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La Disproportion entre la Dette et la Pure Gratuité: autre vision herméneutique du film camerounais " Le blanc d'Eyenga"

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Dans le film du “Blanc d’Eyenga”, il se voit clair que Eyenga n’avait pas saisi le sens de la gratuité. Elle est restée dans la logique du calcul: “je fais pour toi et tu fais aussi plus que moi”. Par contre Tante Rim est allée jusqu’à comprendre la logique de la gratuité en décidant de restaurer Jean François. En voyant en lui un Tu qui est égal a un Elle en d’autres termes. Elle a opté pour le Moi=Toi. Si nous pouvons nous arrêter un moment sur ces deux personnages et penser réellement le papier que nous devons jouer dans la société en rapport aux autres, cela serait intéressant et pourra contribuir à l’éducation sociale des moeurs.

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La Disproportion entre la Dette et la Pure Gratuité: autre

vision herméneutique du film camerounais “Le Blanc

d’Eyenga”.

Par Clément TSANGA MBIA

L’été passée, j’étais en vacances dans mon pays et durant ce temps, j’ai effectué

plusieurs voyages. Aucours d’un de ceux-çi, j’ai eu la joie de regarder le film

camerounais le “Blanc d’Eyenga” que notre hotesse de route venait juste de projecter.

Ce film qui a ravi la vedette au public camerounais et qui d’ailleurs continue a gagné de

l’ampleur dans le monde cinématographique international a été pour moi objet

d’inspiration.

Le “Blanc d’Eyenga” est un film camerounais réalisé par Thierry Roland

Ntamack. C’est l’histoire d’une jeune fille nommée Eyenga qui à force de fréquenter les

cyber cafés finit par rencontrer un certain Jean François, ingénieur français, avec qui

elle va développer une amitié intimiste au point où,aidée par son ami, copain et

dragueur Mola va jusqu’à envoyer des photos d’elle toute nue à son correspondant

français. Ce dernier pour concrétiser la relation avec elle, va effectuer un déplacement

pour le Cameroun. Comme il est de coutume pour certains peuples africains de réserver

un accueil chaleureux aux hôtes de marque, l’accueil de Jean François a eu le mérite de

réunir à famille, familiers, proches, groupe de danses de Eyenga.

La grosse surprise que Eyenga et ses familiers ont eu, était de voir Jean

François débarquer au cameroun en béquilles. Le mécontentement de Eyenga ne s’est

pas fait attendre.Il a fallu que ce soit ses familiers qui lui fassent cacher ses sentiments

et l’aider à supporter et à accepter Jean François tel quel. Tout au long de l’histoire, Jean

François qui arrive dans la famille de Eyenga est pris au bon soin, il est nourri, logé, des

célébrations festives sont organisées pour lui et tout ceci sera conclu par un mariage à

l’état civil.Dès lors, Eyenga et Jean François vont pouvoir partager une vie commune.

Côté sexe, Eyenga ne se plaind guère car presque tout le temps, c’est leur activité. Jean

François et Eyenga se satisfont au point où cette dernière commence à se plaindre

auprès de sa tante des douleurs atroces au dos dues à un excès d’activité sexuelle. Aussi

elle se plaind du fait que depuis son arrivée, Jean François n’ait toujours pas dévoilé sa

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richesse européenne. Ce qui va la pousser à soumettre à ce dernier la demande de quitter

le Cameroun pour aller vivre leur mariage en France. Jean François fit savoir à Eyenga

qu’il se plaisait au Cameroun et qu’il ne valait pas la peine qu’ils partissent du

Cameroun. Eyenga surprise par cette réaction de son mari va insister au point où il finira

par lui avouer qu’il est au chômage et qu’il n’a rien en France. Pour tout dire, il n’est

qu’un vulgaire vagabond. A l’annonce de cette nouvelle, Eyenga, se mit furieusement

en colère au point d’utiliser les béquilles de son gendre pour lui rouer de tous les coups

et le jeter dehors. D’après elle, Jean François aurait abusé de sa générosité et l’aurait

menti depuis le debut de leur relation.Devant cette scène macabre, Jean François est

recueilli par tante Rim, tante et tutrice de Eyenga.

Cette dernière qui atoujours été une source de consolation, d’encouragements et

de réconfort pour nièce, l’est aussi devenue pour Jean François, en ce moment où il s’est

vu jeter dehors par sa dulcinée. La nouvelle relation qui est née entre Jean François et

tante Rim lui a permis non seulement de voir en tante Rim une personne désintéressée

de tout bien matériel mais aussi une personne altruiste. Avec le temps, la complicité

commença à gagner le foyer de tante Rim au point où Jean François finit par partager

son lit conjugal. Car faut le préciser cette dernière est restée veuve depuis la mort de son

mari et n’avait que pour seul fils Papi fan de l’Olympique de Marseille (un des clubs de

football français). Lorsque Eyenga apprend de la bouche de sa copine Carole que tante

Rim sort avec son mari, elle décide de se rendre chez cette dernière pour lui régler ses

comptes et partant de là, rompre avec le lien familial qui la liait à sa tante et à son

cousin.

