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OE LA RELIGION cONSIDtftÉE DANS SON ACTION SUR L'ÉTAT DE LA SOCIÉTÉ l'Ali J.-F.-E. LE BOYS DES GlJAYS TROISIÈME ÉDITION SAINT-AMAND (CHER) A la Librairie de LA NOUVELLE JERUSALEU. cbez Porle, libraire. PARIS M.1ll11l0T, RUB MOllSIEUR-LE-PRIIiCE, 58. E. JUlIG-TREUTTEL, LIBRAIRE. RUB DB ULLE, 19. LONDRES SWEDBllBORG SOCIBTY, 36. BLOOIISDURY STREBT. OXFORD STRBBT. NEW-YORK llEW CUURCU BOOK-ROOll, 3.t6. BROADWAY. 1862

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LA RELIGION cONSIDtftÉE

DANS SON ACTION

SUR

L'ÉTAT DE LA SOCIÉTÉ

l'Ali

J.-F.-E. LE BOYS DES GlJAYS

TROISIÈME ÉDITION

SAINT-AMAND (CHER)

Ala Librairie de LA NOUVELLE JERUSALEU. cbez Porle, libraire.

PARIS M.1ll11l0T, RUB MOllSIEUR-LE-PRIIiCE, 58.

E. JUlIG-TREUTTEL, LIBRAIRE. RUB DB ULLE, 19.

LONDRES SWEDBllBORG SOCIBTY, 36. BLOOIISDURY STREBT. OXFORD STRBBT.

NEW-YORK llEW CUURCU BOOK-ROOll, 3.t6. BROADWAY.

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J,-F.-E. LE BOYS DES CUAYS

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SAINT-AMAND (CHEn) lia Librairie de L,\ r/OUI'ELLE JERUSALEM, cbez Porie, libraire.

PAlUS nI. nUNoT, RUI! MONSIIlUR-LE-PRINCIl, 58.

E. JtlNli-TREU1'TEL, LIBRAIRIl, RUIl DE tiLLE, 10.

LONDHES 5Wlml!NBORli SOCIETY, 3G, BLOOllSDURY STREET, OXfoilD STaiJ!T.

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SON ACTION SUR. L'ÉTAT DE LA SOCIÉTÉ.

(l La Société est en danger! Il Voilà le cri de dé­tresse que chaque jonr on entend répétel'; la crainte de voil' l'édifice social disparaîLl'e dans un cata­clysme IH'éoccupe la plupart des esprits, aussi cher­che-t-on de tous côtés à prévenir ce danger; et comme on a surtout remarqué que les l'évolutions ontrapille­ment succédé l'une à l'autre depuis que les anciennes croyances religieuses ont été affaiblies pal' le philo­sophisme, plusieurs sont convaincus, et un plus grand nombre se persuadent, qu'un l'etou)' à ces anciennes croyances donnera à la Société toute la stabilité dé­sirable.

Cette opinion sc répandant chaque jour de plus en plus, il est important d'examiner si elle est bien fondée.

Mais, avant tout, il est 11 observer que vouloir sauver la Société par la R.eligion, c'est reconnaitre implicitement que l'état social des peuples dépend

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de leur état religieux; et qu'ainsi la Religion a une action puissante SUI' la Société. C'est aussi cc que MUS reconnaissons; mais en ajoutant que, pa" suite de celte action puissante, l'état social devient meil­leur ou pire, selon que les principes de la Religion son t nais 011 on t été falsifiés.

Si la Société est maintenant dans un grand péril, c'est parce que, depuis le plus haut degré de l'échelle sociale jusqu'au plus bas, il y a partout antagonisme au lieu d'amoUl' mutuel; toutefois, cet antagonisme ne règne pas d'aujourd'hui seulement, car aussi loin qu'on puisse remonter dans l'histoire, on le voit en tous lieux se développer avec plus ou moins d'inten­sité sous les diverses formes de l'amour de soi; mais aujourd'hui il est parvenu à un tel point, qu'il me­nace de tout engloutir. Les lois civiles et politiques, comme le prouve l'expérience, son t impuissan tes conll'e lui; elles ne feraient que le déplacer ou le ~

fOl'cer à prendre une autre forme, mais il n'en sub­sisterait pas moins, et serait toujours menaçant; il n'y a que des croyances religieuses qui puissent le "éprimel' en changeant le cœur de l'homme; mais pOUl' cela il faut des croyances fortes et vraies, et non pas ces vieilles croyances qui, n'ayant pu anê­ter la mal'che de l'antagonisme lorsqu'elles étaient généralement admises et non contestées, montrent suffisamment par là quelle est leur impuissance. Ce qui peut arrêter aujourd'hui l'antagonisme, et le changer peu à peu en amonr mutuel, ce n'est pas un

Christianisme falsifié depuis plus de quinze siècles, ainsi qu'il va ~tl'e montré, mais c'est le vrai Chris­tianisme; car lui seul, par sa doctrine et par ses dogmes, possède la force de persuasion nécessaire pour opérer un tel changement.

Ceux qui sont habitués à confondre le Christia­nisme, soit avec le Catholicisme-Romain, soit avec le Protestantisme, soit avec l'Église Grecclue, seront surpris d'entendre dire que le Chl'istianisme, tel qu'il existe maintenant dans les diverses Commu­nions Chrétiennes, est un Christianisme falsifié; car si chacune de ces trois Communions admet que le Christianisme a été falsifié chez ses deux rivales, elle soutient qu'il est pur chez elle. Cependant, comme l'antagonisme règne au même degl'é, quoique sous des formes différentes, chez tous les peuples qui ap­partiennent à ces trois Communions, elles ne sau­raient échapper à ce dilemme,

Ou le Christianisme a été conservé pur, ou il a été falsifié. S'il a été conservé pur, l'état social chez les peuples Chrétiens depuis quinze cents ans, c'est-à­dire, depuis qu'il existe des peùples Chrétiens, l'ac­cuse d'impuissance, et fait douter de son origine Di-: vine; s'il a été falsifié, il ne peut lui être adressé aucun reproche, et les misères de ces quinze siècles doivent êtl'e imputées à ceux qui l'on t falsifié.

Un vrai Chrétien hésiterait-il 11 absoudre le Chl'is­Lianisme? Aimerait-il mieux l'accuser d'impuis­sance?

