Vente en ligne de médicaments : cadre européen
Anouk Hattab-AbrahamsAvocate
Cabinet Ulyswww.ulys.net
www.droit-technologies.org
Grandes lignes de la règlementation européenne
Secteur pharmaceutique:• En amont, règlementé par le législateur européen depuis
1965 avec le systèmes des autorisations de mise sur le marché. (AMM)
• Nouvelle législation en vigueur date de 2004, révision du code communautaire 2001/83.
• Extension constante de l’harmonisation à tous les aspects du médicaments sauf la vente au détail.
• Aujourd’hui aucune harmonisation au niveau européen de la vente au détail.
Grandes lignes de la règlementation européenne
• Des directives européennes différencient les médicaments d’autres produits mais en cas d’ambigüité = produit pharmaceutique (y compris produits homéopathiques)
≠• Plusieurs directives harmonisent le secteur des
cosmétiques.• Directive 2004/24 sur les médicaments traditionnels à
base de plante…• Plusieurs directives définissent les conditions de
commercialisation des denrées alimentaires.
« Les gélules de poudre d’extrait d’ail ne sont pas des médicaments »
(1) 15 Nov. 2007: Commission c/ Allemagne• L’Allemagne a classifié une préparation d’ail en
forme de capsule en tant que médicament.• La Commission européenne a formé un recours
contre cette classification.• La CJCE examine les caractéristiques du produit
par rapport à la définition du médicament et rejette cette qualification.
Grandes lignes de la règlementation européenne
Vente en ligne• Directive 2000/31 sur le commerce électronique.
(transposée en France: LCEN 21/06/2004).• En principe « non autorisation préalable » des
prestataires de service en ligne…MAIS• Ne fait pas obstacle aux régimes d’autorisation qui
ne visent pas spécifiquement et exclusivement les services de la société de l’information tels que les monopoles pharmaceutiques.
Grandes lignes de la règlementation européenne
Vente à Distance• Directive 97/7/CE sur la vente à distance prévoit
que les Etats membres peuvent interdire sur leur sol la commercialisation par contrat à distance de médicaments pour des raisons d’intérêt général.
• En France, la vente en ligne de médicaments n’est pas interdite mais se heurte à de nombreux obstacles règlementaires.
Grandes lignes de la règlementation européenne
Publicité en ligne (1/3)• Interdiction de la publicité destinée au
consommateur pour les médicaments soumis à prescription. (Code communautaire)
Définie par:• Directive relative à la publicité trompeuse et à la
publicité comparative de 1997= définition générale.• Directive sur le commerce électronique donne une
portée plus large: vise non seulement les biens et services +la promotion de l’image d’une entreprise, d’une organisation on d’un professionnel.
Grandes lignes de la règlementation européenne
Publicité en ligne (2/3)• Elle exclut:
– Les coordonnées permettant un accès direct à l’activité de l’entreprise ex: nom de domaine
– Les communications à titre gratuit : ex: les liens hypertextes établis gratuitement.
• Loi française: pas de définition générale de la publicité mais dans jurisprudence + code de la santé publique règlemente la publicité en faveur des médicaments.
Grandes lignes de la règlementation européenne
Publicité en ligne (3/3)La publicité doit être transparente et identifier:• La personne qui communique• Les offres promotionnelles et conditions d’accès.• Interdiction de toute publicité susceptible
d’induire en erreur les personnes ou qui porte préjudice à un concurrent.
• Système de « l’ opt-in »: consentement préalable des particuliers.
Exemple:Question d’interprétation
d’un tribunal danoisQuestion préjudicielle d’un tribunal danois, 13
Septembre 2007 :
Le tribunal interroge la CJCE sur le fait de savoir si la diffusion par un tiers d’informations relatives à un produit, notamment ses propriétés curatives ou préventives, doit être considéré comme de la publicité alors que cette personne agit de sa propre initiative et de manière totalement indépendante du fabricant ou du vendeur.
Exemple: Question de conformité d’un tribunal Allemand
CJCE 8 novembre 2007:• Le tribunal interrogeait la CJCE aux fins de s’assurer de la
conformité au code communautaire d’une législation nationale relative à la publicité des médicaments qui interdit une pratique (envoi de catalogue de vente et liste de prix).
• La cour statue que la conformité de cette interdiction de publicité doit être appréciée non en rapport avec les dispositions du code communautaire relatives à la publicité des médicaments mais en rapport avec les articles 28 et 30.
La libre circulation des marchandises
• Art. 28 et 30 du TCE: principe de libre circulation des marchandises.
• Article 28: Interdit les restrictions quantitatives et mesures d’effet équivalent.
