aide-soignante», qu’elle découvrirait pendant ses stages.

[…] « J’ai toujours dit que je retournerai en maison de retraite, c’était mon seul souhait, forcément

c’était la seule chose que j’savais faire ! Et la directrice m’avait dit, je ne vous vois pas du tout en

maison de retraite, on en reparlera d’ici la fin de votre formation ! […] Parce qu’elle me disait que

j’étais quelqu’un de dynamique, que j’étais quelqu’un qui n’avait connu que la gériatrie, et elle me

disait, ‘’le jour où vous allez vraiment vous rendre compte du boulot de l’aide-soignante, ce qu’est

vraiment le vrai travail’’, parce que je l’ai fait en tant qu’agent, et elle me disait tout le temps, ‘’on en

reparlera’’ ! ». […] (Bérénice)

La représentation du « dirty work » pour la fonction aide-soignante est donc bien

présente. La délégation des tâches « moins nobles », les changes, les toilettes, le rapport au

corps souillé et l’entretien de l’environnement de la personne soignée donne à l’aide

soignante une position parfois ambivalente, entre l’intérêt qu’elle éprouve pour sa fonction et

l’envie de se rapprocher de l’image prestigieuse de l’infirmière dont émanent ses activités, en

79

ARCHAMBAULT Hélène. Stimuler les motivations pour les métiers de la gérontologie. Gérontologie et société, 2006/3, n° 118, p. 85-99.

80 Propos de Bérénice

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43 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

s’appropriant quelques aspects techniques du soin au détriment du Care. On peut le

remarquer dans certaines unités où des glissements de tâches existent, souvent dus à des

surcharges de travail des infirmières et des réorganisations de travail dans un contexte de

restriction. Les aides-soignantes y voient alors une forme de valorisation et de

reconnaissance, un plus dans leurs activités. Vivianne l’exprime très bien, lorsqu’elle nous

transmet ; « Elles me laissent encore quelque tâches intéressantes. […] Elles nous font confiance

par rapport au passé… euh, […] j’ai le droit de faire des dextro, j’ai le droit euh…, euh…(perception

d’une gêne)…, ben capable de déboucher des perf. en cas de besoin… , évidemment, je leur prends

pas leur rôle, mais si elles sont occupées pour une raison ou une autre, elles peuvent me

déléguer….elles me font confiance ». […]

Nous constatons une évolution actuellement concernant les actes de soins qui font

partie désormais du référentiel d’activités et de formation des aides-soignants, comme « la

prise des constantes, l’aide à la prise des médicaments » depuis 2005. Et cet accès à des

pratiques réservées avant aux infirmiers est fortement réclamé par les aides-soignantes, de

par l’intérêt que cela donne à leur travail et la reconnaissance de tâches partagées en

collaboration. Il est incontestable que ce changement est un élément motivant pour cette

catégorie professionnelle qui accède à des actes plus dignes ; « l’intérêt peut être considéré

comme une forme particulière de motivation81 ».

Les aides-soignantes, en quête de considération, tendent-elles de se distancer du

« prendre soin », de la dimension relationnelle de leur activité, qu’elles revendiquent par

ailleurs comme des compétences de leur fonction et comme un facteur identitaire afin de se

rapprocher du modèle infirmier ? Les infirmières se sont éloignées du Care, pour se

rapprocher du Cure, dont les actes sont plus valorisants car proche des activités médicales,

représentatifs du savoir de référence très prégnant dans l’institution hospitalière. Dans les

entretiens on peut retrouver cette particularité et toute l’ambivalence quand les aides-

soignantes mettent en avant l’intérêt pour les activités plus techniques, plus proches du Cure

alors que dans leurs propos elles défendent l’aspect Care de leur travail. Est-ce une crise

identitaire à laquelle les aides-soignantes sont confrontées ? Les témoignages de Bérénice

et de Camille sont intéressants à ce sujet :

[…] « Comme je le dis tout le temps, les infirmières sont, c’est pas pour critiquer, c’est des ateliers

iatrogènes, c’est la piqûre, c’est plus le côté technique. Il va être plus dans ses soins, ses

pansements. J’suis pas pansement, pas piqûre. […] A l’heure actuelle, je me dis repartir en

81

ARCHAMBAULT Hélène. Stimuler les motivations pour les métiers de la gérontologie. Gérontologie et société, 2006/3 n°118, p.88.

Page 50: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

44 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

gériatrie, alors que j’ai touché à beaucoup plus de technique ; on faisait pas de stérilisation, on

faisait pas d’état d’urgence, prise de constantes, c’était vraiment que l’infirmier. C’est l’acte et

l’imprévisible qui me manqueraient. Il aurait fallu créer des activités, que je fasse plus de choses...

En fait je me rends compte que je finissais par m’ennuyer. Et là venir travailler en m’ennuyant, là

je… Silence ». […] (Bérénice)

[…] « Mais moi par contre, je suis contente quand je fais des pansements. Je trouve que c’est valorisant et puis je suis contente de ce côté-là que les infirmières me fassent confiance, c’est sympa ! On apprend des choses ». […] (Camille)

Pour Jennifer, nous sommes confronté au phénomène inverse, elle a débuté les études

d’infirmières et les a interrompues parce que ça ne correspondait pas selon ses propos à ses

valeurs, « Pour moi c’est le contact avec les gens, parce qu’en fait moi j’ai arrêté l’école d’infirmières

et j’ai l’équivalence. J’me suis rendue compte en stage que ça ne me plaisait pas le métier

d’infirmière ; j’aimais pas tout ce qui était pansement, prise de sang. J’aimais bien m’occuper des

personnes, être avec elles… ». […]

Au regard de ces témoignages, la notion de représentation est bien prégnante et les

ressentis sur la division du travail dans une répartition des tâches sont encore bien

complexes du fait que cette activité touche à la dimension humaine donc au corps et aux

besoins fondamentaux de la personne.

Division du travail et répartition des tâches, une difficile collaboration

Everett C. Hughes est un sociologue américain qui a exploré la question de la

division du travail. Dans son étude82 sur le travail à l’hôpital, il explique comment l’arrivée de

nouvelles technologies médicales a entraîné une modification des activités de chacun avec

des délégations de tâches, de compétences, en premier du médecin à l’infirmière, et en

second de l’infirmière à l’aide-soignante pour les tâches jugées accessoires et relatives au

« dirty work », comme nous l’avons déjà abordé. Par cette dénomination E.C Hughes

distinguait les tâches socialement dévalorisées en précisant que tout métier avait sa part de

« sale boulot ».

82

HUGHES, Everett Cherringgton. Le regard sociologique. Essais choisis, Textes rassemblés et présentés par

Jean-Michel Chapoulie, Paris : Éditions de l’EHESS, 1996.

Page 51: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

45 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Comme le souligne A. M. Arborio 83, le contact avec les patients, situe les aides-

soignantes du côté des soignants sans en partager le versant gratifiant dans la mesure où

elles prennent en charge le travail délaissé par l’infirmière, qui est leur cadre de référence en

raison du rôle propre sous lequel elles s’inscrivent. Dans son article, il est bien évoqué qu’il

« existe une hiérarchie des tâches selon leur degré de prestige, de celles qu’on est fier

d’exécuter », et que pour les infirmières ce sont les tâches domestiques qui représentent

cette notion de corvée, et par conséquent du « sale boulot ».

Les aides-soignantes ont tenté de valoriser la dimension humaine de leur activité pour

occulter toute la partie socialement dévalorisée qui concerne l’ensemble des contacts avec

les déjections, l’intimité, la pudeur, les odeurs des patients dans un rapport au corps

particulier. C’est cette représentation qui est associé à la dimension du « sale boulot », avec

ses caractéristiques de pénibilité physique et psychique. Ce rapport au « sale boulot » vient

renforcer la position hiérarchique socioprofessionnelle dans les soins au sein des équipes,

« en fonction de son exposition aux souillures » comme le souligne Jean Peneff84 (vu

précédemment dans la partie d’exploration conceptuelle). Les entretiens témoignent que le

« sale boulot » représente bien une part de leurs activités mal perçues car socialement

péjoratives et que les infirmières tendent de rejeter en raison du caractère « sale » que

revêtent certaines tâches. Des jeux de mots sont perceptibles en lien avec le rôle propre,

entre tâches propres et sales, entre les tâches sales issues du rôle propre.

[…] « On a nos tâches propres, et ça ils l’ont bien compris. Parce qu’ils laissent bien leur rôle propre aux aides-soignantes. […] Un exemple concret, on t’amène le pot à pipi et puis ‘’tu peux faire la BU ?’’, donc effectivement tu peux la faire, y’a pas de souci, mais éventuellement elles peuvent le faire aussi ! […] ça répond plus aux sonnettes, ça c’est hallucinant, elles passent devant les sonnettes, elles ne répondent plus aux sonnettes ! C’est l’aide-soignante qui va se déplacer pour dire je crois que c’est pour TOI. […] Mais j’avoue qu’on sert un petit peu de larbin, eh ! ». […] (Vivianne)

[…] « Des fois ils donnent l’impression qu’on est un peu les larbins, faut dire ce qui y est, on se décharge facilement sur nous, quand elles ont pas envie de faire un truc, ben c’est nous. […] Admettons y’a un Normacol à mettre, ben ça va être l’aide soignante, l’infirmière ne le fera pas. […] Ouais, je pense qu’elles ont plus envie de toucher au « pipi-caca ». Tout simplement, c’est ça qui gêne, toucher au « pipi-caca ». On pense que parfois c’est dégradant pour elles ; les couches, tout ça non on touche plus ! On est infirmière on fait les soins, voilà. Après tant mieux, c’est plus intéressant pour elles, mais ça fait partie quelque part de leur rôle propre de base. […] Ben voilà, c’est « pipi-caca » ! C’est pas leur truc, leur truc c’est les soins, les pansements, c’est tout ça ! Ouais, moi y’a des fois, certaines infirmières, je le ressens vraiment ». […] (Camille)

83

ARBORIO, Anne Marie. Quand le “sale boulot” fait le métier : les aides-soignantes dans le monde professionnalisé de l'hôpital. In Sciences sociales et santé, 1995, vol. 13, n

o 3, pp. 93-126.

84 PENEFF, Jean .L’hôpital en urgence. Etude par observation participante. Paris, Edition Métaillé, 1992, p.p.59.

Page 52: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

46 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

L’utilisation du mot « larbin » est revenu plusieurs fois dans les enquêtes, il

correspond par définition à un « domestique, laquais, valet »85 , et nous renvoie au terme de

« servant » utilisé autrefois dans l’histoire des soignants, dont la définition que nous avons

apportée précédemment renforce cette perception d’une position de subalterne et

d’infériorité. L’aide-soignante est confrontée à une situation symboliquement dégradante à

travers ses activités d’hygiène, elle se met d’une part au service des patients, et semble

d’autre part se retrouver au service de l’infirmière en réalisant des tâches sous sa

responsabilité. Nous nous trouvons alors dans un conflit de pouvoir et d’intérêt entre les

catégories professionnelles.

Nous avons pu remarquer lors de notre stage d’observation, la réalité de la répartition

du travail entre les différentes pratiques. Dans l’unité d’hébergement pour personnes âgées

dépendantes, l’équipe a la possibilité avant de se déplacer pour répondre aux sonnettes,

d’échanger par interphone avec le résident, ce qui permet d’évaluer le degré d’urgence et les

besoins de la personne. A plusieurs reprises, nous avons pu entendre des infirmières,

répondre aux résidents par l’interphone ; « une aide-soignante va venir ». Cette situation a

été l’objet d’un conflit avec une aide-soignante qui a entendu les propos tenus par

l’infirmière. Surprise par l’intervention de l’aide-soignante, l’infirmière gênée s’est confondue

en excuses et a justifié sa réponse par une charge de travail importante. Au départ de l’aide-

soignante, la gêne de l’infirmière était encore perceptible car cette scène s’est déroulée en

notre présence. Elle s’est sentie dans l’obligation d’apporter d’autres justifications ; pour elle,

les aides-soignantes connaissent mieux les résidents, et sont donc en capacité d’apporter

« une aide plus efficace » que la leur, c’est pour cette raison qu’elle pense leur intervention

plus « logique ». Elle a néanmoins précisé que si une situation d’urgence se présente, alors

« cela devient ma priorité ». Dans cette situation, cette division entre les soins relationnels et

d’hygiène qui sont la spécificité reconnue à l’aide-soignante, et les soins de technicité,

d’urgence, distinctives de l’infirmière, est bien significative de la répartition des tâches selon

la vision de la catégorie professionnelle hiérarchiquement supérieure. (E. R. Bautzer 2012).

Nous constatons que la délégation du « sale boulot » se fait en cascade d’une catégorie à

une autre. Le témoignage de Bérénice illustre bien que les aides-soignantes ont aussi une

part de sale boulot qu’elles tendent à laisser aux agents de service ; « Parce que c’est pas…,

voilà le linge sale c’est pas mon rôle. Chacun son rôle ! Je préférerais quelque chose de …, euh…

(temps de réflexion)…, plus intéressant quoi ! ». Cet exemple est très certainement significatif du

besoin de distanciation avec la notion du « sale », source de stigmatisation, voire de

85

Dictionnaire, Le Petit Robert. 2002, p. 1463.

Page 53: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

47 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

« contagion86 », et cette propension à déléguer une partie du « sale boulot » à d’autres

catégories professionnelles. Cet aspect est bien identifié également lorsque des stagiaires

sont présents dans une unité de soins ; ils se trouvent très souvent affectés à des tâches

peu envieuses.

Enfin, au cours d’une de nos observations de l’organisation des soins sur une

matinée la déclaration d’une infirmière au sujet d’un change à effectuer avec une aide-

soignante auprès d’une personne corrobore cette image dégradante et peu motivante qu’elle

exprime par des propos que nous avons perçus très durs ; « Oui, ben, elle, on va aller la

changer, elle est dans la merde, ça me saoule le pipi-caca… ».

Comment une catégorie professionnelle peut-elle alors restés motivée dans cette

représentation et ce rapport à la saleté si souvent exprimés sous le terme de rejet ?

La notion de la diversité des activités semble être un levier et la distinction que

Christiane fait entre son activité et le travail en usine, qui pour elle est d’ordre mécanique,

éloigné de l’humain, en témoigne donnant ainsi une autre valeur à sa fonction ; « Le fait de

faire des choses, mais différentes, pas comme en usine, si vous voulez, pas toujours faire le même

travail. ». Ce besoin de diversifier les activités et rompre avec un travail répétitif, source de

lassitude, de fatigue tant physique que psychologique est identifié dans tous les entretiens ;

le bénéfice de la diversification des taches est très éloquent :

[…] « C’est beaucoup plus varié, c’est moins monotone, la diversité est intéressante… ». […] (Laurence) - […] « J’aime bien quand ça bouge, j’aime la diversité, y’a beaucoup de diversités, j’aime bien… ». […] (Marianne) […] « Ici ça va être des états d’urgence, on n’a jamais les mêmes, tous les jours ça change, on réévalue un nouveau soin puisqu’on arrive dans une chambre et on les connaît pas. […] C’est l’acte et l’imprévisible qui me manqueraient… ». […] (Bérénice)

Mais c’est aussi la recherche de diversité qui peut entraîner des glissements de tâches

valorisants ; « Elles [les infirmières] me laissent entre guillemets, encore quelques tâches

intéressantes », comme le précise Vivianne. Nous constatons qu’aucune d’entre elles n’a

employé le mot « routine », en évoquant leurs propres vécus professionnels, mais il a été

utilisé comme connotation péjorative du travail des anciennes pour faire émerger le risque de

désinvestissement en lien avec une certaine pénibilité de leurs pratiques. Le mot routine se

définit par une « habitude d’agir ou de penser de la même manière, avec quelque chose de

mécanique et d’irréfléchi87», sens qui pourrait retirer l’aspect professionnalisant des activités.