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Il est bien évident que si le Christianisme avait été conservé dans sa pureté, son action puissante se développan t à l'extérieur aurait peu à peu produit un état social tout opposé à celui que nous présente l'histoire, et aurait ainsi manifesté à tous les yeux son origine Divine.

Examinons maintenant les diverses proposi~ions

qui viennent d'être avancées. Et d'abord, pour faire comprendre quel aurait été

l'état social produit par le Christianisme, s'il eût été conservé pur, montrons quelle est sa vraie doctrine. ,

Lorsque l'on considère aujourd'hui les doctrines reconnues par les diverses Communions Chrétiennes, on est porté, tant elles diffèrent entre elles, à croire que le Seigneur en fondant son Église a voulu en laisser la doctrine ;1 l'arbitre des hommes, ou que du moins il n'en a pas posé les bases en termes tel­lement clairs, que personne ne pût s'y mépl'endl'e. Cependant il n'en a pas été ainsi; ces bases ont éLé si nettement posées, qu'il faudrait êlt'e aveugle pour ne pas les y voir; mais l'amour de la domination et l'a­mour de la propre intelligence réndent aveugle pour le vrai, et donnent de la clairvoyance pour le faux; ct comme ces amours ont commencé à régner parmi queJques Chrétiens dès les premièrs siècles du Chris­tianisme, et se sont ensuite généralement répandus, c' est pour cela qu'on a laissé de côté ces bases pour en chercher d'autres plus conformes à ces deux amours.

La Doctrine Chrétienne, donnée par le Seigneur Lui-Même, avait pour fondement l'amour mutuel; et tout homme qui lira l'Évangile sans idée doctri­nale préconçue, devra s'étonner que depuis quinze siècles les Chrétiens se soient déchirés enlt'e eux pOUl' des points de doctrine, lorsqu'ils auraient pu voir clairemen t que le Seigneur avait placé toute la doctrine Chrétienne dans l'amour des hommes les uns envers les autres, et qu'ainsi cesser d'être dans l'amour mutuel, c'était cesser d'être dans sa doc­trine, c'est-à-dire, cesser d'être Chrétien.

En effet, il n'est pas un seul Chrétien érudit qui ne sache que par ces mots: Cl La Loi et les Prophè­tes, Il le Seigneur entendait toute l'Écritùre Sainte ou toute la Parole; or, un Pharisien ayant demandé (IUel était le grand commandement dans la Loi, I( Jésus lui dit : Tu aimel'as le SeigneuI' ton Dieu

Il de tout cœur, et de toute ton àme, et de toute ta Il pensée; c'est là le premier et le grand comman­Il dement; puis le second, semblable à celui-là: Tu II aimeras ton prochain comme toi-même, De l'es Il deux commandements toute la Loi et les p,.o­1) lJhëtes dépendent. II - Matth. XXU. 36 à40.­En demandant a11 Seigneur quel était le grand com­manùement dans la Loi, le Pharisien voulait savoir comment il entendait la Loi, et quel était le fonde­ment de la doctrine qu'il prêchait; 01', le Seigneur pose d'une manière pl'écise l'amoUl' envers Dieu comme pl'emier ct grand commandement; mais afin

-8- -9­que ce commandement soit saisi dans toute son ex­tension, il ajoute: (1 Le second, semblable àcelui-là: Tu aimCl'as ton prochain comme toi -même; ) c'était lui dire: Si tu ne sais pas ce que c'est qu'aimer Dieu, tu dois savoir ce que c'est qu'aimer ton prochain comme toi-même; aime donc ton prochain comme toi-même, ce sera aimer Dieu, car le second com­mandement est semblable au premier; et il ajoute encore: (1 De ces deux commandements toute la Loi et les Prophètes dépendent. )) N'était-ce pas dire en termes clairs: L'amour à l'égard du prochain est le fondement de toute ma doctrine; c'est la pierre de touche dont vous devez vous sel'vir quand les Écri­tures ont besoin d'être interprétées; toute interpré­tation qui se concilie avec cet amour est bonne, et toute interprétation qui ne se concilie pas avec lui est mauvaise; car tout est renfermé dans l'amour il l'égard du prochain, amour qui lui-même renfel'l11e l'amoul' envers Dieu.

Il restait il expliquer ce que c'est que le prochain, et le Seigneur l'a enseigné dans la parabole du Sa­maritain, - Luc, X. 25 il 37, - par sa réponse au légiste qui lui avait dit: (1 Et qui est mon prochain? 1)

Le Seig'neur a montré aussi ce que c'est que l'amour envers le prochain, lorsqu'il a dit: (1 Toutes les cho­1) ses que vous voulez que vous fassent les hommes, » de même aussi, vous, faites-les-leUl'; car c'est là la 1) Loi et les Prophètes. 1) - Matth. VII. t2. - En effet, par ces mots: (l Cest là la Loi ct les ProlJhè­

tes, Il qu'il a employés ici, et qu'on ne retrouve plus nulle part au sujet d'aucun autre commandement, il a déclaré que ce commandement-ci est le même que les deux précédents, qui eux-mêmes sont semblables, ct que par conséquent faire aux autres ce que nous voudrions que les autres nous fissent, c'est aimer le prochain comme nous-mêmes, et c'est aimer Dieu.

Toute la doctrine évangélique est donc renfermée dans cc commandement : Faire aux autres ce que nous voudrions que les autres nous fissent; or, c'est Ut en d'autres tel'mes l'amour mutuel; car si tous les." Chrétiens agissaient ainsi, ils s'aimeraient tous mu­tuellement, et il n'y aurait plus d'antagonisme. Cette doctrine a été du reste pleinement confirmée par le Seigneur dans les dernières exhortations qu'il a adressées à ses disciples : « C'est ici mon comman­1) dement, que vous vous aimiez les uns les autres, 1) comme je vous ai aimés. » -Jean, XV. t 2. - Puis, de nouveau: (1 Ces choses je vous commande, afin que Il vous vous aimiez les uns les au tres, )1 -1bid. t7 . - Et un instant auparavant il leur avait déjà dit: « Un commandement nouveau je vous donne, que

1) vous vous aimiez les uns les autres; à ceci ils COrt­

1) naîtront tous que mes disciples vous êtes, si de » l'amour vous avez les uns pour les autres. 1) ­

XIII. 34, 35. - Est-il besoin de plus de confirma­tians?

Les Apôtres, qui avaient très-bien compris que toute la doctrine chrétienne était renfermée dans l'a­

