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VENDREDI 7 AOÛT 2015 0123 La loi Macron re çue au test constitutionnel 23 articles ont été invalidés par le Conseil constitutionnel, sur les 308 que compte le texte Q u’elle aura été dure à accoucher, cette loi sur la croissance et l’acti- vité annoncée au prin- temps 2014 par l’an- cien ministre de l’économie Ar- naud Montebourg, mise en œuvre et présentée en décembre par son successeur, Emmanuel Macron, et définitivement adoptée le 10 juillet par l’Assemblée nationale après que le gouvernement eut, par trois fois, dû recourir à l’arti- cle 49-3 de la Constitution ! En vali- dant la quasi-totalité du texte, mercredi 5 août, le Conseil consti- tutionnel, saisi par les députés et les sénateurs de droite, a délivré un passeport pour sa promulgation. Sur les 308 articles que compor- tait la loi à la fin de son parcours parlementaire, seuls 23 ont été censurés, en tout ou en partie. En- core convient-il de noter que 18 de ces articles censurés le sont pour un vice de forme. Introduits par voie d’amendements, la plupart d’origine parlementaire, ils n’avaient pas de rapport direct avec le texte initial et le Conseil a retoqué ces « cavaliers législatifs ». Pour le ministre de l’économie, joint par Le Monde, cette décision constitue une « victoire ». « La loi est validée en totalité dans ses prin- cipes et à 98 % dans les détails, en particulier sur la réforme des pro- fessions réglementées, qui avait fait l’objet de nombreuses atta- ques », se félicite M. Macron. Il an- nonce que plus des trois quarts des mesures réglementaires qu’appelle cette loi – un des plus gros textes de la législature – se- ront publiées avant la fin de l’an- née. Cela concerne notamment l’extension du travail du diman- che dans les zones touristiques in- ternationales, prévue pour la fin septembre, la libéralisation des transports par autocar, vers la mi- octobre, les professions réglemen- tées, fin octobre, ou la facilitation des plans de sauvegarde de l’em- ploi, qui pourra entrer en vigueur dès la promulgation de la loi. Symbole de libéralisation « Lignes d’autocar, permis de con- duire et frais de notaire moins chers#LoiCroissance validée par le Conseil constitutionnel #La- FranceAvance », s’est réjoui de- puis son lieu de vacances dans les Alpilles, le premier ministre, Ma- nuel Valls, sur son compte Twitter. Raillée par la droite, critiquée par une partie de la gauche, atta- quée par les professions régle- mentées de justice qui s’étaient mobilisées contre la réforme, cette loi sur laquelle, faute de ma- jorité assurée à l’Assemblée natio- nale, le gouvernement a dû enga- ger sa responsabilité et répondre à deux motions de censure, va pouvoir entrer dans les faits. Elle aura symbolisé – le ministre chargé de la porter n’y étant pas pour rien – la détermination de François Hollande et de son pre- mier ministre, Manuel Valls, à s’engager dans une voie de libéra- lisation de l’économie. Après avoir franchi non sans mal les em- bûches parlementaires, M. Ma- cron voit son travail consacré par les juges constitutionnels. L’essentiel de la loi étant validé, restent néanmoins quelques dis- positions censurées qui vont con- traindre le gouvernement à revoir sa copie ou, tout simplement, à re- noncer. A notamment été jugé non conforme à la Constitution l’article qui instituait un disposi- tif d’encadrement des indemnités prud’homales aux salariés licen- ciés sans cause réelle ni sérieuse. Celui-ci reposait sur deux critè- res : l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et la taille de l’entre- prise. Le Conseil a estimé que la différence de traitement résul- tant de ce second critère mécon- naissait le principe d’égalité de- vant la loi. Cette disposition n’étant pas séparable du reste de l’article, celui-ci est censuré dans son intégralité. Ce revers ne devrait pas empê- cher la mise en œuvre de la ré- forme. « Le principe du référentiel ainsi que le plafonnement des in- demnités sont validés, note M. Macron. Le dispositif de ré- forme des prud’hommes peut en- trer en vigueur dès la loi promul- guée. Nous allons retravailler sur le critère de taille pour reproposer au législateur, très vite, un dispositif tenant compte des observations du Conseil constitutionnel sur le critère de taille. » Sur les dispositions de nature fiscale qui instituaient une contri- bution à l’accès au droit dont l’as- siette devait être fixée par voie ré- Le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, à la gare routière de Gallieni, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), le 31 juillet 2015 « Il y a eu beaucoup de débats, il n’y a maintenant plus de temps à perdre » EMMANUEL MACRON ministre de l’économie finances. Le ministère, en revanche, entend examiner en détail les observations du Conseil con- cernant la procédure d’« injonc- tion structurelle » accordée à l’Autorité de la concurrence lors- que les conditions tarifaires fix- ées par les entreprises domi- nantes dans le secteur du com- merce sont inhabituellement élevées, avant de prévoir d’éven- tuelles adaptations. controversés, l’extension du travail du dimanche, n’avait pas fait l’objet du recours de la droite, qui y était favorable sur le principe. Le Conseil consti- tutionnel ne s’en est pas autosaisi. Parmi les articles censurés pour cause de « cavalier législatif », fi- gure notamment l’article d’ori- gine parlementaire, très contro- versé, introduisant des déroga- tions à la loi Evin sur l’interdiction de la publicité en faveur des bois- sons alcoolisées. L’article autori- sant l’expérimentation de l’en- fouissement des déchets nucléai- res à Bure (Meuse) a été censuré pour les mêmes raisons. Mais, sur ce point, le ministre indique qu’il devrait faire l’objet d’une proposi- tion de loi début 2016, de même que la réforme des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métier. glementaire, également censu- rées par le Conseil puisque cela re- lève du législatif, le ministre indique qu’elles seront reprises dans le prochain projet de loi de « Une étape importante » Pour le reste des dispositions censurées sur le fond – dispositif d’indemnisation des notaires, huissiers et commissaires- priseurs en cas d’installation d’un nouvel office et pouvoirs de l’Autorité de la concurrence, le ministre en « prend acte » : « On ne reviendra pas à la charge. » A noter qu’un des points les plus

