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L'ACTUALITÉ DE LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Laure Marino Professeure à l’Université de Strasbourg Master 2 Droit de la propriété intellectuelle et patrimoine culturel Master 2 Droit de la propriété intellectuelle et valorisation des biens immatériels Master 2 Droit de la propriété intellectuelle et commerce Master 2 Droit européen et international de la propriété intellectuelle 14 et 15 février 2012

Cours de Laure Marino - L'actualité de la jurisprudence européenne en matière de propriété intellectuelle (CEIPI, Strasbourg, 14 et 15 février 2012)

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Cours de Laure Marino sur l'actualité de la jurisprudence européenne en matière de propriété intellectuelle (CEIPI, Strasbourg, février 2012) publié le 20 août 2012 sur http://lauremarinoblog.wordpress.com/ (http://lauremarinoblog.wordpress.com/2012/08/20/lactualite-de-la-jurisprudence-europeenne-en-matiere-de-propriete-intellectuelle/)

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L'ACTUALITÉ DE LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNEEN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Laure Marino

Professeure à l’Université de Strasbourg

Master 2 Droit de la propriété intellectuelle et patrimoine culturel

Master 2 Droit de la propriété intellectuelle et valorisation des biens immatériels

Master 2 Droit de la propriété intellectuelle et commerce

Master 2 Droit européen et international de la propriété intellectuelle

14 et 15 février 2012

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L’ACTUALITÉ, POURQUOI ?

Importance de la « veille stratégique » en général… et de la « veille stratégique » en droit européen en particulier, en raison de la primauté de ce droit.

Ici, choix d’une veille sur la jurisprudence, car cela permet de mieux comprendre :

la vision de la propriété intellectuelle dans le droit européen

l’étendue de l’harmonisation européenne

l’esprit du droit substantiel européen

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L’ACTUALITÉ, COMMENT ?

L’actualité, c’est la jurisprudence importante des derniers mois.

La jurisprudence européenne, c’est celle de tous les tribunaux de la grande (CEDH) et – surtout - de la petite Europe, celle de l’UE (CJUE, TUE) : cette année, nous retiendrons dix arrêts de la CJUE.

La propriété intellectuelle, c’est large : tous les droits de propriété intellectuelle sont concernés. Cette année, propriété littéraire et artistique, marques, brevets.

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PLAN10 ARRÊTS DE LA CJUEI. Internet (questions transversales)

1 Google / Vuitton, CJUE 23 mars 2010

2 L’Oréal / eBay (L’Oréal II), CJUE 12 juill. 2011

3 Scarlet / SABAM, CJUE 24 nov. 2011

II. Propriété littéraire et artistique

4 Padawan / SGAE, CJUE 21 oct. 2010

5 « Premier League », CJUE 4 oct. 2011

III. Marques 6 L’Oréal / Bellure (L’Oréal I), CJCE 18 juin 2009

7 DHL / Chronopost, CJUE 12 avr. 2011

8 Interflora / Marks & Spencer, CJUE 22 sept. 2011

IV. Brevets 9 Monsanto / Cefetra, CJUE 6 juill. 2010

10 Brüstle / Greenpeace , CJUE 18 oct. 2011

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CURIA

Recherche par numéro

Ex : C-236/08Fil RSS

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RECHERCHE PAR NUMÉROS SUR CURIA

Exemple : Google c/ Vuitton, CJUE 23 mars 2010, C-236/08

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RECHERCHE AVEC LE NOM SUR EUR-LEX

Exemple : Monsanto, CJUE 23 mars 2010

On trouve ici des références doctrinales européennes.

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VEILLE SUR CURIA

Voir le calendrier judiciaire

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Source : blog Bonjour Europe

ON PEUT AUSSI ASSISTER À L’AUDIENCE !

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Au centre, le président Vassilios Skouris

Source : site CURIA (composition de la Cour en déc. 2009)

LES JUGES

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POUR COMPRENDRE LA PORTÉE DES ARRÊTS

Il est important de rappeler que le dispositif des arrêts de la CJUE s’intègre au droit de l’UE.

« La Cour dit pour droit » : elle dégage une solution dont la portée dépasse le cas d’espèce.

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I.INTERNET

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1. GOOGLE / VUITTONCJUE 23 MARS 2010

Google AdWords est un service de référencement payant.

C-236/08

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PROCÉDURE

Des titulaires de marques (dont Vuitton) s’opposent à ce que les mots clés sélectionnés correspondent à leurs marques et se plaignent de ce que les liens renvoient à des sites de contrefaçon ou des sites concurrents

Questions préjudicielles posées par la chambre commerciale de la Cour de cassation (France)

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TEXTES CONCERNÉS

Dir. 21 déc. 1998 sur les marques solution sur le terrain du droit des marques

Dir. 8 juin 2000 dite « commerce électronique » solution sur le terrain de la responsabilité civile

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SUR LE TERRAIN DU DROIT DES MARQUES

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DISPOSITIF DE L’ARRÊT

Par ces motifs, la Cour dit pour droit :

1. (…)

2. Le prestataire d’un service de référencement sur Internet qui stocke en tant que mot clé un signe identique à une marque et organise l’affichage d’annonces à partir de celui-ci, ne fait pas un usage de ce signe au sens de l’article 5, § 1 et 2, de la dir. 89/104 ou de l’article 9, § 1, du règl. 40/94.