[…] « Pour les très anciennes, c’est pas pareil, c’est compliqué pour elles, c’est devenu une habitude, une routine. Elles viennent travailler parce que c’est une obligation, y’a plus de plaisir, la fatigue, physique, mentale, elles ont tellement donné pendant toutes ces année». […] (Bérénice) […] « Y’en a pour qui c’est un travail comme un autre, et puis ils arrivent le matin, ils font leur fiche de travail, et puis voilà ils repartent, et puis voilà... ». Silence […] (Jennifer)

86

VEGA, Anne. Une ethnologue à l’hôpital : l’ambiguïté du quotidien infirmier. Paris : Edition des Archives Contemporaines, 2012, p.158. 87

Dictionnaire « Le petit robert ». 2002, p.2331.

Page 54: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

48 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Entre Pénibilité du travail et Qualité des soins

La pénibilité du travail soignant, à 90% féminin, est non seulement secondaire au

rapport aux soins dévalorisés mais aussi à la charge physique, mentale et émotionnelle.

Hélène Archambault montre dans sa recherche que ces critères de pénibilité ont une

incidence sur la motivation au travail des soignants mais plus particulièrement des aides-

soignants ; « la charge physique liée à des opérations coûteuses énergétiquement touche

les aides-soignants et à un moindre degré les infirmiers (ères). […] La charge mentale

évoque des contraintes. Elle s’alourdit dès lors que les marges de manœuvre dont

l’opérateur dispose dans l’organisation sont limitées. […] La charge émotionnelle, liées aux

situations d’angoisse, de souffrance, d’isolement social des personnes et à la proximité de la

mort peut entraîner des pressions et chocs affectifs88 ». Le vieillissement de la population et

la perte d’autonomie sont souvent associés à cette problématique, génèrent de nombreux

actes de manutention, des postures difficiles et répétées, responsables de troubles musculo-

squelettiques combinés à une fatigue psychologique comme en témoignent les enquêtées.

[…] « En orthopédie, on va quand même dire que c’est lourd, les manutentions. […] Je vais dire par rapport à mon âge, peut être, peut être plus la manutention maintenant ». […] (Marianne) […] « C’est elle qui porte, c’est elle qui installe,… euh, c’est elle qui soulève, c’est elle qui porte, c’est elle qui…, Et…… pour moi c’est physique aide-soignante ! C’est carrément physique, c’est elle qui pousse les chariots de repas, c’est elle qui va aux poubelles, qui tournent les patients qui les portent ». […] (Vivianne) […] « Les personnes sont de plus en plus grabataires, alors c’est vrai que c’est un peu plus difficile, mais au niveau de la prise en charge… euh ». […] (Jennifer)

La charge psychologique, émotionnelle due au travail d’aide et d’accompagnement à la

personne avec le contact direct des corps malades, de la souffrance et de la mort sont

également abordées dans l’ensemble des entretiens. Mais ce qui ressort le plus ce sont les

agressions subies, verbales ou physiques, au cours de l’exercice de leurs activités, majorant

la pénibilité de leur quotidien.

[…] « Comme aux urg. (sic), où c’était la bagarre dans 60% des cas,… ». […] (Vivianne) […] « Eh ben parfois, on est tapées, mordues… ». […] (Jennifer)

[…] « L’agressivité des personnes, de certains patients ». […] (Marianne)

Au cours de notre enquête d’observation, nous avons été témoin d’échanges entre

aides-soignantes concernant la frustration qu’elles ressentaient par rapport à la qualité des

soins réalisés. Elles disaient que les contraintes économiques, les réorganisations de

service, les réductions d’effectif, empêchaient une prise en charge de qualité des patients,

allant à l‘encontre de leurs valeurs soignantes. « Les conditions de travail dégradées »89 ont

88

Archambault, Hélène. Stimuler les motivations pour les métiers de la gérontologie. Gérontologie et société, 2006/3 n° 118, p. 92.

89 Extrait de Notes prises au cours d’un temps d’observation du 05 Février 2015 (Salle de soins)

Page 55: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

49 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

souvent été au cœur des discussions, et cette vision de leur travail tend à provoquer une

certaine culpabilité et une remise en question avec le sentiment de « mal faire leur travail »,

voire même parfois d’être « maltraitants »90. Cette image qu’elles pensent alors renvoyer aux

patients et aux familles, leur donne une « mauvaise » représentation de leurs pratiques. En

effet le jugement négatif porté sur leur propre travail peut provoquer un problème de

reconnaissance et in fine d’identité professionnelle, comme le souligne C. DEJOURS91.

Deux aides-soignantes nous font part de situations qu’elles vivent qui ébranlent leurs

valeurs par la prise de conscience d’être bien éloignées des recommandations de bonnes

pratiques au regard du concept de bienveillance :

[…] « Je suis allée quelques fois remplacer, parce qu’on bouge un petit peu des fois, et c’est vrai que j’ai été un petit peu…, ça m’a quand même…, mince, c’est dingue, les toilettes à la vitesse à laquelle elles sont faites. C’est plus…, on prend plus le temps quoi…de,….enfin, moi j’ai constaté, euh,… j’critique pas…, tu vois la pudeur, hop, hop, on balance tout, on hop, hop ! Alors ça, ça me, .... moi je prendrai le temps de mettre un drap quoi… ». […] (Laurence) […] « Quand on arrive dans une chambre et qu’on entend une ancienne collègue qui dit, ‘’Ah elle pue encore’’, c’est quelque chose que moi j’peux pas. Là j’me dis, il faut arrêter… euh, il faut changer de métier ». […] (Jennifer)

Nous avons vu l’importance des valeurs communes dans l’élaboration de l’identité

professionnelle d’un groupe et cette confrontation à des pratiques irrecevables affecte les

professionnels à travers l’image d’un travail mal fait par des collègues d’un groupe auquel on

appartient.

La pénibilité au travail, le risque d’épuisement notamment pour celles qui ont des années

d’exercice professionnel est une réalité et ce processus n’est certainement pas à négliger

dans les unités de soins pour cette catégorie de soignants. La prévention des risques

psychosociologiques fait actuellement partie des priorités au sein des établissements de

santé, ce qui contribuera à l’amélioration de la qualité des soins et à la dynamique

collaborative d’une équipe. En effet, comment être dans le « prendre-soin », si les équipes

sont en souffrance ? Le travail de collaboration serait-il un axe de réflexion pour favoriser la

motivation au travail.

[…] « Mais pour les anciennes c’est épuisant et dans l’équipe y’en a certaines qui commencent à

être fatiguées. Ça commence vraiment à être dur pour elles ». […] (Jennifer)

90

Extrait de Notes prises lors du temps d’observation au cours d’une pause café du 02 février 2015. 91

DEJOURS, Christophe. La reconnaissance au travail : rencontre avec Christophe Dejours. Sciences humaines. Octobre 2002, n° 131, pp. 25-27

Page 56: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

50 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

La représentation du « dirty work », expression reprise à E.C Hughes, est très présente

dans les soins aux patients et serait un des facteurs de la pénibilité au travail tant par

l’aspect physique que psychique qu’elle peut engendrer mais elle est également source de

démotivation pour un certain nombre de professionnels, voire de désinvestissement. Elle

marque, en effet, fortement la répartition des tâches dans la division du travail entre groupes

professionnels.

La question de la collaboration se pose alors, comment peut-elle être effective ?

La Collaboration, un concept d’entre deux

Le contexte de travail actuel, les contraintes économiques ont une incidence forte sur

l’organisation des hôpitaux, nécessitant réorganisation et réaménagement du travail des

équipes, afin de favoriser la productivité et la performance. La prise en charge des patients

est un travail d’équipe pluridisciplinaire, qui nécessite de prodiguer des soins personnalisés

en complémentarité des compétences de chacun. Le travail en collaboration entre infirmières

et aides-soignantes est une des réponses qui paraît bien appropriée. Comme nous l’avons

vu, cette collaboration est légiférée par l’article R4311-4 92 qui détermine que collaborer c’est

« faire avec et sous la responsabilité de celui qui sollicite un professionnel dans le cadre de

ses compétences ». Cette collaboration ne peut se faire qu’au regard du rôle propre de

l’infirmière et s’exerce sous la responsabilité de celle-ci et à son initiative. Cela sous-entend

que l’infirmière est en capacité d’évaluer les compétences de l’aide-soignante pour s’assurer

qu’elle peut prodiguer les soins. Ce travail de collaboration est réclamé par les aides-

soignantes, car significatif d’une reconnaissance dans une association de compétences, et

souvent mis en avant par les infirmières. La formation tend également à initier cette

collaboration entre les deux groupes professionnels en institut, mais malgré cela nous

faisons le constat quelle n’est pas toujours effective dans les pratiques au quotidien.

Lors de nos temps d’observation, en tant qu’étudiant cadre, nous avons eu à

effectuer une démarche projet en lien avec une évaluation des pratiques professionnelles.

Nous avons dans un premier temps réalisé un audit sur les dossiers de médecine, et en

parallèle nous avons mené des entretiens auprès de quatorze agents dont dix aides-

soignantes et quatre infirmières. Le problème portait sur un dysfonctionnement à l’accueil du

patient où il s’avérait que les constantes et certaines données n’étaient pas renseignées

92

Décret 2004-802 du 29 juillet 2004, relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier.

Page 57: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

51 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

(poids, taille, directives anticipées…). L’analyse de l’enquête a démontré que les aides-

soignantes et les infirmières intervenaient à des moments différents auprès du patient, sans

concertation entre elles et s’en échanger ensemble sur les actions réalisées, pensant

chacune de leur côté que certaines tâches appartenaient à l’autre collègue et donc devaient

être effectuées par elle. La totalité des aides-soignantes a suggéré que, « la seule solution

serait de travailler en collaboration, en binôme avec l’infirmière93 ». Seules les aides-

soignantes ont affirmé ce besoin et ont exprimé leur avis à ce sujet. Quant aux infirmières

leurs propositions ont été d’ordre plutôt administratif et organisationnel.

Les témoignages des aides-soignantes semblent approuver la collaboration,

conscientes du bénéfice que ce travail commun pouvait avoir pour tous les acteurs

concernés, à savoir les professionnels et le patient lui-même. Le travail en binôme permet la

responsabilisation de l’aide-soignante, et diminue bien souvent la charge émotionnelle des

soignants. Le manque de collaboration est soumis à plusieurs facteurs, le manque de temps,

le mode de travail, l’organisation, la charge de travail mais aussi l’entente, voire l’envie qui

seront les principaux éléments mis en évidence :

[…] « Elles n’ont pas le temps, faut pas se leurrer, elles nous aident parfois, mais c’est vrai, c’est pas évident ». […] (Jennifer) […] « Mais je pense qu’elles sont prises par tellement de choses qu’on n’arrive pas à travailler ensemble. […] Certaines nous disent qu’elles voudraient bien faire des toilettes avec nous, travailler avec nous, mais elles ont pas le temps. Elles nous disent, on ferait le pansement dans la foulée ! Mais c’est tout ». (Marianne)

Le problème relationnel est régulièrement soulevé avec cette difficulté de s’impliquer dans le

travail en collaboration créant des sources de tensions entre les deux groupes, chacun se

justifiant avec ses propres raisons et sa représentation de l’activité :

[…] « Les relations avec les infirmières qui sont parfois pas évidentes…, parce que des fois, ils donnent l’impression qu’on est un peu leurs larbins, … euh y’a peut être des trucs qui vont être énervants, parce qu’elles n’ont pas, … en fait elles n’ont pas le même mode de travail : y’en a qui vont t’aider, y’a des supers infirmières qui vont faire des toilettes le matin, qui vont t’aider, tout ça ; et d’autres qui font surtout pas de toilette ! ». […](Camille) […] « C’est plus pareil de toute manière, c’est plus pareil on a l’impression qu’elles connaissent plus le travail de l’aide-soignante ; ouais…ouais, c’est bizarre, ben je sais pas moi en pneumo on travaillait en binôme, l’infirmière, l’aide-soignante, là…, j’ai pas vu… ». […] (Laurence) […] « Moi j’ai commencé à travailler, j’ai binômé « infirmière/aide-soignante », donc évidemment on faisait tout ensemble, c’est mon seul regret, mais c’est vraiment dommage, on travaille chacun dans son coin. Bon après les infirmières dès que j’ai quelque chose à leur dire, je leur dis et vice versa, y’a aucun souci ». […] (Marianne)

Cette notion de binôme est exprimée à plusieurs reprises. La définition que l’on attribue à

ce terme est ; « Condisciple avec lequel on effectue des travaux pratiques94 », à savoir

d’effectuer à deux des actions issues des mêmes enseignements, porteuses du sens et des

93

Extrait du travail d’enquête au cours du stage effectué en janvier 2015. 94

Dictionnaire, op.cit. p.259.

Page 58: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

52 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

valeurs professionnelles. Les propos de l’infirmière, Jeanne, prouvent combien ce binôme

est positif et valorise la place de l’aide-soignante dans sa pratique ; « d’une manière

générale l’aide-soignante c’est un peu le bras droit de l’infirmière, parce qu’on collabore avec

elle, on lui délègue des soins […], donc je pense que la représentation de l’aide-soignante

par l’infirmière c’est ça ». Dans son discours, on voit l’importance de reconnaître les

compétences de l’aide-soignante qu’elle considère comme « son égal », donc plus dans une

position de subordination, mais dans un travail partagé :

« Moi j’adore collaborer avec elles. Je pense qu’elle est des fois même l’égale, il va falloir qu’elle

sache dépister des choses que moi peut-être j’ai pas vues, … euh, je lui accorde ma confiance,

on travaille ensemble. […] La plupart du temps elles sont valorisées, puisqu’elles changent leurs

activités. Pour elles, elles sont contentes parce qu’elles vont faire de la prise en charge globale,

comme elles n’ont pas toujours l’habitude de faire ». […](Jeanne)

Elle précise aussi combien cela est bénéfique pour entretenir des relations humaines et donc

professionnelles de qualité ; « Les relations humaines vont intervenir, elles vont intervenir un petit

peu ; parce que comme en plus on est en binôme, qu’on est vraiment très, très proches ». Même si

cette « promiscuité peut quelque fois générer des tensions »(Jeanne). Il est en effet démontré que

« la notion de la subordination au cœur des relations interprofessionnelles, génère des

relations conflictuelles entre professionnels, rendent les coopérations et les collaborations

difficiles95 », les conflits d’intérêt et de pouvoir étant toujours sous-tendus, Selon Crozier et

Friedberg (1992).

