34
Siège (Lyon) Espace Eiffel 18-20 rue Tronchet 69006 Lyon Tél. 04 72 00 87 87 - fax. 04 27 19 48 80 Agence de Montpellier 133, rue Olof Palme - Tournezy 34070 Montpellier Tél. 04 67 07 99 00 - fax. 04 67 07 90 91 Agence de Nantes 5 bd Vincent Gâche - BP 36204 44262 Nantes cedex 2 Tél. 02 40 41 73 39 - fax. 02 40 41 73 19 Agence de Nice 23, rue Jean Canavèse 06100 Nice Tél. 04 93 51 01 11 - fax. 04 93 51 01 64 Solutions pour le logement abordable Trois ateliers pour un grand chantier Avril 2012 www.adequation-france.com Actes des ateliers et de la conférence Adequation 2011 20 octobre 2011 - Palais des Congrès de Lyon

Solutions pour le logement abordable - Trois ateliers pour un grand chantier

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Siège (Lyon)Espace Eiffel18-20 rue Tronchet 69006 Lyon Tél. 04 72 00 87 87 - fax. 04 27 19 48 80

Agence de Montpellier 133, rue Olof Palme - Tournezy 34070 Montpellier Tél. 04 67 07 99 00 - fax. 04 67 07 90 91

Agence de Nantes 5 bd Vincent Gâche - BP 36204 44262 Nantes cedex 2 Tél. 02 40 41 73 39 - fax. 02 40 41 73 19

Agence de Nice 23, rue Jean Canavèse 06100 Nice Tél. 04 93 51 01 11 - fax. 04 93 51 01 64

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Actes des ateliers et de la conférence Adequation 201120 octobre 2011 - Palais des Congrès de Lyon

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Atelier 1 - Sait-on maîtriser les prix immobiliers pour lutter contre la

ségrégation socio-spatiale ? Thèmes : politique d’habitat, aménagement durable, habitat coopératif

• Didier Vanoni, économiste et sociologue, directeur de FORS

Recherche Sociale

• Stéphane Quadrio, chef de projet renouvellement urbain à

l’EPA Saint-Etienne

• François Chaussavoine, directeur de Coop Habitat Bretagne

Atelier 2 - Quelle charge foncière admissible pour le

logement abordable ? Thèmes : politiques et action foncière publiques, programmation des

opérations d’aménagement, accords de prix maîtrisés

• Benoît Bellamy, chargé de mission logement à la direction

générale du développement urbain de Nantes Métropole

• Jean-Charles Castel, chargé de mission prospective au CERTU

• Laurent Escobar, directeur associé d’Adequation

Atelier 3 - Inscrire l’aide à l’accession dans les territoires

et dans les pratiques des opérateurs : un pari possible ? Thèmes : appropriation du PSLA et du PTZ+, implication des acteurs : État, collectivités,

opérateurs du logement

• François Tarade, directeur habitat du Crédit Foncier de France

• Jean Bosvieux, directeur des études de l’ANIL, Agence nationale pour l'information

sur le logement

• Jean-Loup Merlot, directeur général adjoint de la communauté d’agglomération de

Caen-la-Mer, en charge de l’habitat, du foncier et de l’aménagement

Les conditions d’accès de la classe moyenne à un logement neuf se sont considérablement dégradées

depuis 2006. Faute d’une amélioration substantielle, la production de logements neufs en France restera

durablement insuffisante en volume et inadaptée dans ses réponses aux besoins des ménages.

Ce constat a conduit Adequation à organiser sa conférence annuelle 2011 sur le thème : Solutions pour

le logement abordable. Le format de l'événement a évolué, puisque les participants à la conférence

étaient en outre invités à prendre part à l'un des trois ateliers organisés juste avant, chacun animé par

trois intervenants témoins.

Cette publication restitue les présentations et les échanges issus de ces ateliers. Le parti a été pris de

rendre compte de cette matière particulièrement riche suivant un plan qui s'écarte un peu du

programme rappelé ci-contre. Nous avons voulu en effet faire ressortir très concrètement les leviers

qui, du début à la fin de la chaîne de production du logement, peuvent être actionnés pour réduire les

coûts et faciliter l'accès des classes moyennes au logement.

Nous espérons que la lecture en sera facilitée, et avoir contribué ainsi à faire progresser la réflexion

collective vers des Solutions pour le logement abordable.

Merci à tous les intervenants et participants qui ont fait de ces ateliers un succès.

Laurent Escobar

Directeur associé d’Adequation

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Pour une lecture sélective… Les principales questions soulevées lors des échanges sont réunies ici, suivies des références des pages où les

éléments de réponse ont été apportés. Voir aussi le sommaire page suivante.

Comment se définit le logement abordable ?

Deux critères fondamentaux et incontournables : les besoins et ressources des ménages (pp. 6-7). La

segmentation du marché par les déciles de revenus (pp. 9-10). Une définition par les outils (p.12).

Par quelles aides les collectivités peuvent-elles soutenir l’accession à la propriété ?

Les limites du PTZ+ (pp. 13-14). Le coût total des aides au logement (p. 20). Subvention ou prêt ?

(pp. 23-24). Un exemple à suivre : la convention de Caen-la-Mer (p. 22).

Le PLH, un outil au service du logement abordable ?

Objectifs sociologiques et urbains (p. 8). Exemples des PLH de Nantes Métropole, Rennes Métropole

et Caen-la-Mer (p. 17).

Quel rôle l’action foncière publique joue-t-elle ?

Les effets de la politique foncière sur les prix du logement (p. 18). Les prix d’acquisition foncière

acceptables (p. 19) ; l’exemple de Nantes Métropole (p. 25).

Le projet urbain partenarial, alternative à l’action foncière publique ?

Principes de montage (p. 19), exemples du Grand Ecrin à Vaulx-en-Velin (p. 20) et de Symphony à

Saint-Fons (p. 21) dans l’agglomération lyonnaise.

La densité fait-elle baisser le coût du logement ?

Le levier de la densité en ZAC et dans le cadre du PLU (p. 20), et ses limites (pp. 25-26).

Quelles formes urbaines préférer pour développer du logement familial abordable ?

La variation des coûts en fonction des formes urbaines (pp. 25-26). Les prescriptions architecturales sur

la Plaine Achille à Saint-Etienne (p. 32), l’exemple du programme Boréal à Nantes (p. 25).

Quelles sont les charges foncières admissibles pour le logement abordable ?

La fourchette admissible de prix des droits à construire (p. 19). La sensibilité des prix de sortie à la

charge foncière et les pistes pour retrouver des marges de manœuvre (pp. 26-27). L’exemple des ZAC

de Nantes Métropole (p. 27) et le contre exemple actuel des ZAC du Grand Lyon (p. 28).

Comment formaliser des accords de prix maîtrisés ?

Les péréquations foncières dans le bilan d’aménagement (pp. 27-28). Les consultations à livre ouvert

(p. 29) ; les dispositions de Rennes Métropole (p. 19), les exemples nantais : Bottière Chênaie (p. 12) et

Erdre Porterie (p. 25).

Quels montages immobiliers permettent de produire du logement abordable ?

Les outils en accession à la propriété et en locatif libre (p. 12). Les postes du bilan de promotion

immobilière (p. 30) et en quoi ils démontrent l’intérêt des montages coopératifs (p. 31) ; les exemples

des programmes Novalto à Lyon Duchère (p. 8) et Villa Flora à Rennes Métropole (p. 27).

Les promoteurs privés peuvent-ils vendre des logements en PSLA ?

Principes de montage, nombre annuel d’agréments et plafonds par zone (pp. 14-15). La convention de

Caen-la-Mer (p. 22) et les exemples du Hameau du Parc (p. 11) et des Terrasses du Canal (p. 23).

Sur quels leviers agir pour faire diminuer les coûts de construction ?

L’impact du coût de construction sur le prix de sortie (p. 30). L’optimisation de la conception des

parkings et des typologies de logements (pp. 26, 31). La logique de filière (p. 33). Exemples des Allées

Vertes à Rennes (p. 23) et de Boréal à Nantes (p. 25).

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Sommaire

Enjeux et définitions 6Produire des logements abordables : un enjeu majeur 6

Un marché extrêmement tendu 6

Difficile mobilité résidentielle 7

Des conséquences sociales et économiques lourdes 8

Définitions du logement abordable 9

Définition par les besoins 9

Définition par les outils 12

Les aides de l'État à l'accession abordable 13

Du Pass Foncier au PTZ+ 13

La TVA à taux réduit (5,5 % devenu 7 %) 14

Marges de progrès 17Rôle de la collectivité 17

La planification urbaine 17

L'action foncière 18

Les aides à la personne 21

Rôle de l'aménageur et de l'urbaniste 25

Le coût de l'aménagement et des formes urbaines 25

Les contraintes inflationnistes 26

La détermination des charges foncières 27

La consultation 28

Rôle des opérateurs immobiliers et maîtres d'œuvre 30

Le bilan du promoteur et les montages coopératifs 30

La conception et la construction 31

Conclusion 33

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Enjeux et définitions

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Enjeux et définitions

Produire des logements abordables : un enjeu majeur

Un marché extrêmement tenduJean Bosvieux, directeur des études de l'Agence nationale d'information sur le logement (ANIL),

commence par un rappel : "Les prix de l’ancien ont connu une augmentation considérable entre 1987

et 2007, ils ont été multipliés par 2,5 en euro courant. Cela ne s'est pas arrêté à 2007. Il y a eu une

petite parenthèse avec la crise immobilière de 2009, mais la dernière note de conjoncture des notaires

[octobre 2011] montre qu'il y a eu encore 7 à 8 % d’augmentation, en moyenne au cours des 12

derniers mois […] Parallèlement, selon l’enquête sur la commercialisation des logements neufs (ECLN)

réalisée par le ministère de l’Écologie, les prix du neuf ont été multipliés par 1,9 sur la même période."

Autre donnée marquante, celle des besoins en logement au niveau national qui, selon François Tarade,

directeur de l'habitat du Crédit Foncier, serait de "5 millions de logements pour les 10 ans qui viennent,

soit 500  000 logements par an. […] C'est un cap à franchir énorme par rapport aux 320  000 ou

330 000 produits au cours des deux dernières années". Ces données suffisent à exprimer la tension qui

existe sur le marché du logement.

Découplage des ressources des ménages et des coûts de l'immobilier

Un phénomène très préoccupant est l'écart qui se creuse entre le budget des ménages et le coût du

logement. "Sur une période d'une quinzaine d'années, explique Didier Vanoni, économiste et

sociologue, directeur de FORS Recherche Sociale, on observe un découplage complet entre l'évolution

du pouvoir d'achat d'un côté et les prix de l'immobilier de l'autre (voir courbe p. suivante). C'est le

signe d'une "société en sablier", qui est non seulement clivée, mais qui repart un peu en arrière  : pour

les générations précédentes, le parcours résidentiel était synonyme d’ascenseur social. Aujourd’hui, les

perspectives d'évolution sont bouchées pour les jeunes, ils prennent leur indépendance plus

tardivement et subissent des modes de vie plus contraints. Les problèmes d’accès au logement sont

pour une part grandissante d’entre eux, qui pouvaient légitimement se revendiquer de la classe

moyenne, un facteur de déclassement social. Certains font le choix de la colocation, qui peut sembler

sympathique, mais pas quand elle concerne des cadres contraints d’adopter cette solution pour habiter

dans Paris et rester à proximité de leur lieu de travail, ou des divorcés obligés de rester ensemble faute

de pouvoir trouver un logement pour chacun". Cette situation est assez spécifiquement française  ; des

comparaisons européennes font apparaître des situations différentes selon les pays  ; Britanniques et

Espagnols seraient confrontés à des problèmes comparables ; Allemands et Belges seraient en revanche

beaucoup moins pénalisés.

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Evolutions comparées du prix des logements et de l’indice des loyers par rapport au revenu disponible Source CGEDD, INSEE

La courbe du bas, en base 100, représente l'évolution des loyers du secteur privé par rapport à celle du revenu moyen des ménages français ; la courbe du haut celle des prix à l'acquisition par rapport à ce même revenu moyen. L’évolution de ces courbes met en évidence que, si l’accès des ménages aux logements locatifs reste relativement stable depuis 10 ans, la situation s’est dramatiquement détériorée concernant l’accession à la propriété. Une part grandissante de ménages de la classe moyenne n’est plus capable d’accéder à la propriété, tant dans le neuf que dans l’ancien, et ce sur l’ensemble du territoire national, à des degrés variables selon la plus ou moins grande tension des marchés.

Difficile mobilité résidentielle La principale question qui se pose est : Comment fait-on pour loger les personnes qui arrivent sur le

marché ? Non pas les ménages propriétaires ou titulaires d'un logement social, mais, en grande partie,

des gens en mutation professionnelle ou en situation de décohabitation d'avec leurs parents ou leur

conjoint, et qui ne changent pas nécessairement de ville. Le desserrement des ménages explique plus

de la moitié du besoin en logement neuf dans une agglomération comme Lyon.