Pas d’usage dans la vie des affaires, car pas d’usage du tout : ici, Google

n’utilise pas le signe dans le cadre de sa propre communication commerciale(il permet l’usage à d’autres, sans faire

usage lui-même)

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DISPOSITIF DE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour dit pour droit :

1. Les articles 5, § 1, sous a), de la première dir. 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, et 9, paragraphe 1, sous a), du règl. (CE) 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.

« Double identité »

Atteinte à la fonction essentielle d’indication

d’origine

Le droit de marque est un droit d’interdire

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SUR LE TERRAIN DU DROIT DES MARQUES

Le fournisseur de liens commerciaux (Google) n’est pas contrefacteur de marques, car il « ne fait pas [de ces marques] un usage dans la vie des affaires » (cf. CJCE 16 nov. 2004, Anheuser-Busch, pas de contrefaçon si pas d’usage du signe dans la vie des affaires).

Le contrefacteur principal – en l’espèce l’annonceur, qui choisit et utilise les mots-clés litigieux – se retrouve donc en première ligne, ce qui est sa place naturelle (c’est contre lui qu’il faut agir et voir s’il porte atteinte à l’une des fonctions de la marque).

Solution dictée par la finalité libérale

de la directive Marques

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SUR LE TERRAIN DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE

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DISPOSITIF DE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour dit pour droit :

1. (…)

2. (…)

3. L’article 14 de la dir. 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s’applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées. S’il n’a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d’activités de cet annonceur, il n’ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données.

Responsabilité atténuéedu prestataire technique

Critère du rôle actif

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SUR LE TERRAIN DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE

La Cour de justice n’exclut pas que Google puisse s’abriter sous le parapluie du statut de prestataire technique.

Il pourrait profiter du régime dérogatoire de responsabilité, s’il « n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ».

La Cour renvoie ici aux juridictions nationales seules à même de vérifier ce critère au cas par cas.

Solution ici encore dictée par la finalité libérale

de la directive Commerce électronique

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RETOUR EN FRANCECASS. COM., 13 JUILL. 2010

Sur le fondement du droit des marques, le prestataire de service de référencement qui se borne à stocker des mots-clés et afficher les annonces ne commet pas une contrefaçon.

Sur le fondement du droit de la responsabilité, il appartient aux juges du fond de vérifier s’il bénéficie ou non du régime dérogatoire des prestataires techniques (renvoi devant la CA de Paris, affaire pendante)

LCEN, 21 juin 2004, art. 6

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QUELQUES DÉCISIONS DES JUGES DU FOND

CA Paris, 19 nov. 2010 (Google c/ Syndicat français de la literie) : pas de rôle actif, pas de condamnation de Google

TGI Paris, 14 nov. 2011 (Olivier Martinez c/ Google) : condamnation de Google.

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QUESTIONS D’OUVERTURE

1. Serait-il pertinent, selon vous, de faire évoluer la directive Commerce électronique dans un sens moins favorable aux prestataires techniques ?

2. Serait-il pertinent, selon vous, de faire évoluer les dispositions du Code de la propriété intellectuelle français relatives aux marques, spécialement les articles L.713-2 et L. 713-3 ?

3. Pensez-vous qu’il serait judicieux d’agir contre les annonceurs ?

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2. L’ORÉAL / EBAYCJUE 12 JUILL. 2011 (L’Oréal II)

L'Oréal est titulaire de marques et eBay est exploitant d'une « place de marché en ligne ».

L'Oréal accuse eBay de laisser vendre des produits contrefaisants ou des produits authentiques pour lesquels le droit de marque n'est pas épuisé (parce qu'ils ont été mis dans le commerce en dehors de l'Espace économique européen).

C-324/09 

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PROCÉDURE

Demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (Royaume-Uni) sur le droit des marques et sur la question de la responsabilité de la place de marché.

La Cour de justice confirme ici sa propre jurisprudence en s’inscrivant dans le prolongement de l'arrêt Google c/ Vuitton, avec la référence au rôle actif.

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SUR LE TERRAIN DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE(ON NE DÉVELOPPERA PAS LE DROIT DES MARQUES)

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DISPOSITIF DE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour dit pour droit : (…)

6)  L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31/CE (…), doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à l’exploitant d’une place de marché en ligne lorsque celui-ci n’a pas joué un rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées.

Ledit exploitant joue un tel rôle quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci.

Lorsque l’exploitant de la place de marché en ligne n’a pas joué un rôle actif au sens visé à l’alinéa précédent et que sa prestation de service relève, par conséquent, du champ d’application de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31, il ne saurait néanmoins, dans une affaire pouvant résulter dans une condamnation au paiement de dommages et intérêts, se prévaloir de l’exonération de responsabilité prévue à cette disposition s’il a eu connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité des offres à la vente en cause et, dans l’hypothèse d’une telle connaissance, n’a pas promptement agi conformément au paragraphe 1, sous b), dudit article 14.

Responsabilité atténuéedu prestataire technique

en cas de rôle actif

= publicité (ce n'est plus une

simple activité neutre et technique)

Hypothèse de la notification par un tiers

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QUESTIONS D’OUVERTURE

1. Serait-il pertinent, selon vous, de faire évoluer la directive Commerce électronique dans un sens moins favorable aux places de marché en ligne ?