La diversité des soins, le partage de connaissances, l’implication plus importante

dans le processus de prise en charge du patient, valorisent les aides-soignantes : « quand

elles font le nursing toute seule, elles voient un peu moins la prise des constantes, la surveillance de

l’administration des médicaments, la surveillance générale du patient, euh… elles participent un peu

plus » (Jeanne). Cet exemple est révélateur de l’importance du travail en binôme pour la

reconnaissance des compétences, pour apprendre à travailler ensemble et donc maintenir

des relations professionnelles basées sur la confiance. Le partage de connaissances, ces

regards croisés sur le travail auprès du patient donnent une perception de pratiques

partagées assurant une reconnaissance mutuelle. Ainsi le rôle de l’aide-soignante prend tout

son sens.

95

GONNET F., LUCAS S. L’hôpital en question(s), un diagnostic pour améliorer les relations de travail,

Paris :Editions Lamarre.2002

Page 59: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

53 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Enfin, un travail de collaboration ne fait que regrouper les deux éléments principaux

d’une prise en charge de qualité, le Care et le Cure, qui comme le dit E. R-Bautzer, sont

indissociables, au risque de « mettre en péril les possibilités curatives »96. Le patient peut, en

effet, souffrir d’un travail de collaboration inefficace, d’un binôme inexistant.

Or, Il a été démontré que la collaboration est un élément nécessaire dans l’organisation,

dans un objectif d’efficience des soins. Elle permet aussi l’humanisation des soins, une prise

en charge sécuritaire, et une meilleure coordination du travail d’équipe dans une dynamique

collaborative. Le problème semble néanmoins reposer sur le positionnement des aides-

soignants par rapport à leur collaboration avec les infirmières. Le fait d’assumer le « sale

boulot » de l’infirmière, d’exercer sous son contrôle, d’avoir cette vision d’un rôle de

subordination, peut provoquer un manque de reconnaissance et de conflits de pouvoir qui

favoriserait le processus d’éloignement entre les deux catégories professionnelles.

L’implication dans les projets à partir d’une dynamique collaborative

Un projet de service, comme l’agence nationale d’évaluation et de la qualité des

établissements et services sociaux et médico-sociaux97 (ANESM) le détermine dans ses

recommandations de bonnes pratiques professionnelles, suppose l’élaboration, la rédaction

et l’animation au sein d’une équipe. Le projet définit ses objectifs, « notamment en matière

de coordination, de coopération et d’évaluation des activités et de la qualité des prestations,

ainsi que des modalités d’organisation et de fonctionnement 98 ». Il est par ailleurs considéré

comme « un outil dynamique99 » et de fédération d’une équipe. Nous mesurons donc

l’importance portée sur le sens à donner aux projets, par la mise en place d’objectifs, et la

nécessité de coordination et de coopération qu’ils sous-entendent. Il est précisé que ces

projets ont également comme finalités « de donner des repères aux professionnels100 ». Ces

recommandations soulignent la nécessité d’une « participation active de toutes les parties

prenantes101 », mais aussi « que les professionnels sont des ressources clés pour nourrir le

projet de service d’un savoir collectif interdisciplinaire […]. Des groupes de travail permettent

la représentation et la contribution de toutes les fonctions des professionnels102 ».

L’étymologie de la notion de dynamique est intéressante à analyser dans la complémentarité

96

ROTHIER BAUTZER, Eliane. Le Care négligé : les professions de santé face au malade chronique. Paris : De boeck-Estem, pratique professionnelle, 2013.

97 http://www.anesm.sante.gouv.fr/IMG/Anesm_synthese-bleu-PE-PS.pdf. p.1

98 Ibid. p. 1

99 Ibid. p. 1

100 Ibid. p. 1

101 Ibid. p 2

102 Ibid. p 2.

Page 60: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

54 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

et le lien avec le terme de projet qui a pour origine latine le verbe projicere qui signifie « se

projeter en avant103 », tandis que la dynamique vient du grec dunamis ; « relatif à la notion

de force », désignant les « Forces orientées vers un progrès, un développement »104. Au

regard de tous ces principes énoncés et de la terminologie des mots eux-mêmes, la

participation, le partage, et l’implication de tous les acteurs dans une démarche projet sont

essentiels.

Mais, la recherche actuelle d’efficience et les restrictions économiques des

établissements, confrontent les équipes soignantes à des paradoxes entre productivité,

performance et qualité des soins, freinant le processus de la dynamique de projet en termes

de réorganisation de travail et d’amélioration des pratiques professionnelles. La mise en

place de protocoles et procédures pour donner un cadre de référence et permettre

l’évaluation met les aides-soignantes face aux critères de qualité d’une tâche ou d’un geste

« bien fait », provoquant alors un sentiment de mal faire leur métier dans ce contexte.

Comme le précise Yves Clot105, dans l’environnement au travail, les injonctions

contradictoires (quantitatif/qualitatif), le manque de temps, le rythme de travail, tout un

ensemble de facteurs, provoquent l’insatisfaction de la soignante. Il souligne que l’écart entre

« le travail de qualité », le résultat attendu par l’employeur, et la qualité du « travail ou de

l’activité », déstabilise le salarié. L’auteur précise, « la souffrance n’est pas d’abord le

résultat de l’activité réalisée. C’est ce qui ne peut pas être fait qui entame le plus. La

souffrance trouve son origine dans les activités empêchées106[…] ». De par ces

contradictions, le travail qui devrait être une source d’épanouissement et de réalisation de

soi, devient une source de frustrations. De ces frustrations, des tensions peuvent apparaître

au sein des équipes107, provoquant la résistance au changement et aux projets qui

supposent des modifications de travail. Pourtant pour répondre à des restructurations

incontournables aux contraintes économiques, l’engagement de tous, quelle que soit la

catégorie professionnelle, dans une dynamique collaborative, paraît essentiel ; « L’efficience

hospitalière dépend pourtant de l’engagement de ses professionnels et ce qu’ils soient

directeurs, soignants, managers ou médecins108 ». Le management du cadre pour impulser

cette démarche participative du groupe prend alors toute sa place par l’impact positif qu’il

aura ou pas sur la motivation des agents à être impliqués dans le processus de projet.

103

GAFFIOT Félix, Dictionnaire Latin Français. p. 1251 104

Dictionnaire Le petit robert. 2002 p. 808 105

CLOT Yves. Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux. Paris : la découverte, 2010 106

CLOT Yves, ibid., p.165 107

LALLEMENT M. Le travail sous tension. Paris : édition Sciences humaines. P.125 108

GONNET F., LUCAS S. L’hôpital en question(s), un diagnostic pour améliorer les relations de travail,

Paris : Editions Lamarre.2002

Page 61: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

55 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Nous pouvons remarquer à travers les discours des entretiens que l’implication dans

les projets n’est cependant pas effective pour tous ; Bérénice et Jennifer confirment

l’ambivalence, « pas toujours.. », […] « pas tout le monde », tandis que Christiane affirme la

nécessité d’être partie prenante, « Ah oui ». Par rapport à cette particularité, le cadre

interrogée soulignera qu’en fonction des personnalités, et de sa connaissance de l’équipe,

elle met en œuvre des stratégies pour les intégrer aux projets ; « Oui en fonction des

personnalités, […] j’ai quand même des leaders, des gens qui se positionnent très facilement. [… ] J’ai

été cherchée certains quand même !». Les aides-soignantes précisent bien que cet

investissement n’est pas le résultat de leur propre initiative, mais qu’elles doivent être

sollicitées ; « […] moi, je pense qu’il faut quand même nous solliciter, ouais, ouais,… » (Laurence).

Nous revenons là sur la question du positionnement d’un groupe professionnel qui ne

s’autorise pas à prendre sa place au regard d’un autre groupe qui ne lui permet peut-être

pas toujours de la prendre ; est-ce une question de marge d’autonomie ?

L’intérêt qu’elles portent au projet semble partagé, « y’en a qui s’y intéressent pas »

précise Jennifer, ou elles n’en ressentent ni l’envie, ni le besoin, comme le précise Jeanne

l’infirmière : « Je pense qu’il y a un versant personnel, par exemple la personne n’a pas envie de le

faire, euh..., ne ressent pas le besoin,… ».

Pourtant toutes les enquêtées mettent bien en avant les bénéfices qu’elles pourraient en tirer

à titre personnel ou collectif ainsi que pour les patients.

[…] « Ça nous permet des fois de réfléchir à ce qu’on fait et de se remettre en question ». […] (Jennifer) […] « On est là pour bosser, pour faire avancer les choses, quoi ! », « on est tout le temps entrain de revoir les protocoles, de voir ce qu’on peut apporter de plus dans le service,… ».[…] (Camille)

Dans les propos, nous pouvons identifier un côté inévitable d’implication dans les projets,

dans la mesure où elle semble le plus souvent être la conséquence d’une directive. Nous

pouvons distinguer alors combien l’absence de sens donné à un projet et d’objectifs selon

les problématiques, les sujets concernés et leurs représentations ne sont pas mobilisateurs.

[…] « Je m’implique au niveau du linge, je sais pas où ça va me mener, mais enfin bon, je suis impliqué ». […](Vivianne) […] « Parce que le linge sale ça m’intéresse pas trop ! ». […] (Camille) […] « Parce que les gens sont pas…, un manque de motivation, un petit peu… ». (Laurence) […] « Non, on nous a apporté le projet et on l’a suivi ». […] (Marianne) […] « Mais je pense que c’est l’envie ; ça peut être des problèmes personnels, des sujets qui ne l’intéressent pas ou elle n’en voit pas le retour, l’intérêt pour le patient ». […] (Jeanne)

Bérénice, quant à elle, a une vision secondaire de la place donnée à l’aide-soignante au

regard de la hiérarchie et de la collaboration vis à vis de l’infirmière ; « Pas toujours ; si elle a

son mot à dire, elle va le dire quand même, la cadre l’écoutera, par contre c’est plus l’infirmier qui est

impliqué. […] Nous, on va nous poser la question, savoir ce qu’on en pense, […] mais en premier

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56 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

c’est l’infirmier qui va être sollicité ». Alors que la perception de l’infirmière (Jeanne) est

différente, soulignant l’importance de leur participation aux projets de par leur appartenance

à l’équipe ; «Elle va avoir sa place à part entière, pour faire des propositions que d’autres ont pas

remarqué, ont pas pensé.».

Ces réflexions soulignent l’importance d’apporter du sens, d’expliciter l’intérêt d’un projet,

pour rendre acteurs les professionnels en percevant le bénéfice secondaire et maintenir

cette motivation nécessaire dans le processus du projet. La démotivation est un terme

prégnant dans les entretiens significatif d’un contexte de travail difficile ou mal perçu par les

aides soignantes et représente un des aspects qui contribue à ne pas prendre part aux

projets.

[…] « Parce que les gens sont pas, un manque de motivation, un petit peu…, mais y’a peut être aussi un ras le bol, à ce dire moi j’ai fait mon boulot, maintenant… ». […] (Laurence) […] « Y’en a pour qui c’est un travail comme un autre, et puis y arrivent le matin, ils font leur fiche de travail, et puis voilà ils repartent, et puis voilà ». […] (Jennifer) […] « Les projets c’est juste des actes… ». […] (Vivianne)

L’infirmière renforcera l’idée que si l’intérêt au travail de projet n’est pas discerné par

le professionnel il devient alors un frein à son implication : « Après c’est aussi des personnes,

elles viennent travailler, elles travaillent et elles ont pas compris qu’il y avait autre chose que faire des

toilettes, qu’il y avait autre chose qui était aussi intéressant, d’autres activités aussi intéressantes ».

La cadre interrogée insistera sur la nécessité d’impliquer en responsabilisant les aides-

soignantes sur certains axes du projet en lien avec leurs compétences mais aussi leurs choix

parce ce que c’est un travail de collaboration ; « Elles sont forces de proposition…, dans les

groupes de travail c’est pareil, elles ont vraiment une place : la prise en charge des patients, les

transmissions ciblées, l’urgence. Moi j’ai essaie de les responsabiliser. Elles sont impliquées un peu

dans tout… ».

Donner du sens, c’est faire de telle sorte que les choses aient une raison d’être, dans

un objectif commun de travail. La cadre viendra corroborer cette idée en introduisant la

position même de l’encadrement : « Je crois que ça vient aussi du cadre. Euh…, parce

qu’effectivement les aides-soignantes si tu ne les valorises pas, si tu leur montres pas

l’intérêt, si tu leur dis pas, « voilà on a tous des bonnes idées », elles vont rester plus en

retrait. […] Voilà à partir du moment où tu vas présenter tes projets, vers quoi on va, les

indicateurs, leur donner les objectifs, les pourquoi, elles sont partie prenantes, elles

démarrent comme les infirmières, elles sont pas…euh, mais je pense que moi, à mon avis ça

vient de l’encadrement ».

Nous avons démontré précédemment que la reconnaissance est un facteur prépondérant de

la motivation, et les aides-soignantes mettent bien en évidence l’importance qu’elles

accordent aux responsabilités qui leur sont attribuées :

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57 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

[…] « On est toute responsable de quelque chose ». […] (Camille) […] « Je vais à la piscine avec les patients, je fais partie de certains groupes de travail,…, du groupe des soins palliatifs…, c’est important ». […] (Jennifer) […] « Y’a pleins de choses, ben notamment parce que j’en fais partie, dans tout ce qui est projet d’hygiène ». […] (Camille)

La cadre insiste alors sur la nécessité de communiquer avec les aides-soignantes

pour expliquer les injonctions et/ou les directives à prendre ; « Je pense qu’il faut expliquer

les choses, on a des injonctions, c’est, voilà, trouver avec l’équipe des moyens, justement ;

effectivement parfois on peut avoir peu de moyens, comment on peut faire ? C’est vraiment

trouver des solutions ensemble, et je pense qu’il faut être transparent vis-à-vis de l’équipe ».

Elle nous transmet aussi la vigilance à avoir à ce sujet, de responsabiliser les aides-

soignantes, de reconnaître leurs compétences, et de travailler sur la collaboration des

groupes professionnels pour favoriser leur implication dans les projets de service.