Le malaise est patent, comme l'explique Didier Vanoni : "Le gouvernement Raffarin a publié un rapport

qui disait que 80 % des Français étaient satisfaits de leurs conditions de logement. Quand on regarde

dans le détail beaucoup des gens interrogés avaient accès à la propriété et étaient âgés. Toute la

population était bien sûr représentée, mais on voyait bien qu'on avait dans cette satisfaction le fait

d'être soi-même à l'abri, soi-même à la fin d'un cycle d'accession à la propriété. Nous avons fait une

contre-enquête, en interrogeant des jeunes, des gens en mutation professionnelle, etc., et il en est

ressorti que 100 % d'entre eux étaient insatisfaits des conditions que leur offrait le marché."

La crise est aggravée par l'évolution des modes de vie

Parmi les facteurs aggravants de la crise du logement figurent le vieillissement de la population, auquel

les logements ne sont pas suffisamment adaptés, et la divortialité, c'est-à-dire la propension des couples

au divorce. Les couples qui s'endettent sur 25 ans avec un taux d'effort de 33 % ont une chance sur

trois voire une chance sur deux, à Paris et dans la petite couronne, de se séparer. Et à ce moment-là, il

devient extrêmement difficile pour eux de se loger de manière à pouvoir voir leurs enfants dans de

bonnes conditions. Les logements modulables ne se fabriquent pas, les prêts flexibles qui permettent de

se reporter sur un autre logement n'existent pas : il y a donc, selon Didier Vanoni, un décalage énorme

entre le marché immobilier et l'évolution de la société. Finalement, c'est à la population de faire l'effort

de s'adapter à des produits qui ne sont pas assez souples.

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Novalto – Quartier des Bleuets – GPV Lyon Duchère

Le groupe Amallia a développé, en phase 1 du GPV Lyon Duchère, un programme mixte de 41 logements libres vendus par SLCI, sa filiale de promotion immobilière, et de 14 logements locatifs intermédiaires, par sa filiale Promélia (architectes : Petitdidier / Prioux). Le foncier a été acheté à 150 € HT/m² de SHON.

Les 14 logements locatifs en intermédiaire urbain ont été mis en service en décembre 2010 : 3 T2, 8 T3 et 3 T4 loués autour de 8,7 €/m²/mois, ciblant des ménages gagnant entre 1 700 € et 3 000 €/moisLes 41 logements libres en collectif ont été commercialisés à partir de juin 2006 pour une livraison en décembre 2009. Ils ont été presque intégralement vendus à propriétaires occupants en TVA 5,5 %, à 2 300 €/m² (T2 à 119 000 €, T3 à 147 000 €, T4 à 164 000 €, T5 à 225 000 €), à l’exception de 2 logements vendus à investisseurs en TVA 19,6 % dans le cadre de la loi Scellier à 2 600 €/m². Quelques appartements n’ont pu se vendre qu’une fois le programme livré.

Des conséquences sociales et économiques lourdes On sait que le manque de logement bloque les parcours résidentiels et fige l'occupation du parc de

logement social : les ménages vieillissent dans un appartement familial devenu trop grand pour un

couple ou une personne âgée seule. Pour l'individu, l'impossibilité de déménager est un frein à la

mobilité professionnelle voire un obstacle à l'emploi. Un problème dont, selon François Tarade, les

collectivités comme les entreprises commencent à prendre conscience : " Il y a quelques cas de figures

un peu stigmatisés, comme celui de Sophia-Antipolis où des entreprises envisagent très clairement,

sinon de la quitter, du moins de modifier un peu leur politique sur la zone parce qu’elles n'arrivent pas

à loger correctement les salariés. Même dans les instances du MEDEF, on commence à se demander si

une entreprise n'aurait pas intérêt à asseoir un dispositif de proximité. Si on remonte 10 ans en arrière,

les collectivités donnaient souvent la priorité au développement économique. Il fallait à la fois attirer

des entreprises et des populations. Aujourd'hui elles se disent d'une part que ce n'est pas utile d'avoir

des entreprises si on ne peut pas loger les salariés et, d'autre part, qu'elles ne peuvent pas ne pas aider

les ménages. Car le risque est élevé de les voir quitter les centres urbains et générer un étalement

urbain extrêmement coûteux pour la collectivité."

Quand Didier Vanoni est sollicité dans le cadre de l'élaboration de PLH, il fait ce qu'il appelle les "PLH

d’agence immobilière". Il se met dans la situation d'un salarié qui arrive sur la commune et qui va voir

des agences en disant  "Avec ce que je gagne et le lieu où il est nécessaire que j'habite pour pouvoir

travailler, où est-ce que je peux me loger ?" Car c'est bien ainsi que la question se pose, plaide Didier

Vanoni qui poursuit : "On trouve de plus en plus, en Seine-et-Marne, en Seine-Saint-Denis et en Val-de-

Marne par exemple, des départements plutôt populaires, des formes dénaturées de logement : on loue

les garages, les soupentes, les boutiques etc., parce qu’il n'y a pas de produits adaptés aux ressources

des gens. Normalement, on devrait trouver, pour les familles de classe modeste, c'est-à-dire pour des

revenus compris entre 1,2 et 1,8 SMIC, des produits à la location entre 400 et 600 €/mois maximum.

Et pour les familles de la classe moyenne, gagnant entre 1,8 et 2,5 SMIC, des logements en accession

dont les remboursements mensuels n’excèdent pas 600 à 800 €/mois. La première question, et elle est

fondamentale, est donc de savoir si ces produits existent."

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Définitions du logement abordable

Que l'expression "logement abordable" ait fini par s'imposer en dit long sur la gravité de la situation : le

logement en général, exception faite du logement locatif social, est devenu dans la plupart des cas

inabordable, autrement dit la plupart des gens n'y ont plus accès.

On peut définir le logement abordable, qu'il soit en accession ou en location, comme celui dont la

situation, la taille et le prix sont compatibles avec les besoins et les capacités financières des ménages

auxquels il est destiné, sur un marché local donné. Cela peut paraître trivial, mais cette approche n'est

que très rarement observée.

Définition par les besoins

Dépenses contraintes et reste à vivre

Didier Vanoni invite à s'intéresser au poids des dépenses contraintes ou incontournables, dont le

logement fait partie, et de voir ce qu'il "reste à vivre". Les ménages du premier décile, c'est-à-dire les

10 % les plus pauvres, ont vu sur la période de 1979 à 2005 leurs dépenses contraintes progresser de

24 points contre 7 points dans le dernier décile.

"Dès lors que les dépenses contraintes augmentent, que les gens ne peuvent plus se loger ou avoir le

nécessaire pour simplement se maintenir et subvenir à leurs besoins primaires, on est dans une société

qui décline, qui est bloquée, en tout cas, qui n’est plus dans la même logique qu'auparavant.

Parmi les premiers déciles, on a bien sûr les ménages jeunes qui ne peuvent plus se loger, se déplacer

comme auraient pu le faire leurs aînés en1979. Ces générations évoluent d'une manière différente

notamment par rapport au logement, à la mobilité, par rapport à la décohabitation d'avec leurs

parents, etc.

Pour définir le prix du logement abordable, il faut donc partir du budget des ménages, dans une ville

donnée. Les dépenses contraintes incompressibles, le "reste à vivre" quand toutes les dépenses

obligatoires ont été payées et le taux d'effort maximal (amortissement d'emprunt ou loyer sur revenu

net), imposé par les banques en cas d’accession et les propriétaires en cas de location, déterminent très

précisément la part du budget qui peut être consacrée au logement.

Inversement, il faut se méfier d'une approche par les produits seulement. On rencontre des maires

surpris de constater que, malgré leurs efforts pour produire des logements sociaux locatifs ou en

accession destinés aux habitants de leur commune, ce ne sont pas ceux-là qui en bénéficient. C'est que

ces logements, même aidés, restent pour eux inabordables. Comme le souligne Didier Vanoni, "le maire,

et souvent aussi les acteurs qui l’accompagnent (les services, les urbanistes, les aménageurs, les

promoteurs eux-mêmes) ont une vision assez décalée des ressources réelles des ménages. Il faut se

rappeler que la médiane des ressources des ménages français est autour de 2  000 € par mois. La

moitié des ménages gagnent moins de 2 000  €, quelle que soit leur composition. Pour 2 000  € de

revenus mensuels composés avec un taux d'effort de 25 %, ce sont des logements coûtant en moyenne

500 €/mois qu’il faut produire. C'est cela la réalité."

Sans aller jusqu'à ce qui se pratique à Montréal (voir encadré p. 10), partir des besoins est

incontournable et c'est ce que font les collectivités les plus en pointe sur la question du logement

abordable.

Approcher le marché au plus près : segmentation par les déciles de revenu

Adequation a développé une méthodologie d'analyse du marché à partir des déciles de revenus qui

permet de segmenter la demande de manière fine.

Les ménages d'un secteur géographique donné sont répartis dans des classes représentant 10 % de la

population totale en fonction de leur revenu : les 10 % percevant les revenus les plus bas constituent le

premier décile, et ainsi de suite jusqu'au dixième décile, qui réunit les 10% de ménages percevant les

revenus les plus hauts. La classe modeste est représentée par les trois premiers déciles, la classe

moyenne par les quatrième à septième déciles, la classe aisée par les huitième à dixième déciles.

En général, l'accession à la propriété commence à être théoriquement envisageable au 3e décile (haut

de la classe modeste), ce qui va de pair avec une priorité moindre pour accéder au logement locatif

social. Compte tenu des prix très élevés du logement libre, cette catégorie de ménages est de facto

exclue du marché de l'accession, qui ne lui offre pas les produits compatibles avec ses revenus.

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Page 10: Solutions pour le logement abordable - Trois ateliers pour un grand chantier

Les classes immédiatement supérieures connaissent également de graves difficultés. Dans une

agglomération moyenne en zone B1 (grosso modo les agglomérations de plus de 250 000 habitants

hors Paris), l'analyse montre ainsi qu'un ménage de 3 personnes ayant un revenu de 2 500 euros ne

peut guère s'offrir mieux qu'un T3 de 63 m2 à condition de le trouver à 2 800  €/m2 hors garage.

Sachant que le prix moyen des villes centres en collectif neuf excède 4 000 €/m² et que le prix

plancher du marché lyonnais (Est lyonnais) est autour de 3 200 €, l'équation n'a pas de solution. Or

dans ce type d'agglomération, 2 500 € est le revenu médian : la moitié des ménages disposent donc de

ressources inférieures.

Finalement les 3e, 4e et 5e déciles sont les catégories les plus touchées par l'absence de logements

abordables. Elles représentent 30 % des ménages, mais 50 à 60 % de la demande de logement neuf

libre, que ce soit en location ou en accession (les classes supérieures étant plus souvent propriétaires

de leur logement, les classes inférieures prioritaires pour le logement social et trop loin d'être solvables

pour l'accession).

Les budgets d’aquisition maximum, parking inclus, en fonction du revenu des ménages primo-accédants, en zone B1, avec le levier du PTZ+ (source Adequation)

Logement abordable : destiné aux ménages allant du 3e au 5e décile de revenus, soit 30 % des ménages, et entre 50 % et 60 % de la demande de logements neufs en accession, correspondant au haut de la classe modeste et au début de la classe moyenne.

1 personne - 1.700 !/mois

1 personne - 2.100 !/mois

2 personnes - 2.100 !/mois

2 personnes - 2.500 !/mois

3 personnes - 2.500 !/mois

3 personnes - 3.000 !/mois

4 personnes - 3.000 !/mois

4 personnes - 3.500 !/mois

5 personnes - 3.500 !/mois

115.000 ! 130.000 ! + 15.000 !

139.000 !

139.000 !

150.000 !

160.000 !

+ 11.000 !

+ 21.000 !

165.000 !

165.000 !

186.000 !

190.000 !

+ 21.000 !

+ 25.000 !

194.000 !

194.000 !

219.000 !

224.000 !

+ 25.000 !

+ 30.000 !

230.000 !

230.000 !

261.000 !

266.000 !

+ 34.000 !

+ 36.000 !

Sans PTZ + Avec PTZ + Delta Taille du ménage / Revenus

En BBC, avec 10% d’apport, et un emprunt principal sur 25 ans à 4,4% (octobre 2011)

3ème décile

4ème décile

Médiane

6ème décile

7ème décile

T3 de 63 m! 3.015 "/m!

T4 de 82 m! 3.244 "/m!

T2 de 43 m! 3.023 "/m!

T2b de 53 m! 3.019 "/m!

T3b de 72 m! 3.111 "/m!

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Le Hameau du Parc – Lotissement du Grand Parc – Hermanville-sur-Mer (Caen-la-Mer)

Le promoteur privé Investir Immobilier a lancé la commercialisation d’une 1ère tranche de 63 logements BBC, mixant petits collectifs et maisons de ville, dont 17 PSLA conventionnés (27% du programme), en majorité sur les maisons de ville pour prioriser l’accession sociale à la propriété sur les logements familiaux de 3 et 4 pièces.