2. Êtes-vous d’accord avec les titulaires de marques qui estiment que ce n’est pas leur rôle de surveiller les places de marché en ligne pour notifier les offres illicites ?

3. Pensez-vous qu’il serait judicieux d’agir contre les vendeurs indélicats ?

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3. SCARLET / SABAMCJUE 24 NOV. 2011

C-70/10 

Société belge des auteurs compositeurs et éditeurs

FAI belge

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FAITS ET PROCÉDURE

Action de la SABAM contre le FAI, accusé de ne rien faire pour empêcher le téléchargement, par ses utilisateurs, de fichiers musicaux par le biais d’échanges P2P.

En première instance, le FAI est condamné à empêcher le téléchargement illégal par le biais de mesures techniques (filtrage et blocage)

Sur appel du FAI, la CA de Bruxelles, pose deux questions préjudicielles à la CJUE.

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QUESTIONS PRÉJUDICIELLES1) Les dir. 2001/291 et 2004/482, lues en combinaison avec les directives 95/463, 2000/314

et 2002/585, interprétées notamment au regard des articles 8 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, permettent-elles aux États membres d'autoriser un juge national, saisi dans le cadre d'une procédure au fond et sur la base de la seule disposition légale prévoyant que : "Ils [les juges nationaux] peuvent également rendre une injonction de cessation à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte au droit d'auteur ou à un droit voisin", à ordonner à un Fournisseur d'Accès à l'Internet (en abrégé FAI) de mettre en place, à l'égard de toute sa clientèle, in abstracto et à titre préventif, aux frais exclusifs de ce FAI et sans limitation dans le temps, un système de filtrage de toutes les communications électroniques, tant entrantes que sortantes, transitant par ses services, notamment par l'emploi de logiciels peer to peer, en vue d'identifier sur son réseau la circulation de fichiers électroniques contenant une oeuvre musicale, cinématographique ou audio-visuelle sur laquelle le demandeur prétend détenir des droits et ensuite de bloquer le transfert de ceux-ci, soit au niveau de la requête soit à l'occasion de l'envoi ?

2) En cas de réponse positive à la question sub. 1), ces directives imposent-elles au juge national, appelé à statuer sur une demande d'injonction à l'égard d'un intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d'auteur, d'appliquer le principe de proportionnalité lorsqu'il est amené à se prononcer sur l'efficacité et l'effet dissuasif de la mesure demandée ?

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DISPOSITIF DE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

Les directives:

–        2000/31/CE (…)

–        2001/29/CE (…)

–        2004/48/CE (…)

–        95/46/CE (…)

–        2002/58/CE (…),

lues ensemble et interprétées au regard des exigences résultant de la protection des droits fondamentaux applicables, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une injonction faite à un fournisseur d’accès à Internet de mettre en place un système de filtrage

–        de toutes les communications électroniques transitant par ses services, notamment par l’emploi de logiciels «peer-to-peer»;

–        qui s’applique indistinctement à l’égard de toute sa clientèle;

–        à titre préventif;

–        à ses frais exclusifs, et

–        sans limitation dans le temps,

capable d’identifier sur le réseau de ce fournisseur la circulation de fichiers électroniques contenant une œuvre musicale, cinématographique ou audiovisuelle sur laquelle le demandeur prétend détenir des droits de propriété intellectuelle, en vue de bloquer le transfert de fichiers dont l’échange porte atteinte au droit d’auteur.

Pas de surveillance générale et active (art. 14)

Conflits de droits fondamentaux et nécessaire balance entre les droits (cf. Promusicae : CJCE, 29 janv. 2008)- Propriété intellectuelle pour la SABAM- Liberté d’entreprise pour le FAI- Droit à la protection des données

personnelles (adresses IP) et liberté d’information pour les clients du FAI

Inconventionnalité de l’injonction

Mais quelle est la portée de l’arrêt ?

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QUESTIONS D’OUVERTURE

1. Serait-il pertinent, selon vous, de lutter contre le streaming en instituant un système de filtrage ?

2. Êtes-vous d’accord avec la Cour lorsqu’elle écrit que les adresses IP (adresses de connexion à l’internet) sont des données personnelles, « car elles permettent l’identification précise » des internautes ?

3. Êtes-vous d’accord avec la Cour lorsqu’elle évoque une éventuelle atteinte à la liberté d’information, dès lors que le filtrage « risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d’entraîner le blocage de communications à contenu licite » ?

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II.PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE

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4. PADAWAN / SGAECJUE 21 OCT. 2010

C-467/08

En Espagne, la société Padawan (distributeur de supports vierges et lecteurs MP3) a été poursuivie par la SGAE pour non-paiement de la compensation équitable / rémunération pour copie privée / canon por copia privada ou canon digital

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PROCÉDURE

En première instance, la société Padawan est condamnée. Elle a interjeté appel de cette décision tout en soulevant plusieurs questions préjudicielles.

Texte concerné ?

Dir. Société de l’information, 22 mai 2001

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour dit pour droit :

1) La notion de « compensation équitable », au sens de l’article 5, § 2, b), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, est une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée d’une manière uniforme dans tous les États membres ayant introduit une exception de copie privée, indépendamment de la faculté reconnue à ceux-ci de déterminer, dans les limites imposées par le droit de l’Union, notamment par la même directive, la forme, les modalités de financement et de perception ainsi que le niveau de cette compensation équitable.