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mour mutuel, avaient toujours prêché cet amour tant recommandé par le Seigneur. La tradition rapporte que .Jean l'Évangéliste, qu'on a surnommé le théolo­gien, étant dans un âge avancé, ne disait aux fidèles que ces paroles: ( lUes petits enfants, aimez-vous les Il uns les autres; li et que, lorsqu'on lui fit observer qu'il répétait toujours la même chose, il répondit: « C'est le commandement du Seigneur; et si on le Il garde, il suffit pour qu'on soit sauvé. li Ainsi le théologien par excellenee résumait toute la science divine dans l'amour mutuel. Oui, toute la science di­vine est dans cet amour; aimez, vous saurez; mais aimez réellement, sinon vous resterez dans votre ignorance. Aimer réellement, c'est sentir comme un plaisir en soi le plaisir d'autrui; mais sentir son plaisir dans autrui, ce n'est pas aimer autrui, c'est s'aimer soi-même. Vouloir pénétrer dans la science divine ou faire de la théologie sans aimer réellement, c'est-à-dire, sans l'amOltl' d'où procède la vraie in­telligence, c'est se plonger dans les ténèbres les plus épaisses. Voilil pourquoi ce qu'on décore du nom de Théologie dans le monde chrétieJl, n'est qu'un tissu d'incohérences et d'aberrations de l'esprit humain: (1 Ils ont fait éclore des œufs d'aspics, et ils ont li tissé des toiles d'araignées. Il - Ésaïe, LIX. 5.

Maintenant, puisque toute la doctrine chrétienne est renfermée dans l'amour mutuel, il est facile de voir que si cette doctrine eût été suivie, le Christia­nisme aurait pl'oduit un état social qui eùt manifesté

à tous les yeux son origine divine; cal' l'amour mu­tuel mis en application aurait produit tout l'opposé de ce qui existe depuis quinze cents ans, et l'on n'au­rait pas vu les Chrétiens se faire continuellement une guerre acharnée non-seulement de peuple à peuple, mais allssi de ville à ville, de bourgade à bourgade, de famille à famille, et d'homme à homme, chacun mépl'Îsant le prochain, ou n'aimant que soi - même dans le prochain.

On dira que cet amour mutuel n'a jamais cessé d'êtl'e prêché dans toutes les chaires de la Chrétien­té. Cela est vrai; mais en a-t-on fait le fondement de toute la doctrine? Lui a-t-on tout rapporté? Tous les dogmes qu'on a l'épandus sont-ils d'accord avec lui? Toutes les vratiques qu'on a recommandées se concilient-elles avec lui? En un mot, l'a-t-on mis au-dessus de tout, comme le seul et unique moyen

.. de salut? Qu'importe donc qu'on l'ait recommandé dans des sermons, si l'on n'a pas su, en prêchant d'exemple, le faire pénétrer dans les cœurs.

La doctrine de l'amour mutuel, expressément re­commandée par les Apôtres, subsista pendant les trois premiers siècles; non pas que tous ceux qui se disaient Chrétiens fussent alor& dans l'amour mu­tuel, car il s'était déjà produit plusieurs hérésies; mais néanmoins la généralité des Chrétiens suivaient la doctrine apostolique, et l'amour mutuel consel'vé parmi eux manifestait l'origine divine du Christia­nisme. Cependant, il est il obsel'vel' qu'alors les Chré­

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tiens n'étaient pas enCOl'e constitués en peuples ou nations; répandus dans un grand nombre de contrées soumises pour la plupart à la domination romaine, ils avaient presque toujours vécu dans la persécu­tion, privés souvent des droits civils et politiques.

Si les successeurs des premiers Chrétiens les eus­sent imités èn conformant leur vie à l'Évangile, la vraie doctrine chrétienne se serait conservée; mais les diSCUSSions auxquelles ils se livrèrent eurent pour premier résultat de faire préférer le vrai au bien, ou la foi à la charité. Dès lors, tout commença à être interverti, puisqu'on mettait au premier rang ce qui devait être au second, et au second ce qui devait être au premier; de Iii sont nés les hérésies', les schis­mes, les sectes, et toutes les fausses doctl'ines qui ont désolé la Chrétienté jusqu'à nos jours. La Bible, tant le Nouveau Testament que l'Ancien, devint un arsenal où chacun alla cherchel' des armes pour soutenir la doctl'ine qui concordait avec son amour dominant et. avec sa propre intelligence, et le passage qui était le plu8 en faveur de cette doctrine en devenait le fon­dement. Qu'il en ait été ainsi, on le voit clairement en ce que parmi les milliers ù'hérésies ou de sectes qui ont déchiré le Christianisme, il n'yen a pas une seule qui ne se soit appuyée et qui ne s'appuie SUl'

la Bible. Du moment où les Chrétiens eurent interverti l'or­

dre en préfél'an t le vrai au bien, ou la foi il la cha­rité, ils perdirent successivement toutes les notions

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spirituelles dont leurs prédécesseurs avaient eu per­ception. Ils ne surent plus ce que c'est que Dieu, ni ce que c'est que le prochain, ni ce que c'est que le bien et le vrai, la chari té et la fo i, le ciel et l'enfer, ni ce que c'est que l'âme de l'homme, ni quel est son mode d'existence après la mort.

Ils en étaient déjil arrivés à ce point, - du moins ceux qui se prétendaient leurs chefs, car ces notions étaient encore perçues par les simples, -lorsque par un édit Constantin permit aux Chrétiens l'exercice public de leur religion. Le Christianisme paru t alors triomphant, mais ce ne fut qu'à l'extérieur; car frappé déjà au cœur par les hérésies qui s'étaient mul­tipliées, et surtout par les discussions sur la foi, il Ile fut plus conservé intérieurement que chez le plus petit nombre. L'Arianisme, qui était alors t1'ès-puis­sant, faillit même l'étouffer; car s'il eût été victo­rieux, il n'y aurait plus eu de Chrétiens, même à l'extérieur, dans l'acception propre de ce mot, puis­que Arius niait la divinité de Jésus-Christ. Cepen­dant, après une lUlle longue et acharnée, l'Arianisme fut vaincu, mais la victoire coûta cher au Christianis­me; en effet, il n'y avait eu jusqu'alors pour les Chrétiens, malgré leurs discussions, qu'un seul sym­hole, celui des Apôtres; il avait suffi aux premiers Chrétiens, homme simples qui croyaient sans discu­ter; mais pour apaiser les dissensions qui s'élevè­rent au sujet de la doctrine Arienne, le Concile de Nicée, qui condamna cette doctrine, fit le symbole

