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INFO E S T A T E PLANNING PLANIFICATION SUCCESSORALE ET ENFANTS HANDICAPÉS : QUELQUES ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION… En présence d’un enfant handicapé, les parents se chargent généralement eux-mêmes de régler les questions matérielles touchant au quotidien de leur enfant. De leur vivant, ils représentent de facto l’enfant handicapé, et souvent même après que celui-ci soit devenu majeur. Mais qu’en est-il lorsque les parents ne sont plus en mesure d’assurer cette fonction, en raison de difficultés liées à l’âge ou par suite de leur décès ? Comment organiser la sécurité financière de l’enfant handicapé, source de son bien-être matériel ? Nous vous livrons ci-dessous quelques réflexions orientées plus particulièrement vers les questions d’ordre patrimonial et successoral afin d’organiser au mieux les conditions d’un passage en douceur vers la période post parentale. DE QUEL HANDICAP PARLE-T-ON ? On distingue généralement les handicaps physiques et mentaux. Dans le cas d’un handicap physique, léger ou lourd, les facultés mentales restent intactes ; seule une entrave physique empêche d’aller et de venir comme souhaité. Cette entrave n’enlève pas à la personne handicapée sa capacité juridique ou sa liberté de décider, lesquelles continuent de s’exprimer d’une manière ou d’une autre 1 . Une planification successorale des parents de la personne handicapée peut toutefois être envisagée si le handicap est lourd au point qu’il soit nécessaire de pourvoir financièrement aux conditions de vie particulières de la personne handicapée (aménagement du logement, mesures particulières pour assurer les déplacements, dépendance extérieure, etc.). Notre propos porte davantage sur la personne handicapée mentale. Dans ce cas, l’altération des facultés mentales de la personne handicapée entraîne une perte de la capacité de discernement dans les actes de la vie courante et nécessite la mise en place d’un statut juridique de protection. Ici aussi, l’handicap peut être lourd ou léger. Selon la nature de celui-ci, la personne handicapée disposera d’une relative autonomie dans sa vie quotidienne, pourra éventuellement exercer un travail dans le cadre d’un statut de travailleur protégé, percevra un revenu ou une allocation ou, au contraire, sera totalement dépendante de son entourage extérieur. POSITION DE LA QUESTION Partons d’une hypothèse : un enfant handicapé, nous l’appellerons « Jean » dans la suite de cet article, vit au sein d’une famille composée de ses parents, d’un frère et d’une soeur. En cas de décès de son père, Jean en devient héritier et bénéficiera de la part successorale que la loi applicable à la succession lui attribue automatiquement 2 . La question des actes patrimoniaux, notamment les actes de gestion, à accomplir par un enfant handicapé se pose dès le moment où il devient propriétaire d’un patrimoine, qu’il soit le fruit de son travail ou la suite d’un héritage. Sur la question de la gestion du patrimoine vient se greffer une autre question à ne pas négliger, celle de la dévolution successorale de Jean. Un enfant handicapé étant rarement capable de rédiger un testament, ses avoirs passeront en principe à ses héritiers légaux. Or, la plupart du temps, les enfants handicapés n’ont pas eux-mêmes de descendance ni de conjoints. Par conséquent, ce sont les frères et soeurs qui hériteront le plus souvent en payant des droits de succession en ligne collatérale. En l’absence de tels héritiers, la loi désigne des héritiers plus lointains. Est-ce là le souhait des parents ?

Successions et enfants handicapés : comment assurer leur avenir ?

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©KBL European Private Bankers (Estate Planning). DATE DE PUBLICATION : MARS 2012. En présence d'un enfant handicapé, les parents se chargent généralement eux-mêmes de régler les questions matérielles touchant au quotidien de leur enfant. Mais qu'en est-il lorsque les parents ne sont plus en mesure d'assurer cette fonction, en raison de difficultés liées à l'âge ou par suite de leur décès ? Voici quelques réflexions orientées plus particulièrement vers les questions d'ordre patrimonial et successoral...