(…)

Harmonisation prétorienne

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour dit pour droit :

(…)

2) L’article 5, § 2, b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que le « juste équilibre » à trouver entre les personnes concernées implique que la compensation équitable soit nécessairement calculée sur la base du critère du préjudice causé aux auteurs des œuvres protégées à la suite de l’introduction de l’exception de copie privée. Il est conforme aux exigences de ce « juste équilibre » de prévoir que les personnes qui disposent d’équipements, d’appareils ainsi que de supports de reproduction numérique et qui, à ce titre, en droit ou en fait, mettent ces équipements à la disposition des utilisateurs privés ou rendent à ces derniers un service de reproduction sont les redevables du financement de la compensation équitable, dans la mesure où ces personnes ont la possibilité de répercuter la charge réelle de ce financement sur les utilisateurs privés.

Nature indemnitaire de la compensation équitable

= Redevables directs = Les distributeurs

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ANALYSE DE LA COMPENSATION

1) Nature indemnitaire de la compensation : réparation d’un préjudice subi par l’auteur (cf. arrêt Luksan, 9 févr. 2012, C-277/10).

2) Désignation des débiteurs :

• C’est la « personne ayant causé un préjudice » qui doit le réparer, sachant que cette personne est « celle qui réalise » une copie privée.

• Mais cette personne ne peut être directement redevable « compte tenu des difficultés pratiques... » Le redevable direct sera donc le distributeur, qui peut « répercuter le coût de la redevance sur les utilisateurs privés ».

• L’utilisateur privé est donc vu comme le « redevable indirect » de la compensation.

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PERSONNES PHYSIQUESNous allons voir que la redevance est toujours due par des personnes physiques.

À défaut de preuve au cas par cas du préjudice, la Cour pose une présomption (simple) de préjudice :

• les personnes physiques sont présumées copier

• et donc elles sont présumées préjudicier.

La présomption est basée sur la faculté de copie et non sur la copie elle-même. La logique du raisonnement repose sur les probabilités.

Choix politique d’un système de mutualisation

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ACQUÉREURSPROFESSIONNELS ?

La redevance est-elle due par les acquéreurs professionnels ?

La question est importante, en raison de la multiplication des supports hybrides, susceptibles d’être utilisés à titre personnel comme professionnel (exemple des disques inscriptibles sur lesquels l’entreprise stocke ses propres données). Mais a priori, les acquéreurs professionnels n’utilisent pas les équipements pour réaliser des copies privées.

La réponse de la Cour est habile, la ruse consistant à reporter l’interrogation sur le distributeur (redevable direct) : la redevance est-elle due par le distributeur lorsqu’il commercialise les supports aux professionnels ?

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour dit pour droit :

3)  L’article 5, § 2, b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’un lien est nécessaire entre l’application de la redevance destinée à financer la compensation équitable à l’égard des équipements, des appareils ainsi que des supports de reproduction numérique et l’usage présumé de ces derniers à des fins de reproduction privée. En conséquence, l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard d’équipements, d’appareils ainsi que de supports de reproduction numérique non mis à la disposition d’utilisateurs privés et manifestement réservés à des usages autres que la réalisation de copies à usage privé, ne s’avère pas conforme à la directive 2001/29.1re condition

2e condition

Présomption (simple) de copie

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DISTRIBUTEUR ?

Le distributeur doit-il la redevancelorsqu’il vend aux professionnels ?

Selon moi, il faut distinguer :

• S’il s’adresse aux seuls professionnels, la redevance n’est pas due.

• S’il s’adresse à tout le monde, elle l’est et elle l’est donc même si un professionnel acquiert l’équipement ainsi offert à tous (au grand public comme aux professionnels).

 Seule « l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard d’équipements, d’appareils ainsi que de supports de reproduction numérique non mis à la disposition d’utilisateurs privés et manifestement réservés à des usages autres que la réalisation de copies à usage privé, ne s’avère pas conforme à la directive 2001/29. »

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QUESTIONS D’OUVERTURE

1. Qu’est-ce le « marché gris » des supports d’enregistrement en Europe ?

2. Selon vous, comment lutter contre ce « marché gris » ?

3. À l’heure d’internet, ne pourrait-on pas imaginer un autre système que celui de la compensation équitable, vieux système conçu à l’époque des cassettes VHS ?

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Pour attirer la clientèle dans son pub anglais, Mme Murphy diffuse des matchs de football de la Premier League sur grand écran.

5. « PREMIER LEAGUE »CJUE 4 OCT. 2011

C-403/08

Source : BBC News

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LICENCES D’EXCLUSIVITÉ TERRITORIALE Mais Mme Murphy achète pour cela un décodeur grec, beaucoup moins cher que le décodeur anglais !

La Football Association Premier League, titulaire des droits sur ces rencontres sportives, s’en offusque.

En effet, cette ligue cède les droits de diffusion sur les matchs aux diffuseurs (par exemple Sky au Royaume-Uni, Nova en Grèce, Canal + en France), en assortissant les licences d’une clause de limitation territoriale.

Aux termes de l’accord, les diffuseurs s’engagent à crypter leurs transmissions en dehors de l’État d’émission et à ne vendre de décodeurs qu’aux personnes résidant dans l’État d’émission : ainsi, seul Sky peut diffuser au Royaume-Uni.

