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Cours. Comprendre la mosaïque à l’époque antique INTRODUCTION On peut dire que la mosaïque ne suscite pas de réel intérêt historique avant la découverte de la célèbre mosaïque nilotique de Preneste (Palestrina) et son transfert à Rome en 1624. La mosaïque n’est plus seulement perçue comme un travail de patience mais comme une oeuvre d’art. Par la suite, des amateurs notamment italiens vont les exposer dans leur propre palais. Pour beaucoup, la mosaïque n’était qu’une sorte « d’art de peindre, mais avec des pierres », reprenant ainsi une formule de Pline l’Ancien qui parlait de lapide pingere. Il faut surtout attendre XIX e siècle pour qu’un regain d’intérêt se fasse ressentir pour cet art qu’est la mosaïque. C’est Eugène Müntz (1845-1902) qui commença à faire une histoire de la mosaïque. Toutefois, la véritable naissance d’une histoire scientifique de la mosaïque est due à Henri Stern à partir des années 1955, car c’est lui qui en a posé les véritables bases. Il est d’origine autrichienne, mais il a été chassé de son pays par le régime nazi, il s’installe en France et s’insère dans le monde de la recherche en intégrant le CNRS. Il lance alors un grand projet en réalisant un corpus de toutes les mosaïques du monde romain. L’autre grande date est l’organisation du premier colloque international sur la mosaïque antique, tenu à Paris en 1963 sous la houlette de Stern. A la suite du colloque, l’Association internationale pour l’étude de la mosaïque antique, vit le jour afin de réunir les efforts de chaque pays et d’encourager la rédaction d’un corpus montrant toute la richesse et les particularismes de cet art.

Cours sur la mosaïque en ligne

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Page 1: Cours sur la mosaïque en ligne

Cours. Comprendre la mosaïque à l’époque antique

INTRODUCTIONOn peut dire que la mosaïque ne suscite pas de réel intérêt historique avant la

découverte de la célèbre mosaïque nilotique de Preneste (Palestrina) et son transfert à Rome en 1624. La mosaïque n’est plus seulement perçue comme un travail de patience mais comme une oeuvre d’art. Par la suite, des amateurs notamment italiens vont les exposer dans leur propre palais.

Pour beaucoup, la mosaïque n’était qu’une sorte « d’art de peindre, mais avec des pierres », reprenant ainsi une formule de Pline l’Ancien qui parlait de lapide pingere.

Il faut surtout attendre XIXe siècle pour qu’un regain d’intérêt se fasse ressentir pour cet art qu’est la mosaïque. C’est Eugène Müntz (1845-1902) qui commença à faire une histoire de la mosaïque. Toutefois, la véritable naissance d’une histoire scientifique de la mosaïque est due à Henri Stern à partir des années 1955, car c’est lui qui en a posé les véritables bases. Il est d’origine autrichienne, mais il a été chassé de son pays par le régime nazi, il s’installe en France et s’insère dans le monde de la recherche en intégrant le CNRS. Il lance alors un grand projet en réalisant un corpus de toutes les mosaïques du monde romain.

L’autre grande date est l’organisation du premier colloque international sur la mosaïque antique, tenu à Paris en 1963 sous la houlette de Stern. A la suite du colloque, l’Association internationale pour l’étude de la mosaïque antique, vit le jour afin de réunir les efforts de chaque pays et d’encourager la rédaction d’un corpus montrant toute la richesse et les particularismes de cet art.

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I. Pourquoi s’intéresser aux mosaïques à l’époque antique ?

A. La mosaïque structure l’espace En Gaule romaine, elle est bien attestée dans les lieux publics,

mais SURTOUT présente dans la maison (domus, villae) : - elle permet la hiérarchisation de l’espace, - signalise les circulations et suggère parfois la fonction des pièces (voir ex ci-dessous). - la présence d’une mosaïque est également un marqueur de romanité.

Cette pièce est une salle de banquet qui se situe à Alexandrie. Le sol de la pièce, légèrement incliné, était fait de mortier imperméable et donc facilement lavable. La bande rouge que l ’on aperçoi t sur la photographie délimitait la zone où était placé les lits des convives (le long des murs). La forme concentrique composée de petits galets noirs et blancs que l’on distingue au milieu de la pièce matérialisait l’emplacement du cratère c’est-à-dire le récipient dans lequel était versé le mélange de vin et d’eau. En bas de la photographie, on repère des losanges noirs et blancs entouré d’une bande rouge, cette figure géométrique matérialise l’entrée de la pièce. Les

archéologues grâce à la stratigraphie (étude des différentes couches/strates) a permis de dater cette pièce de la fin du IVe siècle ou au début du IIIe siècle av. J.C.

B. La mosaïque donne des indications précieuses sur la période antiqueLes riches propriétaires vont vouloir se démarquer socialement en dotant leurs demeures

de grandes salles d’apparat et paver leurs sols/murs de mosaïques. Celles-ci nous renseignent sur : - leurs préoccupations et leurs goûts de manière individuelle, - les grandes tendances de la mode de l’époque,

C. L’exemple de la cité antique de Zeugma (Turquie actuelle)

1. Création de la cité

Ce site a été créé vers 300-299 avant notre ère par un des généraux d’Alexandre le Grand. Il la nomma Séleucie-Apamée car il l ’ instal la de chaque côté de l’Euphrate (point stratégique). Elle appartenait alors au royaume hellénistique de Commagène. Elle passa définitivement sous l’autorité de Rome en 72 ap. J.-C. où elle prit le nom de Zeugma (le joug, le lien, le pont).

Alexandrie, Maison de l’ex-consulat britannique, Cliché A. Pelle, Archives, CEAlex.

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2. Une cité engloutie

La construction du barrage à Birecik, en aval du village de Belkis, décidée par les autorités turques a englouti une partie de ce site dans l’indifférence générale. C’est un chercheur australien -David Kennedy- qui étudiait le limes oriental (c’est-à-dire la frontière à l’époque romaine) qui lors de sa visite sur le site de Belkis-Zeugma - qui constituait un poste-frontière primordial au IIe siècle- s’aperçut que le site allait connaître une submersion sans qu’aucune fouille ait été effectuée préalablement. Aussi demanda-t-il l’aide de l’université et du musée archéologique de Gaziantep - capitale régionale- pour que des fouilles de sauvetage soient organisées. Elles permirent alors de sauver des eaux certaines mosaïques comme l’une des plus célèbres d’Océan et Thétys.

3. Des fouilles préventives ont permis de belles découvertes

Plusieurs maisons nouvelles ont été découvertes avec la présence de mosaïques au sol ou sur les murs ce qui a permis d’enrichir les connaissances des historiens sur les espaces privés et sur les modes ornementales présentes sur ce territoire à l’époque antique.

Ex : maison de la Télétè car on voit la représentation des plus grandes figures des dieux ou des héros. Une telle quantité d’images et leur organisation dans les espaces privés nous livrent des renseignements essentiels sur les élites sociales, leur imaginaire et leurs valeurs à l’époque romaine.

Les domus (habitations, maisons) fouillées montrent qu’elles représentaient de véritables musées exposant des

chefs-d’oeuvre même s’ils n’étaient pas forcément perçus de cette manière par les contemporains. Les découvertes faites à Zeugma dans le domaine de la mosaïque sont des joyaux pour les historiens de l’art, dans la mesure où elles donnent des versions très appronfondies, très fines des scènes mythologiques ou littéraires (nombreuses références) qui étaient peu connues jusqu’ici. En outre, elles livrent le nom de deux maîtres mosaïstes qui ont signé leurs oeuvres ce qui ne se faisait quasiment jamais à cette période.