Nous avons retrouvé cette même configuration au cours de notre stage

d’observation, où nous avons identifié combien le rôle du cadre était important dans le

ressenti de l’équipe sur leur place dans l’organisation des soins. Le management exercé

dans cette unité favorise leur intégration à la réflexion institutionnelle sur l’amélioration des

pratiques. Le cadre a responsabilisé les aides-soignantes en leur proposant de participer à

des groupes de travail sur la qualité et l’amélioration des soins. Dans les échanges, elles

affichaient une certaine « fierté » d’avoir été associées à cette réflexion, d’être reconnues

comme des acteurs de la vie institutionnelle. Elles avaient aussi pris conscience que « cela

les changeait des tâches quotidiennes », et que « les propositions de réorganisation »

qu’elles avaient faites « avaient facilité leur travail109 ». L’élément essentiel, dans tous ces

témoignages, c’était non seulement la participation mais surtout la sollicitation qui était

appréciée et vécue comme une reconnaissance de leurs compétences à mettre à

contribution d’un projet initié. Il est vrai que le contenu de certains projets va davantage

cibler la pratique infirmière, mais l’aide-soignante au titre de la collaboration aura toujours sa

place dans la mesure où leurs activités croisent et viennent en complémentarité de celles de

l’infirmier. D’autant plus que demander leur avis et faciliter leur prise de parole, est une forme

de respect, de reconnaissance du groupe dans une dynamique d’équipe.

C’est ce que souligne Jeanne l’infirmière ; «Elles ont des activités différentes des

infirmières, mais elles ont un avis important parce qu’on parle d’une équipe, ça a beaucoup

d’importance ». Nous pouvons constater, par cet exemple, que ce n’est pas tant la

participation au groupe de projet qui est capital, mais c’est la réflexion suscitée, le partage

109

Extrait de notes prises lors du temps d’observation au cours de la réunion d’équipe du 30 janvier 2015

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58 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

entre tous les acteurs du soin, la dynamique d’équipe dans le processus, le collectif de

travail qui va permettre de mutualiser les connaissances et les expériences de chacun vers

un objectif de sens commun. Les groupes de travail sur notre terrain d’observation ont été

constitués par des groupes mixtes, infirmières et aides-soignantes et c’est ce brassage qui

était apprécié par les aides-soignantes, qui soulignaient combien cela « renforçait l’esprit

d’équipe, et même souvent au-delà de l’aspect professionnel »110, il touchait la sphère de relations

plus personnelles, puisque des « relations amicales s’installaient ».

Ces participations l’ont toutes étaient sous la forme du volontariat, sans aucune obligation. Il

est vrai que la spécificité de l’EHPAD avec la stabilité de l’équipe sont des facteurs

facilitants. Un exemple permet de clarifier nos propos ; un groupe a proposé des listes de

patients dont la charge de travail était équilibrée pour chaque binôme constitué le matin.

L’activité de soins auprès de chaque patient avait été calculée au plus juste entre les

patients dits dépendants et ceux considérés comme autonomes. Ces listes étaient revues et

repartagées régulièrement par les équipes d’aides-soignantes, favorisant la diversité des

patients pris en charge, et un équilibre au niveau de la charge de travail. Cette implication, et

un sentiment d’équité dans cette nouvelle organisation de répartition des tâches semblaient

appréciés par tous les acteurs, d’autant plus que le résultat contribuait au respect de la

qualité au travail.

Par ces témoignages, l’on mesure combien l’identité de chaque groupe contribue à

une dynamique collective constituant l’unité d’une équipe incontournable dans l’implication

de chacun. De même que les projets, quels qu’ils soient, sont essentiels pour le

fonctionnement d’un service de soins, les retours sur le collectif par l’amélioration des

pratiques, mais aussi sur la qualité des rapports entre les groupes au sein de l’équipe sont

contributifs à l’évolution du travail.

La dynamique à travailler ensemble est un levier à s’engager dans des projets institutionnels

mais la position du groupe des aides-soignantes est encore subordonnée à la logique de

division du travail111 et des jeux de pouvoirs dans une organisation.

Le statut social et le niveau de qualification des aides-soignantes est-il un élément contributif

à cette difficulté de positionnement ?

110

Ibid. 111

ROTHIER- BAUTZER, E. Le Care négligé : les professions de santé face au malade chronique. Paris : De Boeck/Estem, 2013. p. 72

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59 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Le niveau de qualification d’une catégorie professionnelle en évolution

Eliane Bautzer démontre dans son étude qu’au niveau de la division du travail

« domine encore une hiérarchisation nette entre des tâches et des activités qui relèvent de

personnels aux origines sociales différentes112 », déterminant un ordre établi où se dessinent

des clivages entre les groupes. Selon les études et les résultats de la DRESS (Juin 2006), les

aides-soignantes « sont souvent enfants d’ouvriers ou d’agriculteurs, avec une baisse pour

le second cas de figure. Ces professionnels sont rarement des enfants de cadres supérieurs

ou d’artisans commerçants mais la proportion d’enfants de professionnels intermédiaires est

à la hausse113 ». Ces données peuvent être intéressantes pour l’analyse de notre sujet car le

niveau social, scolaire, intellectuel et de qualification professionnelle semble entrer en jeu

dans la capacité que peuvent avoir ces personnes à se positionner dans une équipe et à

s’engager sur des projets. Le manque de connaissances et leur niveau de formation ne

paraissent pas leur donner d’une part la légitimité et d’autre part occasionnent des

appréhensions en termes d’écriture ou de restitution orale d’un travail à mener d’où des

réticences. Nous avons pu constater ces difficultés lors de nos entretiens dans le

développement de leurs idées, l’argumentation, les réponses sont restées, en effet, assez

courtes malgré les relances et un entretien initialement prévu sur trente minutes a été mené

en quinze, vingt minutes environ.

Un autre élément donc qui apparait dans les entretiens et qui a un rôle dans le

jugement de la compétence et de la construction de l’identité professionnelle, se situe dans

la formation de l’aide-soignante et de leur niveau d’instruction. L’analyse des talons

identitaires des aides-soignantes interrogées montre que pour quatre d’entre elles leurs

parcours scolaires s’arrêtent au niveau de la troisième et pour deux il se poursuit d’un cursus

préparatoire par un BEP et CAP carrière sanitaire et social. Le compte rendu du conseil

technique d’un institut de formation aide-soignante de notre région d’origine transmet

également dans son bilan 2012/2013 que 70%114 avaient un niveau d’études inférieur au

Baccalauréat avec 35% des candidats sans diplôme. 25% des élèves ont été amenés à

repasser en deuxième sessions cinq modules sur huit en lien avec de réelles difficultés

d’apprentissage ; mémorisation, analyse de situation et écriture.

[…] « On a pas beaucoup d’études non plus…, faut dire que euh…, moi j’ai arrêté tôt mes études,

j’étais en difficulté faut dire » . […] (Christiane)

112

Ibid. p. 72 113

Ibid. p. 72 114

Rapport consulté après accord de la responsable pédagogique de l’IFAS ; Bilan 2012/2013 présenté au cours du conseil technique d’octobre 2014 – Région Haute Normandie

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60 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

[…] « On fait un véritable bourrage de crâne aux élèves aides-soignantes (en formation). C’est trop

toutes ces études ! Bien sûr, il est important de connaître les termes médicaux mais je trouve que

c’est trop technique. Je suis peut-être dépassée…115

». […] (Assia Sabraa)

Néanmoins on assiste, selon le rapport statistique de la DRESS (Annexe I), à une

évolution des niveaux d’études qui pourrait devenir une source de division dans ce groupe

par la diversité actuelle des trajectoires des aides-soignantes ; « 48,3 % inférieur ou égal au

niveau baccalauréat et 43.2 % Baccalauréat ou supérieur au niveau Baccalauréat ».

Lors des entretiens, de nombreux propos d’anciennes aides-soignantes se

préoccupaient de la formation et du recrutement des futurs professionnels. En effet, leurs

regards étaient critiques sur les capacités que pourraient avoir ces nouvelles recrues à être

dans le prendre-soin auprès des patients, dont les motivations à exercer ce métier avaient

bien changé et ne reposaient plus sur « la vocation », d’autant plus que pour la plupart elles

ne relevaient plus de la promotion professionnelle.

[…] « Alors au niveau de l’école d’aide-soignante, pour moi la motivation des filles n’est pas la

même ! Pour moi il faudrait que l’école d’aide-soignante ça reste une promotion professionnelle.

C’est toi qui – veut – aller – de - l’avant [a bien distingué tous les mots],que là maintenant quand tu

décortiques un peu le passé des filles, ben y’a un peu de tout ! Alors t’as des gens motivés,

heureusement qu’il en reste, y’en a d’autres, « ben c’est ça, on me paye ma formation, je fais ça en

attendant, on verra bien.. », voilà y’a de tout, y’a de tout, et ça quand tu t’occupes des gens… […]

Pour moi y’en a …alors, vocation, oui quelque part, il faut que ça reste, faut vouloir s’occuper des

gens. Parfois…, il faut avoir la patience, faut avoir…euh, non faut le vouloir ; moi j’dis que ça se fait

pas comme ça ! donc l’école d’aide-soignante, ça devrait rester une formation professionnelle, et,

et …, et peut-être… ». [Silence] (Viviane)

Il est vrai, si l’on se réfère aux statistiques116, que les nouvelles aides-soignantes

n’ont plus le même profil social, à savoir d’origine populaire, avec un parcours scolaire

différent d’un niveau baccalauréat voire plus. De ce fait, selon A.M Arborio, les carrières

peuvent être « immobiles, […] au sommet de la hiérarchie du personnel de service117 » pour

les plus anciennes, ou verticales « comme un palier intermédiaire118 » avec l’accession au

grade d’infirmière, pouvant créer ainsi un clivage dans l’équipe aide-soignante.

L’universitarisation des études infirmières, l’augmentation des activités médicales avec des

probables transferts d’activités dans le cadre des protocoles de coopération, vont avoir

également des effets sur les activités des aides-soignantes. Déjà certaines formations sont

115

ARSLAN, Lidy. Op.cit . p. 279 116

Voir annexe N°I- « Statistique DREES » 117

ARBORIO, A.M. Un personnel invisible : les aides-soignantes à l’hôpital. Op.cit., p.294 118

Ibid.

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61 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

proposées, comme « assistant de soins en gérontologie » à l’initiative du plan Alzheimer, ou

des diplômes universitaires sur les soins palliatifs par exemple. Un protocole de coopération

infirmière-aide-soignante a été validé par la Haute autorité de la santé (la HAS), pour

« l’élimination fécale »119. Nous pouvons noter que cette activité reste proche cependant de

l’aspect stigmatisant du contact avec les souillures, peu valorisant pour la fonction des aides-

soignantes. Il nous paraissait important de remarquer que ces nouvelles activités, exceptée

celle de « l’assistant en gérontologie », ne leur permettent pas d’avoir pour encore une

majoration de salaire.

L’augmentation du niveau d’études et la perspective d’évolution en termes de formation, de

carrière et de spécialisation pourraient donner une autre dynamique à cette fonction avec un

renforcement de la collaboration pluridisciplinaire, une valorisation de leurs compétences, un

positionnement différent dans un collectif de travail et par conséquent dans les projets de

service et institutionnels.

119

Avis N°2014.0105/AC/SEVAM du 22 octobre 2014 du collège de la haute autorité de santé relatif au protocole de coopération n°54.

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63 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Conclusion

Le projet de l’institut de formation des cadres de santé120 vise à développer chez

l’apprenant des compétences en termes « d’anticipation, d’adaptation et d’engagement »,

pour lesquels il est précisé qu’il est incontournable d’une part de « prendre en compte les

évolutions de l’environnement et être réactifs face à l’actualité, […] d’être attentif aux

différentes logiques des partenaires », et d’autre part de « mobiliser son expertise

professionnelle au service du management […] 121». Cette formation inscrit l’étudiant cadre

dans le processus de professionnalisation, et toute la réflexion menée à travers la réalisation

de ce mémoire y contribue. En effet, l’écriture réflexive est le moyen de formaliser sa pensée

et de mettre des mots sur des situations explorées à travers des auteurs de différents

courants et des entretiens menés auprès de professionnels. Elle ouvre au questionnement,

permettant ainsi la prise de recul nécessaire à l’analyse et à la compréhension des

phénomènes, des enjeux dans les relations notamment entre les groupes professionnels au

regard d’un contexte environnemental. En effet, le cheminement de la réflexion suscitée par

la rédaction de ce mémoire, nous a permis de mieux situer et comprendre la position de

l’aide-soignante dans une équipe au regard de la division du travail expliquant en partie leur

capacité à s’engager dans un projet de service où la dynamique collaborative est essentielle.

Ce travail de recherche a mis en exergue combien la place de chaque catégorie

professionnelle dans une équipe était complémentaire pour optimiser le fonctionnement

d’une unité et ainsi répondre aux critères de qualité des soins dispensés au patient. La

gestion d’une unité de soins nous avait confronté à cette difficulté de positionnement des

aides-soignantes dans les projets de service orientant notre objet de recherche sur la

question suivante ; « En quoi la position professionnelle des aides-soignantes dans une

équipe a-t-elle une incidence sur la dynamique collaborative dans les projets de services ? »

Les hypothèses de départ ciblaient la posture de retrait des aides-soignantes qui ne favorise

pas leur implication dans les projets, de même que la représentation de leurs activités liées

aux soins d’hygiène, associées au « Care comme occupation déléguée122 », ne facilite pas la

reconnaissance de leur identité professionnelle.

Ce mémoire a permis d’apporter un éclairage sur la spécificité de la fonction de l’aide-

soignante, et de confirmer les hypothèses avancées. En effet, la restitution des entretiens et

120

Projet pédagogique IFCS Sainte-Anne. p.11 121

Ibid. p.11 122

ROTHIER-BAUTZER Eliane, Op cit., p. 73

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des temps d’observation confrontée aux auteurs nous a permis de mieux comprendre les

difficultés de ce groupe au sein des institutions.

Nous avons posé le constat que cette catégorie professionnelle, créée par

l’administration hospitalière, est fortement marquée par son histoire. Leurs activités, la

fonction d’aide et d’accompagnement, émanent d’une répartition de tâches dans la division

du travail avec les infirmiers les plaçant dans une position de subordination au regard

d’actions relevant du « sale boulot » (E.C Hugues). Ainsi nous pouvons dire que les aides-

soignantes exercent une activité mal représentée dont la délimitation selon les textes

réglementaires reste encore floue, constituée de tâches issues de la délégation du rôle

propre des infirmiers. Néanmoins ces tâches dévalorisées sont identifiées au concept de

Care, en référence à E. R-Bautzer, et sont à l’origine de paradoxes pour les aides-

soignantes. En effet, la dimension humaine sous-tendue est le principal axe de revendication

de leur identité professionnelle, mais reste par son aspect socialement dévalorisé l’une des

causes de leur mal-être. Nous avons remarqué au travers de l’analyse des entretiens, que la

valorisation des compétences est essentielle mais que ce groupe professionnel souffre de

cette délégation au « sale boulot ». En effet, nous avons pu évaluer la représentation

péjorative qu’ont les aides-soignantes sur leur fonction, le manque de reconnaissance

ressenti, et l’impact sur la construction de leur identité. Notre travail d’exploration a montré

combien le manque de reconnaissance et d’autonomie pouvaient être un obstacle à leur

positionnement dans une équipe engendrant des attitudes de retrait, des résistances et une

difficulté à s’engager dans les projets du moins à leur propre initiative.