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qui porte son nom; et peu de temps après, pour mieux s'opposer à cette doctrine toujours menaçante, il parut un troisième symbole, qui est connu sous le nom d'Athanase. Ces trois symboles ont subsisté jus­qu'à présent dans les Églises Chrétiennes, malgré les divergences de ces Églises. Dans les deux premiers l'unité de Dieu est maintenue, mais dans celui d'A­thanase elle n'existe plus, car il est dit: lt Je crois en Dieu le Père, en Dieu le Fils, et en Dieu l'Esprit Saint; Il ainsi en trois Dieux, puisqu'on y trouve ces mots: Cl Autre est la Personne du Père, autre celle du Fils, et autre celle de l'Esprit Saint. )) Il est ajouté, il est vrai, que les trois Personnes Divines de toute éternité ne font néanmoins qu'un seul Dieu; mais quoiqu'on dise de bouche qu'il n'y a qu'un seul Dieu, l'idée de trois Dieux n'en subsiste pas moins dans l'esprit, puisqu'on donne à chacun d'eux des attributions différentes.

Les Ariens niaient la Divinité de Jésus-Christ, parce qu'ils ne voyaient pas d'aull'es moyens de con­~ervel' intacte la pal'faite unité de Dieu; et les au­teurs du symbole d'Athanase ont fait trois Personnes Divines, parce qu'ils ne voyaient pas d'autres moyens de conserver quelque reconnaissance de la Divinité du Seigneur Jésus-Christ; or, ce point étant indis­pensable pour que le Christianisme ne fùt pas en Liè­rement détruit, la Providence permit que l'erreur Athanasienne, comme moins pernicieuse, obtint la victoire sur l'erreur Arienne.

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Ce dogme de la Tl'Înité Divine en trois Personnes distinctes fut dès lors adopté par ceux qui dirigèl'ent le Christianisme, et devint la tête (le toute la Théo­logie; on crut aussi voir cette Trinité des Personnes dans le ::;ymbole de Nicée, où il est dit seulement: Il Je crois en un seul Dieu, le Père; en un seul Sei­gneur, Jésus-Christ; et à l'Espl'it Saint; Il et comme alors pour soutenir un tel dogme, on fut obligé d'in­t.roduire la métaphysique dans la Théologie, toutes les idées saines furent remplacées par des arguties.

Tel n'était pas cependant le dogme de la Tl'ÎniLé enseigné par le3 Apôtres. Les premiers Chrétiens ne reconnaissaient nullement la Trinité des Personnes; ils savaient que le Sauveur ou Rédempteur annoncé par les Prophètes, et attendu sous le nom de Messie, n'était autre que Jéhovah Lui-l\Iême, puisque Jého­vah avait dit en beaucoup d'endl'oits, et notamment dans Hosée : le Moi Jéhovah ton Dieu, et de Dieu ex­1) cepté Moi tu ne reconnaîtras point; ct DE SAU­Il vEun, point d'autre que Moi. Il - XIII. 4. -Et dans Ésaïe: Cl Ainsi a dit Jéhovah le Roi d'Israël, et )) son RÉDEMPTEUR Jéhovah Sébaoth : Moi le Pre­)) miel', et Moi le Dernier; ct, excepté Moi, point de Il Dieu. )1 - XLIV. 6. - Ils ne reconnaissaient donc qu'un seul Dieu dans la Personne du Seigneur Jésus­Chl'ist, car Lui -l\Iême, en qui ils cl'oyaient, avait dit: lt Moi et le Père nous som'mes un. 1) - Jean, X, 30.

- Cl Philippe! qui M'a vu, a vu le Père; et comment•

Il toi, dis-tu: Montre-nous le Père? li - Jean, XIV,

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9. - C'était du reste le dogme prêché par les pre­mil:rs Disciples; l'Apôtre Jean dit dans sa pl'emière I~pître : (1 Jésus-Christ est le vrai Dieu et la vie éter­Il ncHe. Il - V. 20. - Et Paul déclare que cc dans Il Jésus-Chl'ist habite corporellement toute la plé­Il m'tude de la Divinité. Il - Coloss. II. 9. Il - N'é­tait-~e pas affirmer que dans le corps ressuscité du Seigneur Jésus-Christ il y avait le Trine Divin, et qu'ainsi le Seigneur était le Vrai Dieu, comme le disait Jean? Et maintenant, éclairés par une nouvelle dispensation de Vérités Divines, les nouveaux Chl'é­tiens savent que dans le Seigneur il yale Père, le Fils et l'Esprit Saint, comme dans chaque homme créé à l'image de Dieu il y a la volon té, l'en tende­ment et l'acte qui en résulte; que la Volonté Divine ou l'AmOllI' Divin est le Père, CIue l'Entendement Di­vin ou la Sagesse Divine est le Fils, et que l'Acte qui en résulte ou l'Opération Divine est l'Esprit Saint; ou bien, que dans le Seigneur l'Ame est le Père, l'Humain Glorifié ou le Corps est le Fils, et l'Action ou la Providence est l'Esprit Saint.

Que l'on ne dise pas, pour soutenir la Trini té des Personnes, que ce dogme a été puisé dans la Parole; cal' il suffirai t de répondre que la Parole dans l'An­cien Testament enseigne partout l'Unité de Dieu, et que si dans le Nouveau Testament il est parlé du Père, du Fils et de l'Esprit Saint, cette Trinité concerne des attributs différents de la Divinité, ainsi ({u'il vient d'être dit, et non pas des Personnes distinctes,

De ce dogme de la Trinité des Personnes Divines de toute éternité, qui montre combien les auteurs du symbole d'Athanase avaient perdu les vraies notions de la Divinité, il en a découlé un autre par lequel on attribue à Dieu les passions humaines, en le fai­sant même plus cruel que l'homme le plus vindica­tif; et, ce qu'il y a de plus étonnant, quoique ce dogme l'épugne à la raison, il s'est néanmoins con­servé intact dans toute la Chrétienté, et règne encore aujourd'hui d'une manière absolue tant chez les Pro­