36 appartements de 2 et 3 pièces, livrables en juin 2013, dont 3 PSLA conventionnés.Lancement commercial en décembre 2011, 4 appartements vendus fin 2011 dont :- 2 ventes à accédants en PSLA à 2 450 €/m² en TVA 5,5 %, des T2 à 112 000 €- 2 ventes à investisseurs en Scellier à 2 890 €/m² en TVA 19,6 %, du T2 à 128 000 € au T3 à 190 000 €

27 maisons de ville de 3 et 4 pièces, dont 14 PSLA conventionnés. Lancement commercial en avril 2011, 9 villas vendues à fin 2011, dont :- 6 ventes à accédants en PSLA à 2 420 €/m² en TVA 5,5 %, du 3P à 167 000 € au 4P à 195 000 €- 3 ventes à investisseurs en Scellier à 2 840 €/m² en TVA 19,6 %, du 3P à 201 000 € au 4P à 230 000 €

Mode d’attribution des logements à Montréal Exemple cité par Didier Vanoni

“À Montréal, les logements sont attribués non pas par file d'attente, coupe-file ou filière d'urgence, mais par "scoring" c'est-à-dire que plus on est pauvre et proche du revenu zéro, plus vite on a un logement. Ce sont vraiment les plus démunis qui accèdent les premiers au logement. Le loyer est calculé en fonction des revenus du ménage. S'il gagne 10 $ il paiera 25 % de 10 $ c'est-à-dire 2,50 $. Le jour où il gagnera 50 $ il paiera 25 % de 50 $ etc. A partir d’un un certain seuil, on dit au ménage : « Vous avez un an pour partir parce que vous pouvez consentir un taux d'effort qui ressemble à celui du marché. » A Montréal, le locatif libre est juste au-dessus du logement social et il y a encore une fluidité. Ce qui est intéressant est que le loyer n'est pas arrimé au montage du départ. Le différentiel est payé par l'impôt, mais globalement, c'est-à-dire qu’au fur et à mesure que le bâtiment est amorti, on provisionne ce qu'il faut provisionner, mais on n'a pas le même type de charges, et c'est la puissance publique qui, sur un projet et non à vanne ouverte comme pour l’APL, finance le différentiel.”

Tenir compte des effets de seuil

Le marché est tellement tendu que quelques centaines d'euros "de trop" au mètre carré sont de nature

à rendre un ménage insolvable pour l'achat d'un logement. Inversement, une baisse de prix de quelques

centaines d'euros peut solvabiliser un grand nombre de ménages supplémentaires. A condition de ne

pas raisonner uniquement en surface (prix au mètre carré), mais en prix unitaire (prix du logement), car

un logement peut-être accessible en surface mais manquer d'une pièce, ou les pièces être trop grandes

et renchérir le prix global.

L'ancien, une solution ?

On notera que l'ancien n'est pas une solution immédiate, car les prix ont rattrapé ceux du neuf,

comme l'analyse Laurent Escobar, directeur associé d'Adequation : "Les prix du neuf et ceux de l'ancien

sont corrélés. Depuis 15 ans, quand les prix du neuf augmentent de 5 %, ceux de l’ancien augmentent

de 9 %. Il y a 15 ans, l'écart était de 40 % environ au mètre carré, aujourd'hui il est inférieur à 20 %.

L'ancien est encore moins cher au mètre carré, mais comme, à nombre de pièces équivalent, les

appartements sont plus grands et les frais de notaire plus élevés, les prix unitaires sont relativement

proches. On peut dire qu'il n'y a quasiment plus d'écart."

Didier Vanoni observe néanmoins que la réponse à la demande réside largement dans le parc ancien,

où les rénovations sont extraordinairement insuffisantes aujourd’hui : rester au rythme actuel de 1 %

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seulement du parc rénové chaque année (350  000 logements) revient à considérer, évidemment à

tort, qu'un logement a une durée de vie de 100 ans. Sachant en outre que l’objectif du Grenelle est de

réduire de 38 % les consommations énergétiques du parc existant en 2020, il faudrait réaliser chaque

année 400  000 rénovations lourdes pour logements les plus énergivores, auxquelles s’ajoute la

rénovation intermédiaire d’un million de logements par an. On en est loin ! Mais c'est un autre débat…

Les Allées du Parc – Eco-quartier Bottière Chénaie – Nantes

Bottière Chénaie constitue l'un des grands secteurs d'urbanisation en cours de l'est de Nantes, à quelques stations de tramway du centre-ville. La ZAC accueillera à terme 2 300 logements, dont 36% de logements locatifs sociaux et 26% de logements abordables. Plusieurs îlots sont mixtes, dont l’îlot 13, les Allées du Parc.

Bouwfonds Marignan, promoteur immobilier d’envergure nationale, y a proposé du Pass Foncier (assimilé par l’aménageur à de l’accession sociale), du logement abordable et du logement libre, avec des formes urbaines variées collectif, intermédiaire urbain, maisons de ville… L’opération a été réalisée en deux tranches (en 2008 et 2010), qui se sont chacune vendues en 18 mois : 54 logements ont été vendus à propriétaires occupants, dont 50 grâce au Pass Foncier et aux accords de prix maîtrisés ayant permis de proposer du logement abordable. Les 82 logements libres, plus chers, ont été vendus pour 78 d’entre eux à investisseurs dans le cadre de la loi

Scellier, et seulement 5 à des propriétaires occupants.

On voit ici l’importance des dispositifs d’aide à l’accession, qui ont permis de destiner 41 % des logements à propriétaires occupants. Si ces dispositifs n’avaient pas été mis en place, la part des ventes à investisseurs aurait été beaucoup plus importante.

Définition par les outilsEn accession, le logement abordable peut mobiliser les outils suivants :

Collectif ou individuel groupé

• PSLA (prêt social de location accession)

• Accession sociale : sous condition de plafonds de ressources et de prix de vente définis chaque

année par décret ministériel, et faisant bénéficier les acquéreurs de la sécurisation HLM (garantie

de 10 ans contre les risques de décote du bien en cas de revente contrainte et, dans l’hypothèse

où l’accédant se trouverait en difficulté au cours des 15 années suivant son acquisition, garantie de

rachat à un montant minimum déterminé à l’avance et garantie de relogement dans un logement

locatif social, de la part de l’opérateur vendeur ou d’un bailleur social avec lequel il aura conclu une

convention.

• Habitat coopératif

• Logement libre en périmètre PNRU ou dans un rayon de 500 m

• Habitat à prix maîtrisé (en ZAC)

Maisons individuelles

A noter qu'une maison individuelle située en grande couronne d'une métropole ou au-delà coûte,

terrain compris, entre 160 000 € et 200 000 € pour un 4/5 pièces, ce qui la situe dans la catégorie du

logement abordable. C’est pourquoi résoudre la question de l’étalement urbain implique de savoir

construire, en centre-ville, dans cette fourchette de prix unitaire, pour des typologies plus compactes, T3

et T4.

En location : • PLS investisseur (TVA réduite)

• Locatif libre intermédiaire (entreprises sociales de l'habitat, réseau Action logement)

• Scellier social (peu utilisé)

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PTZ 2012 (source : ANIL)

Les zones A, B1, B2, C sont fixées par l'arrêté du 29.4.09 (JO du 3.5.09). A titre d’illustration : A : Paris et l’agglomération parisienne, les communes les plus chères de la Côte d'Azur, le Genevois français. B1 : les agglomérations de plus de 250 000 habitants, certaines communes d’Île-de-France ou de la Côte d’Azur, certaines zones frontalières ou littorales, les départements d’Outre-mer, la Corse, les îles non reliées au continent. B2 : les agglomérations de plus de 50 000 habitants, les communes de la grande couronne d’Île-de-France. C : le reste du territoire. Le montant du prêt est plafonné selon un barème tenant compte de la zone, de la taille du ménage et de la norme BBC 2005. Exemple : pour un couple avec 2 enfants achetant un logement neuf BBC en zone B1, le montant maximum du PTZ+ est de 66 000 € si le montant de l’opération est de 200 000 €, et peut monter jusqu'à 77 220 € si le montant de l’opération est égal ou supérieur à 234 000 €.

Plafonds de ressources suivant le nombre d'occupants et la zone

Occupants Zone A Zone B1 Zone B2 Zone C

1 43 500 € 30 500  € 26 500 € 26 500 €

2 60 900 € 42 700 € 37 100 € 37 100 €

3 73 950 € 51 850 € 45 050 € 45 050 €

4 87 000 € 61 000 € 53 000 € 53 000 €

5 100 050 € 70 150 € 60 950 € 60 950 €

6 113 100 € 79 300 € 68 900 € 68 900 €

7 126 150 € 88 450 € 76 850 € 76 850 €

8 et + 139 200 € 97 600 € 84 800 € 84 800 €

Les aides de l'État à l'accession abordable

Du Pass Foncier au PTZ+L'accession a connu une "parenthèse enchantée" entre 2009 et 2010 du fait d'une conjonction d'aides

dans le cadre du plan de relance de l'économie de 2008. Avec le Pass Foncier et le doublement du PTZ

(prêt à taux zéro), les aides pouvaient atteindre 30 à 40 % du prix ; une aide locale minime déclenchait

une aide nationale considérable, notamment la TVA à 5,5 % dans le cadre du Pass Foncier, qui a connu

un fort succès. Fin 2010, le PTZ+ s'est substitué à l'ancien dispositif et les autres aides ont disparu, à

l'exception du PSLA.

Le PTZ + n'est pas vraiment adapté à la réalité du marché, puisque le plafond de ressources ne se situe

pas loin du niveau auquel les ménages sont de toute façon insolvables, même avec le prêt à taux zéro,

pour accéder à la propriété aux prix du marché.

C'est ainsi que, en zone A (marché fortement tendu), les ménages disposant de revenus inférieurs ou

égaux à 3,5 SMIC sont exclus de l'accession, ce qui représente 67 % de la population, selon François

Tarade (Crédit Foncier). La réalité est à peine plus favorable en zone B1. Le zonage est d'ailleurs

largement imparfait, comme en témoigne M. Jean-Loup Merlot, directeur général adjoint en charge de

l'habitat, du foncier et de l'aménagement de la Communauté d'agglomération de Caen-la-Mer, selon qui

le faible nombre de PTZ+ s'explique par le classement de cette agglomération en zone B2, alors qu'elle

présente toutes les caractéristiques de la zone B1, en particulier des prix qui ont doublé entre 1999 et

2006 dans le neuf, et augmenté de 120 % dans l'ancien.

Outre les revenus, l'apport personnel constitue un ticket d'entrée sur le marché de l'accession et le

seuil est très variable. Jean Bosvieux (ANIL) précise : "Si vous aidez des ménages à accéder à la

propriété à Paris, ils devront être capables de mobiliser un apport personnel de plus de 80 000 €. A

Vitré, vous allez avoir des ménages qui ont un apport personnel beaucoup plus modeste. Ce ne sont

pas tout à fait les mêmes classes moyennes : quand on est capable de mobiliser 80 000 €, on n'est pas

dans la même situation financière que quand on peut mobiliser 10 000 €."

Au final, le PTZ+ est d'une efficacité très limitée. Il n'a pas vraiment d'effet de levier et, en outre, il a

surtout profité aux célibataires et aux ménages sans enfants accédant dans l'ancien, ce qui ne va pas

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autant que l'on pourrait le souhaiter dans le sens des besoins des collectivités, qui souhaitent au

contraire faire revenir des familles jeunes avec enfants dans les centres.

La TVA à taux réduit (5,5 % devenu 7 %)Le bénéfice d'une TVA réduite constitue une aide fiscale particulièrement importante puisqu'elle

représentait un différentiel de 12 % sur le prix de vente final quand le taux réduit était à 5,5 % au lieu

de 19,6 %. Avec la TVA à 7 % applicable à partir de 2012, ce différentiel n'est plus que de 10,5 %

environ (sauf augmentation du taux de base lui-même). La TVA réduite s'applique sous condition de

ressource de l'acquéreur dans deux cas : la mobilisation d'un PSLA d'une part, la construction dans une

zone urbaine sous convention avec l'ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) ou dans un

rayon de 500 m autour de celle-ci d'autre part. Dans ce dernier cas, le plafond de ressources est

apparu en 2012 seulement. 

Le PSLA, prêt social de location accession, est un prêt attribué sous conditions de ressources à des

ménages modestes dans des opérations agréées par l'État. Le titulaire bénéficie d'une option d'achat

après une période de location, et d'une garantie de relogement s'il ne lève pas l'option. Outre la TVA

réduite, le PSLA ouvre droit à une exonération de taxe foncière durant 15 ans. Environ 2 500 dossiers

par an étaient agréés ces dernières années selon François Tarade, un nombre qui pourrait augmenter

jusqu'aux alentours de 4 500 dans l’objectif de compenser partiellement la disparition du Pass Foncier.

