LE DÉSIR

LE DÉSIRFormateur : Yves LIOGIER

Collection Philosophique

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays à l’auteur. Dépôt légal : Septembre 2013

LE DÉSIR

On définit habituellement le désir comme une « tendance spontanée et consciente vers une fin connue

et imaginée » (Lalande). Il implique donc la CONSCIENCE, et

peut se muer en VOLONTE. La psychanalyse admet cependant

l’existence du désir INCONSCIENT lié à des souvenirs infantiles

indestructibles (à la MÉMOIRE).


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Dans les deux cas, promesse de plaisir et de BONHEUR, le désir est

associé à l’IMAGINATION (représentation, fantasme), ouvre

sur l’ILLUSION et peut être à l’origine de PASSIONS. Souvent en conflit avec la raison, il entre alors

dans la sphère de l’IRRATIONNEL.


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LE DÉSIRPar ailleurs, aspiration à ce qui n’est pas mais doit devenir, le désir s’inscrit dans une conscience spécifique du TEMPS ;

obéissant à l’appel de l’Autrement (et donc d’AUTRUI), il marque une tentative

d’échapper aux limites de l’individualité, tentative qui transparaît aussi bien dans la

CONNAISSANCE ou dans la RELIGION que dans l’ART ou la TECHNIQUE et peut

conduire à la transgression absolue, à la quête du totalement Autre : la MORT.

Enfin, le désir pose la question de la liberté dont il prétend être la manifestation.


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LE DÉSIR

Le désir du vrai n’est-il que l’expression d’un sentiment religieux ?


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Question

LE DÉSIR

Le désir du vrai n’est-il que l’expression

d’un sentiment religieux ?


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Question

L’énoncé de cette question est assez curieux dans la mesure où le désir du vrai n’apparaît pas

immédiatement comme l’expression d’un sentiment religieux.

Cette assertion mériterait en effet un examen, et il n’est pas interdit d’y procéder.

Cependant on ne saurait s’y borner : il est en effet surtout demandé dans cette question, si le désir du vrai est l’expression d’autre chose

que le sentiment religieux.

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« Je suis la Voie, la Vérité, la Vie » (Jean, 14,16).

Cette parole de l’Evangile marque bien ce qu’est Dieu pour la conscience religieuse :

la Vérité même.

Le désir du vrai est alors un mouvement de l’âme qui aspire à Dieu, à la connaître et à

jouir de sa vision béatifique.


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QuestionIntroduction

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Toutefois des esprits non religieux, voire résolument athées, sont également animés

d’un désir de connaître le vrai.

Il paraît donc légitime d’avancer que le désir du vrai peut être l’expression d’autre chose

que d’un sentiment religieux.

Examinons cela.


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QuestionIntroduction

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a) La thèse du sophiste Calliclès


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QuestionIntroductionLe désir du

vrai, désir de bonheur

On pourrait penser que la quête du bonheur n’a aucun rapport avec le désir du vrai. Dans le Gorgias de

Platon, le sophiste Calliclès soutient la thèse suivante :

Être heureux, c’est donner satisfaction à tous ses désirs.

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« Pour bien vivre, proclame Calliclès, il faut laisser prendre à ses passions tout l’accroissement possible, au lieu de les

réprimer, et, quand elle ont atteint toute leur force, être capable de leur

donner satisfaction par son courage et son intelligence et de remplir tous ses

désirs à mesure qu’ils éclosent »

(Gorgias, trad. Chambry, G.F., p. 235)

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Or philosopher, chercher le vrai, ne donne « aucune expérience des plaisirs »

et est donc inutile.

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b) La réponse de Socrate


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Pas de réel bonheur sans connaissance du vrai.

Socrate conteste ces perspectives et ses arguments inaugurent une longue tradition qui associe

bonheur et quête du vrai. Pour lui il existe des plaisirs qui n’apportent qu’un bonheur illusoire ; or pour être vraiment heureux, il faut précisément se

méfier des illusions trompeuses qui viennent des sensations et de l’opinion.

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Il faut donc philosopher, c’est-à-dire rechercher la vérité.

Philosopher permet en effet d’acquérir la connaissance des vrais biens, de ceux qui

apporteront une satisfaction juste à l’individu comme à la Cité.

Le savoir rationnel permet d’orienter l’action en vue du bonheur sans se laisser prendre

par des mirages.

