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L a crise de 2008 est arrivée, elle a choqué et elle sera bientôt passée. C'est le propre des crises. Sur les deux cents dernières années, le monde en a vécu 40. Elles ont toujours été suivies d'un rebond et d'une repri- se des affaires. L'autre chose que l'on sait sur les crises, c'est qu’elles découlent de bulles, d'ex- cès. J'aimerais partager quelques réflexions sur la prochaine crise et les mesures qui pourraient être prises dans la gestion d'avoirs. SIGNES. Et si la prochaine crise était com- me celle de 1929? On ne peut pas être ban- quier privé sans se poser cette question régu- lièrement. Les signes avant-coureurs sont là. Quelques-uns sont anecdotiques comme une banque qui propose, deux ans seulement après une crise, des prêts hypothécaire de 90% de la valeur du bien. D’autres indices sont beaucoup plus fondamentaux. Tout d’abord, par trois fois, en 1987, 2002 et 2008, l'économie mondiale a été sauvée par les Etats et leurs banques centrales. Par trois fois, les banques centrales ont fait massivement l'inverse de ce qu'elles ont fait en 1929. C'est- à-dire qu’elles ont injecté un maximum de liquidités dans le système en baissant massive- ment leurs taux d'intérêt. Lors de la dernière crise, les Etats n'ont pas hésité à emprunter des milliards pour renflouer leur économie et pour acheter leur propre dette. Ce dernier élément est d'autant plus inquiétant que c'est la première fois que les banques centrales uti- lisent ce moyen, donc sans maîtrise de l’impact à long terme de cet outil. Deuxièmement, après vingt ans de croissance au travers de l’innovation informatique, les pays dits développés connaissent depuis 2000 une croissance basée sur l’augmentation de la dette. Si le bien-être de tous est certainement amélioré, la pérennité de cette stratégie est impossible. Finalement, nos économies développées sont à bout de souffle. Jamais la société n’a été aussi égalitaire. Il n’y a pas eu d’époque où l’Etat La prochaine crise? Et si elle était comme celle de 1929? s’est plus préoccupé de ses citoyens. Cela va de pair avec des gouvernements et un appareil politique qui ne peut plus vraiment prendre les décisions difficiles même si elles peuvent être indispensables à la pérennité d’un système. Les faillites, les défauts de paiement, même étatiques, sont un mal nécessaire pour qu’un système économique puisse se développer sur le long terme. Les coupes budgétaires aussi. DÉFENSIVE. Je suis convaincu que, dans les prochaines années, les marchés émergents et leur formidable essor vont tirer l’économie mondiale et ainsi occulter les problèmes fon- damentaux énumérés ci-dessus. Mais la pro- chaine crise risque bien d’être très sérieuse, car elle effacera d’un coup la somme de nos excès qui s’aggravent de sauvetage en sauvetage. Et ce sera le citoyen qui prendra probablement la décision de laisser tomber le système en refu- sant simplement de le financer. Le coût d’une attitude trop défensive, en prévi- sion d’une catastrophe, est souvent trop élevée, d’autant plus qu’il est impossible de déterminer avec précision le renversement de tendance. En revanche, il me semble judicieux, aujourd’hui, de prendre progressivement une assurance dans un portefeuille et la seule assurance qui me semble vraiment bonne, c’est l’or. Les autres actifs réels – immobilier de rendement, actions de qualité ou même la terre agricole – ont été très fortement secoués dans une crise comme celle de 1929. Il faut donc prévoir un actif de réserve qui permette d’avoir suffisamment de ressources pour traverser une crise qui, même profonde, se terminera. Ainsi je fixerai comme objectif d’avoir à terme 10% d’un capital en or, tant pour un porte- feuille qu’une entreprise. Il faut cependant savoir que plus l’économie mondiale s’amé- liorera, plus il est probable que la valeur de l’or baissera. A cela s’ajoute le fait que l’or ne génère pas d’intérêt. C’est donc une assurance qui coûte et qu’il faut acheter en prenant son temps. Les signes avant-coureurs sont là. Quelques- uns sont anecdotiques. D’autres beaucoup plus fondamentaux. GRÉGOIRE BORDIER ASSOCIÉ, BANQUE BORDIER 98 PME Magazine / avril 2011 INVEST L'INVITÉ Photo: R. Colombo

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La crise de 2008 est arrivée, elle a choqué et elle sera bientôt passée. C'est le propre des crises. Sur les deux cents dernières années, le monde en a vécu 40. Elles ont

toujours été suivies d'un rebond et d'une repri-se des affaires. L'autre chose que l'on sait sur les crises, c'est qu’elles découlent de bulles, d'ex-cès. J'aimerais partager quelques réflexions sur la prochaine crise et les mesures qui pourraient être prises dans la gestion d'avoirs.