Les zones retenues pour la définition des plafonds sont toutefois tellement larges qu'elles ne peuvent

pas refléter la réalité des marchés.

La zone B1 touche toutes les agglomérations de plus de 250 000 habitants, ce qui conduit à des seuils

identiques à Lyon et Saint-Etienne par exemple. Or les prix plafond, déjà très élevés pour Lyon, sont

carrément rédhibitoires pour Saint-Etienne où les revenus sont beaucoup plus faibles. Le niveau des

seuils est d'ailleurs globalement contestable car il conduit à rater la cible des ménages à bas revenus,

théoriquement les premiers concernés.

En zone B1, par exemple, un ménage de deux personnes est éligible au PSLA jusqu'à un revenu de

31 588 €. A ce niveau de ressources, un ménage primo-accédant sans apport personnel a une capacité

d'achat de 170 000 €. Or le plafond de prix d'un logement de 65 m2 est de l'ordre de 200 000 €,

atteignant 3 100 € le m2 habitable. De tels prix peuvent se justifier dans certains secteurs, par exemple

dans les secteurs de 500 m autour des périmètres ANRU, mais ne s'adressent pas au "cœur de cible"

des opérations de renouvellement urbain ; ils concernent plutôt les ménages des 7e à 9e déciles.

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Plafond de ressources du PSLA, prêt social location accession (1er janvier 2012)

Suivant le nombre d'occupants et la zone

Occupants Zone A Zones B et C

1 31 250 € 23 688 €

2 43 750 € 31 588 €

3 50 000 € 36 538 €

4 56 875 € 40 488 €

5 65 875 € 44 425 €

Opérations en secteur ANRU (valeurs au 1er janvier 2012)

Suivant le nombre d'occupants (tableau simplifié) et la zone

Paris et communes Reste de Autres régions limitrophes l’Ile de France

1 32 228 € 32 228 € 28 019 €

2 48 164 € 48 164 € 37 417 €

3 63 140 € 57 899 € 44 997 €

4 75 385 € 69 352 € 54 322 €

5 89 693 € 82 099 € 63 902 €

6 100 928 € 92 387 € 72 017 €

Prix maximum du logement suivant la zone en PSLA et en PNRU (m2 de surface utile)

HT TTC (5,5 %)

Zone A 3 963 € 4 181 €

Zone B1 2 658 € 2 804 €

Zone B2 2 320 € 2 448 €

Zone C 2 030 € 2 142 €

Attention : il s'agit de surface utile. Pour obtenir le prix de la surface habitable, majorer ces prix de 10 à 12 %.

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Marges de progrès

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Page 17: Solutions pour le logement abordable - Trois ateliers pour un grand chantier

Marges de progrèsDans la situation actuelle des marchés immobiliers, produire des logements abordables implique des

aides et incitations financières directement ou indirectement fléchées vers les bénéficiaires finaux, mais

aussi une série de mesures d'économie concourant à la réduction du prix de revient. Ces dernières

doivent être recherchées à toutes les étapes de la chaîne de production du logement. Comme le dit

Jean-Charles Castel, chargé de mission prospective au CERTU  : "Nous avons des processus longs,

segmentés dans le temps, avec des risques de dérap. à tous les postes. Où sont les risques : dans le

dérap. du coût de construction, dans l'absence de dialogue entre la conception en amont, avant, ou

après ?"

Rôle de la collectivité

La planification urbaineUne première approche de la réduction des coûts de production du logement consiste, au moyen des

instruments de planification que sont les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les plans locaux

d'urbanisme (PLU), à limiter les possibilités de construction diffuse et à concentrer la création de

logements dans des secteurs suffisamment denses pour amortir le coût des équipements publics et de

transport. Le programme local de l'habitat (PLH), permet quant à lui de programmer précisément la

construction de logements. S'il comporte des engagements en termes de logement abordable, comme

à Rennes ou à Nantes, il fournit un cadre de référence aussi précieux qu'efficace pour l'action foncière

et les opérations d'aménagement.

A Rennes, le PLH prévoit la construction de 4 500 logements par an, dont 25 % en accession aidée ou

en PLS. A Nantes aussi, le logement abordable est très clairement identifié dans le PLH. Les besoins

sont de 4 500 à 5 000 logements par an, dont plus de 500 en accession abordable. Ces objectifs de

production de logement sont déclinés dans chacune des 24 communes, chacune ayant sa “feuille de

route”. En particulier, le volume de logements abordables est fléché sur les opérations d'aménagement

et les réserves foncières dans chacune des communes.

Quelques références de prix de vente du logement abordable

Le PLH de Nantes Métropole définit les prix de vente des logements abordables en fonction de leur

taille, leur situation dans l'agglomération et leur nature (collectif ou individuel). Les prix sont inscrits

dans une fourchette allant de 2 100 à 2 700 €/m2, sachant que le prix du libre est de 3 600 €/m2 à

Nantes et de 3 200 € sur le reste de l'agglomération (voir référentiel provisoire ci-dessous).

A Rennes, en accession aidée, le prix de vente du collectif (garage compris) est de 1 950 € TTC le

mètre carré SHAB, celui de l’individuel de 1 850 € [maisons accolées, mais pas mitoyennes]. François

Chaussavoine, directeur de la société de promotion immobilière Coop Habitat Bretagne, précise que

ses clients ont des revenus moyens de 1 600 €/mois pour les programmes collectifs et de 2 500 €/mois

pour les maisons. Parallèlement, le prix moyen du marché serait de 3 700 €/m2 garage compris dans la

ville centre, 2 900 € dans le reste de l'agglomération.

A Caen, le prix de vente plafond des logements aidés par la communauté d'agglomération est de

2 320 € /m2 utile, cela correspond au plafond de prix de vente du PSLA (valeur janvier 2012). Le prix

moyen du marché en collectif se situait à 3 400 € hors parking en 2011.

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Boréal - Vallon des Dervallières - Nantes

Projet de 39 logements dont 18 en logement abordable (Groupe CISN Atlantique) et 21 en locatif social (Habitat 44) sur le projet ANRU du Vallon des Dervallières (îlot B2) aménagé par Nantes Métropole Aménagement. Novateur en termes de forme urbaine, d’architecture (peu coûteuse et pourtant très primée) et de typologie de logements, le programme s’est vendu en 8 mois en 2010, à 2 276 €/m² en TVA 5,5 %. Les T2 à 124 000 €, les T3 à 143 000 €, les T4 à 186 000 €.

L’agence d’architecture Tetrarc a tramé l’immeuble en onze “maisonnées”. Chacune abrite, sur cinq étages, trois ou quatre appartements, dont 16 duplex. 31 des 39 appartements sont traversants. La quasi totalité des places de stationnement sont localisées sous l'immeuble, construit sur pilotis. Les trames de logements sont prolongées par une serre de type horticole qui permet la régulation des apports solaires et des déperditions thermiques. Prolongeant les espaces intérieurs, la serre apporte à chaque logement une surface complémentaire et, dans le cas des duplex, un véritable volume à vivre, tout en préservant chaque logement de rapports visuels directs avec les bâtiments voisins.

L'action foncièreL'action foncière est un outil éminemment stratégique pour la collectivité puisqu'elle lui permet

d'alimenter le marché immobilier en foncier dans des secteurs et à des prix cohérents avec sa politique

en faveur du logement.

La constitution de réserves de foncier public

Selon Lionel Cayre, directeur d'agence Lyon Sud Loire Auvergne pour Bouygues Immobilier, l'envol des

prix du foncier tient à l'insuffisante "fabrication" de foncier par la puissance publique : "On est dans les

règlements, dans la construction de la ville, il y a des rythmes qui sont peut-être trop lents quant aux

actions foncières, aménagements et opérations. Il est vrai que c'est compliqué, quand on achète des

fonciers et qu'on les aménage peut-être 10 ou 15 ans plus tard, de déterminer le bon prix d'achat […]

Il reste qu'il y a un vrai problème de fabrication du foncier, de terrains à construire. Sur Lyon, cette

fabrication est malheureusement trop faible."

Pourtant, des réserves de foncier public en quantité suffisante peuvent faire contrepoids à la

spéculation naturelle sur les fonciers privés, qui renchérit le coût du logement au seul bénéfice des

propriétaires de terrains (rente foncière). Si Rennes est exemplaire en matière de logement abordable,

cela tient sans doute au pouvoir que lui donne sa maîtrise foncière publique. Selon

François Chaussavoine, Rennes maîtrise "traditionnellement" 40 à 50 % du foncier rendu disponible

pour construction de logements neufs, en application d'une politique ancienne qui remonte à Edmond

Hervé (maire de la ville de 1977 à 2008). On verra plus bas que cela n'empêche pas certains effets

pervers.

A Nantes aussi, selon Benoît Bellamy, chargé de mission logement à Nantes Métropole, le foncier public

permet d'alimenter normalement le marché à hauteur de 20 % à 30 % des besoins en logements,

jusqu'en 2020. Inversement, Lyon et Marseille, qui ont considérablement réduit leur action foncière

depuis une dizaine d'années, sont passées dans le même temps de la queue à la tête du classement des

prix de l'immobilier dans les métropoles régionales. Les coûts de construction étant sensiblement les

mêmes partout, et la disponibilité physique de terrains n'étant pas en cause, c'est bien à l'insuffisante

"mise à disposition" de foncier, donc à sa relative rétention, qu'il faut imputer cette flambée des prix.

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Page 19: Solutions pour le logement abordable - Trois ateliers pour un grand chantier

Dix premières aires urbaines hors Paris selon le prix de vente moyen du neuf en 2011

Marseille 3 869 € Nantes 3 451 €Lyon 3 813 € Strasbourg 3 349 €Montpellier 3 693 € Toulouse 3 311 €Grenoble 3 579 € Lille 3 284 € Bordeaux 3 554 € Rennes 3 122 €

(source Adequation)

L'anticipation des opérations d'aménagement

Même si, selon Laurent Escobar, elles représentent moins de 20 % des opérations immobilières en

France, les ZAC devraient constituer un moyen efficace de régulation des prix de l'immobilier, à

condition toutefois que les acquisitions se fassent à un prix qui permet de produire du logement

abordable en bout de chaîne. Car, comme l'explique Laurent Escobar, "dans les zones urbaines, il faut

que l’aménageur récupère du foncier entre 45 et 75 € /m2 de SHON pour pouvoir le revendre à 150

ou 250 €. C'est la fourchette dans laquelle la charge foncière doit rester pour produire du logement

social et du logement abordable, soit normalement plus de 50 % de la programmation. S'il le récupère

plus cher, cela devient plus difficile. C'est certainement la difficulté que l'on a à Lyon notamment."

Il est préoccupant, à cet égard, que l'action foncière et l'aménagement ne soient pas mieux

coordonnés, ce que n'améliore pas la loi du 20 juillet 2005 imposant la mise en concurrence des

aménageurs, en conformité avec la réglementation européenne. Certains opérateurs fonciers sont

toutefois exemplaires dans leur prise en compte de l'utilisateur final, tel l'Établissement public foncier

des Yvelines. "Avant d'acheter un terrain, témoigne Laurent Escobar, il fait travailler un urbaniste, un

bureau d'études techniques et un programmiste. La collectivité est directement impliquée, l'EPF lui

demande de préciser ses objectifs, avec des questions précises telles que : Quels sont les gens que vous

souhaitez voir habiter là ? Ou quels emplois ? Combien gagnent-ils, pour en déduire quel prix de sortie

il faut viser ? Quelles formes urbaines  ? Quels coûts de construction  ? Quelles charges foncières  ?

Quelles dépenses d'aménagement  ? Quel montant de participation la collectivité est-elle prête à

assumer ? Quelles subventions peut-on faire jouer au-delà des possibilités de la collectivité locale ?"

Le projet urbain partenarial

Entre l'action foncière et l'aménagement, le projet urbain partenarial est un moyen intéressant de faire

obstacle à la spéculation foncière lors de mutations importantes, en amont de la révision du droit du

sol. Le montage associe le propriétaire, l'occupant d'un foncier, la collectivité et un promoteur. Il y a

accord sur le prix du foncier, aide éventuelle à la relocalisation (cas d'une entreprise), accord sur le

programme immobilier puis modification du règlement d'urbanisme par la collectivité. Laurent Escobar

cite deux exemples dans l'Est lyonnais, l'un à Vaulx-en-Velin, avec Nexity et l'entreprise Tarvel (création

et entretien d'espaces verts), l'autre à Saint-Fons, sur l'ancien site industriel de l'Arsenal où Bouygues

Immobilier réalise actuellement le programme Symphony qui doit se vendre à 2 200 € en TVA 5,5 %

(périmètre ANRU) à partir d'une charge foncière valorisée autour de 200 € HT/m² de SHON. Dans

ce type de montage, les discussions ont lieu à livre ouvert, ce qui exclut la surenchère. Le prix du

foncier est arrêté en considération à la fois du projet de relocalisation de l'entreprise et du projet

immobilier.

