1
Le Parisien Jeudi 16 juillet 2015 Modifié Eric LEGER LA VOCATION de Camille, c’est de devenir psychologue. Mais ce n’est pas en fac de psycho que la bacheliè- re a été affectée mais selon ses der- niers vœux : sociologie, sciences du langage et sciences sociales. « J’ai tout eu sauf psycho, que je deman- dais dans mes sept premiers choix », se désole-t-elle. Selon une enquête publiée hier par le premier syndicat étudiant, l’Unef, au moins 5 000 ba- cheliers seraient toujours en attente d’affectation ou assignés à un choix par défaut, en bas dans leur liste de vœux formulés lors des admissions post-bac (APB). « La moitié d’entre eux n’a aucune affectation », rappor- te William Martinet, président du syndicat, qui pointe une année parti- culièrement tendue. « C’est dû à deux phénomènes : des capacités d’accueil réduites à cause des difficultés budgétaires des universités et un nombre d’inscrip- tions en augmentation », estime-t-il. Face à ces tensions, encore plus criantes en Ile-de-France et dans les filières Staps (sport), droit, économie et biologie, certaines universités ont mis en place des procédures de sé- lection : entretiens, étude du dossier, alors que ce sont en théorie des filiè- res non sélectives, accessibles à tous. « C’est illégal, le premier cycle en université doit être libre d’accès », dénonce l’Unef, alors que le secrétai- re d’Etat à l’Enseignement supérieur, Thierry Mandon, a admis que, « dans moins de 10 % des cas », des diffi- cultés existaient. « C’est injuste, c’est un ordinateur qui a décidé pour moi ! » s’indigne Camille, qui ne s’imagine pas sur les bancs de la fac de socio. « Au mo- ment de rentrer mes vœux dans le système APB, j’ai été alertée par un message que je voulais des filières à capacité limitée », se souvient la jeu- ne fille de Villebon-sur-Yvette (Es- sonne), qui avait décidé de mettre le maximum de chances de son côté : « J’ai aussi demandé psycho à Lyon où j’ai de la famille qui peut m’hé- berger. » Avec des bulletins solides récompensés par une mention assez bien au bac L, elle ne pensait pas faire partie des recalés. Impliquée, l’élève a travaillé dur, pour présenter le meilleur dossier et a d’ailleurs dé- croché un 18 au bac en littérature anglaise. « J’aurais adoré avoir mon premier choix, à l’université Paris- Descartes, où il y a des cours de psy- cho en anglais », regrette-t-elle. Camille avait écumé les portes ou- vertes et même assisté à la journée d’immersion de l’université Descar- tes. Et maintenant ? « J’ai pensé au privé, mais c’est beaucoup trop cher. » Accrocheuse, la bachelière envisage de suivre un cursus auprès d’une université publique… par cor- respondance. « Je prendrai un petit boulot en parallèle », se figure-t-elle, envisageant même d’aller au culot décrocher un entretien avec le prési- dent de la fac de son premier choix. Le ministère de l’Education a indi- qué qu’il étudierait les dossiers en souffrance et ferait « du cas par cas pour que les bacheliers aient l’affec- tation qui correspond à leur choix ». Avec 50 000 étudiants supplémen- taires par an, Thierry Mandon met les pieds dans le plat : « Je lance une alerte, le choc démographique de l’université aujourd’hui […] mérite qu’on soutienne financièrement de manière pérenne et sécure les éta- blissements. » FLORA GENOUX Villebon-sur-Yvette (Essonne), hier. A l’instar de Camille, 5 000 bacheliers seraient toujours en attente d’affectation ou assignés à un choix par défaut, selon l’Unef Son bac ne suffit pas pour la fac ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. Camille n’a pas été acceptée dans la filière de son choix. Un phénomène qui s’amplifie. Des bulletins solides et une mention AB

Universités - Affectation imposée

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Universités - Affectation imposée