SigneS. Et si la prochaine crise était com-me celle de 1929? On ne peut pas être ban-quier privé sans se poser cette question régu-lièrement. Les signes avant-coureurs sont là. Quelques-uns sont anecdotiques comme une banque qui propose, deux ans seulement après une crise, des prêts hypothécaire de 90% de la valeur du bien. D’autres indices sont beaucoup plus fondamentaux. Tout d’abord, par trois fois, en 1987, 2002 et 2008, l'économie mondiale a été sauvée par les Etats et leurs banques centrales. Par trois fois, les banques centrales ont fait massivement l'inverse de ce qu'elles ont fait en 1929. C'est-à-dire qu’elles ont injecté un maximum de liquidités dans le système en baissant massive-ment leurs taux d'intérêt. Lors de la dernière crise, les Etats n'ont pas hésité à emprunter des milliards pour renflouer leur économie et pour acheter leur propre dette. Ce dernier élément est d'autant plus inquiétant que c'est la première fois que les banques centrales uti-lisent ce moyen, donc sans maîtrise de l’impact à long terme de cet outil. Deuxièmement, après vingt ans de croissance au travers de l’innovation informatique, les pays dits développés connaissent depuis 2000 une croissance basée sur l’augmentation de la dette. Si le bien-être de tous est certainement amélioré, la pérennité de cette stratégie est impossible. Finalement, nos économies développées sont à bout de souffle. Jamais la société n’a été aussi égalitaire. Il n’y a pas eu d’époque où l’Etat

La prochaine crise? Et si elle était comme celle de 1929?

s’est plus préoccupé de ses citoyens. Cela va de pair avec des gouvernements et un appareil politique qui ne peut plus vraiment prendre les décisions difficiles même si elles peuvent être indispensables à la pérennité d’un système. Les faillites, les défauts de paiement, même étatiques, sont un mal nécessaire pour qu’un système économique puisse se développer sur le long terme. Les coupes budgétaires aussi.

DéfenSive. Je suis convaincu que, dans les prochaines années, les marchés émergents et leur formidable essor vont tirer l’économie mondiale et ainsi occulter les problèmes fon-damentaux énumérés ci-dessus. Mais la pro-chaine crise risque bien d’être très sérieuse, car elle effacera d’un coup la somme de nos excès qui s’aggravent de sauvetage en sauvetage. Et ce sera le citoyen qui prendra probablement la décision de laisser tomber le système en refu-sant simplement de le financer.Le coût d’une attitude trop défensive, en prévi-sion d’une catastrophe, est souvent trop élevée, d’autant plus qu’il est impossible de déterminer avec précision le renversement de tendance. En revanche, il me semble judicieux, aujourd’hui, de prendre progressivement une assurance dans un portefeuille et la seule assurance qui me semble vraiment bonne, c’est l’or. Les autres actifs réels – immobilier de rendement, actions de qualité ou même la terre agricole – ont été très fortement secoués dans une crise comme celle de 1929. Il faut donc prévoir un actif de réserve qui permette d’avoir suffisamment de ressources pour traverser une crise qui, même profonde, se terminera. Ainsi je fixerai comme objectif d’avoir à terme 10% d’un capital en or, tant pour un porte-feuille qu’une entreprise. Il faut cependant savoir que plus l’économie mondiale s’amé-liorera, plus il est probable que la valeur de l’or baissera. A cela s’ajoute le fait que l’or ne génère pas d’intérêt. C’est donc une assurance qui coûte et qu’il faut acheter en prenant son temps.

Les signes avant-coureurs

sont là. Quelques-

uns sont anecdotiques.

D’autres beaucoup plus

fondamentaux.

GréGoire Bordierassocié, banque bordier

� 98 PME Magazine / avril 2011

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