En utilisant des décodeurs grecs (au moyen d’une fausse adresse et d’une fausse identité), Mme Murphy contourne l’exclusivité.

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      La notion de «dispositif illicite», au sens de l’article 2, sous e), de la directive 98/84/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 1998, concernant la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne couvre ni les dispositifs de décodage étrangers – qui donnent accès aux services de radiodiffusion satellitaire d’un organisme de radiodiffusion, sont fabriqués et commercialisés avec l’autorisation de cet organisme, mais sont utilisés, au mépris de la volonté de ce dernier, en dehors de la zone géographique pour laquelle ils ont été délivrés –, ni ceux obtenus ou activés par la fourniture d’un faux nom et d’une fausse adresse, ni ceux qui ont été utilisés en violation d’une limitation contractuelle permettant son utilisation uniquement à des fins privées.

2)      L’article 3, paragraphe 2, de la directive 98/84 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui empêche l’utilisation de dispositifs de décodage étrangers, y compris ceux obtenus ou activés par la fourniture d’un faux nom et d’une fausse adresse, ou ceux utilisés en violation d’une limitation contractuelle permettant son utilisation uniquement à des fins privées, une telle réglementation ne relevant pas du domaine coordonné de cette directive.

= La Cour écarte ici l’application de cette

directive

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: (…)

3)      L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens que

–        cet article s’oppose à une réglementation d’un État membre rendant illicites l’importation, la vente et l’utilisation dans cet État de dispositifs de décodage étrangers qui permettent l’accès à un service codé de radiodiffusion satellitaire provenant d’un autre État membre et comprenant des objets protégés par la réglementation de ce premier État,

–        cette conclusion n’étant infirmée ni par la circonstance que le dispositif de décodage étranger a été obtenu ou activé par l’indication d’une fausse identité et d’une fausse adresse, avec l’intention de contourner la restriction territoriale en question ni par la circonstance que ce dispositif est utilisé à des fins commerciales alors qu’il était réservé à une utilisation à caractère privé.

Libre prestation de services (transfrontalières)

Stratagème indifférent La liberté de prestation de services prime

Donc arrêt important !

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DISPOSITIFDE L’ARRÊT

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: (…)

4)      Les clauses d’un contrat de licence exclusive conclu entre un titulaire de droits de propriété intellectuelle et un organisme de radiodiffusion constituent une restriction à la concurrence interdite par l’article 101 TFUE dès lors qu’elles imposent l’obligation à ce dernier organisme de ne pas fournir de dispositifs de décodage permettant l’accès aux objets protégés de ce titulaire en vue de leur utilisation à l’extérieur du territoire couvert par ce contrat de licence.

Libre concurrence : interdiction des ententes, pratiques anticoncurrentielles =

problème du « cloisonnement du marché intérieur ».

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: (…)

5)      L’article 2, sous a), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que le droit de reproduction s’étend aux fragments transitoires des œuvres dans la mémoire d’un décodeur satellitaire et sur un écran de télévision, à condition que ces fragments contiennent des éléments qui sont l’expression de la création intellectuelle propre aux auteurs concernés, l’ensemble composé des fragments reproduits simultanément devant être examinés afin de vérifier s’il contient de tels éléments.

6)      Les actes de reproduction tels que ceux en cause dans l’affaire C‑403/08, qui sont effectués dans la mémoire d’un décodeur satellitaire et sur un écran de télévision, remplissent les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et peuvent dès lors être réalisés sans l’autorisation des titulaires de droits d’auteur concernés.

7)      La notion de «communication au public», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre la transmission des œuvres radiodiffusées, au moyen d’un écran de télévision et de haut-parleurs, aux clients présents dans un café-restaurant. (…)

Pas de droit d’auteur sur les matchs (seul un droit sui generis est possible), mais droit d’auteur éventuellement sur

l’hymne, sur des graphismes, etc.

Exception de reproduction

provisoireCf. arrêt SGAE, 7 déc. 2006, C‑306/05  (chambres d’hôtel)

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QUESTIONS D’OUVERTURE

1. Selon vous, quelles seront les incidences pratiques de cet arrêt pour Mme Murphy ?

2. Selon vous, quelles seront les incidences pratiques de cet arrêt pour les particuliers ?

3. La Cour a, en l’espèce, fait primer l’intérêt du marché sur la protection d’un droit de propriété intellectuelle. Que pensez-vous de la solution ?

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III.MARQUES

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6. L’ORÉAL / BELLURECJCE 18 JUIN 2009 (L’Oréal I)

« Stitch n° 7 smells like Trésor »

Au Royaume-Uni, Bellure vendait des copies bon marché de parfums de marque et s’appuyait pour cela sur des listes de concordance.

Action en contrefaçon de l’Oréal.

Le juge anglais pose cinq questions préjudicielles.

C-487/07

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TEXTES CONCERNÉS

• Dir. 21 déc. 1988 sur les marques

• Dir. 6 oct. 1997 sur la publicité comparative

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VICTOIRE DES MARQUES La Cour condamne de l’usage par Bellure des marques

renommées de L’Oréal, en raison du profit indu qu’il réalise en se plaçant dans le sillage des marques afin de bénéficier de leur pouvoir d’attraction.

Elle réprouve l’usage des marques en général, lorsqu’il porte atteinte aux fonctions de communication, d’investissement ou de publicité (trois nouvelles fonctions mystérieuses).