Le rôle du cadre prend toute son importance dans l’accompagnement de ce groupe

et la place qu’il va permettre aux aides-soignantes de prendre dans une équipe, en

considérant leurs compétences et leurs valeurs. Le sens donné aux objectifs du projet et aux

actions associées va participer à inciter les professionnels à s’y inscrire même si des

appréhensions subsistent en raison d’un manque de confiance dans leurs capacités et de

prise de position. Il est, en effet, défini que leur niveau de qualification est peu élevé et que si

leurs expériences et leurs aptitudes leur confèrent des compétences et une expertise de

soins auprès de la personne dans les unités, leur champ d’activités reste encore limité dans

une logique de division du travail où il est bien difficile de bousculer les ordres établis ; ainsi

les responsabilités et les marges de manœuvre sont réduites.

Néanmoins, au regard de l’évolution démographique et du vieillissement de la

population, de l’augmentation des maladies chroniques et du suivi des patients à domicile,

d’une élévation des problémes de dépendance, le besoin en aides-soignantes va

considérablement se faire sentir. Une réingénierie de la formation est actuellement en cours

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avec la perspective d’un décret de compétences et d’un rôle propre en vue d’élargir leurs

activités, significatif d’une identité professionnelle plus définie. Les transferts de soins

techniques qui s’envisagent (exemple, du prélèvement capillaire), auront sans doute un

certain impact sur le cœur de leur métier basé essentiellement sur les activités du care et il

sera nécessaire de renforcer les modalités d’articulation Care/Cure dans le partage des

tâches avec l’infirmier. Ce groupe professionnel risque t-il de perdre une part de leur identité

professionnelle au regard de cette quête constante de reconnaissances au travers d’actes

dits « techniques », plus proches des activités médicales qui confèrent cette valorisation

sociale depuis l’histoire de la profession ?

L’écrit d’E. R-Bautzer123 donne à réfléchir quand elle avance que « le Care, le social, le

chronique, l’attention aux personnes, c’est donc bon pour les déshérités, les femmes, les

étrangers et les étudiants médiocres ». L’évolution du niveau des études et de qualification

tendra donc à éloigner cette catégorie de personnes de cette représentation de groupe

infériorisé par leur parcours social et scolaire qui marque depuis toujours leur identité.

Alors leur position dans une hiérarchie instituée pourra peut-être trouver toute sa légitimité

dans un collectif de travail.

123

ROTHIER- BAUTZER, E. op. cit. p. 73

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Nationale des Sciences Politiques, 1985. - SOREL Maryvonne, WITTORSKI Richard. La professionnalisation en actes et en

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- ARCHAMBAULT Hélène. Stimuler les motivations pour les métiers de la gérontologie. Gérontologie et société, 2006/3, n° 118, p. 85-99.

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- DURAND, Sandra. Les risques psychosociaux. Soins cadres. 2014,n°89,pp.1-8

- GREVIN, Anouk. Le don de soi au travail. Soins cadres. Février 2014, n° 89, pp. 35-38

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- LALLEMENT M. Le travail sous tension. Paris : édition Sciences humaines. P.125 - NIGEON. Anne. Les facteurs d’implication et de satisfaction au travail chez les aides-

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Mémoire en ligne

- MOLINIE Eric. L’hôpital public en France : bilan et perspectives. Avis et rapports du

Conseil Economique et Social.2005, p. 274.

Textes à portée juridique

- Arrêté du 23 janvier 1956 portant création d'un certificat d'aptitude aux fonctions d'aide

soignant et d'aide soignante dans les hôpitaux et hospices publics ou privés.

- Arrêté du 22 juillet 1994 relatif à la délivrance de l'attestation d'aptitude aux fonctions d'aide-soignant et de l'attestation d'aptitude aux fonctions d'auxiliaire de puériculture aux ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

- Arrêté du 22 octobre 2005 relatif à la formation conduisant au diplôme d’aide-soignant.

- Décret du 27 Juin 1922, portant institution de brevet de capacité d’infirmières

professionnelles - Décret n° 81-448 du 8 mai 1981 relatif aux conditions d'autorisation et de prise en

charge des services de soins à domicile pour personnes âgées.

Page 76: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

70 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

- Décret n°2007-1301 du 31 août 2007 relatif aux diplômes d'aide-soignant, d'auxiliaire de puériculture et d'ambulancier et modifiant le code de la santé publique.

Pages Web

- http://www.actusoins.com/14214/aides-soignants-vers-un-nouveau-statut.html

[ en ligne] [page consultée le 30/04/2015]

- legifrance.gouv.fr [en ligne] [page consultée le 30/04/2015]

- sante.legibase.fr [en ligne] [page consultée le 30/04/2015]

- http://www.anesm.sante.gouv.fr/IMG/pdf/reperes_reco_projet_etablissement_anesm.pdf

[ en ligne] [page consultée le 03/05/2015]

- http://www.anesm.sante.gouv.fr/IMG/Anesm_synthese-bleu-PE-PS.pdf. p.

Page 77: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

71 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

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72 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

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I

MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

ANNEXE I

Statistique DREES, d’après Steve Jakoubovitch, La formation aux

professions de santé, n° 165, février 2012,p.38 - Annexe I

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MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Annexe I

Statistiques 2010 du ministère de la santé concernant les caractéristiques des

inscriptions en formation aides-soignantes :

o Répartition des élèves par âge :

o Origine sociale des élèves :

Age (année de naissance) Pourcentage %

20 ans et moins

(nés après 1990)

14,8

21-25 ans

(nés entre 1985 et 1989)

27,3

26-30 ans

(nés entre 1980 et 1984)

15,5

31 ans et plus

(nés avant 1980)

42,1

Non réponse 0,3

Total 100

Catégorie sociale Pourcentage %

Agriculteur 3,2

Artisan, commerçant 10,3

Profession libérale, cadre, professeur,

ingénieur

10,8

Profession intermédiaire administratif

Technicien, agent de maîtrise

6,3

Employé administratif, employé de

commerce, agent de service

37,9

Ouvriers 18,7

Inactifs 3,7

Non réponse 9,1

total 100

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I

MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

o Niveau d’étude :

Niveau d’étude ou diplôme le plus élevé

Femmes

Pourcentage %

Hommes

Pourcentage %

Inférieur ou égal au niveau bac,

Dont BEP sanitaire et social 48,3 46,2

Baccalauréat et plus,

Dont diplôme du supérieur 43,2 47,5

Non réponse 8,5 6,3

Total 100 100

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- 1 - MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

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II MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

ANNEXE II

Guide entretien, entretien exploratoire cadre de santé

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1 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

GUIDE ENTRETIEN CADRE DE SANTE

1. Quelle position, quelle place les aides-soignantes ont dans l'équipe ?

2. Quels sont les projets dans lesquels elles sont impliquées ?

3. En rapport avec leur champ de compétence ?

4. Les sentez vous impliquer dans les projets?

5. Si oui par quels moyens y êtes-vous parvenue? reconnaissance, motivation,

responsabilisation...

6. Si non, à votre avis, quels sont les éléments qui font que les AS s'impliquent dans les

projets dans le service de cardiologie ?

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2 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

ENTRETIEN EXPLORATOIRE (40 minutes)

Entretien exploratoire fait auprès d’une cadre de santé d’un service de cardiologie, constitué

de 23 lits de médecine, 8 lits d’USIC avec une activité d’angiologie et de rythmologie.

Enquêteur : quelle est la place des Aides-soignantes dans l’équipe ?

Enquêtée : elles ont une place quand même importante, c'est-à-dire, que, comment te

dire…[silence] comment te dire, non, elles sont importantes, c’est pas une équipe en retrait

les aides-soignantes,, elles sont forces de proposition, euh même avec les médecins, elles

osent dire aux médecins ce qui ne va pas. Dans les groupes de travail c’est pareil, elles ont

vraiment une place, j’essaye justement de mixer les groupes de travail, c’est toujours et

infirmières et aides-soignantes, pour tous les groupes, que ce soit »la prise en charge des

patients » « les transmissions ciblées » « l’urgence », on a fait une thématique « urgence »,

donc elles ont vraiment une place…euh, elles sont pas en dessous des infirmiéres, c’est

vraiment un travail de collaboration et d’équipe.

Enquêteur : Vous parlez de groupes de travail, justement, donc leur implication est

automatique, ou vous sentez qu’il faut les relancer, ou en fonction des personnalités,

Enquêtée : oui, en fonction des personnalités. Donc dans l’équipe, j’ai quand même des

leaders, des gens qui se positionnent très facilement, après tout le monde est impliqué,

d’une façon différente. Mais je j’étais cherché certains quand même, pour les valoriser, car il

ya des gens qui sont plus en retrait. Mais, non non , c’est une équipe qui est ouais, ouais

Enquêteur : Donc, vous disiez des projets. Donc là vous m’en avez énuméré certains.

Les tous derniers que vous avez mis en place, dans lesquels se sont-ils impliqués ? il

y avait « l’urgence », vous me disiez….

Enquêtée : oui, la thématique, donc tout ce qui était urgence, on avait revu aussi « le dossier

de soins ». là par exemple le dernier projet ou les aides-soignantes, vraiment, vont s’intégrer.

C’est qu’on va faire des ateliers « diététique », binôme aide-soignante/diététicienne. On

commence à les mettre en place en janvier. Donc j’ai quand même trois aides-soignantes qui

se sont portées volontaires, qui sont vraiment partie prenantes du projet.

Page 87: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

3 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Enquêteur Et justement par rapport à ce projet, comment elles l’ont ressenti, quand

vous leur avez proposé ?

Enquêtée : ben, elles ont été partantes, tout à fait partantes, parce qu’effectivement elles

revendiquent bien qu’elles sont très proches du patient, qu’elles ont des conseils à donner

aux patients ; c’est un travail complémentaire avec l’infirmière ; c’est pareil, le

positionnement, donc j’ai eu deux infirmières qui ont eu, par exemple, la formation 40H sur

l’éducation thérapeutique, mais qui vont plus aller sur les signes d’appel, le traitement, et

toute la partie hygiène, hygiène de vie, c’est les aides-soignantes qui vont le faire. Donc elles

étaient euh.., elles étaient vraiment valorisées.

Enquêteur : Je voudrais bien que vous reveniez sur cette activité, c’est pendant leur

moment de travail, est-ce qu’elles sont détachées pendant des demi-journées ?

Enquêtée : le projet, ça va avoir lieu pendant le travail, puisque c’est au quotidien, et on a

décidé de faire des petits ateliers de 13h30 à 14h15.ce sera généralement des filles qui

seront de matin et qui pourront se décrocher pour aller avec la diététicienne. Vous valorisez

vraiment en plus elles sont avec la diététicienne, c’est reconnue par les infirmières, voilà

c’est vraiment un travail d’équipe.moi je trouvais que c’était intéressant parce que souvent,

« l’éducation thérapeutique, on voit « l’IDE », et je pense qu’on oublie un peu trop les aides-

soignantes.

Enquêteur Surtout qu’elles ont un rôle d’éducation. Justement est-ce qu’il y a des

projets dans lesquels elles sont plus impliquées que d’autres ou alors c’est assez

égal, ou vous pensez que c’est plus quand c’est dans le relationnel, dans

l’accompagnement ?

Enquêtée : Alors en règle générale, quand même elles sont plus dans l’accompagnement,

mais malgré tout, je vous dirais, peut être que c’est dû aussi à la cardiologie, mais le coté

urgence par exemple, vous avez des AS, l’autre fois il y en a une qui m’a dit « Séverine », le

chariot il a été descelle », vous voyez ce genre de choses, elles sont pas toutes comme ça,

mais elles ont des réflexes dus aussi à la pathologie ; mais sur la thématique, elles vous

disent nous aussi on a un rôle. Alors effectivement elles vont vérifier le chariot d’urgence

avec l’IDE, mais elles te disent qu’en cas d’urgence, si l’IDE leur demande une sonde

d’intubation, elles sont en capacité de la sortir. pour faire gagner du temps.je pense aussi en

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4 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

toute franchise que ça vient aussi du cadre, « quelle place on donne à l’aide-soignante »

elles savent très bien leurs limites, elles n’iront pas faire des choses, qu’elles n’ont pas le

droit de faire, mais je pense que, voilà on fait partie d’une équipe et les AS , elles ont un rôle

à jouer.

Enquêteur Donc par rapport à leur champ de compétences pour les projets dans

lesquels ils sont impliqués…

Enquêtée : alors justement on va revoir, parce que ça c’est une problématique en cardio,

c’est l’ECG, parce qu’elles font des ECG…..glissement de tâche…..elles font des ECG, la

DSI est au courant, on en avait déjà parlé avec l’autre DSI. En général elles le font quand

l’IDE est occupée, vraiment si le patient décrit une douleur et aussitôt elle en réfère à l’IDE,

mais ça c’est un peu une dérive de la cardio. Elles savent que ça fait pas partie de leur

champ de compétences,

Enquêteur :Est-ce que leur motivation est la même ? doivent elles être plus

motivées ?

Enquêtée : moi je te dirai Non, l’équipe que j’ai actuellement NON, Non alors est ce que ça

vient aussi du fait de la place que tu leur donnes ? Mais moi j’ai pas une équipe qui baisse

les bras, elles sont intéressées, Non j’ai pas eu à les booster ;

Enquêteur : Justement par quel moyen les intéressez-vous, même si vous avez

répondu à la question en partie ?

Enquêtée : c’est ça, c’est de voir que tout le monde peut amener quelque chose dans le

projet, c’est vraiment remettre le patient au centre de l’équipe, voilà quand tout le monde

connait son champ de compétences, je pense qu’on peut tous avoir quelque chose à dire sur

un projet pour mieux prendre en charge le patient .

Enquêteur : Est-ce qu’il y a des choses pour lesquelles elles sont plus demandeuses,

par rapport à de nouveaux projets, à des choses dans lesquelles elles pourraient

s’impliquer, pour lesquelles elles seraient plus demandeuses ?

Enquêtée : non, bon après on des référents douleur, ben tu vois , moi j’ai essaye de les

responsabiliser. Elles ont impliquées un peu dans tout.

Page 89: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

5 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Enquêteur : Justement tout à l’heure on échangeait et vous me parliez, actuellement

des problémes des équipes qui sont un peu, euh.., est-ce que justement le fait d’avoir

cette responsabilité, d’être réfèrent, est-ce qu’elles se donnent les moyens, du moins

elles se donnent les moyens, est-ce qu’elles acceptent d’aller aux réunions qui parfois

se font en dehors du temps de travail

Enquêtée : oui, elles le font

Enquêteur : Elles le font, y a aucune restriction, y a aucune…

Enquêtée : (qui m’interrompt), non parce qu’à partir du moment, parce que je pense aussi

elles sont référentes, elles savent très bien, elles ont un rôle à jouer, et donc c’est

naturellement qu’elles me disent « ben voilà y a une réunion » par exemple « référent

hygiène »,on cale le planning, c’est aussi leur donner les moyens ; c'est-à-dire essayer de

les aider pour changer le jour, mais généralement elles voient ensemble, donc….je n’ai pas

de grosses problématiques. J’ai pas une équipe qui traîne les pieds.