Les cessions à prix réduit aux opérateurs immobiliers

Certaines collectivités consentent un effort particulier sur le prix des terrains publics vendus aux

opérateurs immobiliers pour réaliser du logement social et abordable. A Rennes, la collectivité vient

abonder l'achat du terrain : vendu 228 € /m² habitable par la Sem d'aménagement Territoires, il ne

revient que 100 € au promoteur, en contrepartie de prix de vente des logements autour de 2 000 €/

m² parking inclus. Ces valeurs paraissent tout à fait exceptionnelles, à juste titre, aux professionnels

lyonnais, d'autant que l'on raisonne ici en surface habitable et non en SHON ; le prix de la SHON est

de l'ordre de 80 % de celui de la SHAB, donc 80 €, un montant qui, en Rhône-Alpes, est adapté au

marché de petites villes telles que Roanne, Saint-Chamond, Tarare… A Lyon, Laurent Escobar estime

qu'une charge foncière correcte serait autour de 200 €/m2 SHON.

A Caen, la communauté d'agglomération concède l'aménagement de ZAC sur des fonciers acquis avec

le concours de l'Établissement public foncier de Normandie. "Nous sommes en train d'introduire

l'accession sociale dans notre négociation avec le concessionnaire. Auparavant, nous étions très "le

logement social et le reste". Très clairement c'est notre subvention d’équilibre, notre apport qui

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augmente. Mais, on a aussi cette politique-là", témoigne Jean-Loup Merlot, directeur général adjoint de la

communauté d'agglomération Caen-la-Mer en charge de l'habitat, du foncier et de l'aménagement.

Grand Ecrin - rue Robespierre - Vaulx-en-Velin (Grand Lyon)

Programme réalisé par Nexity, dans le périmètre des 500 mètres de l’opération ANRU Pré de l’Herpe - Mas du Taureau, à proximité immédiate de la ZAC du Centre.

Le programme totalise 19 954 m² de SHON (acquis à 200 € HT/m² de SHON) pour 280 logements BBC, dont 240 logements libres, le solde en bloc à bailleur pour mise en service de 40 logements locatifs sociaux (14% du total). Le projet urbain partenarial a été établi en 2006 entre le Groupe Tarvel (entreprise propriétaire du tènement foncier), Nexity et la Ville de Vaulx-en-Velin, qui a sollicité une modification de PLU auprès du Grand Lyon pour rendre constructible la parcelle en fonction du projet de logements réalisé par Nexity (architectes : Bruno Dumetier, Bernard Paris et Thierry Roche).

Livraison en décembre 2009. Lancement commercial en octobre 2007. Les 240 logements libres ont été vendus en plusieurs tranches en 36 mois à raison de :

- 62 % en TVA 5,5 % à des propriétaires occupants, au prix moyen de 2 295 €/m² (T2 à 110 000 €, T3 à 146 000 €, T4 à 179 000 €, T5 à 229 000 €)

- 8 % en TVA 19,6 % à des propriétaires occupants

- 30% à des investisseurs dans le cadre de la loi Scellier, au prix moyen de 2 730 €/m²

A propos de densité

Augmenter la densité est une manière de diminuer l'impact du coût du foncier dans les opérations

d'aménagement. Dans les métropoles dont les représentants sont venus témoigner, à Nantes, à Rennes

et à Caen, la densité est d'ailleurs une préoccupation majeure des élus, qui se traduit dans les

documents de planification. La manière dont elle se décline au niveau des opérations est une autre

question (nous ne parlons plus de ces villes en particulier). En pratique, l'impopularité de la densité

urbaine rend les élus particulièrement frileux sur ce plan. Il est plus fréquent de voir les décisions

politiques dédensifier les opérations, plutôt que l'inverse. Or, en ZAC, une manière simple de diminuer

la charge foncière consiste à accorder un supplément de SHON aux opérateurs qui produisent des

logements abordables. Elle est très peu utilisée.

Pourtant, à condition de rester à coût de stationnement égal, l'effet de levier n'est pas négligeable,

comme le montre un exemple simple : soit un projet de 5 000 m2 SHON avec une charge foncière de

300 € HT et un prix de vente TTC de 3 050 €/m2. Un accroissement de la SHON de 20 %, le projet

passant alors à 6 000 m2, abaisse la charge foncière à 250 € HT et le prix de vente TTC à 2 900 €/

m2 : cette baisse de prix permet d'intéresser "un demi-décile" supplémentaire, soit 10 % de la demande

de logement neuf en accession (rappelons que trois déciles de revenus représentent à eux seuls 50 % à

60 % de cette demande).

Le "supplément de SHON" est en revanche inapplicable dans le diffus où le prix de vente du terrain se

négocie systématiquement en fonction de la SHON maximale autorisée sur la parcelle dans le PLU et

indépendamment des programmes réalisés (libre, social ou abordable) : les promesses de vente

comportent une clause à sens unique qui prévoit un supplément de prix dû par le promoteur au

vendeur si la construction excède la SHON prévue initialement. Le promoteur n'a aucun recours pour

justifier qu'il se voit imposer par la collectivité un taux de logement social qui peut être important

(jusqu’à 25 % des logements construits). Dans ces conditions, la seule issue pour lui consiste à appliquer

une péréquation entre logements libres et logements sociaux, qui a pour conséquence de renchérir

fortement, jusqu'à les rendre inabordables, les logements libres. Un remède à cet effet pervers pourrait

être d’inscrire l'opposabilité de la contrainte des logements sociaux ou abordables dans les PLU et d’en

normaliser la prise en compte dans la constitution du prix du foncier.

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Symphony - Parc Industriel Lyon Sud (ex-Arsenal) - Saint-Fons (Grand Lyon)

Programme réalisé par Bouygues Immobilier dans le périmètre des 500 mètres de l’opération ANRU de Vénissieux - Minguettes. Un projet urbain partenarial a été établi entre Brice Robert Arthur Loyd (propriétaire du tènement foncier), Bouygues Immobilier et la Ville de Saint-Fons, qui a sollicité une modification de PLU auprès du Grand Lyon pour rendre constructible la parcelle en fonction du projet de logements réalisé par Bouygues Immobilier (architecte urbaniste : Denys Léger, Archigroup).

 Bouygues Immobilier commercialise depuis mai 2011 une 1ère tranche de 124 logements libres BBC, livrables en mars 2013. Cent logements étaient d’ores et déjà vendus à fin 2011, après 7 mois seulement de commercialisation :

- 94 en TVA 5,5 % à des propriétaires occupants, au prix moyen de 2 114 €/m² (T2 à 102 000 €, T3 à 125 000 €, T4 à 153 000 €, T5 à 184 000 €)

- 6 à des investisseurs, dont 2 en PLS en TVA 5,5 %, au prix moyen de 2 190 €/m², et 4 en TVA 19,6 % dans le cadre de la loi Scellier, au prix moyen de 3 080 €/m²

Les aides à la personneCertaines communes distribuent des aides aux ménages primo-accédants. A Rennes, qui consacre

47 millions d'euros par an au logement, ce qui en fait la commune la plus généreuse de France, l'aide

peut aller jusqu'à 21  300 € par ménage. Globalement, selon François Chaussavoine, l'aide dégagée

atteindrait environ 30 000 € par logement en incluant l'effort fait sur le prix du terrain.

Les aides à l'accession moins coûteuses que les aides au logement ?

Didier Vanoni remarque que ce type d'aide n'est pas forcément plus coûteux que les aides "à vannes

ouvertes", comme l'APL (aide personnalisée au logement). "Il faudrait comparer les aides à l'accession

et les aides au logement type APL, qui peuvent être de 150 ou 200 € par mois pour certains ménages,

ou même le logement social, et regarder ce que ces aides récurrentes coûtent sur la durée

d'occupation du logement. J'ai demandé à l'USH de calculer le prix des aides sur la production d'un

logement PLUS. Ils ont établi ce coût à 37 000 € en moyenne en France." Il soulève en outre la

question du Scellier. Rappelons que, de 2009 à 2011, la réduction moyenne d’impôt a varié de 35 000 €

à 55 000 € par logement, suivant qu’il s’agissait d’un T2 ou d’un T3. En 2012, cette réduction baissera

entre 22 000 € et 32 000 € en moyenne, suivant la typologie. Le coût net reste relativement important

pour la collectivité, et cet investissement public ne rend les logements accessibles qu’à un nombre limité

de ménages, tant en locatif social qu’en locatif privé. "On est loin d’aider le plus grand nombre, poursuit

Didier Vanoni. Je ne suis pas un spécialiste du montage, mais c'est globalement peu transparent :

combien investit-on et quels sont les avantages et les inconvénients de telle ou telle formule pour la

collectivité à long terme ?" Sans oublier qu’une part significative des ménages bénéficiaires de l'aide à

l'accession libèrent un logement locatif social.

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Caen-la-Mer : exemple de conventionnement de PSLA avec des acteurs privés

En adoptant son programme local de l’habitat, la communauté d’agglomération Caen-la-Mer a affiché sa détermination à relancer la production de logements. L’accession sociale prend une place significative dans le PLH, qui fixe un objectif de 266 logements par an en accession sociale à la propriété, soit 19 % des objectifs de production neuve, et un budget d’aide de Caen-la-Mer de 900 000 € par an (4,7 M€ d’euros au total).

En mars 2012, Caen-la-Mer a signé des accords avec 3 promoteurs privés et 3 bailleurs sociaux : 14 premiers programmes, représentant 201 logements (dont 190 en PSLA), bénéficieront dès la première année des aides de la communauté d’agglomération. Les promoteurs privés commercialiseront 143 des 190 PSLA conventionnés, en mixité dans des programmes de logements libres.

Sont éligibles les logements neufs individuels, intermédiaires ou collectifs, occupés à titre de résidence principale et qui répondent aux conditions suivantes :• Prix d'acquisition n'excédant pas le seuil du PSLA, soit 2 320 € HT / m² utile (zone B2 au 01/01/2012)• Financement par un ou plusieurs dispositifs à l'échelon national : PSLA, financement en zone ANRU, PTZ+, PAS

(prêt accession sociale)• Contrat de réalisation juridiquement encadré, VEFA et CCMI (contrat de construction de maison individuelle)• Intégration dans un programme immobilier faisant l'objet d'une convention avec la Caen-la-Mer.

Des conditions doivent également être remplies par le ménage acquéreur :• Primo-accédant ou non• Entrant dans les plafonds de ressources PSLA• Supportant un taux d’effort maximum de 35 %

 L’aide consentie à chaque ménage par Caen-la-Mer représentera les montants suivants :

Ménage sans enfant Ménage avec enfant(s)

Logements individuels y compris en bande 2 000 € 3 000 €

Logements collectifs ou intermédiaires superposés 3 000 € 4 000 €

 L’opérateur instruira le plan de financement du ménage en intégrant l’aide de Caen-la-Mer et lui en rendra compte. L’aide sera versée à l’opérateur qui la traduira en réduction de prix ou en diminution de charges. L’aide sera mentionnée à l’acte notarié, assortie d’une clause anti-spéculative obligeant son reversement en cas de revente ou de mise en location dans un délai de 5 ans sans motif légitime.

Cette première convention permettra peut-être de lever une partie des interrogations de la collectivité :• La liberté donnée aux promoteurs publics et privés suffira-t-elle à provoquer une production “de masse” ?• Comment faciliter la relation promoteur privé et organisme HLM pour les garanties liées au PSLA ?• Y a-t-il un risque de contingentement des PSLA par l’Etat ? 

Attribution des aides : être à l'écoute des ménages

La collectivité qui apporte une aide financière, qu'elle soit à la personne ou à la pierre sous la forme de

charges foncières bonifiées, dispose d'un droit de regard sur l'attribution des logements.

A Rennes, ils sont attribués par une commission qui classe les demandes par ordre de revenu croissant

et de nombre d'enfants décroissant. Rennes Métropole a revu son dispositif en octobre 2011 : les prix

de vente du logement abordable ont été légèrement relevés, mais les aides à la personne compensent

en corrigeant une distorsion de l'ancien système, qui favorisait trop les personnes seules. Une nouvelle

souplesse a en outre été introduite, pour répondre à la demande récurrente des ménages qui

souhaitent acheter un logement plus grand en prévision d'enfants à venir. L'aide n'étant accordée

qu'une fois, c'est important. Elle a donc été plafonnée en fonction de la taille du ménage au moment de

la demande, mais si celui-ci veut un T4 au lieu d’un T3, il peut l'obtenir à condition de payer le

différentiel sans aide.