23-308 : 7 et 3 mais ca passe!

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VENDREDI 7 AOÛT 2015

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La loi Macron reçue au test constitutionnel23 articles ont été invalidés par le Conseil constitutionnel, sur les 308 que compte le texte

Qu’elle aura été dure àaccoucher, cette loi surla croissance et l’acti-vité annoncée au prin-temps 2014 par l’an-

cien ministre de l’économie Ar-naud Montebourg, mise en œuvreet présentée en décembre par son successeur, Emmanuel Macron, et définitivement adoptée le 10 juillet par l’Assemblée nationaleaprès que le gouvernement eut, par trois fois, dû recourir à l’arti-cle 49-3 de la Constitution ! En vali-dant la quasi-totalité du texte, mercredi 5 août, le Conseil consti­tutionnel, saisi par les députés et les sénateurs de droite, a délivré unpasseport pour sa promulgation.

Sur les 308 articles que compor­tait la loi à la fin de son parcours parlementaire, seuls 23 ont été censurés, en tout ou en partie. En-core convient-il de noter que 18 de ces articles censurés le sont pour un vice de forme. Introduits par voie d’amendements, la plupart d’origine parlementaire, ils n’avaient pas de rapport direct avec le texte initial et le Conseil a retoqué ces « cavaliers législatifs ».

Pour le ministre de l’économie,joint par Le Monde, cette décision constitue une « victoire ». « La loiest validée en totalité dans ses prin-cipes et à 98 % dans les détails, en particulier sur la réforme des pro-fessions réglementées, qui avaitfait l’objet de nombreuses atta-ques », se félicite M. Macron. Il an-nonce que plus des trois quarts des mesures réglementairesqu’appelle cette loi – un des plus gros textes de la législature – se-ront publiées avant la fin de l’an-née. Cela concerne notamment l’extension du travail du diman-che dans les zones touristiques in-ternationales, prévue pour la fin septembre, la libéralisation des transports par autocar, vers la mi-octobre, les professions réglemen-tées, fin octobre, ou la facilitation des plans de sauvegarde de l’em-ploi, qui pourra entrer en vigueur dès la promulgation de la loi.

