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Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 3 septembre 2012 Les informations de la présente ont été puisées aux meilleures sources. Toutefois, notre responsabilité ne saurait être engagée. 16, rue de Hollande | CP 5515 | CH-1211 Genève 11 | T. +41 58 258 00 00 | F. +41 58 258 00 40 | [email protected] | www.bordier.com GENÈVE NYON BERNE ZÜRICH PARIS LONDRES MONTEVIDEO SINGAPOUR TURQUES-ET-CAIQUES 1/1 Design ClPa B ORDIER & C IE 3 septembre 2012 B ientôt trois ans se seront écoulés depuis le début de la crise des dettes publiques occi- dentales. Pourtant, la situation sur ce front ne semble guère évoluer, et les réponses des Etats sont disparates et confuses. De la fin de 2009 à la fin de cette année, à l’exception de la Grèce, et pour cause d’abandon de créances par ses créanciers, aucun pays occidental endetté n’aura pu, si ce n’est réduire, du moins contenir son endet- tement public. Pire, les dettes publiques en absolu devraient même, quelles que soient les politiques budgétaires menées, avoir progressé de 10% en Italie (le bon élève!) à 75% en Irlande. L’Amérique silencieuse devrait voir sa dette publique augmenter de près de 30%. Quant à la vertueuse Allemagne, son score devrait ressembler à celui de son mauvais grand voisin français, soit une hausse supérieure à 20%… Ces mauvais résultats sont d’autant plus troublants qu’ils apparaissent dans des pays qui mènent soit des politiques d’austérité orientées sur la baisse des dépenses (Espagne, Italie, Irlande), soit des politiques budgétaires myopes et favorables à la croissance (Amérique). Les créanciers, eux, ont pourtant choisi de récom- penser les pays qui évitent l’austérité, Ainsi, malgré l’accroissement de l’endettement public, les taux allemands et américains à long terme ont baissé de 220 à 240 points de base pendant cette période, alors que les pays contraints par des politiques d’austérité (Espagne et Italie) ont eux dû subir les impatiences de leurs créanciers et de fortes hausses sur leurs taux de financement. Doit-on alors pour autant demander aux pays suren- dettés d’abandonner leurs coupes budgétaires? Non, car on l’a vu à de nombreuses reprises, lorsque la pres- sion des marchés s’évapore, les gouvernements ne s’intéressent plus à la réduction de leur endettement. Doit-on faire aveuglément confiance aux politiques pro-croissance pour régler le surendettement? Non également, car la croissance restera durablement faible et ne pourra seule régler la charge des intérêts annuels sur la dette. L’Europe est à nouveau à un moment clé pour effacer les paradoxes et faire converger les différences. Elle pourra dès la semaine prochaine, avec les proposi- tions de Mario Draghi, arrêter le dysfonctionnement de sa politique monétaire et contenir les charges financières des Etats fragiles, afin qu’ils puissent mener une austérité raisonnable. L’Amérique doit se préparer à affronter presque les mêmes enjeux. Elle a déjà bénéficié du soutien illimité de sa banque centrale pour garder les taux le plus bas possible, mais sourde et aveugle comme des Européens, elle n’a pas redressé ses finances publiques. Elle imagine probablement qu’au pire, c’est le cours du dollar et donc les étrangers qui paieront l’addition… Passera-t-on alors en 2013 de la crise européenne à la crise américaine? Au coeur des marchés Michel Juvet Analyste nancier et Associé de Bordier & Cie Paradoxes de crise

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Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 3 septembre 2012Les informations de la présente ont été puisées aux meilleures sources. Toutefois, notre responsabilité ne saurait être engagée.

16, rue de Hollande | CP 5515 | CH-1211 Genève 11 | T. +41 58 258 00 00 | F. +41 58 258 00 40 | [email protected] | www.bordier.comGENÈVE NYON BERNE ZÜRICH PARIS LONDRES MONTEVIDEO SINGAPOUR TURQUES-ET-CAIQUES

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Bientôt trois ans se seront écoulés depuis le début de la crise des dettes publiques occi-dentales. Pourtant, la situation sur ce front

ne semble guère évoluer, et les réponses des Etats sont disparates et confuses.

De la fi n de 2009 à la fi n de cette année, à l’exception de la Grèce, et pour cause d’abandon de créances par ses créanciers, aucun pays occidental endetté n’aura pu, si ce n’est réduire, du moins contenir son endet-tement public. Pire, les dettes publiques en absolu devraient même, quelles que soient les politiques budgétaires menées, avoir progressé de 10% en Italie (le bon élève!) à 75% en Irlande. L’Amérique silencieuse devrait voir sa dette publique augmenter de près de 30%. Quant à la vertueuse Allemagne, son score devrait ressembler à celui de son mauvais grand voisin français, soit une hausse supérieure à 20%… Ces mauvais résultats sont d’autant plus troublants qu’ils apparaissent dans des pays qui mènent soit des politiques d’austérité orientées sur la baisse des dépenses (Espagne, Italie, Irlande), soit des politiques budgétaires myopes et favorables à la croissance (Amérique).

Les créanciers, eux, ont pourtant choisi de récom-penser les pays qui évitent l’austérité, Ainsi, malgré l’accroissement de l’endettement public, les taux allemands et américains à long terme ont baissé de 220 à 240 points de base pendant cette période, alors que les pays contraints par des politiques d’austérité

(Espagne et Italie) ont eux dû subir les impatiences de leurs créanciers et de fortes hausses sur leurs taux de fi nancement.

Doit-on alors pour autant demander aux pays suren-dettés d’abandonner leurs coupes budgétaires? Non, car on l’a vu à de nombreuses reprises, lorsque la pres-sion des marchés s’évapore, les gouvernements ne s’intéressent plus à la réduction de leur endettement. Doit-on faire aveuglément confi ance aux politiques pro-croissance pour régler le surendettement? Non également, car la croissance restera durablement faible et ne pourra seule régler la charge des intérêts annuels sur la dette.

L’Europe est à nouveau à un moment clé pour effacer les paradoxes et faire converger les différences. Elle pourra dès la semaine prochaine, avec les proposi-tions de Mario Draghi, arrêter le dysfonctionnement de sa politique monétaire et contenir les charges fi nancières des Etats fragiles, afi n qu’ils puissent mener une austérité raisonnable.

L’Amérique doit se préparer à affronter presque les mêmes enjeux. Elle a déjà bénéfi cié du soutien illimité de sa banque centrale pour garder les taux le plus bas possible, mais sourde et aveugle comme des Européens, elle n’a pas redressé ses fi nances publiques. Elle imagine probablement qu’au pire, c’est le cours du dollar et donc les étrangers qui paieront l’addition… Passera-t-on alors en 2013 de la crise européenne à la crise américaine?

Au coeur des marchés

Michel JuvetAnalyste fi nancier et Associé de Bordier & Cie

Paradoxes de crise