Elle juge enfin que, dans une publicité comparative, l’annonceur ne peut faire apparaître le fait que le produit qu’il commercialise constitue une imitation du produit de marque. Le profit qu’il réaliserait grâce à une telle publicité illicite serait là encore indûment tiré de la notoriété attachée à la marque.

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DISPOSITIFDE L’ARRÊT

Par ces motifs, la Cour dit pour droit :

1) L'article 5, § 2, de la première dir. 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que l'existence d'un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, au sens de cette disposition, ne présuppose ni l'existence d'un risque de confusion, ni celle d'un risque de préjudice porté à ce caractère distinctif ou renommée ou, plus généralement, au titulaire de celle-ci. Le profit résultant de l'usage par un tiers d'un signe similaire à une marque renommée est tiré indûment par ce tiers desdits caractère distinctif ou renommée lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du pouvoir d'attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d'exploiter, sans compensation financière, l'effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l'image de celle-ci.

Marques renommées

Parasitisme

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DISPOSITIFDE L’ARRÊT

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : (…)

2) L'article 5, § 1, sous a), de la dir. 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d'une marque enregistrée est habilité à faire interdire l'usage par un tiers, dans une publicité comparative qui ne satisfait pas à toutes les conditions de licéité énoncées à l'article 3 bis, § 1, de la dir. 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, telle que modifiée par la dir. 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 1997, d'un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, même lorsque cet usage n'est pas susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est d'indiquer la provenance des produits ou services, à condition que ledit usage porte atteinte ou soit susceptible de porter atteinte à l'une des autres fonctions de la marque.

Marques en général

Vision moderne de la marque, avec plusieurs fonctions, et du droit de

marque, droit finalisé

« Double identité »

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DISPOSITIFDE L’ARRÊT

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : (…)

3) L'article 3 bis, § 1, de la dir. 84/450, telle que modifiée par la dir. 97/55, doit être interprété en ce sens qu'un annonceur qui mentionne de manière explicite ou implicite, dans une publicité comparative, que le produit qu'il commercialise constitue une imitation d'un produit portant une marque notoirement connue présente «un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction», au sens de cet article 3 bis, § 1, sous h). Le profit réalisé par l'annonceur grâce à une telle publicité comparative illicite doit être considéré comme «indûment tiré» de la notoriété attachée à cette marque, au sens dudit article 3 bis, § 1, sous g).

Publicité comparative

Cf. parasitisme

Même licite…

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L’ORÉAL C/ BELLURE EWCA, 21 MAI 2010

Le juge anglais s’incline alors devant l’interprétation de la Cour de justice (parce qu’il le doit), tout en la critiquant fermement (parce qu’il le peut) !

Deux fondements pour ces critiques

• la liberté d’expression• la liberté du commerce

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LA LIBERTÉ D’EXPRESSION Liberté d’expression commerciale de Bellure (droit de dire la vérité) : Bellure dit la vérité, en l’espèce, et le voilà « muselé » (muzzle). L’accent est mis sur le droit pour les consommateurs, et spécialement les plus pauvres d’entre eux, d’entendre la vérité :

« The ECJ’s decision in this case means that poor consumers are the losers. Only the poor would dream of buying the defendants’ products. The real thing is beyond their wildest dreams ».

Force de l’argument ?

L’argument est bien trouvé. Malheureusement, en pratique (et c’est dommage), la liberté d’expression commerciale est le parent pauvre du droit fondamental à la liberté d’expression (de sorte qu’une saisine de la Cour EDH ne serait pas forcément victorieuse).

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LA LIBERTÉ DU COMMERCE

Le juge anglais nous offre ensuite un énergique point de vue sur la liberté du commerce, spécialement la liberté de concurrence, mise à mal par la théorie du parasitisme imprégnant fortement la décision de la CJCE :

« If a trader cannot (when it is truly the case) say: “my goods are the same as Brand X (a famous registered mark) but half the price”, I think there is a real danger that important areas of trade will not be open to proper competition ».

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QUESTIONS D’OUVERTURE

1. Que pensez-vous de l’arrêt L’Oréal / Bellure rendu par la CJCE ?

2. Que pensez-vous de la critique du juge anglais dans l’arrêt L’Oréal / Bellure rendu par la cour d’appel anglaise ?

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7. DHL C/ CHRONOPOSTCJUE 12 AVR. 2011

Concerne une marque communautaire (caractère « unitaire » de ce type de marque), la marque Webshipping.

La société Chronopost, titulaire de cette marque, a agi (en France) en contrefaçon contre son concurrent DHL – victorieusement.

C-235/09 

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PORTÉE DES INTERDICTIONS ?

Dans un pourvoi incident, Chronopost reprochait toutefois à la cour d’appel d’avoir refusé d’étendre la portée des mesures d’interdiction à l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, constatant qu’« on peut concevoir un doute raisonnable sur la portée territoriale des mesures », a saisi la Cour de justice de quatre questions préjudicielles. Celles-ci concernent les interdictions et les astreintes (ou plus largement les mesures coercitives) assortissant les interdictions.

