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INTERNET PEUT-IL NOUS OUBLIER ? EMC L YCÉE GUSTAVE EIFFEL DE GAGNY

Internet peut-il nous oublier

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INTERNET PEUT-IL NOUS OUBLIER ?

EMC – LYCÉE GUSTAVE EIFFEL DE GAGNY

« La malédiction de la mémoire »

Jorge Luis Borgès (1899-1986)

En effet, non seulement Funes se rappelait chaque feuille de chaque arbre de chaque bois, mais chacune des fois qu’il l’avait vue ou imaginée. Il décida de réduire chacune de ses journées passées à quelque soixante-dix mille souvenirs, qu’il définirait ensuite par des chiffres. [...] Il était le spectateur solitaire et lucide d’un monde multiforme, instantané et presque intolérablement précis. […] Funes, allongé dans son lit, dans l’ombre, se représentait chaque fissure et chaque moulure des maisons précises qui l’entouraient. [...] Je soupçonne cependant qu’il n’était pas très capable de penser. Penser c’est oublier des différences, c’est généraliser, abstraire. Dans le monde surchargé de Funes il n’y avait que des détails, presque immédiats. »

BORGÈS, J.L. « Funes ou la mémoire », Fictions, 1961.

«

Selon vous, peut-on faire disparaître nos données des réseaux sociaux ?

Plan du cours

Quelles données de nous laissons-nous ?

Que signifie faire disparaître des données du web ? Est-ce possible ?

Un appel à la responsabilisation dans les publications

Que laissons-nous derrière nous ?

Un exemple : Max Schrems contre Facebook

Un jeune autrichien de 27 ans, demande à Facebook de lui faire parvenir toutes les données liées à son compte. Il reçoit un document de plus de 1200 pages. Ses publications, Ses messages privés, Ses demandes d’amis,

Les données qu’il avait lui-même effacées sont aussi présentes ! Il manque les interactions avec le bouton « like » et les données de reconnaissance faciale.

Source : LeMonde.fr

Que laissons-nous derrière nous ?

Comment Facebook en vient à conserver une telle quantité de données sur nous ?

Pourquoi publions-nous autant de données sur ces réseaux ?

Mise en valeur de soi selon un idéal vers lequel on souhaite tendre. Cette même image de soi va s’adapter par rapport à la communauté

virtuelle à laquelle on appartient.

Que laissons-nous derrière nous ?

Comment Facebook en vient à conserver une telle quantité de données sur nous ?

Pourquoi publions-nous autant de données sur ces réseaux ?

Mise en valeur de soi selon un idéal vers lequel on souhaite tendre. Cette même image de soi va s’adapter par rapport à la communauté

virtuelle à laquelle on appartient.

« Quand un acteur se trouve en présence d’un public, sa représentation tend à s’incorporer et à illustrer les valeurs sociales officiellement reconnues […] Bien plus, dans la mesure où l’on finit par regarder comme la réalité même l’expression qu’en donnent les représentations, on confère à ce que l’on tient à ce moment là pour le réel une sorte de consécration officielle. […] Le monde en vérité est une cérémonie. »

GOFFMAN, Erving. La mise en scène de la vie quotidienne, T1 : La présentation de soi , 1973

Que laissons-nous derrière nous ?

Comment Facebook en vient à conserver une telle quantité de données sur nous ?

Pourquoi publions-nous autant de données sur ces réseaux ?

Mise en valeur de soi selon un idéal vers lequel on souhaite tendre. Cette même image de soi va s’adapter par rapport à la communauté

virtuelle à laquelle on appartient.

« Quand un acteur se trouve en présence d’un public, sa représentation tend à s’incorporer et à illustrer les valeurs sociales officiellement reconnues […] Bien plus, dans la mesure où l’on finit par regarder comme la réalité même l’expression qu’en donnent les représentations, on confère à ce que l’on tient à ce moment là pour le réel une sorte de consécration officielle. […] Le monde en vérité est une cérémonie. »

GOFFMAN, Erving. La mise en scène de la vie quotidienne, T1 : La présentation de soi , 1973

Que laissons-nous derrière nous ?

Pourquoi Facebook conserve-t-il toutes ces données ?

Une réponse qui tient au modèle commercial du Web !

A terme, chacun doit avoir « son propre internet », un internet « profil centré » et des publicités qui sont propres à son utilisateur.

Cela passe par une collecte massive de données.

Que laissons-nous derrière nous ?

Pourquoi Facebook conserve-t-il toutes ces données ?

Une réponse qui tient au modèle commercial du Web !

A terme, chacun doit avoir « son propre internet », un internet « profil centré » et des publicités qui sont propres à son utilisateur.

Cela passe par une collecte massive de données.

Que laissons-nous derrière nous ?

Pourquoi Facebook conserve-t-il toutes ces données ?

Une réponse qui tient au modèle commercial du Web !