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INFOe s t a t ep l a n n i n g

Planification successorale et enfants handicaPés : quelques éléments de réflexion…

En présence d’un enfant handicapé, les parents se chargent généralement eux-mêmes de régler les questions matérielles

touchant au quotidien de leur enfant. De leur vivant, ils représentent de facto l’enfant handicapé, et souvent même

après que celui-ci soit devenu majeur. Mais qu’en est-il lorsque les parents ne sont plus en mesure d’assurer cette

fonction, en raison de difficultés liées à l’âge ou par suite de leur décès ? Comment organiser la sécurité financière de

l’enfant handicapé, source de son bien-être matériel ? Nous vous livrons ci-dessous quelques réflexions orientées plus

particulièrement vers les questions d’ordre patrimonial et successoral afin d’organiser au mieux les conditions d’un

passage en douceur vers la période post parentale.

De quel haNDIcap parle-t-ON ?

On distingue généralement les handicaps physiques et mentaux.

Dans le cas d’un handicap physique, léger ou lourd, les facultés mentales restent intactes ; seule une entrave physique empêche d’aller et de venir comme souhaité. Cette entrave n’enlève pas à la personne handicapée sa capacité juridique ou sa liberté de décider, lesquelles continuent de s’exprimer d’une manière ou d’une autre1. Une planification successorale des parents de la personne handicapée peut toutefois être envisagée si le handicap est lourd au point qu’il soit nécessaire de pourvoir financièrement aux conditions de vie particulières de la personne handicapée (aménagement du logement, mesures particulières pour assurer les déplacements, dépendance extérieure, etc.).

Notre propos porte davantage sur la personne handicapée mentale. Dans ce cas, l’altération des facultés mentales de la personne handicapée entraîne une perte de la capacité de discernement dans les actes de la vie courante et nécessite la mise en place d’un statut juridique de protection.

Ici aussi, l’handicap peut être lourd ou léger. Selon la nature de celui-ci, la personne handicapée disposera d’une relative autonomie dans sa vie quotidienne, pourra éventuellement exercer un travail dans le cadre d’un statut de travailleur protégé, percevra un revenu ou une allocation ou, au contraire, sera totalement dépendante de son entourage extérieur.

pOsItION De la questION

Partons d’une hypothèse : un enfant handicapé, nous l’appellerons « Jean » dans la suite de cet article, vit au sein d’une famille composée de ses parents, d’un frère et d’une soeur. En cas de décès de son père, Jean en devient héritier et bénéficiera de la part successorale que la loi applicable à la succession lui attribue automatiquement2. La question des actes patrimoniaux, notamment les actes de gestion, à accomplir par un enfant handicapé se pose dès le moment où il devient propriétaire d’un patrimoine, qu’il soit le fruit de son travail ou la suite d’un héritage.

Sur la question de la gestion du patrimoine vient se greffer une autre question à ne pas négliger, celle de la dévolution successorale de Jean. Un enfant handicapé étant rarement capable de rédiger un testament, ses avoirs passeront en principe à ses héritiers légaux. Or, la plupart du temps, les enfants handicapés n’ont pas eux-mêmes de descendance ni de conjoints. Par conséquent, ce sont les frères et soeurs qui hériteront le plus souvent en payant des droits de succession en ligne collatérale. En l’absence de tels héritiers, la loi désigne des héritiers plus lointains. Est-ce là le souhait des parents ?

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Partant des hypothèses que Jean est propriétaire d’un patrimoine, qu’il n’est pas en mesure de le gérer et qu’il n’aura probablement pas de descendance ni de conjoint, nous résumons ci-dessous les principales questions à poser et les analysons ensuite l’une après l’autre.

Qui va se charger de gérer le patrimoine de Jean �aujourd’hui et à l’avenir ?

En l’absence de testament de Jean, à qui son patrimoine �va-t-il revenir ? Les parents de Jean peuvent-ils éviter des situations regrettables, ont-ils des souhaits à ce propos ? Quelle sera le poids de la fiscalité applicable à la succession des parents, et plus tard à la succession de Jean ?