Enquêteur : Et c’est dû à quoi, à la spécificité du service, dû au…., comment vous

pourriez l’analyser, votre regard par rapport à ça. Par exemple, si vous connaissiez

une unité où les aides-soignantes ne sont pas du tout impliquées, et si vous faisiez un

parallèle avec ça, qu’est-ce qui peut changer entre ces deux unités.

Enquêtée : alors c’est très personnel, je crois que ça vient aussi du cadre. Euh, parce

qu’effectivement les aides-soignantes si tu ne les valorises pas, si tu leur montres pas

l’intérêt, si tu leur dis pas « voilà on a tous des bonnes idées » elles vont rester plus en

retrait. La population aide-soignante c’est quand même des personnes qui sont, .qui va falloir

les solliciter peut être davantage, voilà à partir du moment où tu vas présenter tes projets,

vers quoi on va, les indicateurs, leur donner les objectifs, les pourquoi, elles sont partie

prenantes, elles démarrent comme les infirmières, elles sont pas….mais je pense que moi, à

mon avis ça vient de l’encadrement.

Enquêteur : Justement en filigrane vous parliez pour la population aide-soignante de

la difficulté de prendre la parole, ou d’écrire, là dans les transmissions elles sont

présentes, elles sont…

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6 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Enquêtée : (qui m’interrompt), elles sont présentes

Enquêteur : elles sont présentes, elles font leur transmissions, ce n’est pas les

infirmières qui font leur transmission ?

Enquêtée : ah du tout, elles font leur transmission, là on est passée aux transmissions

informatisées, ça pas été un problème, j’avais un peu de crainte, et finalement non, elles s’y

sont mises, rarement j’entends une aide-soignante dire à une infirmière « est-ce que tu peux

noter », aux transmissions orales, elles sont là elles le disent, surtout pour les problèmes

d’alimentation elles sont beaucoup, quand même tournées sur l’alimentation, la douleur, ben

voilà la prise en charge du patient, euh..non, non elles sont parties prenantes dans les

transmissions.

Enquêteur : Justement, par rapport à toutes ces particularités, est-ce que vous en tant

que cadre vous avez les capacités d’obtenir des formations qu’elles demanderaient ou

est-ce que vous avez des restrictions par rapport à ça qui pourraient impacter sur leur

motivation.

Enquêtée : sourires…non parce que moi je me suis positionnée fortement en leur disant que

je leur donnerai leur formation. Sur toutes ces années, il y a qu’une formation que j’ai

annulée, c’était pour une infirmière parce que j’avais vraiment pas le choix. Moi je m’arrange,

parce que je trouve que la formation, c’est quelque chose de très important pour qu’ils

restent motivés, qu’ils rapportent des choses, et là je pense que là aussi on a vraiment un

rôle à jouer, il faut faciliter les formations ; et généralement le fait d’avoir comme ça des

référents font que c’est important aussi, parce qu’un référent il faut lui donner les moyens,

parce qu’effectivement si un référent douleur n’a pas eu de formation douleur ça risque

d’être difficile. Donc il faut s’engager aussi avec l’agent en disant voilà, la formation vous

allez l’avoir. Je pense que c’est important.

Enquêteur : D’accord, les rapports entre aides-soignantes et infirmières dans l’équipe,

est-ce que vous sentez que depuis quelque temps les rapports ont changé, en moins

bien, plus agressifs ou pas, ou bien justement de par tout ce qui est mis en place dans

le service, vous sentez qu’il y a quand même une certaine sérénité, une certaine unité

dans l’équipe ?

Page 91: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

7 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Enquêtée : en règle générale, il y aune sérénité dans l’équipe, franchement… bon là j’ai eu

un cas particulier, une personne qui a pris la parole, mais c’était vraiment un cas.. avec une

infirmière. Autrement non, y a pas de, pas de scission dans l’équipe, y a vraiment, c’est une

équipe, où les aides-soignantes je te dis, même avec les médecins, l’aide-soignante peut se

permettre de dire quelque chose avec le médecin, ça sera pas mal pris par l’infirmière, y a

pas de ….comment je pourrais dire ,[silence quelques secondes], y a pas de rivalité, ça

c’est sûr, je pense que chacun a son rôle à jouer et les deux se respectent. Quand elles vont

déjeuner, elles vont chercher les infirmières er vice versa, voilà il y a, je dirais, une bonne

ambiance, ouais.

Enquêteur : Par rapport aux problémes actuels, au niveau des injonctions, avec les

problèmes économiques, est-ce que vous ressentez que parfois dans l’équipe, il y a

des résistances ou dans les propos. Est-ce que vous sentez qu’il y a des mentalités

qui changent, est-ce que ça impacte dans la relation dans l’équipe, sur le travail ?

Voilà votre analyse par rapport à ça ?

Enquêtée : alors c’est sûr que …. Nous on a pas été très, très impacté par la baisse des

effectifs, parce qu’on était déjà au minimum ; donc c’est déjà plus facile. Au minimum, pour

autant je pense qu’il faut expliquer les choses, on a des injonctions, c’est, voilà, trouver avec

l’équipe des moyens, justement ; effectivement parfois on peut avoir peu de moyens,

comment on peut faire, c’est vraiment trouver des solutions ensemble, et je pense qu’il faut

être transparent vis-à-vis de l’équipe. Effectivement je pense qu’il peut être un peu facile de

dire, « on a pas le temps » ; alors ce qui nous, nous a pris beaucoup de temps c’est le

dossier informatisé, qui nous en prend encore beaucoup, et là les infirmiers c’est difficile,

mais…non, je pense qu’il faut être transparent, transparent avec l’équipe, pas leur mentir,

voilà leur dire vers quoi on tend et voir comment ensemble on peut trouver la meilleure des

solutions. tu as un esprit d’entraide, si elles n’ont pas beaucoup de travail, elles vont aller

facilement aider en neurologie, tu vois il y a des choses qu’ont changé…euh…non voilà je

pense qu’il y a l’esprit d’entraide, elles sont assez aidantes.

Enquêteur : Tout à l’heure, on parlait d’arrêt de travail qui étaient plus importants,

alors comment vous pouvez l’expliquer ; est-ce que c’est une fatigue psychologique,

une fatigue physique, ou si d’après vous, vous êtes dans un contexte, c’est jamais le

meilleur des scénarios, mais comment vous pourriez l’expliquer alors ? Est-ce qu’il y

a une contagion avec les problémes des autres unités qui viennent un peu…

Page 92: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

8 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Enquêtée : oui, je pense que oui, c’est plus une histoire de contagion, il y des problémes

réels de mal de dos, de choses comme ça ; c’est vrai que peut être, mon sentiment c’est que

les gens on a l’impression qu’ils sont un peu plus fragiles, qu’avant, mais bon après, mais

c’est quand même des personnes qui sont pas très âgées qui ont des problémes de dos, des

problémes d’épaule, alors que malgré tout on a un lève malade électrique, bon voilà y a des

choses qui se sont améliorées, des formations, voilà…après je pense que c’est un peu

sociétal aussi, c'est-à-dire que, on a beau dire on est dans une société de loisirs, on oublie

aussi quelques fois certaines choses, on doit faire des weekends…mais je souffre pas, oui je

souffre d’arrêt comme ça, des arrêts maladie ; pas de choses extraordinaires….

Enquêteur : Bon après c’est difficile, de faire le rapport, mais vous n’avez pas d’arrêt

de travail réactif ? C’est-à-dire un moment vous avez eu un clash, vous avez eu un

problème…

Enquêtée (me coupe la parole) non l’autre fois j’ai pensé que j’aurais pu avoir, et non la

personne était là. A ma connaissance j’ai pas eu de choses, parce que ça arrive, ça peut

clasher comme ça, non, j’ai pas de ….alors j’ai eu une personne, c’est pas réactionnel, c’est

assez difficile, voilà avec une nouvelle aide-soignante nouvellement arrivée, donc c’est lourd

à gérer, euh, qui contaminerait un peu l’équipe, non, j’ai pas de chose, euh….je peux pas

dire, j’ai une équipe….C’est pareil, je leur dis toujours, je vous appelle(remplacement

absentéisme)vous me dites oui vous me dites non, vous avez une vie privée, mais répondez-

moi, c’est ce qu’elles font facilement, elles me répondent « je peux pas », je comprends.

Voilà, comme je te disais, à partir du moment où il y a de la transparence, où on est

honnêtes, ça se passe relativement bien.

Page 93: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

9 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

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10 MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Page 95: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015 III

ANNEXE III

Guide entretien, entretien infirmière (Jeanne)

Page 96: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Guide entretien infirmière

Quelle représentation avez-vous du métier d’aide-soignant ?

Quelles sont ses activités ?

Quelles relations de travail avez-vous avec les aides-soignants ?

Dans le cadre du travail en collaboration, quelles sont pour vous les compétences que vous

attendez chez l’aide-soignant ?

Quelle est pour vous la place, la position de l’aide-soignante dans l’unité ?

Talon identitaire : âge, diplômes, année du diplôme d’Etat, ancienneté dans le service

Page 97: La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle

MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015 V

Jeanne-Infirmière en cardiologie. (35 minutes)

Quelle représentation ont pour vous les infirmières de la fonction aide-soignante ?

L’interviewée : d’une manière générale l’aide-soignante c’est un peu le bras droit de

l’infirmière, parce que on collabore avec elle, on lui délègue des soins. Normalement elle est

pour nous d’une grande importance, donc malgré tout elle s’occupe beaucoup du nursing de

soins de confort, mais on sait de toute façon qu’elle le fait sous notre responsabilité ; donc je

pense que la représentation de l’aide-soignante par l’infirmière c’est ça.

Je vais revenir, sur ce que vous avez dit « malgré tout elle s’occupe du nursing »,

c'est-à-dire ?

L’interviewée : du coup , bras droit , parce que c’est des soins de notre rôle propre et donc

on les délègue à elle, c’est quand même…on lui donne de l’importance puisqu’on lui accorde

notre confiance, elle fait les soins de nursing au plus près des patients, forcément c’est des

soins importants, ils sont sous notre responsabilité, qui peuvent avoir aussi des

conséquences euh……

Et donc pour vous, votre représentation de la fonction aide-soignante ?

L’interviewée : je pense que c’est celle là, mais elle est encore plus importante parce que

moi j’adore collaborer avec elles. Je pense qu’elle est des fois même l’égale, je sais pas si

ça se fait de faire un classement, c’est pas un classement, mais je lui accorde ma confiance.

On s’occupe d’une personne, elle va avoir le même regard, un regard différent mais le

regard du soin, donc il va falloir qu’elle sache dépister des choses que moi peut être j’ai pas

vues, parce que je suis dans mes papiers, dans mes familles, tout ça, et elles si par

exemple, la poche urinaire est pleine je vais la vider , c’est des choses comme ça qui sont

importantes. Voilà, pour moi il faut que l’aide-soignante je lui accorde ma confiance, on

travaille ensemble. Normalement j’ai pas besoin de tout vérifier, même si je suis responsable

de ce qu’elle fait, je vais pas aller vérifier derrière elle par exemple, elle a fait le change, je

vais pas vérifier derrière elle le change.

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MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Quelles sont leurs activités dans l’unité, les activités des aides-soignantes ?

L’interviewée : elles s’occupent des soins d’hygiène et de confort, des toilettes le matin, les

aides les pesées, les shampooing, les préparations des repas, les installations, euh….après

elle font , elles continuent avec les changes l’après-midi, mais elles font aussi,..parce que

nous l’après-midi on binôme, on fait ensemble les sorties, voilà… on fait le binôme l’après-

midi : on fait les sorties ensemble, elles vont prendre les constantes, et puis le relationnel…

C’est important, vous me parlez de binôme, c'est-à-dire qu c’est une organisation qui

est instaurée dans le service ?

L’interviewée : ouais, ouais, l’après-midi, normalement pour toute l’après-midi, comme à

l’USIC, on binôme du matin jusqu’au soir, en cardio en médecine c’est ce qu’on a fait ;

L’organisation se fait comment, c’est intéressant ? c'est-à-dire que lorsque les

transmissions sont prises, l’infirmière et l’aide-soignante partent en même temps ?

L’interviewée : voilà ! on s’organise toutes les deux pour nos 16 patients ; toujours en mon

nom, alors c’est ce que je fais, et je peux pas dire que toutes les font. C’est une organisation

de service, normalement elle devrait se faire, mais elle est toujours adaptée, ça dépend

aussi de la charge de travail, de l’un comme de l’autre, des sorties ; si c’est pour délaisser

sa collègue en plein milieu du tour parce que du coup, l’une doit faire les départs, l’autre doit

faire les soins, du coup on n’est pas en accord. Et ça c’est une organisation à trouver à

14h30.

Quelles relations de travail ont les aides-soignantes avec les infirmières ? Pour vous ?

L’interviewée : la relation de travail ? Alors quelles sont les relations de travail ? Moi je vais

encore ressortir….la relation de confiance, parce que c’est un travail d’équipe, donc

forcément des relations de confiance qu’elles ont entre elles deux, …. Euh, y a pas , ça peut

bien se passer , moins bien se passer, parce que ça reste des relations humaines avant

d’être des relations de travail. Les relations humaines vont intervenir, elles vont intervenir un

petit peu ; parce que comme en plus on est en binôme, qu’on est vraiment très, très proches

et ça reste des relations humaines. le premier jour de travail on va pas se rendre compte

que, tout se passe bien, on a eu notre weekend, et puis petit à petit les choses vont vite nous

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MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015 VII

énerver, nous irriter et puis là il suffit que la collègue avec qui on travaille, on soit pas en

bonne entente, là ça ressort

Et dans les relations professionnelles, comment s’est ressenti ce travail en binôme

par les Aides-soignantes ?

L’interviewée : la plupart du temps elles sont valorisées, puisqu’elles changent leurs

activités ; pour elles , elles sont contentes parce qu’elles vont faire de la prise en charge

globale, comme elles n’ont pas toujours l’habitude de faire, ; quand elles font le nursing toute

seule, elles voient un peu moins la prise des constantes, la surveillance de l’administration

des médicaments, la surveillance générale du patient, euh elles participent un peu plus.

Normalement elles sont un peu plus valorisées.

Et donc, et pour vous, dans les relations professionnelles que vous avez avec les

aides-soignantes ?

L’interviewée : moi y a aucun souci, c’est une relation que j’apprécie, on est d’égal à égal ;

pour moi c’est , c’est …je vois pas du tout d’obstacle à cette relation.

Dans le cadre du travail en collaboration, quelles sont les compétences qui sont

attendues chez l’aide-soignante ?

