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ANIS - Arsenic - Coraia - Médias-Cité - PiNG - ... Pour une médiation numérique replacée au coeur des politiques publiques du numérique. A l'issue du Séminaire Interministériel sur le Numérique du 28 février 2013, une "feuille de route" a été approuvée par le Premier Ministre. Nous devons saluer que ce travail fasse écho à certains points soulevés dans le premier appel lancé par les acteurs de la médiation numérique. Il convient désormais de construire collectivement une stratégie opérationnelle et prospective. Ce texte succède donc à ce premier appel initié en amont de ce Séminaire Interministériel. Il s'amorce logiquement par la question de l'économie numérique notamment au regard du rattachement actuel de notre secteur au Ministère de l'Economie numérique. Il a vocation à faciliter l'émergence des politiques publiques et préfigure les chantiers ouverts et à lancer qui pourraient être alors abordés à l'occasion des prochaines Assises de la Médiation Numérique en 2013. La médiation numérique ou le chaînon manquant pour l’émergence d’une économie numérique L’émergence d’une économie numérique est notamment conditionnée par : la capacité d’appropriation de l’innovation numérique par les citoyens, la développement de lieux et de démarches qui expérimentent et fabriquent la société numérique au quotidien, la construction d’un regard critique sur les outils numériques permettant des usages qualifiés et des démarches actives du citoyen. En effet, l’Economie numérique n’est jusqu’à présent pensée qu’à travers ses seuls aspects d’infrastucture et de produits/services. Mais force est de constater que déploiement du Haut-Débit et du Très Haut Débit, la production de contenus, le soutien à la R&D ne produiront des effets socio-économiques durables et relocalisés qu’à la condition expresse que les “exploitants”, “producteurs” et “chercheurs” ne soient pas exclusivement extra-européens. Or, seuls les acteurs de la médiation numérique se positionnent, en permettant à la population de développer une lecture critique des usages numériques, comme “relais d’opinions” voire comme “prescripteurs

Pour une médiation numérique replacée au coeur des politiques publiques du numérique

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A l'issue du Séminaire Interministériel sur le Numérique du 28 février 2013, une "feuille de route" a été approuvée par le Premier Ministre. Nous devons saluer que ce travail fasse écho à certains points soulevés dans le premier appel lancé par les acteurs de la médiation numérique. Il convient désormais de construire collectivement une stratégie opérationnelle et prospective.

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ANIS - Arsenic - Coraia - Médias-Cité - PiNG - ...

Pour une médiation numérique replacée au coeur des politiques publiques du numérique.

A l'issue du Séminaire Interministériel sur le Numérique du 28 février 2013, une "feuille de route" a été approuvée par le Premier Ministre. Nous devons saluer que ce travail fasse écho à certains points soulevés dans le premier appel lancé par les acteurs de la médiation numérique. Il convient désormais de construire collectivement une stratégie opérationnelle et prospective.Ce texte succède donc à ce premier appel initié en amont de ce Séminaire Interministériel. Il s'amorce logiquement par la question de l'économie numérique notamment au regard du rattachement actuel de notre secteur au Ministère de l'Economie numérique.Il a vocation à faciliter l'émergence des politiques publiques et préfigure les chantiers ouverts et à lancer qui pourraient être alors abordés à l'occasion des prochaines Assises de la Médiation Numérique en 2013.

La médiation numérique ou le chaînon manquant pour l’émergence d’une économie numérique

L’émergence d’une économie numérique est notamment conditionnée par :

● la capacité d’appropriation de l’innovation numérique par les citoyens,● la développement de lieux et de démarches qui expérimentent et fabriquent la société

numérique au quotidien,● la construction d’un regard critique sur les outils numériques permettant des usages

qualifiés et des démarches actives du citoyen.

En effet, l’Economie numérique n’est jusqu’à présent pensée qu’à travers ses seuls aspects d’infrastucture et de produits/services. Mais force est de constater que déploiement du Haut-Débit et du Très Haut Débit, la production de contenus, le soutien à la R&D ne produiront des effets socio-économiques durables et relocalisés qu’à la condition expresse que les “exploitants”, “producteurs” et “chercheurs” ne soient pas exclusivement extra-européens. Or, seuls les acteurs de la médiation numérique se positionnent, en permettant à la population de développer une lecture critique des usages numériques, comme “relais d’opinions” voire comme “prescripteurs d’usages” pour les citoyens du numérique. Entre autres exemples, le lancement d’un moteur de recherche français ou européen n’aura finalement que peu de chance d’aboutir sans le soutien de la médiation numérique auprès des usagers...

De plus, comme précisé dans le rapport Collin & Colin1, la production de valeur repose aujourd’hui en grande partie sur les usagers du numérique notamment par leurs productions de données personnelles ensuite exploitées. C’est cette production de valeur que l’on retrouve dans l’accompagnement des citoyens par les acteurs de la médiation numérique lorsque ceux-ci mette en place des ateliers de co-construction -avec des porteurs de projets locaux- de services innovants exploitant ces données, générant alors de réels modèles économiques et permettant de restituer équitablement une partie de la valeur créée. C’est ainsi tout le sens des

1 http://www.economie.gouv.fr/rapport-sur-la-fiscalite-du-secteur-numerique

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actions conduites dans ces lieux autour de l’OpenData.