N’est-il pas préférable de planifier au mieux la �succession des parents de Jean en vue de lui assurer la sécurité matérielle et financière dont il a besoin, tout en gardant un oeil sur les aspects fiscaux ?

quI va gérer le patrImOINe De l’eNFaNt haNDIcapé ?

A la majorité de l’enfant3, la capacité juridique est la règle. Si aucune procédure particulière n’est entamée par les parents, Jean est présumé capable sur le plan juridique. Il arrive souvent que les parents, toujours en vie et peu préoccupés par les aspects juridiques de la situation, ne diligentent aucune procédure particulière et se muent en gestionnaire de fait du patrimoine de leur enfant handicapé.

Il est toutefois à recommander de veiller au plus tôt à donner un statut juridique précis à l’enfant handicapé de manière à anticiper toute situation juridique qui mènerait à un blocage4.

Chaque pays dispose de sa propre législation sur le sujet et de son propre régime juridique plus ou moins protecteur, le cas échéant accompagné d’une surveillance judiciaire. Ce statut portera un nom différent selon le pays concerné5.

A noter que certaines législations permettent aux parents de l’enfant handicapé (ou au survivant d’entre eux) de désigner par testament la personne qu’ils souhaitent voir devenir le représentant de l’enfant handicapé après leur décès.

Une fois le représentant désigné, le patrimoine actuel et les avoirs futurs de Jean seront administrés et gérés dans un cadre officiel et les questions juridiques pourront être traitées tant vis-à-vis d’un notaire, d’un banquier, de l’administration publique, voire même des autres membres de la famille.

Planification successorale et enfants handicaPés : quelques éléments de réflexion…

quelques élémeNts De sOlutION (eN résumé) DONt l’OppOrtuNIté est à examINer au cas par cas et selON les règles cIvIles et FIscales Du pays De résIDeNce.

n La donation de residuo ou le legs de residuo à l’enfant handicapé. La partie non utilisée par le premier bénéficiaire – le residuum – revient au second bénéficiaire désigné. Peut être intéressant fiscalement.

n La donation à charge ou le legs à charge de verser une rente viagère à l’enfant handicapé : la donation ou le legs est fait à un tiers qui peut être un frère, une soeur, l’institution prenant en charge l’hébergement de l’enfant handicapé, une fondation, etc.

n Assurance viagère souscrite par les parents en faveur de l’enfant handicapé : dès la souscription du contrat ou à partir du décès des parents, une rente régulière est payée à l’enfant handicapé jusqu’à son décès.

n Création d’un patrimoine d’affectation dont l’objet est de veiller aux intérêts de l’enfant handicapé, notamment en lui versant une rente régulière. Peut se faire dans le cadre d’une convention fiduciaire, une fondation privée ou un trust.

n Logement de l’enfant handicapé : donation d’un bien immeuble en pleine propriété à l’enfant handicapé. Variante : donation d’avoirs mobiliers à l’enfant handicapé suivie d’un achat immobilier en pleine propriété.

n Logement : achat en démembrement d’un bien immeuble. L’usufruit (ou le droit d’usage et d’habitation) par l’enfant handicapé et la nue-propriété par les parents. L’usufruit s’éteint au décès de l’usufruitier.

n Logement : donation du droit d’usufruit (ou du droit d’usage et d’habitation) d’un immeuble à l’enfant handicapé. L’usufruit s’éteint au décès de l’usufruitier.

n Logement : bail à vie au profit de l’enfant handicapé.

n Logement : procédé du double acte. Dans un premier acte, l’immeuble qui servira au logement de l’enfant handicapé est transmis en indivision aux enfants, y compris l’enfant handicapé. Un contrôle familial est ainsi organisé sur l’immeuble durant la vie de l’enfant handicapé. A son décès, un deuxième acte permet de sortir d’indivision à faible coût fiscal.

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quelle DévOlutION successOrale au Décès De l’eNFaNt haNDIcapé ?