Jean François poursuivit son aventure avec tante Rim au point où un jour, il

décida de briser le masque dans lequel il est resté longtemps caché. Ce Jean François en

réalité n’était ni infirme, ni chômeur bien au contraire, il est passé sous cette apparence

pour mesurer le degré d’amour que pouvait lui porter Eyenga. Ayant donc manqué à

cette épreuve d’amour, les bénéficiaresde l’amour que Jean François portait en lui furent

tante Rim et son fils. Le film termine lorsque Jean François, tante Rim et Papi quittent

le Cameroun pour la France laissant ainsi Eyenga au bon soin de Mola son dragueur et

ami.

Ce film qui à mon avis mérite d’être visionné, met sur la table plusieurs

thématiques. En outre il a eu le mérite de diverses interprétations. Ce qui a été curieux

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dans ces interprétations est la convergence des idées. Le grand public reste convaincu

que le film voulait fustiger les femmes africaines qui fréquentent les cyber cafés à la

recherche de l’homme blanc. A s’en tenir au titre de ce film, on penserait tous de la

même manière. Déjà que, lorsque ce film a été projetté dans le bus dans lequel je

voyageais, la scène où Jean François débarquait au cameroun en béquilles a provoqué

des éclats de rire comme quoi, “Naïves vous les femmes qui dialoguez virtuellement

avec des gens que vous ne connaissez pas”. Mais plus le film se déroulait plus les éclats

de rire disparaissaient. Cela a donc attirémon attention. Et à la fin du film, j’avais déjà

de quoi écrire, de quoi parler, de quoi sortir d’un système de pensées carrées. Je me suis

donc intéressé à partir de ce film à la thématique de la Disproportion entre la Dette et la

Pure Gratuité.

L’homme vit dans la prison de la dette. Cette déclaration pourrait susciter des

interrogations.Mais il est nécessaire de le dire dans la mesure où nous vivons dans une

société qui stipule la valeur de tout comme utilité. Nul besoin n’est de rappeler qu’une

chose est valorisée lorsqu’elle produit des bénéfices, lorsqu’elle porte en elle des

avantages. Quand cette théorie change de papier pour s’appliquer à l’être humain, il

devient évident qu’il a de la valeur lorsqu’il nous sert à quelque chose. Les yeux sont

rivés sur celui qui est toujours prêt à rentrer dans ses comptes pour aider ou offrir les

cadeaux à qui le lui demande. Cette vision a permis que se développe une mentalité

mercantiliste auprès de certains hommes et femmes. La générosité a cessé d’exister pour

faire place à l’intérêt. Les femmes sont allées jusqu’à ériger la loi selon laquelle, les

hommes doivent pourvoir à leur besoin naturel, physique, intellectuel, voire même

ontologique et le contraire non. L’homme au lieu d’être considéré comme personne

capable de relation se réduit à une agence de distribution de biens. Cela se voit aussi de

l’autre côté chez certains hommes qui se cachent sous le manteau de l’agneau pour

escroquer les femmes généreuses. Derrière chacun de ces comportements malsains, se

voit l’être humain reduit à un simple instrument. La logique de relation est passée à la

logique du calcul. Il faut bien calculer pour pouvoir gagner gros. Ne nous lamentons pas

lorsque nous voyons hommes et femmes infidèles. C’est juste parce que l’être humain

porte en lui le germe de l’insatisfaction qui est ravivé par la flamme des désirs

démesurées. Pour certains,c’est la recherche à tout prix du plaisir sexuel et pour d’autres

la recherche du matériel en vue de paraître et se faire passer pour ce qu’on est pas.

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Je garde des souvenirs de certaines personnes qui au debut de nos échanges se

sont faites amies avec moi et avec qui j’ai développé une certaine “proximité continue-

discontinue”. Et comme les problèmes ne manquent jamais, ces personnes ont bien

pensé que je fusse l’homme idoine qui puisse résoudre tous leurs problèmes. Pour le

simple fait d’avoir manifesté mon incapacité de répondre à leur demande exaspérante,

les relations avec elles ont tarie. Cela m’a fait refléchir et je me suis demandé si pour

avoir des amis fiables et fidèles, il faudrait que chaque mois, je puisse régler les factures

d’amitiés? Sans entrer dans les spécificités et pour éviter de tomber dans le

marchandage d’idées et caprices de tout genre, j’ai décidé ne pas payer ces factures

d’amitiés.Ce que je viens de dire, ne signifie pas que je manque de générosité, bien au

contraire ma générosité passe sous le voile du silence et n’a pas besoin d’être mise à

l’épreuve. Pour moi il est clair et net qu’aucune amitié ne se vend au marché ni ne se

pèse selon le matériel. Ce discours est certes passif pour ces personnes qui refusent de le

comprendre. Mais chez moi,il est clair et aura toujours sa lettre de noblesse.