I~ testants que chez les Catholiques-Romains. Le sens commun cependant dit à tout homme doué de raison que Dieu est la Miséricorde même et la Clémence même, parce qu'il est l'Amour même et le Bien même, et que c'est là ce qui constitue son Essence. Si donc on n'avait pas, dès l'enfance, été familia1'Ïsé en quelque sorte avec un tel dogme, pourrait-on, sans éprouver un sentiment d'indignation, entendre dire que Dieu, qui est notre Père céleste et la Bonté même, selon les expressions de l'Évangile, s'est Îl'­

rité contre le genre humain, et l'a destiné tout en­tier à une damnation éternelle; que longtemps après, et par une gràce spéciale, il a engagé son Fils, Dieu de toute éternité comme Lui, à descendre dans le monde, à prendre SUI' lui la damnation qui avait été décidée, et ainsi il apaiser la colère de son Père; que ce n'était que par ce moyen que le Père pOUl'rait re­garder l'homme avec quelque faveur; que le Fils a exécuté cette œuvre, de sorte que pl'enant SUl' Lui la

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damnation du genre humain il s'est laissé crucifier comme malédiction de Dieu; que le Père après l'ac­complissement de cette œuvre est devenu propice, ct a, par amour pour son Fils, retiré la damnation, mais seulement de dessus ceux pour lesquels le Fils intel'céderaiL, la laissant peser tout entière sur les autres.

Par ces deux dogmes principaux de la Théologie on peut juger de l'effet que leur enseignement a dû produire, car toute la doctrine en a découlé. Avec la vraie doctrine chrétienne, l'action du Christianisme sur l'état social aurait été telle, que chez tous les peuples, où le Christianisme depuis le quatrième siè­cle a été admis, les hommes, devenus successive­ment de vrais Chrétiens à l'intérieur, auraient con­stitué à l'extérieur un état social conforme ft leur état intérieur, et dès lors l'amour mutuel aurait été le fondement de toute communion religieuse vérita­blement chrétienne. Au contraire, avec la doctrine chrétienne pervertie par ces deux dogmes, l'action du Christianisme au lieu de s'étendre sur les Chl'é­tiens en général n'a pu pénétrer que chez quelques hommes, et alors au lieu de l'amour mutuel s'est éta­bli dans toute la Chrétienté cet antagonisme qui de progrès en progrès est parvenu aujourd'hui ft son comble, et menace d'engloutir la société chrétienne.

Qu'on ouvre l'histoire depuis Constantin jusqu'à nos jours; y trouvera-t-on une seule époque, ne fùt­elle que d'une année, où l'amour mutuel ait régné,

je ne dis pas entre tous les peuples chrétiens, mais seulement chez un peuple, soit dans une de ses pro­vinces, soit dans une de ses villes, ou même dans la moindre de ses bourgades? Qu'y voit-on? Partout division ouverte ou secrète, partout antagonisme pa­tent ou caché. Sont-ce là les fruits que l'Évangile aurait dfl porter? Que l'on compare l'époque où nous vivons avec celle où Jéhovah s'est incarné pour fonder le Christianisme et sauver les hommes; quelle diffél'ence y trouvera-t-on? La civilisation n'était­

Il elle pas alors à son apogée, comme on prétend assez généralement qu'elle y est aujourd'hui? Les repro­ches que les penseUl's d'alors faisaient à cette civi,li­sation, les penseurs de nos jours ne les adressent-ils pas à la nôtre? En quoi l'homme a-t-il été changé? Est-cc que les mauvaises passions que l'Évangile si­gnale, et qu'il est destiné à répl'imer, ne bouillon­nent pas avec autant de force dans le cœur humain? Il est vrai que les deux civilisations, quoique sembla­bles dans le plus grand nombre de points, diffèrent aussi en quelques-uns; ce ne sont plus les mêmes mœurs, les mêmes lois civiles, les mêmes institu­tions politiques; mais si l'homme aujourd'hui est en général plus policé extérieurement, en est-il de­venu intél'ieurement meilleur? N'a-t-il pas le même égoïsme, la même cupidité, la même ardeur de do­miner? Si donc il y a eu progrès à l'extérieur ou dans l'ordre naturel, ce n'est pas à la religiosité dite Chrétienne qu'on le doit, car il est prouvé qu'elle a

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employé toutes ses forces pour comprimer la pensée, et la contenir dans des bornes qu'elle croyait infran­chissables; mais on le doit au vrai Christianisme, car bien qu'il ait été afl'êté dans sa marche et ense­veli sous les langes du Catholicisme-Romain, il y a dans ses principes une force latente qui n'a pu être étouffée, et qui a produit ces résultats.

Ceux qui dil'igent maintenant les diverses commu­nions chrétiennes soutiendront que le Christianisme n'a pas été falsifié, - et cependant chacune de ces communions l'interprète à sa manière et se prétend exclusivement Chrétienne; - ils diront que c'est seulement à la philosophie model'l1e qn'on doit attri­huer l'état social actuel. Cette manière d'expliquer la chose pourrait être admise, si avant l'irruption de la philosophie moderne, on pouvait montrer un seul peuple chrétien qui eût manifesté comme effet le ca­ractèl'e du vrai Christianisme; mais on fouillerait en vain dans l'histoire, on n'en découvrirait pas un seul; il ne s'agit pas ici des Chrétiens qui vivaient (lans les premiers siècles; car, nous le répétons, avant que Constantin eût admis le Christianisme (lans l'Empire, il n'y avait pas encore eu de peuples chré­tiens; les Chrétiens formaient alors de simples so­ciétés religieuses et non un corps de nation; et, pres­que continuellement persécutés, ils n'avaient par conséquent aucune action SUl' les lois civiles et poli­tiques des pays qu'ils habitaient.

Il est vl'3i, cependant, (lue la philosophie moderne

a contribué pour beaucoup à l'état social actuel. mais nous allons voir qu'elle en est seulement la cause secondaire, et non pas la cause principale.