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DISPOSITIF DE L’ARRÊT

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      L’article 98, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 3288/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, doit être interprété en ce sens que la portée de l’interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon d’une marque communautaire prononcée par un tribunal des marques communautaires, dont la compétence est fondée sur les articles 93, paragraphes 1 à 4, et 94, paragraphe 1, de ce règlement, s’étend, en principe, à l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

Interdictions

Portée pan-européeenneException si les actes de contrefaçon d’une

marque communautaire se limitent à un seul État membre ou à une partie du territoire de L’UE.

Donc arrêt important !

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DISPOSITIF DE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: (…)

2)      L’article 98, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 40/94, tel que modifié par le règlement n° 3288/94, doit être interprété en ce sens qu’une mesure coercitive, telle une astreinte, ordonnée par un tribunal des marques communautaires en application de son droit national en vue de garantir le respect d’une interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon qu’il a prononcée, produit effet dans les États membres autres que celui dont relève ce tribunal, auxquels s’étend la portée territoriale d’une telle interdiction, dans les conditions prévues au chapitre III du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, en ce qui concerne la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice. Lorsque le droit national de l’un de ces autres États membres ne contient aucune mesure coercitive analogue à celle prononcée par ledit tribunal, l’objectif auquel tend cette dernière devra être poursuivi par le tribunal compétent de cet État membre en recourant aux dispositions pertinentes du droit interne de ce dernier de nature à garantir de manière équivalente le respect de ladite interdiction.

Astreintes

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QUESTIONS D’OUVERTURE

1. Quels sont les juridictions spécifiques des marques communautaires ?

2. Le caractère unitaire des marques communautaires est consolidé par l’arrêt DHL qui valident les interdictions pan-européennes. En est-il de même pour le brevet européen ?

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8. INTERFLORA / MARCKS & SPENCERCJUE 12 AVR. 2011

Marks&Spencer (annonceur) a utilisé la marque Interflora sur Google AdWords.

Interflora l’assigne (après avoir agi contre Google, les titulaires de marques agissent maintenant contre les annonceurs).

C-323/09

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un concurrent de faire, à partir d’un mot clé identique à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque cet usage est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque. Un tel usage:

–      porte atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque la publicité affichée à partir dudit mot clé ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers;

–      ne porte pas atteinte, dans le cadre d’un service de référencement ayant les caractéristiques de celui en cause au principal, à la fonction de publicité de la marque, et

–      porte atteinte à la fonction d’investissement de la marque s’il gêne de manière substantielle l’emploi, par ledit titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs.

Marques en général

« Double identité »

Fonction essentielle (confusion

sur l’origine)

Car la « visibilité » de la marque est intacte

(cf. arrêt Google

C’est la première fois que la Cour définit cette fonction

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit: (…)

2)      Les articles 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 et 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque renommée est habilité à interdire à un concurrent de faire de la publicité à partir d’un mot clé correspondant à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, lorsque ledit concurrent tire ainsi un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque (parasitisme) ou lorsque ladite publicité porte préjudice à ce caractère distinctif (dilution) ou à cette renommée (ternissement).

Une publicité à partir d’un tel mot clé porte préjudice au caractère distinctif de la marque renommée (dilution), notamment, si elle contribue à une dénaturation de cette marque en terme générique.

En revanche, le titulaire d’une marque renommée n’est pas habilité à interdire, notamment, des publicités affichées par des concurrents à partir de mots clés correspondant à cette marque et proposant, sans offrir une simple imitation des produits ou des services du titulaire de ladite marque, sans causer une dilution ou un ternissement et sans au demeurant porter atteinte aux fonctions de la marque renommée, une alternative par rapport aux produits ou aux services du titulaire de celle-ci.

Marques renommées

= risque de dégénérescence

ExceptionDans ce cas (plutôt flou), pas de parasitisme,

car concurrence saine et loyale

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QUESTIONS D’OUVERTURE

1. Reconnaître une fonction d’investissement, est-ce au fond reconnaître que la marque est un capital et penser que les efforts et les investissements de son titulaire en ce sens doivent être protégés ?

2. Combien y a-t-il de fonctions de la marque ?

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IV.BREVETS

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9. MONSANTO / CEFETRACJUE 6 JUILL. 2010

Questions préjudicielles posées par une juridiction néerlandaise au sujet de la portée de la protection conférée par un brevet biotechnologique

C-428/08

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TEXTE CONCERNÉ

Dir. 6 juill. 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques

Ce texte a ouvert la voie aux brevets sur le vivant – végétal, animal, humain – désormais innombrables

C’est le seul texte concernant les brevets en droit de l’UE (on met à part le règlement sur les certificats complémentaires de protection concernant les médicaments).

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FAITSMonsanto commercialise des semences de soja OGM en Argentine.

La farine de soja, produite à partir de cette culture OGM, est exportée aux Pays-Bas.

Cette farine contient des traces d’ADN du soja transgénique.

Semence OGM

= résistance au Roundup

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PROCÉDURE

Monsanto assigne les importateurs, arguant d’une violation du brevet.

Le juge néerlandais saisit la CJUE de quatre questions préjudicielles

Première interprétation

de la directive 98/44 par la CJUE

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DISCUSSION

L’art. 9 de la dir. 1998 est en jeu : la protection « s’étend à toute matière […] dans laquelle le produit est incorporé et dans laquelle l’information génétique est contenue et exerce sa fonction ».

Deux visions s’opposent :

Protection relative, fondée sur la fonction de l’objet breveté.