A terme, chacun doit avoir « son propre internet », un internet « profil centré » et des publicités qui sont propres à son utilisateur.

Cela passe par une collecte massive de données.

Que laissons-nous derrière nous ?

Pourquoi Facebook conserve-t-il toutes ces données ?

Une réponse qui tient au modèle commercial du Web !

A terme, chacun doit avoir « son propre internet », un internet « profil centré » et des publicités qui sont propres à son utilisateur.

Cela passe par une collecte massive de données.

Que laissons-nous derrière nous ?

Sur le Web, comme l’antilope, l’homme devient un « document »

Que laissons-nous derrière nous ?

Sur le Web, comme l’antilope, l’homme devient un « document »

« L’antilope qui court dans les plaines d’Afrique ne peut être considérée comme un document […] Mais si elle est capturée, et devient un objet d’études, on la considère alors comme un document. »

BRIET, Suzanne. Qu’est-ce que la documentation?, 1951

Effacer nos traces dans un environnement commercial qui les utilise, est-ce possible ?

Comment existe-t-on sur le Web ? Quelle est la condition pour exister sur le Web ?

Il faut pouvoir apparaître dans les pages de résultat d’un moteur de recherche.

Le droit à l’oubli n’existe pas sur le Web : il faut plutôt parler de « droit au déréférencement »

Effacer nos traces ? Pas si évident …

Les requêtes de suppression d’URL faites à Google entre mai 2014 et mai 2016 :

Source : Archimag.com

Suppressions rejetées; 303150

Suppressions autorisées;

123824

Effacer nos traces ? Pas si évident …

Les requêtes de suppression d’URL faites à Google entre mai 2014 et mai 2016 :

0

10

20

30

40

50

60

70

Atteinte à la vie privée Atteinte à la réputation Atteinte à l'image

Motif des plaignants

Requêtes en pourcentage

Source : Archimag.com

Effacer nos traces ? Pas si évident …

Les requêtes de suppression d’URL faites à Google entre mai 2014 et mai 2016 :

0

5

10

15

20

25

30

35

Concerne votre vie professionnelle Vous êtes à l'origine de ce contenu (y compris réseaux sociaux)

Toujours d'actualité et d'intérêt public

Raisons du refus de Google

Réponses en pourcentage

Source : Archimag.com

Effacer nos traces ? Pas si évident …

Prudence ! ces suppressions de données ne concernent que les versions européennes de Google.

Mais elles sont toujours disponibles sur la version américaine du moteur de recherche !

Effacer nos traces dans un environnement commercial qui les utilise, est-ce possible ?

Le droit à l’oubli n’existe pas sur le Web : il faut plutôt parler de « droit au déréférencement »

Vos données existeront toujours, et resteront accessibles, mais via d’autres modes que ceux d’un moteur de recherche, voire selon un autre moteur de recherche.

Effacer nos traces ? Pas si évident …

Des traces qui sont les nôtres au départ, et qui ne le sont plus ensuite …

Effacer nos traces ? Pas si évident …

Des traces qui sont les nôtres au départ, et qui ne le sont plus ensuite …

Le Web permet une forme de « viralité » des données. Publier, c’est donner l’opportunité à d’autres utilisateurs

de les réutiliser et les rediffuser sur d’autres canaux.

Perte de contrôle de ses propres informations

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Le droit à l’oubli étant pour l’heure difficile à mettre en place, et que rien n’est éphémère, il reste qu’Internet demeure pour ses utilisateurs « un espace public » dans lequel les transgressions restent affichées, et donc soumises à des lois et des procédures judiciaires.

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Cas n°1 :

En moto, je viens d’être contrôlé par les gendarmes. Il se trouve que je n’ai plus de permis et plus d’assurance valide. Je suis donc convoqué par la gendarmerie. Une fois chez moi, de colère, j’insulte ces gendarmes sur mon Facebook (profil public)

La justice peut-elle me poursuivre ?

De ce fait, il a été jugé en correctionnel et condamné à 3 mois de prison ferme ainsi qu'à 1200 euros d'amende pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique.

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Cas n°2 :

En moto, je viens d’être contrôlé par les gendarmes. Il se trouve que je n’ai plus de permis et plus d’assurance valide. Je suis donc convoqué par la gendarmerie. Une fois chez moi, de colère, j’insulte ces gendarmes sur un groupe privé qui rassemble ma communauté de motards sur Facebook et les mets en garde sur les contrôles dans la région.

La justice peut-elle me poursuivre ?

Les individus ont été placés en garde à vue le 9 mai 2016. Ils sont sortis du tribunal de Bordeaux avec une amende et l'obligation de suivre un stage de citoyenneté.

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Cas n°3 :

Je suis employé dans une entreprise. Le nouveau patron qui vient d’arriver est « un abruti fini, un crétin complet » et je décide de le faire savoir en ces termes sur Facebook à mes proches.