On crQit généralement que la religion et la philo­sophie sont tout à fait antipathiques, et ne sauraient vivre ensemble; c'est là une erreur; l'une traitant de choses spirituelles et l'autre de choses naturelles, il y a entre elles la même relation qu'entre le spiri­tuel et le naturel; et comme le spirituel ne saurait exister sans un naturel cOI'respondant, il en résulte

.' ,) (lue toute religion a nécessairement avec elle une pllilosophie, c'est-à-dire qu'elle a des principes na­turels qui correspondent à ses principes spirituels. Si la Religion est vl'aie, sa philosophie est vraie; si la religion est falsifiée, sa philosophie l'est aussi; de même donc qu'il n'y a qu'une seule religion vraie, de même aussi il n'y a qu'une seule philosophie

~ vraie. Tant qu'une religion falsifiée ne ComlJtera dans son sein que des croyants aveugles, elle régnera avec sa philosophie sans contestation; mais du moment où la foi aveugle cessera d'être universelle, ceux qui auront déchiré le bandeau qui leur couvrait les yeux se feront des principes philosophiques opposés à la philosophie de cette religion, et par conséquent op­

\, posés aussi à ses principes spirituels; de là combat entre cette religion et cette autre philosophie nais­sante, qui, se formant d'elle-même, et ne découlant pas de la vraie religion, ne sera pas par conséquent la vraie philosophie; mais le combat n'en sera pas

-23 ­-22- .

moins acharné, car l'erreur attaque l'erreur qui lui est opposée avec autant d'acharnement qu'elle attaque la vérité. Toutefois, il est à remarquer que dans toute philosophie erronée, comme dans toute religion fal­sifiée, il y a toujours quelques véri tés; mais ces vé­rités entourées de faussetés et d'erreurs perdent leur efficacité.

D'après cela, on voit que, lorsqu'à côté de sa pro­pre philosophie, une religion falsit1ée à laquelle on a cru aveuglément laisse se former une philosophie qui ne découle pas de ses dogmes, cette religion court :.

inévitablement à sa perte, et est dans l'impossibilité (le recouvrer son autorité; car le combat ne cessera que quand les deux adversaires, après nombre de vic­toires et de défaites alternatives, succomberont tous deux d'épuisement. La France, surtout depuis un siècle, en offre un exemple frappant; le Catholi­cisme-Romain et la Philosophie j;'y font une guerre acllarnée, tantôt ouvertement, tantôt sourdement; et cette guerre ne cessera que pal' l'anéantissement de l'un et de l'autre, pour faire place à la Vraie Reli­gion Chrétienne et à la vraie Philosophie.

Ces luttes, plus ou moins longues, qu'on retrouve partout depuis les temps historiques les plus anciens, sont le résultat de la liberté spirituelle que le Sei­gneur a donnée à l'homme en le créant, liberté sans laquelle l'homme aurait été une brute et non un homme. C'est par cette liherté que l'homme est tom­bé, et c'est au~si par elle qu'il se relèvera; mais

comme de la dégradation spirituelle la plus profonde il ne pouvait être ramené librement à la vraie reli­gion qu'au moyen de principes religieux susceptibles d'être admis par sa nature déchue, le Seigneur a per­mis qu'il s'établît partout des religions en rapport avec l'état de chaque peuple; et comme toute religion qui n'est pas la vraie Religion tend à se maintenir perpétuellementstationnaire, et ne consen tirai t même pas à se transformer en une autre moins impure, car ses directeurs tiennent à la conserver intacte pour jouir des avantages mondains qu'elle leur procure, le Seigneur a permis aussi ces luttes entre chaque reli­gion et la philosophie qui naît tôt ou tard malgré la compression exercée sur les esprits; ainsi s'est ma­nifestée et se manifeste encore de nos jours la loi du progrès. Si aujourd'hui le monde entier chancelle dans ses vieilles croyances, cela ne se rattache-t-il pas à ce même plan providentiel, qui consiste à con­duire par la liberté spil'Ïtuelle tous les habitants du globe à la vraie Religion? Est-ce que les peuples sou­mis à l'Islamisme, est-ce que les Indiens, les Chinois, les Australiens, et tous les habitants des îles, idolâ­tres ou sauvages, pourraient jamais se délivrer des langes religieux qui les enveloppent, si les nations chrétiennes, aidées des chemins de fer et de la va­peur, ne glissaient pas chez eux avec les denrées commerciales les idées qui résultent du libre examen? Ainsi se prépare chez tous ces peuples la lutte entre leurs vieilles religions et une philosophie naissante, qui périra avec elles, lorsque le temps sera venu.

-24- - 2ts­Quant à la loi du progrès, dont il vient d'être

parlé, elle ne saurait être mise en doute, quand on connait sa vraie marche. Ce n'est ni en suivant la li­gne droite, ni en parcourant lm cercle, que se fait le progrès; c'est en décrivant Ulie spirale; et, de même que la spirale, il est indéfini. Cette loi ainsi conçue est conforme et à l'infinité de Dieu se manifestan t dans la création par les indéfinis, et à l'histoire de l'humanité qui descend, il est vrai, après avoir mon­té, mais qui ne descend que pour remonter plus haut chaque fois. C'est d'ailleurs ce qui nous est repré­ •senté dans la nature par le cours apparent du soleil, qui, à partir du solstice d'hiver, monte et descend chaque JOUi', mais pour se trouver chaque lendemain un peu plus élevé à midi.

D'après celte loi du progrès, les diverses commu­nions chrétiennes, étant visiblement arrivées à la fin de leurpél'iodde escendante, vont peu à peu faire place à la Vraie Religion Chrétienne; et la philosophie moderne, ayant rempli les vues de la Providence en détruisant l'esclavage spirituel, mais étant incapable de coopérer au rétablissement de l'ordre en raison des principes dissolvants qu'elle renferme, va aussi elle-même être remplacée peu à peu par la vraie Philosophie, dont les principes découleront des prin­cipes du vrai Christianisme, qui, loin d'être atténués pal' l'examen de la raison, en recevront au contraire une confirmation plus éclatante.

Si l'état social des peuples chrétiens est si déplo­

l'able, on doit donc moins s'en prendre aux princi­pes de la philosophie moderne qu'aux doctrines reli­gieuses des diverses communions chrétiennes; car les philosophes en combaLlant l'esclavage spirituel ser­vaient sans le vouloir, et sans en avoir conscience, le progrès religieux, puisque le Chl'istianisme ne pou­vait entrer dans sa nouvelle période ascendante (Iu'au moyen d'une libe-rté spirituelle pleine et entièl'e, tan­dis que les chefs des diverses communions chrétien­nes, au contraire, en s'opposant de tous leurs efforts à la liberté spirituelle, retardaient cette nouvelle pé­riode du Christianisme.

Puisque les croyances religieuses produites par la falsification du Christianisme sont la principale cause de l'état social actuel, et puisque le IJhilosophisme a été permis par la Providence pour détruire l'escla­vage spirituel, il est bien évident qu'un retour à ces croyances religieuses serait impuissant pour sauver la société; et qu'au lieu de prévenir la catastrophe, il pourrait au contraire la rendl'e plus imminente; car la cause persistant, l'effet persiste; et donner plus d'activité à la cause, c'est rendre l'effet plus prompt. Et d'ailleurs peut-on espérer que cette im­puissance de la Yieille Église Chrétienne cessera, quand le Catholicisme-Romain se prétend immobile, et veut rester immobile; et quand on voit le Protes­tantisme, variable par sa nature, essayer maintenant de revenir aux principes de ses premiers fondateurs, afin de se rendre immobile aussi pour éviter le ra­tionalisme qui le mine? 3.