Si nous reclamons l’égalité des genres humains, il faut la réclamer à tous les

niveaux et ne pas seulement l’axer sur l’égalité homme-femme dans le foyer.Toutes ces

expériences m’ont permis de refléchir sur la valeur de l’être humain. Partant des

différents échanges entre amis, collègues, lectures et expériences éducatives, je suis

arrivé a deux conclusions:

- La première: l’être humain comme gratuité totale parceque né de la

gratuité.

- La deuxième: l’être humain comme altérité. Ce qui suppose un

Moi=Toi.

De ces deux conclusions, je me suis décidé de rompre avec la prison de la dette à

laquelle j’étais longtemps resté enfermé. Car auparavant j’avais en présence l’idée de la

dette comme, aider celui ou celle qui l’a fait pour moi. La prison de la dette suppose que

le maximum que doit atteindre l’homme est de suivre la loi de la pure réciprocité. Dans

ce sens, il tomberait dansla logique du: “Donner-Donner”.Les relations si elles sont

vues de la sorte restent conditionnées et vont jusqu’à faire de nous des personnes

endettées pour toujours.Cela s’applique aussi bien à l’amour qu’à toute réalité sociale.

L’amour s’il se donne ainsi, doit être soumis à diverses conditions:

- Aimer ceux qui m’aiment et déstester ceux qui me détestent

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- Aider ceux qui m’ont aidé et me passer de ceux qui se sont passés de moi.

- Prier uniquement pour ceux qui prient pour moi

- Verser la dot à la famille de la mariée et disposer d’elle à ma guise

- Saluer juste ceux qui me saluent, etc.

Si la vie doit être ainsi, nous serions tenté d’entrer dans la dynamique du “Faire”. En

effet comme rien n’est conditionné et que tout est gratuit, tout finit par se réduire à faire

ce que j’ai à faire parce que je dois le faire non pas comme un impératif catégorique, ni

comme une dette sinon parceque tout est gratuité. N’allons donc pas penser que nous

méritons la tendresse des autres parce que nous sommes la créature la plus belle qui

puisse exister au monde ou parce que nous sommes capables de solutionner tous les

problèmes (financiers, matériels, physiques, psychologiques) qui nous sont soumis.

Loin de là. Il ya bien plus une dimension profonde en nous qui fait en sorte que nous

puissions hériter gratuitement de l’amour et de la tendresse des autres. Cela se trouve

dans la pure gratuité et le désintéressement.

Dans le film du “Blanc d’Eyenga”, il se voit clair que Eyenga n’avait pas saisi le

sens de la gratuité. Elle est restée dans la logique du calcul: “je fais pour toi et tu fais

aussi plus que moi”. Par contre Tante Rim estallée jusqu’à comprendre la logique de la

gratuité en décidant de restaurer Jean François. En voyant en lui un Tu qui est égal a un

Elle en d’autres termes. Elle a opté pour le Moi=Toi. Si nous pouvons nous arrêter un

moment sur ces deux personnages et penser réellement le papier que nous devons jouer

dans la société en rapport aux autres, cela serait intéressant et pourra contribuir à

l’éducation sociale des moeurs.

Pour entrer déjà dans les grandes conclusions de ma reflexion, je dirai que la logique

de la Disproportion entre la Dette et la Pure Gratuité trouve sa raison d’être sur trois

éléments de la nature: la Rose; l’Arbre et la Lumière.

1- La rose offre toujours son arôme sans conditions et de façon gratuite. Elle ne le

fait pas parce que les hommes s’apporchent d’elle pour la cueillir en vue l’offrir

aux femmes et (vice versa). Son odeur n’est conditionnée par aucun mécanisme

humain ni par la capacité de la cueillir. Elle est plutôt gratuite et

inconditionnelle.

2- L’Arbre de son côté ne va jamais retirer son ombrage pour l’offrir à ceux qui

ont permis qu’il croisse. Au contraire, il nous protège (indépendemment de ce

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que nous sommes et de ce que nous lui procurons), des rayons du soleil. Son

action de nous donner de son ombrage est gratuite et désintéressée.

3- La lumière brille de manière gratuite inconditionnellement à la qualité morale

des personnes qui l’illuminent.

Tout ceci trouve aussi son fondement dans la Bible lorsque Jésus dans l’Evangile de

Mathieu, pour parler de Dieu dit: “Il fait lever le soleil sur les bons et les mauvais et fait

tomber la pluie sur les justes et les injustes” (Mt 5,45).

Si donc la clé fondamentale de la vie se radicalise dans la donation libre et gratuite

et non dans la dette, l’être humain doit donc être compris plus comme celui qui reçoit

que comme celui qui fait. D’une autre manière, peut seulement donner celui qui a reçu

de forme inconditionnelle.C’est cela qui sera la condition de possibilité d’offrir et de

s’offrir aux autres parce que son fondement se trouve dans le don reçu.Il est donc urgent

de se savoir reconnaissant et de savoir offrir non pour un mérite, ni pour un intérêt, ni

pour un service qui nous a été rendu sinon par pure gratuité. L’homme vient de la

gratuité, vit dans la gratuité et va vers la gratuité.