Enfin, les lieux de médiation numérique constituent finalement autant de “laboratoires vivants” (LivingLab) dans lesquels -en partenariat avec les Universités et les Laboratoires de recherche-, il devient possible d’explorer avec les communautés d’usagers de ces lieux de nouvelles pistes de recherches appliquées sur les usages, l’ergonomie, d’expérimenter de nouveaux objets connectés voire d’initier leur fabrication (FabLab). Et ce, sans avoir à redéployer de nouveaux équipements. Sans compter que de nouvelles formes de travail y sont possibles (coworking).

Les ingrédients, les compétences et les lieux sont donc déjà réunis pour l’émergence d’une économie numérique. C’est par la solidification des acteurs de la médiation numérique, leur montée en compétences et leur hybridation que la brique manquante de l’Economie numérique s’offre à notre territoire, véritable singularité européenne, véritable opportunité pour nos filières!

La médiation numérique ou l’endroit de la transformation des pratiques sociales et professionnelles à l’ère numérique.

La médiation numérique est l’endroit de construction de la citoyenneté numérique. Par leurs démarches d’éducation populaire (parfois même d’écrivain public numérique) et parce qu’ils travaillent sur toutes les générations et conditions, les lieux de médiation numérique constituent autant d’Universités Populaires du numérique. On y construit, débat et produit de nouveaux liens sociaux “numériques”, de nouvelles formes de coopérations, des économies de la contribution.Ainsi se constituent autant de modèles de développement socio-économique au coeur de la société numérique, bien au-delà des seuls modèles communautaires issus des technologies relationnelles2 et autres industries de programmes3. Il est donc nécessaire de concentrer les moyens sur ces démarches productrices d’alternatives plutôt que sur la seule correction de pratiques anxiogènes. C’est ainsi que les pouvoirs publics contribueront la mise en oeuvre d’une véritable société numérique.

La médiation numérique est l’endroit qui s’attache à “prendre soin de la jeunesse et des générations”4. Elle s’assure du croisement de ces générations, sans confondre habiletés d’usages (plutôt centrées sur les jeunes générations) et transmissions entre les générations. Elle permet ainsi des compréhensions réciproques, coupant court aux risques de ruptures générationnelles, sans fantasmer pour autant à propos d’une génération en attente d’apprentissages et de distance critique, recréant l’attention nécessaire à toute construction sociale. Elle s’assure également de la rencontre des catégories sociales tout en favorisant les coopérations entre elles.

2 http://arsindustrialis.org/technologies-relationnelles

3 Des technologies et des industries le plus souvent toxiques s’ils ne font pas l’objet d’un accompagnement. http://arsindustrialis.org/glossary/term/111

4 Bernard Stiegler / Ars Industrialis : http://arsindustrialis.org/node/2973

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La médiation numérique est l’endroit d’accompagnement des nouveaux modes de consommation des biens culturels. Elle constitue la seule et véritable alternative aux approches centrées sur le seul traitement répressif des nouveaux modes de consommation de ces biens culturels.En ce sens, les lieux de médiation numérique sont une solution opérationnelle : loin des fonctionnements individuels et privés qui ne peuvent faire l’objet d’accompagnement, ils sont l’endroit de rencontre entre les industries culturelles et les usages des biens culturels, voire de pratiques créatives par la population. C’est par leur rôle de tiers de confiance et d’intermédiation qu’ils contribuent à l’émergence de services innovants centrés sur la diversité culturelle où peuvent se construire de nouveaux consensus à mi-chemin entre productions de biens communs et nouveaux modèles de rémunération des auteurs. De cette façon, les lieux de médiation numériques contribuent à initier de nouveaux rapports à la connaissance aux oeuvres et la production de nouvelles formes économiques.

La médiation numérique est l’endroit de la découverte des nouveaux usages, de montée en compétences pour tous les citoyens, mais également l’endroit de la mise en perspective des impacts sur le quotidien. Des impacts sur le travail5, sur le vivre-ensemble, sur les addictions, sur les nouveaux modes de représentation du monde, sur la santé,sur les nouveaux rapports à l’administration, sur les pratiques pédagogiques, sur les nouvelles formes de concertation, etc.En réponse à ces changements profonds, la médiation numérique contribue dès à présent à de véritables stratégies de remédiation : inclusion numérique, éducation formelle et non formelle, technique de soi6, etc.

La médiation numérique est le seul véritable aménageur numérique du territoire. En effet, le territoire ne saurait être aménagé par les seules prises de connexions à Internet mais bien avec la population : il en a été ainsi lorsque la République a considéré que l’Ecole devait aménager le territoire parce que l’existence des livres n’était pas suffisante. Il s’agit donc bien d’une médiation des savoirs placée au coeur d’un projet républicain. Et s’’il est désormais admis -à l’issue du Séminaire Interministériel du 28 février 2013- que l’appropriation collective et la citoyenneté numérique sont placées au coeur des enjeux de société, la médiation numérique, et plus particulièrement les médiateurs numériques, doivent être replacés au coeur du dispositif interministériel.