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Le désir du vrai apparaît alors comme une expression du désir de bonheur.

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Nous désirons d’abord le vrai

Mais Socrate va plus loin. Le désir du vrai n’est pas en dernière analyse une

simple expression du désir de bonheur.

Il faut retourner cette proposition.

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Le désir du vrai est le désir fondamental de l’être humain, dont le bonheur n’est que

la satisfaction.

Le savoir authentique, la pleine possession du vrai, donne le bonheur suprême dans

la mesure où il comble le désir qui définit notre être essentiel (notre âme) :

Le désir de connaître.

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C’est pourquoi la mort ne peut inquiéter Socrate :

elle est « un raccourci qui nous mène au but, puisque, tant que nous aurons le

corps associé à l’âme dans notre recherche […], nous n’atteindrons jamais complètement ce que nous

désirons, et nous disons que l’objet de nos désirs, c’est la vérité »

(Socrate, Phédon, 66b)

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Tout amour est amour du vrai

Ce désir de connaître le vrai, Platon nous montre que c’est lui qui se cache

derrière ce sentiment qui à première vue nous paraît en être fort éloigné :

L’amour.

LE DÉSIRb) La réponse de Socrate


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Dans le Banquet, Socrate observe en effet que l’amour qui ne serait dirigé que vers la beauté des

corps serait vite source de souffrance et de déception ; en revanche, l’amour peut conduire à la félicité si, par une « dialectique ascendante », nous parvenons à passer de l’amour des beaux

corps à celui des belles âmes et enfin à la contemplations du Beau lui-même, c’est-à-dire à ce

savoir absolu du fondement de toutes les beautés particulières, Beau en soi qui est l’éclat du Bien et

du Vrai en soi.

Le mouvement ascendant de l’amour épouse donc exactement celui du désir du vrai.

LE DÉSIRMais l’analyse de Socrate, qui voit dans le désir

du vrai le désir fondamental de l’homme, n’est-elle pas victime d’une illusion, ne

repose-t-elle pas sur une méconnaissance de ce qu’est réellement le désir fondamental de l’être humain ?

Ne prend-elle pas en effet ce que le désir croit être pour ce qu’il est ?

Tel est du moins l’avis de Nietzsche.


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Nietzsche : le désir du vrai,

désir d’ignorer la Vérité

LE DÉSIRSelon Nietzsche, le désir du vrai est bien un désir de

bonheur, mais il masque le refus d’une vérité que l’être humain n’a pas la force de rencontrer :

Qu’il n’y a pas de vérité, puisque la Vérité est « le flux éternel de toutes choses » dans lequel

s’abîment toutes les vérités.

Le « vrai », le « savoir », ne sont que des illusions substituées à d’autres illusions, une

surestimation des seules valeurs qui puissent rendre « heureux » ceux qui, à travers elles,

évitent de rencontrer l’insupportable tragédie du Devenir, de la Vie.


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LE DÉSIRParadoxalement, donc, le désir du vrai cache le

désir de ne pas connaître la Vérité.

Le désir du vrai, l’entreprise philosophique toute entière comme la recherche

scientifique apparaissent alors comme autant de fuites devant la mortelle Vérité, ils

doivent être compris comme une quête de « vérités » illusoires mais utiles permettant

de réconforter des hommes malades :

Ce bonheur par le savoir-illusion engourdit

comme un narcotique.


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LE DÉSIRLe désir du vrai peut être conçu comme

l’expression d’autre chose qu’un sentiment religieux :

On peut y voir l’expression d’un désir de bonheur, le vrai bonheur ne pouvant

s’établir que dans et par la connaissance du vrai ; l’esprit ne peut être en paix, il ne peut goûter le repos que lorsqu’il sait, qu’il saisit la vérité.


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Conclusion

LE DÉSIRCe sentiment n’est pas en soi religieux,

mais, on le voit, est tout proche du sentiment religieux :

Posons la Vérité en absolu, défions-la, et ils ne se distinguent plus.

Mais cette déification, explicite ou implicite, de la Vérité ne trahit-elle pas le

véritable désir de l’homme :

ne pas voir la Vérité ? Collection

Philosophique23





Conclusion

LE DÉSIRN’érigeons-nous pas, comme l’enseigne Nietzsche, la « Vérité » en absolu parce que nous avons besoin d’elle pour nous

protéger de cette seule Vérité :

qu’il n’y a pas de vérité ?


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Conclusion

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