L’interviewée : déjà je vais m’assurer qu’elle ait eu les mêmes transmissions, qu’elle ait

bien ciblé le problème de chaque patient, ce qu’on attend de chaque patient dans l’après-

midi par exemple ; que chacune ait bien compris l’orientation de la prise en charge de

chaque patient, ça c’est la première compétence que je vais essayer de voir ; après la

deuxième, c’est la capacité à s’organiser dans la journée, savoir que l’organisation sera

comme ça dans la journée ;l’autre compétence c’est la rigueur, qu’on ait à peu près la même

rigueur ;, par exemple on fait le tour l’après-midi, c’est pas seulement lui faire coucou, ça va

être vérifier que la poche à urine n’est pas pleine, que la cruche à eau soit remplie, des

choses comme ça, ça va être de la rigueur ; après des compétence aussi relationnelles, ça

va être important, si je la vois passer vite fait, ça correspond pas à ce que j’attends,

euh…une compétence aussi à dépister, un patient qui va se sentir mal, du coup elle va avoir

l’automatisme d’aller prendre le tensiomètre pour aller prendre la tension, des signes

premiers d’un malaise ;

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MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Qu’elle est pour vous la place, la position, l’importance d’une aide-soignante dans une

équipe ?

L’interviewée : en fait j’ai du mal, parce qu’elle a la même place que tous les autres, je vois

pas de différence. Normalement elle a une place très, très importante ; elle a une place

importante, elle est auprès des patients longtemps, elle voit tout son corps pendant la

toilette, alors que l’infirmière elle va juste poser son antibiotique , elle verra la perfusion, le

bras. Elle est auprès du patient, elle le voit dans des moments d’intimité propices aux

confessions, à laisser parler les émotions, c’est sûr elle a une place importante ça c’est sûr.

Et sa participation aux projets de service ? quelle est pour vous la place, la position

de l’aide-soignante dans les projets ?

L’interviewée : elle va avoir sa place à part entière, pour faire des propositions que d’autres

ont pas remarqué, ont pas pensé. Elles ont des activités différentes des infirmières, mais

elles ont un avis important parce qu’on parle d’une équipe, ça a beaucoup d’importance.

C’est ce qu’on voit au mieux, parce qu’il y a des personnes qui sont plus investies que

d’autres, c’est pour ça que c’est dur de répondre par une généralité. je vois certaines aides-

soignantes dans ma tête, puis d’autres moins investies

Alors justement sur ces aides-soignantes qui ne s’impliqueraient pas, qu’est-ce qui

fait la différence, qu’est-ce qui ferait qu’une aide-soignante s’impliquerait plus qu’une

autre ?

L’interviewée : je pense qu’il y a un versant personnel, par exemple la personne n’a pas

envie de le faire, euh , ne ressent pas le besoin, faut qu’il y ait un retour, un sens au projet.

Et vous avez pu échanger à ce sujet, par rapport à ça ? pourquoi ça n’a pas de sens

pour elles ?

L’interviewée : de manière informelle, oui, euh..Mais je pense que c’est l’envie ; ça peut être

des problèmes personnels, des sujets qui ne l’intéressent pas ou elle n’en voit pas le retour,

l’intérêt pour le patient. Après c’est aussi des personnes, elles viennent travailler, elles

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MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015 IX

travaillent et elles ont pas compris qu’il y avait autre chose que faire des toilettes , qu’il y

avait autre chose qui était aussi intéressant , d’autres activités aussi intéressante.

Talon identitaire : 25 ans, quatre ans de diplôme, titulaire du Bac , remplacement en

tant qu’AS pendant les congés scolaires.

Le fait de faire des remplacements avec le statut d’AS, lui a fait changer ses

représentations sur la fonction d’aide-soignante ;

L’interviewée : Avant de rentrer à l’école d’infirmière, j’avais 17 ans, j’imaginais pas qu’il y

avait des gens, des aides-soignantes qui faisaient des toilettes, tout ça ! Elles faisaient les

toilettes, s’occupaient des changes, de ce qui semblait être le plus sale, le plus…au départ

c’était ça, les remplacements ont changé ma vision, qu’il y avait vraiment une identité

professionnelle, j’ai compris leur rôle au sein d’une équipe.

Dans vos études, où vous avez eu une information sur le travail de collaboration avec

les aides-soignantes, malgré cette présentation, vous aviez cette représentation ?

L’interviewée : j’étais persuadée qu’elles ne s’occupaient que du « sale boulot », en fin de

compte, quand on est étudiant on l’entend encore plus, mais , on entend les discussions

informelles pendant les pauses tout ça, oui on entend « oui, ben, on va aller changer, elle,

elle est dans la merde » ou « on va aller faire ça, ça me saoule le pipi, le caca », on entend

ça ! ça rentre dans la tête après ; même les étudiants quand ils nous entendent parler, on

leur rentre des choses dans la tête.

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ANNEXE IV

Guide entretien, entretien aide-soignante ( Vivianne)

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MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Entretien Aide-soignante

1. Quelles sont pour vous les motivations nécessaires, pour qu’une personne devienne

Aide-soignante ?

2. Quelles ont été les vôtres ?

3. Etes-vous sollicitée pour participer aux projets de service ?

4. Dans quel type de projet ?

5. L’équipe aide-soignante est-elle impliquée dans les projets ?

6. Quelles sont vos principales activités, missions dans votre travail ?

7. Qu’appréciez-vous dans votre travail ?

8. Qu’est-ce qui vous parait difficile dans votre travail ?

9. Qu’est-ce qui vous permet de vous épanouir, de trouver du plaisir dans votre travail ?

10. Est-ce que vous pensez que les aides-soignantes sont reconnues dans l’équipe ? est-ce

qu’elles prennent leur place ?

11. Les activités des aides-soignantes découlant du rôle propre de l’infirmière, comment se

déroule le travail en collaboration avec l’infirmiére.

12. Comment, vous, en tant qu’aide-soignante, vous vous situez dans l’équipe ?

13. Depuis que vous êtes aide-soignante, avez-vous constaté des changements qui ont

modifié votre rôle d’aide-soignant ?

14. Est-ce que vous pensez qu’il y a de la reconnaissance dans ce métier d’aide-soignant ?

Talon identitaire.

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MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

Vivianne-Aide-soignante (45 minutes)

Pour vous quelles sont les motivations nécessaires pour qu’une personne devienne

aide-soignante ?

L’interviewée : motivation, alors euh…c’est vrai qu’il y a trente ans la motivation était

grande ; le travail était HYPER intéressant ,peut être parce que je suis passée par 10 ans de

réa,10 ans en UHCD, urg (sic), peut être des services hors normes, alors j’ai appris, alors,

énormément, énormément, de choses ; sinon quand je vois actuellement ce qu’on fait faire

aux élèves, alors évidemment y a toute une panoplie de textes , ça ils nous en pondent à

fond, pas le droit de ceci, pas le droit de cela. Et donc, le travail devient, je ne veux pas dire

inintéressant, mais….on peut plus s’investir de la même façon. Pour moi on peut plus

s’investir de la même façon, on a nos tâches propres et ça que ce soit , plus les jeunes IDE,

ils l’ont bien compris. Parce qu’ils laissent bien les rôles propres aux aides-soignantes.

Justement, vous parlez entre infirmière et aide-soignante, c'est-à-dire que les

nouvelles infirmiéres qui sont diplômées…

L’interviewée : m’interrompt…oui voilà où y a plus l’esprit de groupe, de binôme d’équipe,

que l’on pouvait connaitre avant. avant la cadre était capable de prendre la serpillière, était

capable de prendre un chiffon, de prendre un repas. Et là tout est sectorisé, chacun son rôle

propre,

Parce que les infirmières par rapport à ce que vous avez connu, c’est quoi la grosse

différence

L’interviewée : là non parce que je retrouve des vieilles, mais on a quand même des

jeunes et ceci dit, il faut bien qu’elle commence aussi, mais avec un autre état d’esprit.

Concrétement est-ce que vous pouvez me donner un exemple ?

L’interviewée : euh…………un exemple concret , on t’améne le pot à pipi et puis « tu

peux faire la BU ? » donc effectivement tu peux la faire, y a pas de souci, mais

éventuellement elles peuvent le faire aussi ;ça répond plus aux sonnettes, ça c’est

hallucinant, elles passent devant les sonnettes, elles ne répondent plus aux sonnettes. C’est

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MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

l’aide-soignante qui va se déplacer pour dire « je crois que c’est pour TOI [durcissant le

ton],.alors que Ça aurait été si simple …..en passant devant. Ça avant on le vivait pas.

A votre avis, c’est dû à quoi ?

L’interviewée : pour moi c’est de la formation, point barre ! au niveau de la formation IDE,

pour moi c’est au niveau de la formation IDE.je sais pas comment ça se passe, on doit trop

les briefer ; y a plus cet esprit d’équipe , de collaboration, d’entraide, ……non, moi, je…pas

moi, parce que euh bon, elles me laissent entre guillemet, encore quelques tâches

intéressantes, mais j’avoue qu’on sert un petit peu de larbin, eh.

Tâches intéressantes, qu’est-ce que vous entendez par tâches intéressantes ?qu’est-

ce qu’elles vous laissent les infirmières, et pourquoi, parce que vous avez de

l’ancienneté ?

L’interviewée : oui je pense, elles nous font cofinance par rapport au passé ;j’ai encore des

petits trucs.

Et donc qu’est-ce qu’elles vous laissent faire ?

L’interviewée : j’ai le droit de faire des dextro, j’ai le droit euh…………..euh… très

gênée….non je préfère pas dire…. Ben capable de me laisser déboucher une perf, changer

une perf en cas de besoin, évidemment je leur prends pas leur rôle , mais si elles sont

occupées pour une raison X ou Y , elles peuvent me déléguer quelque chose, voilà, elles me

laissent remplir les bons, les tubes, elles me font confiance, elles vérifient bien sûr ! elles

avent que je l’ai pratiqué.

Et par rapport à ce que vous faites d’habitude, c’est plus valorisant pour vous le fait

que ce soit plus proche du travail infirmier, ou ce sont les rapports que ça crée avec

les infirmiéres ?

L’interviewée : pas parce que c’est plus proche, parce qu’à la limite j’avais qu’à bouger

mon derrière, j’avais qu’à faire l’école d’inf, parce que j’ai pas voulu le faire ;non, ça crée une

cohésion au niveau du binôme. Mais je connais très bien mon rôle propre. Qu’en j’étais en

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MACH_Jean-Luc_Ninghtngale_MLV_M3_Mémoire_2015

réa, fallait qu’on sache tout, tout, je faisais des gaz ; il fallait qu’on sache faire des réa, la

comprendre, on nous épargnait pas !

Je voulais revenir par rapport aux nouvelles et anciennes aides-soignantes, qu’est-ce

qui change ? en positif, en négatif ?

L’interviewée : alors au niveau de l’école d’aide-soignante, pour moi la motivation des filles

n’est pas la même !pour moi il faudrait que l’école d’aide-soignante ça reste une promotion

professionnelle. C’est toi qui- veut- aller- de- l’avant [a bien distingué tous les mots],que là

maintenant quand tu décortiques un peu le passé des filles, ben y a un peu de tout. Alors

t’as des gens motivés, heureusement qu’ils en restent, y en a d’autres « ben c’est ça, on me

paye ma formation, je fais ça en attendant, on verra bien.. » voilà y a de tout, y a de tout, et

ça quand tu t’occupes des gens….

Ça se voit sur le terrain, vous avez déjà vu des comportements ?

L’interviewée : pour moi y en a …alors, vocation, oui quelque part, il faut que ça reste, faut

vouloir s’occuper des gens, parfois…..il faut avoir la patience, faut avoir…non faut le vouloir ;

moi je dis que ça se fait pas comme ça ! donc l’école d’aide-soignante, ça devrait rester une

formation professionnelle, et ..et ….et peut-être….

Et vous ne croyez pas aux gens qui aiment ce métier, vous pensez vraiment qu’il faut

que ce soit des gens qui soient issus de ce métier ? Qui étaient agent auparavant, qui

deviennent aide-soignante ?

L’interviewée : non, mais il faut, il peut y en avoir d’autres aussi qui se greffent mais je

pense qu’on prend tout et n’importe quoi !avec les nouvelles formations ANPE, tous ces

organismes là ; je pense que c’est un peu la boîte un peu fourre-tout !

Après avoir vu ce qui pour vous, étaient nécessaire pour être aide-soignante, quelles

ont été vos motivations

L’interviewée : moi j’ai déjà fait un BEP sanitaire et social, à la base, donc j’avais déjà une

certaine motivation, je savais pas à ce moment là si c’était la petite-enfance ou les adultes,

mais c’était dans ce milieu là. Après c’est vrai que je suis arrivé en chirurgie du temps du Dr

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Marshal, un petit bonheur, après j’ai fait l’école d’AS 4 ans après, puis après 12 ans de réa,

et après je suis retournée au pool de remplacement 3 ans à peu prés, après j’ai fait ma

dizaine d’année urg/porte (sic) ; depuis le 1° octobre j’ai arrêté mes nuits parce que c’était

plus possible, et j’ai repris de jour en hôpital de semaine.

Pour vous l’équipe aide-soignante, elle est toujours impliquée dans les projets de

service ?

L’interviewée : ben là, moi je, moi je m’implique, parce que quand on est de nuit on peut

pas trop s’impliquer, là je reprends, j’ai fait une semaine d éducation du diabétique, où ça

était un vrai petit bonheur pour moi, je m’implique au niveau du linge, je sais pas où ça va

me mener, mais enfin bon, je suis impliqué, l’avenir me le dira ; là je redécouvre un peu, tout

ce qu’on pouvait pas faire de nuit, quoi !

L’équipe est sollicitée donc ?

L’interviewée : ouais elle est sollicitée, mais on est pas trop cool, quoi !pas par rapport à la

cadre qui fait tout ce qu’elle peut pour nous donner les créneaux horaires, mais plus haut ;

franchement on nous facilite pas la tâche.

Mais est-ce que l’équipe aide-soignante s’implique dans les projets en règle

générale ?

L’interviewée : bah, euh j’ai une collègue qui est impliquée au niveau de la diététique, moi

j’arrive, je m’implique au niveau linge, mais sinon les deux autres, non je crois pas.

C’est des anciennes, des nouvelles ?

L’interviewée : non des anciennes comme moi, bah c’est l’équipe, quoi, comme on peut

plus trop porter, trop…donc c’est vrai c’est le service le plus adapté pour nous, quoi !tout en

restant dans les soins. voilà. moi c’est ce que je voulais, rester dans les soins et pas me

retrouver à l’hôtellerie où je ne sais trop quoi…ça aurait pas été possible ! je veux encore le

contact avec les patients, les soins et tout ça !

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Dans les soins vous sous-entendez quoi ?

L’interviewée : ben le nursing, les repas, le fait de discuter avec eux, tout ça, tout ce qui

concerne l’environnement.moi parler à la vaisselle, euh ..non

Pour revenir sur les projets, les derniers projets mis en place ? avez-vous des projets

de service dont vous vous souvenez ?