Caen-la-Mer, l’un des rares EPCI à avoir passé une convention avec des acteurs privés pour réaliser des

programmes en PSLA (voir encadré ci-contre) est également très attentive à faciliter l'accès aux aides,

quitte à revenir en arrière si trop d'ouverture devait conduire à des dérives. "Il y a une dynamique à

donner, explique Jean-Loup Merlot. Pour passer de 60 à 260 logements en accession sociale à la

propriété, la marche est haute. Nous nous sommes dit que si nous multipliions les obligations, il ne se

passerait rien. Nous avons donc ouvert le plus largement possible en restant bien clairement dans

l’accession sociale à la propriété, dans les plafonds du PSLA pour tout type d’accédants, tant pour le

mouvement HLM que pour les promoteurs privés. Quitte, si par hasard on arrivait à 350 logements

avec des dérives, à refermer et à cibler de manière plus ferme. Mais, pour l'instant, nous sommes

vraiment dans l’amorce d’une dynamique."

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Les Terrasses du Canal – Quartier Montmorency – Hérouville-Saint-Clair (Caen-la-Mer)

Programme réalisé par Investir Immobilier, de 75 logements collectifs BBC, livrables en juillet 2013, dont 13 PSLA conventionnés (17 % des logements).

Lancement commercial en mars 2011, 53 appartements vendus fin 2011, dont :

- 7 ventes à des accédants en PSLA à 2 390 €/m² en TVA 5,5 %, du T2 à 112 000 € au T4 à 174 000 €

- 46 ventes à des investisseurs en Scellier à 2 900 €/m² en TVA 19,6 %, du T2 à 142 000 € au T4 à 207 000 €

Les Allées Vertes - ZAC du Vert Buisson - Bruz (Rennes Métropole)

Programme réalisé par Coop Habitat Bretagne.

25 maisons de ville BBC commercialisées en un an (à partir de septembre 2009) en Pass Foncier à 1 882 €/m² (TVA 5,5 %) avec des typologies compactes permettant de proposer des budgets accessibles à la classe moyenne :

3P de 69 m² à 131 000 €4P de 78 m² à 148 000 €5P de 88 m² à 160 000 €

Subvention ou prêt ?

Les collectivités qui souhaitent aider les ménages à devenir propriétaires ont le choix de leur verser

directement une subvention qui vient abonder l'apport personnel, ou bien de passer par un opérateur

bancaire qui va utiliser la subvention pour proposer au ménage bénéficiaire un prêt bonifié. Une

subvention de 4000 € peut être convertie en un prêt de 15 000 €. Quant à la gestion directe des

prêts, c'est une solution généralement écartée, l'organisation requise étant trop lourde eu égard au

faible nombre de dossiers traités.

La solution du prêt présente toutefois divers avantages par rapport à un versement direct, même s'il

n'y a pas de vérité absolue en la matière, comme l'explique Jean-Loup Merlot : "Nous avons rencontré

tous les partenaires, des promoteurs comme des banquiers, sans jamais entendre deux discours

identiques. Certains nous ont dit qu'on ne mettait pas assez d'argent, d'autres nous ont dit  de le

donner en "one shot" pour l'apport personnel, afin de permettre aux ménages d'atteindre le niveau en

deçà duquel ils ne peuvent pas accéder, d'autres encore nous ont dit de choisir plutôt une durée

d'amortissement, un différé de remboursement. D'autres enfin nous ont conseillé de faire baisser les

charges d'emprunt sur un certain nombre d'années. Nous en avons déduit que tous les ménages

étaient différents et avaient besoin d'une réponse appropriée pour accéder à la propriété. Et nous

avons préféré déléguer cette gestion aux professionnels. Dans les conventions que nous signons avec

les promoteurs nous disons en substance  : "Vous faites une réservation pour votre programme (pas

d'aide si ce n'est pas dans le cadre d'un programme, collectif ou individuel, donc pas dans l’individuel

diffus), l'argent pourra être versé quand il y aura la levée d'option [du PSLA], et cela doit entrer dans le

plan de financement. À vous de voir avec votre client s’il vaut mieux abonder l'apport personnel, faire

un différé de remboursement, ou alléger les charges." Nous leur faisons confiance, mais nous regardons

comment l'aide est utilisée au bénéfice de l'accédant."

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Les prêts consentis aux accédants

A titre d’illustration, François Tarade présente deux solutions proposées par le Crédit Foncier aux

collectivités et aux opérateurs pour accompagner les ménages dans le financement de leur acquisition.

A noter que tout organisme bancaire est également susceptible de proposer des offres de prêt

comparables. Ces différentes solutions offrent des alternatives (réduction du coût total du crédit,

réduction du taux d’effort sur les 5 premières années, etc.) aux aides directes que la collectivité et les

opérateurs, dans le cadre de leur politique de soutien à l’accession à la propriété, ont prévu de verser

aux ménages sous certaines conditions d’éligibilité.

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Rives de St-Joseph - ZAC Erdre Porterie – Nantes

Au nord de Nantes, à proximité des berges de l’Erdre, la ZAC Erdre Porterie est une importante opération d'urbanisation portant sur 5 sites du bourg de Saint-Joseph-de-Porterie, et devant compter à terme 1 470 logements, dont 370 locatifs sociaux. Elle comporte de nombreux îlots mixtes, dont l’îlot B07, les Rives de St-Joseph, sur lequel un important promoteur régional, le Groupe Lamotte, ayant fait appel à Quadra Architectes, en association avec l’Agence Nicolas Michelin & Associés, pour composer un programme mixte de logement abordable et de logement libre dans formes variées : collectif, intermédiaire urbain, maisons de ville.

Les 90 logements collectifs et intermédiaires, lancés en avril 2011, étaient commercialisés à plus de 70% huit mois après.

Les 8 maisons individuelles devraient être commercialisées en 2012 en prix libres.

45 des 51 logements libres ont d’ores et déjà été vendus à des investisseurs dans le cadre de la loi Scellier.

Ici aussi, c’est l’accord de prix maîtrisés qui permet de garantir une part minimum de 43% de propriétaires dans l’opération. A plus de 3.000 €/m², la clientèle des prix strictement libres est majoritairement composée d’investisseurs. A moins de 2.500 €/m² en prix maîtrisés, la primo-accession est vraiment facilitée. Peut-être que la péréquation proposée sur ce programme est un peu forte. Les prix maîtrisés auraient pu être plus élevés de 100 à 150 €/m², ce qui aurait permis de minorer les prix du libre et y permettre une part plus importante de propriétaires occupants.

Rôle de l'aménageur et de l'urbaniste

"Pour promouvoir du logement abordable, il faut vraiment le vouloir, estime Jean-Charles Castel

(CERTU). Il faut d'abord être sûr qu’au-delà des mots généreux et des velléités, les collectivités le

veulent vraiment. Ensuite, il faut pouvoir intégrer ces objectifs dans toute la chaîne de production et ne

pas réserver cet objectif à l’aval, uniquement au dernier maillon de la chaîne. Cela fait 25 ans que je fais

de l’urbanisme et je suis absolument sidéré de voir à quel point les objectifs de prix de sortie ont

disparu de la culture de la programmation urbaine. Ils préoccupent encore les services qui établissent

les PLH, mais les PLH sont rarement coordonnés avec les autres outils de planification. On n'entend

parler que d'objectifs de qualité, il faut faire du HQE, il faut faire de l’écologie, il faut toujours faire plus,

plus, plus, mais il n'y a plus de culture du prix dans les services et les bureaux d’études qui élaborent les

SCOT, les PLU, etc." Lorsque la question du prix arrive, elle arrive toujours en bout de chaîne, et c'est

souvent cela qui dévoie la production de logements.

Le coût de l'aménagement et des formes urbaines

Des projets de plus en plus sophistiqués et onéreux

Benoît Bellamy rappelle que le foncier ne représente qu'une faible part du coût d’une ZAC,

l'aménagement devenant quant à lui de plus en plus coûteux (écoquartier ou analogue). Nantes

Métropole achète le terrain entre 30 et 50 € par préemption, négociation ou expropriation et il lui

revient autour de 230 à 250  € selon les secteurs après intégration de tous les frais liés à

l’aménagement : réseaux, équipements publics, frais de bureaux d'études, etc.

La densité coûte cher

Si les aménageurs sont familiers du coût des aménagements, il n'en va pas de même de celui des

bâtiments. Rares sont les cas où l'urbaniste dessine son projet en intégrant la question du coût alors

que, selon Laurent Escobar, "la forme urbaine induit le coût de construction". Il analyse plusieurs

exemples. "Prenons une typologie classique, 50 % de locatif investisseur et 50 % d'accession, une SHON

moyenne de 70 m2 par logement. En R+7 avec deux niveaux de parking en sous-sol, les coûts de

construction sont d'au moins 1  475  € HT / m2 SHON. La charge foncière ne doit pas dépasser

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70 € HT pour sortir à 2 600 € TTC /m² habitable hors parking en TVA 19,6 %. C'est difficile à faire

rentrer dans un bilan d'aménagement. Réduire le produit à R+4 ou R+5 avec 1,5 niveau de parking fait

tomber le coût de construction à 1  425 € HT et permet déjà d'absorber une charge foncière de

110 €. Ensuite, si l'on décide d'agir sur d'autres paramètres, comme de ne plus faire qu'un seul niveau

de parking, de faire non plus 50 % mais 80 % d'accession avec une SHON moyenne non plus de 70 m2

mais de 82 m2 (moins de cuisines, de salle de bains), on fait encore tomber le coût de construction de

200 €. Le programme peut désormais absorber une charge foncière de l'ordre de 300 € pour le même

prix de sortie. Ce simple exemple montre que l’on peut retrouver de grandes marges de manœuvre

dans l’urbanisme et la conception : car à ce niveau moyen de charge foncière, il devient possible de

définir des péréquations à l'échelle du projet d'aménagement."   

Globalement, la mixité des formes, entre le collectif, le groupé et la maison individuelle, permet de faire

entrer dans les opérations des logements moins coûteux à construire et de baisser ainsi le coût moyen.

Les différences sont sensibles puisque le coût de construction en collectif tourne autour de 1 400 € /

m2 habitable, contre 1 200 € en maison urbaine et 1 000 € en villa. Et, chose importante, cette diversité

ne se fait pas forcément au détriment de la densité à l'hectare, car les opérations 100 % collectif

requièrent une proportion plus importante d'espaces publics.

La taille des lots peut aussi impacter directement l’économie de l’opération. Des économies d'échelle

sont possibles à partir d'une taille minimum de 2 000 m2 de SHON pour commencer à amortir les

frais fixes. La géométrie des lots et la largeur des bâtiments ont aussi un effet direct sur le "rendement

du plan" du programme immobilier, c’est-à-dire le rapport entre surface habitable et SHON.

Les contraintes inflationnistes Parmi les contraintes susceptibles d'être imposées aux promoteurs par les aménageurs, deux ont

potentiellement un effet inflationniste sur les prix. Elles touchent aux parkings et à la taille des

logements.

Les parkings : gisement d'économie

Un parking en sous-sol alourdit en général le prix de vente du mètre carré habitable de 200 €. Pour un

T3 de 65 m2, cela représente 13  000  €, ce qui est loin d'être neutre par rapport aux seuils de

solvabilité des ménages énoncés plus haut. Rationaliser la place des parkings dans les projets n'est donc

pas mineur et les solutions existent : parking en silo mutualisé, parking aérien, box posés, réduction du

nombre minimal de places imposé par logement (en conformité avec le PLU), etc. Envisager plusieurs

solutions permet aussi de proposer aux futurs acquéreurs celle qui sera adaptée à leur usage de la

voiture et à leur budget.

Taille des logements

La typologie des logements doit être finement adaptée aux besoins des ménages cibles et ne pas

risquer de produire des logements trop petits ou trop chers. Il faut sortir des typologies standard qui

fixent le rapport entre le nombre de pièces et la surface, et faire des produits intermédiaires évolutifs

entre le deux pièces et le trois pièces, le trois pièces et le quatre pièces. Comme l'indique Benoît

Bellamy, "on peut faire des T3 entre 50 et 65 m², on peut arriver à descendre en condensant un

maximum de logements, mais aussi en compensant par des aménités extérieures qui font que le

logement reste quand même agréable à vivre avec des balcons, etc." Laurent Escobar est "content

qu'on dise qu’un T3 peut commencer à 50 m². Je ne dis pas qu'il faut systématiquement concevoir des

T3 à 50 m², je dis que la notion de produits intermédiaires entre le 2 et le 3 pièces permet de

proposer soit l'un soit l'autre en fonction des typologies de familles, certains promoteurs le font déjà.

Ce sont vraiment des choses à travailler, car si on ne les crée pas, c'est 30 ou 40 % de la demande à

servir qui échappe car les produits sont soit trop petits soit trop chers."

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Villa Flora – Lotissement communal de la Basse Renaud - Betton (Rennes Métropole)

Programme réalisé par Coop Habitat Bretagne, de 37 logements THPE commercialisés en 6 mois (à partir de juin 2010) en TVA 5,5 % :

- 11 à investisseurs en PLS, à 2 233 € m²/hab, en T2 et T3 allant de 108 000 € à 148 000 €- 26 à accédants en Pass Foncier, à 1 953 € m²/hab, pour des typologies allant du T2 au T5 entre 111 000 € et 180 000 €

Touchant ainsi l’ensemble de la classe moyenne, du 4ème au 7ème décile, tant en location qu’en accession. Par le jeu de la péréquation, le prix plus élevé des PLS investisseurs a permis de pratiquer des prix plus bas en accession à la propriété.