?Le Parisien

Jeudi 16 juillet 2015Modifié Eric LEGER

LA VOCATION de Camille, c’est dedevenir psychologue. Mais ce n’estpas en fac de psycho que la bacheliè-re a été affectée mais selon ses der-niers vœux : sociologie, sciences dulangage et sciences sociales. « J’aitout eu sauf psycho, que je deman-dais dans mes sept premiers choix »,se désole-t-elle. Selon une enquêtepubliée hier par le premier syndicatétudiant, l’Unef, au moins 5 000 ba-cheliers seraient toujours en attented’affectation ou assignés à un choixpar défaut, en bas dans leur liste devœux formulés lors des admissionspost-bac (APB). « La moitié d’entreeux n’a aucune affectation », rappor-te William Martinet, président dusyndicat, qui pointe une année parti-culièrement tendue.« C’est dû à deux phénomènes :

des capacités d’accueil réduites àcause des difficultés budgétaires desuniversités et un nombre d’inscrip-tions en augmentation », estime-t-il.Face à ces tensions, encore pluscriantes en Ile-de-France et dans lesfilières Staps (sport), droit, économieet biologie, certaines universités ontmis en place des procédures de sé-lection : entretiens, étude du dossier,alors que ce sont en théorie des filiè-

res non sélectives, accessibles à tous.« C’est illégal, le premier cycle enuniversité doit être libre d’accès »,dénonce l’Unef, alors que le secrétai-re d’Etat à l’Enseignement supérieur,ThierryMandon, a admis que, « dansmoins de 10% des cas », des diffi-cultés existaient.

« C’est injuste, c’est un ordinateurqui a décidé pour moi ! » s’indigneCamille, qui ne s’imagine pas sur lesbancs de la fac de socio. « Au mo-ment de rentrer mes vœux dans lesystème APB, j’ai été alertée par unmessage que je voulais des filières àcapacité limitée », se souvient la jeu-ne fille de Villebon-sur-Yvette (Es-sonne), qui avait décidé de mettre lemaximum de chances de son côté :« J’ai aussi demandé psycho à Lyonoù j’ai de la famille qui peut m’hé-berger. » Avec des bulletins solidesrécompensés par une mention assezbien au bac L, elle ne pensait pasfaire partie des recalés. Impliquée,l’élève a travaillé dur, pour présenterle meilleur dossier et a d’ailleurs dé-

croché un 18 au bac en littératureanglaise. « J’aurais adoré avoir monpremier choix, à l’université Paris-Descartes, où il y a des cours de psy-cho en anglais », regrette-t-elle.Camille avait écumé les portes ou-

vertes et même assisté à la journéed’immersion de l’université Descar-tes. Et maintenant ? « J’ai pensé auprivé, mais c’est beaucoup tropcher. » Accrocheuse, la bachelièreenvisage de suivre un cursus auprèsd’une université publique… par cor-respondance. « Je prendrai un petitboulot en parallèle », se figure-t-elle,envisageant même d’aller au culotdécrocher un entretien avec le prési-dent de la fac de son premier choix.Leministère de l’Education a indi-

qué qu’il étudierait les dossiers ensouffrance et ferait « du cas par caspour que les bacheliers aient l’affec-tation qui correspond à leur choix ».Avec 50 000 étudiants supplémen-taires par an, Thierry Mandon metles pieds dans le plat : « Je lance unealerte, le choc démographique del’université aujourd’hui […] méritequ’on soutienne financièrement demanière pérenne et sécure les éta-blissements. »

FLORA GENOUX

Villebon-sur-Yvette (Essonne), hier. A l’instar de Camille, 5 000 bacheliers seraient toujours en attente d’affectation ou assignés à un choix par défaut, selon l’Unef

Son bac ne suffit paspour la facENSEIGNEMENTSUPÉRIEUR.Camille n’a pas été acceptéedans la filière de son choix. Un phénomène qui s’amplifie.

Des bulletins solideset une mention AB

EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné
EL
Texte surligné