L’interviewée : la nuit c’était difficile, je reviens de jour que depuis le 1°octobre, faut penser

à l’intégration et puis c’est vrai qu’avec le gros problème de personnel, c’est vrai que….là

c’est du grand n’importe quoi. Les projets c’est juste des actes, tenir la journée, savoir que

tout soit à peu prés carré.

*

On va revenir sur vos activités, quelles sont vos principales activités ?

L’interviewée : alors, …c’est un peu varié, on a plus un rôle je pense relationnel, moins

physique ; les gens même s’ils sont en chimio, en rumatho, c’est quand même des gens très

autonomes, donc la prise en charge du lundi, ou du mercredi quand ils arrivent, nous on

s’occupe des constantes, ensuite les repas, les réfections de lit, l’accueil, la stérile. C’est pas

dur physiquement, ya de l’activité, mais par contre y a de l’activité. Sur la pénibilité, y a pas

photo, c’est moins dur que ce que j’ai connu. Mais par contre, faut pas dire que c’est un

service ou y a rien à faire. On est plus à porter sans arrêt, à installer réinstaller, là c’est bon

quoi… on a des aides à la toilette, mais qui se font plus calmement parce que les gens nous

aident, y sont pas dépendants, y nous aident un peu plus, c’est plus serein, on souffre

moins, ça se fait dans de meilleures conditions.

Pour revenir à la pénibilité, qu’est-ce que vous appréciez dans votre travail ?

L’interviewée : là ?ça va être carrément égoïste ce que je vais dire, c’est que je ne souffre

plus ! je ne suis plus un corps douloureux !

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Et là en mettant de côté cette pénibilité qui vous a conduite dans cette unité, dans vos

activités au quotidien qu’est-ce qui vous plait le plus ?

L’interviewée : avec les 3 services que j’ai connus, la grosse angoisse pour le changement,

mais après un temps d’adaptation, je m’adapte super bien te je prends super bien les

choses.

Quand vous êtes auprès des patients que vous finissez votre journée, qu’est-ce que

vous vous dites ?, j’ai passé une bonne journée ? et vous vous basez sur quoi ?

L’interviewée : ben parce qu’y a pas eu d’agressivité autour de nous, agressivité autour

des patients, c’est vrai que c’est des patients qui sont en demande de soins, mais c’est eux

aussi qui font la démarche, on leur Impose pas ( insiste sur le IM.), comme aux urg (sic), on

dit pas « ben si tu vas te faire soigner », où c’était la bagarre dans 60% des cas, donc on

n’est pas dans le même contexte, ils sont en demande de soins, y acceptent les soins. Déjà

ça ! donc, la relation avec les patients est beaucoup plus facile, t’es pas là à te batailler, à te

justifier ; donc obligatoirement tout se passe mieux.

Donc si je peux en faire une synthèse, c’est cette sérénité qui fait que vos journées

sont plus agréables ? Ça vous permet d’avoir plus de temps avec les gens ?

L’interviewée : ah oui, tu prends pas les choses du tout , du tout de la même façon, parce

que le service c’est serein.

Justement, si on veut aller au-delà de ça, qu’est ce qui vous permet de vous épanouir

de trouver du plaisir dans votre travail ?

L’interviewée : cette sérénité, parce que là tu t’en es pas pris plein la goule comme on s’en

prenait aux urg (sic) tu te fais pas cracher à la figure, ça va quoi j’ai pas fait ce métier là pour

ça ! donc tu peux prendre 5 minutes avec les gens, d’accord, pas d’accord tu parles

sereinement. T’es pas toujours en position de ….tu sais, tu te dis, ah non celui là faut pas

que je lui tourne le dos, faut faire attention, celui là il est alcoolisé donc faut faire attention

aussi. c’est pas pareil, on était toujours sur la défensive et c’était pesant, les premières

années tu le prends bien, et après le ras le bol s’installe. T’as plus envie de discuter, de

….c’est là où il faut changer !

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Et maintenant si on fait les deux extrêmes, qu’est-ce qui vous paraît le plus difficile,

dans le travail d’aide-soignante ?

L’interviewée : en général ?…. Elle a pas la bonne place l’aide-soignante ! ben je trouve

qu’elle fait le tampon entre le patient et l’inf (sic) ….euh…pffff…elle est pas épargnée. Pour

moi c’est la nana qui a le travail le plus dur ! c’est elle qui porte, c’est elle qui installe, et

encore maintenant on a des lits adaptés, au départ on les avait pas ; et encore on a mis

beaucoup de choses à notre portée , un peu tard …mais , c’est elle qui souléve, c’est elle qui

porte, c’est elle qui …. Et…… pour moi c’est physique aide-soignante et encore y eu des

progrès de faits ; c’est carrément physique, c’est elle qui pousse les chariots de repas, c’est

elle qui va aux poubelles, qui tournent les patients qui les portent….tu vois beaucoup

d’infirmières, toi, le faire ?

Est –ce que vous pensez que les aides-soignantes sont reconnues dans les équipes,

est-ce qu’elles prennent leur place ?

L’interviewée : moi je dis toujours « tiens il faudrait qu’on boycotte une journée », histoire

de rire…..long silence……

Ça veut dire, que vous pensez qu’elles n’ont pas conscience de l’importance que vous

avez dans une équipe ?

L’interviewée : moi je serai prête à le faire ; là pour qu’elles prennent réellement

conscience…mais je veux pas incriminer cette fonction là, eh…mais, pour qu’elles vraiment

conscience que, oui, y a des petites choses que elles, elles peuvent faire pour faciliter un

peu notre travail, comme nous on peut faire certaines choses pour faciliter leur travail. Parce

que moi j’ai eu l’habitude de vraiment travailler en binôme, mais en vrai binôme ; l’infirmière

prenait aussi bien la chiffonnette que là, y a aucun souci.

Du fait que l’aide-soignante, que ses activités soient le rôle propre de l’infirmière,

donc vous pensez que malgré ça le travail en collaboration, ne se fait pas ?

L’interviewée : non…mais peut-être parce que j’ai connu trop ça , et puis je connaissais

pas trop ce qui se faisait dans les autres services ;

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Vous qui faites partie des aides-soignantes expérimentées, depuis que vous avez

obtenu votre CAFAS, est-ce que vous avez perçu des modifications dans votre rôle

d’aide-soignante ?

L’interviewée : c’est sûr qu’on a pas eu la même formation que maintenant ; c’est pas du

tout la même chose, c’est pas du tout pareil.

Pas du tout pareil, c'est-à-dire ?qu’est-ce qui change alors ?

L’interviewée : euh, …pfff… regarde dans notre formation on avait le ménage, maintenant

produits miraculeux, quand même, ça me laisse perplexe ! la prise en charge du patient pour

la toilette ; la toiliette était vraiment de A à Z, maintenant pfff…t’en vois combien qui font des

bain de pied, t’en voit combien qui font des ?…c’est vrai qu’y a eu l’arrivée des douches,

c’est plus confortable.

Mais après elles s’adaptent, si elles rencontrent un patient qui est s’est souillé les

pieds, elles vont lui laver les pieds quand même ?

*

L’interviewée : on changeait les draps, là c’est euh…pour moi la formation elle est

différente ;

D’accord, alors justement quand y a des brassages entre anciennes et nouvelles , est-

ce que le brassage se fait bien, est-ce qu’il y a une homogénéité, ou vous pensez qu’il

y a des façons de travailler différentes ?

L’interviewée : moi, c’est jamais conflictuel ; là j’ai encadré un élève pendant quatre

semaines, on a eu des supers rapports, des supers échanges. Je pense quand même qu’à

l’avenir, pas pour moi, parce que pour moi, ce n’est absolument pas un problème, mais pour

certaines, je pense que y aura un souci au niveau… je te le dis , je te le dis pas ?

Si, si ..

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L’interviewée : au niveau du racisme ! Parce qu’on a de plus en plus de jeunes de couleur,

la future génération, de toute façon c’est comme ça, moi ça me pose pas de problémes, mes

enfants ils ont des copains des copines de couleur ; c’est la future génération, mais je pense

que ça sera source de conflits plus tard.

Avec les personnes âgées dans les services, ou dans les équipes ?

*

L’interviewée : même entre nous, ou même entre nous, je pense….parce que je pense

aussi, que ce qui va faire ça, ça va être la religion…. Ça va pas faciliter les rapports…

Pour clôturer, penses-tu qu’il y a de la reconnaissance dans ce métier ?

L’interviewée : ah, les patients nous le disent,ah c’est sûr, j’ai pleins de compliments des

patients, des petits mots « ah vous êtes gentille » « vous êtes patiente », « vous avez le

sourire », pour moi, ouais surtout les patients.

Et au niveau de la hiérarchie ?

L’interviewée : ça va jusqu’où ta hiérarchie ?

De l’infirmière à la direction en passant par l’encadrement du service ?

L’interviewée : l’infirmière, oui..ça va, mais tu sais moi j’ai un caractère assez facile, je

m’adapte, et puis si je vois que les gens sont grognons, ou agressifs, j’arrive toujours à …tu

vois ?

Oui, dans la communication, mais dans la reconnaissance, est-ce que vous pensez

que les infirmiéres reconnaissent les aides-soignantes ?

L’interviewée : les infirmiéres reconnaissent les aides-soignantes ?long silence…(4à5

secondes)donc, euh,..pff, pour ceux qu’on fait le parcours ash, aide-soignant, infirmière, oui

je pense ; les tous jeunes, tous jeunes….va falloir qu’ils apprennent !

Qu’ils apprennent quoi ?

L’interviewée : ben, à nous reconnaitre

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Qu’est-ce qu’il faudrait pour qu’ils apprennent à vous reconnaître ?

L’interviewée : ben je sais pas, au niveau..Selon leur programme, je sais pas ou travailler

plus en binôme avec eux ; avoir une période de …ben chose qu’il y avait avant, et qu’on ne

voit plus maintenant ; y a quelques années, les premières années étaient avec les aides-

soignants.

Donc, pour vous !pour que vous vous dites « tiens l’infirmière reconnait mon travail »,

qu’est-ce qui vous ferait penser à ça ?

L’interviewée : oui, ou « merci ma petite véro ! »,

Au niveau de la cadre ?

L’interviewée : oui, bon maintenant les cadres, ils ont des rôles pourris. Ben les cadres

pour moi, ils ont plus avec nous, ils sont à côté de nous. Parce qu’avant les cadres ils étaient

dans les soins, maintenant ils sont à côté de nous. Ecoute, quand on voit le nombre de

réunions de ceci, réunions de cela, la réunion de trucmuche, réunion de cela et on

recommence… à petites doses, ça peut s’entendre, mais …. Ils passent pas assez de temps

avec nous, ils ont trop de temps dans les réunions. Pour moi, y a trop, trop …alors la cadre

de service, certes, important ! pour moi, ici elle est reconnaissante, parce que comme on lui

apporte un certain confort avec les changements de planning, ceci, cela ; on nous demande

quelque chose, franchement, la majeure partie du temps c’est accepté. On fait des efforts,

elle est reconnaissante. Et moi je l’ai entendue plusieurs fois nous dire « les filles, vous avez

bien travaillé ». Ça elle le dit, ça suffit, on n’a pas besoin de rentrer dans les détails.

Et au niveau de la direction ?

L’interviewée : ah ben non, ça..euh..pff..non..J’attends rien de la direction ; j’attends rien de

la direction, parce que la direction…. alors tu vois, moi je dis que nos nouveaux cadres sont

à coté de nous, mais alors eux, ils sont sur une autre planète ! parce que on ne parle que de

chiffres, de camemberts, de diagrammes, de couleurs, de choses que ..pfft..j’en ai rien à

cirer ! parce que pour moi, c’est le soin avant tout ! alors les bénéfi… euh, je veux pas dire

que je me fous des bénéfices et des déficits, c’est pas ça,….c’est pas moi qui gére, et puis

euh voilà un établissement public ne doit pas faire de bénéfices, peut être ne pas faire trop

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de dépenses, mais on n’est pas une entreprise privée, donc on peut pas faire de

bénéfices !à chaque fois qu’on en croise un, c’est pour nous dire « l’activité tant, les chiffres

d’affaires tant, dépenses tant » voilà ça , ça me gonfle, je n’écoute même pas, parce que je

ne suis pas dans ça, je suis dans le soin, dans le confort de la personne, l’accueil de la

personne et voilà !

Je pense qu’on a fait le tour, est-ce que vous avez des choses que vous voudriez

rajouter par rapport à la fonction d’aide-soignante ?

L’interviewée : non ceci dit, ça fait 34 ans que je suis là dedans, je voudrais finir ma

carrière, quand même Là, pas qu’on me dise à un moment ou à un autre vous êtes inapte,

parce que j’estime qu’y a pleins de postes qui peuvent être intéressants, adaptés à notre

pathologie, on commence à être pourries c’est pas de notre faute, ça, ça serait une fierté

pour moi de finir , je ne sais pas combien il me reste, 3, 4, 5 ans, j’en sais rien suivant….

Mais j’aimerais terminer sereinement, tranquillement.

Talon identitaire : 52 ans , mariée 3 enfants, 34 ans dans l’hôpital, CAFAS en 1985, agent

en chirurgie 4 ans , puis AS 10 ans de réa, POOL pendant 4 ans, urgences 12 ans de nuit,

arrêtée un an pour des problémes de santé (TMS), depuis 10 mois poste adapté en

médecine.

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MACH Jean-Luc Nightingale

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé

et du master (1ère année) « management des établissements, services et

organisations de santé »

La position de l’Aide-soignante dans une équipe : quelle place dans la

dynamique collaborative ?

Sous la direction de : Roger METIVIER

Institut de formation des cadres de santé Ile de France – Sainte Anne Université Paris Est Marne la Vallée

Résumé :

L’aide-soignante, par sa fonction d’aide et d’accompagnement aux soins fait partie intégrante du processus de prise en charge des patients. Néanmoins, cette catégorie professionnelle semble considérée, en référence à A.M Arborio, comme un « personnel invisible ». L’héritage historique a marqué leur identité professionnelle et la représentation de leur métier en regard de celui de l’infirmier. En effet, leurs activités émanent d’une répartition de tâches dans la division du travail avec les infirmiers les plaçant dans une position de subordination au regard de pratiques issues de la délégation de leur rôle propre, relevant du « dirty work » (E.C Hughes). Néanmoins ces tâches socialement dévalorisées sont identifiées au concept de Care et sont à l’origine de paradoxes pour l’aide-soignante qui, pour contourner la stigmatisation, tente de valoriser sa fonction par la dimension relationnelle et sa proximité avec le patient. Le manque de reconnaissance et d’autonomie, leur niveau de qualification et leur statut identitaire semblent être en partie à l’origine de leurs difficultés à se positionner dans une dynamique collaborative et à s’engager dans les projets de service.

Mots clés (thésaurus BDSP) : Aides-soignantes, le Care, Identité professionnelle, Reconnaissance professionnelle, Position, Collaboration, Dynamique, Projet.

L'Institut de Formation des Cadres de Santé de Sainte-Anne (Paris) n'entend donner aucune approbation

ni improbation aux opinions émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées comme

propres à leurs auteurs.

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