Protection absolue (maximale), qui serait seule à même d’encourager les investissements

La Cour de justice opte pour la première thèse

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour dit pour droit :

1. L’article 9 de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, doit être interprété en ce sens qu’il ne confère pas une protection des droits de brevet dans des circonstances telles que celles du litige au principal, lorsque le produit breveté est contenu dans de la farine de soja, où il n’exerce pas la fonction pour laquelle il est breveté, mais a exercé celle-ci antérieurement dans la plante de soja, dont cette farine est un produit de transformation, ou lorsqu’il pourrait éventuellement exercer à nouveau cette fonction, après avoir été extrait de la farine puis introduit dans une cellule d’un organisme vivant.

Protection relative fondée sur la fonction

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour dit pour droit : (…)

2) L’article 9 de la directive 98/44 procède à une harmonisation exhaustive de la protection qu’il confère, de sorte qu’il fait obstacle à ce qu’une législation nationale octroie une protection absolue du produit breveté en tant que tel, qu’il exerce ou non la fonction qui est la sienne dans la matière le contenant.

3) L’article 9 de la directive 98/44 s’oppose à ce que le titulaire d’un brevet délivré antérieurement à l’adoption de cette directive invoque la protection absolue du produit breveté qui lui aurait été accordée par la législation nationale alors applicable.

4) Les articles 27 et 30 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (...), signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994 (...), n’ont pas d’incidence sur l’interprétation donnée de l’article 9 de la directive 98/44.

Rejet de la protection absolue

L’accord ADPIC ne s’oppose pas à la protection relative

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QUESTIONS D’OUVERTURE

1. Quels sont les arguments en faveur de la protection relative ?

2. Quels sont les arguments en faveur de la protection absolue ?

3. Vous positionnez-vous dans le camp des « relativistes » ou des « absolutistes » ?

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10. BRÜSTLE / GREENPEACECJUE 18 OCT. 2011

Brevet biotechnologique portant sur une méthode de fabrication de cellules neuronales à partir de cellules souches embryonnaires.

Directive concernée ?

Dir. 6 juill. 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques

Cellules souches embryonnaires

C-34/10 

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PROCÉDURE

Greenpeace engage une action en nullité du brevet.

Un tribunal allemand fait droit, au motif que le brevet allait à l'encontre de l’ordre public et des bonnes mœurs.

Saisie en appel, la Cour fédérale saisit la CJUE d’une demande de décision préjudicielle.

Seconde interprétation

de la directive 98/44 par la CJUE

La question porte notamment sur l'interprétation de la notion d’embryon humain non définie par la directive.

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SUJET EXTRÊMEMENT DÉLICAT

La directive exclut la brevetabilité de l’embryon humain.

Mais qu’est-ce qu’un embryon ?

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PRÉCISIONS Les cellules totipotentes constituent le stade premier du corps humain (mais elles ne subsistent sous cette forme que quelques jours). Dès lors, elles doivent sans doute être juridiquement qualifiées d’embryons (donc non brevetabilité)

Le blastocyste correspond au stade ultérieur du développement embryonnaire, cinq jours environ après la fécondation. Donc embryon aussi, vraisemblablement (donc non brevetabilité)

Les cellules souches embryonnaires, prises isolément, ne relèvent probablement pas de la notion d’embryon, car elles ne sont individuellement plus aptes à se développer pour devenir un être complet (elles ont été prélevées sur l’embryon au stade du blastocyste).

Brevetabilité ?

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PROBLÈME ÉTHIQUE

Problème : la mise en œuvre du procédé implique la destruction d’embryons humains.

Blastocyste (0,1 mm)

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DISPOSITIFDE L’ARRÊTPar ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      L’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, doit être interprété en ce sens que:

–        constituent un «embryon humain» tout ovule humain dès le stade de la fécondation, tout ovule humain non fécondé dans lequel le noyau d’une cellule humaine mature a été implanté et tout ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer;

–        il appartient au juge national de déterminer, à la lumière des développements de la science, si une cellule souche obtenue à partir d’un embryon humain au stade de blastocyste constitue un «embryon humain» au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44.

Définition large

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DISPOSITIFDE L’ARRÊT

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: (…)

2)      L’exclusion de la brevetabilité portant sur l’utilisation d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales énoncée à l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44 porte également sur l’utilisation à des fins de recherche scientifique, seule l’utilisation à des fins thérapeutiques ou de diagnostic applicable à l’embryon humain et utile à celui-ci pouvant faire l’objet d’un brevet.

Par exemple, une invention pour corriger une malformation et améliorer les chances de vie de l’embryon.

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DISPOSITIFDE L’ARRÊT

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: (…)

3)      L’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44 exclut la brevetabilité d’une invention lorsque l’enseignement technique qui fait l’objet de la demande de brevet requiert la destruction préalable d’embryons humains ou leur utilisation comme matériau de départ, quel que soit le stade auquel celles-ci interviennent et même si la description de l’enseignement technique revendiqué ne mentionne pas l’utilisation d’embryons humains.

Cf. OEB, gr. ch. recours, 25 nov. 2008, WARF

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QUESTIONS D’OUVERTURE

1. Quels sont les arguments en faveur de la solution ?

2. Quels sont les arguments contre la solution ?

3. Vous positionnez-vous dans le camp des « pour » ou des « contre » ?

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AVEZ-VOUS DES QUESTIONS ?

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