- 26- -27 ­

Mais d'uu côté si un retour à ces croyances reli­gieuses est impuissant pour sauver la société, d'un autre côté la persistance dans le philosophisme ne la sauverait pas davantage, car le philosophisme ren­ferme dans l'ordre naturel presque autant d'erreurs (lue le Catholicisme-Romain renferme de faussetés dans l'ordre spirituel? et par conséquent ils présen­tent l'un et l'autre li peu près alltant de dangel's. Qu'on ne s'appuie donc ni sur l'un ni sur l'autre, et qu'on les laisse s'entre-déchirer. Aujourd'hui, en France, l'Université est battue en brèche par le Catholicisme­Romain, qui naguère pliait sous les coups de sa l'i­vale; ce n'est point là une victoire, c'est seulement un succès passager; ces succès et ces revers alterna­tifs sont permis par le Seigneur, afin que par là ils s'arrachent mutuellement leul's oripeaux, et que leurs partisans désillusionnés les voient enfin dans toute leur nudité, et en aient honte.

L'unique moyen de sauver l'état social, ce 'Serait de le reconstituer peu à peu par un retour au Vl'ai Christianisme, non pas en remontant le cours des siècles, mais en développant le Christianisme avec la somme des connaissances spirituelles et naturelles aujourd'hui acquises.

Vouloir l'emontel'le cours des siècles, c'est-à-dire, reprendre le Christianisme à l'époque où il a com­mencé à être falsifié, ce serait méconnaître les lois de l'Ordre Divin, et accuser <l'imprévoyan.ce la Pro­vidence Divine, qui aurait ainsi dépensé inutilement

quinze siècles, lorsqu'au contraire cette longue pé­riode de temps a servi à l'accomplissement de ses vues toujours miséricordieuses.

Quand le Christianisme fut fondé, le voile qui cou­vrait les vérités que renferme la Parole ne pouvait pas encore être en tièremen t levé; les hommes n'é­taient pas alors en état de contempler certaines vé­rités, et si elles leur eussent été présentées sans voile, pas un seul ne les aurait reçues; le Seigneur ne fit donc que lever un coin du voile, et en découvrant au monde les vérités qu'il était susceptible de rece­voir, il avertit ses disciples que l'Église qu'il instau­rait alors aurait le sort des Églises précédentes; mais qu'à la (l consommation du siècle, J) c'est-à-dire, à la fin de cette Église, il viendrait (1 dans les nuées du ciel avec puissance et gloire Jl pour fonder une Église qui n'aurait point de fin. C'est cette Église que le Seigneur instaure aujourd'hui en ôtant le voile qui couvrait sa Parole. Les Vérités Divines, ces (l pierres précieuses, Il maintenant exposées aux yeux des hom­mes, peuvent être contemplées pal' eux, et admises pal' l'intelligence et par la raison; car les connais­sances naturelles aujourd'hui acquises, loin d'être en opposition avec les vérités internes de la Parole Di­vine, viennent au contraire les confirmer; et plus les sciences feront de pl'ogrès, plus elles fourniront de moyens confirmatifs, les vérités spirituelles et les vérités naturelles étant liées entre elles comme l'âme et le corps.

(~

-28­

Ce n'est pas ici le lieu de prouver que le Seigneur Jésus-Christ n'est plus avec la "ieille Église Chré­tienne, dont la consommation est accomplie; et qu'il instaure maintenant sa Nouvelle Église, signifiée dans la Pal'ole par la Nouvelle Jérusalem; toutes les preu­ves qu'on poul'rait désirer se tl'ouvent en abondance dans les éCl'its théologiques de Swedenborg. Il s'agit seulement de montre!' que cette Nouvelle Église Chré­tielJne peut seule sauver la société.

La Société est un être collectif ou un tout, dont les hommes sont les parties. Si le tout est mauvais, c'est évidemment parce que les parties sont mauvaises; et pour que ce tout devienne bon, il faut nécessaire­ment que les parties deviennent bonnes. Rendez bonnes les parties, c'est-à-dire, réformez les hom­mes, ct le tout ou l'état social sera bon; mais autre­ment, vous échouerez. Quelques-uns, il est vrai, prétendent que si l'homme est mauvais, c'est parce la société mal constituée ne lui permet pas d'être bon; et, pour soutenir cette prétention, ils posent en principe que l'homme nait bon, d'où ils concluent que s'il est mauvais, c'est la mauvaise organisation de la société qui le rend tel. Admettre cc principe, n'est-ce pas nier l'utilité de la Religion? Car si c'est la mauvaise organisation de la société qui rend l'homme mauvais, il suffit de bien constituer la so­ciété pour le rendre bon, et dès lors la religion de­vient inutile. Alais c'est absolument le contraire: L'homme naît mauvais, car il naît avec l'amour de

-29 ­

soi, comme on le voit clairement par les petits en-' fants qui, sans aucune exception, rapportent tout à eux; or, l'amour de soi ou l'égoïsme est le mal d'où découlent tous les autres mallX, puisqu'il est l'opposé de l'amour mutuel ou du dévoLÎment, qui est le bien d'où découlent tous les autl'es biens.

Ainsi, la société est mauvaise parce que l'homme est mauvais, et il n'est pas vrai de dire flue l'homme est mauvais parce que la société est mauvaise; nous posons ceci en thèse générale d'après ce principe, que l'amour mutuel ou le dévoùment est le bien, et que l'amour de soi ou l'égoïsme est le mal: mais nous ne nions pas que la mauvaise ol'ganisation de la société ne réagisse sur beaucoup d'hommes qui, dans un mi­lieu moins mauvais, auraient été moins méchants. Du reste, il est facile de l'econnaître que l'organisation d'une société est la conséquence de l'état intérieur de ceux qui la composent, at que vouloir réformer la so­ciété sans qne les individus aient été pl'éalablement réformés, c'est vouloir ce qui est impossible; on pourra, il est vrai, en changer la forme, ainsi que cela a déjà été fait tant de fois; mais changer la forme, ce n'est pas ce que nous entendons ici par ré­fOI'mer.