• Article 30: Admet certaines exceptions: Ex: protection de la santé et de la vie des personnes
+ exigences impératives d’intérêt général.pas de discriminations arbitraires ou au
restrictions déguisées.
La libre circulation des marchandises
• La CJCE et les juridictions nationales veillent à l’application des ces principes.
• Car les principes posés par le TCE et la CJCE prévalent sur la législation française quand celle-ci est en contradiction.
Jurisprudence communautaireQuelques exemples d’application des articles 28 et 30:CJCE, 12 Oct. 2004: Commission c/ France
En n’ayant pas prévu de règlementation spécifique pour l’autorisation d’importation des médicaments en provenance d’autres Etats membres, lorsque ceux-ci son identiques à des médicaments déjà autorisés en France, la France a violé l’article 28.
Jurisprudence communautaire
• CJCE, 11 déc.. 2003: Commission c/ France
L’application de l’art. R 5142-15 qui établissait l’obligation pour les opérateurs économiques important ou distribuant des médicaments bénéficiant d’une AMM française ou communautaire, de présenter à première demande aux autorités de contrôle une attestation délivrée par l’AFSSPS de l’AMM: manquement de la France à l’article 28.
« Les gélules de poudre d’extrait d’ail ne sont pas des médicaments »
(2)• L’exigence d’une autorisation de mise sur le
marché en tant que médicament = MEERQ à l’importation interdite par l’article 28 du traité.
• Si les Etats membres sont libres d’assurer le niveau de protection qu’ils le souhaitent, ils doivent respecter le principe de proportionnalité = existe-t-il des mesures aussi efficaces mais moins restrictives que l’autorisation préalable? La Cour a considéré que oui.
• Donc l’Allemagne a violé l’article 28.
Jurisprudence communautaire
Une législation nationale peut-elle interdire la vente transfrontière de
produits pharmaceutiques via l’internet ?
Le cas Doc Morris:CJCE,11 Décembre 2003
• Litige entre la fédération et association des pharmaciens des länder (en Allemagne) et la société Doc Morris (pharmacie en ligne néerlandaise).
• La société Doc Morris offrait à la vente en allemand pour le consommateur allemand des médicaments à usage humain, en partie autorisés en Allemagne et pour la majorité autorisé dans les autres EM de l’UE.
Le cas Doc Morris
• La fédération des pharmaciens considère que ce site web viole deux législations: la loi sur les médicaments ( qui interdit la vente en ligne de médicaments dont la délivrance est exclusivement réservé aux pharmacies) et la loi relative à la publicité pour les médicaments.
• La société Doc Morris considère qu’il s’agit d’une restriction des échanges prohibée par l’article 28 du Traité européen et saisit la CJCE d’une question préjudicielle.
Le cas Doc Morris
La première question concernait la compatibilité de la loi allemande à l’art 28 de TCE: La Cour décide:
1. Qu’il y a restriction des échanges selon l’art 282. Mais que cette restriction est justifiée par
l’objectif de protection de la santé publique (art. 30)
3. Pour autant que cette objectif ne puisse être rempli par des mesures moins contraignantes.
Le cas Doc Morris
Distinction entre les médicaments soumis à prescription et les autres:
1. En ce qui concerne les premiers, l’interdiction de leur vente en ligne est justifiée par l’article 30 TCE.
2. En revanche cette interdiction n’est pas justifiée pour la seconde catégorie.
Le cas Doc Morris
Le même raisonnement est appliqué à la question de l’interdiction de la publicité pour la vente par correspondance:
• L’interdiction est justifiée pour les médicaments sans autorisation et pour ceux qui doivent être délivrés sur ordonnance.
• Par contre, pour la publicité pour la vente par correspondance des médicaments non soumis à prescription ne peut être interdite.
La CJCE cautionne le monopole des pharmaciens
• L’arrêt DocMorris réaffirme les principes posés dans:• Dans les arrêts CJCE, 21 mars 1991 Monteil et Samani et
CJCE, 21 mars 1991 Jean-Marie Delattre• La Cour:
– Aucune harmonisation des règles relatives à la commercialisation des médicaments donc:
– Sur internet un médicament peut ne pas être soumis à prescription dans le pays d’origine mais peut n’être commercialisé que sur ordonnance dans le pays de réception.
– Justification du monopole des pharmaciens pour la protection de la santé.
Conclusion
• La vente de produits pharmaceutiques par internet pourquoi pas… mais en l’absence d’harmonisation des règles de commercialisation il faudra avancer à petits pas.
• Secteur pas encore en voie d’harmonisation donc encore très protégé.
• Projet à long terme car de nombreux obstacles règlementaires et techniques à régler.