Par conséquent, le périmètre de la médiation numérique est de concilier :- l’inclusion numérique,- la fonction observatoire des représentations, des pratiques et des attentes à l’ère numérique,- la fonction laboratoire de fabrication de la société numérique,- l’articulation entre développement territorial et usages mondialisés.

Et ce, avec une approche :- d’aménagement numérique du territoire,

5 Coworking, visio-conférence, mobilité, etc.

6 http://alaingiffard.blogs.com/culture/techniques-de-soi/

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- de construction d’une citoyenneté numérique.

La médiation numérique : un enjeu stratégique.

Il faut désormais transformer les intuitions, les expérimentations et les démonstrations en une véritable stratégie nationale portée collectivement par l’Etat, les collectivités, les acteurs socio-économiques et les acteurs de terrain.Pour cela il s’agit de mettre en oeuvre des partenariats d’un nouveau type, dépassant le seul cadre des subventions. Des partenariats centrés sur des démarches d’Economie Sociale et Solidaire, d’Economies plurielles, dans lesquelles toutes les parties prenantes assument leur part d’investissements productifs à l’image d’une Société numérique partagée par le plus grand nombre, qui agrège tout à la fois Education populaire, Développement économique relocalisé et Développement territorial partagé.

Il s’agit par conséquent de s’appuyer :- sur les compétences développées depuis 15 ans par les professionnels (animateurs multimédia, médiateurs numériques, chargés de développement numérique, ingénieurs de projets, etc.),- sur le réseau de lieux de pratiques numériques le plus dense d’Europe (plus de 5000 lieux),

- sur le produit de 15 ans de politiques publiques, certes disparates et peu équilibrées, mais existantes,- sur la capacité de mobilisation de communautés d’usagers par les lieux de médiation numérique.

Et pour mettre en oeuvre une politique volontariste et cohérente avec les enjeux de la Transition numérique de la société, il est nécessaire de renforcer les missions confiées à la Délégation aux Usages de l’Internet (DUI). Tout en la rattachant au Ministère de l’Economie numérique, la DUI, historiquement légitime pour intervenir dans le champ de la médiation numérique, doit disposer d’un réel ancrage interministériel en phase avec l’ambition du dernier séminaire gouvernement sur les questions du numérique...

C’est de cette manière que la DUI deviendra le véritable catalyseur des politiques publiques d’Etat sur ces questions, coordonnant les démarches de chaque ministère, permettant aux collectivités territoriales et aux acteurs de la médiation numérique de disposer d’un interlocuteur unique pour coordonner les efforts de chacune des parties prenantes.

Cette DUI 2.0 pourra notamment répondre aux enjeux suivants :- porter, notamment par un rapport d’Orientation générale confié au secteur, une vision prospective du développement de la médiation numérique au regard des enjeux décrits,- inclure la question de la médiation numérique dans le nouveau projet de décentralisation afin que soit nommé un chef de file,- fédérer les acteurs socio-économiques autour des enjeux de la médiation numérique,

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notamment par la saisine du CESE7, et l’interpellation des CESER pour la prise en compte de la filière numérique et de la médiation numérique, voire leur représentation dans leur composition,- prévoir, en lien avec les Conseillers TIC des SGAR8, la prise en compte de la médiation numérique dans la production des DOCUP9 à l’occasion du transfert de gestion des fonds FEDER et FSE aux Régions,- prendre en compte la médiation numérique dans les projets de réforme de la fiscalité numérique, notamment autour des pistes du rapport Collin & Colin,- assurer un véritable lieu de conférence permanente avec les différents échelons de collectivités territoriales pour s’assurer d’une co-construction des politiques publiques plus équitables sur l’ensemble du territoire,- contribuer au mandatement des lieux de médiation numérique sur l’accompagnement territorialisé à l’appropriation des usages du numérique, notamment par le biais de conventions-cadres avec les services publics de l’emploi, les chambres consulaires, les administrations locales, garantissant ainsi la “reconnaissance” locale des acteurs et leurs modèles économiques,- missionner des structures ressources régionales, chargées de coordonner, d’accompagner et de diagnostiquer les attentes et les besoins territoriaux de la médiation numérique,- contribuer par la coordination nationale de ces acteurs régionaux à l’évolution et l’évaluation des politiques publiques déployées sur les territoires,- participer ainsi à la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, à la montée en compétences des lieux et des acteurs pour qu’ils puissent à terme devenir de véritables acteurs de projets numériques de territoire.

7 http://www.lecese.fr/

8 http://fr.wikipedia.org/wiki/Secr%C3%A9taire_g%C3%A9n%C3%A9ral_aux_affaires_r%C3%A9gionales

9 http://www.europe-en-aquitaine.eu/docup