Supposons que, dans une de ces révolutions qui enthousiasment un peuple entiel', à cet instant su­blime où, ap!'ès la victoire complète, tous les citoyens s'oubliant eux-mêmes donnent toutes les preuves d'un pur dévoûment, supposons, dis-je, qu'un législateur,

8*,

-30 - -3i ­généralement estimé, mettant à profit cet élan géné­reux, leur p,'ésente une constitution en tous points conforme à ce pur dévoûment, et que tous l'accep­tent aussitôt avec admiration et amour sans avoir aucune arrière-pensée. Cette constitution, si les ci­toyens en eussen t été dignes, non pas accidentelle­ment, mais réellement, c'est~à-dire, s'ils eussent été individuellement réfonnés, aurait fait le bonheur de la nation eutière; mais acceptée dans un moment d'enthousiasme, elle ne sera pas longtemps respec­tée; et, dès le lendemain, l'enthousiasme n'étant plus au même degré, cette œuvre si admirée la veille ne sera déjà plus vue du même œil. Chacun frappé à son point de vue des vices de la société, veut et même désire avec ardeur que la société soit réformée; mais en même temps chacun veut rester tel qu'il est, c'est­à-dire, ne pas se réformer lui-même; on voit le mal chez les autres, mais chez soi on ne le voi t pas; ou, si on le voit, on l'atténue.

L'homme collectif, ou la Société, restera donc mauvais tant que l'amour de soi ou l'égoïsme régnera chez l'homme individu; pour remplacer chez l'homme l'amour de soi par l'amour mutuel, les institutions humaines seules sont impuissantes, nous l'avons déjà dit; elles peuvent modifier les mœurs et accélérer la civilisation, mais rieu de plus. En quoi ont-elles changé le cœur humain? L'homme est-il au fond moins égoïste? Il peut à l'extérieur le paraître moins, mais à l'intérieur il l'est tout autant. Il n'y a donc

que la Religion qui puisse opérer la réforme inté­rieure, et seulement la Vraie Religion Chrétienne, puisque le Christianisme falsifié qui règne depuis tant de siècles a complètement échoué dans cette œuvre.

La Vieille Église Chrétienne a échoué, parce que ]a falsification des dogmes lui a fait perdre les notions qu'elle avait reçues concernant Dieu, l'âme de l'hom­me, et la vie après la mort; et la Nouvelle Église Chrétienne peut seule réformer la société, parce que possédant ces notions avec les vérités nouvellement dévoilées,' et s'appuyant ainsi sur les vrais dogmes, elle peut régénérer l'homme, et par la régénération individuelle arriver à la réformation complète de la Société.

Que, dans les diverses communions chrétiennes, les ecclésiastiques qui comprennent l'importance de leurs fonctions, c'est-à-dire, qui veulent avant toutes

~. choses le salut des âmes et leur propre salut à eux­mêmes, veuillent bien fixer leur attention sur ce sim­ple exposé, et recourir ensuite aux écrits théologi­ques de Swedenborg pour ce qui concerne les dog­mes de la Nouvelle Église Chrétienne, et les vérités nouvellement dévoilées qui sont aujourd'hui en la pos­session de cette Église; il ne s'agit pas de rompre la chaine des temps, en renversant l'édifice religieux pour en construire un nouveau sur le sable mouvant des passions humaines; la Révélation est précieuse­ment conservée, et c'est sur elle, c'est sur ce roc que s'appuie la Nouvelle Église du Seigneur Jésus-Christ,

- 32­ -33 ­Seul et Unique Dieu, en qui est la Divine Trinité. Il ne s'agit pas non plus des fermes extérieures du culte; conservez celles que vous avez tant que vous les croi­rez utiles au salut des àmes, et qu'elles ne choqueront pas vos collsciences; la forme n'est qu'un vêtement, et chacun doit être libre de se vêtir à sa manière; mais n'altérez plus la substance des choses spiri­tuelles. Cessez de penser, chacun de votre côté, que votre communion seule est l'Église; l'Église n'est pas ici ou là, elle est partout où règne l'amour mutuel basé sur la reconnaissance d'un Dieu. Tous ceux qui fuient les maux comme péchés appartiennent à l'É­glise du Seigneur Jésus-Christ, quelle que soit du reste la religion dans laquelle ils ont été élevés; car fuir les maux comme péchés, c'est reconnaître un Dieu et vivre dans l'amour mutuel; si le Seigneur les rejetait, parce que, n'ayant pas entendu parler de Lui, ils ne Le reconnaissent pas, serait-il l'Amour même et la Justice même?

Quant à tous les hommes de bonne volonté, nous lem' dirons: Vous voulez sauver la Société, revenez à des idées religieuses vraies, et cessez de vous per­suader que les vieilles croyances puissent faire autre­ment qu'elles n'ont fait; ce sont elles qui ont conduit la Société sur les bords de l'abîme, et elles ne sau­raient l'empêcher d'y tomber. D'ailleurs, habitués qué vous êtes à faire usage de votre raisonnement en chaque chose, pourl'iez-vous jamais rous astreindre à croire sincèrement ce que votre raison repousse, et à

faire en matière de religion une abnégation complète de votre intelligence? De ce que l'homme ne pourra jamais comprendre l'infinité de Dieu, car pour com­prendre Dieu dans son infinité il faudrait être Dieu, on ne doit nullement en inférer que la Religion oblige à croire ce qui est mathématiquement impossible; car Dieu est le Suprême Géomètre, et toutes les lois de son Ordre Divin sont mathématiquement réglées. Croire, ce n'est pas admettre sans comprendre; croire, c'est voir, voir avec les yeux de l'intelligence les choses qui ne sont pas du ressort de la vue corpo­relle. Abandonnez donc le spirituel faux, qui ne peut convenir ni à votre nature ni à votre éducation; adop­tez le spirituel vrai, propagez-le, et vous verrez alors l'antagonisme disparaître peu à peu pour faire place à l'amour mutuel; et la Société, se reconstituant ainsi sur des bases solides, sera désormais à l'abri des ré­

,.. volutions violentes que vous redoutez.

CATALOGUE

OUVRAGES D'EMMANUEL SWEDENllOHG Traduit& en F,"atlçai.

PAR J.·F.-E. tE DOl'S DES GUAl'S.

Arcanes Célestes qui sont dans l'Kcrlture Sainte. avec un Index. l'ris.

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