Symbole de libéralisation

« Lignes d’autocar, permis de con-duire et frais de notaire moins chers… #LoiCroissance validée par le Conseil constitutionnel #La-FranceAvance », s’est réjoui de­puis son lieu de vacances dans les Alpilles, le premier ministre, Ma­nuel Valls, sur son compte Twitter.

Raillée par la droite, critiquéepar une partie de la gauche, atta­quée par les professions régle­mentées de justice qui s’étaient mobilisées contre la réforme, cette loi sur laquelle, faute de ma­

jorité assurée à l’Assemblée natio-nale, le gouvernement a dû enga­ger sa responsabilité et répondreà deux motions de censure, va pouvoir entrer dans les faits. Elle aura symbolisé – le ministre chargé de la porter n’y étant pas pour rien – la détermination de François Hollande et de son pre­mier ministre, Manuel Valls, às’engager dans une voie de libéra-

lisation de l’économie. Aprèsavoir franchi non sans mal les em-bûches parlementaires, M. Ma­cron voit son travail consacré par les juges constitutionnels.

L’essentiel de la loi étant validé,restent néanmoins quelques dis­positions censurées qui vont con­traindre le gouvernement à revoirsa copie ou, tout simplement, à re-noncer. A notamment été jugé non conforme à la Constitution l’article qui instituait un disposi-tif d’encadrement des indemnitésprud’homales aux salariés licen-ciés sans cause réelle ni sérieuse.Celui-ci reposait sur deux critè-res : l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et la taille de l’entre­prise. Le Conseil a estimé que ladifférence de traitement résul­tant de ce second critère mécon­naissait le principe d’égalité de­vant la loi. Cette disposition n’étant pas séparable du reste de

l’article, celui­ci est censuré dansson intégralité.

Ce revers ne devrait pas empê-cher la mise en œuvre de la ré-forme. « Le principe du référentiel ainsi que le plafonnement des in-demnités sont validés, note M. Macron. Le dispositif de ré-forme des prud’hommes peut en-trer en vigueur dès la loi promul-

guée. Nous allons retravailler sur lecritère de taille pour reproposer aulégislateur, très vite, un dispositiftenant compte des observationsdu Conseil constitutionnel sur le critère de taille. »

Sur les dispositions de naturefiscale qui instituaient une contri-bution à l’accès au droit dont l’as-siette devait être fixée par voie ré-

Le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, à la gare routière de Gallieni, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), le 31 juillet 2015

« Il y a eu

beaucoup

de débats, il n’y a

maintenant

plus de temps

à perdre »

EMMANUEL MACRON

ministre de l’économie

finances.Le ministère, en revanche, entend examiner en détail les observations du Conseil con-cernant la procédure d’« injonc-tion structurelle » accordée à l’Autorité de la concurrence lors-que les conditions tarifaires fix-ées par les entreprises domi-nantes dans le secteur du com-merce sont inhabituellement élevées, avant de prévoir d’éven-tuelles adaptations.

controversés, l’extension du travail du dimanche, n’avait pas fait l’objet du recours de la droite, qui y était favorable sur le principe. Le Conseil consti-tutionnel ne s’en est pas autosaisi.

Parmi les articles censurés pourcause de « cavalier législatif », fi-gure notamment l’article d’ori-gine parlementaire, très contro-versé, introduisant des déroga-tions à la loi Evin sur l’interdictionde la publicité en faveur des bois-sons alcoolisées. L’article autori-sant l’expérimentation de l’en-fouissement des déchets nucléai-res à Bure (Meuse) a été censuré pour les mêmes raisons. Mais, surce point, le ministre indique qu’il devrait faire l’objet d’une proposi-tion de loi début 2016, de même que la réforme des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métier.

glementaire, également censu-rées par le Conseil puisque cela re-lève du législatif, le ministre indique qu’elles seront reprises dans le prochain projet de loi de

« Une étape importante »

Pour le reste des dispositions censurées sur le fond – dispositif d’indemnisation des notaires, huissiers et commissaires-priseurs en cas d’installation d’un nouvel office et pouvoirs de l’Autorité de la concurrence, le ministre en « prend acte » : « On ne reviendra pas à la charge. » A noter qu’un des points les plus

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