En l’absence de toute planification, le patrimoine de Jean passera à ses héritiers légaux : vu notre hypothèse d’absence d’enfant et de conjoint, il s’agit des père et mère, s’ils sont encore en vie, son frère et sa soeur. En ligne collatérale, les droits de succession sont déjà nettement plus élevés qu’en ligne directe. Si Jean a hérité de ses parents, son patrimoine peut s’avérer important et comprendre des valeurs mobilières, des immeubles, des oeuvres d’art… Si le frère et la soeur de Jean sont ses seuls héritiers, les droits de succession en ligne collatérale seront sensiblement élevés6. Si Jean n’avait ni frère ni soeur, ses parents étant prédécédés, les héritiers légaux seraient sans doute plus éloignés. Dans ce cas, les droits de succession sont souvent prohibitifs !

Dans ce contexte, et pour autant que la sécurité matérielle et financière de Jean soit assurée, faut-il vraiment lui transmettre un patrimoine important, patrimoine dont il n’aura pas nécessairement besoin et dont la transmission en ligne collatérale ou vers des héritiers plus lointains risque d’être coûteuse sur le plan fiscal. A chacun de répondre à la question en fonction de sa situation personnelle. De nombreux éléments entrent en effet en ligne de compte : la composition familiale, le degré d’autonomie de la personne handicapée, le degré de discernement et de compréhension des actes patrimoniaux, l’importance du patrimoine des parents, la personnalité des intervenants…

Ces quelques réflexions mettent en évidence le besoin d’organiser une planification au niveau des parents de Jean.

la plaNIFIcatION au NIveau Des pareNts De l’eNFaNt haNDIcapé

Avec le temps, la question de la succession des parents est inévitable. Eux-mêmes auront à coeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer à leur enfant handicapé la meilleure protection qui soit, après leur départ vers l’au-delà. En général, les objectifs à atteindre sont de trois ordres : assurer la prise en charge de Jean au quotidien, lui assurer un logement, lui assurer la sécurité financière. Les mesures à prendre par les parents pourront varier sensiblement selon

la présence ou non de frères et soeurs et leur capacité à prendre Jean en charge, le degré d’autonomie de Jean, ses besoins financiers, l’intention des parents sur la répartition future du patrimoine familial et, pourquoi pas, sur les avantages fiscaux que l’on peut tirer d’une planification successorale bien préparée.

Nous évoquons ci-dessous quelques éléments de solution. Ces pistes doivent, bien entendu, faire l’objet d’un examen attentif au regard de la loi applicable dans le pays de résidence concerné afin d’en vérifier l’opportunité et l’efficacité sur le plan civil et fiscal.

1er objectif : assurer la prise en charge quotidienne

Souvent, les parents ont déjà fait le choix d’une personne ou d’une institution qu’ils jugent le plus apte à prendre en charge l’enfant handicapé après leur décès.

En contrepartie de la prise en charge, pour soutenir financièrement la personne désignée ou l’institution et en même temps la remercier, les parents de Jean peuvent envisager la technique du legs de residuo. Cette technique permet aux parents – ou au survivant des parents- de prévoir par testament que leurs biens, en tout ou en partie, seront attribués à Jean et qu’au décès de Jean, ce qu’il reste des biens (le residuum) reviendra à la personne ou à l’institution qui a pris Jean en charge. Dans ce cadre, les parents peuvent choisir d’appliquer la clause de residuo sur la part d’héritage revenant à Jean ou sur la quotité disponible de la succession. Une telle clause peut également être limitée à un bien précis (la maison familiale, par exemple). La réserve des frères et soeurs doit bien entendu être respectée.

Si la clause de residuo porte sur la réserve légale de Jean, n’y a-t-il pas un risque de porter atteinte au droit de l’héritier réservataire d’utiliser librement la part successorale qui lui revient ? La doctrine et la jurisprudence7 s’orientent vers l’idée que la clause de residuo ne porte pas atteinte à la réserve de l’enfant si celui-ci garde la libre disposition des avoirs légués, que cette libre disposition prenne la forme d’un acte à titre onéreux (vente) ou celle d’un acte à titre gratuit (donation, testament).

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Une donation de residuo peut également être envisagée si les parents sont prêts à se dépouiller de leur vivant.