Puis-je me faire licencier ?

Oui ! Depuis 2006, les réseaux sociaux servent de moyens de droit pour justifier le licenciement pour faute de salariés.

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Exemple 1 : En octobre 2006, une ex salariée de Nissan, a été poursuivie pour injure et diffamation par son ancien employeur pour des propos tenus sur son blog visant à raconter ce qu’elle considère comme une mise au placard, après son retour de congé parental, puis son licenciement et la mise en ligne de courriers échangés avec sa direction sur lesquels des noms apparaissaient. Elle a été condamnée pénalement et a été déboutée de ses demandes par le Conseil des Prud’hommes

Exemple 2 : En octobre 2007, un stagiaire à l'Anglo Irish Bank, a été renvoyé par son employeur suite à l’envoi d’un courriel à son supérieur afin de l’informer d’un "évènement familial" l’empêchant de venir travailler alors que le lendemain ce dernier a découvert sur son profil Facebook des photographies du stagiaire déguisé en fée lors d’une soirée d’Halloween arrosée

Exemple 3 : En novembre 2008, des employés de Michelin qui avaient critiqué leur employeur sur le site de réseau social, Copains-d'avant, ont été licenciés pour avoir dit : « Boulot de bagnard », « exploiteur », « Production, production, mais fiche de paie toujours pareil »

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Exemple 4 : En décembre 2008, trois salariées de la société Alten ont critiqué sur Facebook leur hiérarchie et la direction des ressources humaines. Une “amie” commune sur Facebook et aussi employée de cette société a communiqué leur conversation à la direction qui les a licencié pour « incitation à la rébellion et dénigrement ». Deux des salariées d’Alten ont porté l’affaire devant les prud’hommes qui devrait rendre sa décision courant 2011.

Exemple 5 : En 2009, une utilisatrice de Facebook a été licenciée par son employeur suisse pour avoir posté sur le réseau social du contenu durant son congé maladie alors que celle-ci était en arrêt maladie pour cause de migraine, l'obligeant à rester dans le noir et l'empêchant de travailler sur écran.

Où est le droit à la vie privée dans ces cas ???

En principe, un fait relevant de la vie privée ne peut jamais faire l'objet d'une sanction.

Cependant, la cour de cassation a jugé que des faits relevant de la vie privée, tels que

des conversations privées, peuvent être sanctionnés par l'employeur s'ils ont un lien avec l’activité professionnelle et qu'ils causent un trouble objectif à l'entreprise.

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Cas n°4 :

Je suis terriblement fan d’une célébrité. Je décide de créer un compte facebook avec son nom et ses photos, et publiant des commentaires en son nom

La justice peut-elle me poursuivre ?

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Cas n°4 :

Je suis terriblement fan d’une célébrité. Je décide de créer un compte Facebook avec son nom et ses photos, et publiant des commentaires en son nom

La justice peut-elle me poursuivre ?

2010 : Omar Sy a fait identifier un internaute, grâce à son adresse IP, avant de l’assigner en justice pour avoir usurpé son identité. Ce dernier a été assigné en référé sur le fondement de l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image de l’artiste. Il fut condamné à 4 000 euros dont 2 500 euros à titre de réparation, par une ordonnance de référé du 24 novembre 2010 du TGI de Paris pour avoir créé un faux profil de l’artiste sur Facebook Usurpation d’identité

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Bilan des principales fautes poursuivies sur les réseaux sociaux : Les injures (« Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne

renferme l’imputation d’aucun fait est une injure »)

Les diffamations (« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à

l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé »)

Les cas de cyber-harcèlements

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Bilan des principales fautes poursuivies sur les réseaux sociaux : Les injures (« Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne

renferme l’imputation d’aucun fait est une injure »)

Les diffamations (« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à

l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé »)

Les cas de cyber-harcèlements

L'incitation ou la provocation à la violence ou/et à la haine raciale

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Une nécessaire responsabilité dans les publications

Snapchat ?

Et Snapchat alors ? Ne serait-il pas le modèle par excellence de « l’oubli » sur le Net ?

Snapchat : l’illusion de l’oubli

Des images utilisables par les familles et la Justice

Snapchat : l’illusion de l’oubli

Des contenus qui peuvent constituer des preuves utilisables contre des individus dans une affaire judiciaire

Conclusions

- Le droit à l’oubli reste pour l’instant une illusion sur Internet !

- Le modèle commercial à l’usage sur Internet exploite précisément toutes ces traces que nous y laissons, et « les grands du Web » (Google, Facebook, …) n’ont aucun intérêt à encourager leur oubli.

- Conséquence de cette pérennité : il faut se montrer prudent dans les publications que l’on peut faire sur les réseaux sociaux, régis par les règles juridiques de l’espace public Prendre soin de sa « E-Reputation »