La détermination des charges foncières

L'immobilier fait le foncier

La "puissance publique" est-elle la première à profiter de l'inflation des prix du foncier, comme le

suggère Lionel Cayre, en constatant que 40 à 50 % du foncier consommé par Bouygues Immobilier sur

le territoire national est public  ? Pas nécessairement car, contrairement à une idée reçue, c'est

l'immobilier qui fait le foncier, et non l'inverse. En effet, les prix auxquels se négocie le foncier auprès

des propriétaires sont très directement déterminés par les prix de l'immobilier dans un secteur donné,

les estimations des "Domaines" elles-mêmes tenant compte des transactions récentes. Autrement dit,

plus les incitations fiscales sur des produits investisseur type Scellier élèvent artificiellement les prix de

vente en les déconnectant du marché des utilisateurs, plus les prix du foncier, suivant la même courbe,

s'envolent eux aussi. Les opérations d'aménagement sont victimes de la même illusion : les bilans

prévisionnels s'équilibrent sur des données de prix de vente, de coûts et de recettes foncières qui ne

correspondent pas à la réalité du marché. Mais c'est alors l'ensemble du bilan, d'ailleurs rarement mis à

jour alors que les données de marché sont pourtant régulièrement publiées, qui repose sur ces

données fictives et il est extrêmement difficile de le remettre en cause une fois l'opération lancée. Sauf

à ce que les opérateurs immobiliers préfèrent se retirer du projet, imposant alors sa remise à plat

radicale…

Cela se joue à quelques dizaines d'euros

Ce mécanisme strictement financier et artificiel de fixation des prix du foncier impacte d'autant plus le

segment du logement abordable qu'il suffit ici de quelque dizaines d'euros de trop pour sortir du

marché même, ce qui est un comble, dans les secteurs ANRU bénéficiant de la TVA réduite. Laurent

Escobar cite le cas d'une telle opération : "Il fallait que les charges foncières soient à 110 € pour passer

dans des prix qui permettent aux ménages d'être éligibles à la TVA à 5,5  %, car les coûts de

construction allaient être un peu élevés en raison des ambitions architecturales du projet. C'était

normal qu'on mette un peu d’ambition dans ces projets pour être attractif et pour changer les

quartiers. Mais comme la charge foncière avait déjà été vendue à 150 € aux bailleurs sociaux, il était

politiquement impossible d'aller en dessous. Eh bien les 40 € ont pesé très fortement sur toute la

durée de l'opération, et le résultat c'est qu'il n'y a que 40 % des acquéreurs qui ont acheté en TVA à

5,5 %, et qu'il y a quand même eu 30 % d'investisseurs, ce qui est beaucoup dans un programme

ANRU. Finalement, les gens qui vont habiter dans ce quartier ne sont pas forcément ceux auxquels la

collectivité voulait donner la priorité. Et tout cela s’est joué sur 40 € de charges foncières au départ."

La péréquation : un outil indispensable à manier avec précaution

Un système de péréquation est généralement nécessaire pour fournir aux bailleurs sociaux,

classiquement, mais aussi de plus en plus souvent aux opérateurs de logement abordable, des fonciers

moins onéreux que ceux destinés au logement libre. A Nantes, pour favoriser la part locative sociale, les

charges foncières sont vendues aux bailleurs sociaux autour de 180 à 200 € dans la commune centre.

Pour l’accession abordable, la valeur de référence est à 220 € en collectif et à 240 € en individuel. La

part libre est au-delà de 350 €. A Lyon, Laurent Escobar estime que la charge foncière moyenne devrait

se trouver autour de 350 €/m2 SHON, le bilan s'équilibrant avec une charge foncière à 200 € pour le

logement social et le logement abordable, et jusqu’à 500 à 600 € pour le libre mais pas au-delà, sauf

produits exceptionnels.

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Avant de définir la péréquation à l'intérieur du programme de logement, il faut considérer l'ensemble

du programme d'aménagement et optimiser la péréquation entre catégories : le tertiaire et le

commerce peuvent parfois supporter des charges foncières supérieures à celles qu’on estime par ratio

et le niveau moyen de charge foncière pour le programme de logement doit permettre une

péréquation entre ses composantes qui reste supportable pour le logement libre. Des écarts trop

importants entre le logement social ou abordable et le logement libre conduisent mécaniquement à

empêcher une offre intermédiaire de se développer. C'est un effet pervers de la péréquation et il peut

avoir des conséquences douloureuses. Ainsi Rennes, qui a beaucoup aidé le logement abordable, figure

parmi les capitales régionales qui ont connu l'augmentation la plus rapide des prix du libre, soit 12,8 %

entre les troisièmes trimestres 2010 et 2011. Cette politique n'a donc pas évité un effet de rattrap..

"On est passé en un an d’un marché globalement abordable pour le plus grand nombre, à un marché

tendu à l'instar de ceux des autres métropoles régionales", analyse Laurent Escobar, qui suggère que "les

dispositions initialement vertueuses prises il y a plusieurs années par cette agglomération en faveur du

logement social et de prix bas - aujourd’hui trop bas  ?  -, sans être suffisamment révisées, ont

progressivement entraîné des jeux de péréquation trop forts, désormais facteurs d’inflation rapide des

prix sur le segment des prix non aidés". Un phénomène de ce type a été observé lors de la mise en

place d’accords de prix maîtrisés dans les ZAC de Montpellier, et a été rapidement corrigé par

l’aménageur, en concertation avec les promoteurs privés, en introduisant un niveau intermédiaire pour

organiser la péréquation non plus sur deux mais sur trois niveaux de prix.

La consultation 

La charge foncière : un critère de sélection discutable

La charge foncière est un poste de coût important dans la production des logements, mais c'est aussi

une recette qui contribue au financement des opérations d'aménagement : les enjeux sont majeurs

pour l'aménageur comme pour l'opérateur immobilier. Toutefois, faire de la charge foncière l'un des

critères de sélection des promoteurs conduit nécessairement à faire monter les prix. Il y a donc un

paradoxe à vouloir, dans la même consultation, obtenir des promoteurs qu'ils offrent à la fois des

charges foncières élevées et des prix de sortie bas. Interpellé sur le sujet, Daniel Fayet, conseiller de

l'adjoint en charge du logement à la Ville de Lyon, rappelle que les niveaux de charge foncière "de

référence" sont fixés au moment de la consultation, le promoteur étant "libre d'y aller ou pas". Et de

fait, ils y vont - peuvent-ils faire autrement ? - mais combien de temps ce système peut-il durer ?

"Ce que je regrette c'est que les consultations donnent lieu à une compétition entre les opérateurs

pour le niveau de charges foncières sur des terrains maîtrisés par la collectivité, plaide Christophe

Grosjean, gérant de Domoa Immobilier. Des opérateurs qui, à tort ou à raison, répondent à cette

compétition, mais qui ne peuvent faire que cela. Ils sont obligés de produire des logements, car il y a un

besoin sur Lyon et ils ont besoin de payer leur structure. Mais qu'on ne nous parle pas de prix

abordable et d'accession à la propriété à prix maîtrisés, tant que la collectivité et son aménageur

organisent la surenchère au niveau du foncier !"

Certains promoteurs se disent même évincés au premier tour des consultations quand ils répondent à

des prix de charges foncières compatibles avec l'accession, tel Gregory Gaume, directeur de l’agence

Rhône de Promogim  : "On peut prendre des exemples récents à Villeurbanne, sur la ZAC Maisons-

Neuves où, au premier tour, les promoteurs qui ont été retenus, je n'en fais pas partie, ont proposé

plus de 750 €, voire 800  €/m2 SHON, qui sont pour moi des prix fonciers complètement délirants

pour Villeurbanne. Aujourd'hui, c'est devenu le premier critère de choix de l’aménageur : on est écarté

au premier tour de consultation si on a l’honnêteté de répondre à des prix fonciers adaptés à

l’accession, entre 400 et 500  €/m² de SHON. Pour ces secteurs-là, ce sont déjà des prix fonciers

élevés. Aujourd'hui, ce sont des ZAC qui sortent, sur le papier en tous les cas, à 800 €/m2 SHON ce

qui veut dire à un prix de vente hors parking à 4 000 € ou 4 200 €/m² minimum. Cela a marché avec le

Scellier, qu'est-ce que cela va être demain pour des programmes majoritairement dédiés à l’accession à

la propriété ? Est-ce que les clients moyens qui peuvent acheter à 190 000 € un T4 pourront accéder à

des T4 à 280 000  €, car c'est à ce prix-là qu’ils vont sortir à Maisons-Neuves  ? Dans ces ZAC, les

promoteurs qui veulent vraiment faire de l’accession à la propriété, et les ménages qui constituent leur

clientèle, sont complètement écartés."

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Le Hameau du Parc – Lotissement du Grand Parc – Hermanville-sur-Mer (Caen-la-Mer)

La dictature de l'image

En plus d'inciter à la surenchère sur les charges foncières, les consultations publiques exigent aussi

souvent des "architectes de renommée internationale", ce qui ne manque pas de peser sur les prix et

rejoint ce que Lionel Cayre (Bouygues Immobilier) appelle la "dictature de l'image", montrant au

passage que la question du prix de sortie des logements est rarement en tête de liste des

préoccupations des aménageurs. "Je peux vous dire, témoigne ce dernier, qu'en Île-de-France, sur de

nombreux concours, in fine c’est le prix du foncier et les plus belles images qui font la différence. Il y a

déjà là une première erreur dans le processus de l'élaboration du neuf. On sait tous ce qu’est la

dictature d'une image, il faut aussi séduire, il y a le prix et il y a la séduction. […] Souvent on nous dit :

« Votre projet est superbe, mais il faudrait vous aligner sur celui qui offre une charge foncière plus

élevée, mais dont le projet nous intéresse moins. » Ce sont des cas concrets."

A livre ouvert ?

La compétition dénoncée par les promoteurs ne l'est pas en tant que telle, mais en ce que la puissance

publique y jouerait un rôle inapproprié : elle provoquerait à son profit la surenchère sur les prix du

foncier, sans véritable considération des prix de sortie des logements. Sans doute faut-il y voir plus de

maladresse qu'autre chose, ou la rançon d'une action foncière mal régulée en amont. Toujours est-il

qu'une plus grande coopération entre aménageurs et opérateurs immobiliers est souhaitable si l'on

veut rendre compatibles charge foncière et prix de vente. Elle l'est d'autant plus que, comme le

souligne Lionel Cayre, il n'y a pas que la charge foncière à surveiller, mais aussi des "prix de revient

techniques : un écart de quelques dizaines d'euros au m2 peut nous faire passer à côté de la clientèle,

[…] on n'est pas dans l'épaisseur du trait" . Une idée reprise par Grégory Gaume : "100 € en coût de

construction peuvent représenter entre 180 et 200 € en prix de vente, c'est énorme".

Laurent Escobar (Adequation), qui conseille la SPLA Nantes Métropole Aménagement, évoque une

opération sur laquelle, "avant de lancer le concours, un dossier d'intention a été communiqué à

quelques promoteurs pour valider certaines hypothèses dont le rapport entre la charge foncière, le

coût de construction, le cahier des charges HQE, les cibles et les formes urbaines qui étaient

proposées. L’aménageur a travaillé à livre ouvert avec un groupement d'opérateurs […]. Ils ont donné

leur avis, Nantes Métropole Aménagement et Nantes Métropole en ont tenu compte".

A Rennes, l'engagement de la collectivité en faveur du logement abordable, les règles qui encadrent

depuis longtemps tant la charge foncière que les prix de sortie font régner une remarquable

transparence sur l'économie des opérations. "Nous travaillons régulièrement avec nos collègues, nous

avons des opérations en commun, explique François Chaussavoine […]. Nous produisons au même

prix puisqu’en fin de compte Rennes Métropole définit des règles assez précises de fonctionnement. En

fait, nous lui transmettons tous nos bilans, prévisionnels et réalisés, tout est défini et suivi."

Grégory Gaume (Promogim), attendrait de l’aménageur "un cahier des charges précis qui stipule un

engagement de prix de vente, et un engagement de cible de clientèle. Si demain dans un appel d'offres

on nous dit : « Vous devez vendre à ce prix plafond et faire à 90 % de l’accession à la propriété », on

saura faire une proposition concurrentielle, pour peu que les prescriptions aient été définies en amont

de manière concertée. Si l’appel d'offres est trop ouvert, nous sommes trop nombreux, nous irons trop

haut dans les prix et nous ne saurons pas cibler la clientèle souhaitée".