Dans ce même contexte de la prise en charge de Jean par une personne ou une institution, vous pouvez également songer à la technique de la donation à charge ou du legs à charge de prendre soin de l’enfant handicapé. Exemple : par testament, les parents (ou le survivant d’entre eux) de Jean peuvent stipuler qu’une partie de leur patrimoine sera attribuée à une personne ou à une institution déterminée à charge pour elle de prendre soin de Jean. De cette manière, la personne ou l’institution de confiance disposera des moyens financiers pour accomplir sa tâche. C’est une forme d’encouragement et de contrepartie à la prise en charge de Jean. Une telle clause doit être rédigée de manière très précise, ne peut pas être trop lourde pour le donataire ou le légataire et doit respecter les principes concernant la protection de la réserve légale.

En comparaison avec un legs, une donation implique un transfert de propriété immédiat alors qu’avec un legs, les parents (ou le survivant d’entre eux) restent propriétaires des biens jusqu’à la fin de leurs jours. De plus, un legs est révocable à tout moment, ce qui implique que les parents (ou le survivant d’entre eux) peuvent encore à tout moment adapter le testament aux circonstances changeantes.

L’avantage d’une donation, par contre, est de faire débuter un engagement immédiat dans le chef du donataire, ce qui n’est pas le cas avec un legs. C’est pourquoi, dans le cas du legs, il est recommandé de prévoir une forme de surveillance pour garantir l’exécution de la charge, comme la désignation d’un exécuteur testamentaire, par exemple.

2e objectif : assurer un logement

Prévoir que Jean sera propriétaire ou usufruitier d’un bien immeuble s’il n’est pas en mesure d’y vivre d’une manière indépendante n’a pas de sens. Si une vie autonome n’est pas possible, il faut envisager un placement chez un membre de la famille, un particulier ou auprès d’une institution spécialisée où Jean pourra s’installer au mieux, du vivant de ses parents ou après leur décès. Dans cette hypothèse, il faut s’assurer que Jean dispose des moyens financiers nécessaires pour payer les frais de ce logement ou que

petIt lexIque

Donation ou legs de residuo : libéralité faite par donation ou par testament au profit de deux bénéficiaires successifs. Le premier bénéficiaire peut disposer entièrement des avoirs et n’est pas tenu de les conserver. Au décès du premier bénéficiaire, le residuum, c’est-à-dire ce qui restera des avoirs donnés ou légués, reviendra au second bénéficiaire désigné initialement.

Droit d’usufruit : droit de jouissance d’un bien appartenant au nu-propriétaire. Concrètement, l’usufruitier dispose des intérêts du capital, des coupons d’obligations et dividendes d’actions, des loyers d’un immeuble, etc. Le nu-propriétaire ne peut disposer du bien sans l’accord de l’usufruitier.

héritier réservataire : héritier pour lequel la loi réserve une part successorale minimale. C’est la loi applicable à la succession qui détermine qui est héritier réservataire et pour quelle part de la succession. Dans nos régions, il s’agit en général des enfants du défunt ; le conjoint survivant est souvent héritier réservataire mais pas toujours. A défaut d’enfant, les parents du défunt sont souvent héritiers réservataires mais pas toujours. Le cercle des héritiers réservataires ne s’étend pas au-delà.

Nue-propriété : propriété d’un bien dont l’usufruit appartient à une autre personne.

quotité disponible : partie du patrimoine dont une personne peut disposer librement par donation ou testament. Il s’agit de la masse successorale totale dont on a retiré la (les) part(s) réservataire(s).

réserve légale : la part successorale minimum que la loi réserve à un héritier réservataire. Cette part se calcule habituellement sur les avoirs existant au jour de la succession auxquels on ajoute le montant des donations faites par le défunt de son vivant.

réduction : droit reconnu à l’héritier réservataire, dont la part réservataire n’aurait pas été respectée, de faire réduire les libéralités (donations, legs) faites par le défunt de sorte qu’il puisse recevoir sa part réservataire.