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Formation du prix de vente d’un logement collectif neuf (source : FPI) Rôle des opérateurs immobiliers et maîtres d'œuvre

Le bilan du promoteur et les montages coopératifs

Coefficient multiplicateur des coûts de construction

L'analyse du bilan du promoteur montre que le prix du foncier et celui de la construction sont les

seules variables du prix de vente d'un programme immobilier, les autres postes de coût (TVA, frais

financiers, honoraires, marge…) étant proportionnels par nature ou convention. Foncier et construction

représentent donc toujours, ensemble et dans des proportions respectives variables, 57 % du prix de

vente TTC. Autrement dit, prix de vente = (foncier + construction) / 0,57. Ainsi, une variation de

100 € sur le foncier ou la construction se répercute à une hauteur moyenne de 175 € sur le prix. Plus

la part du foncier est faible, plus l'effet de levier des économies de construction est élevée. Si la

construction représente 50 % du prix de vente (cas où le foncier représente 7 %), une variation de

coût de 100 € fait varier le prix de vente de 200 €.

Importance des coûts financiers et de la TVA

La construction est le principal poste sur lequel le promoteur peut réaliser des économies, d'une part

parce que l'effet de levier est important comme on vient de le voir, d'autre part parce que les autres

postes de coût lui échappent en grande partie. La TVA, les taxes diverses, les frais financiers et la

garantie d'achèvement, les honoraires de maîtrise d'œuvre, les frais de publicité et les assurances

représentant ensemble 28 % du prix TTC. Les 15 % restants sont destinés à la rémunération du

promoteur (honoraires de maîtrise d’ouvrage et de commercialisation de 8 % environ) et à la marge

de l'opération, généralement provisionnée à un minimum de 7  %. La marge réelle descend assez

souvent à 5 % une fois payés les aléas de la réalisation. En outre, la marge rémunère les fonds propres

placés dans l'opération, généralement par les banques à hauteur de 80 % en moyenne. Ainsi, dans le cas

d'une opération au taux plein de TVA, l'État prélève au titre de la TVA et des taxes diverses 17 % du

prix de vente, le banquier, au titre des frais financiers, de la garantie financière d’achèvement et de la

quote-part de marge, autour de 9 %, et le promoteur, au titre des honoraires et de la quote-part de

marge lui incombant, autour de 10 %.

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Intérêt des montages coopératifs

Les structures coopératives sont des opérateurs particulièrement intéressants pour le logement

abordable car elles ne cherchent pas à réaliser de marges pour rémunérer des fonds propres. Sur une

même opération, il serait dans l’absolu possible de combiner une société civile coopérative de

construction (SCCC) dont les souscripteurs sont les futurs propriétaires, qui passe un contrat de

promotion immobilière avec une SCOP, laquelle passe un marché de travaux à une coopérative de

construction. Précisons que la SCCC ne lance l'opération que lorsque le nombre de coopérateurs

couvre 70 % des lots à vendre. Le financement est assuré par les fonds propres versés par les

acquéreurs souscripteurs ce qui réduit considérablement les frais financiers. Les frais de

commercialisation sont également limités. Globalement, l'économie réalisée par un montage coopératif

peut atteindre 12 à 14 % sur le prix de vente. Ce n'est pas un hasard si le secteur coopératif est très

développé à Rennes où, hormis Habitation Familiale, qui est une coopérative HLM, l'on trouve la SCOP

de promotion immobilière Coop Habitat Bretagne dont les salariés sont donc les seuls actionnaires,

mais également une coopérative de construction et, enfin, la société CAP Accession : cette dernière est

une SCIC (société coopérative d'intérêt collectif) dédiée statutairement au logement abordable.

La conception et la construction En complément des leviers évoqués plus haut à propos du cahier des charges de l'aménagement - taille

des lots, granulométrie des logements, parking - souvent prescrits par l'urbaniste ou par l'aménageur, les

facteurs d'optimisation des projets ne manquent pas pour réduire les coûts.

Une optimisation de l’agencement dans chaque typologie, rappelons-le, peut permettre de gagner

quelques mètres carrés sur le produit unitaire, "c'est tout de suite 12 000 à 15 000 €" estime Grégory

Gaume. Prioriser l’accession à la propriété dans les programmes conduit à diminuer le nombre de

studios et de petits T2 locatifs au profit de typologies plus familiales, du grand T2 au T4, ce qui a aussi

pour effet de réduire les coûts de construction.

Il est possible, comme présenté dans l'exemple ci-après de faire baisser le coût de construction d’un

programme collectif de 14 % par rapport à un immeuble standard sur 2 niveaux de sous-sol en

augmentant la proportion d’appartements de moyenne et grande taille et en réduisant le nombre de

parkings souterrains.

S'agissant du prix de construction proprement dit, François Chaussavoine invite à simplifier au

maximum les volumes. Il fait pour cela intervenir des bureaux d'études très en amont dans la

conception afin de détecter les pièges à coûts qui se cachent dans des volumes trop complexes.

Economie réalisable par la conception du programme

Projet standard Projet de logements abordables Economie

30% d’accédant 70% d’accédants

70% d’investisseurs 30% d’investisseurs

Logement moyen :71,8 m² de SHON Logement moyen : 84,4 m² de SHON

53 logements 45 logements - 5%

53 stationnements 45 stationnements - 5%

100% en sous-sol 30% en aérien - 4%

Total des économies de coût de construction -14%

On passe de 1 450 € HT/m² habitable à 1 250 € HT/m² habitable, hors VRD et espaces verts

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Îlot Brocante - Manufacture Plaine Achille - Saint-Etienne

Un bon exemple de prescriptions cherchant à minimiser l’impact du coût des parkings en sous-sol sur le prix des logements et poussant les opérateurs à investir sur la diversité et la qualité de conception des logements, dans des gammes de prix unitaires encadrés.

Aménageur : EPA Saint-EtienneUrbaniste en chef : Agence Alexandre Chemetoff & AssociésAMO programmation : Adequation

Extraits du cahier des charges de la consultation d’opérateurs immobiliers organisée en 2011 pour la cession des 8 100 m² de SHON de logements de l’îlot Brocante de la ZAC Manufacture Plaine Achille :

 “L’îlot proposé représente une emprise de 5 450 m² sur laquelle sont envisagés quatre corps de bâtiment constituant une SHON globale de 8100 m² afin de distinguer les différents programmes, qu’ils bénéficient de bonnes orientations et que chaque immeuble retrouve une échelle cohérente dans son contexte. Les logements devront être ouverts sur le parc et possèderont des prolongements extérieurs généreux et confortables permettant

de retrouver une dimension individuelle à l’échelle du collectif. L’économie de la construction ne devra pas se faire aux dépens du confort et du niveau de prestation. La modularité des logements et leur évolutivité seront privilégiées. […]

Le passé minier et industriel du site rend l’utilisation des sous-sols très coûteuse. De ce fait, les stationnements souterrains sont fortement déconseillés. La consultation devra permettre de définir avec l’opérateur retenu la meilleure alternative possible : offre réduite sur l’îlot même, possibilité de garages privés (box) hors îlot, amodiation dans les parking publics situés à proximité. […]

La programmation devra en particulier privilégier l’accession à la propriété de jeunes ménages à revenus moyens avec enfants, impliquant une part significative de T3 et T4. Le double jeu des plafonds de ressources pour pouvoir bénéficier de la TVA à 5,5 % en périmètre ANRU et des capacités de financement des ménages concernés conduit, selon nos calculs, à des prix unitaires maximum, plus pertinents dans ce cadre que des prix au m², de 150 000 € pour un T3 et de 188 000 € pour un T4, (TVA à 5,5 % incluse), pour des ménages gagnant respectivement au plus 2200 € et 2700 € par mois.”

Prescriptions environnementales et charges

Il y aurait sans doute beaucoup à dire à propos de l'impact des prescriptions environnementales sur les

coûts de construction, mais le sujet n'était pas vraiment au programme des ateliers. Selon le

représentant de Coop Habitat Bretagne, dont "toute la production est BBC Cerqual", le BBC coûte

"grosso modo 50 à 80 € de plus au mètre carré habitable". Ce surcoût devrait toutefois être rapproché

des économies de charges réalisées par les ménages du fait de cet investissement. Signalons au passage,

autre vaste sujet à peine effleuré ici, l'impact des charges de copropriétés. Selon Jean-Charles Castel,

elles représenteraient 1,5 % du coût de l'immeuble chaque année. Passer de l'ancien au neuf génère

toutefois une vraie économie de charges.

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Logique de filière

La maîtrise des coûts peut résulter d'une dynamique de filière : la collectivité fixe les règles, les

opérateurs immobiliers se structurent pour y répondre et répercutent ces règles sur les entreprises du

bâtiment. Ainsi se développent, sur les marchés locaux, des habitudes de travail qui permettent

d'atteindre un excellent rapport qualité / prix. Ce n'est pas le cas à Lyon, qui serait une des villes les

plus chères en coût de construction selon Daniel Fayet, mais c'est le cas à Rennes, où François

Chaussavoine estime qu'il existe un vivier pérenne d'entreprises spécialisées dans le logement : "Nous

bénéficions d’un large éventail de 350 entreprises du bâtiment à consulter, même si ce sont

régulièrement les mêmes qui répondent et qui sont les mieux placées. Quand ils travaillent avec nous,

ces entrepreneurs acceptent de moindres marges, puisqu'on discute à l’échelle de plusieurs opérations.

Ils maîtrisent les objectifs de prix, les formes bâties, que nous avons simplifiées au maximum sans rogner

la qualité, et les cahiers des charges. Ce qui permet de comprimer les coûts de construction jusqu’à

1 100 € / 1 150 € HT/m² habitable. Tout le monde connaît la mécanique ! Nous bénéficions d’un effet

d’expérience […] Ce n'est pas particulier à notre coopérative, certains promoteurs privés travaillent

avec les mêmes corps d’état, avec des cahiers des charges comparables. Ce qui permet dans notre

région des prix de construction peut être plus bas qu’ailleurs, à qualité égale."

ConclusionLa hauteur alarmante du prix de logements affecte la quasi totalité des ménages. Dans sa grande

majorité, la classe moyenne éprouve aujourd’hui de grandes difficultés à se loger et se voit contrainte

d’accepter des conditions de logement inadaptées à ses besoins ou à ses aspirations. Le découplage

manifeste entre les capacités d’investissement des ménages et le prix de vente des logements, alors que

les aides publiques de l’Etat diminuent, rend l’accès à la propriété de plus en plus improbable pour les

ménages jeunes ou en situation de décohabitation ou de mutation professionnelle.

Cette situation est porteuse de profonds dysfonctionnements sociaux, mais aussi économiques et

urbains. La mobilité résidentielle conditionne bien souvent l’accès à l’emploi ; la pénurie de logements

adaptés dans les centres urbains alimente un processus de périurbanisation extrêmement coûteux pour

la collectivité. Enfin, la classe moyenne dont nous parlons ici représente environ la moitié du marché du

logement neuf en France : l’industrie immobilière, des collectivités qui encadrent la production aux

promoteurs qui la réalisent et la vendent, en passant par les entreprises du bâtiment, peut-elle

durablement ignorer la moitié de sa clientèle ? Combien de temps les dispositifs de défiscalisation et la

vente à investisseurs pourront-il soutenir artificiellement le marché de l’immobilier de logement ?

Dans le cadre de ces ateliers, nous n’avons pas voulu nous en tenir à un état des lieux, mais nous avons

souhaité au contraire analyser les causes, nombreuses, imbriquées, complexes, du dysfonctionnement

général du marché. Et nous nous sommes attachés à le faire en recherchant les solutions à mettre en

œuvre pour y remédier. En effet, produire des logements abordables, c’est-à-dire adaptés par leur

situation, leur configuration et leur prix aux besoins réels des ménages, est possible : les exemples

présentés, à Rennes, Nantes, Caen, Lyon ou Saint-Etienne, le montrent. Ils montrent aussi que la

production de logements abordables ne peut être que collective car les gisements d’économie se

trouvent et s’additionnent à tous les maillons de la chaîne, des politiques locales à la construction en

passant par l’action foncière, la conception des projets d’aménagement et leur programmation, la

conception des logements ou encore le montage des opérations immobilières.

Ainsi, à chaque étape du processus, et sous la responsabilité de chacun des intervenants, collectivité,

aménageur, urbaniste, promoteur, architecte… quelques centaines d’euros gagnés sur le coût de

production de chaque mètre carré de logement permettraient de proposer un logement neuf à des

milliers de ménages qui en sont aujourd’hui privés, mais aussi de maintenir les équilibres

démographiques au sein des agglomérations, entre centre et périphérie.

Que chacun s’en convainque est un premier pas, nécessaire, vers la solution. C’est ce à quoi,

modestement, nous avons voulu contribuer par ces ateliers et par le compte-rendu qui en est ici

proposé. Il reste que, au-delà de la prise de conscience collective des enjeux et des solutions, de

profonds changements devront intervenir, et que le temps est compté.

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