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la personne qui assurera la charge du logement de Jean dispose de tels moyens. A nouveau, la donation à charge ou le legs à charge peuvent être envisagés. La charge consistera cette fois à assurer le logement de l’enfant. De même, le legs de residuo est à envisager en désignant ce membre de la famille, ce particulier ou cette institution spécialisée comme second bénéficiaire.

Si Jean est capable de vivre d’une manière indépendante, les parents peuvent prévoir d’attribuer à Jean un bien immeuble soit en pleine propriété soit en usufruit, la nue-propriété étant attribuée dans ce cas à d’autres personnes (ses frères et soeurs, par exemple). Ils peuvent encore envisager un droit d’usage et d’habitation ou la conclusion d’un bail à vie. L’attribution d’un tel droit peut se faire durant la vie des parents par une donation, au moment d’une acquisition

BON a savOIr

Évitez de faire entrer dans le patrimoine de l’enfant handicapé des actifs qui nécessitent une gestion suivie et régulière, des travaux d’entretien ou une charge administrative importante (un immeuble, des oeuvres d’art, des brevets…). Autant éviter ce travail au représentant de l’enfant handicapé. Attribuez plutôt des biens faciles à gérer et qui ont un rendement fixe.

Dans la mesure où le niveau des revenus déclarés par l’enfant handicapé peut avoir une incidence sur le niveau de ses allocations sociales, il est préférable d’éviter de produire des revenus dont la mention dans la déclaration annuelle est obligatoire. Un portefeuille de valeurs mobilières doit être pensé en conséquence : titres de capitalisation, titres soumis à un précompte mobilier libératoire, etc.

En cas de succession d’un parent, et selon la loi applicable, il est possible que l’enfant handicapé recueille la nue-propriété d’un bien immeuble (le logement familial, par exemple). Le parent survivant, bénéficiaire de l’usufruit, ne pourra procéder à aucun acte de gestion ou de disposition sur cet immeuble sans le consentement de l’enfant handicapé. Une planification appropriée peut être utile si, en pareille hypothèse, le parent survivant souhaite conserver une totale liberté dans la gestion du patrimoine immobilier.

Prévoir que l’enfant handicapé devra disposer de liquidités en suffisance pour payer les droits de succession au décès de ses parents.

Lorsque la loi du pays de résidence le permet, il peut être utile pour les parents de désigner dans leur testament la personne qui est pressentie pour devenir le représentant de l’enfant handicapé après leur décès.

Les questions de la gestion d’un patrimoine et de la dévolution successorale en rapport avec ce patrimoine ne se posent que si l’enfant handicapé en est propriétaire. Une manière de gérer la situation -sans toutefois la régler- consiste à retarder le moment où l’enfant handicapé deviendra héritier et propriétaire du patrimoine des parents. En principe, un enfant hérite à la succession de son parent décédé. Toutefois, par contrat de mariage, les parents peuvent adapter leur régime matrimonial de telle sorte que tous les avoirs des parents soient apportés en communauté et qu’au décès du premier conjoint, ladite communauté revienne entièrement et en pleine propriété au conjoint survivant. Celui-ci gardera ainsi le contrôle des actifs familiaux, assurera lui-même l’assistance dont l’enfant handicapé a besoin et évitera les problèmes liés au démembrement éventuel de la propriété des avoirs entre nue-propriété et usufruit (notamment les difficultés liées à l’obligation de recueillir l’accord de l’enfant handicapé en cas d’opération ultérieure portant sur l’actif démembré). Il est clair qu’une solution reste à trouver pour la période postérieure au décès du conjoint survivant.

immobilière, par la conclusion d’une convention ou, après leur décès, via un testament.

3e objectif : assurer la sécurité financière

Pour pouvoir développer une planification successorale adéquate, les parents doivent se poser la question suivante : est-il préférable de transmettre à Jean le plus d’avoirs possible afin qu’il ne manque de rien ou vaut-il mieux ne lui transmettre que la part réservataire et veiller par d’autres mesures complémentaires à ce qu’il ne manque de rien ? En effet, il faut tenir compte de l’impact du patrimoine sur le droit aux allocations sociales. Certaines législations lient les deux éléments et réduisent le montant des allocations en présence d’un patrimoine important. D’autre part, suivant les postulats de départ, Jean n’aura pas rédigé de testament, n’aura ni conjoint ni enfant de sorte que sa dévolution

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successorale sera régie par les règles légales, lesquelles désignent, à défaut des parents présumés prédécédés, ses frères et soeurs. Ceux-ci paieront à nouveau des droits de succession sur la valeur des avoirs transmis initialement à Jean.

Si l’attribution d’avoirs importants à Jean présente un risque par rapport au droit aux allocations sociales, les parents peuvent envisager par testament de réduire la part de Jean dans la succession à la seule réserve légale et stipuler en même temps que la quotité disponible (en tout ou en par-

tie) de leur succession sera attribuée en pleine propriété à une personne de confiance à charge pour elle de payer à Jean une rente régulière.

Pour éviter à Jean des soucis administratifs ou des problèmes d’entretien d’immeuble, il est possible que les parents préfèrent éviter de créer une indivision entre Jean et les autres enfants et décident de l’écarter dans la succession de la maison familiale. Les parents (ou le survivant des parents) peuvent prévoir dans un testament que leurs autres héritiers recevront la maison en pleine propriété à charge pour eux de payer un montant compensatoire à Jean.

Des parents cherchent souvent à assurer les besoins financiers de leur enfant handicapé en prévoyant le paiement d’une rente mensuelle jusqu’à son décès. Plusieurs techniques peuvent être envisagées pour atteindre cet objectif.

Une première option consiste à souscrire un contrat d’assurance de type assurance viagère. Les parents versent une prime à l’assureur qui, en contrepartie, s’engage à verser une rente mensuelle à Jean jusqu’à son décès. La prime variera selon le montant de la rente, la date du début des versements (à la souscription du contrat ou au décès des parents), l’âge et l’état de santé de Jean, etc.

Attention toutefois : suivant une interprétation prudente des textes de loi, il n’est pas possible d’attribuer la part réservataire sous forme d’une rente mensuelle. En conséquence, les parents seront tenus de prévoir l’attribution d’autres biens (par testament ou autrement) en pleine propriété de manière à remplir sa part d’héritage.

Autre option déjà évoquée plus haut: le legs à charge. Par testament, les parents (ou le survivant d’entre eux)

attribuent une partie de leur patrimoine à un autre enfant que Jean ou à une personne de confiance à charge de lui verser une rente mensuelle. Il convient néanmoins de mettre en place un système de contrôle afin de garantir le paiement de cette rente. L’intervention d’une banque peut être fort utile à cet égard : ordre permanent, instruction irrévocable, mise en gage, fiducie…

Enfin, une dernière alternative pourrait consister en la création d’un patrimoine d’affectation. En créant un tel patrimoine, on peut affecter une partie de son patrimoine à un but spécifique, tel que la prise en charge d’un enfant handicapé dans le sens le plus large du terme. La fiducie, la fondation privée ou le trust répondent à cette notion de patrimoine d’affectation. Dans le cadre d’une telle structure, il est possible de prévoir un système de paiements mensuels. Toutefois, cette structure implique souvent une administration importante et des frais élevés de sorte que cette solution n’est envisageable que pour des patrimoines importants.

Attention : pour les trois solutions suggérées, les principes concernant la protection de la réserve sont également à respecter.

Si Jean est enfant unique, l’option du patrimoine d’affectation paraît une solution intéressante. En l’absence de frère et de soeur, les parents ne sont pas tenus par une obligation de respecter la part réservataire des autres enfants et peuvent librement apporter une partie de leur patrimoine dans une structure comme la fondation privée. Le but désintéressé de la fondation sera la prise en charge de l’enfant handicapé. Après le décès des deux parents, la fondation prendra soin de Jean de A à Z.

Les statuts de la fondation peuvent prévoir que la fondation prendra fin avec le décès de Jean et régler le sort des avoirs restants. Au contraire, les statuts peuvent prévoir que la fondation continuera d’exister avec un objectif d’intérêt général comme, par exemple, soutenir tous projets visant à améliorer la qualité de vie des personnes handicapées.

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cONclusIONs

les parents d’un enfant handicapé ne sont pas éternels. Il leur revient de mettre en place en temps voulu les conditions d’une protection matérielle et financière qui permettra à leur enfant d’être à l’abri du besoin. a cette fin, ils veilleront à organiser de manière réfléchie leur propre dévolution successorale de manière à garder un équilibre entre les héritiers, dont l’enfant handicapé, tout en assurant la sécurité matérielle de ce dernier jusqu’à la fin de sa vie. Ils veilleront également à ce que le patrimoine de l’enfant handicapé soit administré et géré dans son intérêt exclusif.

Diverses techniques offrent des éléments de réponse à ces questions. une combinaison de celles-ci est parfois possible, voire souhaitable, afin d’atteindre les objectifs recherchés, tout en bénéficiant dans certains cas d’une optimisation fiscale.

la donation ou le legs de residuo, la donation ou le legs à charge, la fondation privée, l’assurance viagère, le bail à vie… constituent quelques pistes de réflexion qui présentent chacune des avantages mais aussi des contraintes et des limites, notamment à cause de la réserve légale.

Bien que l’aspect fiscal ne se présente pas comme un élément prioritaire dans la planification en faveur des enfants handicapés, il est parfois avantageusement présent, comme dans le cas d’une transmission de type de residuo. a chacun d’en tirer parti en fonction des dispositions légales en vigueur dans son propre pays de résidence.

03.2

012

1 A titre d’exemple, une personne invalide ou ayant d’importantes difficultés physiques pour se déplacer ou s’exprimer peut choisir de se faire représenter dans les actes de la vie courante par un mandataire désigné dans le cadre d’un mandat notarié.

2 C’est la part réservataire légale. La situation sera toutefois différente dans les pays anglo-saxons qui ne connaissent pas le principe de la réserve. Une planification successorale y sera dès lors plus aisée en l’absence d’obligation légale d’attribuer à l’enfant handicapé une part de la succession.

3 18 ans le plus souvent mais cela peut varier d’un pays à l’autre.

4 Comment, par exemple, régler la succession inopinée d’un membre de sa famille si Jean, devenu majeur mais dénué de tout statut particulier, n’est pas apte à comprendre les documents qu’il devra signer ou n’est pas à même d’apprécier les conditions d’un partage qui pourrait se faire à ses dépens ? Quel notaire accepterait de liquider une succession en pareilles circonstances sans risquer la mise en cause ultérieure de sa responsabilité ?

5 Tutelle, curatelle, mise sous sauvegarde de justice, administration provisoire, minorité prolongée, conseil ou assistance judiciaire, etc.

6 A titre d’exemple : en Belgique (Région de Bruxelles-Capitale), le taux progressif des droits de succession en ligne collatérale est de 30 % pour la tranche entre 25.000 et 50.000 € ; il est de 65 % au-delà de 250.000 €.

7 Cour de Cassation française, 31 janvier 1995 : dans un contexte semblable, la Cour a estimé que le legs de residuo ne portait pas atteinte à la réserve de l’enfant handicapé car le legs ne mettait aucune obligation à sa charge et qu’en particulier, le premier bénéficiaire n’était pas tenu de conserver les biens reçus.

l’équipe estate planning

KBL EUrOPEAN PrIVATE BANKErS S.A. 43 BOULEVArD rOyAL, L-2955 LUxEmBOUrg

Élaborée aux meilleures sources, cette documentation ne se veut pas exhaustive du sujet abordé, mais donne un bref aperçu des bases juridiques du sujet concerné. Elle ne saurait donc constituer un avis, un conseil de nature juridique, économique ou sociale, et ne saurait engager la responsabilité de ses rédacteurs. Il est dès lors conseillé au lecteur de prendre contact avec un professionnel en la matière s’il souhaite analyser la question plus en profondeur, au regard notamment de sa situation personnelle. A cet effet, KBL European Private Bankers à Luxembourg reste à son entière disposition pour l’orienter au mieux de ses besoins.

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